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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyMer 18 Mar 2020 - 14:04

Falling to pieces
Lex Hamilton & Olivia Marshall

Samedi 29 Février 2020, PM.

Je voulais me retrouver seule avec mon frère ce matin. J'avais besoin de lui rappeler combien il me manque. J'avais besoin de me confier, comme avant. La mort nous a peut-être séparés, mais notre lien la transcende. Il est intouchable. Intact. Sam est encore la première personne vers laquelle je me tourne en cas de besoin, lorsque les doutes me submergent. Lui parler me permet de me recentrer et de prendre du recul pour appréhender la situation dans son ensemble. Alors, je lui ai tout raconté. Mon accident de voiture, le coma, cette amnésie qui me force à revivre un deuil tout en me privant d'un autre. Mes quatre années de vie commune envolées. Cet avenir devenu aussi flou que le passé, désormais. Pendant une heure, mon coeur a tout déballé sans rien retenir. Puis, je lui ai dit au revoir en le remerciant et en lui promettant de revenir très vite. J'ai quitté les lieux l'esprit plus léger. Presque grandie. Et avec une seule chose en tête : reprendre ma vie en main.

Je suis revenue chez mes parents autour de midi, comme promis. Nous nous sommes installés ensemble en terrasse pour le déjeuner. Ils ne m'ont pas demandé la raison de mon absence ce matin. Avaient-ils deviné ? Ou avaient-ils peur de se montrer trop envahissants ? J'ai donc évoqué le sujet de moi-même. Je leur ai rappelé les excellents résultats de mes séances de rééducation. Je leur ai soumis mon envie de retrouver le plus rapidement possible une existence des plus normales, en réintégrant mon loft et en retournant travailler. Ils m'ont fait part de leur inquiétude mais ne se sont pas montrés spécialement fermés. Ils savent bien qu'un jour, il faudra en passer par là. Je ne suis plus une enfant depuis longtemps. Amnésique ou non, je ne peux décemment pas continuer à vivre sous leur toit dans la plus grande inactivité.

Dans ces conditions, j'ai du mal à comprendre le comportement actuel de mon père. Nous sommes en route pour Spring Hill et un silence de plomb enveloppe l'habitacle. Sentant le malaise, je lui ai demandé si tout allait bien et il s'est contenté de me répondre qu'il se concentrait sur la route. Même si, à sa décharge, la circulation est difficile depuis Bayside jusqu'au centre-ville en plein samedi après-midi, je ne la pense pas responsable de l'expression soucieuse qui ne le quitte pas. Est-elle liée à cette certaine affaire dont il doit s'occuper, et qui justifie qu'il m'accompagne en voiture jusque chez Jacob et Liv, plutôt que de me laisser m'y rendre en bus ?

Quoi qu'il en soit, je tente de ne pas laisser ces ondes négatives entacher ma joie et mon impatience. J'ai dit à mes parents que j'avais prévenu Jacob (ils me l'ont demandé), mais en réalité, je préfère leur faire la surprise. Normalement, une journée de week-end à 14 heures, ils devraient être à la maison tous les trois. J'ai hâte de revoir June. Elle doit avoir beaucoup changé. Les enfants grandissent si vite à cet âge ! Je ne peux que l'imaginer, car lors de leur visite à l'hôpital le lendemain de mon réveil, ses parents n'ont pas pu me montrer de photos. Jacob avait oublié son portable dans la voiture et Liv n'avait plus de batterie. Qu'à cela ne tienne : j'avais décidé que ce serait, de toute façon, beaucoup mieux en vrai. J'avais donc patienté, ne voulant pas déranger la petite famille un soir de semaine. Ce qui mène à ma visite inattendue de ce jour.

Mon père finit par stationner la voiture sur le bas-côté, juste en face de la maison qu'occupe la petite famille. « Tu m'appelles quand je dois repasser te chercher ? » « Tu es sûr ? Je ne sais pas combien de temps je vais rester, je veux profiter de June au maximum ! Si ce que tu as à faire ici n'est pas long, tu n'es pas obligé de m'attendre. Je peux prendre le bus au retour. » « D'accord. On se tient au courant alors. » J'embrasse mon père sur la joue, attrape ma canne et quitte le véhicule. Je peine à faire fi de ce sourire triste qui lui colle au visage. Allez, tu lui en reparleras tout à l'heure. Ce n'est pas le moment d'y penser ! Arrivée sur le perron, je sonne enfin à la porte, excitée comme une puce. Je suis venue les mains vides, ne sachant pas (ou plutôt, ne sachant plus) ce que June aime. Je compte bien remédier à cela en lui proposant d'aller déguster une bonne glace entre filles. J'ai tellement de choses à rattraper. Je ne sais même pas comment (si ?) ses parents lui ont expliqué la situation. Enfin, le visage étonné de Liv apparaît de derrière la porte entrouverte. « Surpriiise ! » Je m'exclame, radieuse.

Je suis sûre que toutes les étoiles se sont réunies au fond de mes yeux pour une danse endiablée. Et elles exploseront en millions de particules à la seconde où je serrerai ma filleule dans mes bras.

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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyMer 25 Mar 2020 - 7:04


Olivia Marshall & @Lex Hamilton (fev. 2020) ✻✻✻ Ma silhouette s’élançait entre les rayons qui glissaient sur les feuillages des arbres. Mes jambes se repliaient mécaniquement, tranchant l’ambiance déjà automnale de cette fin de mois de février. L’air pénétrait dans mes poumons à grandes bouffées, m’insufflant un sentiment autre. Autre que quoi ? Autre que celui de quiétude maîtrisé que j’avais toujours ressenti lors de ma routine sportive, certes. Mais autre, aujourd’hui, c’était déjà apaisant. Autre, c’était toujours mieux. Je crispai la mâchoire en accélérant le rythme alors que je franchissais les clôtures du parc voisin à notre domicile. Soixante minutes de jogging, dix minutes d’étirement et trois minutes de marche jusqu’au chemin me faisant regagner la route. Ma routine était parfaitement ordonnée, me permettait d’élever mon esprit, l’espace de quelques instants, au-delà de l’anarchie du corps. Je commandais ma respiration, je contrôlais mes muscles. Je plissai les yeux en contournant les bancs. La serpentine ondulait sous mon regard concentré, le vent enlaçait mes expressions méditatives dans une étreinte autrefois complice avant de s’évanouir au loin, entre les expositions florales et les aménagements divers. Rien de tout cela ne m’aidait réellement. À oublier les images de mon dernier échange avec Jacob. Celui-ci continuait de défiler derrière mes paupières. J’entendais nos dernières paroles également. Polies, pas acerbes. Douceâtres, pas revêches. J’aurais préféré. J’aurais su à quoi me raccrocher avant de le laisser s’envoler à plus d’une heure d’ici, encore. Mais il ne s’y résignait pas, il ne se lassait pas encore. De moi. Se contentait d’imprimer mes besoins avec justesse et mesure. Ce baiser qu’il s’était attardé à déposer sur mon front avant de passer le pas de la porte continuait de me brûler, à cet exact endroit. Jacob semblait porter le fardeau de mes reproches et de ma colère mais ne paraissait toujours pas enclin à comprendre, à accepter que sa proximité, ses attentions me rendaient fébriles. Je secouai la tête en signe d’agacement, d’impatience, et semais tout à coup les passants flânant lascivement autour des plantations. Je ne voulais plus y penser. J’étais ici pour cela, après tout. Pour me dépenser, d’une manière ou d’une autre. Pour lutter contre cette impression de ne plus être en mesure de faire quoique ce soit d’autre que de penser à lui, à nous, à elle, puisque je ne travaillais pas aujourd’hui et qu’il m’était impossible de me concentrer sur cela. Pour brûler ces angoisses qui me rongeaient et auxquelles je ne voulais pas faire face. Le sport avait toujours été ce besoin dans lequel je me perdais. Depuis deux ans, deux ans déjà, deux ans seulement, je m’y perdais quelques fois avec une telle férocité, une telle détermination que j’en oubliais de respirer. Que je finissais mes entraînements, souvent, en m’affaissant sur moi-même, incapable de supporter mon poids. Je sortais de l’effort, exsangue mais le corps élastique, le cœur plus léger. Plus léger, avant que le poids ne se réinstalle quelques secondes, à peine, plus tard et prenne entière possession de moi, de nouveau. Il ne s’agissait que d’un court répit. Un qui durait le temps de remonter l’allée tortueuse qui menait jusqu’au palier de notre domicile, le tissu collant contre ma peau suintante alors que je refermais la porte derrière moi. Un qui prenait fin, déjà, l’enclume reprenant aussitôt sa place dans ma poitrine alors que je m’avançais jusqu’au centre du salon, m’emparant sans y penser de la serviette pliée sur la commode pour essuyer la sueur perlant le long de ma gorge et s’attardant sur ma nuque.

