Hannah releva lentement le menton en direction de l’établissement qui se dressait devant elle, imposant et impressionnant à la fois ; le poste de police de Brisbane. Elle devait bien l’avouer, elle n’avait été qu’une seule fois sur place et ce pour une raison qu’elle aurait préféré oublier, ou même ne jamais vivre. Il s’agissait du jour où elle avait perdu sa meilleure amie, Ella, lorsqu’elles n’avaient que dix-sept ans. Une voiture l’avait fauchée une nuit, la personne au volant étant bien trop alcoolisée que pour discerner quoique ce soit à une heure aussi sombre, dans une rue à peine éclairée. La brunette avait été interrogée directement sur les circonstances de l’accident, appelée comme témoin alors qu’elle n’avait même pas encore réalisé ce qu’il lui était arrivé, qu’elle ne la reverrait plus jamais. La jeune femme s’était presque sentie comme une coupable à se faire interroger de la sorte alors qu’elle était en état de choc, incapable de faire face à cette nouvelle réalité qui s’imposait peu à peu à elle ; une vie sans Ella. Depuis, elle n’avait plus eu de raison de se retrouver au poste de police, son côté rebelle n’ayant jamais été plus loin qu’un tatouage discret sur les côtes sans que ses parents ne l’apprennent jamais, mais l’idée de revenir ici la terrifiait presqu’autant qu’elle l’excitait – joli paradoxe. Cependant, elle n’avait pas trop le choix. La brune était à un tournant de ses études qui exigeait qu’elle fasse de nombreux stages afin de se diversifier et d’être certaine que ses choix étaient les bons. Depuis le décès de son amie, Hannah avait fait en sorte de suivre la ligne directrice qu’elles s’étaient toutes les deux imposées dans leur esprit, celle qui les amènerait à devenir psychiatres à l’hôpital. Forte de l’ambition qu’elle menait à bien en mémoire de Ella en plus de son propre désir de devenir quelqu’un dans le milieu, la brunette n’avait pas démérité en sortant pratiquement première à chaque fin d’année, évoluant dans ce cursus tel un poisson dans l’eau. Malgré tout, ces stages étaient destinés à les pousser hors de leur zone de confort, raison pour laquelle Hannah se tenait désormais devant le poste de police et non pas à l’hôpital où elle restait persuadée qu’était sa place. Les perspectives de stages étaient nombreuses, mais aucunes d’entre elles n’avaient trouvé grâce aux yeux de la brune, si ce n’était celui-ci : un mois au sein de la cellule des sciences comportementales. La jeune femme avait suffisamment regardé Criminal Minds que pour cerner ce à quoi elle aurait affaire, comme beaucoup de ses collègues étudiants qui avaient eux aussi postulé pour ce stage. Comme à son habitude, Hannah s’était donné les moyens de briller et d’être recrutée pour le job, puisqu’il s’agissait du seul qui lui offrait la perspective de côtoyer les esprits malades, mais dans un cadre différent. Elle demeurait persuadée que ces mois passés dans un contexte autre que celui de l’hôpital ne modifierait pas son attachement au parcours qu’elle s’était forgé, mais voyait toute cette histoire comme une expérience, rien de plus. Prenant une large inspiration, elle fit son entrée dans l’établissement et ne put s’empêcher de laisser son regard se perdre sur l’endroit où on l’avait interrogée quelques années auparavant, se revoyant presque assise sur cette même chaise, en larmes. Un frisson la parcourut et elle détourna les yeux pour se concentrer sur le présent, se dirigeant vers l’accueil où on lui indiqua où elle pouvait se rendre. Bon. Personne n’était là pour la prendre en charge et peut-être était-ce un test que de voir si elle parviendrait à trouver son chemin dans les méandres du poste, ou peut-être l’avait-on tout simplement oubliée ; allez savoir. Finalement, après quelques minutes, elle atterrit enfin devant une porte qui indiquait G. Morton, le bureau de son maître de stage. « C’est parti. » Murmura-t-elle en donnant deux coups secs sur la porte, et attendant l’accord verbal de son interlocuteur avant de faire son entrée. « Bonjour. Hannah Whitemore, je suis là pour le stage. » Lui lança-t-elle avec un sérieux qui lui était propre, laissant à peine la bribe d’un sourire étirer ses lèvres. La brune était là pour travailler et apprendre, pas pour se laisser aller à sociabiliser avec celui qui serait son supérieur pour le prochain mois. Et pourtant, elle fut surprise de découvrir un homme au physique pour le moins agréable à regarder et non pas un vieux décrépi qui sentait le livre – oui, c’était une odeur. « On m’a indiqué votre bureau, j’espère que je suis au bon endroit. » Ajouta-t-elle en jetant un œil autour d’elle, son regard accrochant ici et là des détails au mur qui lui indiquaient tous que oui, elle avait atterri au bon endroit.
Morton avait chargé un gars de son équipe de faire les entretiens pour les stagiaires de cette année. La brigade des sciences comportementales était très demandée en ces mois-ci, et les étudiants qui postulaient venaient des branches toutes plus différentes les unes que les autres : des futurs flics qui s’intéressaient à la psychologie criminelle, des gars en étude de psycho qui rêvaient de mettre un pied dans une section criminelle, d’autres dans le journalisme aussi qui auraient vu là une autre façon d’exploiter des écrits, ou alors des étudiants en littérature et qui voulaient s’inspirer de faits réels. Bref, les filières étaient variées, et Gregory ne voulait pas s’encombrer avec la sélection des stagiaires, il avait bien autre chose à faire, surtout depuis qu’il était sur cette affaire qui durait depuis plusieurs mois déjà. En effet, ils étaient à la recherche d’un prétendu tueur en série, rien n’avait été prouvé mais de nombreuses femmes disparaissaient dans le même secteur. Bien qu’il n’y ait pas de similitudes physiques flagrantes entre elles, le lieutenant était persuadé que c’était le même homme qui les kidnappait (et les tuait certainement pour son propre plaisir). Et, de toute évidence, l’homme en question devait connaître ces femmes puisqu’aucune effraction n’était commise quand il se rendait chez elles juste avant leur disparition. Les indices étaient encore posés en vrac sur le bureau, placardés de façon non-ordonnée sur les murs, et il fallait justement mettre de l’ordre dans toutes ces suppositions. Les flics qui avaient reçu les appels des proches, signalant les disparitions, étaient venus lui exposer cette affaire, lui refourguer cette enquête qui risquait fortement d’être de l’ordre de la psychologie, et c’est tout naturellement vers Morton et son équipe qu’ils s’étaient tournés. Ils connaissaient le statut du lieutenant, ils savaient que lui et sa section pourraient éclairer des pistes non-négligeables dans l’affaire. Ce n’était pas la première fois d’ailleurs qu’ils faisaient appel à ses compétences, et chaque cas lui permettait de se peaufiner et d’évoluer dans les techniques utilisées. Pour cette affaire, il était bien difficile pour le moment de sortir la tête de l’eau, et Gregory passait tout son temps à essayer de résoudre les énigmes qui lui trottaient dans la tête depuis qu’il avait pris connaissance des disparitions des demoiselles.
Il devait recevoir un(e) stagiaire ce matin, et il n’avait pas pris la peine de ranger son bureau. Enfin, ce n’est pas qu’il y avait mis de la mauvaise volonté, il avait tout simplement oublié qu'il devait recevoir ce stagiaire. Debout devant son bureau, il scrutait toute la paperasse récupérée sans savoir comment il allait bien pouvoir classer le tout, dans une logique qui lui permettrait de s’y retrouver. Deux coups secs vinrent le sortir de sa réflexion. « Entrez ! » Il avait son regard en direction de la porte, et quand la jeune femme fit son entrée, il n’avait toujours pas compris qu’elle était celle qui allait passer plusieurs mois à ses côtés. « Oui ? C’est pour ? » Elle semblait timide, n’osait pas rentrer dans le bureau. La jeunette devait frôler les vingt-cinq ans, et Gregory se demanda ce qu’elle venait faire ici. « Bonjour. Hannah Whitemore, je suis là pour le stage. » Les yeux écarquillés, Morton se rendait seulement compte à ce moment-là que c’était la stagiaire qu’il attendait. « On m’a indiqué votre bureau, j’espère que je suis au bon endroit. » Il se racla la gorge, gêné, avant de lâcher ses feuilles pour se diriger vers elle, main tendue. « Ah, euh oui, vous êtes au bon endroit. Je vous attendais. » mentit-il avec assurance. « Bonjour, enchanté, Gregory Morton. Et vous êtes ? Je suis désolé nous avons eu tellement de candidature, je ne me souviens plus de votre nom. » Il ajouta un sourire qui se voulait rassurant, mais il est certain que ça ressemblait plus à un sourire décontenancé qu’autre chose. « Eh bien on peut dire que vous plongez directement dans le bain, voilà mon quotidien. affirma-t-il en montrant son bureau, paume ouverte en direction du plafond. « Je suis désolé, c’est un peu le bordel… Il empila les documents posés en vrac et accumulés sur la petite table pour lui faire de la place. « Donc… Ceci sera votre bureau pour aujourd’hui, vous pourrez y mettre vos affaires. Mais vous aurez un bureau rien que pour vous avec les autres stagiaires un peu plus tard dans la semaine. Tout agité, il se hâtait de ranger tout son merdier pour accueillir un minimum correctement la stagiaire. Il n’avait pas pour habitude de déblatérer mais le fait de briser sa routine et son confort sans en avoir été averti l’avait un peu dérouté. « Est-ce que vous avez des questions, ou je vous fais visiter ? demanda-t-il, par politesse, mais aussi pour voir à qui il aurait à faire pendant quelques mois.
