(Halsyn #1) ► Mysterious ways

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Mysterious Ways
Raelyn Blackwell & @"Halsey Blackwell" (Halsyn #1) ► Mysterious ways 873483867

Ta sœur est passée au Club. Rien dans cette phrase n’eut de sens pour moi lorsqu’Amos me rapporta l’information en arrivant chez moi en début de semaine. Moi, je la laissai d’abord passer comme une blague, une dont je n’aurais pas totalement saisi le potentiel comique, mais je fuis bien obligée de me rendre à l’évidence : il ne plaisantait pas. Je m’étais arrêté dans mes gestes, j’avais froncé les sourcils et je l’avais dévisagé comme s’il venait de m’apprendre qu’une invasion alien était en cours, parce que c’était impossible, tout bonnement impossible. Je n’ai pas de sœur, et quand bien même j’admets avoir occulté une partie de ma vie à Charleville, de toute ce qui précéda mon arrivée à Brisbane, je crois que je me souviendrais encore de ce type d’information. Je n’ai pas de sœur, c’est ce que je lui avait répondu, plus sérieusement cette fois-ci. Et certainement pas une d’une petite trentaine d’année, soit quasiment mon âge, qui ne vive à Brisbane. Lui, devant mon incompréhension, il m’avait raconté sa rencontre et son échange avec la demoiselle, une brune, un peu plus grande que moi, qui avait débarquée au restaurant en cherchant une jeune femme du nom de Rachel-Lynn. J’avais déglutis difficilement face à un Amos visiblement passablement amusé d’apprendre l’horrible prénom qui m’avait été donné à la naissance, un simple Rachel aurait été préférable et ce même si je ne me retournais plus lorsque j’entendais le prénom hurlé dans la rue, et ce depuis des années. Rachel avait rapidement disparue une fois arrivée à Brisbane, Rachel-Lynn avant même que je n’entre au lycée. Au Club, personne n’avait connaissance de ma réelle identité et l’hypothèse que ce soit là une blague de mon amant s’était envolée lorsqu’il avait sorti la photo qu’elle avait amenée avec elle. La gamine de douze ou treize ans qui narguait l’objectif d’un air austère était brune, elle venait d’une autre époque mais le doute n’était pas permis : c’était moi. La photo avait l’air d’avoir été prise à l’occasion de l’exercice sempiternel de la photo de classe, celui-là même qui m’avait vite ennuyée, et on le voyait sur le cliché. Comment Amos avait-il mis la main dessus ?

Comment cette fille, cette inconnue parce qu’il m’était impossible de croire le contraire, connaissait-elle mon prénom et avait bien pu mettre la main sur cette photo ? Elle était allée jusqu’à Charleville, c’était une évidence puisqu’elle n’aurait pas pu mettre la main sur l’image imprimée sur du papier glacé ailleurs. Je n’avais emporté aucun souvenir avec moi, et à moins que Liam ou ma mère n’ait débarqué en ville – ce dont je doute farouchement, ils n’ont jamais aspiré à mieux qu’une vie merdique dans ce trou paumé – il est impossible qu’elle l’ait obtenu ailleurs que là-bas. Comment ? Pourquoi ? Quel intérêt je présentais pour cette fille que je voyais déjà comme une déséquilibrée ou une profiteuse pour avoir tissé un tel mensonge ? Elle avait laissé son numéro de téléphone et si j’avais d’abord envisagé de l’ignore et de ne jamais le composer, c’est la photo et l’emploie de mon prénom de naissance qui m’avait décidé. Ce n’était pas une blague, il y avait quelque chose de pas net là-dessous, et je préférais en avoir le cœur net plutôt que de la laisser débarquer à nouveau du Club à l’improviste. Elle savait où me trouvais à présent, peut-être avait-elle parié sur la chance en s’y rendant à la base, mais elle avait dû en apprendre assez sur place pour se conforter dans l’idée qu’elle était au bon endroit. Alors j’avais attrapé mon téléphone la veille, après deux jours à cogiter sur ce que je devais faire ou de pas faire, et j’avais envoyé un message au numéro. Pas un appel, je préférais garder nos interactions au minimum, et finalement le rendez-vous avez été donné le lendemain, à dix-neuf heures et sur le roof top du Sixteen Antlers. Je devais au moins lui reconnaître ça : elle avait choisi un établissement qui avait de la gueule et qui faisait partie des endroits où j’avais moi-même l’habitude de me rendre. Je me méfie trop pour lui accorder un bon point, mais je dois reconnaître qu’elle a du goût, ou qu’elle s’est à minima renseignée sur moi.

Je pousse la porte du rooftop avec un quart d’heure de retard, il m’avait semblé adéquat dans ces circonstances, et habillée d’une robe moulante beige, simple et hors de prix jugée sur de hauts talons aiguilles et remaquillée pour l’occasion. Je balaye la terrasse du regard, à la recherche de l’usurpatrice, et la remarque rapidement remarqué la brune, elle est la seule à ne pas être accompagnée. Elle est assise à un table éloignée du bar et un seul verre était posé devant elle. Sans trop hésiter et pressée d’en finir, je m’approche d’elle d’un pas décidé et le menton levé, dans toute mon arrogance, et m’assois sans lui laisser le temps de se lever pour m’accueillir, me serrer la main ou une autre connerie, avant de la détailler. Elle est brune, plus brune que je ne l’étais moi-même avant de décolorer complètement mes cheveux, et ses yeux peuvent sembler être de la même couleur que les miens et ceux de Liam, alors que ma mère arbore ou arborait des prunelles chocolat. J’oublie que sa mâchoire carrée fait penser à la mienne ou plutôt je ne m’y attarde pas, parce que je n’imagine pas une seule seconde qu’elle puisse dire la vérité. « Je vais sauter la case présentations. » Mon prénom elle le connait. Il conviendra de lui donner ou non celui auquel je réponds à présent en fonction de l’issue de cette discussion. « Et je vais aller droit au but. » Parce que je n’aime pas perdre mon temps. « Qui t’es vraiment ? » Parce que ma sœur ça, c’est impossible. Je n’ai pas non plus pour habitude de m’encombrer de vouvoiement ou autre marques de respect, surtout lorsqu’elles ne sont pas méritées. « Qu’est-ce que t’es allée foutre là-bas ? » A Charleville, elle y est forcément allée. « Et qu’est-ce que tu me veux ? » Vous avez quatre heures. Enfin dans son cas, plutôt cinq minutes.

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Après son entrevue au restaurant, Halsey avait simplement laissé son numéro de téléphone, en espérant que son passage en ville pique suffisamment la curiosité de Rachel-Lynn pour qu’elle décide de la rencontrer. Il fallait bien l’admettre, la brune n’avait pas pour habitude de se retrouver dans des situations sur lesquelles elle n’avait aucune emprise, et elle était précisément dans ce schéma qui la hérissait au plus haut point. Dépendre de quelqu’un, de son bon vouloir. Pour peu que cette fille ait hérité du côté sympa de leur paternel, elle risquait de n’avoir aucun intérêt dans la découverte d’un nouveau membre dans sa famille, surtout trente ans plus tard. Pourtant, la jeune femme espérait, désireuse de découvrir cette femme qui lui ressemblait bien plus qu’elle ne voulait bien l’admettre. Il lui était difficile d’imaginer à quoi elle pouvait bien ressembler aujourd’hui ; la photo que Liam lui avait confiée datait et il était évident qu’elle avait dû évoluer depuis, comme tout le monde. Et en attendant de recevoir – ou pas – de ses nouvelles, Halsey avait pris son mal en patience en anticipant une éventuelle installation à Brisbane, visitant cette ville qui avait beaucoup de charme et dans laquelle elle se plaisait à évoluer. Clyde en faisait de même de son côté, mais le duo demeurait dans l’expectative de la suite des évènements, car tout dépendait d’elle, de son appel. L’attente avait duré plus de deux jours et la brunette commençait à se demander si une nouvelle visite à ce restaurant ne serait pas de rigueur – car il était évident qu’elle n’abandonnerait pas avant de l’avoir rencontrée – mais un message vint mettre fin au suspense qui planait depuis trop de temps au goût de la jeune femme. Son téléphone vibra et elle l’attrapa d’un geste vif, trahissant ainsi une impatience que Clyde ne lui connaissait pas. « C’est elle ? » Assis sur le lit, il releva un sourcil dans sa direction et Halsey hocha la tête sans pouvoir retenir un léger sourire satisfait. Elle pianota rapidement avant de lever le menton vers lui, un air interrogateur sur le visage. « Merde. J’ai pas pensé où on pourrait se rencontrer, je connais rien par ici. Tu saurais me dégoter une adresse sympa ? » Aussitôt demandé, aussitôt fait ; Clyde alluma son ordinateur et balaya quelques adresses, tandis qu’Halsey continuait de cogiter à voix haute. « Quelque chose de chic, qui donne une image un peu prestigieuse. Bref, pas un boui-boui dégueulasse. Je compte sur toi. » Vraiment. Cette première impression n’arriverait qu’une seule fois et elle n’aurait pas de seconde chance pour rattraper le coup si elle faisait le moindre faux pas. Après quelques secondes, le jeune homme lui proposa le Sixteen Antlers, un bâtiment que la brune valida avant de donner rendez-vous à Rachel-Lynn le lendemain, pour dix-neuf heures. Halsey trépigna jusqu’au jour suivant, se consolant grâce à une virée shopping uniquement pour l’occasion. Elle sélectionna une robe bleu nuit qui mettait ses courbes en valeur sans en faire trop et jeta son dévolu sur une paire d’escarpins ainsi que d’une veste pour parfaire la tenue et l’empêcher d’avoir froid durant la soirée. Fébrile à l’idée de cette entrevue avec l’inconnue de la photo, la brunette arriva sur le lieu du rendez-vous avec un peu d’avance. Son impatience était loin d’être la seule raison de cette ponctualité ; la jeune femme aimait prendre connaissance des lieux dont elle ignorait tout afin de s’y trouver plus à l’aise, et dans ce cas précis, elle voulait la voir arriver en étant déjà bien installée sur son siège. Cette anticipation lui conférait, à son sens, une position de force dans une rencontre qui risquait d’être intéressante. Juchée sur un tabouret haut à une table légèrement éloignée du bar – pour l’intimité – Halsey sirotait son cocktail hors de prix en laissant son regard scanner chaque nouvelle arrivée avec une attention toute particulière aux femmes non-accompagnées. Et après quelques minutes, elle la vit. Leurs regards se croisèrent et ne se lâchèrent pas jusqu’à ce que Rachel-Lynn arrive à la table d’un pas décidé, dénotant d’une confiance en elle qui arracha un sourire en coin à la brune. Alors, c’était elle la sœur prodigue ? Cette dernière n’avait plus grand-chose à voir avec la fille de la photo, si ce n’est cet air arrogant qu’elle n’avait pas perdu et qui s’était même renforcé, selon elle. Pour le reste, Brisbane lui avait fait le plus grand bien – physiquement parlant en tout cas. « Je vais sauter la case présentations. » Arrivée à sa hauteur, la blonde ouvrit la bouche tout en employant un ton incisif qui décrocha un nouveau sourire à Halsey qui apprécia le côté direct de cette fille. « Et je vais aller droit au but. Qui t’es vraiment ? » Oho. Rachel-Lynn semblait déstabilisée et surtout, en recherche de réponses. Bien. Elle avait au moins piqué son intérêt et c’était tout ce qu’elle voulait à ce stade. « Je m’appelle Halsey. Halsey Blackwell. » Oui elles partageaient le même nom de famille et elle pourrait démentir cette information ou encore la rejeter avec force, ça ne changerait rien à la situation. « Notre père avait, je pense, des petits soucis de fidélité. » Elle ignorait tout de la façon dont s’était déroulé les choses, est-ce qu’il avait vécu une double vie ou avait-il déjà quitté sa première famille avant de mettre sa mère en cloque ? Allez savoir. Elle s’en fichait, le résultat était là. « Qu’est-ce que t’es allée foutre là-bas ? » La blonde semblait piquée par son passage dans son trou perdu, et ça elle le comprenait totalement. « Tu n’as pas à avoir honte de tes origines sœurette, le côté épi de maïs devait t’aller comme un gant, j’en suis certaine. » Sa langue claqua dans une fausse tentative destinée à la rassurer alors que la moquerie était palpable. « Et qu’est-ce que tu me veux ? » Quelle impatience. Halsey pris son air le plus innocent en relevant ses grands yeux vers elle et pencha légèrement la tête sur le côté, histoire d’accentuer un peu plus le côté mélodramatique de la chose. « Je voulais simplement voir si c’était vrai que… que j’avais de la famille. Quelque part. » Désolée maman, paix à ton âme. Ca n’était pas la première fois que la brune prétendait ne plus avoir de parents – et dans un certain sens ça avait toujours été un peu le cas – et elle prévoyait rester sur cette ligne directrice pour faire son chemin dans la vie de cette Rachel-Lynn.

