Un jour comme un autre Sol, oui, un jour après l’autre. C’est sombre, c’est lumineux, ça va, ça vient. Et puis c’est comme ça. Tu gardes ton éternel sourire sur les lèvres, et tu avances, un pas après l’autre. Même si parfois tu cherches sa main dans le brouillard, au fond tu sais que tu ne la trouveras plus jamais, parce qu’il est parti. Dieu sait où. Mais il n’est plus là. Pour te relever, pour te faire sourire, pour te bercer, pour être là, simplement. Tel un oiseau, il s’était enfuit d’une cage qui l’avait lié à ta vie. Mais tu n’arrivais pas à lui en vouloir, parce que tu savais sa vie, tu savais ce qu’il était, et il était inutile de courir après un mirage. Il restait là, au cœur de ton myocarde, pour le meilleur et pour le pire. Mais parfois, ce tatouage au creux de ton poignet était un peu trop lourd, parce que le manque était indélébile, et douloureux. Tu n’allais pas en crever de douleur, mais c’était comme un poids dans ton ventre. Et ce matin, il était là. Au creux de tes tripes. Piqûre lancinante d’un manque à son nom. Blake. Tu essayais de sourire, mais il n’était pas franc, et ta fille ne te posait pas de question quand tu retournais le cadre avec sa photo. Elle se contentait juste de t’enlacer, et toi d’embrasser son front. Ana était la plus belle chose dans ta vie, et pour rien au monde tu n'arriverais à regretter sa présence. Même si elle avait ébranlé le château de cartes, elle avait fini par le colmater à sa façon pour lui donner une solidité. Puis tu avais grandi aussi Sol, grâce à elle. Tu avais appris à grandir en même temps qu'elle, à t'endurcir, et à aimer un peu plus grand, un peu plus fort. Cœur d'une mère dans un océan d'émotion. Tu avais gagné en responsabilité, en maturité, et tes épaules étaient désormais plus grandes pour abriter sa petite âme. Le prendre soin, c'était dans ton ADN.
Entre deux tartines, tu continuais de lire ton livre pour ta spécialisation – tu avais repris un peu tes études pour te perfectionner dans le toucher massage – et tu servais le chocolat d'Ana. Une gorgée de café et tout le monde à la douche. L'école c'était mieux quand on était à l'heure. Et tu t'habillais sobrement – parce qu'être maman c'est être soi-même – le carré parfait, touche de maquillage. Et à plat, toujours pour ne pas tomber. Tu tendais le sac à dos à Ana, et tu pris sa main, les clés dans le sac, en direction de l'école. Vous parliez de tout, de rien, comme toujours. De sa prochaine compétition d'équitation, de la prochaine maraude, de ton cours de salsa, et même de ta mère. Parce que même si sa mort t'avait écorché l'âme, elle était là, elle aussi, tout le temps. Prise de court par le temps, vous étiez arrivés à l’entrée de son école. Tu embrassais sa joue d’un baiser qui claque, et tu la laissait s’en aller vers son avenir. Tu lui fis un signe et un baiser envolé avant de soupirer et de perdre le sourire. Foutu manque. Ton regard se posait sur ton téléphone et l’heure. Tu avais des courses à faire, et ta combinaison a récupérer au pressing. Mais aucun besoin de toi à l’hôpital. Tu relevais ton regard au hasard, et il se posait sur un homme. Grand, lunette de soleil, tatoué de la tête au pied. Charisme menaçant. Il regardait avec insistance la cour de récré, et il t’en fallait pas plus pour foncer tête baissée. Déterminée, tu te dirigeais vers lui avec discrétion, avant de tapoter son épaule pour qu’il se retourne vers toi.
« - Hey, toi ? Tu veux des jumelles ? C’est con j’les ai oubliés, sinon j’te les auraient passés avec grand plaisir. »
Ironique, tu étais survoltée, parce que c’était du voyeurisme ce qu’il faisait là.
« - Tu serais prié d’éviter de regarder nos enfants avec tant d’insistance, parce qu’on pourrait croire que t'es un voyeur, et on m'a appris à ne pas me fier aux apparences. Et puis si tu cherches quelqu’un, demande, plutôt que d’attendre là. »
Tu restais diplomate, mais en réalité tu bouillonnais. Il avait beau faire trois têtes de plus que toi, tu n’avais aucune peur, parce qu’il t’avais appris à ne pas la ressentir. Tu n’avais pas pris le temps de le regarder en détail, mais ces tatouages t’interpellaient, empreint d’une poésie, et d’une douceur incroyable. Ça te rappelait lui, sans nul doute.
« - Vos tatouages sont magnifiques. Vraiment. »
Tu passais du coq à l’âne, un travers de ton esprit. Mais tu étais comme ça, spontanée. Ta colère s’évaporait, parce qu’il était là, douloureux, au creux de ta poitrine. Tu caressais alors, sans t’en rendre compte, ce tatouage en son honneur, parce qu’à cet instant précis, il te faisait du mal, terriblement mal ce putain de manque.
Il n’y avait pas beaucoup de choses qui arrivaient à rendre Blake nerveux. Il y avait l’eau, bien sûr. Les serpents, même s’il faisait tout pour contrôler cette phobie au fond de lui. Il bravait le danger jour après jour, il ne faisait que rarement attention à sa vie. Il flirtait avec la mort, cherchait sans cesse l’adrénaline. Il n’était pas effrayé facilement, encore moins intimidé. Et pourtant, il avait l’impression que depuis qu’il était posté devant cette école, son cœur battait légèrement plus vite que d’habitude. Il s’était retrouvé dans des situations extrêmes, il avait risqué sa vie de nombreuses fois, il avait vécu mille situations plus gênantes que celles-là et pourtant, il avait l’impression qu’il était sur le point de partir en courant. C’était la troisième fois que Blake plantait devant une école primaire à l’heure où les enfants entrent à l’école. Il était absolument inconscient que son comportement pouvait de la méfiance vis-à-vis des parents. Il était bien loin de se préoccuper de ce genre de choses. Il recherchait quelque chose, ou plutôt, il voulait absolument retrouver quelqu’un. La première chose que Blake avait fait à son retour en ville, c’était de retourner à cet appartement. Leur appartement. Celui où elle vivait. Il avait frappé à la porte, essayant d’ignorer celui d’en face, celui qui l’avait vu grandir et dans lequel il avait fait face à bien des horreurs. Il préférait se focaliser sur celui dans lequel il avait trouvé un foyer, une aide, un réconfort, une amie. Son soleil. Il avait frappé mais une vieille dame lui avait ouvert. L’immeuble était toujours aussi sale, toujours aussi insalubre et cette pauvre dame y vivait avec ses pauvres moyens. Pas de signe de Soledad. La pauvre veuve était bien seule mais elle n’avait aucune information sur les locataires précédents et Blake avait pris congé avec toute la finesse qui le caractérisait. C’est-à-dire aucune. Il avait détalé et revu son plan. Soledad avait déménagé. Mais une ville comme Brisbane abritait des milliers d’habitants et il n’avait pas les moyens de la retrouver. Il n’était abonné à aucun réseau social et de toute manière, il espérait que la brune fut assez intelligente pour ne pas y indiquer son adresse. Il avait eu alors cette idée un peu farfelue. D’après ses calculs, la petite fille de Sol’ devait avoir dix ans à présent, soit élève d’une école primaire. Ses folles idées l’avaient alors conduit à faire toutes les écoles primaires de la ville pour espérer y croiser ce regard familier. Il était habillé simplement, il avait revêtu ses lunettes de soleil et espérait qu’on ne pourrait pas l’identifier. Il n’était pas question d’aborder Soledad, il était simplement là pour s’assurer qu’elle allait bien, qu’elle avait réussi à s’en sortir sans son argent. Voilà des moi que ses chèques lui étaient retournés.