La brune avait longuement hésité avant de postuler pour ce stage en particulier, peu désireuse de tomber dans le cliché du psychologue qui ramène sa science lors des enquêtes criminelles bizarres sur lesquels les inspecteurs de police tombaient parfois, pris de court par la manière de tuer ou par la scène en elle-même. Pourtant, un engouement certain s’était emparé des étudiants lorsqu’ils avaient vu la possibilité de prendre part à une telle expérience, poussant Hannah à s’interroger et à prendre en considération la possibilité d’y aller, après tout. Les autres possibilités ne l’intéressaient pas plus que ça et elle avait fini par réaliser que c’était là qu’elle devait aller, et nulle part ailleurs. Son esprit de compétition légendaire s’était activé et elle avait fait en sorte d’être l’élue parmi les centaines d’autres postulants qui désiraient, comme elle, découvrir cet autre aspect du métier de policier. Tout ce qui intéressait la jeune femme, c’était la dimension psychologique qui entrain en compte lors de ces enquêtes et elle espérait vraiment ne pas être déçue. Et plus la date s’était rapprochée, plus la brunette s’était surprise à ressentir une certaine excitation à l’idée de faire ses premiers pas dans cette section. Elle s’était d’ailleurs énormément renseignée à ce sujet, lisant ici et là des articles sur les exploits de son maître de stage et les diverses enquêtes auxquelles il avait participé. Ce type était une pointure dans le domaine, c’était un fait certain, et peut-être allait-elle vraiment apprendre quelque chose durant ce mois passé en sa compagnie ; toute expérience était bonne à prendre. Finalement, le grand jour était arrivé et Hannah se retrouvait désormais face à cette porte close sur laquelle figurait le nom de cet homme sur lequel elle s’était renseignée, hésitante quant à la suite des évènements. Prenant une grande inspiration, elle toqua avant de faire son entrée, laissant directement son regard se perdre sur ce qui l’entourait avant de poser les yeux vers son interlocuteur qui la dévisageait avec curiosité et étonnement, presque comme s’il ne s’attendait pas à la voir. Peut-être était-ce le cas, tout ce qu’elle espérait c’était qu’il se souvienne tout de même avoir demandé après un stagiaire, sans quoi ils allaient tous les deux perdre leur temps. « Oui ? C’est pour ? » Elle se présenta avec sérieux, sans se démonter ni se laisser impressionner en dépit du fait que oui, il était réellement impressionnant. « Ah, euh oui, vous êtes au bon endroit. Je vous attendais. » Mouais. Pas entièrement convaincue et ce en dépit de son air assuré, elle se laissa tout de même aller à un bref sourire dans sa direction. « Bonjour, enchanté, Gregory Morton. Et vous êtes ? Je suis désolé nous avons eu tellement de candidature, je ne me souviens plus de votre nom. » Il s’autorisa à lui sourire à son tour, presque désolé de ne pas réellement savoir à qui il avait affaire. Hannah s’avança de quelques pas afin de déposer ses affaires sur une chaise, montrant ainsi qu’elle était plus à l’aise qu’elle ne le laissait paraître face à lui. « Hannah Whitemore. Aucun problème, j’espère juste que vous vous en souviendrez dans les jours à venir. » Plaisanta-t-elle à moitié, peu désireuse de se faire appeler par tous les prénoms existants durant son mois de stage. Non pas qu’elle se fasse réellement du soucis à ce sujet car il fallait bien l’avouer, elle n’était pas le genre de femme qu’on oubliait facilement. « Eh bien on peut dire que vous plongez directement dans le bain, voilà mon quotidien. Je suis désolé, c’est un peu le bordel… Donc… Ceci sera votre bureau pour aujourd’hui, vous pourrez y mettre vos affaires. Mais vous aurez un bureau rien que pour vous avec les autres stagiaires un peu plus tard dans la semaine. » Ses gestes traduisaient une certaine nervosité sur laquelle la jeune femme ne mettait pas le doigt, mais elle comprenait par ce qui l’entourait qu’il était en plein milieu d’une affaire et que par conséquent, son esprit devait forcément être ailleurs. Elle l’observa s’affairer afin de faire un peu de place sur le bureau – ce qui ne fut pas vraiment une grande réussite, avouons-le – et haussa un sourcil lorsqu’il mentionna la présence d’autres stagiaires. « Ah, je pensais que j’étais la seule à avoir été acceptée pour ce stage. » Lança-t-elle en tentant de contrôler la déception de sa voix, réfléchissant rapidement au fait qu’il y avait évidemment d’autres universités qui avaient pu être contactée pour que les étudiants viennent faire un essai, raison pour laquelle elle n’était pas forcément au courant. Bon. Il allait falloir se démarquer. « Est-ce que vous avez des questions, ou je vous fais visiter ? » Il se tourna vers elle en adoptant une attitude un peu plus sérieuse, s’attardant sur son visage plutôt que sur toutes les affaires qui les entouraient, ce qui poussa la brune à se rassurer sur le fait qu’elle avait toute son attention. « Vous travaillez sur quoi ? » Let’s get down to business. Hannah n’était pas là pour faire partie des meubles et si elle pouvait prendre de l’avance sur ceux qui arriveraient durant la semaine, elle n’hésiterait pas. Elle s’avança vers les photos qui peuplaient les murs de la pièce, toutes représentant des jeunes femmes ainsi que des hypothèses écrites très probablement par Morton. Elle jeta un œil interrogateur dans sa direction, piquée par la curiosité plus que par l’envie de dépasser les autres étudiants dans la course à l’approbation ; il s’agissait de la vraie vie, pas d’une série télé.
Phil lui avait pourtant bien donné les lettres de motivation et les CV des étudiants qui allaient pointer le bout de leur nez dans l’équipe, mais Gregory n’avait pas pris le temps de les feuilleter. Il faisait entièrement confiance à celui qui choisissait les stagiaires pour lui, ça n’avait jamais failli jusque-là. Phil connaissant le caractère bien trempé de son lieutenant, il faisait en sorte de choisir de bons profils qui n’entreraient pas en conflit avec le boss, des étudiants curieux qui voulaient réellement apprendre et qui n’encombreraient pas Morton. Alors, quand il vit Hannah débarquer, il ne s’était pas inquiété : il savait qu’elle avait été sélectionnée pour sa motivation et son dossier. Tout de même déstabilisé par le fait d’avoir complètement oublié qu’elle devait se pointer aujourd’hui, on pouvait voir un lieutenant désorganisé et un peu dérouté, ce qu’il détestait réellement. Morton était censé être le gars qui en imposait et qui intimidait, qui forçait le respect sans avoir à le demander, et pas celui qui rangeait sa paperasse dans la précipitation parce qu’il avait oublié. La première impression qu’il donna à mademoiselle Whitemore était loin d’être celle qu’il aurait souhaité avoir, mais il fallait faire avec, et c’est avec délicatesse qu’il tenta de contourner son malaise en demandant à la jeune femme de se présenter. « Hannah Whitemore. Aucun problème, j’espère juste que vous vous en souviendrez dans les jours à venir. » La stagiaire semblait vouloir s’imposer : inférieure à lui, oui, mais à qui on ne manquerait pas de respect. Son ton se voulait plutôt léger, mais sa réponse posait les bases de leur relation. Le lieutenant se jura qu’il regarderait son CV et sa lettre de motivation pour la cerner quand il aura un temps libre dans la journée, il voulait tout de même savoir à qui il aurait à faire. Il lui sourît, et acquiesça d’un hochement net de la tête. « Bien, mademoiselle Whitemore. » affirma-t-il amusé, mais qu’il se cacha bien de montrer. Il parla beaucoup, pour combler le fait d’être inconfortable, et lui indiqua qu’elle aurait son intimité et qu’elle ne devrait pas partager toutes ses journées avec lui. C’est ce qu’il pensait être ce dont elle aurait besoin si elle restait plus de six mois. Lui-même ne pourrait pas se confiner dans son bureau avec la présence de sa stagiaire à plein temps. « Ah, je pensais que j’étais la seule à avoir été acceptée pour ce stage. » Le lieutenant était pourtant conscient qu’elle serait la seule qu’il suivrait, c’était une des conditions qu’il avait imposé à Phil : un(e) stagiaire à la fois sous sa tutelle, mais il ne savait pas si d’autres stagiaires viendraient pour d’autres personnes de son service. « La seule stagiaire qui sera sous ma ‘responsabilité’, oui. Mais vous serez certainement en contact avec d’autres étudiants qui auront un autre maître de stage. » Il avait l’impression qu’elle testait ses connaissances, qu’elle voulait certainement savoir elle-aussi à qui elle avait à faire, et si le grand patron du service était aussi bon qu’il le sous-entendait. Obnubilé par son image, il n’avait même pas remarqué que sa voix trahissait une pointe de déception, elle souhaitait être la seule privilégiée pour ce stage et elle allait certainement faire de son mieux pour passer au-dessus des autres. « Vous travaillez sur quoi ? » Elle rentrait dans le vif du sujet, ne souhaitait pas perdre de temps. Il rît à cette interrogation, expliquer toute l’affaire en résumé allait être compliqué, mais il s’y tenta. « Eh bien, en résumé ? La brigade criminelle est venue frapper à notre porte parce qu’ils pensent que nous avons affaire à un tueur en série. Plusieurs femmes ont disparues ces derniers mois, toutes dans le même secteur. Il n’y a encore pour l’instant pas de preuves de leur mort, mais je doute que notre gars s’amuse simplement à les séquestrer. » Elle voulait savoir, et bien elle allait savoir. Le lieutenant ne prenait pas de pincette, il n’avait pas peur qu’elle fuit en courant. Elle été censée être préparée pour ce genre d’affaires, mentalement en tous cas. Elle devait se douter que son stage ne concernerait pas la pose de PV sur des voitures mal-stationnées. « J’espère que vous avez le cœur bien accroché, parce que dans ce stage vous verrez rarement des histoires qui se terminent bien. » qu’il se permit d’affirmer, comme s’il offrait une dernière chance à Hannah de quitter le service si elle ne se sentait pas d’assumer. La jeune femme se dirigea vers les photos des présumées victimes, disposées un peu en vrac sur le grand tableau blanc de son bureau. Il y avait écrit des annotations sous chacune des photographies, des hypothèses et des informations primordiales. La stagiaire s’arrêta devant celle d’une rousse, et le lieutenant sentit le regard interrogateur de mademoiselle Whitemore se poser sur lui. « Olivia Smith, vingt-huit ans, disparue depuis trois mois. Célibataire, elle avait été vue pour la dernière fois chez elle par son ami d’enfance la veille de son kidnapping. On n’en sait pas plus. Le seul point commun qu’elle a avec les autres victimes, c’est qu’elle a disparue, du jour au lendemain, et que sa porte n’a même pas été forcée. » répondit-il à la question muette de sa stagiaire. « Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je vous fasse visiter avant ? Si vous me lancez sur l’affaire, je vais avoir du mal à m’arrêter !