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L’histoire en elle-même était à dormir debout. D’après les dires de cette fille, ceux qu’Amos m’avait rapportés, cette fille se présente comme ma sœur, et elle l’a fait à qui voulait bien l’écouter et lui prêter de l’attention au sein du club. J’ai l’impression que l’on nage en plein délire. Elle aurait découvert mon existence et à la recherche d’une famille, pauvre petite, elle aurait tenté de me rencontrer. Je ne suis pas née de la dernière plus et l’idée que quiconque tente de me prendre pour la pire des godiches m’agace : même si je devais croire à son histoire, même si je décidais de croire que nous partagions le même sang, à moitié en tout cas, ça n’expliquerait toujours pas comment elle m’a retrouvé.

Ce qui m’agite, ce n’est en effet pas la crainte qu’elle puisse raconter mes secrets d’enfance, ni qu’elle abreuve Amos ou un autre de ces photos ridicules que ma mère a peut-être conservées. Je ne cache rien de bien intéressant en ce qui concerne mon passée, celle que j’étais avant de devenir Raelyn, ce qui m’inquiète, c’est la façon dont cette fille a retrouvé ma trace, autant que ses intentions. A Brisbane personne ne connait mon vrai nom et, à Charleville, ou ils ne connaissent que celui-là même si ma mère était encore la seule à l’utiliser en entier et à ne pas se contenter d’un simple Rachel, ils ne savent rien du Club. Ces deux mondes n’étaient pas destinés à se rencontrer, et si cette fille qui connait mon identité a su me retrouver ici, a su se rendre jusqu’au Club pour demander, c’est qu’elle a fouillé, pas qu’elle s’est contentée de taper mon nom dans la barre de recherche d’un navigateur. Pourquoi, et surtout, dans quel but ?

Alors que je m’assois je la toise d’un regard qui transpire d’orgueil et de fierté. Je nie nos ressemblances, elles ne sont pas frappantes mais bien présentes mais je les réduis dans mon esprit à l’état de détails ridicules qui pourraient tout aussi bien être des coïncidences. Ses iris brillent d’un reflet de jade à la façon des miens ? Comme ceux de 2% de la population mondiale. Au contraire, ce sont nos différences que je répertorie et note mentalement comme des petites victoires, comme des trophées. Elle est plus grande que moi de quasi dix centimètres. Son nez est plus fin, et relevé en trompette en sont bout alors que le mien est franc. Son menton n’a pas non plus la même forme que le mien, et de façon plus générale l’ovale de notre visage comporte son lot de différences. « Je m’appelle Halsey. Halsey Blackwell. » Elle précise son nom et je lève un sourcil. Pense-t-il qu’ainsi elle me convaincra, que je lui tomberais dans les bras en promettant de rattraper le temps perdu ? Que je jurerais avoir toujours eu envie d’une petite sœur ? Elle se trompe. « Et ? C’est un nom commun. » Et qui plus est, rien ne me prouve qu’elle dit la vérité et qu’elle n’est pas – pour une raison que j’ignore encore – en train de me mentir. Elle aurait le profil que j’avais en arrivant en ville, une petite junkie à la recherche d’attention, j’aurais compris. Non, c’est une femme qui visiblement a les moyens de s’être acheté une robe qui coûte son prix et sirote un cocktail dans l’un des bars les plus en vue de la ville. L’un de ceux où le terme d’happy hour n’existe pas. « Notre père avait, je pense, des petits soucis de fidélité. » Notre père. L’expression me hérisse le poil. Mon géniteur je ne le connais pas, je n’en ai pas le moindre souvenir, au contraire de Liam qui l’eu à ses côté pendant ses plus jeunes années. Facile. Un peu trop facile. D’après ma mère mon père avait un problème : Charleville, et je ne peux lui jeter la pierre d’avoir voulu quitter ce trou paumé. « Tu n’as pas à avoir honte de tes origines sœurette, le côté épi de maïs devait t’aller comme un gant, j’en suis certaine. » La encore je ronge mon frein. Elle en fait trop, elle tente d’avoir l’air rassurante mais elle ne me trompe pas : elle se moque, et elle pue la confiance en elle. « Je voulais simplement voir si c’était vrai que… que j’avais de la famille. Quelque part. » Mes ongles manucurés tapent un rythme effréné sur la table. Elle voulait voir si elle avait de la famille quelque part ? « T’as trouvé le reste de la mienne là où t’as trouvé cette photo. » Elle ne peut pas l’avoir eu autre part qu’à Charleville, des mains de ma mère ou de Liam. « Retournes-y, je suis sure qu’ils ont dû gober tes salades. » Mes doigts se stoppent dans leur danse, en je pose mes deux coudes sur la table pour me pencher un peu vers elle. « Comment tu m’as trouvée ? » C’est ça qui m’intéresse, en plus du pourquoi. « Et ne mens pas soeurette. » J’appuie sur le terme, pour lui signifier que je ne suis pas dupe et que je n’en pense rien. « Je le saurais. » Parce qu’il n’y a que peu de possibilités qui soit réellement envisageables.