Il était assez près pour reconnaître la jeune femme mais assez loin pour ne pas éveiller les soupçons. Du moins, c’était ce qu’il croyait, ce qu’il espérait. Il s’était trompé. Et il n’était pas attentif. Parce qu’à partir de l’instant où il la vit, il ne réussit plus à réfléchir normalement. Il la reconnut du premier coup d’œil, il ne lui en fallait pas plus. Elle avait peut-être cinq ans de plus mais elle était restée la même. Elle était toujours aussi belle, rayonnante, ses cheveux bruns flottaient autour d’elle. Il avait oublié l’effet qu’elle lui faisait. Elle était la seule femme à avoir réussi à gagner son respect, sa confiance. Et rien n’avait changé, du moins, il le croyait. Il ne la quittait pas des yeux et pourtant, son regard se porta sur la petite qu’elle embrassa avant qu’elle ne disparaisse dans la cour de récrée. Et là, un mouvement involontaire lui fit suivre ses mouvements des yeux. La gamine de cinq ans qu’il avait laissé quelques années auparavant avait grandi. Elle était aussi fraîche que sa mère et il se surprit à l’observer entrer dans l’école et rejoindre ses amis dans la cour. S’il avait été plus attentif, il aurait vu qu’il avait quitté Sol des yeux, il se serait rendu compte qu’elle s’était approchée. Mais il avait perdu ses repères en quelques secondes. Il sentit une main lui tapoter l’épaule et il se raidit immédiatement. Il détestait qu’on le touche, ses réactions face à de tels comportements étaient épidermiques. Il se retourna brutalement, surpris et décontenancé qu’on ait pu l’approcher sans qu’il ne s’en rende compte. Et le choc fut brutal quand il croisa la noisette de son regard. « - Hey, toi ? Tu veux des jumelles ? C’est con j’les ai oubliés, sinon j’te les auraient passés avec grand plaisir. » Il en resta bouche bée. Il avait devant lui la seule femme au monde qu’il aimait, la seule de qui il avait été proche et elle ne l’avait pas reconnu. Elle ne savait pas à qui elle s’adressait. Pire encore, elle le prenait pour un pervers. « - Tu serais prié d’éviter de regarder nos enfants avec tant d’insistance, parce qu’on pourrait croire que t'es un voyeur, et on m'a appris à ne pas me fier aux apparences. Et puis si tu cherches quelqu’un, demande, plutôt que d’attendre là. » Telle une lionne venue défendre sa progéniture, elle sortait les griffes. Elle n’avait même pas réfléchi pour s’attaquer à un homme de sa stature et le mettre face à sa perversion. Elle était petite et menue, il n’en revenait pas qu’elle ait traversé la rue pour le confronter. Il avait probablement quelques kilos en plus, une stature bien plus imposante que quelques années en arrière et ses tatouages dataient tous de l’après-Brisbane. Sauf celui qu’il avait autour du cou. Et il savait qu’elle le reconnaîtrait s’il relevait la tête, s’il enlevait ses lunettes. Elle lui avait souvent dit que le bleu de ses yeux était unique, envoûtant. « - Vos tatouages sont magnifiques. Vraiment. » Il resta stupéfait. Elle venait de le traiter de pervers et maintenant, elle complimentait ses tatouages ? Il ne savait pas quoi faire, il ignorait ce qu’il devait dire. Il était bien trop surpris que cette confrontation se passe aussi rapidement. Il n’avait jamais imaginé la retrouver réellement, il l’avait espéré sans y croire. Il ne voulait pas la voir, simplement s’assurer qu’elle allait bien. Mais s’il ouvrait la bouche, elle le reconnaîtrait immédiatement, il ne pouvait pas simplement partir sans rien dire, elle serait capable de prévenir la police. Il hésita, ce qui était rare chez lui. Il se racla la gorge, signe d’un malaise qu’il ne ressentait jamais. Il finit par parler, c’était la seule chose à faire, à présent. « Toujours aussi inconsciente du danger à ce que je vois, tu te jette souvent sur les inconnus deux fois plus grands que toi pour les traiter de pervers ? » Demanda-t-il, le timbre plus tremblant qu’il l’aurait voulu. Il était énervé qu’elle se mette en danger comme ça. Elle était douée pour ça, en plus. Il finit par lever la main vers son visage et dans un dernier geste hésitant, il retira ses lunettes, plongeant l’azur de ses yeux dans ses iris marrons. Il lui adressa un faible sourire avant de lâcher, dans un souffle. « Salut Sol’ ! » Il n’osa pas en dire davantage, il ignorait qu’elle allait être sa réaction.
Bon nombre de fois tu as espéré Sol, le retrouver. Tu as tellement espérer fort qu’il te revienne, que tu t’en ai crevé le cœur à trop le vouloir. Parce que le manque, ça tue, et ça t’as tué, chaque jour, chaque instant de chaque minute, de chaque seconde. Il avait été l’élément de ta vie, l’indispensable, l’essentiel. Le roc sur lequel s’appuyer quand tu avais peur ou un chagrin. Il avait été le sourire, les bras pour te rendre joyeuse. Il avait été l’élan, l’écho pour t’envoyer dans les étoiles, droit vers le bon chemin. Mais quand il t’y a envoyé Sol, il n’avait pas précisé qu’il ne te suivrait pas, et pire encore, qu’il te laisserait faire la route seule. Toute seule. Te ramenant droit dans tes démons : la solitude, la peur et l’angoisse. Parce qu’il n’était plus là, et qu’Ana, du haut de ses cinq ans avait besoin de toi entièrement. Tu l’as pleuré, souvent, mais tu ne lui en a jamais tenu rigueur, parce que tu le connaissais par cœur. Il était toi, tu étais lui. Et c’est comme ça. Malgré la douleur, l’amour était omniprésent en ton sein à son égard. Blake et toi, c’était indescriptible, trop fort pour mettre un mot sur cette putain de relation. Réciprocité égale de deux âmes torturés. Et y’a des jours ça te manquait, son silence, et ses bras autour de ton corps. Ça te manquait tellement que ça t’arrachait des larmes, que ça te donnait envie de tout péter. Mais tu te devais un contrôle exemplaire, pour Ana. Pour la fleur de ta vie. Petite blondinette aux yeux bleus qui te faisait encore plus penser à lui. Tu soupirais Sol, face à cet inconnu, parce que Blake t’obsédait aujourd’hui, plus que les autres jours. Tu étais maussade, en colère, et à la fois inconsciente. Parce que même face au danger, tu reculais jamais. Et c’est bien ce qu’il te reprochais Blake, ce goût du danger que t’avais sans le vouloir. Il t’avais sauvé la vie à mainte reprise, mais aujourd’hui tu étais seule, sans plus personne pour te protéger. Mais ça ne t’empêchais d’attirer ce putain de danger qui l’effrayait tant. Et même en face de toi, tu ressentais nulle peur, parce que dire ce qu’on pense faisait partie de tes principes. Il avait beau faire deux têtes de plus que toi, t’en avais rien à faire. Regarder, c’est bien, mais insister c’est lourd. Mais quelque chose t’électrisais Sol, pas ta nostalgie de ce manque, c’est ce tatouage, et les lignes. Les contours, la couleur. Trop souvent tu avais tracé de tes petits doigts cette rose sur son cou, en lui parlant, de tout et de rien. Et ton cœur se serrait de plus en plus dans ta poitrine, tes yeux s’embuaient, et ça t’énervait. Parce que tu devais pas pleurer, pas en public, pas comme ça. Tu fixais son tatouage, comme il l’avait fait avec les gosses juste avant, et quand il se raclait la gorge, tu ressentais son malaise. Et sa voix. Ton cœur eut un loupé. Tu frissonnais. Parce que tu savais, mais tu voulais pas l’admettre. Putain, c’était trop dur pour toi. Et ces mots, ce sens, cette peur viscérale dans les trémolos de sa voix. Ces cœurs à l’unisson. Et cette rose dans son cou. Tu n’arrivais plus à penser consciemment, bloqué dans un passé prisonnier. Tu redressais ton regard quand il retirait ses lunettes, et tu vis ces yeux. L’azur, l’océan. Ce regard unique, cet océan d’émotion. Et tu cessais de respirer. Parce que Blake, il était là, tout près de toi, à quelques centimètres. Tu aurais pu approcher ta main pour le toucher, mais t’en étais incapable. Tu avais cessé de respirer Sol, parce que tout reprenais du sens, et ça te filais un vertige monstre, te ramenant des années en arrière. Et instinctivement, quand tout était trop dans l’émotion, tu parlais en Espagnol.
« - Madre de dios. »
Ta mère avait été croyante, et en ton sein, tu gardais un peu de sa foi, comme un cadeau précieux. Tu tournais de l’œil légèrement, ton souffle court, et il te rattrapait. Et quand il te prit contre lui Sol, ce fut comme un soulagement. Parce que c’était lui, et personne d’autre. Parce qu’il était là, et qu’il le sera toujours. Alors tu te serrais contre lui, parce que tu n’avais pas les mots pour lui dire à quel point tu l’aimais, à quel point il t’avais manqué, à quel point il t’étais viscéral. Une larme roulait sur ta joue, et ton sourire fut de plus en plus grand à mesure que tu prenais conscience qu’il était là. Et quand tu fus prête, tu redressais ton regard, et tu lui souriais, sincèrement.
« - Si tu savais comme je suis heureuse de te voir Blake. »
Et tu le savais, votre connexion était toujours là. Pour toujours et à jamais.
