« That must have been so weird for you » Oui, mais le for you est bizarre. Wouldn’t have been weird for her? Calm down Jor. Le drapeau blanc est agité là. Regarde là. "And you are right. I don't know why I'm giving you advice straight from magazines, like: ten pieces of advice to find the right relationship for you. I don't even know where that's coming from. It's not like I function that way either." Fucking. Yes. C’est pas non plus comme si elle avait déjà été la reine des relations. Elle l’a dit elle même qu’elle n’a jamais été amoureuse. Exactly. "I think I just can't help being worried about you. And I know that sucks, because you're actually handling the hell out of this horrible thing that happened to you. And I'm treating you as if you weren't. And that's not fair."
« THANK YOU ! »
Tu l’as pensé si fort qu’il est sorti de tes lèvres avec tout ton coeur aussi. Parce que oui. Toi aussi tu trouves que tu gères grave. Tous les psy que t’as vu ces dernières années te l’ont dit aussi. Alors qu’elle te fasse te sentir comme un gosse alors que tu gères comme un king. No thanks.
"What hurt me is that you put me in a category of people. You said you guys, you all. I'm not- I don't see you like that. I see you as Jordan. And I know you only want what's best for me. It just so happens that you would never say something to me as stupid as what I said to you » Oh god… Elle est en train de mettre tout ça à propos d’elle. Alright… "so it's moot. It's just- You're special to me. And it felt like you were saying that I wasn't to you. I guess." For fuck sakes. T’aimes pas comment elle tourne la conversation. Elle est gênée, ça se voit comme le nez au milieu de la figure mais elle y va quand même. That shit is gonna hurt. Et elle a pas fini. "Do you like me as a human? Like why do you hang out with me? You're like this insanely talented musician, gorgeous, kind, funny. Why- Like I'm- Why? » That shit is gonna really hurt. Tu prends une grande inspiration. Faut que tu trouves les bons mots parce que ça va pas être plaisant.
« Lola… »
Trouves les bons mots Jordan.
« I said you guys and stuff because you’re not the only one worrying about my love life. »
Tu as des amis. Tu as une famille. Elle a l’air de l’oublier. T’es pas resté 10 ans tout seul dans ton coin en attendant qu’elle revienne. Some never left. Donc oui, tu pardonnes, mais tu oublies pas. Tu penses surtout à ceux qui sont jamais parti. C’est important. Même si tu comprends ses raisons, les faits sont là quand même.
T'es malheureusement pas d'humeur à lui faire la liste de ses qualités. « Trust one thing. If I didn’t want you around, you wouldn’t be around. I’m not one putting myself in situation I don’t like. »
Elle devrait le savoir. De toute façon t’es un livre ouvert, ça se voit direct sur ton visage quand t’es pas à l’aise avec quelqu’un ou quelque chose. Et là, c’est vrai que ça commence à être bizarre cette affaire.
« Lola… »
Apparemment t’as pas fini.
« Are you saying you’re not good enough to be my friend ? Cos that’s pure shit and I feel like… I don’t know… Are you still feeling guilty for leaving and now you… I don’t know… I really don’t know but it’s weird. »
Tu soupires. Tu regrettes d’avoir parlé du fait qu’elle soit parti mais c’est la vérité. C’est une partie de vous deux. De votre histoire passée. Un gros morceau important.
« Am I not meeting your expectations as a friend ? »
Parce que c’est ça en fait. Tu réalises doucement.
Jordan et Lola se retrouvaient. Elle acceptait ses erreurs, réfléchissait sur ce qu'elle avait dit, ce qu'elle aurait pu dire, d'où venaient ses paroles. Elle voulait se réconcilier, oublier cette dispute, et surtout oublier que ça avait eu lieu dans la sacro-sainte forêt. Elle voulait passer à autre chose, tourner la page, et le "THANK YOU" de Jordan la rassura. Ils étaient sur le bon chemin. Tout allait bien se passer. Rien n'était perdu.