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La brune avait longtemps imaginé cette scène, réfléchissant à tous les scénarios possibles et à la façon dont elle pourrait réagir à chacun d’eux. Elle ignorait à qui elle aurait affaire et tout dépendait précisément de cette inconnue, ce qui était à la fois excitant et profondément déplaisant pour cette control freak qui n’aimait pas laisser les choses au hasard. Pourtant, elle avait laissé la place à l’incertitude au moment même où elle avait accepté la possibilité que son paternel ait eu d’autres enfants avant elle, brusquant ainsi les fondations même de cette vie qu’elle s’était construite autour de ce qu’elle pensait savoir. Autant dire que cela n’avait rien d’étonnant dans les faits, et pourtant cela ne l’empêchait pas d’y accorder bien plus d’intérêt qu’elle n’aurait aimé. La curiosité et l’envie d’en apprendre plus dépassaient largement le besoin d’utiliser cette information pour soutirer de l’argent ou quoique ce soit d’intéressant, comme elle l’avait fait miroiter à Clyde pour le convaincre de la suivre à Brisbane. Bien entendu, s’il y avait quelque chose à creuser elle n’hésiterait pas une seule seconde, famille ou pas. Halsey ne croyait pas aux liens du sang et demeurait persuadée que la famille était celle que l’on se choisissait, une option rassurante pour aborder l’avenir quand on connaissait son passé. Alors elle était là, attendant avec une patience feinte de rencontrer celle avec qui elle partageait le même adn, espérant qu’elle viendrait et ne la planterait pas sur place – une telle option n’était même pas envisageable à ses yeux et l’aurait plongée dans une colère noire. Mais heureusement, après quelques minutes d’attente, une blonde apparut dans son champ de vision et Halsey la reconnu directement. Un changement de couleur avait adouci ses traits mais son air renfrogné, lui, était toujours de mise. Elles s’observèrent longuement avant que Rachel-Lynn ne prenne la parole, cherchant sans doute ce qui les différenciait et les petites ressemblances qui étaient toutefois difficiles à ignorer. La jeune femme était belle, mais pas d’une beauté classique non, plutôt de celles que l’on remarque pour leur charisme et un charme dégagé par une assurance envoûtante. Comme à son habitude, la brunette se comparait et elle ne pouvait simplement pas s’en empêcher. Armée d’un sourire, elle laissa la blonde arriver jusqu’à sa hauteur et attendit qu’elle fasse le premier pas, qu’elle formule ses premiers mots, ceux qui donneraient le ton de la conversation qui allait suivre. Et ça ne manqua pas. La jeune femme fit l’impasse sur les civilités et entra directement dans le vif du sujet, lui demandant qui elle était – comme si elle ne le savait pas. Avait-elle besoin de l’entendre de sa bouche ? Halsey ne se fit pas prier et déclina une nouvelle fois son identité, prenant soin de mettre en lumière ce nom de famille qu’elles partageaient et qui fit hausser un sourcil à son interlocutrice. « Et ? C’est un nom commun. » Pas tant que ça, mais soit. Si elle voulait jouer à ça. « Mon géniteur se nommait Jeremiah Blackwell et venait d’une petite bourgade nommée Charleville avant de venir se perdre dans une vraie ville. » Halsey prononçait les mots sans ciller, ne pouvant s’empêcher de tacler son lieu de naissance au passage, le tout sans se départir de son air assuré et du ton neutre qu’elle employait pour ne pas paraître aux abois. Elle était intéressée, forcément, et c’était précisément ce qui devait inquiéter Rachel-Lynn. Et si ça l’inquiétait, cela voulait dire qu’elle avait des choses à perdre en laissant entrer des gens dans sa vie. Il fallait donc qu’elle joue la carte de l’indifférence, celle qui la pousserait à croire qu’elle était prête à plier bagage si cette entrevue ne se déroulait pas comme prévu – ce qu’elle ne ferait en aucun cas, bien entendu. La brunette développa un peu, sans en dévoiler de trop afin de pousser la blonde à l’interroger encore, à se perdre dans ses propres questionnements jusqu’à se demander, finalement, si cette éventualité était finalement possible, après tout ? « T’as trouvé le reste de la mienne là où t’as trouvé cette photo. » Elle conservait elle aussi un air neutre, mais le tapotement frénétique de ses doigts sur la table démontrait de l’impatience, ou de la nervosité. Le regard d’Halsey se perdit sur ce détail avant de relever les yeux vers elle. « Retournes-y, je suis sure qu’ils ont dû gober tes salades. » Des salades ? Seigneur, elle était outrée. Plissant les lèvres, elle fit tourner la paille de son verre afin de se donner une demi-seconde supplémentaire de réflexion ; chaque mot choisi aurait son importance et se montrerait décisif pour la suite des évènements. « Ils m’ont confirmé tout ce que ma mère m’a raconté, je n’aurais pas pu inventer certains détails. » En effet, n’ayant pas connu son paternel, elle n’aurait su avancer des anecdotes destinées à persuader ces gens de la véracité de ses propos. Mais sa mère en savait suffisamment – même si son esprit embrumé par l’alcool rendait parfois sa mémoire un brin défaillante – pour lui avoir permis d’obtenir une crédibilité, d’autant que les résultats des recherches de Clyde n’étaient jamais erronés. Ce dernier détail, elle le garderait pour elle. Mais elle avait également en sa possession une photo de son père et de sa mère ensemble, ainsi que de sa signature sur son acte de naissance – un dernier geste héroïque signé de sa main avant de disparaître pour de bon. Mais tout ça, elle s’abstint de le dévoiler trop vite, désireuse de ne pas griller ses cartes trop rapidement. « Comment tu m’as trouvée ? » Mettant ses coudes sur la table, Rachel-Lynn se rapprocha d’elle en la sondant du regard, comme si elle cherchait à l’intimider. Oh toi tu ne sais pas à qui tu as affaire. « Et ne mens pas soeurette. Je le saurais. » Le terme employé fit sourire une nouvelle fois Halsey qui de son côté, conservait un air profondément énigmatique afin que la blonde ne sache pas lire ses expressions – avec de l’entraînement ça en devenait presque automatique. Il était bien entendu hors de question qu’elle évoque l’existence de Clyde, allait donc devoir laisser volontairement des zones d’ombre autour de cette fameuse découverte. « Je savais qu’il venait de Charleville, à partir de là ça a plutôt été simple de les trouver. » Ton frère, ta mère, ces bouseux au regard vitreux… « Tu t’en doutes, ils m’ont dit que tu était partie à Brisbane. Tu leur manques beaucoup d’ailleurs, je leur ai dit que tu leur enverrais une carte postale quand on se retrouverait. » Elle haussa un sourcil amusé, laissant volontairement planer l’ombre de la provocation. « Je te passe les détails, mais ton mug shot ne te met pas vraiment en valeur. » Elle haussa les épaules, laissant la blonde combler les trous par elle-même en comprenant qu’elle avait déterré son casier judiciaire. Lui fournir trop d’informations lui donnerait l’impression qu’elle cherchait à se justifier et à fournir une version parfaite ; tout ce qu’elle voulait éviter. « Et surprise… » Elle fit un geste qui englobait sa personne avant de plonger le nez dans son cocktail, sans cesser de dévisager sa sœur afin de voir ses réactions face à cette explication qui, elle l’espérait, serait suffisante.

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Je ne sais pas à quoi je m’attendais en mettant les pieds sur le roof top. A une fille grimée pour tenter d’être convaincante dans le rôle de ma sœur ? A une fille qui n’ai ni le même gabarit, ni le moindre trait de ressemblance ? A mon portrait craché qui m’observe la bouche en cœur ? Halsey – Amos m’avait déjà informée de son prénom – elle n’est rien de tout ça. Elle ne me ressemble pas assez pour que notre affiliation soit une évidence, mais elle n’est pas assez différente pour que, directement en sans ambages, je puisse décréter qu’il est impossible que nous partagions ne serait-ce qu’un brin d’ADN. Non, c’est plausible, évident non, mais plausible, je le réaliserai si je n’étais pas aveuglée par mon refus net de considérer que ce soit le cas.

Mon père pourtant, je n’en sais pas grand-chose. Il est parti avant même que je ne fête mes deux ans, et si Liam en avait quelques bribes de souvenirs ce n’est pas mon cas. De lui je ne connais que son prénom et son désir d’ailleurs. Ma mère je ne sais pas s’il en est tombé amoureux ou non, assez pour rester dans le coin une petite dizaine d’année cela dit, mais elle n’était pas assez pour le retenir. Je sais qu’il était, comme elle, originaire de Charleville et qu’il avait, comme moi, tout sauf envie d’y rester. Pendant des années je l’ai jugé comme une chiffe molle, le genre qui n’avait pas eu le courage de se tirer jeune, celui que j’ai eu, et avec les années, j’ai élaboré d’autres théories. Celle qui me convainquait le plus, avant que j’arrête simplement d’y penser, c’est qu’il a toujours voulu partir mais qu’il a mis ma mère enceinte trop jeune et n’a pas cru avoir d’autre choix. Il est resté, pas indéfiniment cela dit, et je n’en retire pas la moindre colère, pas la moindre rancœur ni de quelconque sentiment qu’il me manquerait une part de moi-même ou autre foutaise. Son choix, je ne le comprends que trop bien. « Mon géniteur se nommait Jeremiah Blackwell et venait d’une petite bourgade nommée Charleville avant de venir se perdre dans une vraie ville. » Elle a bien fait ses devoirs, c’est tout ce que ça prouve. Pas qu’elle dit la vérité. Elle aura, j’en suis persuadée, convaincu Liam et ma mère sans le moindre souci qu’elle est qui elle prétend être, assez pour qu’ils donnent ce type d’information et tombe dans le panneau. « C’est bien, tu connais le prénom de mon père. Félicitations. Ça prouve pas grand-chose en revanche. » Je suis méfiante de nature, elle ne passera pas mes mécanisme d’auto défense en battant des cils.

Le fait est que le destin de mon paternel, qu’elle dise la vérité ou qu’elle mente, il ne m’intéresse peu, et c’est là qu’elle a tiré le mauvais numéro. Je me fiche bien de savoir à quel coin de la planète elle fait allusion en parlant de la grande ville, comme je me fiche de savoir s’il a été pour elle un père aimant ou non. Le terme de géniteur m’indique plus que non, mais je ne peux pas être certaine. Qu’il soit en vie ou décédé à présent ne me touchera pas plus. « Ils m’ont confirmé tout ce que ma mère m’a raconté, je n’aurais pas pu inventer certains détails. » Je lève un sourcil, et pose finalement mes mains à plat sur la table. « Et ils ne t’ont pas suffi ? Charleville, ça t’a pas plu ? » Un sourire insolent étire mes lèvre. Evidement que non, si j’en crois ses vêtements, elle a dû se sentir aussi dépaysé là-bas que moi je ne m’y sentais pas à ma place.

Je l’observe et finalement, sans me départir de mon air supérieur, je fais signe à la serveuse d’approcher. Je commande un verre, un scotch évidement, avant de me reconcentrer sur l’imposteur. « Je savais qu’il venait de Charleville, à partir de là ça a plutôt été simple de les trouver. » Oui, ce n’est pas cette partie-là qui m’intéresse. Ce n’est pas comment elle les a trouvé eux qui m’intéresse. « Tu t’en doutes, ils m’ont dit que tu étais partie à Brisbane. Tu leur manques beaucoup d’ailleurs, je leur ai dit que tu leur enverrais une carte postale quand on se retrouverait. » Elle joue les étonnées mais moi, elle ne me leurre pas. Je ne manque ni à Liam ni à Rose, c’est une certitude. Mon visage reste impassible. Que cherche-t-elle à faire, me railler ou attirer ma sympathie. « Je te passe les détails, mais ton mug shot ne te met pas vraiment en valeur. » Je me recule alors que la serveuse dépose mon verre sur la table, avant de l’entourer de mes doigts. « Et surprise… » Surprise. C’est le cas de le dire. Je fronce les sourcils en réfléchissant à la portée de ses mots. Mon mugshot ? Fait-elle référence à ma photo de classe sur laquelle mon air revêche me donne presque l’air d’une jeune femme arrêtée en état d’ivresse par le sheriff du comté ? Est-elle en train de faire allusion à mon casier judiciaire, à cette photo prise en 2005 alors que j’avais été arrêtée, puis relaxée pour vol à l’étalage ? Cela n’explique pas qu’elle ait remonté la piste jusqu’à moi. Avoir accès à mon casier judiciaire ne demande que d’usurper mon identité et d’en faire la demande à mon nom. Avoir accès à des infos plus confidentielle, probablement un dossier des stups, c’est une autre paire de manche. Et c’est la seule explication pour qu’elle ait pu remonter la trace jusqu’au Club, jusqu’à Raelyn, et pas la gamine sur la photo. « C’est fantastique tout ça, vraiment, une belle histoire larmoyante. » Quoi, c’est vrai ? Ce n’est pas parce que j’y crois pas une seule seconde que je ne dois pas lui reconnaitre ses talents d’actrices. « Le soucis, c’est que t’as pas vraiment répondu à ma question. » Ça aurait pu passer. Presque. Si de savoir comment elle m’avait retrouvée n’avait pas été la seule chose qui m’a poussé à accepter de la rencontrer. « Je te demande pas comment t’as remonté la trace de Charleville. Je te demande pas comment t’as réussi à attendrir Liam et Rose pour qu’ils te donnent toutes les informations qui te manquaient. Je te demande pas comment t’as retrouvé la trace d’une entrée de 2005 dans mon casier judiciaire. Je te demande comment tu m’as retrouvée moi. Comme t’es arrivée jusqu’au restaurant. » Les doigts maintenant parfaitement immobiles et posés contre mon verre, je l’observe sans ciller.