« - Madre de dios. » Blake eut l’impression de prendre directement un coup de poing dans le ventre et tout lui revint. Il se souvenait de son entêtement à lui apprendre l’espagnol, et ses petits sourcils froncés quand il peinait à prononcer des mots pourtant faciles. Il n’était déjà pas à l’aise avec l’anglais, Blake, il avait du mal à assimiler une autre langue. Pas assez concentré, toujours à chercher un moyen d’aller courir plutôt que de faire ses devoirs. Elle avait tenté de lui apprendre sa langue maternelle, de lui transmettre un peu d’elle avec ces mots. Mais il n’avait jamais réussi à se concentrer, il n’avait jamais cherché. Et il l’avait souvent énervé, parce qu’il adorait la voir l’enguirlander en espagnol. Il adorait ces moments, ils lui revenaient en pleine figure. Partir de Brisbane avait été si dur pour lui, abandonner Sol l’avait déchiré, il aurait aimé trouver une autre solution mais il n’en n’avait pas. Il lui avait fallu s’enfuir et il n’avait pas pu revenir. Il avait alors enterré ses souvenirs, il les avait enfoui pour qu’ils ne le fassent plus souffrir. Il avait tout fait pour s’en défaire, pour ne plus les pleurer. Et il avait réussi. Sa vie à Brisbane lui avait échappé, elle n’avait été plus qu’un mirage, un rêve éloigné. Il avait passé cinq ans loin de tous ses repères, loin d’elle et là, il recevait en plein visage tout ce dont il avait voulu se débarrasser. Il ne s’était pas imaginé autant d’émotions, il avait cherché à se préserver de ce qu’il ressentait mais il avait lamentablement échoué. La revoir était une erreur monumentale. Ou la meilleure chose qui pouvait lui arriver. Il n’en savait rien. Il savourait ses mots, son accent chantant et sa mine étonnée, son air choqué. Elle ne s’y attendait pas et il comprenait bien pourquoi. Il n’avait jamais donné l’impression de vouloir revenir, le moindre espoir qu’il pourrait être de retour un jour. Pas une lettre, pas un mot, pas d’attache, pas de sentiment inutile. Il avait survécu ainsi, loin du soleil de sa vie. Il vit immédiatement le moment où l’émotion fut trop forte pour elle et il la rattrapa sans la moindre hésitation. Depuis plus de cinq ans, il n’initiait plus le moindre contact physique avec autrui qui ne soit pas chèrement rémunéré. Mais il agissait sans y réfléchir avec elle, tout était différent. Il n’avait pas l’intention de lui faire le moindre mal, il avait passé sa vie à s’assurer que personne ne le fasse jamais. Il la prit contre lui, sans même avoir à y penser et immédiatement, il sentit son cœur s’accélérer. Il n’avait plus l’habitude. Il la sentit serrer ses bras autour de lui et il ferma les yeux. Elle était la seule, l’unique à pouvoir faire cela. Il n’était plus le même en sa présence. Il était un autre, qui il voulait. Son héro, son sauveur. Un statut qui lui correspondait si peu. Elle croyait le connaître mais elle ne savait rien des pires aspects de sa vie. Elle ignorait tout de ce qu’il avait fait de pire et c’était bien mieux ainsi. Elle ne devait pas savoir, elle serait tant déçue, tant choquée. Elle ne pourrait plus le toucher, elle n’oserait plus poser la main sur lui. Et cette simple idée le tuait, l’angoissait. Il n’aurait pas dû revenir, il ne devrait pas être là. « - Si tu savais comme je suis heureuse de te voir Blake. » Il le savait, il le sentait, à la façon qu’elle avait de s’accrocher à lui. Il baissa les yeux en la sentant relever la tête et il accueillit son sourire, une illumination dans cette vie de merde qu’il traînait depuis des années. Elle n’avait jamais aussi bien porté son nom, Sol. Il finit par se détacher davantage pour l’observer. Il ne répondit pas, elle savait qu’il ne le ferait pas, qu’il n’exprimerait pas ce qu’il ressentait. Il ne l’avait jamais fait. Il n’avait pas besoin, avec elle, elle le savait. « Tu as l’air d’aller bien. C’était un peu sa façon de lui demander si c’était bien le cas. Sol avait l’habitude de ses manières détournées pour ne pas avoir l’air de s’intéresser. Il fit une pause avant de détourner légèrement le regard vers l’école. Les enfants étaient rentrés et sa fille invisible à présent et il ajouta, sur un ton légèrement plus bas, comme s’il ne pouvait pas réellement penser à quelqu’un d’autre. « Vous avez l’air d’aller bien. » Soledad avait toujours tant insisté pour qu’il considère sa fille comme une personne à part entière et non comme une gêne, un accident. Il avait mis tant d’années à y parvenir. Et pourtant, il avait continué de faire comme s’il ne s’intéressait pas à ses premiers pas, comme s’il n’avait pas souri la première fois qu’elle avait essayé de prononcer son prénom, comme s’il n’avait pas grimacé quand elle lui avait vomi dessus pour la première fois. Il avait fait semblant, il avait voulu jouer les gros durs sans cœur mais cette gosse, il s’y était attaché autant qu’à Sol. Et elles étaient toutes les deux là, à portée de main. Et pourtant, il ne pensait pas rester, s’imposer dans leur vie. Il finit donc par se détacher de la jeune femme complètement, reculant d’un pas. « Je voulais m’assurer que vous ne manquiez de rien. » Il ne le disait pas, il le sous entendait. Qu’il allait repartir et les laisser vivre la vie qu’elles méritaient. Il ne voulait que ça, Blake. Qu’elles soient heureuses. Et il était heureux de voir qu’elles s’en sortaient sans lui.
Piqûre de rappel, à la fois douloureuse et bienfaitrice. Un nuancier d’émotion qui te filait le vertige, parce que tout ce passé houleux et heureux te revenait en pleine gueule. Le Malheur dans vos deux maisons, sa mère qui était prostituée, et la tienne une junkie. La paire parfaite du chaos, et vous, pauvres enfants au milieu de tout ça. C’est souvent que vous vous retrouviez dans le hall de l’immeuble pour jouer. Que Blake finissait dans ta chambre le soir quand sa mère le mettait à la porte. Omniprésent dans la vie de l’autre, à s’offrir l’amour que vous méritiez. La douleur, c’était le ciment de votre relation sans nom. C’était ce qui avait lié vos âmes l’une à l’autre pour ne jamais en défaire. Parce que le mal, il avait été dans vos maisons, le bien dans vos cœurs battant l’un contre l’autre. Tu te remémorais tout, le bon comme le mauvais. Tu revoyais ces sols jonchés de capotes ou de seringues, ces paquets de poudre blanche et ces hommes. Tu voyais les larmes de Blake enfant, et tu revoyais les tiennes adultes. Tu avais été son pilier enfant, il avait été le tien adulte, l’un avec l’autre toujours. Jusqu’à la césure, le fossé, le danger que t’avais engrangé par manque de moyen. Il t’avait sauvé la vie, Blake, encore une fois, mais c’était ce qui vous avez séparé. Ta faute, et uniquement la tienne. C’est pour ça que tu n’avais pas su lui en tenir rigueur, parce que par amour pour toi et ta fille, il avait renoncé à beaucoup de chose. Et tu pouvais que l’aimer encore plus, parce qu’il était doué de sacrifice. Avec toi. Et personne d’autre. L’exclusivité d’une âme dont tu te porterai garante toute ta vie, qu’importe les maux. Et même ces cinq ans sans vous, ça n’avait rien changé. Parce qu’il te soutenait dans ton malaise, il te retenait d’une chute probable. Dans l’étau de ses bras. Dans sa douceur la plus paradoxale. Il prenait soin de toi, comme toujours. Et là, Sol, tu étais à ta place. Ici, auprès de son cœur. Que t’entendais battre. Il était vivait et c’était l’essentiel. Tu essuyais cette larme de bonheur qu’il t’arrachait, et ce sourire, aurait pu éblouir la planète entière, parce que Blake était revenu, et il était hors de question qu’il s’en aille de nouveau. Tu pouvais toi aussi, le sauver, à ta manière. Les effluves de son parfum te revenait en mémoire, et tu les imprimais pour ne plus les oublier. Parce qu’on le veuille ou non, l’oubli est notre pire ennemi. Et il efface à mesure que le temps passe, les souvenirs des gens qui ne sont plus à nos côtés. La raison de ton tatouage était là, pour ne jamais l’oublier, cette étoile dans ton infinité de souvenirs. Tu profitais de cette minute de bonheur, pour le regarder en coupe, parce que tu avais besoin de te souvenir de ses traits durs, de sa candeur dans le regard, de tous ces petits paradoxes dont il était doué, et il se reculait légèrement pour te regarder à son tour, et tu sentais le réconfort dans son regard, de te savoir en bonne santé. Tu lui souriais alors.
« - Je vais bien. Le corps va bien, l’âme, c’est autre chose. »
Parce que sans lui, putain ce que tu as morflé Soledad. Parce que tu as eu du mal à trouver ta place dans ce monde vaste sans ces yeux à lui. Tu essayais de le rassurer comme tu pouvais, parce que tu ne savais pas tellement lui mentir. Mais ces paillettes dans tes yeux, ne trompait pas, tu étais heureuse de le revoir, et il t’imposait de revenir sur Terre quand il se reculait encore plus de toi. Plus de contact physique. Tu respectais ça, cette partie de son être ayant besoin d’être seul. Il te parlait d’Ana, en demi-mesure car il te montrait l’école du regard.
« - Ana va bien aussi. Elle a tellement grandit, et si tu la voyais Blake, tu serais fière d’elle, parce qu’elle … est tellement belle, tellement intelligente, tellement nous. »
Tu savais qu’il comprendrait ce que tu disais, parce qu’il a beau dire ce qu’il voulait, il l’avait élevé lui aussi à sa manière, et tu avais fait que reprendre le flambeau à son départ. Tu lui fis un sourire, puis il s’assombrissait à ses mots. Parce que tu lisais entre les lignes, et tu sentais l’annonce d’un départ encore plus précipité que le premier. Tu lisais dans l’azur de ces yeux qu’il se sentait inutile, et tu allais lui prouver le contraire Sol. Alors tu pris sa main, et tu accompagnais ton mouvement.
« - Viens avec moi. Et n’émets aucune objection, car je ne t’écouterai pas. »
Tu le connaissais par cœur Blake, et tu savais que si tu lui laissais le choix, il ne te suivrait pas, il fuirait. Alors tu l’entraînais à ta suite, et dans une foulée plutôt soutenu, tu le conduisait sur le chemin de ta maison, dans un silence apaisant, lui accordant des regards sourires pour qu’il n’ai pas peur. Parce que même s’il ignorait la notion de la peur – sauf face à l’océan et aux serpents – il connaissait l’angoisse plus que n’importe qui. Puis quand vous faisiez face à ta maison, tu gardais ta main dans la sienne, et tu l’accueillais chez toi, et tu pris même pas le temps de lui faire visiter, tu lui tendais le cadre avec cette photo de vous adolescent.
« - Tu es là, dans le cœur de notre salon, tous les jours Blake. »
Puis tu l’entraînais dans ta chambre, où son pull trônait dans ta table de chevet que tu lui tendais à nouveau.
« - Là aussi pour veiller sur mon sommeil. »
Tu le conduisais dans la chambre d’Ana, où tu lui montrais du doigt ce dessin que Blake avait fait pour elle quand elle était petite.
« - Elle a tenu à l’exposer, pour ne pas oublier, que t’as été là, et que tu le seras toujours. »
Et enfin, tu le conduisais dans la chambre d’amis, vide de vie, mais où tout était bon pour accueillir quelqu’un, et ce quelqu’un c’était lui.
« - J’ai jamais désespéré de te revoir un jour. Et chez moi, c’est chez toi Blake, et ça sera toujours comme ça. Qu’importe le temps et l’espace, qu’importe les maux ou les sourires. »
Puis tu te mettais face à lui, et tu lui montrais ce petit tatouage dans le creux de ton poignet, l’infinité entouré de constellations et d’étoiles. Promesse d’un enfant à un autre. Lui et elle, cet infini qu’ils ne cessaient jamais de dessiner et cette galaxie qui n’attendait qu’eux pour un avenir meilleur.
« - Parce que je t’ai promis les étoiles Blake. »
Et que tu tenais toujours tes promesses Sol. Puis tu lui murmurais.