Son maître de stage pour les mois à venir semblait décontenancé par sa venue et s’il essayait par tous les moyens de ne pas le montrer, le résultat n’était pas des plus concluants. Hannah décida de ne pas se laisser déstabiliser par sa réaction, espérant simplement qu’elle était réellement attendue et qu’elle n’était pas venue ici pour perdre son temps. La perspective de quitter sa zone de confort – qui résidait en de longues gardes à l’hôpital – ne lui avait pas forcément plu au début, mais encouragée par l’engouement des autres élèves ainsi que part le coup de pouce de ses professeurs, la brune avait finalement jeté son dévolu sur l’inconnu, sur ce stage qui promettait une approche bien différente de la psychologie tout en s’alliant à des affaires criminelles palpitantes. Fervente lectrice de polars noirs lorsqu’elle en avait le temps – jamais, donc – la brunette se laissait aller à l’espoir d’être celle qui parviendrait à trouver la clé d’une affaire qui donnait des cheveux blancs à ceux qui travaillaient dessus depuis beaucoup plus longtemps. Un doux fantasme qui motivait Hannah à redoubler de concentration et ce même si son côté terre à terre lui soufflait qu’elle était bien trop inexpérimentée que pour faire un tel coup de maître. Il lui demanda de se présenter, ce qu’elle fit une nouvelle fois tout en conservant un air neutre et en observant à la fois celui qui la superviserait pendant toute la durée du stage, mais également l’endroit où lui-même évoluait. « Bien, mademoiselle Whitemore. » Un sourire étira les lèvres de Morton et elle se laissa aller à se détendre très légèrement elle aussi, constatant qu’il n’avait rien d’un être austère prêt à la prendre de haut à la moindre occasion – chose qu’elle exécrait au plus haut point. Rassemblant les affaires du bureau avec de grands gestes un peu maladroits, il lui expliqua brièvement qu’elle passerait la journée ici avant de rejoindre un poste différent, lorsque les autres stagiaires feraient leur apparition eux aussi. Cette nouvelle interloqua la brunette qui avait pourtant chanté à qui voulait l’entendre qu’elle avait été l’heureuse élue sur des centaines de candidats à être sélectionnée pour ce stage. Ce qu’il venait de dire rendait cette déclaration obsolète et eut le don de perturber Hannah qui se sentit tout de suite entrer en compétition avec des gens qu’elle n’avait jamais rencontrés. Elle lui posa la question à regret, cherchant à comprendre comment elle avait pu penser ainsi si ça n’était pas le cas – la brunette ne se trompait jamais. Ou très rarement. « La seule stagiaire qui sera sous ma ‘responsabilité’, oui. Mais vous serez certainement en contact avec d’autres étudiants qui auront un autre maître de stage. » Ah. Bon. Elle aurait donc le privilège de travailler avec quelqu’un de son envergure et qui était d’ailleurs en charge de la section pour laquelle elle allait travailler, ce qui lui mettait un peu de baume au cœur en dépit du regret quelle ressentait à partager ce grand terrain d’apprentissage avec d’autres. « Très bien. » Assura-t-elle tout en se promettant mentalement qu’elle ne ferait pas partie de ceux qui passeront leur journée à aller chercher du café pour leurs supérieurs. La brune savait qu’elle avait du potentiel et quelque chose à apporter ici, même si elle ne connaissait rien à cet aspect du métier. Elle apprenait vite, était appliquée et concentrée ; des qualités qui l’avaient projetée en première ligne pour ce stage. Elle méritait sa place et elle allait le lui prouver. Décidée à prendre de l’avance sur les autres, elle fit quelques pas dans la pièce et interrogea finalement son interlocuteur en lui demandant sur quoi il travaillait, son regard se perdant sur les photos qui ornaient les tableaux blancs. Sa question le fit rire, et elle lui lança un regard amusé en esquissant à son tour un sourire. « Eh bien, en résumé ? La brigade criminelle est venue frapper à notre porte parce qu’ils pensent que nous avons affaire à un tueur en série. Plusieurs femmes ont disparues ces derniers mois, toutes dans le même secteur. Il n’y a encore pour l’instant pas de preuves de leur mort, mais je doute que notre gars s’amuse simplement à les séquestrer. » Oh. Hannah pinça les lèvres, soulagée qu’il ne soit pas question d’une quelconque affaire impliquant des enfants – elle n’aurait pas su comment réagir si tel avait été le cas – mais pour l’instant, il s’agissait de disparitions avec présomptions de meurtre. La brune analysa les visages qui se tenaient devant elle et un frisson la parcouru lorsqu’elle réalisa que la plupart de ces filles avaient son âge, pour la plupart. « J’espère que vous avez le cœur bien accroché, parce que dans ce stage vous verrez rarement des histoires qui se terminent bien. » La brune se tourna vers lui, ignorant s’il s’agissait d’un réel avertissement ou s’il avait prononcé ces mots dans le but de la tester, de voir comment elle réagirait. « Ne vous en faites pas pour moi, je savais à quoi je m’exposais en venant ici. » Se contenta-t-elle de répondre en s’approchant de lui et du tableau sur lequel étaient exposées les photos des disparues. L’une d’entre elle lui semblait familière, elle n’aurait su dire pourquoi et son regard empreint de curiosité croisa celui de Morton qui ne l’avait pas lâchée des yeux. « Olivia Smith, vingt-huit ans, disparue depuis trois mois. Célibataire, elle avait été vue pour la dernière fois chez elle par son ami d’enfance la veille de son kidnapping. On n’en sait pas plus. Le seul point commun qu’elle a avec les autres victimes, c’est qu’elle a disparue, du jour au lendemain, et que sa porte n’a même pas été forcée. » Merde. Est-ce qu’elle connaissait celui qui avait fait ça ? Ou alors est-ce qu’il manipulait ses victimes en se faisant passer pour ce qu’il n’était pas afin d’endormir leur confiance pour le moment où il passerait à l’acte ? Seigneur. Ce type devait être intelligent et sociable pour parvenir à se faire inviter de la sorte. « Vous pensez qu’il les séduisait ? Pour entrer ainsi chez elles en toute impunité… » La question méritait d’être posée, mais elle ignorait si ce mode opératoire était le même dans toutes les disparitions ou si cette Olivia était un cas isolé. Elle remarqua qu’elle s’avançait sans avoir le moindre détail, mais cette affaire piquait sa curiosité et déclenchait une certaine fascination chez elle. « Désolée. Vous avez déjà des hypothèses je suppose ? » Lui demanda-t-elle en continuant d’observer le tableau, sourcils froncés ; comme toujours lorsqu’elle était captivée par quelque chose. « Vous êtes sûre que vous ne voulez pas que je vous fasse visiter avant ? Si vous me lancez sur l’affaire, je vais avoir du mal à m’arrêter ! » Un petit rire s’échappa des lèvres de la jeune femme qui détacha son attention du tableau pour se concentrer sur son maître de stage. « Pour l’instant je trouve ça beaucoup plus intéressant. » Lança-t-elle en désignant les photos de son index. « Mais c’est vous le boss, alors comme vous voulez. » Elle plaça ses mains derrière son dos en attendant qu’il décide de la suite des opérations, même si une part d’elle-même voulait en savoir plus sur tout ça. Autant entrer directement dans le vif du sujet, non ? C’était son avis en tout cas, mais peut-être que Morton allait en décider autrement.
La stagiaire lui avait fait bonne impression. Elle semblait calme et réfléchie, mais il avait surtout l’impression qu’elle s’était battue pour obtenir sa place, et qu’elle la méritait sans doute. Des étudiants motivés, c’est tout ce qu’il demandait. Elle cherchait à en savoir plus sur son maître de stage, sur l’affaire sur laquelle il travaillait, et il tenta de lui expliquer brièvement l’enquête. Le lieutenant porta une attention particulière à l’expression de la jeune femme lorsqu’il lui énonça les faits, il testait sa capacité de résistance – doucement pour le moment – et observa la réaction d’Hannah. Elle n’avait pas l’air choquée d’entendre que des femmes se faisaient kidnapper et certainement tuer par la suite, et c’était bien cette attitude qu’il attendait : il ne voulait pas d’un stagiaire qui prenne peur face à chaque découverte. Certains peuvent s’être préparés mentalement chez eux mais arriver sur le terrain et se rendre compte que ce sont des vraies personnes qui se font tuer, souvent même torturer, et que la télévision et la réalité sont bien deux mondes séparés. Lorsqu’elle s’avança vers la photographie d’Olivia, Morton lui expliqua l’histoire de la jeune femme et sa stagiaire fût tout de suite interpellée par les propos tenus par son maître de stage. « Vous pensez qu’il les séduisait ? Pour entrer ainsi chez elles en toute impunité… » Presque surpris par sa vivacité d’esprit, ses lippes s’étirèrent en un sourire. « Désolée. Vous avez déjà des hypothèses je suppose ? » Hannah semblait réellement intéressée par le sujet, et le lieutenant ne pouvait que s’en enchanter. Il réitéra sa demande de visite des locaux avant de rentrer entièrement dans le vis du sujet, mais l’étudiante montrait un réel engouement pour les explications de Morton sur l’affaire en cours. « Pour l’instant je trouve ça beaucoup plus intéressant. Mais c’est vous le boss, alors comme vous voulez. » Il lâcha un petit rire, elle préférait se mettre à jour sur l’enquête, et sa détermination et sa motivation ne pouvait rendre Gregory plus heureux. Phil avait décidément bien sélectionné la stagiaire, elle allait rapidement trouver sa place parmi l’équipe, il en était certain. Le lieutenant tenta alors de lui expliquer l’enquête, plus en détails cette fois-ci : les pistes envisagées, les suspects dont les interrogatoires improductifs relevaient du superflu, et termina sur le listing des femmes, un topo sur chacune d’entre elles, sur leur vie privée, leurs hobbies, leurs cercles d’amis, leurs histoires. Il lui fallu deux bonnes heures avant d’arriver à la même conclusion qu’au début : les femmes étaient simplement portées disparues, elles n’avaient pas grand-chose en commun, et d’autres femmes continuaient à disparaitre. Les villes alentours commençaient à s’agiter, à faire parler de ces kidnappings, la solidarité féminine avait grimpé en flèche suites à ces événement, et les cours de self-défense avaient été remplis en un rien de temps – et pourtant, les disparitions s’enchainaient toujours autant. Lorsque Morton reprit son souffle face à mademoiselle Whitemore qui n’avait pas arrêté de griffonner sur son carnet de notes, il regarda sa montre et s’aperçut qu’il avait tenu sa promesse : quand on le lançait sur ce sujet, il était difficile de l’arrêter. Il avait fait de son mieux pour résumer au maximum, mais si la stagiaire voulait connaitre l’affaire, il fallait qu’il passe par certains détails primordiaux. Hannah avait fini par s’asseoir, la position assise étant plus confortable pour noter les points importants dans son carnet. Les informations qu’elle avait eu en deux heures étaient nombreuses, denses, et le lieutenant en était bien conscient. « Ne vous inquiétez pas, ça parait gros comme une montagne toutes ces informations en vrac, mais quand on est dans le bain on arrive vite à s’y retrouver. Ces documents seront toujours à votre disposition d’ailleurs, et j’aurais certainement besoin de vous pour m’aider à les ranger dans l’ordre, enfin… De façon à ce qu’on s’y retrouve quand on cherche quelque chose en particulier sur l’affaire. » affirma-t-il en montrant du menton toutes les piles de paperasses accumulées sur son bureau. « Ce sera d’ailleurs votre tâche de la semaine : vous familiariser avec l’enquête, et me classer tous les documents. C’est un bon exercice pour réussir à remettre les évènements dans l’ordre chronologique. » Il venait tout juste de trouver cette mission pour elle, il n’avait aucune idée de ce qu’elle allait pouvoir faire ici pendant ces prochains mois, d’autant qu’il ne connaissait ni son parcours ni ses compétences. La classification permettra de l’occuper pendant quelques jours, et lui permettra aussi de lui trouver une vraie mission par la suite. « Vous aurez ensuite une mission qui vous permettra d’appuyer vos apports théoriques pour votre mémoire. Parce qu’il me semble que vous aurez un mémoire à rendre, je me trompe ? » Hannah n’était pas sa première stagiaire dans la brigade des sciences comportementales, mais chaque étudiant venait avec une situation différente. Il fallait décidément qu’il se renseigne sérieusement sur son rôle de tuteur, sur sa stagiaire, et sur ce qu’elle attendait de lui.
