Elle se sent si stupide, si naïve d'y avoir cru. Elle a tenté pourtant, de rester honnête avec elle-même. Elle a tenté de toutes ses forces de se dire que ça n'allait nulle part, que ça ne servait à rien de se faire des attentes aussi grandes, que tout dans cette relation était vouée à l'échec.

Et pourtant, elle l'aimait tellement. Elle l'aimait lui, elle aimait ce qu'ils étaient ensemble. Elle aimait leur relation, aussi décousue et compliquée soit-elle. Elle aimait qu'il la complète, elle aimait qu'il soit toujours prêt à la la défier. Elle aimait leur complicité, elle aimait la personne qu'elle devenait à ses côtés.

Mais c'était trop à supporter et elle l'avait su dès le départ, beaucoup trop lâche pour l'assumer. Matt ne devait pas être au courant, Matt devait rester dans le néant et elle n'en pouvait plus de mentir Ginny. Elle sentait tout le poids du monde sur ses épaules quand elle hochait de la tête de la négative lorsque son frère lui demandait si elle avait fait quelque chose de spécial dans la journée ; alors que sa journée, elle l'avait passée toute entière avec lui. Elle n'en pouvait plus de détourner le regard quand ils étaient tous dans la même pièce mais qu'elle ne voyait que lui, encore et toujours juste lui.

Alors elle s'est cachée à l'Académie la gamine. Elle est entrée après les cours, a fui une dispute avec elle-même pour troquer ses munitions et sa culpabilité contre un pinceau, contre un canevas. Elle tente de peindre quelque chose de concret mais rien ne sort, alors elle improvise, elle cherche sa respiration, la retrouve à peine à travers les coups de pinceaux désorganisés. Ses yeux sont rougis, bouffis, elle aurait dû aller chez lui mais elle l'a quitté pour venir ici. Ils veulent attendre pour lui en parler à Matt, mais elle n'en peut plus et elle sait que c'est partagé. Pourtant, ils stagnent, ils restent bloqués, ils n'osent rien.

« Jill? » elle ne s'attendait pas à ce que ce soit sa soeur qui entre dans l'atelier libre de l'Académie à cette heure-ci, surtout pas. Du revers de la paume elle essuie ses joues, le pinceau laissant des marques de peintures ça et là sur sa peau. « C'est rien, c'est vraiment rien. » Ginny qui justifie tout, qui cache tout aussi, surtout. En ravalant et ses larmes et sa voix, l'espace d'une seconde, avant de détourner le regard de son aînée pour visser ses prunelles à la toile en devenir devant elle.

Elle se baladait dans la ville aujourd'hui Jill. Elle a passé du temps avec son frère pendant qu'il séchait quelques cours avec des amis à lui. Elle était allongée pendant une partie de l'après midi sur l'herbe, dans un parc. À fumer un joint qui n'était même pas à elle. C'est toujours mieux de consommer quand c'est gratuit. Mais elle est restée plutôt calme jusqu'à ce que Matt finisse par aller en cours. Elle a grogné, elle a râlé, elle a essayé de l'amadouer mais rien n'y a fait. Elle est restée coincé toute seule à l'extérieur. Donc elle a marché un peu, elle s'est arrêtée dans un café qu'elle connait bien pour parler avec les barmans et elle a de nouveau marché un peu. Jusqu'à se retrouver devant l'école de Ginny. Un grand bâtiment, pleins d'élèves un peu étrange (comme Ginny en fait) qui sont assis sur les escaliers.

Elle finit de fumer et elle rentre, personne ne vérifie quoi que ce soit. Elle fait le tour des salles, elle cherche Ginny. Elle est forcément là quelque part, elle passe sa vie dans ce bâtiment ou avec son amoureux mystère. Elle saura qui c'est un jour, même si Ginny n'a toujours pas craché le morceau depuis sa fuite par la fenêtre. Donc elle avance, elle ouvre les portes et elle râle à chaque fois qu'elle ne voit pas sa petite sœur.