« - Sans toi, on en serait pas là, et c'est pour ça que tu dois rester avec nous, parce que t'es le gardien de notre bonheur, et surtout du mien. »
Et putain ce que t'en crèverais d'un nouveau départ.
Blake avait l’impression de redevenir un petit garçon. Ce petit être qu’il était quand il se retrouvait à sur le seuil de son propre foyer et qu’il frappait à la porte située en face. Il se souvenait de son sourire. Elle n’avait pas besoin de lui demander, elle savait. Elle s’effaçait pour le laisser entrer, elle se serrait pour qu’il puisse grimper dans son lit avec elle. Il préférait tant sa compagnie que celle des rues. Il avait trouvé sa place et il aurait souhaité ne jamais en repartir. Mais la mère de Sol était aussi instable que la sienne, il ne restait jamais chez elle quand sa mère y était. Elle ne le voulait pas. Tout comme la mère de Blake qui n’avait jamais accepté de voir la petite fille. Deux femmes brisées qui n’auraient jamais dû devenir mères. Et Blake s’en souvenait, il portait les traces des souffrances de son passé, même s’il avait recouvert chaque cicatrice d’encre. Il se souvenait de toutes ses fois où ils avaient dû se battre pour aller en cours, pour avoir une éducation normale. Il n’avait pas oublié, malgré son désir d’effacer son passé. Certaines marques restaient indélébiles et Sol, il n’avait jamais pu l’enlever de son esprit. Elle était là, en lui, une partie de lui. Il l’avait cherché ces dernières semaines, simplement pour s’assurer qu’elle allait bien, qu’elle était libre d’être qui elle voulait, qu’elle s’en sortait pour élever son enfant. Tant de questions qu’il aurait dû lui poser, qu’il aurait voulu lui poser. Mais aucune ne parvenait à franchir sa gorge obstruée d’émotion. Elle semblait épanouie, avait-il tort ? « - Je vais bien. Le corps va bien, l’âme, c’est autre chose. » Il perdit instantanément le semblant de sourire qui flottait jusqu’alors sur ses lèvres et ses sourcils se froncèrent. Il ne pouvait imaginer qu’elle était en train de parler de lui, de son absence. A son sens, il n’était rien, il n’avait pas la moindre importance. Il sous estimait grandement l’importance qu’il avait aux yeux de la jeune femme, il le faisait depuis des années. Alors l’inquiétude se fit un chemin dans son esprit, virus nauséabond qui le mit immédiatement en alerte ? « Tu as des soucis ? » Une question franche cette fois, il devait savoir. La dernière fois qu’il s’était absenté de sa vie, elle avait emprunté de l’argent à une personne peu recommandable. Elle était passée à côté du pire, il craignait tant de l’avoir abandonné à un sort bien pire encore. La dette qu’elle avait contracté, Blake l’avait remboursé depuis des années déjà mais il n’était pas à l’abri que l’enfoiré qui avait essayé de la prostituer soit revenu à la charge. C’était bien pour ça qu’il avait continué, même après avoir remboursé la somme dû. Il ne fallait pas qu’elle manque de quoi que ce soit pour être à l’abri de problèmes plus graves. Il s’était employé à ce qu’elle ne risque rien, il espérait simplement qu’il n’avait pas lamentablement échoué. Il rétablit une certaines distance entre eux, il avait tant de mal à sentir la proximité de quelqu’un sans avoir l’impression de souiller cette personne. Et c’était bien pire avec Sol. Il ne voulait pas qu’elle le touche, il n’était qu’un parasite dans ce monde. « - Ana va bien aussi. Elle a tellement grandit, et si tu la voyais Blake, tu serais fière d’elle, parce qu’elle … est tellement belle, tellement intelligente, tellement nous. » Il se refusa à réagir. Tellement « nous ». Il savait ce qu’elle voulait dire mais il aurait voulu se défaire de ce sentiment, cette envie de faire partie de cette vie. Non, la petite ne pouvait pas s’approcher de lui, c’était impossible. Il ne se souvenait que trop bien le soir où il avait attendu, fébrile, dans cette salle d’attente. Il se remémorait parfois la mine de ce médecin venu le féliciter. Non, Ana n’était pas sa fille. Il n’aurait jamais été capable d’engendrer une chose aussi douce et délicate. « Il parait que les parents ne voient que le meilleur chez leur enfant, je ne crois pas que tu sois très objective. » Il était toujours ainsi, prêt à lui casser ses illusions mais c’était une façon pour lui de ne lui porter aucun intérêt. Il avait employé beaucoup d’énergie à ne pas faire attention à cette enfant. Qu’aurait-il à lui apporter de toute manière ? Il fallait qu’il s’en aille, une fois qu’elle lui aurait confirmé qu’elle n’avait pas de nouveaux ennuis, il s’en irait. Il lui dit, il voulait au moins qu’ils se disent aurevoir, cette fois. Mais la jeune femme le prit totalement de cours en attrapant sa main. Il releva les yeux pour y croiser une détermination sans faille. « - Viens avec moi. Et n’émets aucune objection, car je ne t’écouterai pas. » Il ouvrit la bouche mais elle s’était déjà mise en route. Il se dit alors, qu’il ne risquait rien à la suivre pour passer quelques minutes supplémentaires avec elle, simplement quelques instants. Il y avait droit après tout.
Il ne dit pas un mot du court trajet, jusqu’à ce qu’ils arrivent devant une maison. Il pouvait toujours la chercher dans l’immeuble sordide qu’ils avaient habité étant enfant, il ne l’aurait jamais trouvé. Elle avait très bien rebondi et cette idée lui réchauffa le cœur. Il se laissa traîner vers l’intérieur, de moins en moins sûr que la décision qu’il avait prise soit la meilleure. Il eut tout de suite les yeux sur une photo et une grimace traversa ses traits fins. « - Tu es là, dans le cœur de notre salon, tous les jours Blake. » Il récupéra la photo, jetant un œil à sa frimousse d’adolescent en quête de lui-même. Il avait l’air tellement jeune et innocent, c’était bien avant qu’il ne rencontre le monde dur et brut du gang qu’il avait intégré. Il reposa la photo à sa place, l’âme encore plus vide. « Je détestais cette manie que tu avais de prendre des photos. » Son sourire sur ces dernières était toujours éloquent. Un demi-sourire, crispé au possible, il avait toujours eu du mal avec l’image qu’il renvoyait. Probablement parce qu’il détestait l’idée de plaire, l’idée qu’on l’agite comme un trophée. Il se détourna mais Soledad avait d’autres projets. Dans sa chambre, il se retrouva avec son pull entre ses mains. Ces confidences le laissaient perplexe. « - Là aussi pour veiller sur mon sommeil. » Il cligna des yeux et se retrouva dans la chambre de la petite, à contempler un dessin qu’il avait fait. « - Elle a tenu à l’exposer, pour ne pas oublier, que t’as été là, et que tu le seras toujours. » Il déglutit, la boule dans sa gorge se faisait bien plus nette, bien plus inconfortable. Il avait chaud, il sentait la panique grandir en lui à mesure que la jeune femme le faisait passer de pièce en pièce, le vertige menaçait. Ils arrivèrent devant une chambre vide et il s’arrêta sur le seuil, incapable d’y entrer. « - J’ai jamais désespéré de te revoir un jour. Et chez moi, c’est chez toi Blake, et ça sera toujours comme ça. Qu’importe le temps et l’espace, qu’importe les maux ou les sourires. » Il recula quand il sentit qu’elle se retournait vers lui mais il rencontra le mur du couloir et ses yeux se posèrent sur le tatouage à son poignet. Elle s’était fait tatouer pour lui, en son souvenir. Elle avait fait ça pour lui comme il l’avait fait pour elle. Cette fleur à son cou, c’était pour elle qu’il l’avait tatoué, le seul tatouage sur lui qui avait une véritable signification. Ce symbole lui retournait les sens. « - Parce que je t’ai promis les étoiles Blake. » Il releva les yeux pour croiser son regard. « - Sans toi, on en serait pas là, et c'est pour ça que tu dois rester avec nous, parce que t'es le gardien de notre bonheur, et surtout du mien. » Il ne se rendit pas compte qu’il venait de lui attraper le poignet et qu’il traçait un cercle avec son pouce à l’endroit où ce tatouage symbolique tâchait sa peau. Il la relâcha rapidement, la contourna et sortit du couloir avec l’impression qu’il étouffait sous un flot d’émotion qu’il n’avait pas ressenti depuis des années. L’amour, l’appartenance, un foyer. Il y avait renoncé cinq ans auparavant, il s’était retrouvé seul, sans un sous, sans rien. Il avait tant galéré, il s’était tant battu. Voir tout ce qu’il avait perdu le tuait, l’enfonçait. Il avait renoncé à ses émotions, à ses sentiments pour survivre loin de Brisbane et tous lui revenaient dessus avec trop de force, comme un tsunami emportant tout sur son passage. Il passa la porte du salon et chancela, rencontrant le coin de la porte. Il se retourna pour voir qu’elle l’avait suivi et il mit une main entre eux, pour qu’elle ne s’approche pas de lui.