Je soupirai en desserrant l’élastique dans mes cheveux et tirai les longs voiles des fenêtres, laissant le soleil griffer ma peau rougie par l’effort avant que je ne m’enferme dans la solitude. Je le faisais toujours, lorsque je me retrouvais ici, sans Jacob, déambulant dans les grandes pièces, à moitié éveillée car elles-mêmes ne l’étaient plus. Plus de ce que j’avais tant aimé, plus de l’agitation de notre famille, plus de nos rires, plus de nos cris même, s’il le fallait. S’il le fallait, je retrouverais nos cris. Mon cœur endeuillé demeurait malade, oui, et le resterait encore longtemps mais c’était mon être tout entier qui souffrait d’une histoire révolue. Et je désirais y rester, dans cette histoire, je désirais y vivre, encore, seule. Jacob le comprenait, Jacob partait, souvent, plus souvent que nécessaire m’étais-je surprise à comprendre avec le temps. Et si lui le comprenait, pourquoi les autres ne le faisaient-ils pas ? Je réprimai un sursaut – jugé stupide, immédiatement, avec la sévérité que je me portais, à moi et à tous les autres – alors que la sonnerie vint briser le silence environnant. Et bien vite, ce furent les aboiements de Loki, euphoriques, gaillards, laissant à croire qu’il reconnaissait l’individu derrière la porte qui qui me décidèrent à m’avancer vers la porte, l’intimant au silence d’un geste calme dans sa direction. Je passai la serviette sur mon visage avant d’ouvrir sans attendre, suspendant mes gestes en l’apercevant sur le palier. Lex. « Surpriiise ! » s’exclamait-elle déjà, coupant court à ma surprise. Je repris une inspiration contenue tandis que le son clair de sa voix vint tinter à mes oreilles, finissant de me rappeler à la réalité du moment. Elle était devant ma porte. Elle était devant ma porte, comme cela avait été le cas des dizaines, des centaines de fois auparavant. Dans un passé pas si lointain, et qui m’était paru pourtant si vague durant un temps. Elle était devant ma porte, comme nous avions été devant la sienne, tout autant de fois. Et je trouvais cela presque naturel, je trouvais cela presque normal, comme si cela n’aurait jamais du cesser d’être le cas. Mais cela avait cessé, elle nous l’avait imposé à la suite d’une confrontation sans retour en arrière. Ou aurait-elle du l’être, selon nos dires, irrécupérable. Mais l’accident avait eu lieu et elle ne se souvenait pas. « Lex. » soufflai-je, avec prudence, avec émotion même et j’espérais qu’elle ne saisisse que cette dernière alors que je l’enlaçais sans respirer. « Désolée. » lâchai-je en me reculant, désignant mon état d’un geste vague des mains, un sourire sans joie aux lèvres. Je l’avais enlacée presque sans m’en rendre compte, avec précaution quant à sa canne, quant à mon haut encore humide malgré la serviette, comme une nécessité cependant pour la sentir contre moi, pour reprendre mes esprits également, rapidement, avant qu’elle ne se rende compte.

« Est-ce que Jacob sait que tu allais passer ? Il n'a rien dit. » repris-je finalement d’une voix blanche. Elle allait se rendre compte, maintenant, et il n’était pas là. Il était parti. Il m’avait laissée. Et Lex était là, l’exultation au fond du regard alors que j’en connaissais toutes les causes qu’elle ne tarderait pas à me demander. Loki, n’y tenant plus, s’élançait désormais à nos pieds et je laissai ma main s’attarder entre ses oreilles alors que tout ce qu’il désirait était l’attention de celle qu’il appréciait tant. « Il n’est pas là. Un comité à Canberra. »  Il n’était pas là. Il était parti. Il m’avait laissée. Et je m’imaginais déjà trouver les mots pour faire face à Lex, pour lui expliquer ce qui demeurait inexplicable, pour la soutenir lorsque la réalité l’atteindrait comme au premier jour alors que je n’étais pas capable de le faire pour moi-même. C’était insensé d’en vouloir à mon mari pour cela. Insensé et égoïste. Mais il avait préféré lui dissimuler jusqu’à présent, il avait fait ce choix avec ses parents pour la préserver et je les avais suivis. Je les avais suivis et il n’était pas là. Il était parti. Il m’avait laissée. « Tu veux … » Rentrer ? N’était-ce pas ce que j’étais supposée lui dire à présent ? Mais je ne me décalais pas, pourtant, volontairement. « Comment tu te sens ? T'es rayonnante, tu n'as pas idée à quel point ça me fait plaisir. » Pour cela, je ne mentais pas. Cela me faisait plaisir, cela me soulageait à chaque fois que j’entendais sa voix au bout du fil, de plus en plus affirmée, de plus en plus enjouée, de plus en plus elle-même. Mon regard s’attarda par-dessus son épaule pour distinguer la silhouette de son père dans l’habitacle de la voiture qui finit par s’éloigner lentement, presque par dépit. Et j’hésitais toujours malgré ma voix calme, malgré mon regard stable. « Tu aurais dû prévenir, j’aurais évité à ton père le déplacement. J’aurais pu venir, aussi. » Je gagnais du temps, n’est-ce pas ? Combien de temps ? Combien de temps avant que celui-ci ne suffise plus. Des alliés face aux difficultés de la vie. Voilà ce que l’on s’était toujours dit, tous ensemble. Mais de quelle vie parlions-nous alors ? Une qui avait disparu, une qui ne l’avait pas attendue.  




solosands
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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyDim 5 Avr 2020 - 6:10

Ma surprise semble pour le moins réussie. J'interromps Liv en pleine session sportive, comme en témoignent son haut humide de sueur ainsi que la serviette posée sur ses épaules brillantes. Elle me serre dans ses bras tout en prenant garde à maintenir une certaine distance et à ne pas me déséquilibrer. La canne qui m'accompagne partout désormais est la preuve irréfutable de ma condition physique encore fragile. Car personne ne sort d'un coma de trois semaines sans aucune séquelle. Les nombreux mouvements effectués par l'équipe médicale durant le sommeil forcé des patients (afin d'éviter une atrophie trop importante des muscles) ne suffit pas. Pour retrouver une motricité totale, il faut en passer par des séances de rééducation quotidiennes et soutenues. En ce qui me concerne, je déteste cette position de faiblesse, avoir la terrible impression de ne pas être libre de mes gestes ni de mes déplacements. Mais ma guérison étant en bonne voie selon mon médecin, il me faut simplement prendre mon mal en patience.

