Cher M. Dispiace,

J'ai longtemps hésité avant de répondre à ta missive. Toi qui n'est pas un adepte du courrier du coeur, selon tes propres mots, pourquoi est-ce que j'aurais perdu du temps à te répondre? Mais bon, il n'y a que les idiots qui ne changent pas d'avis, n'est-ce pas?

Tu as fui. Bien sûr, sur le coup ça a dû être blessant pour cette personne que tu évoques. Très blessant, même. Elle ne demandait que quelques mots, ou une ridicule petite phrase, qui sait ce qu'elle attendait, en vérité? Mais tu as tourné les talons. Tu as paniqué et tu es parti. Elle t'en a certainement un peu voulu pour ça, mais pas longtemps. Si la situation avait été inversée, peut-être qu'elle aurait réagi de la même façon, qu'elle aurait paniqué, comme toi. Mais elle a eu tellement de mal à trouver le courage d'amorcer la discussion...

Mais je pense, objectivement bien sûr, que ce qui a été le plus traumatisant pour elle, c'est presque le quasi silence qui a suivi. Pas une excuse, rien. Juste des appels en absence, sans oser laisser un message vocal. Tu as fait comme si de rien n'était. Comme si ce n'était pas important. Pourtant, tu n'as pas osé venir la voir chez elle, pas une seule fois, n'est-ce pas? Est-ce que ça démontrait un soupçon de culpabilité?

Tu sais, elle s'en doutait certainement. De ce qu'elle est pour toi, ce qu'elle représente à tes yeux. On peut difficilement passer à côté de ces choses là. Mais peut-être que ça lui paraissait tellement fou qu'elle avait besoin de l'entendre de vive voix. Les actes avant les mots, ça lui a sûrement suffit jusqu'à maintenant, mais pour pouvoir avancer, il faut parfois prendre des risques.

Je suis bien consciente de l'effort que tu fais pour tenter de renouer avec elle. Elle a de la chance , c'est peut-être un premier pas vers une réconciliation. Mais ce ne sera pas si simple, de mon avis propre. Mais ne te décourage pas. Ce serait bête d'arrêter maintenant, si tu tiens vraiment à elle.

Bon courage dans ta démarche.

Cher M. Dispiace,

Non. Oui. Non. Peut-être. C'est vrai que dit comme ça, ça à l'air presque absurde. Elle a été tellement blessée sur le coup, qu'elle a agit sur un coup de tête. Elle aussi, elle a paniqué. Elle aussi, elle a fui. Il est fort probable qu'une fois de retour à Brisbane, elle s'en soit un peu voulu d'avoir réagit si vite, de t'avoir laissé là-bas, sans un mot. Mais elle avait besoin de réfléchir, alors elle ne s'est pas autorisé un contact, pas même un texto.

Au début, si elle ne répondait pas, c'est parce qu'elle était blessée, et qu'elle avait grand besoin de ce silence qu'elle s'est imposé.
Le temps passé, la fierté, cette maudite fierté, a pris le relais. Elle ne pouvait pas répondre maintenant, et admettre qu'elle avait besoin de toi, non. Elle se sentait comme une femme forte et indépendante, ou plutôt, elle aurait aimé se sentir comme ça. Elle voulait qu'on la voit comme ça. Ridicule, pas vrai?
Et puis finalement, ce n'était plus la fierté, mais une sorte de peur, d'angoisse. Elle t'a plus ou moins abandonné à Alice Springs, et quand elle t'a posé sa question, tu es parti. Elle a bien cogité, dans tout ce silence, et finalement, elle en a conclu que ce que tu voulais lui dire, c'était peut être pas ce qu'elle avait envie d'entendre. Que faire la sourde oreille, ça lui permettait de continuer à voir un avenir, quand toi tu avais peut-être décider pour de bon de la laisser tomber. Parce que finalement tu ressens peut-être pas ce qu'elle ressent. Ça permettait, dans un sens, de repousser l'échéance d'une possible déception.

Qu'est-ce que tu en penses?