« Non. J’peux pas faire ça, Sol. Je ne suis pas venu pour ça. J’ai renoncé à tout ça, je ne suis plus le même, je ne suis pas celui que tu as connu. Je voulais que tu sois en sécurité, que tu ne manques de rien. Mais je ne peux plus faire partie de ta vie, je te détruirai, je vous détruirai si tu m’en laissais la possibilité et je ne veux pas de ça. Tu ne mérites pas ça. » Il était toujours bavard quand quelque chose pesait sur sa conscience. Il disait ce qu’il pensait, sans filtre, avec souvent trop d’émotion. C’était déjà ce qu’il était à l’époque et rien n’avait changé. Il se redressa légèrement, cherchant toujours l’air qui lui faisait défaut. Et pourtant, il n’avait jamais mieux respiré que depuis qu’il avait retrouvé Sol. Il déglutit. « Je pensais... tu devrais être furieuse que je sois parti. Ca ne devait pas se passer comme ça. » Si peu sûr de lui qu’il s’était imaginé une confrontation, qu’elle serait en colère qu’il ne lui donne aucune nouvelle, qu’il se contente de signer des chèques. Mais Sol n’était pas comme ça, il aurait dû s’en souvenir, lui accorder bien plus de crédit. Il ferma les yeux, abaissant la main entre eux deux. « Tu attendais le retour de quelqu’un qui n’est plus Sol. Tu ne devrais pas garder toutes ça, je ne suis pas celui que tu crois… j’ai fait des choses… crois moi, tu es bien mieux sans moi. » Ce qui l’effrayait le plus, c’était qu’elle n’y croit pas, qu’elle insiste parce qu’il ignorait combien ce qu’il lui offrait était important pour lui. Mais il avait tant peur de tout perdre à nouveau, de l’entraîner avec lui dans une descente aux enfers. Il n’avait pas remis assez d’ordre dans sa vie. Accepter de dormir ici, dieu, il en crevait d’envie. Mais ce n’était juste pour personne.
L’azur de son regard, la profondeur de son âme, ça filait le vertige à de nombreuses personnes, qui détournait les yeux. Mais pas toi Soledad. Pas toi. Parce que toi, tu voyais au-delà des apparences, tu lisais à travers ses lignes, et te perdre dans ses yeux, c’était retrouver le chemin de ta maison. Il y avait le monde, et les gens, et puis il y avait vous. Il y avait Blake et Soledad, sans patronyme, parce que vous n’aviez pas besoin d’une identité pour vous appartenir. C’était comme ça, et c’était parfait ainsi. L’imperfection de la perfection. Alors tu ne cessais plus de regarder l’azur parce qu’ils étaient ton horizon. Tant de choses vécues et tant de choses à vivre, tu ne désespérais pas qu’il reste à vos côtés. Qu’il reste Blake, et toi Soledad, et elle Ana. Une famille atypique, mais qui vous ressemblait tellement. Tu fis un sourire à Blake, parce que tu sentais ton cœur battre simultanément au sien, et ça donnait de l’oxygène, que tout soit comme avant. Une bouffée de bien être dans le chaos du manque. Puis tu sentais l’angoisse envahir ses pupilles, détruire ce sourire qui le rendait unique. Et tu fronçais les sourcils à sa question. Tu avais été maladroite dans ta réponse.
« - Non. Tu nous as mis à l’abri Blake. C’est juste moi qui ne sait pas toujours avancer sans toi. »
Tu voyais dans ses yeux qu’il ne se sentait pas aussi important que ça, mais il était plus aveuglé par son âme tourmenté que par la réalité des choses. Tu avais toujours été celle qui lui ouvrait les yeux quand il les fermait trop, celle qui lui donnait les couleurs de la vie quand il était bien trop pessimiste. Complémentaire dans la vie, comme dans l’âme. Une suture dans l’âme de l’autre, où tout avait fini par péter quand il est parti. Mais c’était comme ça que vous vous aimiez, écorchés. Puis tu vis dans son regard, qu’il était toujours là, le Blake du passé. Celui qui feignait l’indifférence pour aimer encore plus fort. Un rire sortait de tes lèvres, et tu levais un sourcil pour argumenter ses mots.
« - Oh crois-moi qu’elle a un sacré caractère, j’le subis tous les jours. Elle est trop perspicace, pragmatique, spontanée, et têtue. Ah oui, aussi, elle a adore feindre l’indifférence, on ne dira pas de qui ça vient ça. »
Tu feignais de siffler avant de rire. Parce que c’était vos traits de caractères, à toi, mais aussi à Blake. Il l’avait vu grandir, et sans le vouloir, il l’avait élevé à sa manière, comme il t’avait élevé toujours plus haut. Il avait beau être abîmé par la vie, il ne restait pas moins le gardien de vos vies. Tu lui souriais, et putain ce que tu crevais d’envie de le prendre contre toi. Parce que c’était le seul moyen de t’assurer que ce n’était pas un mirage. Mais sa main dans la tienne, son silence, et sa poigne, tout te montrait qu’il était là, à tes côtés. Le puzzle était enfin complet quand il entrait chez vous, parce qu’il était l’élément manquant à ce paradis brisé. Il aurait dû assister à votre rédemption, et à la sienne, il aurait pu voir Ana grandir, et s’affirmer. Il aurait pu te relever, Soledad, dans tous tes moments de doute. Il a été là, par l’esprit, mais dieu ce que tu avais besoin du tactile. T’avais besoin de ressentir la présence des êtres chers, de les toucher les yeux clos. Pour te sentir en sécurité, pour te sentir complète. En réalité, il n’y avait qu’avec Blake que tu avais besoin de ça. Alors quand il prit la photo que tu lui tendais, tu vis son sourire crispé, parce que tu savais qu’il n’aimait pas ça. Son reflet dans le miroir, dans les yeux d’autrui.
« - C’était mon seul moyen de pouvoir te garder un peu près de moi. Et puis, t’as jamais voulu admettre que t’étais photogénique en toute circonstance. »
Blake était beau, à sa manière. Toi, tu le trouvais magnifique, qu’importe le comportement antipathique qu’il avait, qu’importe la violence de ses traits. T’avais cette vision authentique de sa personnalité, ce qui faisait que t’étais la seule à pouvoir l’atteindre, à pouvoir le toucher. Physiquement comme humainement. Et c’était ça que t’aimais chez lui : sa vulnérabilité. Et tu sentais les émotions grandir à mesure que tu lui montrais l’ampleur qu’il avait dans ta vie. Il avait besoin d’ouvrir les yeux, de comprendre sa place, de la trouver et d’enfin cesser de la fuir. Blake avait sa place là, dans vos vies. Simplement. Mais rien n’était simple avec lui. Il marquait un temps d’arrêt, face à cette chambre qu’était la sienne, et tu vis dans son regard qu’il était perdu. Qu’il ressentait bien trop. Il t’écoutait, mais il ne réalisait pas vraiment, jusqu’au moment où il prit ton poignet pour dessiner de ses doigts bourrues les contours de ce dessin minime en apparence, primordial dans ta vie. Puis tu le vis tanguer Soledad, suffoqué. Il s’écartait de toi, en titubant légèrement, et tu le suivais doucement, pour t’assurer que tout allait bien se passer pour lui. Tu savais que les émotions chez Blake étaient dévastatrices, mais t’allais être là pour les canaliser, pour l’aider à mettre des mots dessus. T’avais les yeux embués de larmes de le voir aussi touché, mais tu lui fis un sourire pour le réconforter, malgré cette main qu’il imposa pour que tu cesses de t’approcher de lui.
« - Blake, si tu n’étais plus toi-même, alors tu ne serais pas ici. »
Il pouvait mentir au monde entier, à lui-même, mais pas à toi.
« - Tu ne peux détruire ce qu’il l’est déjà, parce que, que tu le veuilles ou non, on est déjà des âmes morcelés, toi et moi. »
Tu lui fis un sourire, te rapprochant doucement.
« - Tout ce qu’on peut faire, c’est se reconstruire, main dans la main, ce qu’on a toujours fait. »
Et putain ce que tu voulais qu’il l’a prenne ta main à cet instant précis.
« - Blake, je ne te forces en rien. T’es ici chez toi. Ni plus ni moins. Je sais que j’ai aucune influence sur tes actes, mais sache une chose, c’est que ma maison, c’est la tienne, jusqu’à la fin des temps. »
T’empêchera nul départ Soledad, et tu le sais pertinemment. Parce que Blake, il était libre comme le vent, rien ne l’emprisonnait, pas même sa propre existence. Et c’était cette liberté qui lui donnait tant d’importance, t’étais personne pour l’empêcher de s’en aller. Et puis ces mots te firent perdre ton sourire, parce que ce n’était pas contre lui qu’elle était furieuse, c’était contre elle-même. Alors tu baissais tes yeux, n’osant plus vraiment le regarder.
« - Comment t’en vouloir Blake, alors que je suis la seule fautive de l’histoire. Tu ne serais jamais parti si je n’avais pas fauté en demandant de l’argent à ce proxénète. J’suis la seule à blâmer. »
Puis il se dénigrait encore plus qu’il le fallait, et tu disais enfin cette vérité qu’il devait entendre.
« - Ni toi, ni moi sommes des enfants de cœur. Pas avec l’enfance qu’on a eu, pas avec l’éducation qu’on a eu. Je sais qui t’es Blake, et qu’importe les choix que tu as fait dans ta vie, ça m’empêchera jamais de t’aimer comme il se doit. »
Tes yeux brillaient Soledad, parce que t’étais proche des pleurs.
« - Parce que sans toi, j’serais six pieds sous terre à l’heure actuelle. Comme ma mère. »
Parce que ton destin aurait dû être aussi funeste que celui de ta génitrice, parce que t’étais pas aussi forte que ce qu’il croyait, parce que sans lui, t’étais rien de plus qu’une faible personne sans importance.