Lola décida de continuer leur dialogue en s'ouvrant à lui sur ses peurs à elle, d'où venait ses étrangetés parfois avec Jordan, le fait qu'elle s'était toujours sentie étrangement inférieure à lui. Elle avait besoin d'être rassurée. Au visage de Jordan et à la grande inspiration qu'il prit, elle sut que ça n'allait pas être le cas. Que ça allait être pire que tout. Elle tenta de se raccrocher au rien n'est perdu, mais il commençait à s'effriter entre ses doigts, et elle paniquait un peu, elle paniquait pour de bon, car elle ne voyait plus comment panser les trop nombreuses blessures.
"Lola..." Rien de bon ne commençait par son prénom dit comme ça. Ce n'était pas une tonalité attendrie ou douce. Il y avait de la frustration dedans. Lola se tourna immédiatement vers le ciel, et elle y puisa la force d'entendre la diatribe qui arrivait. "I said you guys and stuff because you’re not the only one worrying about my love life." Oui, elle le savait ça. Elle aussi avait une famille, des amis, d'autres gens qui faisaient partie de sa vie. Mais pour elle, chacun d'entre eux était un individu à part, quelqu'un de spécial, d'unique. Ils ne disaient pas les mêmes mots, pas avec les mêmes intentions, pas pour les mêmes raisons.
"Trust one thing. If I didn’t want you around, you wouldn’t be around. I’m not one putting myself in situation I don’t like." Lola hocha de la tête, tout en continuait à regarder un nuage blanc qui dérivait dans le ciel. Ca, c'était vrai. Jordan lui faisait toujours savoir clairement lorsqu'il ne voulait pas d'une situation. "Lola…" Deuxième fois qu'il prononçait son prénom. Elle n'entendait toujours pas d'affection dans sa voix. Elle ne comprenait pas très bien ce qu'il se passait, mais elle savait qu'une masse cotonneuse blanche volait très haut au-dessus d'eux, et pour le moment, ça lui suffisait. "Are you saying you’re not good enough to be my friend ? Cos that’s pure shit and I feel like… I don’t know… Are you still feeling guilty for leaving and now you… I don’t know… I really don’t know but it’s weird." Et au mot weird, le nuage ne suffit plus. Elle se sentit marginalisée, pointée du doigt, avec une étiquette weird sur le front. Elle détestait ce sentiment. Elle l'avait vécu toute sa vie. Par sa famille. Par les gens à l'école, au collège, au lycée. Jordan avait justement été la personne qui ne l'avait pas faite sentir comme ça. Tout ça pour en arriver là ?
Rien n'était perdu ? Elle en était de moins en moins sûre. Elle entendit Jordan soupirer, et il rajouta : "Am I not meeting your expectations as a friend ?" Et Lola fronça les sourcils. Elle ne s'attendait pas du tout à ce revirement de situation. D'où ça venait, ça ? Est-ce que c'était vrai ? Non. Peut-être. Elle ne savait pas. A quel moment avaient-ils changé ? A quel moment les choses étaient devenues plus complexes ? A quel moment avait-il été décidé qu'ils refuseraient de lâcher, de s'adoucir ? Rien n'était perdu ? Lola se tourna vers Jordan, mais avec un regard froid, distant. Elle avait été trop blessée par leur conversation, et elle ne se sentait plus en mesure de continuer. "The bus is straight ahead. Just follow the path. There's no way to get lost." Elle regarda par terre, retint une envie de protester, de rajouter d'autres choses. Il n'y avait rien à ajouter. Tout était perdu. "I'll get the next one", conclut-elle, et elle se retourna et commença à marcher dans la forêt, s'éloignant de Jordan à chaque pas, et ça lui clouait le coeur, mais c'était ça ou pire.