Elle rejoint une salle isolée. Il y a marqué atelier libre sur la porte. Elle ouvre, et Ginny est là. « ça fait au moins 30 minutes que je fouille dans toutes les salles pour te trouver. » Et elle tourne la tête Ginny, elle a les yeux rouge et bouffis. « C'est quoi qui te fait pleurer comme ça ? » Elle n'est pas proche de sa sœur, elle n'est pas du genre à la surveiller, à aller la consoler quand elle pleure. Mais on touche pas à sa famille, jamais. Et elle a l'air dévastée la cadette, et elle soupire Jill. Elle s'assoit en face d'elle. « C'est Auden c'est ça ? Je savais que tu pouvais pas lui faire confiance » Un mec qu'elle ne connait pas depuis longtemps, mais elle n'a pas confiance, il a l'air totalement insupportable et manipulateur. Mais Ginny tombe dans le panneau, toujours. « Qu'est ce qu'il t'a fait ? Je peux vraiment aller le tuer là si c'est nécessaire. »

« ça fait au moins 30 minutes que je fouille dans toutes les salles pour te trouver. » elle n'aurait jamais cru, jamais pu penser que d'entendre la voix de sa soeur l'aurait à ce point rassurée. C'est illogique et c'est difficile à concevoir, mais lorsque son menton se relève et qu'elle croise le regard courroucé de Jillian, elle respire un peu mieux Ginny. « C'est quoi qui te fait pleurer comme ça ? » « Faisait pleurer - j'ai fini là. » jusqu'à ce qu'elle retombe directement, face première dans le tissu de mensonges qu'elle déteste tenir, jusqu'à ce qu'elle se rappelle dans quelle histoire elle est plongée si vite et si fort, ce qu'elle cache à son frère et à sa soeur et à ses parents et au monde entier depuis trop longtemps pour que ce soit sain.

Jill s'installe et Jill reste, bien sûr qu'elle ne partira pas maintenant que la cadette s'essuie les joues, maintenant qu'elle s'occupe à tout sauf à rester immobile. Les pinceaux qu'elle ramasse, les palettes qu'elle éparpille, elle erre partout et nulle part dans l'atelier Ginny, elle est incapable de faire autrement. « C'est Auden c'est ça ? Je savais que tu pouvais pas lui faire confiance » le rire qu'elle laisse échapper sur ses lèvres est nerveux, difficile, brusque. C'est pas Auden, mais c'est toujours lui qu'on met en ligne de front, c'est toujours lui qui récolte le mauvais rôle et sur l'instant, elle s'en veut la gamine, elle s'en veut de le mêler lui comme de les mêler tous à son histoire. Elle voulait juste être amoureuse Ginny, elle voulait juste que ce soit simple. « Qu'est ce qu'il t'a fait ? Je peux vraiment aller le tuer là si c'est nécessaire. » « Il a rien fait et je ne pleure plus. » ses joues sont sèches, ses yeux sont encore rougis mais son souffle s'est calmé, c'est déjà ça.

« Tue personne. » qu'elle finira par statuer, en se postant devant sa soeur, en tentant d'ajouter un trait de menace un peu plus sérieux à ses mots, à sa silhouette en entier qui fuit depuis que Jill est arrivée dans la salle, depuis que Jill s'est incrustée dans son monde. Elle n'est jamais venue à l'Académie avant aujourd'hui, pas même aux soirées vernissages des élèves, pas même aux événements ouverts à la famille et aux amis. « Et dis rien à Matt. » la précision qui monte toute seule quand elle la regrette déjà. Parce que c'est trop évident maintenant que Matt le connaît, et parce qu'elle n'a pas pu retenir un pas et un autre vers son cahier, celui rempli des portraits d'Ezra, celui qui traîne à pareille distance entre elle et sa soeur et qui dévoilera tout si Ginny ne l'attrape pas avant Jill.

les dédédédédédéééés:

Elle pleure Gin, et Jill n'aime pas la voir comme ça. Elle ne le dira pas, elle ne lui dira rien à elle directement. Elle lui fait juste comprendre qu'elle serait capable de tuer quiconque a osé faire ça. Elle peut être affreuse, elle peut être méchante, mais personne d'autre qu'elle n'a le droit de faire ça, et surtout pas à Ginny. « Arrête de te foutre de moi Gin. » Parce qu'elle a arrêté de pleure, c'est vrai, parce qu'elle a toujours été doué pour tout cacher. Mais elle voit derrière le masque Jill, et elle ne s'est pas arrêtée de pleurer parce qu'elle n'avait plus envie de le faire. Elle l'a fait uniquement parce que Jill est entrée, et qu'elle a explosé sa bulle.