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Maintenant qu’elle était arrivée à sa hauteur, s’accoudant à la table, Halsey pouvait observer celle qui était apparemment sa sœur à sa guise. Elle non plus n’avait pas trop su à quoi s’attendre, n’ayant qu’une vieille photo qui paraissait sortir tout droit du siècle dernier pour se faire une idée de cette femme avec qui elle partageait un nom de famille, un passé, un père. La brune avait été fille unique et ça ne l’avait jamais dérangé, que du contraire même. Sa mère avait suffisamment peiné à s’occuper d’elle que pour se rajouter une charge de travail supplémentaire et si tel avait été le cas, c’était forcément sur sa petite personne que ça serait retombé. Non, elle avait pris sur elle de se construire en dépit d’une mère incapable de faire preuve d’un quelconque sens des responsabilités et ça aurait été tout bonnement impossible si elle avait dû s’inquiéter d’une autre personne qu’elle. Elle ne pouvait donc pas dire qu’elle regrettait de ne pas avoir appris l’existence de cette sœur plus tôt, parce que ça aurait été un mensonge éhonté. Pourtant, la curiosité l’avait poussée à tracer sa route jusqu’à Brisbane au lieu de se contenter des dires de Liam et de sa mère, cherchant à en apprendre davantage sur ce legs que son père avait laissé derrière lui en plus d’elle-même. Ce besoin d’en savoir plus, elle l’avait camouflé sous des prétextes moins glorieux qui prenaient racine dans l’idée que cette femme avait peut-être de quoi ajouter une coquette somme à ce qu’elle avait déjà pu amasser au fil des années. C’était là que résidait toute la subtilité de cette rencontre, de cet acte qui n’en était pas un et qui la poussait à prôner le comportement de quelqu’un qui était désespérément à la recherche d’une famille qu’il n’avait jamais eue, comme si c’était une fin en soi. Mais Rachel-Lynn ne semblait pas taillée dans le bois de la compassion, que du contraire même. Son visage demeurait impassible, quoique trahit par une légère méfiance tandis que son regard la jaugeait de haut en bas, cherchant des réponses à des questions qu’elle ne formulait qu’à elle-même, pour l’instant. Halsey s’était préparée à cet instant – elle se préparait toujours – et savait pertinemment que la blonde n’avalerait pas son histoire sans quelques interrogations préalables – du moins si elle avait autant de neurones qu’elle l’espérait. Son regard brillait d’une intelligence qui ne manqua pas de faire sourire intérieurement la brune qui elle, se doutait que ça ne serait pas une aussi mince affaire que prévu. Elle s’employa donc à lui expliquer le commencement, balayant le sujet de Jeremiah Blackwell grâce au peu d’informations qu’elle avait sur lui – pas grand-chose, donc. « C’est bien, tu connais le prénom de mon père. Félicitations. Ça prouve pas grand-chose en revanche. » La jeune femme haussa les épaules, plongeant ses lèvres dans son verre sans cesser d’observer son interlocutrice. « Je n’en sais pas beaucoup plus sur lui, il s’est tiré avant ma naissance. » Il fallait toujours laisser la vérité faire son œuvre parmi l’océan de mensonge qu’elle offrait aux autres, ça rendait les choses plus vraies. Il fallait qu’elle parvienne à convaincre la blonde, d’une manière ou d’une autre. Et même si leur lien de parenté reposait sur leur père, Rachel-Lynn semblait accorder autant de crédit à son existence qu’elle, ce qui en disait long sur ce qu’elle avait elle-même vécu de son côté. Ah, ces parents indignes. « Et ils ne t’ont pas suffi ? Charleville, ça t’a pas plu ? » Un sourire étira ses lèvres tandis que l’ironie prenait le pas sur l’interrogation, laissant la brune interloquée par la presqu’agressivité dont elle faisait preuve face à sa venue ici à Brisbane. Est-ce qu’elle se sentait en danger ? Menacée par sa présence ? Ça aussi, ça en disait long. « Disons que je ne m’y voyais pas passer le restant de mes jours, mais c’était très sympa comme endroit… Si on aime la nature. » Elle répondait comme si elle n’avait pas saisi le ton cynique de la blonde, cherchant ainsi à la déstabiliser en agissant comme la personne lambda qu’elle était supposée être. La jeune femme se commanda à son tour à boire, un scotch, et reporta ensuite son attention sur elle alors qu’elle lui expliqua en quelques étapes comment elle avait atterri ici. Les sourcils froncés, Rachel-Lynn l’écoutait, ne laissant sa concentration faillir que pour laisser la serveuse poser son verre devant elle. « C’est fantastique tout ça, vraiment, une belle histoire larmoyante. » Voilà qu’elle lui servait le même acte faussement apitoyé que lui avait servi le type du restaurant ; ils faisaient la paire ces deux-là. « Le soucis, c’est que t’as pas vraiment répondu à ma question. Je te demande pas comment t’as remonté la trace de Charleville. Je te demande pas comment t’as réussi à attendrir Liam et Rose pour qu’ils te donnent toutes les informations qui te manquaient. Je te demande pas comment t’as retrouvé la trace d’une entrée de 2005 dans mon casier judiciaire. Je te demande comment tu m’as retrouvée moi. Comme t’es arrivée jusqu’au restaurant. » C’était donc ça qui l’inquiétait ? Halsey plissa les lèvres, peu désireuse d’amener Clyde sur le tapis – tant pis si cette lacune dans les informations qu’elle fournirait à la blonde la retardait dans sa manœuvre. Il était évident à présent que le restaurant cachait bien plus et que les stups avaient raison de s’intéresser de près à sa sœur. C’était de plus en plus intéressant d’ailleurs. « J’ai engagé quelqu’un une fois à Brisbane pour fouiller, c’est lui qui m’a obtenu l’adresse du restaurant où j’ai trouvé ton ami. Très beau garçon d’ailleurs. » Argua-t-elle, cherchant ainsi à voir par sa réaction si ce qu’elle soupçonnait sur leur lien était fondé ou non. « Bref, j’ai eu l’adresse et lui il a eu son chèque. Fin de l’histoire. » Elle releva les yeux vers la blonde, demeurant impassible alors qu’au fond d’elle, elle espérait qu’elle n’insiste pas davantage. Il était courant de faire appel aux services d’un détective privé et la seule raison de sa méfiance demeurait dans ses activités apriori illicites. Ça n’avait même rien à voir avec elle ou leur lien de parenté finalement, ça en était presque vexant d’ailleurs. « Je voulais simplement te rencontrer en chaire et en os, c’est pas tous les jours qu’on apprend qu’on a une sœur. » Ces paroles étaient vraies, même s’il y avait évidemment plus derrière tout ça.

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« Je n’en sais pas beaucoup plus sur lui, il s’est tiré avant ma naissance. » Ca, je suis obligée d’admettre que ça lui ressemble à mon paternel. Elle aurait voulu en dresser un portrait plus saisissant qu’elle en aurait été incapable, en revanche elle se trompe si elle espère que cette petite histoire larmoyante arrive à me toucher. Je me fous bien d’avoir grandi sans père et je me fiche bien que cette Halsey, si tant que ce soit son vrai nom, ait grandi sans père elle aussi. Je m’en suis sortie dans la vie, elle semble s’en être sortie dans la vie, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Des mondes séparés de préférence, je ne pense pas qu’elle dise vrai et soit ma sœur, mais même si c’était le cas je n’ai pas l’intention d’apprendre à la connaître à l’occasion de soirée pyjama durant lesquelles nous nous tresserions les cheveux l’une l’autre. Même pour une jumelle qui aurait débarqué après des années je n’aurais pas fait ça. « En tout cas t’as cerné le personnage plutôt bien. Félicitations pour le background check ça rend toute ce petit conte d’un réalisme saisissant. » Je pousse le vice jusqu’à applaudir des deux mains : même décontenancée, même agacée d’être la cible d’une potentielle menteuse, je ne perds pas de mon mordant. J’espère qu’elle ne s’attendait pas à trouver une jeune fille douce et crédule en face d’elle. « Disons que je ne m’y voyais pas passer le restant de mes jours, mais c’était très sympa comme endroit… Si on aime la nature. » Elle prend un air innocent, pourtant je sens l’ironie qu’elle insuffle dans sa phrase. C’est quoi son plan, de foutre de ma gueule pour s’attirer ma sympathie ? Il est mauvais si je peux me permettre, et je ne marche pas. « Il parait que c’est à la mode, de se mettre au vert. » Si j’en crois sa tenue, ça doit pas être le genre de la brune.