Liv se recule doucement avant de s'excuser de cette étreinte compte tenu de son état actuel. Je chasse cette considération d'un sourire rassurant. Ce détail ne m'aurait déjà pas dérangée en temps normal, et encore moins maintenant. J'ai failli perdre la vie. J'ai failli ne plus jamais la revoir. Elle aurait pu être couverte de boue ou revenir d'une perquisition dans la décharge de la ville, cela n'aurait rien changé. Je l'aurais tenue contre moi de la même façon, heureuse d'être encore là, en mesure de lui témoigner mon affection. « Est-ce que Jacob sait que tu allais passer ? Il n'a rien dit. » « Non, la surprise était pour lui aussi. » Je précise, à l'instant où une truffe apparaît entre les jambes de sa maîtresse. Loki a sans nul doute été le premier à me sentir arriver. Je tends le bras et le grattouille sous le menton. « Il n’est pas là. Un comité à Canberra. » Mon regard se reporte sur Liv. Je peine à cacher une certaine déception. Je pensais vraiment pouvoir profiter de lui autant que des filles. Je tente de voir le bon côté des choses : s'il est en déplacement professionnel, June est forcément à la maison. Les retrouvailles à quatre ne sont que partie remise. « Tu veux … » Rentrer ? Oui. Oui, je voudrais bien entrer, Liv. Pourquoi tu me laisses sur le pas de ta porte, comme une étrangère ? Je me dis que je suis peut-être tombée à un mauvais moment mais j'en doute. N'était-elle pas juste en train de faire du sport ?

Mais elle ne bouge toujours pas. « Comment tu te sens ? T'es rayonnante, tu n'as pas idée à quel point ça me fait plaisir. » « Je vais mieux de jour en jour. Le plus dur est passé maintenant. Je devrais pouvoir courir comme un lapin dans moins de deux semaines ! » Je me vois déjà faire le monstre, et poursuivre ma nièce sur toute la surface du jardin avant de l'attraper et de la punir à grands coups de chatouilles. J'ai beau ne pas m'en souvenir, je suis persuadée que c'est notre jeu préféré en extérieur. Appelez ça une intuition. « Tu aurais dû prévenir, j’aurais évité à ton père le déplacement. J’aurais pu venir, aussi. » « J'aurais pris le bus mais il a tenu à me conduire. Il a une affaire à régler dans le quartier, apparemment. » Je n'en sais pas davantage, il n'est pas entré dans les détails et son comportement durant le trajet ne m'a pas non plus poussée à lui poser des questions. Je verrai au retour s'il est de meilleure composition. Je finis par briser le court silence qui s'était installé, soucieuse. « Si je dérange, je peux repasser plus tard. J'espérais juste rattraper le temps perdu avec ma filleule. Elle me manque. » Soudain, je comprends. Mes yeux s'écarquillent et je sais pourquoi Liv a l'air de se demander si elle doit me laisser entrer ou non.

« Vous ne lui avez pas dit, c'est ça ? Elle... Elle ne sait pas que j'ai presque tout oublié ? » Presque tout, oui. Car June est née en 2015 : tout ce qu'il me reste d'elle, c'est une poignée de mois. Mon cœur se serre à cette sombre pensée. Ses parents ont certainement eu peur qu'elle réagisse mal ou que la situation soit trop compliquée pour elle du haut de ses cinq petites années. Alors ils ont préféré garder le silence. Sans laisser le temps à Liv de réagir, persuadée que j'ai trouvé la bonne explication (la seule possible), j'ajoute. « Je comprends, Liv. Je comprends et tu n'as pas à t'en faire. June est votre fille, je tiens à respecter votre choix. Et puis, vous avez raison. Ma mémoire va me revenir, ce n'est qu'une question de temps. Inutile de la perturber pour si peu. » Il me faudra jouer le jeu quelques semaines, voire quelques mois, c'est tout. Et en attendant, Jacob et Liv m'aideront en me racontant tout ce que je ne sais plus afin d'éviter d'éventuelles bourdes en présence de June. Mon regard confiant croise celui de mon amie. « Je peux gérer, Liv. Elle ne se doutera de rien. Je t'en fais la promesse. » Je m'appuie davantage sur ma canne, plus fébrile que jamais. Allais-je pouvoir serrer ma filleule dans mes bras aujourd'hui ?

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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyLun 13 Avr 2020 - 9:52


Olivia Marshall & @Lex Hamilton (fev. 2020) ✻✻✻ Elle aurait eu cinq ans cette année. Elle n’avait soufflé que trois bougies avant de s’en aller. Elle n’était encore qu’un bébé dans les souvenirs de Lex. Elle aurait eu cinq ans cette année. Cinq ans et je pouvais dessiner avec une justesse infaillible les expressions qui auraient peint son visage. Cinq ans et je pouvais entendre avec nostalgie les éclats doux de sa voix qui auraient transpercé l’atmosphère à la vue de sa marraine. Cinq ans et Lex ne se souvenait que d’un bébé mais la mémoire de ses sentiments lui seraient revenus à la simple vue de ses yeux rieurs et de ses lèvres rosées. Cinq ans si elle avait été là. Et le sourire de Lex qui ne s’atténuait pas venait me prendre la gorge de tous ses espoirs, de toutes ses attentes. Je pouvais sentir mon esprit se ronger, usé déjà à force de chercher quelque chose, n’importe quoi, même trois fois rien qui pourrait me permettre de ne pas sombrer, de ne pas laisser tout éclater égoïstement puis refermer la porte, incapable de supporter, une seconde fois, les répercussions de cette réalité. Nous n’aurions jamais dû lui mentir. Cela ne servait à rien de m’y appesantir désormais. Cela ne m’offrait aucune solution, aucun mode d’emploi mais je ne cessais de me le ressasser à présent que la porte s’était ouverte sur son air enjoué. Les images de nos visites à l’hôpital me revenaient par vagues. Jacob et moi avions puisé dans nos souvenirs pour faire appel à l’écho de nos rires, nos habitudes, la force que nous ne possédions plus. Nous avions pris sur nous pour ne rien mettre sur elle, pour ne pas lui faire subir la violence de nos vies alors que la sienne venait de basculer à son tour. Mais si les souvenirs ne diffusaient plus déjà, entre les murs gris de l’hôpital, qu’une lumière grise et une douleur doucereuse. Ils ne m’étaient aujourd’hui définitivement plus d’aucune aide. « Non, la surprise était pour lui aussi. » Je suivais le son de sa voix mais étais incapable de partager son enthousiasme constant. Je déglutis en hochant la tête avec mélancolie. Il aurait dû être là. De nous deux, c’était à lui que revenait la tâche de lui annoncer ce que nous lui avions caché. Il était celui qui restait digne. Il était celui qui offrait son épaule attentive. Il était celui qui savait trouver les mots. Et moi … j’étais celle qui avait failli depuis longtemps. J’étais celle qui ne faisait plus d’effort. J’étais celle qui n’était plus à la hauteur et elle me l’avait fait comprendre, avant son accident. N’étais-je pas une imposture, également ? De l’avoir enlacée dans un élan de sollicitude sachant que, sans son accident, cette étreinte aurait été refusée, empêchée, détestée. Il était celui qu’elle méritait pour lui porter la vérité. Mais il n’y avait que moi.