Obnubilée par ce qu’elle apercevait sur ces tableaux, la brune avait presque oublié qu’elle n’était là que depuis quelques minutes et donc certainement pas dans une position lui permettant d’amener des hypothèses sur une affaire dont elle ne savait rien. Et pourtant, en écoutant Morton effleurer le sujet pour amener les bases de ce dossier, Hannah commença à réfléchir à voix haute, se mettant à la place de ces jeunes femmes et cherchant à comprendre comment elles avaient pu être enlevées par quelqu’un n’ayant commis aucune effraction. Ce mystère la perturbait et déclenchait chez elle ce qui arrivait à chaque fois qu’elle se heurtait à quelque chose au-delà de sa compréhension ; son esprit fonctionnait à du mille à l’heure. Gregory l’observait sans un mot et il finit par lui proposer une nouvelle fois de faire le tour des lieux avant de se focaliser sur le concret, une offre qu’Hannah déclina tout en lui laissant le choix de la suite des évènements. Après tout, c’était bien lui qui avait la charge du programme des prochaines semaines, des prochains mois même. Sa réaction sembla l’amuser puisqu’il laissa échapper un petit rire qui déstabilisa la brune, incapable de savoir s’il se moquait d’elle ou s’il appréciait sa façon d’être. En perpétuelle remise en question, la jeune femme appréhendait le fait d’évoluer dans ce secteur qu’elle ne connaissait pas et où elle avait tout à apprendre. Faire ses preuves ne lui faisait pas peur, mais encore fallait-il qu’on lui en laisse la possibilité. C’était pour cette raison qu’elle privilégia l’apprentissage de cette affaire sur laquelle Morton travaillait et qui avait mobilisé l’entièreté de la section. Elle-même avait entendu parler de ces disparitions, mais elle n’en avait mesuré l’ampleur qu’en constatant la globalité de cette histoire qui se dressait face à elle, sous forme de dizaines de photos éparpillées sur les tableaux de la pièce. Le brun se mis finalement à parler, à détailler cette affaire dans ces moindres détails, appuyant ce qui lui semblait important et balayant le reste avec précision, face à une Hannah qui écoutait avec attention tout en prenant de nombreuses notes qu’elle comptait bien remettre en ordre une fois chez elle. Soudain, Morton regarda sa montre et Hannah fit de même, surprise de constater que le temps avait filé à une vitesse folle. Et en effet, les pages de notes s’amoncelaient et avec elles, l’esprit de la brunette devenait de plus en plus focalisé sur toutes ces choses qu’il lui avait dites et qui résonnaient dans sa tête. « Ne vous inquiétez pas, ça parait gros comme une montagne toutes ces informations en vrac, mais quand on est dans le bain on arrive vite à s’y retrouver. Ces documents seront toujours à votre disposition d’ailleurs, et j’aurais certainement besoin de vous pour m’aider à les ranger dans l’ordre, enfin… De façon à ce qu’on s’y retrouve quand on cherche quelque chose en particulier sur l’affaire. » Le regard de la jeune femme suivi le sien et tomba sur les piles de paperasses qui s’entassaient un peu partout, ne laissant que peu d’espace libre sur ce qui devait autrefois lui servir de bureau. N’avait-il pas un système mis en place pour ce genre de choses ? Comment faisait-il pour s’y retrouver ? Le côté maniaque et rigide d’Hannah s’affola en apercevant le désastre administratif de la pièce, mais elle s’appliqua à ne rien montrer. « Je pense avoir saisi le principal, mais il me faudra effectivement un peu de temps pour tout recouper et m’y retrouver. Il y en a beaucoup… » Ajouta-t-elle dans un murmure en observant une énième fois les visages de ces femmes qui s’accumulaient tristement sous ses yeux. « Ce sera d’ailleurs votre tâche de la semaine : vous familiariser avec l’enquête, et me classer tous les documents. C’est un bon exercice pour réussir à remettre les évènements dans l’ordre chronologique. » Hein, quoi ? La brunette tourna la tête dans sa direction, fronçant les sourcils sans même s’en apercevoir. Il ne pensait tout de même pas qu’elle était venue ici pour faire du secrétariat ? Ravalant sa fierté, elle réfléchi quelques secondes avant de prononcer les paroles suivantes. « Très bien. Une fois qu’il y aura plus de… clarté dans tout ça, je pourrai vous accompagner ? Durant l’enquête. » Elle supposait que l’essentiel de son travail ne résidait pas uniquement dans le fait de passer du temps dans une pièce en se triturant les méninges, il devait forcément y avoir un peu d’action. Faites qu’il y ait un peu d’action. « Vous aurez ensuite une mission qui vous permettra d’appuyer vos apports théoriques pour votre mémoire. Parce qu’il me semble que vous aurez un mémoire à rendre, je me trompe ? » Hannah hocha rapidement la tête. « Une mission ? C’est-à-dire ? » Coucou le souci du détail. « Oui j’aurai un compte-rendu à faire sur ce stage, une espèce de rapport sur lequel m’appuyer ensuite pour la fin de mon cursus. De mon côté, c’est l’aspect psychologique qui m’intéresse. » Se risqua-t-elle à avancer. Pas la classification par ordre alphabétique de votre bordel administratif. Elle esquissa un sourire, espérant ne pas se montrer trop farouche alors qu’il s’agissait de son premier jour.
L’affaire sur laquelle son équipe travaillait commençait à faire parler d’elle, et bien qu’ils faisaient en sorte de ne pas laisser des informations fuiter auprès de la presse pour éviter les complications, il y avait toujours des façons de détourner l’enquête pour en faire un sujet sensationnel, et les journaux l’avaient bien saisi. Le lieutenant fut presque étonné de voir qu’Hannah n’était pas plus renseignée sur cette affaire, il regardait rarement les informations dans la rubrique des faits-divers pour éviter que la colère et la frustration ne prenne le dessus, mais il était persuadé qu’on en avait parlé plus que ça. Après son long debrief de deux heures, Morton chercha tout de même à rassurer sa stagiaire face à cette montagne d’informations. Il n’y avait aucune raison de paniquer si elle n’avait pas réussi à tout noter, elle s’y retrouverait bien vite, surtout si c’était elle qui était chargée de classer dans l’ordre chronologique (ou dans n’importe quel ordre elle voulait du moment que Gregory s’y retrouvait) les événements. « Je pense avoir saisi le principal, mais il me faudra effectivement un peu de temps pour tout recouper et m’y retrouver. Il y en a beaucoup… » Il ne savait pas si elle jugeait sa façon de procéder, auquel cas cela ne lui plaisait pas. Mais il lui accorda le bénéfice du doute, d’autant plus qu’il venait de la bombarder de renseignements et qu’il lui fallait évidemment le temps d’assimiler le tout. Morton acquiesça simplement d’un hochement de tête avant de lui annoncer sa prochaine tâche. Cela lui permettra de souffler un peu, de reprendre un peu plus le contrôle des choses et de la façon dont il voulait les amener, mais surtout de se renseigner à son tour sur sa stagiaire. « Très bien. Une fois qu’il y aura plus de… clarté dans tout ça, je pourrai vous accompagner ? Durant l’enquête. » Comme il s’en était douté, Hannah était du genre à vouloir être au cœur de l’action, pas à faire un boulot de secrétaire. Mais il fallait qu’elle commence quelque part, et il lui semblait pertinent de lui laisser faire la chronologie afin qu’elle se familiarise réellement avec l’enquête, il n’allait donc pas céder à sa fausse requête, car même si elle n’avait rien demandé explicitement, il se doutait que cette classification ne l’enchantait guère. D’un haussement de sourcil, Gregory continua ce qu’il était en train de dire, lui expliquant qu’elle aurait effectivement une mission plus importante par la suite. Il ne savait tout simplement pas sur quoi elle allait porter, puisqu’il n’avait aucune idée de la branche dont venait mademoiselle Whitemore. « Une mission ? C’est-à-dire ? » Il se racla la gorge, parce qu’il n’avait aucune réponse à lui apporter pour le moment, et se maudît d’avoir oublié qu’il devait la recevoir aujourd’hui. Il aurait habituellement fait en sorte de tenter de la cerner à partir de sa lettre de motivation et de son curriculum avant même de la voir, il aurait eu des préjugés tout faits dont Hannah aurait dû se défaire pour lui prouver qu’elle valait mieux que ce qu’il pensait, et il aurait dans tous les cas eu l’ascendant. Il détestait être dans le flou de cette façon, et il fallait y remédier au plus vite. « Nous parlerons de votre mission un peu plus tard si vous le voulez bien. Je pense que vous avez suffisamment de choses à assimiler pour l’instant, n’est-ce pas mademoiselle Whitemore ? » Avec son n’est-ce pas qui faisait office de tais-toi maintenant, Greg essayait de se redonner un peu de contenance, il cherchait juste un moyen de contourner le problème et les questions de sa stagiaire avant de l’interroger du regard pour qu’elle réponde à sa question sur le mémoire. « Oui j’aurai un compte-rendu à faire sur ce stage, une espèce de rapport sur lequel m’appuyer ensuite pour la fin de mon cursus. De mon côté, c’est l’aspect psychologique qui m’intéresse. » Ah, donc elle était dans la branche de la psychologie. Ce profil l’intéressait particulièrement, lui qui avait passé la plupart de ses journées avec le nez plongé dans tous les bouquins de psycho qu’il trouvait à la grande bibliothèque de l’Hôtel de Ville lors de ses années à Paris. Un sourire apparu sur son visage, il n’avait même pas eu besoin d’avoir à feindre une autre excuse pour contourner le fait qu’il ne savait rien sur le cursus d’Hannah, savoir qu’elle était en psychologie lui suffisait amplement. « Très bien, c’est noté, nous trouverons du temps vous et moi pour pouvoir discuter de tout cela. » Il ne voulait pas s’avancer, mais il était persuadé que mademoiselle Whitemore ferait une bonne stagiaire. « Bien, maintenant que les bases sont posées, je peux vous faire visiter ? » demanda-t-il pour la troisième fois, qui fût la bonne puisque sa stagiaire ne refusa pas. Le tour fût rapide, mais il était tout de même nécessaire qu’Hannah sache où se trouvent les pièces importantes, mais surtout le quartier où elle pourrait trouver des archives et des données exploitées ou à exploiter. « Si vous voulez, vous pouvez prendre votre pause déjeuner dès maintenant. » s’empressa-t-il de lui dire alors qu'ils venaient de retourner dans son bureau. Parce qu’il avait besoin d’un café, de sa clope, et de trouver Phil pour lui demander le CV de sa stagiaire. « Enfin, vous savez ce que vous avez à faire pour la journée, vous vous organisez comme vous voulez, je veux juste que dans une semaine maximum, tout soit rangé dans l’ordre. » Il ne voulait pas la décourager face à la grosse paperasse, et en guise d’encouragement, il ajouta : « Et si vous avez terminé avant, ce sera encore mieux puisque l’on pourra plus vite s’attaquer à votre compte-rendu, et vous consacrer sur l'aspect psychologique que le stage pourra vous apporter. » Le lieutenant fouilla dans ses poches pour s’emparer de son paquet de cigarettes, il sentait que sa dose de nicotine n’avait pas été respectée en cette matinée, et qu’il avait besoin d’enfumer ses poumons comme il avait l’habitude de faire. « N’hésitez pas à vous servir dans la salle de la cafet’ pour ce midi, on se retrouve à 14h dans mon bureau. » finit-il par lâcher alors qu’il se dirigeait vers la sortie.