Elle pense à Auden, elle se dit qu'il est le seul à être capable de la mettre dans un état pareil. Ou alors... Son copain toujours inconnu. Ou... Est ce que Auden est le petit ami caché ? Oh non pitié, tout sauf ce connard d'Auden Williams. Elle cherche, et elle fixe sa sœur, elle semble prête à fondre en larme à tout moment. « Arrête, je m'en fiche que tu ne pleures plus, tu as pleuré et c'est tout ce que je garde en tête. » Elle sourit Jill quand elle lui demande de ne tuer personne. « T'es pas drôle » mais ça c'est loin d'être une nouveauté, elle avait jamais été amusante la cadette. « Pourquoi je dirais à Matt que t'as pleuré ? » Les sourcils de Jill se froncent, elle a fait une connerie Ginny, elle en a trop dit. Un cahier, elle le fixe Ginny, et Jill est bien plus proche du cahier. Elle sourit, et elle se jette dessus pour l'attraper avec sa sœur et courir dans l'atelier pour pas qu'elle puisse l'attraper. Elle regarde les pages, et elle s'arrête, elle ouvre la bouche en grand. Ezra. Elle lève les yeux vers Ginny. « Noooooon, c'est vraiment Ezra? » Elle n'aurait jamais pu s'en douter. « Le meilleur ami de Matt, tu fais fort McGrath. » Si Matt savait ça, il y aurait vraiment un, voir deux morts.  

« Pourquoi je dirais à Matt que t'as pleuré ? » parce qu'elle lui dit tout, toujours tout à Matt. Ou du moins, c'est ce qu'elle croit la cadette, quand elle les voit partager une complicité qu'elle n'a jamais eue ni avec l'un ni avec l'autre, quand elle les voit partager des secrets dont ils ne lui parlent jamais, quand elle les voit comploter à deux sans jamais l'inclure, parce qu'elle est la plus jeune, parce qu'elle est la plus fragile, parce qu'elle n'est que leur petite soeur et que ça s'associe donc à toutes les tares du monde, selon elle. « Parce que... » mais elle n'a pas le temps de préciser une réponse qu'elle ne se serait pas autorisée que déjà Jill s'empare du carnet sans plus de cérémonie. « Noooooon, c'est vraiment Ezra? »

La sentence tombe, et elle fait mal. Elle brûle, elle pique, elle terrasse tout sur son passage et la gorge de Ginny elle se noue, avec violence. Les mots s'y bloquent, les larmes font place à l'horreur. Jill sait. Jill sait tout alors qu'elle aurait tellement pu inventer n'importe quoi, sortir n'importe quelle raison bidon, justifier les portraits d'une excuse et d'une autre, pourtant son souffle s'arrête et sa vie pareil. Elle dramatise Ginny, elle angoisse aussi. Son corps en tremblerait presque si elle n'était pas scotchée dans son mouvement par l'horreur de la suite qu'elle appréhende alors que son aînée ne fait que s'en amuser. « Le meilleur ami de Matt, tu fais fort McGrath. » « C'était pas prévu, pas du tout. » elle répète, elle insiste, elle ne sait que dire ça Ginny, c'est sa seule et unique excuse. C'était pas prévu, mais à le refaire, elle aurait exactement aligné les mêmes gestes et les mêmes espoirs de gamine. Même si elle se sait maudite depuis le début.

« Jill, si Matt sait c'est fini. » sa voix tremble, ses doigts aussi. C'est presqu'une année passée à construire une histoire aussi parfaite qu'irréelle, c'est presqu'une année à craindre le pire maintenant que sa soeur partage son secret et risque de tout faire voler en éclats simplement parce qu'encore une fois, tout ça, ça l'amuse. « Genre vraiment, vraiment fini. » elle insiste même, ridicule, obsolète, sachant que plus elle lui demande de garder ça pour elle, plus vite elle précipite sa relation vers le point de non-retour. « Et je veux pas que ça finisse. » ultime argument qu'elle affirme, elle qui ne se l'est jamais entendue dire, elle qui plutôt s'est habituée à se dire que justement, tout pouvait se terminer à tous moments. Elle espère la gamine, elle espère tellement pourtant, qu'avec lui ce soit différent.