Je teste son histoire même si je sais que le reste qu’elle l’ait parfaitement répété n’est pas à exclure. Si j’avais voulu monter une arnaque du style ou si j’étais un flic en couverture, moi aussi je maîtriserais les choses sur le bout des doigts. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas la tester, je serais idiote de ne pas le faire, et je ne vaudrais pas mieux qu’Aberline. « J’ai engagé quelqu’un une fois à Brisbane pour fouiller, c’est lui qui m’a obtenu l’adresse du restaurant où j’ai trouvé ton ami. Très beau garçon d’ailleurs. » Elle a engagé quelqu’un ? Un privé ? Un privé capable de déterrer ce type d’information sur moi ? C’est plus plausible, il n’a même pas besoin de trouver des sources utilisables au tribunal, il a juste à remonter la trainée de poudre que les ragots laissent systématiquement derrière eux. Ma mâchoire se contracte alors qu’elle mentionne Amos, mais je lui adresse un sourire hypocrite plutôt que d’entrer dans son jeu. « Je sais. » Que cherche-t-elle à prouver ou vérifier ? Je n’en sais rien, et préfère ne rien lui offrir de tangible. « Bref, j’ai eu l’adresse et lui il a eu son chèque. Fin de l’histoire. » Je croise mes bras contre ma poitrine et je l’observe. Je ne croirais pas un mot de son histoire tant que je ne l’ai pas faite vérifier et avec des preuves tangibles et non contestables sous les yeux. « Je voulais simplement te rencontrer en chair et en os, c’est pas tous les jours qu’on apprend qu’on a une sœur. » Je pousse un soupir, elle est peut-être douée, mais moi je ne suis pas une idiote, et ses grands yeux clairs ne m’attendrissent pas comme ils attendrissent certainement la gente masculine. « Arrête avec les yeux de biche. Ça marche peut-être sur les hommes, mais avec moi tu perds ton temps. » Je porte mon verre à mes lèvres. « Moi je préfère l’honnêteté. Et l’air de chaton perdu, ça te va mal poupée. » Je préfère me faire mois agréable et amicale que je ne le suis – si tant est que ça soit possible. Ainsi, elle partira plus vite en courant si elle n’est là que pour se foutre de ma gueule, et qu’elle décide de s’accrocher me révélera tout autant de choses sur ses réelles intentions. « Si tant est que tu sois qui tu dis être, pourquoi maintenant ? » Je la détaille de la tête aux pieds. « T’as pas l’air d’être une grande sensible. J’ai du mal à croire que tu sois juste à la recherche de ta famille. » Je pose mes coudes sur la table. « Et si t’as embauché un privé, je suppose que ça te dérangera pas de me donner son nom, si ? » Un grand sourire étire mes lèvres. On va voir de quoi tu es faite, Halsey.

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Les mots franchissaient les lèvres de la brune et elle pouvait très bien se rendre compte que la blonde ne se laissait pas atteindre par son histoire, conservant un air impassible tandis qu’elle l’écoutait sans réagir à un seul moment. Halsey avait entourloupé suffisamment de gens dans sa vie que pour apercevoir l’étincelle dans leurs yeux, celle qui lui faisait comprendre qu’elle avait réussi son coup. Gagner la confiance de quelqu’un était rarement une chose aisée, même si elle lui était devenue plus facile avec le temps. Cependant, Rachel-Lynn faisait définitivement partie de la catégorie des gens méfiants, ce qui ne l’étonnait guère si elle se référait déjà à l’homme qui avait fait office d’intermédiaire lors de sa venue au restaurant. Et puis tout ce mystère autour de sa personne, cela voulait forcément dire qu’elle avait des choses à se reprocher et qu’elle craignait quiconque essayant de se frayer un chemin dans sa vie. A ce stade, Halsey ne croyait plus un mot de ce qu’avait pu lui raconter le brun, persuadée qu’il l’avait menée en bateau depuis le début en se foutant gentiment de sa gueule. En effet, la brune ne présentait aucune tare physique apparente, signe évident que le reste de son histoire saugrenue devait elle aussi être un tissu de mensonge. « En tout cas t’as cerné le personnage plutôt bien. Félicitations pour le background check ça rend toute ce petit compte d’un réalisme saisissant. » Elle applaudit brièvement afin d’appuyer ses dires, de renforcer l’ironie qui donnait le ton à cette conversation, déclenchant une moue boudeuse sur le visage de la brunette. « Y a pas grand-chose à cerner, c’est une histoire vieille comme le monde. Le type se lasse, quitte sa famille et va en fonder une autre sur son passage, puis se tire encore… » Elle haussa les épaules avant d’esquisser un petit sourire. « Si ça se trouve, d’ici quelques années, on aura encore un frère ou une sœur qui viendra nous rendre visite. » Seigneur, faites que non. Elle ignorait où avait pu atterrir leur paternel avec les années, mais elle espérait qu’il ait au moins eu la décence de se faire faire une vasectomie entre temps. Par rapport à Charleville, il était évident que ni elle, ni la blonde n’ait eu un coup de foudre immédiat pour les grands espaces verts qui peuplaient les environs. « Il parait que c’est à la mode, de se mettre au vert. » La brunette ne prit pas la peine de répondre, se contentant d’un autre haussement d’épaules avant de replonger ses lèvres dans son cocktail pour se donner contenance avant d’expliquer enfin ce qui semblait tant tracasser sa sœur : comment elle avait eu l’adresse du restaurant. Autant dire que le fait qu’elle fricote potentiellement avec des criminels n’arrangeait pas ses affaires, pour la simple et bonne raison que la blonde accordait du coup beaucoup plus d’importance au comment, plutôt qu’au pourquoi. Une personne lambda aurait avalé ses explications, y trouvant toute la logique dont elle aurait su faire preuve, avant de se concentrer sur ce nouveau membre de la famille. Sauf que pour Rachel-Lynn, le procédé était inversé et elle s’attardait sur des menus détails, donnant ainsi du fil à retordre à une Halsey qui devait en appeler à ses capacités d’improvisation au fur et à mesure de la discussion. C’était loin d’être gagné. Elle lui avoua donc avoir engagé un privé pour mener l’enquête, amenant ensuite le sujet sur l’interlocuteur qui avait été le sien lors de l’entrevue au restaurant, cherchant à sonder la blonde sur sa relation avec lui. Elle avait compris sans peine qu’ils étaient proches, mais dans quelle mesure, telle était la question. Son commentaire sur le physique du brun sembla faire tiquer sa sœur, qui camoufla son irritation par un sourire qui n’en était pas vraiment un. « Je sais. » Quelle actrice. Apriori, ce talent faisait donc partie des gênes Blackwell – non pas qu’elle en ait douté un jour, sa mère n’avait jamais montré un quelconque talent dans le domaine de toute façon. « Il a beaucoup d’humour aussi. Je m’attendais à te voir arriver en chaise roulante. » Elle haussa un sourcil amusé, balayant la blonde du regard de haut en bas en s’attardant sur les talons aiguilles qui démentaient une quelconque patte folle due à un accident ou une tentative de suicide, comme il avait tenté de lui faire avaler lors de leur entrevue quelques jours plus tôt. « Je suis ravie de voir que tu es en pleine forme d’ailleurs. Je suppose que tu ne t’occupes pas de la plonge au restaurant non plus ? » Ou alors ce job payait bien, très bien même. Son œil avisé sentait l’argent à des kilomètres, et sa sœur faisait à coup sûr partie d’une classe sociale supérieure à la moyenne de cette ville. « Arrête avec les yeux de biche. Ça marche peut-être sur les hommes, mais avec moi tu perds ton temps. Moi je préfère l’honnêteté. Et l’air de chaton perdu, ça te va mal poupée. » Dieu, que c’était vexant. Elle n’achetait pas la version éplorée de la sœur disparue, soit. Elle avait d’autres cordes à son arc. « Je suis pas venue ici pour attendrir qui que ce soit, tu voulais savoir pourquoi j’étais là et je te l’explique. Tu aurais préféré que je sois quelqu’un d’autre ? Une personne malintentionnée ? Désolée de te décevoir alors, ta sœur n’est qu’une simple assistante juridique décidée à retrouver le peu de famille qu’il lui reste. » Elle allait forcément se demander comment une assistante juridique pouvait se pavaner dans le luxe, mais ça aussi c’était facile à expliquer : l’art du divorce – au moins aussi important que l’art de la guerre de de cher Sun Tzu. « Si tant est que tu sois qui tu dis être, pourquoi maintenant ? T’as pas l’air d’être une grande sensible. J’ai du mal à croire que tu sois juste à la recherche de ta famille. » Elle s’intéressait tout de même au pourquoi finalement, ce qui prouvait qu’elle avait au moins ébranlé sa curiosité. Mais la traiter d’insensible, sérieusement. « J’ai perdu ma mère il y a peu et il faut croire qu’en vieillissant, on s’interroge sur ses origines. Mais je suis sûre que ton ami t’a déjà tout raconté. » En long, en large et en travers. « Je vois mal pour quelle autre raison je me serais embêtée à venir jusqu’ici. » Rachel-Lynn posa ses coudes sur la table, s’avançant d’un peu plus près tout en l’observant, sourire aux lèvres. « Et si t’as embauché un privé, je suppose que ça te dérangera pas de me donner son nom, si ? » Aoutch. Ça, c’était pas prévu par contre. Sans se laisser démonter, la brunette hocha la tête, lâchant le premier nom qui lui venait à l’esprit. « Pas du tout. Il s’appelle Ben Brosnans. Et son agence c’était… » Elle fit mine de réfléchir, parce que si elle laissait les informations sortir trop vite, ça aussi ça paraîtrait douteux. « All… quelque chose. Investigations ? A moins que ça ne soit Confidential. Je sais plus trop. » Elle se mordit la lèvre en continuant de se creuser les méninges alors qu’en fait, elle brouillait volontairement les pistes pour se gagner du temps. Une personne, c’était plus difficile à tracer qu’un nom d’agence. Et dans deux minutes, elle s’éclipserait aux toilettes pour sonner à Clyde, histoire qu’il alimente internet pour couvrir cette histoire et se faire lui-même passer pour B. Brosnans en chair et en os – elle espérait juste qu’il ne soit pas occupé à autre chose.

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Sa moue boudeuse, ses sourires, ses froncements de sourcils, il n’y a pas grand-chose qui ne me semble pas sonner étrangement faux chez cette fille. Faux, préparé, et destiné à quelque chose : m’attendrir ? Me faire m’apitoyer sur son sort de second enfant abandonné ? Se pourrait-il qu’elle ne mente pas et que tous ces trésors de conviction qu’elle déploie, elle le fasse dans le but que je baisse mes défenses, que je la laisse entrer ? Le fait est que j’ai assez de monde dans ma vie, je n’ai pas besoin de demie sœur louche qui se donne des airs de bonnes samaritaine. Je crois que si elle dit vrai, si elle est bien qui elle dit être, je préfèrerais malgré tout lui découvrir un objectif peu avouable, une tentative de m’utiliser d’une façon ou d’une autre qu’une gentille fille. Pitié, j’ai déjà un bon garçon comme frère, qui partage mon sang, je n’ai pas besoin d’avoir une seconde personne taillée dans le même bois dans mon entourage. « Y a pas grand-chose à cerner, c’est une histoire vieille comme le monde. Le type se lasse, quitte sa famille et va en fonder une autre sur son passage, puis se tire encore… » Je croise mes bras et l’observe sans ciller. « C’est l’histoire qu’ils t’ont racontée ? » Ma mère, c’est ça qu’elle a dit, qu’il s’était lassé ? On ne se lasse pas d’un endroit comme Charleville non, si mon père est comme le l’ai toujours imaginé – un peu comme moi – c’est n’est pas la lassitude qui l’a fait partir. C’est un besoin de partir urgent, irrépressible, le genre que l’on sent nous démanger, nous brûler sous la peau. Je ne me suis pas lassée de cet endroit, j’y ai toujours eu le sentiment d’y étouffer. Pendant dix-huit ans. Trois jours après mon anniversaire je mettais les voiles. « Si ça se trouve, d’ici quelques années, on aura encore un frère ou une sœur qui viendra nous rendre visite. » Toujours impassible, je lève un sourcil. « C’est une blague pour toi Halsey ? » C’est un jeu ?