« Je vais mieux de jour en jour. Le plus dur est passé maintenant. Je devrais pouvoir courir comme un lapin dans moins de deux semaines ! » Mon sourire vint répondre au sien dans un élan de sincérité que je n’avais pas à dissimuler. « C’est une super nouvelle, je me fatigue plus vite en courant seule. » Le jogging n’était certainement pas dans ses plans rapprochés mais en plaisanter suffisait à nous projeter. Nos heurts s’étaient effacés instantanément de ma mémoire à l’annonce de son accident. Il y avait eu trop de moments, trop d’anniversaires, trop de fêtes partagées et beaucoup plus d’épisodes occasionnels mais joyeux pour que le mauvais, le seul désastreux, ne soit celui qui résiste à l’angoisse de la perdre, elle aussi. Je réprimai un soupir en me raccrochant à ma serviette autour de mon cou. Je pouvais saisir déjà dans son regard les premières étincelles de doute, d’incompréhension bien qu’elle les retienne. Mes attitudes étaient distantes car toutes mes pensées appartenaient à ce qui se trouvait derrière nous, derrière la porte que j’avais à moitié refermée dans un instinct inutile. Mon expression était creuse et lointaine et mes lèvres demeuraient closes sous la pression des confessions qui demeuraient coincées au fond de ma gorge. À la place, je laissais glisser des excuses vaines, des excuses qui ne dureraient qu’un temps mais auxquelles Lex prenait toutefois soin de répondre, une par une, prenant sur elle pour ne pas pointer du doigt ce qu’elle aurait été en droit de juger comme contrariant.  « J'aurais pris le bus mais il a tenu à me conduire. Il a une affaire à régler dans le quartier, apparemment.  Si je dérange, je peux repasser plus tard. J'espérais juste rattraper le temps perdu avec ma filleule. Elle me manque. » Je lui souris tristement avant d’écraser mes mains dans ma chevelure désordonnée pour retrouver une contenance. Lex piétinait le seuil d’une réalité qui n’était plus et c’était toute mon identité qui ne demandait qu’à disparaître dans les arcs du monde qu’elle décrivait.

Mais j’observai soudainement les sourcils de la jeune femme se hausser et je fronçai les sourcils. « Vous ne lui avez pas dit, c'est ça ? Elle... Elle ne sait pas que j'ai presque tout oublié ? » Arrête, s’il te plait. Arrête de parler comme si elle était encore là. « C’est pas ça, non. » répondis-je d’une voix blanche avant de finalement détourner mon regard. J’espérais qu’elle ne se rende pas compte si mes yeux venaient à briller. J’espérais qu’elle ne ferait pas suffisamment à mon expression pour se rendre compte que chacun des mots qui allaient suivre dorénavant me feraient souffrir de tout mon cœur. Je ne sus même pas si elle m’entendit. Et si cela avait été le cas, elle ne me crut pas en tout cas. « Je comprends, Liv. Je comprends et tu n'as pas à t'en faire. June est votre fille, je tiens à respecter votre choix. Et puis, vous avez raison. Ma mémoire va me revenir, ce n'est qu'une question de temps. Inutile de la perturber pour si peu. » Je fronçai les sourcils en hochant la tête, incapable de savoir à quoi étais-je en train d’acquiescer précisément. Ses suppositions me semblaient réelles. Elle prononçait ces mots comme s’il s’agissait de la plus exacte définition de ce qui se tramait entre nous. Il ne fallait pas la perturber. « Je peux gérer, Liv. Elle ne se doutera de rien. Je t'en fais la promesse. » « Je … entre, tu as raison. » Le choix de mes mots me parut déplacé, instantanément, capables de l’induire en erreur mais je ne pouvais les racheter. Je fis un pas en arrière, poussant la porte de mon dos, et lui présentais le passage dégagé avant de la refermer derrière nous.

June dort à poings fermés. À quelques mètres de là. Et l’envie de poursuivre le mensonge me tordit l’estomac, un millième de seconde, car à cette simple pensée, je pus sentir l’odeur délicate de l’innocence de ma fille chatouiller mes souvenirs. « Lex. » articulai-je avec lenteur et je m’étais assurée au préalable que ma voix ne s’enraille pas mais cela ne l’empêcha pas de vibrer au cœur de mes cordes. « Tu connais le chemin, n’est-ce pas ? Installe-toi, j’arrive. » Je me dérobais une nouvelle fois, de la plus lâche des façons, mais ce ne fut qu’ainsi que je pus relever mon menton et reprendre ma respiration, retrouver une stabilité en m’égarant de l’autre côté de la pièce ouverte. Je me débarrassais de ma serviette et entrepris de calmer la fébrilité de mes mains alors que je les apposai sur le comptoir à côté du réfrigérateur. Reprends-toi. Reprends-toi ou n’y retourne pas. J’observai, sévère, mes mains s’exécuter après plusieurs secondes et me détournai finalement, avec deux verres, pour la rejoindre. Loki était déjà couché à ses pieds alors que je m’assis à ses côtés. « Je sais que tu attends une explication. Tu la mérites mais … je ne sais pas comment faire. » Sans la voir chanceler ? Ou sans perdre l’équilibre à mon tour ? « Elle n’est pas là. » Un soupir qui ne suffirait pas. « Il n’y a que moi, ici. » Celui-là non plus mais il fut celui qui ponctua mes mots, pour l’instant. Il n’y a plus que moi et ce n’est pas suffisant.