« - Non. Tu nous as mis à l’abri Blake. C’est juste moi qui ne sait pas toujours avancer sans toi. » Le soulagement défit immédiatement ses traits soucieux et il hocha la tête d’un air entendu. Il était heureux de l’apprendre, soulagé qu’elle n’ait plus le moindre problème. Il avait fait ce qu’il fallait, il le savait. Il n’avait pas besoin de se poser la question, il n’avait même pas réfléchi pour les sortir de là, il avait tout fait tellement spontanément. Elle était la seule pour qui il aurait consenti à tous ses sacrifices. Elle était la seule pour qui il aurait tout affronté, tout enduré. Et il l’avait fait. Il l’avait tenu loin des problèmes et surtout, il lui avait épargné le pire. Il se souvenait, comme si tout s’était déroulé la veille, la façon dont elle l’avait regardé quand elle lui avait avoué avoir emprunté de l’argent à un proxénète. Il ne pouvait pas oublier les larmes dans le fond de ses yeux quand elle avait compris qu’elle allait devenir une prostituée pour rembourser ses emprunts. Sa douleur, sa peur l’avaient déchiré, il n’aurait jamais laissé Sol devenir comme sa propre mère. Cette femme infâme, détestable, sale et violente qui l’avait élevé dans un foyer instable. Celle qui avait fait de lui ce qu’il était, celle qui avait façonné l’homme qu’il était devenu d’une certaine façon. Il n’aurait pas supporté de voir ça chez Sol, la voir se dégrader de la sorte, la voir se salir. Il n’aurait pas pu le supporter. Que son prêteur sur gage accepte qu’il prenne sa place avait toujours été un mystère pour lui mais l’argent qu’il lui avait rapporté ne lui avait jamais fait regretter sa décision. Et Sol avait été libre d’élever son enfant dans un foyer stable, serein. Et il avait alors décidé d’écourter ses visites, de venir moins souvent. Entre les soirées à vendre son corps et celles au sein du gang, il avait laissé le peu de temps qu’il lui restait à s’assurer que tout se passait bien. Sol avait tort, il n’avait pas élevé Ana, c’était ce qu’elle voulait croire, le souvenir auquel elle s’accrochait mais il n’était pas celui dont elle se souvenait, elle l’avait idolâtré à tort, elle l’avait mis sur un piedestal qu’il ne méritait pas. Elle semblait s’amuser de son apparente indifférence. Comment le lui reprocher, il n’avait jamais été crédible. « - Oh crois-moi qu’elle a un sacré caractère, j’le subis tous les jours. Elle est trop perspicace, pragmatique, spontanée, et têtue. Ah oui, aussi, elle a adore feindre l’indifférence, on ne dira pas de qui ça vient ça. » Il détourna les yeux pour regarder l’endroit où elle avait disparu pour rejoindre ses camarades puis sa salle de cours. Il ne l’avait pas vu assez longtemps pour voir si elle ressemblait à sa mère. Il ignorait s’il aurait l’occasion de le constater. « Imagine quand elle aura quinze ans, tu devrais l’abandonner dans une ruelle avant qu’elle ne te fasse sa crise d’adolescence. » Un sourire fin étira ses lèvres. Il plaisantait. Sol ne ferait jamais une telle chose de toute manière, elle en était incapable. Elle n’avait jamais renoncé à elle à partir de l’instant où l’infirmière lui avait mis sa fille dans les bras. En entrant dans la salle, ce soir-là, il avait vu son regard, il avait immédiatement compris. Malgré la misère, malgré les galères, malgré la surprise, elle aimait déjà cet petit être plus qu’elle-même. C’était viscéral, un sentiment qu’il n’aurait pas pu comprendre, il en était incapable. Mais elle avait ce regard, ce sourire qu’elle lui destinait si souvent. Sa bienveillance, sa douceur ressortaient, envahissaient la salle comme un halo protecteur. Et au milieu de cette bulle, il s’était senti privilégié d’assister à un moment pareil, et un peu de trop. Il avait eu du mal à revenir, il avait fallu qu’elle ait des problèmes pour qu’il comprenne qu’elle avait besoin de lui malgré son nouveau statut, qu’elle était toujours là et que lui aussi, le serait toujours.
Se retrouver chez elle, face à tous ces souvenirs qu’elle gardait, lui crevait littéralement le cœur, à chaque seconde qu’il passait, il menaçait d’exploser. « - C’était mon seul moyen de pouvoir te garder un peu près de moi. Et puis, t’as jamais voulu admettre que t’étais photogénique en toute circonstance. » La courbe de sa mâchoire se crispa. Elle ignorait combien il avait appris à ses dépends qu’il avait une beauté qui ne laissait pas indifférent. Il ne correspondait pas aux modèles lambda, il avait un profil atypique qui plaisait, il ne s’expliquait pas pourquoi. Et il avait toujours détesté ça. Il avait eu horreur du regard de ces hommes que sa mère satisfaisaient, ce désir brûlant dans leur regard tandis qu’il était forcé d’assister à la décadence de sa mère. C’étaient ces regards que lui jetaient par la suite ses clients, ceux venus pour tester des pulsions toujours plus violentes. Ceux qui trouvaient ses traits fins, délicats, délicieux à être brisés. C’était le regard de ce tatoueur sur son corps qui avait décrété qu’il voudrait en faire un jouet pour ses dessins. Les regards des femmes qui l’exhibaient sans la moindre honte pour ne pas avoir l’air seule, pour rendre jaloux, pour se pavaner. Il avait appris qu’il était photogénique, et ce n’était pas une chose dont il cherchait à se vanter. Il se détourna, peut-être violemment, trop d’émotions le submergeaient, il ne pouvait plus rester là. Elle le suivit mais il fallait qu’elle se stoppe, il fallait qu’elle se taise. Mais il avait oublié combien Sol pouvait être têtue, déterminée. Elle ne le laissait pas faire sa tête de cochon, elle ne le laissait jamais l’impressionner par ses airs de brute et ses manières de rustre. Elle n’avait pas peur de lui, pas peur qu’il s’énerve, qu’il explose. Elle pouvait encaisser, il le savait. Son sourire le prouvait, il savait qu’elle gagnerait, peut-être le savait-elle, elle aussi. « - Blake, si tu n’étais plus toi-même, alors tu ne serais pas ici. » Touché. S’il avait réellement voulu oublier, la destruction du gang ne l’aurait pas conduit ici. Pourtant, savoir que Brisbane était à nouveau un terrain qu’il pouvait fouler avait remis tous ses sens en alerte. Il n’avait même pas hésité une seule seconde. Il avait pris ses affaires, le cœur battant et il avait foncé tête baissée. Il ne savait pas à quoi il s’attendait, peut-être à se faire jeter, à ce qu’elle le déteste. Tout aurait été tellement plus simple. « - Tu ne peux détruire ce qu’il l’est déjà, parce que, que tu le veuilles ou non, on est déjà des âmes morcelés, toi et moi. » Elle s’approcha mais il fit un pas en arrière, un seul. « - Tout ce qu’on peut faire, c’est se reconstruire, main dans la main, ce qu’on a toujours fait. » Il secoua légèrement la tête mais elle n’avait pas fini, il le savait, elle irait au bout de ses paroles, peu importe à quel point ses mots lui faisaient mal. Autant qu’ils lui faisaient du bien. « - Blake, je ne te forces en rien. T’es ici chez toi. Ni plus ni moins. Je sais que j’ai aucune influence sur tes actes, mais sache une chose, c’est que ma maison, c’est la tienne, jusqu’à la fin des temps. » C’était trop simple pour lui, trop utopique. Tout allait forcément finir par s’effondrer, il savait qu’il allait tout faire foirer. « - Comment t’en vouloir Blake, alors que je suis la seule fautive de l’histoire. Tu ne serais jamais parti si je n’avais pas fauté en demandant de l’argent à ce proxénète. J’suis la seule à blâmer. » Il vit la honte dans ses yeux et son regard baissé lui donna envie de hurler. Instantanément, parce qu’il ne savait faire que ça, toutes ses forces se tournèrent vers elle et l’envie de la rassurer fut plus fort que ses propres craintes. Il fit un pas en avant. Il l’écouta mais finalement, il n’était déjà plus vraiment concentré. Lorsqu’elle lui avoua qu’elle aurait connu le même sort que sa mère, il ne pouvait pas être d’accord avec elle. Les larmes dans ses yeux, il ne pouvait pas les supporter, il ne pouvait pas être celui qui en était le responsable. « Sol, tu ignores à quel point tu as tort à propos de tout ça. » Il se rapprocha à nouveau, respira un bon coup et lui prit la main sans réfléchir. « Tu es bien plus forte que tu le crois. Je t’ai aidé mais crois moi, aujourd’hui, tu n'as plus besoin de moi et de cette noirceur que je traîne derrière moi. Tu n’es en rien semblable à ta mère, tu es bien plus lumineuse qu’elle ne l’a jamais été. Tu as cette bonté en toi, ce cœur en or, tu aurais dû me rayer de ta vie depuis longtemps, je n’ai jamais mérité quelqu’un comme toi dans ma vie. Et même si tu me dira le contraire, que tu essaiera de me persuader que je me trompe et je sais que tu le penses, que tu en aies convaincu mais tu as tort. Tu as fait le plus gros Sol, tu t’en es sortie. »
Il inspira, posant la main de la jeune femme sur sa poitrine, au niveau de son cœur. « Tu n’as rien fait. Je n’ai jamais été sincère avec toi et tu devrais me détester pour ça. Tu as le droit de m’en vouloir Sol parce que ce n’est pas à cause de ce proxénète que j’ai quitté la ville, j’avais remboursé ta dette depuis longtemps quand je suis parti. » Il prit une nouvelle inspiration. Elle n’avait jamais su pourquoi il était réellement parti, ce qu’il avait fait pour rembourser cette dette, il n’avait jamais rien dit. Pas plus qu’il avait vu et fait des horreurs au sein du gang. Qu’il avait vendu de la drogue, été responsable de nombreuses overdoses, qu’il était un ancien junkie qui pourrait replonger à tout moment dans ses travers. Un voleur, un menteur, une prostituée. En voilà un charmant tableau. Il mentait en réalité, cette histoire de dette avait bien eu une incidence sur son départ, c’était à cause de ses activités nocturnes que le gang s’était mis à douter de lui. Mais il était le seul fautif, il aurait pu tout avouer, se justifier, il aurait pu agir autrement mais il ne l’avait pas fait. Il ne la blâmait pas, pas pour tous les mensonges qu’il lui avait dit. « Je veux que tu prennes soin de toi Sol’, de vous deux. Efface le souvenir que tu as de moi. Je suis revenu pour m’assurer que tout allait bien pour vous, pas pour être celui que tu voudrais que je sois. Je n’ai plus besoin de te sauver, tu n’as plus besoin de moi. » Et le penser était douloureux. Pauvre idiot qu’il était de croire qu’il n’avait que ce but dans sa vie, que sa seule existence consistait à sauver Sol de la douleur et des tourments. Que serait-il pour elle dans cette vie qu’elle s’était construit ? Il se rapprocha d’elle, prit sa main dans la sienne et approcha son visage du sien. Il déposa ses lèvres sur sa joue, sur le coin de ses lèvres. Il n’avait jamais aimé, Blake, il n’avait jamais embrassé une femme sans qu’on l’ait payé. Il ne savait rien des sentiments, des couples, de tout le reste. Mais il savait que cette femme était particulière, unique pour lui. Et même s’il en avait conscience, il recula, lâcha sa main et détourna les yeux pour ne pas croiser les larmes dans les siens. Lâche et déboussolé, il se retourna pour franchir la porte de la maison, le cœur en miettes.