C'est Ezra le copain de Ginny. Jill doit se répéter cette phrase plusieurs fois après avoir vu les dessins de la cadette dans un de ses carnets. Qui l'aurait cru ? Jill a toujours été proche du jeune homme, et elle ne se doutait de rien. Elle pense une seconde à Matt, et elle sait que le jour où il saura, ce sera la fin de leur couple, la fin de tout ce qu'ils ont pu créer jusqu'à aujourd'hui. Elle a une carte entre ses mains Jill, quelque chose d'important, quelque chose qui peut détruire entièrement sa petite sœur en seulement quelques secondes, quelques mots. Elle hésite pendant un temps, elle hésite vraiment. Mais elle croise le regard embué de la petite McGrath et elle soupire en jetant le carnet à l'endroit où elle l'avait trouvé quelques minutes plus tôt. « Je me doute, même moi j'ai pas essayé de toucher à Ezra. » Jill aimait briser les amitié de Matt en séduisant ses amis, mais Ezra était trop proche, trop présent pour que Jill ait envie de tenter quoi que ce soit. Matt en aurait trop souffert et elle ne voulait pas ça. Elle n'aimais pas non plus être fliqué par son frère mais il était comme ça, et il n'était pas près de changer.

« Oh ça je sais » Bien sûr qu'elle n'a pas besoin de le préciser la cadette, parce que Jill l'a su à la seconde même où elle a reconnu le visage que Ginny s'amusait à dessiner. Elle n'a pas nier Gin, elle a avoué dans la seconde et c'est peut-être ça qui l'a sauvé, qui a fait que Jill a décidé de ne rien dire. Même si elle allait certainement se servir de cette nouvelle information pour obtenir tout ce qu'elle veut de sa sœur ou d'Ezra, ça pourrait toujours être marrant de l'utiliser. Elle supplie la cadette et Jill hausse un sourcil. « ça dure depuis combien de temps ? » Elle évite les question, elle laisse mariner Ginny encore un peu parce que ça la fait rire, parce que ça l'occupe alors qu'elle s'ennuyait. « Et tu comptes lui cacher encore longtemps tout ça ? C'est pas vraiment une bonne idée. » Parce que Matt finira par le savoir et ça c'est sûr. « Pourquoi tu pleurais ? »

Elle sent un immense poids qui lui libère les épaules, poids qui contracte désormais sa cage thoracique à la simple idée que sa soeur soit bien loin d'être son alliée dans cette histoire. Ce ne serait pas la première fois qu'elle aurait agit contre sa cadette, Jill, de toute façon, et même si Ginny donne tout pour y croire une fois de plus, les faits en restent les mêmes. « Je me doute, même moi j'ai pas essayé de toucher à Ezra. » l'entendre prononcer le prénom de celui qu'elle aime la terrorise, ses yeux croisent ceux de son aînée avec toutes les forces qui lui reste. « T'aurais peut-être dû. » parce que s'il était devenu une cible de Jill, jamais Ginny ne se serait autorisée à le regarder comme elle le faisait. Ç'aurait été fatalement plus simple ainsi, qu'elle se déteste de penser.

Si Matt sait c'est fini. « Oh ça je sais » alors pourquoi est-ce qu'elle s'en amuse encore? Alors pourquoi est-ce qu'elle agit comme quelqu'un qui pèse le pour et le contre d'une situation maudite d'avance? Ginny elle rêve d'une seule et unique chose : de savoir à quoi s'en tenir. Soit Jill parle et casse tout, soit elle se tait et sa cadette peut enfin respirer. Les dés sont lancés. « ça dure depuis combien de temps ? » « Quelques mois. » 5 mois, pour être exacte.  « Et tu comptes lui cacher encore longtemps tout ça ? C'est pas vraiment une bonne idée. » elle se souvient de tout, elle a tout mémorisé la brunette, enregistré, dans sa tête, dans son coeur.

« Pourquoi tu pleurais ? » « Parce que justement, tout ça, c'est pas une bonne idée. » elle reprend les mots de sa soeur, laisse son revers de paume essuyer les larmes qui ont fini par sécher tant elle les retient de toutes ses forces depuis qu'elle n'est plus seule, gamine aussi pudique que bornée. « Parce que ça l'a jamais été et que j'ai été conne de penser que ça le deviendrait et que - » ses mots se perdent dans sa gorge, ils résonnent sur les murs d'une salle où elle se sentait chez elle, où elle se sentait bien, où elle se sentait à l'aise, vraiment, avant que sa soeur ne bafoue tout. « Jill, je te demande une chose et une seule. » encore a-t-elle un maigre espoir que ce ne soit pas tout, justement, qu'elle bafoue. « S'il-te-plaît. Dis rien, dis absolument rien. » elle supplie, elle ne sait faire que ça. « Je veux que ce soit de moi qu'il l'apprenne, quand je serai prête à lui dire. » quand elle sera assez forte pour le faire, aussi, surtout.