Les informations affluaient à toute vitesse et Morton ne lui avait pas menti : il était intarissable sur l’affaire lorsqu’on le lançait sur celle-ci. Hannah appréciait les gens passionnés et apprécia chaque minute de cette mise à niveau express sur ce dossier, en dépit de la densité de celui-ci. Le brun ne s’embarrassa pas de détails superflus mais tout de même, la jeune femme senti rapidement que sa prise de notes se révèlerait incomplète tant il allait vite, un peu comme s’il était pressé d’en finir. Ça n’était sans doute pas le cas, et les impressions pouvaient rapidement se révéler trompeuses, surtout dans un contexte comme celui-ci où ils apprenaient tout juste à se connaître. Elle savait qu’ils seraient amenés à travailler ensemble pendant de longues semaines et elle décida de ne pas se formaliser ni de s’arrêter sur les détails qui la chiffonnaient pour le moment – elle aurait tout le loisir de se faire une idée au fil des jours. Sa réputation le précédait et pour l’instant, c’était tout ce qui l’intéressait – et la rassurait. Enfin, Morton s’interrompit en constatant que l’heure avait bien avancé pendant qu’il lui expliquait un maximum sur cette affaire et lui proposa de s’arrêter là, avant d’ajouter qu’il attendait d’elle qu’elle fasse la lumière sur les éléments de l’affaire en triant tout ce qui y était inhérent. Cette demande laissa la brune coite, bien qu’elle décidât de prendre sur elle pour ne pas le montrer. Elle ferait ce qu’il lui demanderait, parce qu’elle avait du respect pour la hiérarchie, mais espérait déjà en son for intérieur qu’elle n’avait pas été sélectionnée pour ses talents dans l’administratif. D’ailleurs, elle lui demanda si elle pourrait l’accompagner sur le terrain une fois cette tâche accomplie – elle comptait bien en finir le plus vite possible – et reçu pour toute réponse un haussement de sourcil qui la remit en place en un rien de temps. Bon. Le dialogue ne serait donc pas de mise tant qu’elle n’aurait pas mené à bien ce tri sur lequel il comptait pour avancer dans l’enquête, et elle se contenta donc de soulager sa curiosité en lui demandant des détails sur la mission à laquelle il venait de faire mention en lui promettant que celle-ci aurait lieu une fois qu’elle aurait terminé ce qu’il venait de lui demander. Il se racla la gorge, hésitant une seconde avant de lui répondre, déclenchant un froncement de sourcil chez Hannah qui se demandait s’il n’était pas entrain de gagner du temps pour formuler sa réponse. Difficile à dire, ce Morton était difficile à cerner. « Nous parlerons de votre mission un peu plus tard si vous le voulez bien. Je pense que vous avez suffisamment de choses à assimiler pour l’instant, n’est-ce pas mademoiselle Whitemore ? » Si vous le voulez bien. Non, elle aurait aimé en discuter là tout de suite, mais apparemment il n’avait pas l’air décidé à obtempérer, alors elle se contenta d’un simplement hochement de tête en jouant avec le stylo entre ses doigts, laissant son regard se perdre sur les notes qu’elle avait prises et qui devenaient de plus en plus illisibles au fil des pages. Ca n’était pas gagné. La fin de sa phrase induisait une volonté de mettre un terme à ses requêtes et si son ton l’irrita, elle n’en montra rien et prit sur elle conserver un ton empreint de respect et de déférence. « En effet. Je vais faire de mon mieux pour être incollable sur le sujet. » Lança-t-elle en esquissant un petit sourire, sachant pertinemment qu’il ne lui faudrait pas bien longtemps pour maîtriser les moindres détails de cette affaire et d’impressionner son maître de stage avec sa capacité de mémorisation qui, il fallait bien l’avouer, était assez exceptionnelle. Le brun l’interrogea ensuite sur la finalité de son stage, intéressé par la direction qu’elle souhaitait donner à son rapport et elle se plia à l’exercice en lui expliquant qu’elle était particulièrement attachée au côté psychologique de l’expérience en ces lieux. Cette réponse décrocha un sourire – le premier ? – au brun qui répondit un « Très bien, c’est noté, nous trouverons du temps vous et moi pour pouvoir discuter de tout cela. » qui sonna comme la fin de cette discussion. Elle se fendit à son tour d’un sourire en laissant un hochement de tête faire office de réponse, espérant qu’il pensait ce qu’il lui disait. Ce type était une pointure dans son domaine et elle trouverait dommage de ne pas réussir à apprendre à son contact. Elle ignorait encore s’il aurait l’envie ou la pédagogie de la guider dans les méandres de la criminologie, et elle ne le saurait qu’en tenant bon et en se pliant à ses exigences, pour l’instant. « Bien, maintenant que les bases sont posées, je peux vous faire visiter ? » « Oui, j’aimerais beaucoup. » Argua-t-elle en plissant les lèvres et en se penchant pour attraper son sac, peu désireuse de laisser toutes ses affaires – et ses précieuses notes – sans surveillance. Ils étaient dans un poste de police, mais tout de même. La méfiance restait de mise, comme toujours. La préfecture n’était pas immense et la visite guidée fut relativement rapide, mais toutefois bien utile. Hannah repéra la machine à café – elle s’y rendrait souvent – ainsi que les locaux menant à la section criminelle où son amie Olivia travaillait. Pour l’instant, elle n’avait pas encore eu l’opportunité de la croiser, mais elle espérait pouvoir remédier rapidement à cela. Liv ignorait que son stage prenait place sur son lieu de travail et Hannah avait tenu à conserver cet élément de surprise afin de la désorienter un petit peu lorsqu’elle ferait une apparition soudaine dans son champ de vision ; elle se réjouissait déjà. Ils revinrent ensuite dans le bureau de brun et la jeune femme y déposa une nouvelle fois son sac, l’interrogeant du regard par rapport à la suite des évènements. « Si vous voulez, vous pouvez prendre votre pause déjeuner dès maintenant. » D’accord. Une pause. La brunette n’était pas très familière avec ce concept mais apparemment, ça n’était pas le cas de son maître de stage qui lui, semblait trépigner d’impatience à l’idée de disparaître de la pièce. « Enfin, vous savez ce que vous avez à faire pour la journée, vous vous organisez comme vous voulez, je veux juste que dans une semaine maximum, tout soit rangé dans l’ordre. » Une semaine maximum ? Le regard d’Hannah glissa en direction des piles de dossiers éparpillés aux quatre coins du bureau et un voile de découragement lui passa devant les yeux avant de se reconcentrer sur son interlocuteur. « Et si vous avez terminé avant, ce sera encore mieux puisque l’on pourra plus vite s’attaquer à votre compte-rendu, et vous consacrer sur l'aspect psychologique que le stage pourra vous apporter. » Une bonne nouvelle. Elle l’observa sortir un paquet de cigarettes de sa poche et fut soulagée de constater que son impatience était due à une addiction à la nicotine et non à une envie pressante de se débarrasser d’elle. « Très bien. » Lança-t-elle simplement, sachant déjà comment procéder depuis qu’il lui avait formulé sa demande quelques minutes auparavant. « N’hésitez pas à vous servir dans la salle de la cafet’ pour ce midi, on se retrouve à 14h dans mon bureau. » Et sans plus de cérémonie, il disparu de son champ de vision, probablement pour assouvir son besoin d’emplir ses poumons de fumer. Un coup d’œil à sa montre indiqua à la brune qu’il était onze heures, ce qui était un peu tôt pour prendre une pause déjeuner, ou même une pause tout court. Elle décida donc d’attendre un peu avant de rejoindre la cafétéria et profita de son absence pour prendre ses marques dans la pièce ainsi qu’avec les dossiers qu’il lui avait demandé de traiter. La masse de travail était gigantesque, mais Hannah n’était pas du genre à déclarer forfait aussi facilement. Elle dégagea une des tables afin de se créer un espace de tri relatif – après tout elle ne serait dans ce bureau qu’aujourd’hui – et rassembla les dossiers à cet endroit avant de commencer à annoter la première page en fonction des dates et du nom des victimes, histoire de rendre le tout un peu plus visible. Rien que ce pré-tri lui prit déjà un temps fou et lorsqu’elle releva les yeux d’une des photos des disparues, son regard accrocha l’horloge qui pendait au mur ; treize heures passées de vingt minutes. Seigneur. Il était hors de question qu’elle ne soit pas dans les parages quand il reviendrait, alors elle décida d’abandonner son tri pour l’instant et de se prendre quelque chose à manger, sentant son ventre crier famine. L’aspect administratif de la tâche l’avait rebutée au premier abord, mais parcourir ces dossiers était chronophage et lui permettait d’assimiler plus rapidement les détails de l’affaire. Morton n’avait pas eu tord de lui demander de procéder ainsi, pensa-t-elle en se dirigeant vers la cafétéria qui était relativement calme – les policiers préféraient sans doute manger sur le pouce ou bien dans leur bureau. Un rapide regard sur les quelques personnes présentes lui signifia que Liv n’était pas là non plus, et c’est avec une petite moue de déception qu’elle se commanda une simple salade. Elle avala celle-ci en quatrième vitesse avant de retourner dans le bureau de Morton avec un quart d’heure d’avance, reprenant là où elle en était tout en attendant son supérieur avec impatience. Peut-être allait-il lui livrer davantage d’informations sur la mission à laquelle il avait fait référence en matinée ? Elle l’espérait. Un bruit la déconcentra quelques minutes plus tard et elle releva le nez de ses dossiers en haussant un sourcil, apercevant enfin Morton faire son apparition dans l'encadrement de la porte. « Je me suis permise d'aménager un peu l'espace pour commencer. » Se sentit-elle obliger de justifier lorsqu'il balaya la pièce du regard. A son sens, il avait été hors de question de s'assoir sur son bureau à lui, raison pour laquelle elle avait préféré se servir de la table qu'il avait utilisée pour amasser les dossiers les uns après les autres.