Elle me parle d’Amos et ne m’apprend d’abord pas grand-chose. Je sais qu’elle lui a parlé au Club, il me l’a rapporté le soir même. Il s’est méfié d’elle comme je me méfie d’elle et il m’a dit l’avoir envoyé sur une fausse piste. Moi, je n’aime pas qu’elle reparle de lui, ni qu’elle le fasse en m’observant comme si elle cherchait à vérifier une théorie ou à en déterrer une. « Il a beaucoup d’humour aussi. Je m’attendais à te voir arriver en chaise roulante. » Un sourire amusé étire mes lèvres. Il est décidément plein d’imagination Voilà donc ce que c’était, l’envoyer sur une fausse piste. « Guérison miracle, les médecins n’en revenaient pas. » Le sujet Amos je me garde bien de revenir réellement dessus. Je ne sais pas à quoi elle joue, mais je n’aime pas ça et n’ai aucune envie de l’embarquer là-dedans. « Je suis ravie de voir que tu es en pleine forme d’ailleurs. Je suppose que tu ne t’occupes pas de la plonge au restaurant non plus ? » Je hausse les épaules. « Y’a pas de sous métiers non ? » Elle n’aura pas d’informations de ma part tant que j’aurais pas vérifié que son histoire à dormir debout tient la route. D’ici là si elle veut émettre des hypothèses, grand bien lui fasse. « C’est Raelyn. Pas Rachel-Lynn. » Qu’elle arrête avec cet horrible prénom qui me rappelle mon ancienne vie. Et ça, c’est l’unique information qu’elle obtiendra de moi ce soir, parce que je veux qu’elle arrête, parce qu’à chaque fois que je l’entends ce prénom j’ai l’impression de revivre ces années de chaleur aride étouffante de Charleville. « Je suis pas venue ici pour attendrir qui que ce soit, tu voulais savoir pourquoi j’étais là et je te l’explique. Tu aurais préféré que je sois quelqu’un d’autre ? Une personne malintentionnée ? Désolée de te décevoir alors, ta sœur n’est qu’une simple assistante juridique décidée à retrouver le peu de famille qu’il lui reste. » Oui j’aurais préféré, parce que ça, ça m’aurait parlé, j’aurais compris. Une assistante juridique donc ? Cette information là aussi je la note, parce que tout ce qu’elle prétend, je le vérifierai. « Une assistante juridique tu dis ? » Je l’observe de la tête au pied. Mouais, je savais pas que les jobs de bureau, ça payait aussi bien. « Rasoir. » Je me moque d’elle, légèrement en tout cas, parce qu’une part de moi a envie de la tester. « Et t’as quel âge au juste ? T’es née où ? » Non, je ne m’intéresse toujours pas, je teste toujours. « J’ai perdu ma mère il y a peu et il faut croire qu’en vieillissant, on s’interroge sur ses origines. Mais je suis sûre que ton ami t’a déjà tout raconté. Je vois mal pour quelle autre raison je me serais embêtée à venir jusqu’ici. » Je ne relève pas son allusion à mon ami. Elle répondra à toutes les questions que j’ai à lui poser moi, qu’elle ait déjà donné une version des faits à Amos ou pas. « Non, il a été distrait. Qui t’as dit que t’avais de la famille à Charleville ? » Je ne perds pas le nord, je lui fait répéter son histoire, parce que j’y cherche une faille, parce que je veux voir clair dans son jeu et que pour l’instant je ne sais pas quoi croire. Sa mère est morte soit, mais qu’est ce qui l’a poussé à aller chercher Liam et ma mère ? A-t-elle d’abord remonté la route de mon père ? Qui lui a dit qu’il avait eu une autre famille ? D’après ses dires, le privé est intervenu plus tard. « Pas du tout. Il s’appelle Ben Brosnans. Et son agence c’était… » Je note le nom dans un coin de mon esprit. « All… quelque chose. Investigations ? A moins que ça ne soit Confidential. Je sais plus trop. » Nul doute que je vérifierai l’info en sortant d’ici. Je l’observe un instant, tentant de me décider sur ce que je pense d’elle. Il y a définitivement quelque chose qui sonne faux, mais quoi ? « Bon et tout cas, t’as eu ce que tu voulais. Tu m’as rencontrée, on a fait connaissance, c’est bon ? » J’enroule mes doigts autour de mon verre pour en avaler quelques gorgées. C’est maintenant qu’elle me dit ce qu’elle attend de moi, normalement.

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Halsey conservait son calme, ne sortait pas de la ligne conductrice qu’elle s’était fixée et ce, en dépit du fait que son interlocutrice conservait cet air impassible destiné à lui montrer qu’elle n’en avait que faire de savoir qu’elle avait une sœur venue d’ailleurs. Au moins, c’était un fait certain que la corde sensible ne serait pas celle de la famille, et ça n’était pas si surprenant que ça finalement. Elle aussi avait été abandonnée par leur paternel et dans l’absolu, elle ne semblait avoir aucun point commun avec les deux autres membres de sa famille, que ça soit sa mère ou son frère. Etait-ce cette dichotomie qui l’avait poussée à vouloir prendre la tangente, à quitter cette vie pour s’en construire une autre bien à elle, en totale opposition avec celle qui avait été la sienne pendant toute son enfance et son adolescence ? Parce qu’à en croire l’air qu’elle affichait sur cette photo, elle n’était pas heureuse. Ou alors, elle avait passé une mauvaise journée, mais ça devait être à peu près le cas chaque jour passé dans cette bourgade minable. Son regard ne trompait pas, lui. Et en l’observant attentivement, elle constatait que désormais elle n’avait plus du tout affaire à la fille de la photo. « C’est l’histoire qu’ils t’ont racontée ? » Bras croisés, elle rebondissait une énième fois sur des détails insignifiants, comme si elle s’était mise en tête de remettre à peu près tout ce qu’elle dirait en question. Elle aurait fait un bon avocat, c’était certain. Le ton de sa question laissait entendre que cette théorie ne lui plaisait pas du tout, par conséquent ça aurait été une erreur que de prétendre avoir obtenu cette version de la bouche de Rose. Ca n’était de toute façon pas le cas. « Non, c’est moi qui l’ai déduis. Parce que c’est ce qu’il s’est passé pour nous. S’il s’est tiré pour une autre raison dans votre cas, c’est toujours ça de pris. » Elle se mordit la lèvre, contentant l’irritation qui était désormais la sienne en réalisant que, peut-être, les choses avaient été différentes à Charleville. Peut-être qu’il avait aimé Rose, et qu’il était parti à contrecœur en abandonnant ses enfants avec une boule au ventre, à l’instar de son départ de Perth qui lui, s’était fait sans regret. Une perspective qui alourdit un peu plus son sentiment de haine à l’égard de cet homme dont l’égoïsme semblait sans limite. Elle feignait beaucoup de choses, mais tout ce qui touchait à Jeremiah Blackwell demeurait une plaie béante qui ne se refermerait sans doute jamais. Désireuse de sonder les capacités de second degré de la blonde, Halsey amorça une tentative d’humour qui se solda par un « C’est une blague pour toi Halsey ? » assez sec qui lui indiqua que non, la dérision ne ferait pas partie de leur échange de ce soir. La brune haussa les épaules, plongeant ses lèvres dans son verre sans quitter la jeune femme des yeux. « J’aurais préféré. » Si elle préférait continuer sur ce ton, alors il en serait ainsi. Il était désormais évident que ce qui l’inquiétait le plus dans cette histoire n’était pas leur lien de parenté, mais bien les raisons qui l’avait poussée à venir jusqu’à Brisbane la rencontrer. Il était également évident que ça, Halsey n’allait pas le lui avouer de si tôt, préférant continuer à jouer la carte de la sœur cherchant à renouer avec sa famille retrouvée. Elle finirait par l’accepter si cela demeurait la seule version qu’elle aurait à se mettre sous la dent.
Le sujet dériva ensuite sur l’homme qui avait fait office d’intermédiaire entre elles et la brunette en profita pour tenter de déceler l’envers de leur relation, l’inavoué qui pourtant lui avait sauté aux yeux en observant le brun sourire en voyant la jeune femme de la photo avec une tendresse infinie dans les yeux. Ces détails-là n’échappaient pas à la brune, même lorsqu’on s’efforçait de les lui cacher. Elle expliqua brièvement à Rachel-Lynn ce à quoi elle s’était attendue, à savoir une sœur infirme qui se déplaçait potentiellement en chaise roulante. Dire qu’elle y avait accordé une quelconque importance aurait cependant été un mensonge éhonté, tout simplement parce qu’elle lui avait donné rendez-vous sur un rooftop – comment ça, un manque de sensibilité ? Cette information arracha un sourire amusé à la blonde, dénotant ainsi d’une complicité certaine entre elle et lui. « Guérison miracle, les médecins n’en revenaient pas. » Halsey se fendit d’un sourire à son tour, amusée malgré elle par l’ironie dont sa sœur se servait comme d’une arme. Elle connaissait. « J’imagine. » Rétorqua-t-elle sans se départir de son sourire, laissant ainsi sa crédulité factice s’envoler avec le soi-disant handicap de Rachel-Lynn. « Y’a pas de sous métiers non ? » Rétorqua ensuite la blonde alors que la jeune femme s’avançait sur le fait qu’elle n’évoluait sans doute pas dans les cuisines du restaurant, comme le lui avait une nouvelle fois fait croire le brun. Une question induisant une autre question, autant dire que la blonde savait comment se dérober. « En effet. » Se contenta-t-elle de répondre, jouant la sécurité sans se laisser davantage démonter par le bras de fer insidieux qui se jouait désormais entre elles, à l’image de la conversation qu’elle avait déjà eue avec le brun quelques jours auparavant. « C’est Raelyn. Pas Rachel-Lynn. » Voilà déjà un élément d’information qui expliquait les paroles étranges de l’homme du restaurant, qui avait dit la connaître mais « pas comme ça. » Elle avait donc changé de prénom, ou plutôt, raccourci subtilement le sien pour obtenir un savant mélange des deux. Subtil. « Je préfère. » Lança-t-elle dans un élan d’honnêteté, s’armant d’un petit sourire qu’elle perdit rapidement lorsqu’elle se lança dans une tirade destinée à couper court au jeu de provocation qu’avait initié Raelyn. « Une assistante juridique tu dis ? Rasoir. » Sur ce coup-là, elle ne pouvait qu’être d’accord avec elle. Ceci étant dit, elle se surprenait à apprécier la tranquillité de ce travail qui lui permettait d’évoluer dans le milieu sans être constamment anxieuse à l’idée de dire ou de faire un pas de travers. Et puis, l’étude du droit lui avait énormément appris, tout comme d’être en contact avec des avocats. « Ca dépend du point de vue, je suppose. » Lança-t-elle une nouvelle fois sans se démonter, ayant déjà compris qu’il s’agissait là de la technique de la blonde pour désarçonner ses interlocuteurs. La défense par l’attaque. « Et t’as quel âge au juste ? T’es née où ? » Seigneur, tout cet intérêt pour sa personne. « Trente ans. Et je suis née à Sydney. » Dans cette ville où elle n’avait en vérité jamais mis les pieds mais où un tas d’informations sur sa vie factice étaient disponibles si elle le voulait. Elle s’expliqua une nouvelle fois mais s’abstint de revenir sur tous les détails, arguant que l’ami de Raelyn lui avait probablement déjà tout raconté. Mais cette réponse ne sembla pas au goût de la blonde qui rétorqua un « Non, il a été distrait. Qui t’as dit que t’avais de la famille à Charleville ? » qui arracha presque un soupir à la brunette qui commençait doucement à penser qu’un deuxième cocktail ne serait pas de trop. « Personne ne m’a rien dit. Je savais qu’il venait de là, parce qu’il l’avait dit à ma mère. Ensuite j’ai cherché à en apprendre davantage sur lui, et comme c’est une petite ville, ça m’a rapidement mené chez Rose et Liam. Ma mère pensait effectivement qu’il y avait une possibilité, mais je n’aurais jamais cru réellement tomber sur des membres de ma famille là-bas. » Elle répétait, paraphrasait ce qui était une demi-vérité, à la seule différence que cette promenade à Charleville était due à Clyde et non pas à son propre désir d’apprendre quoique ce soit. Vint ensuite la question du privé, et si Halsey ne se démonta pas, son esprit n’en resta pas moins en ébullition à l’idée de devoir étayer ses propos d’une façon ou l’autre avant que Raelyn ne quitte le bar et ne se lance dans des recherches effectives. « Bon et tout cas, t’as eu ce que tu voulais. Tu m’as rencontrée, on a fait connaissance, c’est bon ? » La blonde plongea à son tour ses lèvres dans son verre tandis qu’Halsey faisait un geste au serveur signifiant qu’il pouvait lui amener la même chose. « C’est pas vraiment ce que j’appellerais faire connaissance. » Lança-t-elle en plissant ses lèvres, jouant avec son verre presque vide avant de relever le nez vers Raelyn. « Pour l’instant je sais que t’as changé de prénom et qu’il y a un homme là-bas qui tient énormément à toi. Je dirais qu’on a connu mieux comme débuts, t’es pas très loquace… » Elle se laissa retomber sur le dossier de sa chaise, haussant un sourcil dans sa direction.