Jill ne garde pas le carnet très longtemps entre ses mains. Elle en a vu assez, elle a compris rien qu'en voyant les yeux de Ginny. Elle sait ce qu'il se trame entre Ezra et elle, et c'est assez terrifiant d'ailleurs. Elle a l'air d'avoir peur elle aussi, et Jill n'est pas du genre à aller la rassurer alors qu'elle fait une connerie. Elle a l'air perdu aussi la cadette, et Jill la regarde sans rien dire une seconde. "Je fais pas ce genre de conneries." pas avec les meilleurs amis de Matt en tout cas. Et elle ne se met pas en couple Jill, elle ne s'engage pas sentimentalement, jamais. Elle drague souvent les amis de Matt, mais ça ne va jamais plus loin que dans leur lit. 

Quelques mois. Elle secoue la tête Jill, c'est déjà trop tard. Et elle calcule rapidement. "C'était lui le type de la plage ?" elle aime bien Ezra, mais si il finit par faire une connerie, il aura le même traitement que n'importe quel autre mec qui voudrait faire du mal à sa petite sœur. Et tout devient clair, elle comprend pourquoi elle n'a jamais entendu le prénom, pourquoi elle n'a jamais eu beaucoup de détails. Tout ce temps c'était Ezra. 

"Tu comptes tenir comme ça encore longtemps ?" Il finira par être au courant, parce que ce genre de mensonge peut pas se garder éternellement. Et Jill ne sait pas vraiment si elle veut être là le jour où tout pétera à la figure de la fratrie McGrath.  "Pourquoi t'as pas tout arrêté avant que ce soit trop tard ?" les amours ca se trouve, ça se perd et ça revient non ? Enfin, c'est comme ça qu'elle l'imagine Jill. Elle ne sait pas quoi faire Jill, parce qu'au fond, elle ne veut faire de mal ni à Ginny ni à Matt. Et en devenant complice de tout ça, elle sait que cette histoire va faire du mal à tout le monde.  "Il faudra que tu le fasses Ginny. Je veux bien te couvrir quelques temps, mais c'est Matt." et elle sait ce que ça veut dire ça, Jill n'arrive jamais à lui mentir bien longtemps. "C'est trop important pour que tu continues de le cacher pendant des mois."

"C'était lui le type de la plage ?" elle hoche doucement de la tête de la positive la gamine, ravalant la salive amère qui reste stagnante sur sa langue nouée. C'était lui et c'est lui, c'est juste lui, et c'est trop aussi. "Tu comptes tenir comme ça encore longtemps ?" aussi longtemps que je pourrai, qu'elle retient pourtant, la lâche, l'égoïste, la trouillarde.

Elle n'aura pas le choix de le dire, elle n'aura pas le choix de se confesser, mais la réalité l'effraie, et perdre ce petit bout d'histoire si douce, si belle, si simple, lui brise le coeur quand elle sait très bien quelle en sera la finalité. "Pourquoi t'as pas tout arrêté avant que ce soit trop tard ?" ça, c'est facile. Ça, ça fait autant de mal que de bien à confier. « Parce que je suis amoureuse de lui Jill. » et parce qu'elle est au courant qu'à la seconde où elle avouera, ce sera terminé. Si seulement elle avait su à quel point.

Mais elle ignore, qu'on l'arrachera à son pays. Elle ignore qu'on lui bourrera la tête de mensonges, qu'on lui fera croire au pire venant de l'une des meilleures personnes qu'elle ait pu côtoyer dans sa vie. Elle ignore tout la fillette, elle ne fait qu'aimer, elle ne fait qu'espérer, rêver. Elle pleurait quand sa soeur est arrivée. Maintenant elle tremble. C'est du pareil au même ; la cadette McGrath est brisée depuis bien plus longtemps que quiconque ait pu s'en douter. "Il faudra que tu le fasses Ginny. Je veux bien te couvrir quelques temps, mais c'est Matt."

Si Jill propose de la couvrir, elle sait très bien que le geste viendra avec sa date butoir, avec son compte à rebours. Un décompte de plus, une épée de Damocles supplémentaire qui menace de s'en prendre à son petit bonheur tout sauf mérité, tout sauf réaliste. "C'est trop important pour que tu continues de le cacher pendant des mois." Matt saura. Matt saura bien assez tôt. Matt saura et elle perdra tout.

« Je vais lui dire. C'est une promesse. » elle lui dira. Et le pire s'en suivra.