Spoiler:
@Gregory Morton J'espère que ça ira, désolée pour le manque de relance, mais le temps d'écrire l’ellipse c'était déjà devenu un pavé
La cigarette fait son effet immédiatement, le lieutenant respire à plein poumons sa dose de toxicité et ses muscles se relâchent un peu. Il déteste être devenu aussi accro au tabac autant qu’il l’est pour la course, les deux lui font un bien fou mais l’un est beaucoup plus sain que l’autre. La présence d’Hannah lui avait suffi pour perdre de sa crédibilité, et il ne supportait pas se montrer aussi faible quand il était au boulot. N’importe où en fait. Gregory est du genre fier, à ne jamais se laisser marcher dessus sans rétorquer plus fort, à toujours faire en sorte d’avoir le dessus et de prouver qu’il parvenait toujours à ses fins. Il termine sa clope plus vite qu’il ne l’aurait voulu, mais se retient d’en allumer une deuxième. Il a au moins le don d’être raisonnable. Quand il le veut. Le fait de ne pas avoir anticipé l’arrivée de sa stagiaire l’avait irrité, et bien que la faute ne pût se reporter que sur lui, c’est avec détermination et remontrance qu’il se pointe dans le bureau de Phil pour l’incendier. « T’aurais pu me prévenir que la stagiaire arrivait ce matin. » Sa voix posée et accusatrice vient expliquer ses sourcils froncés, le ton est lancé, Phil ne pouvait pas faire grand-chose à part s’écraser sur sa chaise. « Je suis désolé, j'y penserais la prochaine fois. » bafouille vaguement Phil. Le lieutenant s'assoit confortablement sur la crainte de ses collègues, et ça le rebooste un peu. « Tu peux me passer son CV et sa lettre de motivation. » Aucune formule de politesse, le Morton est remonté, surtout contre lui-même, d'autant que Phil lui a certainement déjà passé tous ces papiers. Malgré le fait qu’il ne connaisse rien de la petite, il avait tout de même réussi à s’en sortir sans trop de dégât, et il avait certainement fait bonne impression auprès d’elle, mais ce n’était pas suffisant, pas pour lui en tous cas. Phil s’exécute sans broncher, il recherche dans ses mails celui d’Hannah Whitemore, et imprime le tout en s’excusant. « Merci. » Il finit tout de même par remercier son collègue même si l’envie n'est pas là, et repart avec les documents en main en direction de la sortie. Le lieutenant ne pouvait pas retourner dans son bureau maintenant que sa stagiaire avait posé ses affaires et qu’il s’était éclipsé, et c’est donc vers un de ses restaurants préférés qu’il guide ses pas. Il se fume une deuxième clope sur le chemin, sa détermination n’aura pas duré bien longtemps, et c’est autour de 11:20 qu’il arrive, embrassant chaleureusement le gérant qui a l’habitude de le recevoir, au moins une fois par semaine. Le restaurant n'ouvre pas avant midi pile, mais Gregory patiente avec une bière en terrasse, et en profite pour parcourir le parcours scolaire et professionnel de sa stagiaire, bien plus intéressant que ce qu’il espérait. Il commande, savoure son steak tartare, profite de son café et du soleil pour s’allumer une autre cigarette, et repart finalement en direction des locaux pour arriver à l’heure. Il ne fallait pas non plus abuser de cette longue pause qu’il s’était autorisé, il fallait tout de même reprendre l’affaire en détail pour aborder de nouvelles pistes de recherches. Alors qu’il pousse la porte de son bureau, il retrouve Hannah toute concentrée, et plusieurs piles de documents, un bordel organisé. « Je me suis permise d'aménager un peu l'espace pour commencer. » Un sourire étire ses lippes alors qu’il pose ses fesses sur sa chaise. Il lui avait attribué une semaine pour classer le tout, il pariait maintenant sur le fait qu’elle mettrait moins de trois jours avec cette efficacité. « C’est vous qui gérez, vous faites comme vous le sentez, Hannah. » qu’il lui dit, plongeant lui aussi son nez dans un dossier et l’invitant donc à continuer sa classification. Après ce premier contact et les informations récoltées dans son CV, il n’avait plus aucun doute sur les capacités de la jeune femme. « Pourquoi avez-vous choisi ce stage mademoiselle Whitemore ? » demanda-t-il en relevant les yeux pour la regarder. La question lui brûlait les lèvres depuis qu’il savait qu’elle était d’abord médecin avant d’être cette stagiaire, et bien que son statut ne soit pas remis en cause, il l’a regardait tout de même d'un œil différent. Les médecins sont plus respectés que les simples stagiaires, et Gregory s’était senti un peu démuni face à cette information. Non pas qu’il l’ait prise de haut en pensant qu’elle n’était qu’une étudiante, mais il pensait qu’elle avait le même profil que les stagiaires habituels : des étudiants qui n’ont que peu d’expérience professionnelle. Ce n’était pas le cas d’Hannah malgré son jeune âge, et s’il l’avait su un peu pus tôt, c’est avec plus de respect et de considération qu’il l’aurait accueillie. « Avec votre dossier, vous auriez pu être accepté n’importe où, pourquoi avoir choisi la police ? Cela ne s’éloigne pas de votre projet professionnel ? » Il faisait évidemment confiance à Phil, et si Hannah comptait parmi les stagiaires, c’est qu’elle le méritait et qu’elle avait bien défendu la raison pour laquelle elle voulait ce stage, mais Gregory ne pouvait pas s’empêcher de s’interroger à ce propos.