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Je n’arrive pas à savoir si elle tendre de m’attendrir en me confiant des choses sur notre père, soit disant en tout cas. S’imagine-t-elle que je vais la prendre en pitié parce qu’il l’a laissée elle aussi ? Je ne pourrais pas moins me soucier qu’après être parti il ait eu une autre fille, ou même cinquante pour ce que ça vaut. Je me fiche de ce qu’il est devenu, je ne sais pas pour Halsey, si au moins il s’agit de son véritable prénom, mais je n’ai jamais eu de Daddy issues suite au départ de mon père pour de plus verts pâturages. Elle prétend être à la recherche de son identité ? J’ai construit la mienne sans avoir eu besoin de connaître mon géniteur, et sans souhaite continuer à fréquenter le reste de ma famille. Cela peut sembler insensible, mais nous avons toujours été simplement trop différents. Et celle fille ? Est-elle taillée dans le même bois que Liam ou bien est-ce à moi qu’elle ressemble plus ? Pour l’instant il est trop tôt pour le dire, même si elle cherche à se faire passer pour une bonne samaritaine. « Non, c’est moi qui l’ai déduis. Parce que c’est ce qu’il s’est passé pour nous. S’il s’est tiré pour une autre raison dans votre cas, c’est toujours ça de pris. » Je l’observe sans trop savoir quoi penser de ça. Ce ne serait pas surprenant qu’il ait reproduit le même schéma avec sa seconde petite famille, Liam est peut-être le seul enfant qui a un tant soit peu intéressé Liam Blackwell. Je suis surprise en revanche, qu’elle n’ait pas déjà eu le droit à la petite histoire larmoyante de l’abandon paternel de la part de Liam. « Si tu veux un petit résumé, t’auras qu’à demander à ton frère. » Si elle le veut, je le lui laisse.

Je n’aime pas la désinvolture avec laquelle elle aborde tout ça, pas parce que son histoire me touche mais parce que je suis trop sur la défensive pour arriver à me dérider. « J’aurais préféré. » J’ai bien l’intention de faire vérifier toutes les salades qu’elle a essayé de me servir de toute façon. Elle arrive contre toute attente à me tirer un sourire amusé lorsqu’elle parle d’Amos, et de la petite histoire dramatique qu’il lui a servie. Je suis touchée au fond qu’il ait eu ma protection tant à coeur, et je m’en veux presque d’avoir insinué qu’il ait pu fouiller mon passé. « J’imagine. » « La guérison reste lente et j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, hésite pas à allumer un cierge pour moi. » Le ton est sarcastique, je parie que je suis loin de la soeur qu’elle rêvait, la petite Halsey, hein ? Je ne déments pas mon job de serveuse pour le restaurant que mon amant lui a vendu, mais on sait toutes les deux que ce n’est pas la façon dont je gagne ma vie, et je lui offre une information, certainement la seule qu’elle obtiendra ce soir : mon prénom. Je n’ai aucune envie qu’elle parcourt la vie et retourne fouiner au Club à la recherche de Rachel-Lynn. Je lui pose des questions, mais je doute qu’elle mentira à ce sujet : son métier, son âge, ce sont des informations facile à vérifier, elle serait idiote de se décrédibiliser si vite. Ma supposée soeur occupe donc ses journée dans un bureau ? C’est presque décevant. « Ca dépend du point de vue, je suppose. » Je lève un sourcil. « Ah parce que y’a des gens que ça fait vibrer comme boulot ? » J’ignore ce à quoi elle passe ses journées, mais si elle dit la vérité cela ne doit rien avoir de passionnant. « Tu bosses pour qui ? » Encore une fois ma question est intéressée, c’est un petit test que je lui fait passer, pas une tentative de reconnexion à haut potentiel émotions. « Trente ans. Et je suis née à Sydney. » Trente ans, née à Sydney. Est-ce là bas que Jeremiah est parti terminé ses vieux jours ? Possible, mais cela peut aussi être le premier bobard qui lui a traversé l’esprit. « Personne ne m’a rien dit. Je savais qu’il venait de là, parce qu’il l’avait dit à ma mère. Ensuite j’ai cherché à en apprendre davantage sur lui, et comme c’est une petite ville, ça m’a rapidement mené chez Rose et Liam. Ma mère pensait effectivement qu’il y avait une possibilité, mais je n’aurais jamais cru réellement tomber sur des membres de ma famille là-bas. » Je tique en revanche devant cet argumentaire. De ce que je sait de mon père il n’a pas l’air du genre à se vanter à avoir vécu dans un coin comme ça, et je l’imaginais jusqu’ici trop intelligent - il fallait bien quelqu’un qui le soit - pour dévoiler le nom d’une ville où il était possible de retrouver son ancienne famille abandonnée sans le moindre remord. « Il a raconté qu’il venait de là bas ? » Je suis perplexe, et je n’essaie même pas de le cacher. Cela m’arrange de voir comment elle réagira face à l’obstacle que ma méfiance représente. Blackwell ou pas Blackwell, j’ai besoin de savoir de quoi cette fille est faite. « C’est pas vraiment ce que j’appellerais faire connaissance. Pour l’instant je sais que t’as changé de prénom et qu’il y a un homme là-bas qui tient énormément à toi. Je dirais qu’on a connu mieux comme débuts, t’es pas très loquace… » Elle a l’air déçue, elle fait en tout cas tout pour que je la pense profondément déçue. « Tu t’attendais à quoi ? A ce qu’on s’organise une soirée pyjama et qu’on se tresse les cheveux devant Sex and the City ou Le journal de Briget Jones ? » Il y a un homme là-bas qui tient énormément à toi. Je ne dis rien, je ne nie pas, ce serait pire que tout et montrerait qu’elle a mis le doigt sur quelque chose. Je connais cette technique petite Halsey, elle est vieille comme le monde. « Je vais être honnête avec toi. » A mon tour je m’appuie contre le dossier de ma chaise, les doigts toujours posés sur la table. « J’ai du mal à croire à tes salades. Encore moins à me dire que tes intentions sont louables. » Je marque une pause. « Y’a quelque chose qui sonne faux chez toi. » Surtout pour quelqu’un d’aussi méfiant que moi. Je ne le rajoute pas, mais je compte bien découvrir de quoi il s’agit…