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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyMer 29 Avr 2020 - 2:49

Je me sentais pourtant sur un véritable petit nuage en arrivant ici. Au point de ne pas laisser la moue boudeuse de mon père entacher mon bonheur et mon impatience. Un autre jour, dans des circonstances différentes, et il ne s'en serait pas sorti aussi facilement, loin de là. Il aurait eu droit à un interrogatoire en bonne et due forme (sponsorisé par les conseils avisés d'une vraie professionnelle, merci Liv). Je l'aurais cuisiné encore et encore, sans relâche, jusqu'à obtenir la raison de son petit moral, autrement dit jusqu'à être en mesure de lui apporter au minimum mon soutien, et si possible toute mon aide. Cette fois cependant, je m'étais montrée égoïste. J'avais délibérément gardé le silence, me contentant de regarder le paysage défiler derrière la vitre de la voiture. Car rien ne devait venir obscurcir mon propre ciel. J'avais hâte de discuter avec Olivia et Jacob autour d'une boisson fraîche, de rattraper le temps perdu ailleurs que dans une chambre d'hôpital. Et surtout, j'avais terriblement hâte de retrouver ma filleule. De réapprendre à la connaître en attendant que ma mémoire me revienne, de laisser son rire m'émerveiller à nouveau. J'étais même convaincue que croiser son doux regard serait suffisant pour déclencher mes tous premiers souvenirs. Beaucoup de choses s'étaient envolées sur ces quatre années manquantes. Mais rien d'aussi important, rien d'aussi vital que les précieux instants vécus avec June.

Oui, je me sentais sur un petit nuage. Duquel je viens brutalement de redescendre. Désormais, il ne reste plus rien de ma joie, de mon excitation à la perspective de cette après-midi qui s'annonçait parfaite, ressourçante. Les étoiles qui brillaient au fond de mes yeux ont été chassées par la réaction inhabituelle d'Olivia. En appui sur ma canne, je me tiens devant cette maison, où l'on m'a toujours accueillie les bras ouverts, en ayant l'impression d'être une étrangère. Une indésirable avec laquelle on discute poliment quelques minutes sur le pas de la porte, sans jamais lui donner l'autorisation d'en franchir le seuil. Alors, je cherche. Je cherche pourquoi je ne semble pas être la bienvenue aujourd'hui. Jacob et Liv se sont-ils disputés ? Non, puisqu'il n'est pas là. Peut-être que je tombe au mauvais moment malgré tout ? Je ne pense pas. Comme en témoignent sa tenue et la fine couche de sueur sur ses épaules, Liv faisait simplement du sport. Alors quoi ? Puis, la vérité me frappe telle une vague. June. Ils ne lui ont rien dit, elle ne sait pas ce qui s'est passé. Oui, c'est ça. Ça ne peut être que ça. C'est logique, et ça explique le comportement distant de Liv. Bien que nous soyons amies depuis de très longues années, elle aurait sûrement préféré que Jacob soit là pour m'annoncer la nouvelle lui-même. Craignent-ils que je le prenne mal ?

Alors, je défends mon point de vue. Je les comprends, et évidemment, je respecte leur choix vis-à-vis de leur fille. Mais il est hors de question que mon amnésie me tienne éloignée de ma filleule. Je ne le supporterais pas. Et je n'imagine pas non plus que mes deux plus proches amis (ma famille, véritablement) aient songé une seule seconde à m'imposer tel châtiment pour une situation sur laquelle je n'ai aucun contrôle. Mon regard implorant plongé dans celui de l'inspectrice, je fais la promesse que June ne soupçonnera rien. Laisse-moi la voir. Je t'en supplie. « Je … entre, tu as raison. » J'accueille cette décision avec un soupir de soulagement. Liv se décale et je me fraye aussitôt un chemin à l'intérieur. J'espérais que June soit là et qu'elle se jette dans mes bras, mais tout est définitivement silencieux. Sans doute est-elle en train de faire la sieste, et Liv en profitait pour se dépenser sur son tapis de course. « Lex. » Je me retourne pour lui faire face. Elle semble avoir envie de me dire quelque chose sans toutefois y arriver. Mais qu'est-ce que tu as ? « Tu connais le chemin, n’est-ce pas ? Installe-toi, j’arrive. » J'acquiesce en silence et me dirige dans le salon, les sourcils froncés. Quelque chose ne va pas.

Alors que l'hôtesse des lieux s'affaire en cuisine, certainement à nous faire couler un café ou nous préparer un soda, je patiente sur le canapé. Bientôt, la truffe curieuse de Loki vient chatouiller la paume de ma main. Je le gratifie de quelques caresses en un geste presque machinal. J'ai un mauvais pressentiment, et il ne fait que croître à mesure que mon regard se promène dans chaque recoin de la pièce. Quelque chose ne va vraiment pas. J'ai beau réfléchir, l'origine de mon malaise m'échappe encore. C'est comme un mot qu'on a sur le bout de la langue et qui n'arrive pas à sortir. Liv finit par revenir et s'installe à mes côtés après avoir déposé deux verres pleins devant nous. « Je sais que tu attends une explication. Tu la mérites mais … je ne sais pas comment faire. » Comment faire quoi ? L'expression que je lis sur ses traits alors qu'elle cherche ses mots m'effraie sincèrement. « Elle n’est pas là. Il n’y a que moi, ici. » Et soudain, je sens ma poitrine se compresser. Je sais. Je sais ce qui me gêne depuis tout à l'heure. Tu te trompes. Mais la réalité est là, devant moi. Implacable. Non, tu te trompes. Je crois que le sang a quitté mes joues. « Liv, pourquoi - pourquoi c'est si… rangé ? » La question peut sembler surprenante, voire hors de propos. Et pourtant. Pas un seul jouet en vue, sur le tapis ou un meuble quelconque. Pas un seul crayon de couleur sur la table. Pas un seul dessin sur les murs. Aucune trace indiquant qu'une boule d'énergie de cinq ans vit sous ce toit.

T'es devenue complètement folle. L'accident t'a sérieusement vrillé la tête. Le cœur battant, j'attends qu'Olivia me rassure. Qu'elle prenne un air amusé et me dise que Jacob est devenu maniaque à l'extrême depuis que June se promène partout dans la maison. Ensuite, elle ajoutera : « En parlant de ta filleule, il est l'heure que je la réveille et qu'elle fasse un gros bisou à Tata Lex ! Je vais la chercher, je reviens dans une minute. » Olivia ne prononce cependant aucun de ces mots. Elle ne dit rien du tout, d'ailleurs. « Liv. » J'insiste, la voix blanche. « Qu'est-ce qui se passe ? Où est June ? » Dis-moi qu'elle profite du week-end chez ses grands-parents, ni plus ni moins. Mais les larmes qui perlent au coin de mes yeux prouvent qu'au fond de moi, je sais que ce n'est pas le cas. Parce que je connais déjà la réponse. Une réponse qui me terrifie au plus haut point.