La brune n’avait pas vraiment vu le temps passer avec la charge de travail que Morton lui avait déjà donnée pour commencer, et même si elle s’était sentie légèrement rabaissée à devoir faire ce qu’elle considérait comme de l’administratif pur et dur, elle avait tout de même décidé de se lancer à corps perdu dans cette tâche afin de lui prouver qu’elle était capable de faire tout ce qu’il lui demanderait, même si cela sortait légèrement de ce qu’elle s’était mis en tête en s’inscrivant pour ce stage. Elle espérait qu’en agissant ainsi, il ne tarderait pas à lui donner des tâches plus significatives et plus concrètes par rapport à l’affaire en elle-même. Hannah feuilletait les pages une à une, analysant tout ce qu’elle voyait et essayant de ne pas se sentir terrifiée à l’idée qu’un malade pareil soit dans la nature. Pour l’instant, il s’agissait de disparitions, mais quelque chose lui disait qu’il ne s’amusait pas à se construire un harem. Non, si il continuait d’en kidnapper, c’était qu’il s’était lassé des précédentes… La jeune femme secoua la tête dans un petit soupir, comprenant sans peine la frustration que Morton et ses collègues devaient ressentir en constatant de nouvelles disparitions sans toutefois avoir la moindre nouvelle piste à exploiter pour retrouver le coupable. Plongée dans ses pensées et concentrée sur son nouveau système de tri, elle sursauta presque lorsqu’un bruit lui indiqua qu’elle n’était plus seule dans le bureau et que son maître de stage l’y avait rejointe. Elle releva la tête dans sa direction, se sentant obligée de justifier le fait qu’elle avait volontairement déplacé quelques meubles alors qu’il s’agissait de son bureau à lui et non du sien. Cela dit, elle avait la journée devant elle et elle avait prévu de se montrer productive durant l’après-midi, raison pour laquelle elle n’avait pas chômé et avait pris les devants en se constituant un espace à elle pour les heures qui suivaient. « C’est vous qui gérez, vous faites comme vous le sentez, Hannah. » Il avait souri en prononçant ces mots, ce qui la rassura quelque peu sur le fait qu’il ne risquait pas de lui faire un scandale pour une ou deux tables déplacées sans son accord. Et heureusement d’ailleurs. Le Morton lui semblait un peu plus détendu qu’en matinée, et sans doute que le break de midi lui avait fait le plus grand bien. « Très bien, je continue alors. » Puisque pour le moment, il s’agissait de la seule chose qu’il lui ait demandé de faire. Elle se replongea donc dans les divers dossiers, continuant d’élaborer son système de classification afin qu’il soit le plus efficace possible et ne releva la tête que lorsqu’il ouvrit à nouveau la bouche, laissant son regard glisser sur elle. « Pourquoi avez-vous choisi ce stage mademoiselle Whitemore ? » La brune haussa légèrement les sourcils, surprise qu’il lui pose la question maintenant plutôt que ce matin, lorsqu’ils apprenaient à se connaître – façon de parler. Par dépit, fut la première réponse qui lui vint en tête, mais pas sûr que ça soit la meilleure chose à dire à son maître de stage, d’autant que les places étaient chères. Et puis, elle avait peut-être jeté son dévolu sur ce stage-ci par dépit au début, mais elle avait bien évidemment changé d’avis en se renseignant davantage sur lui et sur ce qu’il faisait. A vrai dire, elle commençait même à mordre tout doucement au milieu, et ce même si elle ne l’avait qu’effleuré en se mettant à trier les dossiers d’une affaire en cours. « Avec votre dossier, vous auriez pu être accepté n’importe où, pourquoi avoir choisi la police ? Cela ne s’éloigne pas de votre projet professionnel ? » Elle esquissa un sourire, comprenant qu’il avait sans doute profité de la pause déjeuner pour se renseigner davantage à son sujet ; elle était pleine d’intuition la petite Hannah. Elle décida de se montrer honnête avec lui, parce qu’elle ne supportait pas le mensonge et qu’à choisir, elle préférait passer pour une fille un peu trop cash que pour une lèche-botte – comme il y en aurait très certainement dans les jours à venir. « A vrai dire, j’ai un peu été poussée à me diriger vers une voie différente de celle que je me suis choisie depuis un moment. » Elle posa son bras sur un dossier, se tournant légèrement vers lui pour lui faire face. « Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurai plongé les deux pieds dans le premier stage qui m’aurait permis d’évoluer dans le milieu hospitalier. Mais on m’a conseillé de ne pas me fermer toutes les portes et d’évaluer d’autres possibilités. Je ne vous cache pas que j’étais un peu déboussolée à cette idée… » Depuis l’adolescence, elle savait parfaitement le parcours qu’elle désirait faire et avait tout mis en œuvre pour y arriver. Lorsqu’on lui avait suggéré de tenter autre chose, elle avait vu ça comme une perte de temps. « Ensuite, j’ai vu l’engouement des étudiants pour ce stage-ci. Je me suis renseignée, sur vous et sur votre département… Et là je me suis dis que vous aussi vous usiez de la psychologie, à votre manière. J’ai trouvé ça intéressant, alors je me suis lancée… et me voilà. » Entrain de classer vos dossiers. Elle se fendit d’un sourire, attendant qu’il réagisse – ou pas – avant de se reconcentrer sur sa tâche.
Cette pause méridienne avait permis au lieutenant et de reprendre le contrôle de la situation, de mieux se positionner quant à sa stagiaire et d’anticiper ses attentes. Il n’avait pas été surpris de voir que la jeune femme s’était activement affairée à la tâche, déménageant une partie de la paperasse pour se faire une petite place afin de s’organiser, et rentrant dans son travail avec détermination. En voyant le profil d’Hanna, Gregory pensa immédiatement à l’amener avec lui lorsqu’il interrogerait des suspects, il était certain que le côté psychologique pourrait palier à certaines de ses lacunes bien qu’il en sache déjà beaucoup sur le sujet, et cela pourrait également faire office de matériau empirique pour le document qu’elle devrait rendre à la fin de son stage : ils étaient gagnants tous les deux. Curieux de connaître les motivations de la jeune femme, il l’interrogea sur son choix pour ce stage au sein de la section des sciences comportementales. Ce profil était relativement atypique et peu commun pour un simple stage comme celui-ci, elle aurait pu effectuer son stage dans une clinique où elle y aurait certainement appris plus qu’au poste. « A vrai dire, j’ai un peu été poussée à me diriger vers une voie différente de celle que je me suis choisie depuis un moment. » Le lieutenant releva un sourcil lorsqu’elle annonça que ce n’était pas sa première volonté, qu’elle y avait été "poussée". Serait-ce une façon plus polie de dire qu’elle y a surtout été forcée ? Par qui, et surtout pourquoi ? « Si ça ne tenait qu’à moi, j’aurai plongé les deux pieds dans le premier stage qui m’aurait permis d’évoluer dans le milieu hospitalier. Mais on m’a conseillé de ne pas me fermer toutes les portes et d’évaluer d’autres possibilités. Je ne vous cache pas que j’étais un peu déboussolée à cette idée… » Morton se redressa sur sa chaise en croisant les bras sur son torse. Intrigué bien que sceptique, il attendait que sa stagiaire s’explique un peu plus. Est-ce un choix par dépit ? Si tel était le cas, il risquait de changer de comportement avec elle. La place qu’elle occupe est relativement demandée, et même si elle semblait motivée, elle avait tout de même pris un stage que beaucoup d’autres auraient voulu afin de booster leur CV par exemple, ou tout simplement pour se faire leur propre idée concernant le domaine. « Ensuite, j’ai vu l’engouement des étudiants pour ce stage-ci. Je me suis renseignée, sur vous et sur votre département… Et là je me suis dis que vous aussi vous usiez de la psychologie, à votre manière. J’ai trouvé ça intéressant, alors je me suis lancée… et me voilà. » Elle avait au moins la décence d’être sincère. « En effet, vous pourrez trouver du travail aussi par ici avec votre cursus. Nous n’avons pas encore de psychiatre avéré dans la section, et une personne de cette branche là pourrait grandement nous être utile. J’ai, évidemment vous vous en doutez, de solides connaissances sur tout ce qui touche aux psychopathes et à leur psychologie, mais j’ai surtout énormément appris sur le terrain et il est vrai que de la théorie pourrait nous être grandement utile. » Il avait adopté un ton solennel plutôt que tranchant, après tout elle semblait tout de même intéressée, et il restait persuadé que si elle avait réussi à convaincre Phil, c’est qu’elle méritait sa place, comme n’importe qui. « Vous avez été franche et je vous en remercie. Je vais l’être avec vous également : ce stage est très demandé, vous le savez. Je comprends parfaitement qu’il ne faut pas se fermer de portes comme vous le dites, mais si vous êtes réellement persuadée de finir psychiatre dans un hôpital, je pense que vous n’avez rien à faire ici. » Ce n’est pas qu’il ne voulait pas d’elle, mais c’était leur rendre service à tous les deux en finalité. « Pensez-vous réellement que vous vous rendrez service en restant ici ? Pensez-vous y apprendre des choses qui vous permettront d’avancer dans votre projet personnel ? » finit-il par dire sans accusation. Le lieutenant mâchait rarement ses mots, mais il avait tout de même fait en sorte d’utiliser des formulations qui ne se voulaient pas brutales : le but n’était pas de la faire fuir, mais il fallait qu’elle se pose les bonnes questions. Gregory détestait perdre son temps, elle avait certainement beaucoup à lui apporter, lui-aussi dans un sens, mais si elle était persuadée de ne pas finir dans cette branche, il ne servait strictement à rien d’y effectuer un stage de plusieurs longs mois.
Hannah était plutôt contente qu’il soit tombé sur elle entrain de s’affairer sur la tâche qu’il lui avait confiée juste avant la pause qu’il s’était octroyée, même si ça avait été le but de l’opération. Qu’aurait-il pensé d’elle si elle se trouvait encore en pleine pause déjeuner alors qu’il lui avait demandé de s’occuper de quelque chose qu’il jugeait important ? Elle ne voulait pas le savoir, raison pour laquelle la brunette avait avalé une salade en vitesse avant de se pencher sur le système de classification le plus adapté pour tous ces dossiers qui n’avaient pas encore le moindre sens, mais elle espérait au fond d’elle que ce travail lui permettrait de dégager un fil conducteur qui aurait échappé à Morton. Elle pouvait probablement toujours rêver, ce type était une pointure dans son domaine et nul doute que s’il y avait eu quelque chose à trouver, ça serait déjà fait. Le brun semblait bien plus affable qu’à son arrivée en matinée, et il l’interrogeait désormais sur les raisons de son choix de stage qu’il considérait pour le moins atypique puisqu’elle était médecin. Et il avait raison, puisqu’elle était partie du même postulat avant de finalement décider qu’il s’agissait d’une excellente idée afin de se consacrer à un pan différent de la psychologie. Hannah pouvait voir au fil de ses paroles que Gregory passait par plusieurs phases, allant de la surprise au scepticisme pour finalement s’arrêter sur une conclusion qui s’imposait naturellement d’elle-même, sauf que la brunette refusait de se conforter dans cette case qu’elle s’était elle-même construite, désormais persuadée que ce stage était une bonne chose pour elle et pour son cursus. Les bras croisés – ce n’était jamais positif que d’adopter une telle attitude fermée, elle le savait très bien et cette posture était annonciatrice de la négativité avec laquelle il avait interprété son discours – Morton l’observait sans piper mot, et la jeune femme continuait de lui expliquer en toute franchise les étapes qui l’avaient amenée devant lui. Hannah parfois trop franche pour son propre bien, mais elle exécrait le mensonge depuis toujours et sauver les apparences face à son maître de stage n’était pas une raison suffisante pour mettre des formes à une vérité qui était ce qu’elle était. Après tout, il avait tenu son cv entre ses mains, il pouvait donc se rendre compte par lui-même que chaque décision qu’elle avait prise jusqu’ici étaient guidées par la même envie et visaient toutes le même but. Seul ce stage sortait des sentiers battus, et même si cette idée l’avait profondément déboussolée au tout début, elle était désormais en paix avec son choix et se sentait plus prête que jamais à en apprendre davantage ici. « En effet, vous pourrez trouver du travail aussi par ici avec votre cursus. Nous n’avons pas encore de psychiatre avéré dans la section, et une personne de cette branche là pourrait grandement nous être utile. J’ai, évidemment vous vous en doutez, de solides connaissances sur tout ce qui touche aux psychopathes et à leur psychologie, mais j’ai surtout énormément appris sur le terrain et il est vrai que de la théorie pourrait nous être grandement utile. » Jusqu’ici, ça allait. Elle s’était presque préparée à se faire jeter de son bureau après lui avoir expliqué de façon si abrupte la façon dont elle avait atterri ici, mais il semblait le prendre plutôt bien. Dans les faits, il avait raison ; ses études lui procuraient un avantage considérable pour une section comme celle-ci, même si elle ne s’était pas forcément dirigée vers ce genre de cas clinique. « Vous avez été franche et je vous en remercie. Je vais l’être avec vous également : ce stage est très demandé, vous le savez. Je comprends parfaitement qu’il ne faut pas se fermer de portes comme vous le dites, mais si vous êtes réellement persuadée de finir psychiatre dans un hôpital, je pense que vous n’avez rien à faire ici. » Effectivement, elle savait que ce stage était en tête de liste des envies de bien des étudiants, et c’était précisément pour cette raison qu’elle avait jeté son dévolu sur ce stage, bien avant de se douter qu’il représenterait un challenge intéressant pour elle. Et le brun marquait un point ; elle était effectivement persuadée qu’elle finirait psychiatre dans un hôpital. Et peut-être qu’elle volait une opportunité à quelqu’un en restant ici en dépit de fait qu’elle savait qu’elle ne deviendrait pas une collaboratrice dans un futur plus ou moins proche. Mais elle était là à présent, et il était tout simplement hors de question que ce stage lui passe sous le nez, elle avait bien trop à en retirer. « Pensez-vous réellement que vous vous rendrez service en restant ici ? Pensez-vous y apprendre des choses qui vous permettront d’avancer dans votre projet personnel ? » Beaucoup auraient été désarçonnés par le ton direct employé par Morton, mais ça n’était pas le cas de la brune qui en avait déjà vu d’autres. Il lui accordait simplement le même respect duquel elle avait fait preuve en étant honnête avec lui, et elle appréciait cette discussion exempte de tout faux semblant, même s’il remettait en question sa présence dans les locaux. « Je dirais simplement que même si c’est la voie que je poursuis depuis le début, ce que l’un de mes professeurs m’a dit au sujet de mon cursus m’a poussée à l’introspection. Alors peut-être que je finirai effectivement psychiatre dans un hôpital, ou peut-être que je découvrirai une nouvelle voie en apprenant à vos côtés. Qui sait de quoi l’avenir sera fait ? » Elle esquissa un sourire avant de pencher légèrement la tête. « A mon sens, je pense qu’on peut beaucoup s’apporter mutuellement. A commencer par ça… » Lança-t-elle en balayant d’un geste la pile de dossiers qui s’étalait sous leurs yeux. « Le stage dure plusieurs mois. Si vous pensez à un moment donné que vous avez un meilleur candidat que moi, alors libre à vous de le choisir à ma place. Mais ça n’arrivera pas. » Elle débordait d’assurance Hannah, ça n’était pas nouveau. Surtout lorsqu’elle évoluait dans un domaine dans lequel elle excellait, et elle était précisément dedans. A Morton de décider au final, la brunette avait abattu ses cartes et dévoilé son jeu.