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La conversation continuait sur la même ligne directrice et prenait d’ailleurs des allures d’interrogatoire auxquelles Halsey ne s’était pas vraiment attendue, pas à ce point du moins. Il était évident que Raelyn allait lui poser des questions – comme toute personne normalement constituée ayant découvert qu’elle avait une sœur après trente ans – mais de là à se la jouer fliquette de bas-étage, il y avait un pas. La brune aurait cependant dû s’en douter ; les affaires dans lesquelles semblaient tremper la blonde avaient forcément de quoi la rendre tendue à l’idée que quelqu’un d’étranger débarque dans sa vie, ça tombait sous le sens. « Si tu veux un petit résumé, t’auras qu’à demander à ton frère. » Comment dire. Ce bouseux lui avait fait de la peine et heureusement qu’elle ne s’était pas arrêtée à lui, sans quoi elle n’aurait même pas pris la peine de se déplacer jusque Brisbane pour découvrir à quoi pouvait bien ressembler la Rachel-Lynn d’aujourd’hui. Une chose était certaine, la jeune femme ne regrettait pas le voyage, persuadée d’avoir mis le doigt sur quelque chose de bien plus intéressant qu’une simple sœur avec qui partager… quoi exactement ? Ce n’était pas comme si elle allait lui confier ce qu’elle faisait réellement de sa vie, Halsey ne perdait pas l’objectif de vue ; en apprendre assez pour pouvoir s’en servir contre elle d’une façon ou d’une autre. « J’ai eu l’occasion de discuter avec lui, j’ai eu mon compte. » Lança-t-elle en haussant les épaules, sachant pertinemment que de parler négativement de Liam n’aurait aucun impact sur Raelyn. Elle avait quitté sa ville natale sans se retourner ni donner le moindre signe de vie à qui que ce soit, ce qui poussait la brunette à croire qu’elle n’en avait pas grand-chose à faire de son précieux frère. « La guérison reste lente et j’ai encore beaucoup de chemin à parcourir, hésite pas à allumer un cierge pour moi. » Halsey se fendit d’un sourire en entendant le sarcasme percer dans la voix de la blonde, amusée malgré elle de cette histoire montée de toute pièce que son ami lui avait vendue avec un air profondément attristé et sur laquelle Raelyn rebondissait sans hésitation. La complicité qui régnait entre eux était indéniable, même si la blonde semblait se donner du mal pour rester détachée à son sujet. « Je n’y manquerai pas, promis. » Lança-t-elle d’un ton entendu, comme si cela allait de soi. Qu’est ce qu’on ne ferait pas pour sa famille, hein ? La jeune femme attaqua ensuite sur un autre sujet, lui demandant ce qu’elle faisait dans sa vie et la brune se plia au jeu en lui expliquant brièvement son activité d’assistante juridique. Difficile à croire si l’on savait ce à quoi elle s’adonnait sur son temps libre, mais ce n’était pas pour rien qu’elle avait choisi cette voie professionnelle ; pour être au-dessus de tout soupçon. La blonde continuait de froncer du nez et de tenter de la décrédibiliser, mais Halsey était relativement à l’aise dans ce genre de discussions un brin incommodantes ; elle pouvait continuer tant qu’elle le voulait, elle ne parviendrait pas à la percer à jour. « Ah parce que y’a des gens que ça fait vibrer comme boulot ? Tu bosses pour qui ? » Seigneur, c’est qu’elle avait presque l’air intéressée par la vie de sa petite sœur. « Évidemment, c’est passionnant le droit. » Et là-dessus, elle ne mentait pas, même si elle ne voyait probablement pas les dessous de ce métier de la même façon que les autres. « Pour l’instant, je suis en recherche d’emploi. » Ce qui était vrai, dans la mesure où elle était partie sans préavis de Perth pour poursuivre une chimère ; l’argent n’était pas vraiment un problème en soi. La seule interrogation résidait dans le fait de rester ou non à Brisbane, mais pour l’heure ce n’était pas vraiment dans ses plans. Tout dépendrait de la suite des évènements. Elle lui raconta ensuite comment elle était parvenue à remonter la piste jusqu’à Charleville, ce qui décrocha un air surpris sur le visage si brillamment impassible de Raelyn. « Il a raconté qu’il venait de là bas ? » Heureusement que ce pan de son histoire était vrai, sans quoi elle aurait probablement été un rien désarçonnée par la réaction de la blonde. Mais cela relevait sans doute de sa propre honte vis-à-vis de cette bourgade et de son ancienne vie, cela se voyait comme le nez au milieu de visage qu’elle avait profondément rejeté tout ce qui touchait de près ou de loin à Charleville. Même sa famille. « Apparemment, je n’étais pas dans la pièce quand il a évoqué ce détail. » Elle haussa une nouvelle fois ses épaules, lassée que Raelyn s’attarde sur de tels menus détails. Elle avait envie de passer à autre chose, et enfin, la blonde lui tendit la perche en amorçant la conclusion de cet entretien qui venait pourtant tout juste de commencer aux yeux de la brune, même si elle ne pouvait sans doute pas espérer en obtenir davantage tant que la jeune femme n’aurait pas été vérifier une partie de son histoire. « Tu t’attendais à quoi ? A ce qu’on s’organise une soirée pyjama et qu’on se tresse les cheveux devant Sex and the City ou Le journal de Briget Jones ? » Tout mais pas ça, pitié. « Je vais être honnête avec toi. J’ai du mal à croire à tes salades. Encore moins à me dire que tes intentions sont louables. Y’a quelque chose qui sonne faux chez toi. » Halsey plongea ses lèvres dans son verre, sans lâcher la blonde des yeux. Elle n’était pas vraiment inquiète, cette méfiance était partiellement normale, surtout lorsqu’on avait des choses à se reprocher ; elle savait ce que c’était. « Je ne vais pas dire que je ne comprends pas que tu aies des doutes à mon sujet, j’en aurais aussi si j’étais à ta place. Mais je t’ai dit la vérité, et je suis un peu vexée que tu me prêtes des intentions « peu louables » comme tu le dis si bien. Si c’est ainsi que tu traites les membres de ta famille, je ne suis pas vraiment étonnée que tu sois ici et eux là-bas. » Elle haussa un sourcil avant de reposer son verre, penchant légèrement la tête sur le côté. « Au moins, tu sais que j’existe. Si l’envie t’en prends, je suis encore en ville pour quelques temps. » Elle lui adressa un petit sourire franc, sortant quelques billets de son sac pour payer leurs consommations ; c’était la moindre des choses – pour les apparences en tout cas.

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« J’ai eu l’occasion de discuter avec lui, j’ai eu mon compte. » Alors comme ça Hasey, notre nouvelle petite soeur n’a pas apprécié l'aînée de la fratrie ? Pourtant, nul doute qu’à lui son air innocent et angélique lui a plu, je doute qu’elle ait charmé ma mère mais elle a sans nul doute ce qu’il faut pour mettre mon idiot de frère dans sa poche. Avec moi, la mayonnaise ne prend pas. J’ai du mal à savoir ce qui cloche chez elle, j’ai du mal à savoir si je lui fais la moindre confiance ou si elle n’est à mes yeux qu’une arnaqueuse tentant de se faire passer pour ce qu’elle n’est pas, mais une chose est sûre, elle n’est pas là juste pour le plaisir de me découvrir et de savoir si j’ai réussi dans la vie. Elle n’avait pas l’air plus surprise que ça de me voir arriver sur mes deux jambes et perchée sur des stilettos et cela ne peut vouloir dire qu’une seule chose : elle a flairé le mensonge dans les paroles d’Amos, elle s’est certainement renseignée sur moi et ça ça me déplait au plus au point. « Je n’y manquerai pas, promis. » « C’est la paralysie qui était de trop ou la mort de mon petit ami dans l’accident ? Non, laisse moi deviner, la prothèse ou la tentative de suicide ? » Il n’a pas cherché à être subtil mon amant, et moi il m’a fait rire lorsqu’il m’a tout raconté de sa rencontre, je dois bien lui reconnaître ça.

J’ai du mal aussi à croire que la jeune femme que j’ai en face de moi soit capable de se contenter d’une vie de gratte papier derrière un bureau. « Évidemment, c’est passionnant le droit. » « Passionnant. » Autrement dit : je n’en crois pas un mot. Halsey ou quel que soit ton prénom, je vais découvrir ce que tu me caches. « Pour l’instant, je suis en recherche d’emploi. » « J’ai rien à t’offrir. A moins que tu veuilles faire la plonge. » Je me penche légèrement en avant pour lui offrir un sourire qui dévoile mes dents. « Sinon tu te doutes que je t’aurais aidée. Solidarité familiale, tout ça tout ça. » Comme si j’en avais jamais eu la moindre chose à foutre.

Et je teste, j’ai besoin de tester son histoire parce que mes tripes me hurlent que je ne serai pas satisfaite si je sors d’ici sans trouver pourquoi j’ai un tel pressentiment à son sujet. Il y a des choses qui parlent d’elles même. Elle est trop sûre d’elle pour jouer le rôle de la demoiselle à la recherche de son identité. Trop bien habillée pour bosser dans un bureau. Peut-être qu’elle connaît les textes de loi sur les doigts de la main, moi mon super pouvoir c’est d’être capable de donner le prix d’une paire de chaussure en posant les yeux dessus. « Apparemment, je n’étais pas dans la pièce quand il a évoqué ce détail. » Je porte mon verre à mes lèvres et me contente d’une réponse laconique. « Pratique. » Pourquoi aurait-il parlé de Charleville, pourquoi aurait-il prise le risque que son vilain petit secret, nous, soit découvert ? « Je ne vais pas dire que je ne comprends pas que tu aies des doutes à mon sujet, j’en aurais aussi si j’étais à ta place. Mais je t’ai dit la vérité, et je suis un peu vexée que tu me prêtes des intentions « peu louables » comme tu le dis si bien. Si c’est ainsi que tu traites les membres de ta famille, je ne suis pas vraiment étonnée que tu sois ici et eux là-bas. » Elle pense me blesser ? Elle fait fausse route. Le sentiment que je ressens à l’idée d’être ici et eux là-bas c’est de la fierté, rien de plus. « Merci. » Je soutiens son regard un instant avant de lâcher mon verre, que je viens de terminer, et de m’appuyer contre le dossier de ma chaise. J’en ai pas fini avec toi Halsey. J’ai bien l’intention de tenter d’en savoir plus sur elle, jusqu’ici elle m’a devancée et je n’aime pas le goût amer que cela me laisser dans le fond de la gorge. Lors de notre prochaine rencontre - elle a l’air trop déterminée pour qu’il n’y en ait pas - je serais mieux préparée et j’aurais les cartes en main. « Au moins, tu sais que j’existe. Si l’envie t’en prends, je suis encore en ville pour quelques temps. » Je hoche la tête. « On va se revoir. » Malheureusement. J’ai du mal à croire qu’elle ait fait tout ce chemin pour accepter ma méfiance en simple réponse. Et quand je me lève, quand je parcours en sens inverse le chemin que j'ai emprunté pour venir la rejoindre à table, j'ai la désagréable impression qu'elle détaille chacun de mes gestes et de mes mouvements.

RP terminé

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