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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptySam 2 Mai 2020 - 19:39


Olivia Marshall & @Lex Hamilton (fev. 2020) ✻✻✻ Si nous avions eu le temps, nous aurions fait différemment. Si nous avions pris le temps, Jacob et moi aurions pu faire d’une autre manière. Pas mieux, cela me paraissait impossible. Mieux. Le mot sonnait comme une insulte. Mais certainement pas comme cela. Certainement pas en plaçant Lex devant le fait accompli, moi à ses côtés uniquement pour la rattraper, pour trouver les mots, pour atténuer le choc qui s’apprêtait à la heurter de nouveau. N’avait-elle pas vécu assez de tragédies pour toute une vie ? Ne méritait-elle pas mieux que cela, qu’un mensonge, qu’une incertitude, que ma retenue permanente pour l’accompagner ? Ne méritait-elle pas son meilleur ami plutôt que son épouse qu’elle n’estimait plus sans même s'en souvenir ? Elle l’avait oublié, cela aussi. Mais ses jugements me revenaient en mémoire à chaque fois qu’elle posait sur moi ce regard qu’elle m’avait ôté. Il nous aurait fallu prendre le temps, oui, mais le temps était indifférent, toujours, et nous le prouvait une nouvelle fois. Qu’espérais-je exactement ? Que les jours passant, les semaines défilant, la réalité serait différente ? Qu’il permettrait à Lex de retrouver sa filleule ? Qu’il nous permettrait de retrouver notre fille ? Peut-être, oui. Peut-être que j’espérais cela à chaque fois que je laissais à mon esprit anesthésié par l’alcool ou les médicaments la possibilité de s’endormir, constatant au réveil ce que cette nouvelle aube s’acharnait à me remémorer sans précaution aucune, comme s’il fallait aller à l’essentiel rapidement, au plus vite. Plonger mes songes dans les ronces pour en déraciner la plante tenace, l’espoir tenace, sachant pertinemment qu’ils en souffriraient comme au premier jour, qu’ils en saigneraient, qu’ils se perdraient sans doute en route. Et cela me faisait peur à présent, alors que je lui tendis le verre de thé glacé qui ne nous servirait à rien, qui n’atténuerait aucune douleur, qui ne détournerait aucune attention. Cela me faisait peur de me rendre compte que je ne ferais pas mieux que cette aube avec Lex car il n’y avait aucun autre moyen pour moi que d’annoncer la nouvelle de cette manière : abruptement. Car plus les secondes passaient et plus je me surprenais à espérer également que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve. « Liv, pourquoi - pourquoi c'est si… rangé ? » Je m’efforçais de ne pas suivre son regard qui parcourait la pièce à la hâte. Je m’efforçais de ne plus jamais faire ce qu’elle faisait à vrai dire. Je ne m’attardais plus sur cet endroit près de la baie vitrée où siégeait auparavant sa petite table aux tiroirs débordant de dessins colorés. Je m’efforçais de fermer les yeux ou de les ouvrir dans le vide lorsque je passais devant la porte de sa chambre autrefois toujours ouverte, toujours vivante. June n’existait plus entre ces murs et bien sûr, bien entendu que Lex le ressentait à son tour car le malaise, le mal-être était omniprésent. Comme une évidence morbide à laquelle même les esprits les plus crédules, les plus candides, se confrontaient lorsqu’ils pénétraient ici.

Lex avait été plus rapide. Lex ne l’était pas, ni crédule, ni candide face aux tragédies de la vie. Lex connaissait le poids des morts et le mauvais sort que la vie n’hésitait pas à abattre sur nos épaules avec toute la cruauté et la condescendance que je lui attribuais désormais. Elle avait eu son lot, déjà, avait connu la perte et le saccage de ce qu’elle avait de plus cher. Je me souvenais de son effondrement à la mort de son frère, je l’avais vue se relever, doucement. Jamais totalement car si la mort frappait à côté, la vie, elle, continuait d’abîmer les vivants, ceux qui restaient, ne les laissant jamais totalement se remettre d’être les survivants. « Liv. » Son souffle se noyait dans un chagrin qu’elle ne faisait qu’effleurer et je la sentis m’observer de cette gravité tragique que j’avais déjà lue dans son regard. À l’annonce d’autres nouvelles. À l’annonce d’autres drames. Je ne cillais pas, ne lui accordais aucune confirmation, aucun geste d’apaisement non plus car cela aurait été mentir, toujours plus. Je pouvais le voir, avec une précision presque désarmante, le brouillard de son esprit se dissiper peu à peu, luttant tout de même pour conserver son épaisseur, sachant qu’il ne ferait plus le poids assez longtemps, que la réalité allait finir par apparaître, claire et aveuglante. Et je m’en voulais car il n’y avait rien de plus horrible. Je m’en voulais car personne n’était supposé être soulagé à cet instant. Soulagée de ne pas avoir à prononcer les mots, soulagée qu’elle les lise dans mon regard à la place, soulagée qu’elle parvienne à la conclusion d’elle-même. « Qu'est-ce qui se passe ? Où est June ? » Et l’expression douloureuse qui traversa son visage suffit à briser l’équilibre. Elle savait. Et mes mains qui se délièrent autour du verre qui m’échappa presque lorsque je l’abandonnais sur la table s’exprimèrent à ma place, également, aveu de faiblesse que je me détestais de révéler, de laisser voir. June dort. Je fermais les yeux, un millième de seconde. Tu pourras la voir dans quelques minutes.

Ce n’était pas supposé se dérouler ainsi. Rien ne justifiait d’avoir à lui annoncer cela une deuxième fois. Je sentais mon cœur ralentir à en manquer des battements. Je sentais l’enclume reprendre sa place au creux de ma poitrine, à l’endroit précis qui était le sien depuis deux années déjà mais je ne faillais pas, la fierté et l’apathie reprenant ses droits, m’interdisant d’afficher la cruauté de mes émotions à l’égard de la situation. Je m’en voulais, pour Lex. Je m’en voulais mais j’avais cette impression de pouvoir m’effondrer à tout instant si je laissais échapper la plus petite parcelle de douleur. Je connaissais les capacités de cette dernière à s’emparer d’un fragment pour en faire un torrent, un auquel je ne résisterais pas, un auquel je fermais la porte même si cela signifiait m’enfermer moi. « Je suis désolée, Lex. » prononçai-je lentement, confirmant ce qu’elle devinait déjà d’une voix venant résonner comme les rythmes tristes d’un chant funeste. Je ne voulais pas prononcer les mots qu’elle ne voulait pas entendre. « On essayait seulement de te préserver. » continuai-je en approchant ma main de la sienne, sur le canapé, l’arrêtant à quelques centimètres, incapable de m’en saisir. Car ce on m’écorchait les lèvres. Car je me détestais à présent d’en avoir fait partie. Mais je ne pouvais m’en prendre qu’à moi-même, personne ne m’avait forcée. Personne ne me forçait plus à quoique ce soit. Je ne me souvenais plus, néanmoins, de ce qui m’avait convaincue aujourd’hui. À la peine de devoir faire face à la nouvelle s’ajoutait celle d’avoir été maintenue à l’écart, traitée comme une bombe à retardement, comme une chose fragile. À la peine de devoir entendre l’impensable s’ajoutait celle du mensonge. J’étais désolée pour cela, oui. Et pour tout le reste. Pour être incapable de me saisir de sa main, incapable d’être l’amie qu’elle méritait, incapable de faire preuve de plus de délicatesse, incapable de me détacher de ce que je faisais chaque jour. Car c’était cela. Je me comportais en flic, pour ne pas laisser la mère apparaître. En flic habitué à annoncer les nouvelles de ce genre car des années aux homicides avaient fini par me formater et que cela me paraissait être mon seul salut possible sur l’instant, si celui-ci existait. « June et Jacob ont eu un accident de voiture, il y a deux ans. » Jacob avait survécu. Et la maison restait rangée. Elle le savait. Elle avait vu Jacob, lui parlait toutes les semaines, tous les jours peut-être, qu’en savais-je désormais. Et June n’était pas là. La conclusion se dessinait seule entre nos deux corps en suspens, le visage de ma fille se dessinant derrière mes paupières, me forçant à lutter pour ne plus ciller.