Elle m’avait clairement exprimé ses motivations, je ne pouvais que lui rendre la pareille et être honnête avec elle : je ne suis pas sûr qu’elle soit vraiment à sa place ici. Maintenant, si elle pouvait défendre sa position, si elle pouvait argumenter, alors j’étais prêt à l’écouter. Mais de savoir que j’allais peut-être perdre mon temps avec elle alors qu’on aurait aucune chance de pouvoir la voir dans nos rangs un jour, ça ne me rendait pas très enthousiaste à l’idée de la former. Tout le monde peut se montrer curieux, tout le monde pourrait faire des stages simplement pour observer, mais un stage de plusieurs mois comme celui-ci est conséquent, je n’ai pas envie de consacrer mon temps à une étudiante qui est certaine du métier qu’elle souhaite faire et qui n’est pas en lien avec ce que nous faisons ici. « Je dirais simplement que même si c’est la voie que je poursuis depuis le début, ce que l’un de mes professeurs m’a dit au sujet de mon cursus m’a poussée à l’introspection. Alors peut-être que je finirai effectivement psychiatre dans un hôpital, ou peut-être que je découvrirai une nouvelle voie en apprenant à vos côtés. Qui sait de quoi l’avenir sera fait ? » Elle sait s’y prendre avec les mots, elle sait jouer sur les tournures qui porteront en sa faveur, et elle réussit encore une fois à obtenir toute mon attention. « A mon sens, je pense qu’on peut beaucoup s’apporter mutuellement. A commencer par ça… » Elle me montre la pile de dossiers qu’elle avait commencé à trier, et il est vrai que j’aurais bien besoin de quelqu’un pour m’aider à ordonner tout ça. Mais si ce n’était que ça, je pourrais très bien le faire faire par quelqu’un d’autre. Ce travail lui prendra une semaine tout au plus, ce n’est pas le plus gros du boulot. « Le stage dure plusieurs mois. Si vous pensez à un moment donné que vous avez un meilleur candidat que moi, alors libre à vous de le choisir à ma place. Mais ça n’arrivera pas. » Elle a confiance en elle, mademoiselle Whitemore, et au fond, ça me plait. Je déteste les gens imbus d’eux-mêmes, mais Hannah, c’est différent : elle se vend pour sa place ici, elle fait encore une fois ses preuves, comme elle a dû le faire avec Phil, elle sait comment obtenir mon attention, elle sait comment parler pour que les dés soient en sa faveur. « Bien, maintenant que les choses sont claires, vous pouvez retourner au travail. » C’est ma façon de lui dire qu’elle peut rester, je me raccroche au fait qu’elle veuille s’ouvrir d’autres portes et qu’il n’est pas impossible qu’elle finisse dans la section des brigades comportementales. L’après-midi se termine ainsi dans le silence, Hannah continuant son classement tandis que je m’engage sur une nouvelle piste. Vers 19h, il me reste encore un suspect à interroger. Il est dans la salle depuis un peu plus d’une heure, il me reste encore une bonne heure et demi à patienter avant d’aller le voir. 2h45 d’attente, nous avions établi dans l’équipe que c’était ce qui était le plus efficace pour obtenir les informations que l’on souhaitait avoir. Quand je reviens dans mon bureau, mademoiselle Whitemore n’est toujours pas partie, et encore une fois, elle me prouve que c’est une bosseuse. « Je vais me commander un plat avant le prochain interrogatoire, vous comptez rester encore longtemps ? » C’est ma façon de lui proposer de manger avec moi ce soir. Non pas que je veuille manger avec elle, le lien maître de stage/stagiaire doit rester professionnel, mais si elle travaille jusqu’à tard, autant commander pour deux.
Hannah savait que l’honnêteté ne payait pas toujours, mais elle estimait qu’elle n’allait pas s’abaisser à lui dire ce qu’il avait envie d’entendre uniquement pour s’assurer une place pour ce stage que tant d’autres enviaient. Si elle restait, ça serait parce qu’il estimait qu’elle le méritait et non pas parce qu’elle se serait pliée à devenir une autre pour entrer dans le moule. Elle avait ses convictions et elle savait parfaitement où elle voulait aller, et à son sens, sa voie professionnelle n’était peut-être pas toute tracée, finalement. Mais elle ne parviendrait pas à le découvrir s’il l’empêchait de faire ce stage à ses côtés, comme elle le lui fit savoir sur un ton ferme et résolument convaincant – du moins l’espérait-elle. Ceci étant dit, la brune comprenait également la position de Morton à son égard ; personne ne voulait perdre son temps à former quelqu’un si cette personne savait déjà ne pas rester dans les parages plus tard, mais comme elle l’avait souligné, aucun d’entre eux ne savait de quoi l’avenir était fait. A son sens, elle avait assez de capacités pour se montrer très vite indispensable, et cette période de stage leur serait probablement profitable à tous les deux, du moins l’espérait-elle. Le médecin sentait qu’elle avait fait mouche par ces paroles empreintes d’assurance car son interlocuteur se déridait quelque peu, même s’il se donnait beaucoup de mal pour conserver une apparence austère à son égard. « Bien, maintenant que les choses sont claires, vous pouvez retourner au travail. » Hannah se fendit d’un sourire discret avant de hocher la tête, ayant compris le sens caché de cette phrase. Elle était en période de probation pour l’instant, mais elle comptait bien faire ses preuves et lui montrer qu’il y gagnait en la gardant près de lui. Cette affaire la faisait déjà beaucoup cogiter et même s’il était trop tôt pour s’investir dans du concret, la jeune femme notait déjà dans son carnet tout ce qui lui venait à l’esprit – sait-on jamais que cela puisse servir à un moment donné. Avoir un œil neuf sur une affaire n’avait jamais fait de mal à personne et peut-être que le brun lui serait reconnaissant de son esprit d’initiative, même si pour l’instant elle comptait bien garder ses conclusions pour elle. Avoir l’air assuré était une chose, mais la brunette ne voulait pas s’avancer et marcher sur ses plates-bandes, il fallait pouvoir rester mesurée et ne pas franchir trop rapidement les étapes s’il désirait qu’elle reste à sa place – comme le suggérait son désir de la voir s’atteler à une tâche administrative au lieu de lui permettre d’assister aux interrogatoires qu’il mènerait en fin de journée, par exemple. L’après-midi se déroula dans un silence studieux et la brune décida d’abattre autant de travail que possible, désireuse de réduire au maximum le temps qu’il lui faudrait pour passer à une autre tâche – qu’elle espérait un peu moins rébarbative, et ce même si Morton avait marqué un point en soulignant que ça lui permettrait d’en apprendre davantage sur l’affaire en cours. Quelques heures plus tard, le médecin était toujours plongé dans son système de classement et elle releva la tête, un rien étonnée, lorsque le brun fit à nouveau son entrée dans le bureau. « Je vais me commander un plat avant le prochain interrogatoire, vous comptez rester encore longtemps ? » Hannah n’hésita pas bien longtemps avant de lui répondre, s’étirant légèrement en se redressant pour lui faire face. « J’avoue que j’aurais aimé terminer ça avant de partir, si ça ne vous pose pas de problème bien entendu. Sinon je continuerai demain. » Elle avait bien compris le sous-entendu, du moins le pensait-elle, mais une part d’hésitation la poussa à ne pas rebondir sur le fait qu’il commandait à manger. Si elle sautait sur l’occasion et qu’elle se trompait, ça serait une première humiliation qu’elle préférait éviter, si possible. « Vous allez retourner interroger quelqu'un après ça? » Ne put-elle s'empêcher de demander, curieuse de savoir sur quoi il bossait.
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