Tu le retrouvais Sol, cet ami cher qu’il avait été et qu’il serait toujours. Parce que tu voyais son visage se détendre à tes mots, tu voyais ce regard rieur et taquin, tu voyais les ridules de son minois disparaître, et surtout, tu le voyais, cet amour timide dans le regard. Ce regard qu’il ne faisait qu’à toi, ce rire qu’il n’avait qu’avec toi, ce bonheur croqué timidement. Il était là, il était à la bonne place, mais il n’y avait que toi pour le voir. Il se permettait une petite boutade concernant ta fille et tu riais doucement, le cœur ayant un loupé, parce que son rire t’avais particulièrement manqué.
« - Si je ne la vire pas de la maison à 14 ans parce qu’elle foutera rien comme les gosses de son âge, faut que ça soit rentable ces bêtes-là. »
Rire dans l’âme, qui soulageait vos cœurs douloureux, mais tu avais besoin qu’il prenne conscience de cette place qu’il avait dans vos cœurs et surtout dans le tien. Parce qu’il était nécessaire qu’il le comprenne, qu’il le voit. Tu avais besoin qu’il reprenne le chemin de la maison, parce que sans lui, ça n’avait aucun sens, tout ça, tout ce qui t’entourait. Alors tu lui a tout dit, sans rien omettre. Parce qu’il y avait aucun mensonge entre vous.
Et tu avais qu’une envie Soledad, c’était le prendre contre toi, et ne plus le lâcher. Parce que tu savais que si tu lâchais prise, il ne reviendrait jamais. Parce qu’il était comme ça Blake, un loup solitaire. Sans meute. Seule face à lui-même. Alors qu’il se voilait la face, parce que sans toi, il ponctuait sa vie de noirceur et de défonce. Il vivait dans le côté obscur, il fuyait la lumière, et il piétinait cette lueur de bonté que tu voyais dans son regard. Tu avais peur qu’un jour, il cède aux ténèbres, et qu’il oublie la lumière. Vos rires, vos sourires, vos moments complices, vos rêves. Tu avais peur qu’il renonce au bonheur, parce que soi-disant il était destiné au malheur. Mais sans lui, ça aurait été ta destinée, et la tienne seulement. Il était temps pour toi de lui rendre la pareille, et de lui faire ouvrir ces beaux yeux sur ce monde qu’ils pourraient construire ensemble. Tu ne lui demandais rien de particulier, juste qu’il soit là, près de toi. Là auprès de ton cœur, pour que vous n’ayez plus peur de vivre. Que vous n’ayez plus à survivre. Mais il était pas prêt à entendre les maux de ton cœur, et tu l’as vu dans son regard qu’il était touché en plein corazón. Il se reculait de toi, mais tu voyais dans son regard qu’il ne t’arrêterait pas si tu osais poser ta main sur lui, parce que tu avais ce pouvoir sur lui. D’éteindre la colère dans son âme, d’apaiser les maux de son cœur, d’éteindre le feu de son esprit. Tu étais capable de beaucoup de chose Sol, mais tu étais incapable de renoncer à lui. Parce qu’il était indispensable, il était essentiel. Il te permettait de garder les pieds sur Terre, de ne plus avoir peur. Il t’empêchais de faire des conneries, de te couvrir de honte. Comme à cet instant, comme quand tu lui dis que tout ça, c’est de ta faute et que de la tienne. Et enfin, il te faisait taire, dans la douceur. Son soupir, accompagnait le tien, tu respirais, mais tu sentais qu’il allait te le couper. Il prit ta main, et tu la serrait, avant de te noyer dans le bleu de ses yeux. T’écoutait ses mots, tu buvais ses états d’âmes. Et cette larme roulait sur tes joues silencieuse, tes yeux se fermaient, et pire encore, tu suffoquais. Ces mots sur toi, sur ta clarté d’âme, sur le sombre de sa vie, sur ta mère. Il te croyait forte, il te croyait résistante. Mais il les a pas vu tes moments de doute, de pleurs, et de rage si intense que c’était la douleur qui t’apaisait. Il n’a pas vu le démon dans tes yeux quand tu échouais, encore moins ce vide immense de son absence. Il posait ta main sur l’emplacement de ton cœur, qui se serrait encore un peu plus à ses mots. Tu fronçais les sourcils, et tu savais ce qu’il cherchait à faire : vous briser le cœur pour que l’oubli soit moins difficile. Mais c’était folie de penser que ça marcherait. Et vint le moment des adieux, de ses adieux. De ses demandes, comme s’il allait mourir après ce moment. Mais toi, tu refusais de le voir crever sous tes yeux, parce que une vie sans lui, c’était tout bonnement impossible. Tu rouvrais les yeux quand tu le sentis proche de toi, ce baiser sur le coin de tes lèvres, la pression de sa main dans la tienne, et son cœur qui décroche dans son regard. Tu aurais tant aimé pouvoir lui rendre ce baiser, le forcer à rester là, près de toi, mais tu n’étais rien pour le faire changer d’avis. Mais Soledad, tu étais qui pour renoncer comme ça ? Tout sauf toi-même. Alors quand il ouvrait la porte pour partir, tu passais sous son bras et tu te plantais face à lui, n’ayant plus peur de pleurer face à lui.
« - T’es idiot si tu crois que je vais réussir à t’oublier comme ça. Pas après ce qu’on a vécu, pas après tes gestes à mon égard, et ton cœur qui se morcelle à cet instant précis. »
Puis tu levais ta main pour sentir le vent entre tes doigts.
« - Blake. Tu es comme le vent, c’est quand on croit qu’on t’a saisi que tu nous échappe. Le monde te voit comme ça. Je pourrais te voir comme ça. Mais j’y arrive pas. Parce que lorsque je plonge mon regard dans tes yeux azurs, je le vois le bonheur, le désir d’appartenance, de m’appartenir. J’le sais, parce que ce cœur-là. »
Et tu posais tes deux mains dessus avec force.
« - Je le connais par cœur. Tu peux mentir au monde entier Blake, mais à moi tu ne peux pas. Qu’importe la décision que tu vas prendre là, tu reviendras. Parce qu’on revient toujours à la maison. »
Puis tu posais ta tête sur son torse, pour pleurer en silence, et tu lui avouais à demi-mot.
« - Sans toi, j’suis plus moi. Alors reviens moi, j’t’en supplie. J’pourrais tout subir. Ton courroux, tes silences, tes absences, ton manque d’amour. J’pourrais tout encaisser. Seulement si tu restes à mes côtés. Parce que c'est comme ça que ça doit se terminer. Parce que c'est le seul bonheur auquel on a le droit toi et moi. Celui d'être ensemble. »
Parce que sans lui, ça n’avait pas de sens. Et là, face à lui, tu te le prenais en pleine gueule, ce non-sens.