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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyVen 22 Mai 2020 - 6:41

Le temps est comme ralenti autour de nous. Olivia abandonne son verre sur la table basse en un mouvement presque trop mesuré. Mon regard ne la quitte pas un seul instant alors que le sien tente désespérément de me fuir. Le silence qui nous entoure, qui nous enveloppe de son sombre linceul me glace le sang. Car plus les secondes s'égrènent, et plus la certitude que je ne fais pas fausse route s'installe. Insidieuse. Dévastatrice. Je me sens telle une condamnée qui attend le couperet, qui sait qu'elle n'échappera pas à son funeste sort mais qui, pourtant, ne peut s'empêcher de garder une fine lueur d'espoir. Jusqu'à la fin. « Je suis désolée, Lex. » La voilà, la fin. Et la flamme se meurt, étouffée par la cruelle vérité. Mon esprit s'embrume. Il erre dans le néant, déconnecté du monde qui l'entoure. C'est impossible. Je secoue la tête, les sourcils froncés, consciente cependant que le déni ne changera rien. Je voudrais tellement être en plein cauchemar. Je voudrais me réveiller en sursaut dans mon lit, appeler Jacob, tout lui raconter. Je voudrais qu'il me réconforte, qu'il m'assure que sa fille est endormie dans son lit juste là, à quelques pas. Qu'il peut voir sa poitrine se soulever au gré de ses respirations, calmes et lentes, synonymes d'un sommeil aussi profond que paisible. Je clos mes paupières un court moment, me concentrant de toutes mes forces. Je serre le poing en espérant qu'il attrape le tissu d'un drap. Je ne sens que le vide, et la déception me submerge. J'ouvre de nouveau les yeux. Je suis toujours sur le même canapé. Les deux thés glacés trônent encore sur la table, intouchés. Et il n'y a toujours ni dessins aux murs, ni jeux d'enfant disséminés partout dans le salon. Je ne suis pas au cœur d'un très mauvais rêve non. Ceci est la réalité. June dort aussi, ici. Elle dort bel et bien. Mais la terrible, l'insupportable différence est qu'elle ne se réveillera plus.

Les premières larmes roulent sur mes joues, et enfin, la voix de Liv me parvient à nouveau. « On essayait seulement de te préserver. » Je n'ai aucune idée de la manière dont je suis supposée gérer ces informations. C'est trop, mille fois trop. Mes pensées me ramènent à la visite du couple au St Vincent, après ma sortie de coma. Leurs excuses prennent désormais tout leur sens. Un portable oublié, une batterie déchargée… J'aurais dû comprendre qu'ils mentaient. Jacob reste toujours disponible pour ses clients, et le métier de Liv ne lui permet en aucun cas d'être injoignable. Etais-je trop choquée à ce moment pour réaliser ce qui se passait ? Encore sous le contrecoup de l'accident, de mon amnésie ? Ou mon subconscient avait-il délibérément choisi de ne pas m'envoyer de signal d'alarme ? A mes côtés, Olivia approche sa main de la mienne avant de stopper son geste. A-t-elle peur que je lui en veuille ? Et d'ailleurs, est-ce que je lui en veux ? Est-ce que je leur en veux ? Et si c'est le cas, en ai-je vraiment le droit ? Et moi, qu'aurais-je fait si j'avais été à leur place ? « June et Jacob ont eu un accident de voiture, il y a deux ans. » Mon cœur rate un battement. A chaque fois que je me crois au summum de la douleur, il y a toujours pire. Je connais Jacob. Je le connais sans doute mieux qu'il ne se connaît lui-même. Peu importe les réelles circonstances de cet accident, je suis sûre d'une chose : il vit aujourd'hui avec la plus brutales des culpabilités. Celle d'avoir tué sa fille.  

Je me tourne vers Olivia. Vers son regard qui en dit long sur sa retenue. Et je pense à elle. A ce qu'elle doit ressentir. La difficulté de devoir annoncer cette nouvelle sans aucun soutien de la part d'un Jacob absent. Le supplice de revivre un deuil qui l'a complètement détruite. Je réalise alors que je ne peux pas lui faire ça. Je ne peux pas craquer devant elle, la forcer à me soutenir, à supporter ma peine et mes larmes. Finalement, c'est moi qui attrape sa main. Je la presse dans la mienne avant de la relâcher. En appui sur ma canne, je quitte le canapé. « Je… » J'aimerais lui dire à quel point je suis désolée. Que je ne suis pas fâchée pour leur choix de me tenir à l'écart de la vérité. Que j'ai besoin de temps, de solitude. D'évacuer l'incompréhension, la colère, le chagrin qui m'anéantissent. Et que si je refuse son soutien, c'est uniquement pour la préserver à mon tour, parce que c'est ce que font les membres d'une même famille : ils veillent les uns sur les autres, se soutiennent et se protègent. Coûte que coûte. Mais les mots restent coincés dans ma gorge. Je n'ai plus qu'à espérer que Liv puisse lire tout ça au fond de mes yeux tapissés de larmes. L'instant suivant, je me retourne et file droit sur la porte, d'un pas aussi rapide que possible. Je dois quitter les lieux, sortir de cette maison qui m'étouffe. Il me faut de l'air.

Je sors sur le perron. Je n'ai même pas encore eu l'occasion de me demander où aller ensuite, qu'un véhicule familier entre dans mon champ de vision. Mon père est là, stationné sur le bas-côté de la route, à seulement quelques mètres. Nos regard se croisent. Le sien est grave, inquiet. Alors que je me dirige vers lui, il m'apparaît clairement qu'il n'avait rien à faire à Spring Hill, aucune affaire à gérer. Il a tenu à m'emmener parce qu'il savait. Il savait ce qui se passerait. Je m'installe sur le siège passager, referme la portière. Il se passe une micro-seconde de flottement. Puis je m'effondre, secouée de sanglots. Mon père s'approche, me prend dans ses bras. Je ne sais pas combien de minutes s'écoulent avant qu'il ne se recule doucement. Ses yeux brillants se posent sur les miens. Il m'embrasse le front, se détourne et démarre la voiture. Toujours incapable de prononcer le moindre mot, je me cale contre la vitre et ferme les paupières. Mais qu'y aurait-il à dire, de toute façon ? June n'est plus là désormais, et rien ni personne ne la ramènera.