T’es honnête. T’es maladroit. T’es comme tu l’as toujours été. Et cette conversation et toute cette situation te fait te questionner toi. La fait la questionner elle. Et une chose est sûr, tu dis rien de ce qu’elle espérait parce qu’elle se ferme de plus en plus. Elle fronce les sourcils. T’as l’impression que tu l’as fait réfléchir mais elle a l’air d’avoir besoin de plus de temps. Peut être de plus de tes mots. Des autres mots. Pas ceux là. What about what I need now? Parce que t’es pas à l’aise parce que tu l’as mis mal à l’aise et c’est pas sensé être comme ça vous deux. Nope. « The bus is straight ahead. Just follow the path. There's no way to get lost. » And I’m the kid again, am I ? Tu vois qu’elle est au sol. Pas physiquement, mais c’est pas loin. « I'll get the next one » Et elle se détourne. Tu soupires.
« I’m not letting you in here alone when the next bus might be in god knows when. »
T’es derrière elle. Tu marches sans chercher à la rattraper. Mais tu es bien derrière elle. Pas loin. Deux mètres tout au plus. Vu comme t’es grand, tu peux la toucher en te penchant vers elle. T’es pas loin. T’es là. Tu partiras pas sans elle. Même pas en rêve. Même pas concevable. Et tu dis rien. Tu marches avec elle, derrière elle. En silence. Un moment. T’as tellement de phrases qui te viennent dans ta tête mais tu n’oses rien dire. T’as déjà été trop loin. Yeah so I might as well… T’hésites.
« If you really don’t want to talk to me anymore I’ll sit at the front and you can have the back. But I am not leaving without you. »
Et les rôles s’échangent de nouveau. C’est elle l’enfant. C’est toi qui est en train de la surveiller.
« And now I shut up. »
Bien que tu aies encore plein de truc en tête. C’est pas le moment. Elle a déjà pris un paquet de droites aujourd’hui. Tout comme toi. Chacun votre tour. I’m a piece of shit. But an honest one.
Et voilà comment ils se retrouvèrent à marcher tous les deux dans la forêt, en silence, l'un derrière l'autre. Lola entendait juste la retombée des mots de Jordan. Elle entendait son propre coeur qui s'étirait après s'être pris trop de coups pour une journée. Elle entendait les bruissements des feuilles, le sifflement du vent, les minuscules pas rapides d'animaux, et Jordan qui marchait, et elle qui marchait. Ses émotions se calmaient peu à peu. Elle prenait son temps. Elle savait ce qui arrivait quand elle laissait tout déborder. Et elle avait entendu la proposition de Jordan. De prendre le même bus pas à côté. Mais pour le moment elle avait besoin de la forêt. C'était pour ça qu'elle venait d'habitude. Elle était beaucoup venue après la mort de Sofia. Ca l'avait aidée. Ca l'avait apaisée. Elle n'en avait pas parlé à Jordan. Elle n'en avait parlé à personne.
Lola fit un exercice de thérapie cognitive qu'elle avait appris : elle se mit à compter les couleurs autour d'elle. Comme toujours, elle se heurtait à une difficulté, qui était les nuances de brun et de vert. Il y en avait tout un éventail, et elle les percevait assez bien, trop pour le concept du jeu. Tant pis. Ca la calmait, et c'était ça qui comptait, pas le chiffre auquel elle arriverait. Elle jeta un oeil au ciel pour ajouter bleu et blanc dans la longue liste. Un très mince sourire revint sur ses lèvres. Elle ralentit son pas pour marcher au même rythme que Jordan. Elle n'avait toujours aucune envie de lui parler mais elle avait envie qu'ils soient côte à côte.
Ils l'auraient faite, finalement, cette balade dans la forêt. Pas comme initialement prévu, mais ça avait fini par arriver. Lola se rappela quand ses parents disaient que le silence était d'or. Elle haussa les sourcils, catastrophée de se dire qu'elle en était arrivée à un point de sa journée où elle donnait raison à sa mère et à son père. Ce n'était jamais bon signe. Eux préconisaient les relations sociales d'acquaintances, les gens qu'on croise dans les cocktail parties, qui sont utiles pour le réseau. Mais ils ne s'approchaient intimement de personne. Elle se rendait compte à quel point ils avaient toujours été solitaires. Elle se demanda sur quoi d'autre elle avait bien pu se tromper à leur sujet.