Non, bien sûr qu’elle ne l’écouta pas, bien sûr qu’elle ne le laissa pas partir, à quoi s’attendait-il exactement ? Elle avait toujours été ainsi, elle était têtue, déterminée et elle avait toujours su ce qu’elle voulait, la petite Soledad. Un caractère de feu malgré ses airs de gentille petite fille. Il la vit passer à côté de lui et il releva les yeux pour croiser son regard. Elle n’avait pas écouté, elle ne s’était pas prêté à son jeu pour l’éloigner. « - T’es idiot si tu crois que je vais réussir à t’oublier comme ça. Pas après ce qu’on a vécu, pas après tes gestes à mon égard, et ton cœur qui se morcelle à cet instant précis. » Il détourna la tête, observant autour de lui plutôt que dans ses yeux hurlants de vérité. Il serra la mâchoire. C’était toujours difficile d’accepter les mots qui vibraient, qui parlaient. Il lui en avait trop donné, il aurait dû se montrer plus dur, plus sévère, lui montrer qu’il n’y avait rien à sauver chez lui. Elle prenait le meilleur et laissait le reste, comme d’habitude. Elle n’écoutait jamais. Elle ne l’avait pas écouté. Il ne savait plus quoi faire. Rester ? Vivre une vie parfaite avec elle et sa fille ? Jouer au papa et à la maman ? Impossible, impensable. Il en était incapable. « - Blake. Tu es comme le vent, c’est quand on croit qu’on t’a saisi que tu nous échappe. Le monde te voit comme ça. Je pourrais te voir comme ça. Mais j’y arrive pas. Parce que lorsque je plonge mon regard dans tes yeux azurs, je le vois le bonheur, le désir d’appartenance, de m’appartenir. J’le sais, parce que ce cœur-là. » Elle posa ses mains sur lui et il inspira, bloquant l’air qui parvenait à ses poumons dans un geste désespéré de se protéger de cette sollicitude. « - Je le connais par cœur. Tu peux mentir au monde entier Blake, mais à moi tu ne peux pas. Qu’importe la décision que tu vas prendre là, tu reviendras. Parce qu’on revient toujours à la maison. » Il sentit sa tête contre lui mais cette fois, il fut incapable de lui rendre son étreinte. Il l’avait piégé, elle était condamnée à espérer son retour, encore et encore. Elle voulait qu’il reste mais à quel prix pour lui. ? Elle ne songeait pas à ce qu’il ressentait, à ce qu’il pouvait vivre à cet instant. Il sentait son cœur battre comme il avait rarement battu. Il l’entendait, le sentait cogner avec force contre ses tempes. Il n’osait plus respirer, il n’osait même pas bouger. Il entendait les sanglots dans sa voix, il avait vu les larmes dans ses yeux, glisser le long de ses joues. Il était conscient de tout ça mais il n’était pas capable d’en ressentir les effets. « - Sans toi, j’suis plus moi. Alors reviens moi, j’t’en supplie. J’pourrais tout subir. Ton courroux, tes silences, tes absences, ton manque d’amour. J’pourrais tout encaisser. Seulement si tu restes à mes côtés. Parce que c'est comme ça que ça doit se terminer. Parce que c'est le seul bonheur auquel on a le droit toi et moi. Celui d'être ensemble. » Il recula, buta contre l’encadrement de la porte, elle devait le lâcher, elle devait s’éloigner. Mais finalement, parce qu’il était bien trop lâche pour faire ce qu’il devait, il refit un pas en avant pour la prendre dans ses bras. Il ne supportait pas la voir pleurer, il n’en n’avait jamais été capable. Il aurait pu se montrer aussi dur qu’il le voulait, elle l’accepterait, parce qu’il était là, à nouveau près d’elle. Il ne comprenait pas, il n’avait jamais compris. Elle avait alors besoin de lui autant qu’il avait eu besoin d’elle. Elle était la constante de sa vie, la seule personne qui ne lui avais jamais tourné le dos. Sa mère l’avait maltraité, son gang l’avait banni de la ville, personne ne semblait vouloir s’encombrer de lui. Il faisait des erreurs, il n’était qu’un humain après tout. Mais elle l’acceptait, au nom de quoi ? De l’amour ? Serait-il possible qu’elle l’aime ? Plus qu’elle ne devrait ? Plus qu’il ne pourrait jamais le lui rendre ? Les questions fusaient dans sa tête mais l’étreinte qu’il lui offrait lui donnait la possibilité de se taire, quelques instants au moins. Il ferma les yeux, le menton posé sur sa tête, la main caressant le bas de son dos. Il voulait l’apaiser, la rassurer mais il n’avait jamais eu les mots pour ça et il ne les trouverait jamais. Il n’était pas fait pour ça, que faisait-il encore ici ? « Tu n’écoutes pas, tu ne m’as jamais écouté. » Et pourtant, il avait essayé de la mettre en garde, contre lui et ce qu’il pourrait lui apporter. Il ne savait pas ce qu’il était venu chercher en ville, il ignorait ce qu’il y trouverait. Sa rencontre avec Joseph l’avait plus ébranlé qu’il ne l’avait admis. Revoir un membre de son gang lui avait rappelé ce qu’il avait perdu, la famille qui l’avait trahi. Et aujourd’hui, il retrouvait Soledad, sa fraîcheur, la seule chose bien qu’il ait faite dans sa vie. « Tu n’entends pas ce que je te dis, comment te persuader que je te ferais plus de mal en restant qu’en partant ? » Elle devait le comprendre mais il n’avait plus les mots pour le lui dire. Il savait qu’elle ne l’écouterait pas, elle était bien trop heureuse de le revoir, le souvenir faussé qu’elle avait de lui. Il ne pouvait pas davantage argumenter, elle avait pris sa décision et s’il était assez courageux, il ferait ce qu’il faut pour la mettre à l’abris et pour la protéger de lui.
« J'ai besoin de réfléchir, Sol’. Je n’ai plus grand-chose à t’offrir mais la seule chose que je peux te promettre, c’est que si je décide de quitter la ville à nouveau, je viendrai te dire au revoir cette fois. Laisse moi juste quelques jours. » Il redressa la tête pour finalement se détacher de la jeune femme, pour la regarder à nouveau, pour affronter ses airs tristes parce qu’il savait qu’elle le serait. Que ce n’était pas la décision qu’elle attendait mais elle avait réussi à le toucher. Elle avait réussi à le faire douter, à lui donner envie de renouer avec tout ce qu’il avait perdu, à commencer par elle. Il lui demandait simplement quelques jours, le temps qu’il remette ses affaires en ordre, qu’il réfléchisse à ce qu’il avait envie de faire, à ce qu’il devait faire. Il lui fallait s’assurer qu’il ne risquait rien en ville. Joseph n’était peut-être pas le seul Mantha à avoir survécu et qui pourrait lui mettre la destruction du gang sur le dos. Il avait été considéré comme un traître, il devait rester prudent et sur ses gardes. Il n’avait toujours pas mis la main sur son chef, il voulait à tout prix s’assurer qu’il était vivant, ou mort. Il avait besoin de savoir si la seule autre personne au monde à lui avoir un jour sauvé la mise était encore de ce monde. Il avait encore à faire à Brisbane, il avait déjà retrouvé des connaissances à lui. Pouvait-il tout recommencer ? Il l’ignorait, il en doutait. Il finit par s’approcher à nouveau de Sol, déposant un baiser sur son front et cette fois, il savait qu’elle lui laisserait le temps qu’il lui fallait.
Dans ton cœur ça cognait, fort, et douloureusement. Plus rien n’était paisible en toi, tout n’était que chaos et désarroi, parce que Blake était Blake : inarrêtable. Il prenait toujours ces décisions qui mettait à mal sa vie et la tienne. Il n’arrivait pas à voir l’équilibre que vous vous apportiez l’un et l’autre, il n’arrivait pas à voir la lueur d’espoir dans son regard quand il te regardait. Il n’arrivait pas à faire autrement que de se faire du mal. Comme si les maux l’animait, comme l’amour ne pouvait apaiser ses blessures. Toi, tu voulais qu’il respire, qu’il sente le bien-être de se sentir chez soi, à l’abri. Tu le voulais au sein de ta maison comme au sein de ton cœur. Même s’il était silencieux, même s’il était désagréable. Tu ne voulais pas passer le restant de ta vie à espérer qu’il soit, et qu’il sera, dans la crainte qu’un jour on te le prenne. Parce que depuis toujours, il est là Blake. Constamment. A tes côtés, en ton cœur, en ton âme. Il est cette parcelle d’éternité qui vous appartient à tous les deux, mais toi, t’en fais quoi s’il n’est pas là pour t’animer ? Rien. Tu es là, tu attends, et t’en crève. Il ignorait à quel point il était important et inéluctable dans ta vie. A quel point il te fait vivre et survivre. A quel point il te fait l’aimer et l’envier. Blake, c’était tout pour toi, il était d’une importance sans faille, qu’importe ses erreurs, qu’importe ses choix, qu’importe ses émotions. Il faisait partie du noyau central de ton existence avec ta fille, et rien ne changerait ça. Alors tu refusais de l’écouter, tu refusais d’entendre ses adieux, parce que c’était impossible qu’il veuille t’abandonner, impossible qu’il ne veuille plus de toi. Mais tu savais que tes mots auraient un impact sur lui. Parce que la vérité, c’était ce qui le faisait réagir. Son regard fuyant, l’impact de tes mains sur son cœur, ça l’avait fait frissonner Blake, ça l’avait atteint. Il n’arrivait plus à te regarder, et toi non plus. Et c’est quand il reculait, que t’eus l’impression de le perdre encore un peu plus. Et là, tes larmes ne cessèrent plus, parce que tout ça, c’était bien trop amère, bien trop douloureux. Mais il te prit contre lui Soledad, et il te montrait une fois de plus qu’il était là, et qu’il le serait toujours. Un silence doux s’imposait entre vous, et il caressait ton dos, comme il le faisait avec ton âme. Parce que c’était comme ça entre vous. Simple et silencieux. Les mots étaient des maux bien trop douloureux. Puis repris la parole, et tu déglutissais à mal, parce qu’il voulait que tu l’écoutes, que tu l’acceptes. Mais t’en étais incapable, et tu le sais. Sans lui, ça n’avait aucun sens. Alors tu murmurais au creux de son torse.
« - J’n’écoute pas ton pessimisme. Mais toi oui. »
Puis tu essuyais tes larmes avec les manches de ton pull.
« - Tu ne pourras pas, parce que tu es incapable de me faire du mal, comme je suis incapable de t’oublier Blake. »
Puis tu pris une bouffée d’air, et c’était douloureux. Parce que c’était comme si on te privait d’air et qu’on te forçait à le faire tout de même. Tu refusais qu’il s’en aille loin de toi, mais tu sentais dans son regard qu’il avait besoin de temps, besoin d’être en paix avec lui-même. Alors tu acquiesçais à sa demande, en hochant la tête. Tu ne quittais pas ses yeux durant le temps où il te parlait, enregistrant la beauté de son regard, l’aquilin de ses traits, l’odeur de sa peau. Tu ne voulais rien oublier Soledad, parce que c’était quitte ou double. Et putain ce que tu n’étais pas chanceuse à la loterie de la vie. Tu fermais les yeux à son baiser sur ton front, et tu serrais fortement sa main dans la tienne. Puis tu apprenais à la lâcher quand il s’écartait de toi. Tu ne pus t’empêcher de le lui dire avant qu’il s’en aille.
« - Je t’aime Blake. »
Parce que c’était la vérité, parce que tu avais toujours aimé qu’il l’entende, que quelqu’un sur cette Terre l’aimait pour ce qu’il était, pas pour ce qu’il pourrait être. Et tu le regardais s’en aller, loin de toi, loin de ton âme, et c’était un crève-cœur. Tu étais vidée de tes émotions Soledad, à tel point que lorsque tu fermais la porte de ta maison, tu t’écroulais dos à elle en pleurant, parce que tu sentais que la partie était déjà joué, et que la main, tu ne l’avais plus. Échec et Mat.