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Message(#)(Lexia) Falling to pieces EmptyDim 7 Juin 2020 - 13:14


Olivia Marshall & @Lex Hamilton (fev. 2020) ✻✻✻ Les sons se feutraient autour de nous et je ne prononçai pas le moindre mot supplémentaire, persuadée qu’un de plus suffirait à me faire chavirer. Il n’y en avait aucun, en outre, capable d’exprimer la douleur enserrant ma gorge, supplice puisant ses origines au cœur même de mon corps et de mon être tout entier. Je comprenais pourtant à ses expressions hagardes et au secouement de sa tête qu’elle refusait d’assimiler la vérité assénée à voix basse, comme si son esprit la rejetait, comme si son cœur ne désirait pas en entendre parler. Et j’étouffais également de ne pouvoir lui en exposer une autre. De ne pas savoir, deux ans plus tard, l’accompagner dans ce qu’elle semblait vivre de son côté, comme au premier jour. Comment lui dire que tous les jours ressemblaient au premier à mes yeux également. Qu’aucun n’avait su rendre l’épreuve plus abordable, plus supportable. Que, deux ans plus tard, je n’avais encore jamais trouvé d’autres mots que ceux-ci pour exprimer l’impensable, le cauchemar vivant, les quelques secondes déterminantes d’un accident que j’aurais voulu effacer de tout mon être. Les quelques secondes fatales qu’en vain, je tentais de réécrire chaque nuit dans un sommeil agité pour qu’au réveil tout redevienne exactement comme avant, pour que tout cela ne soit qu’un mauvais rêve. Mais ce n’était pas le cas, n’est-ce pas ? Puisqu’après le déchirement, après la chute, venait le reste : l’annonce à nos proches, la réalité entre nos lèvres, l’obligation de faire face au choc que cette dernière provoquait. Aux regards lointains et intenses à la fois, chargés d’espoir et de peur, toujours les mêmes, immenses et profonds comme le silence qui les assistait et que nous laissions planer afin qu’ils comprennent que rien de tout cela n’était faux et qu’il n’y avait rien, non, susceptible d’alléger le coup. June n’était plus là. Et je l’avais déjà dit, aurais probablement à le faire de nouveau sans pouvoir imaginer un jour me sentir autrement que comme ça : patraque, dévitalisée, anéantie. Le port de ma tête était instable mais je tentais de rester droite, de rester digne comme si la décence m’avait un jour épargnée au cours de ces deux dernières années, comme si cette dernière ne m’avait pas déjà quittée il y a longtemps, ternissant mon image auprès de nombreux autres, calomniant celle que j’avais été, avant. Auprès de Lex, également. Auprès de celle que mon mari considérait comme sa propre sœur, celle qui était devenue la mienne également au fil de ces années partagées. Sa famille comme la mienne sans que je n’aie jamais eu l’envie de lutter contre cette évidence, reconnaissante au contraire envers la vie de l’avoir, elle aussi, placée sur mon chemin. Face à elle, j’avais déjà défailli. À ses yeux, j’avais déjà échoué, sans qu’elle ne s’en souvienne pourtant, sans que son regard ne semble porter aujourd’hui le moindre reproche lancé à mon visage des mois plus tôt. Et cela ne m’aidait pas à me sentir plus légitime, au contraire.

Je tentais d’accorder ma respiration à la sienne, devinant sa douleur alors que ma main glissa lentement sur le canapé, incapable de se saisir de la sienne, car je la vis cette fois-ci, au fond de son regard : la pâleur de la dernière lueur d’espoir vaciller alors que je prononçai les derniers mots, touche finale d’une réalité que je n’acceptais pas moi-même, que je n’accepterai jamais. Je la vis, l’extinction du dernier filament et le noir, complet et définitif, envahir ses prunelles soudainement noyées. Je fermai les paupières instinctivement, tentative désespérée de ne pas avoir à y faire face, mais ses doigts s’enroulant autour des miens m’arrachèrent un sursaut imperceptible, ne me laissant d’autre choix que d’affronter son regard voilé et empoignant, ses traits tristes et désarmants. La seconde suivante, sa main s’échappait, son corps également dans un réflexe usant chacune des forces qui lui restait et j’inspirai douloureusement, l’enclume au fond du cœur, incapable de l’arrêter. « Je… » Je m’imaginais me redresser à sa suite, stopper ses tremblements. Je m’imaginais l’étreindre à mon tour comme elle avait su le faire avec moi, la première fois. Je m’imaginais trouver les mots pour la retenir, oui, pour alléger ses tourments, ma conscience tout entière me sommant de faire un pas dans sa direction pour ne pas la laisser s’enfuir, ne pas la laisser s’effondrer sans que je ne puisse la retenir. Pour ne pas la regarder me laisser, elle aussi. M’abandonner ici, elle aussi, sans ma fille, sans Jacob. Seule. Mais je restai immobile, suspendue entre deux notes de musiques silencieuses et frigorifiantes. Ma mâchoire trembla un instant avant de se relâcher, finalement, pour souffler les seuls mots qui me vinrent à l’esprit. « Lex, attends … » articulai-je avec lenteur. Elle s’éloignait déjà pourtant, les claquements de sa canne contre le parquet ralentissant à peine sans que je ne sache s’ils lui permettaient de m’entendre, réellement. Attends, quoi ?

Je desserrai mon poing avec difficulté, laissant mes jambes me porter alors que je tentais quelques pas à sa suite, consciente, dans le fond, de ne pouvoir encaisser une nouvelle défaite, un nouveau départ. « T’es pas obligée … » De dire quoique ce soit ? De partir ? Mes lèvres restèrent en suspend dans le vide alors que sa silhouette s’évanouissait déjà de l’autre côté de la porte, rejoignant la lumière du palier, son ombre happée par la chaleur de l’extérieur sans que je ne ressente le courage, ou l’égoïsme, de la suivre davantage pour la retenir. Jacob aurait su, lui, ne lui aurait jamais donné l’envie de partir en premier lieu, ouvrant ses bras pour la réconforter comme il savait si bien le faire, comme elle savait si bien l’accepter. Et j’étais démunie, sans lui, sans que cela ne soit une surprise. Démunie sans parvenir à l’exprimer, ça ou quoique ce soit d’autre par ailleurs. Je pleurais sans larmes. Je pleurais sans sanglots. Je pleurais ma perte et mon enfant perdue, incapable d’un bruit alors que le silence et sa torpeur reprenaient leurs droits insidieusement sitôt la porte refermée, lourds comme le plomb, s’effondrant sur ma poitrine comme une étouffante avalanche menaçant de m’asphyxier. Le silence de plomb, brisé l’instant d’après, comme le verre sous ma prise trop ferme, trop fébrile, impatiente de remettre les choses en place, impatiente d’effacer les traces d’une quelconque visite. Impatiente d’oublier. Je grimaçai à peine, laissant mon regard vide s’abaisser sur ma main entaillée, l’estafilade rouge remonter jusqu’à l’amorce de mon poignet et les brisures entre mes doigts que je relâchai l’instant d’après d’un réflexe ralenti, observant le verre s’écrasant au sol en une dizaine d’autres éclats, tous reflétant l’état de mes pensées sans que je n’en éprouve le moindre soulagement. Il n’était pas là. Il était parti. Il m’avait laissée. Et si l’envie m’effleura de balayer la surface de la table basse d’un revers de main pour renverser le reste, si celle de retrouver mon téléphone pour l’appeler et le prévenir, l’appeler et entendre sa voix, se fit aussitôt prégnante, je me contentais de retrouver l’assise du canapé derrière moi dans un réflexe salvateur, comprimant contre mon ventre mes mains tremblantes, comme s’il était possible, ainsi, de me raccrocher à quelque chose. Quoique ce soit. Au néant peut-être, au néant m’engloutissant tout entière.





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