Ce qui forcément l'amena au point de départ, parce que les boucles finissent toujours par se boucler. Pourquoi éprouvait-elle tant de colère envers Jordan ? D'où était partie leur conversation au départ ? Elle ne se souvenait même plus. Ils parlaient d'une mexicaine. Jusque là, tout allait relativement bien. Non ? Et avant ? De l'Ellen Show ? A quel moment ça avait dérapé ? Pourquoi ça avait dérapé ? Pourquoi Jordan n'avait pas juste pu répondre qu'il n'avait pas envie de dater en ce moment, que la mexicaine ça ne l'avait pas tenté au bout du compte, qu'il était heureux seul ? Pourquoi est-ce que ça n'avait pas pu être aussi simple et bienveillant que ça comme conversation ?
Lola se sentait désorientée. Elle était fatiguée. Elle avait faim. Elle avait soif. Elle était en colère. Elle était triste. Bref, elle n'avait envie de rien. Ils rejoignirent bientôt la fin de la balade, le bus, et ils montèrent dedans. Lola s'installa au fond, la meilleure place, et fit signe à Jordan qu'il pouvait s'asseoir à côté d'elle s'il voulait. Elle appuya sa tête contre la vitre et regarda par la fenêtre, les yeux dans le vague. Ils seraient bientôt de retour à Brisbane.
Tu l’as dit. Tu le fais. Tu te tais. Le silence. C’est souvent une bénédiction. T’aimes la musique. Les sons en fond mais pas toujours. Là, la nature suffit à tes oreilles. Le bruits de vos pas aussi. Parce que tu sais pas si elle se rend compte mais vous allez au même rythme. Un pied devant l’autre. Ca fini par faire un son que tu pourrais mettre en fond en tant que sample. Vraiment t’es toujours en train de mettre de la musique partout dans ta tête. Et puis le rythme change. Tu le remarques au son. Et elle se retrouve à côté de toi en marchant. Tu sais que ça veut pas dire qu’elle t’en veut plus, mais ça veut dire qu’elle veut continuer un bout de chemin à tes côtés. En tant que égaux. Fini l’enfant et l’adulte. Vous avez assez joué à ça aujourd’hui. Never again. Parce que tu détestes ça. Ca te fait penser à ton père car il est la seule figure parentale que tu as jamais eu quand t’étais gosse et tu le détestes de tout ton être. T’aimerais tellement être juste indifférent à lui mais non. Parce que tu l’aimes aussi ce fils de pute. Focus. Et tu reposes ton attention sur le bruit de vos pas dans la nature. Ce rythme qui te plaît parce que vous êtes côte à côte.
Tu sais pas combien de temps vous avez marché. Comme y’avait pas de musique tu peux pas mesurer en temps de rotation d’un album. Mais une chose est sûr, c’était le temps qu’il fallait pour que vous finissiez malgré tout assis l’un à côté de l’autre dans ce bus. Thank god cos I hate the front. Parce que si y’a un accident, ce sera les personnes de devant qui passeront au travers du pars brise en premier. C’est scientifique, si t’es installé à l’arrière, tu as plus de chance de survi. C’est pareil en avion. C’est comme ça qu’on te trouvera toujours dans les dernières rangée. Parce que même si tu penses à la mort depuis toujours, tous les jours… Tu veux vivre.
Tu mets un écouteur dans ton oreille et tu lances une de tes playlists parce que t’as bien besoin de musique maintenant. Tu poses ta tête contre le siège. Tes jambes trop grandes que tu laisses s’étendre dans l’allée centrale. Tu fermes les yeux. Bientôt vous serez de retour à Brisbane.