Je n’ai jamais pris autant de temps, avec personne. Aujourd’hui pourtant ça semble naturel et il en aurait été de même s’il ne s’agissait pas de sa première fois. On n’a pas besoin de brusquer quoi que ce soit et bien au contraire. On a la soirée, on a le voyage tout entier pour nous. On a tout le temps du monde, assez pour qu’elle en vienne à écraser sous son dos toutes les céréales qu’elle a un jour laissées tomber dans mon lit, le ‘je te l’avais dit’ que je retiens d’un sourire amusé.

Les lignes de son corps se dessinent les unes à la suite des autres, maintenant qu’elle n’est plus cachée par une infinité de couches de vêtements. Mes doigts suivent le tracé de ses clavicules, de son sternum, de chacune de ses côtes ensuite, suivies par mes lèvres et toute la douceur dont je sois capable. Je la laisse remonter la couverture si elle se sent plus à l’aise ainsi, tarde une seconde de plus à basculer par dessus elle alors que le temps ne nous est en rien compté. Mon visage remonte à hauteur du sien pour l’embrasser de nouveau, tant par envie que par égoïste besoin. « Auden, attends. » Et le monde se fige un instant alors que je suis con et que je me repasse mentalement le déroulé de la scène pour savoir à quel moment exactement j’ai merdé, à quel moment elle a pu avoir mal, à quel moment j’ai grillé une étape, à quel moment elle ne s’est pas sentie totalement à l’aise ou même en sécurité. Mes yeux dans les siens attendent le verdict final, mon souffle ne reprend qu’au moment où sa paume vient trouver ma joue. « Vas-y doucement. Je sais que tu vas faire attention, je sais, mais juste, si tu pouvais genre vraiment être doux et je - non, non, oublie, j’arrête, je parle trop ; tu sais quoi faire, tu as déjà et moi j’ai jamais et - . » Oh, Ginny. A son rire gêné se mêle le mien, rassuré. Je n’aurais jamais cru faire ça un jour mais c’est bel et bien un baiser qui vient la rassurer alors que je tente au mieux de ne pas trop la surplomber, de ne pas trop l’étouffer non plus. Elle n’avait jamais embrassé personne il y a quelques minutes à peine mais c’est déjà devenu naturel entre nous, tout comme elle ne semble plus gênée d’avoir laissé entrevoir non plus une épaule dénudée mais bel et bien son corps tout entier. « Tout va bien se passer. Je te le promets. » Mes lèvres quittent les siens, dérivent jusqu’à son lobe d’oreille alors que je m’amuse à perdre mon souffle contre sa nuque. « Sauf si tu continues de me coller avec tes pieds gelés et là je ne réponds plus de rien. » Elle n’a qu’à rigoler pour si peu et ça comptera comme si j’avais tout gagné, ce soir.

J’ai besoin de la mettre en confiance autant qu’elle a besoin d’être rassurée mais cela ne veut pas pour autant dire qu’on doit le faire de manière cérémonieuse, ce qui ne nous ressemblerait absolument pas. Je préfère la voir sourire, la McGrath, ça lui correspond bien mieux. « Okay, je suis prête. » J’hoche la tête une ultime fois et revient poser mon visage face au sien, mes yeux ne se dérobant jamais des siens alors que je sens que c'est le bon moment pour lui faire part du fond de ma pensée. « T'es belle. » J'assure sans trop en faire, une main posée près de sa nuque et mon attention toute entière posée sur elle seulement et pas sur les rires de Suzie qu'on distingue à l'extérieur. Elle sait très bien quand je mens tout comme elle sait quand ce n'est pas le cas. Elle saura aussi que je ne dis pas ça parce qu'elle est nue, que je ne dis pas ça parce que j'ai envie d'aller au bout des choses avec elle. J'aurais pu lui dire n'importe quand et mes mots auraient toujours fait sens ; sauf qu'on aurait été exposé et que quand c'est le cas il y a nos mille barrières qui vont avec. Ce soir plus aucune n'existe et j'en profite, parce que dès qu'elle aura passé le bas de la porte on oubliera tout. Mes lèvres se posent une ultime fois sur les siennes, chastes au possible, avant que je ne me perde sous la couette. Sa culotte finit à son tour au sol, mes bras s’enroulent autour de ses cuisses pour que mes mains finissent par se poser au niveau de ses hanches et les caressent doucement. Ils trouvent encore les vestiges de quelques céréales oubliées à la base de son dos et j’en rigole intérieurement, mes lèvres trop occupées au niveau de son intimité pour trouver le temps d’émettre quelconques reproches. Ma langue s’y mêle, mes doigts se détachent de sa peau pour venir trouver ses mains et les serrer doucement de manière à ce que je sois au mieux présent pour elle.

Je finis inévitablement par ressortir de dessous les draps, me place à côté de l'artiste avant de la faire basculer par dessus moi - sans lui notifier qu’elle m’écrase le ventre et que je vais mourir d’ici à cinq minutes, c’est sûr et certain. Elle sait que dans aucun de mes récits personne ne me surplombait jamais, mais sans doute ne sait-elle pas encore à quel point elle sera l’exception à absolument tout dans ma vie. Mon bras s’étend, attrape un préservatif, s’assure de repousser un peu à plus tard (à jamais si possible) l’éventualité d’un papa Auden. « À ton rythme. » J'assure, la laisse prendre en main la suite des événements tout en gardant néanmoins mes mains posées sur ses cuisses comme une promesse silencieuse que je resterai là pour elle.

Il me laisse parler et il me laisse en rajouter et il me laisse tout faire Auden, quand il finit par attendre que je me taise moi-même pour entrecouper mon rire du sien. Il y ajoute un baiser volé, énième d’une longue liste qui, il y a une poignée de secondes encore, ne tenait qu’à mes fabulations d’adolescente amourachée d’impossible. « Tout va bien se passer. Je te le promets. » sa voix est douce, son souffle glisse sur ma peau, ses doigts ont trouvé les miens, mes yeux lâcheront jamais les siens. « Je sais. » ça sonne vrai, et ça l’est j’en doute absolument pas. Il en dit des choses fausses dans une journée, il ment comme il respire et effrontément et à tout le monde, je l’ai vu faire des dizaines de fois suffisamment pour savoir quand justement il alterne la réalité. Pourtant, il a aucun des signaux, il a aucune des mimiques, son visage, son coup d’oeil, même son sourire se multiplient entre eux pour me le confirmer. Tout va bien se passer. Je te le promets. Je sais. « Sauf si tu continues de me coller avec tes pieds gelés et là je ne réponds plus de rien. »

« T’avais qu’à me laisser emprunter tes chaussettes aussi. » son hoodie qui est bien plus à moi qu’à lui n’est qu’un des milliers d’items que je lui pique un peu trop souvent pour que ça n’en devienne pas une habitude. Il étouffe un rire contre ma peau, je laisse le mien remonter à ses oreilles alors que mes orteils relancent la malice de bac à sable en pinçant le rebord de son jeans, en grattant ses mollets une fois son pantalon retiré. Je me rattache à ses soupirs comme à ses sourires, je me rattache aux bribes de blagues nulles et de reproches qu’il m’offre comme autant de pistes de confiance, comme autant d’éléments avec lesquels je suis à l’aise dans une situation où de base, je ne l’aurais jamais été. Il sait faire ça Auden, il sait flirter avec le pire comme avec le meilleur de moi, il sait me pousser dans mes retranchements aussi bien que me rattraper à la dernière seconde. Jamais je ne tombe sans qu’il soit là autant pour le provoquer que pour l’empêcher.

« T'es belle. »

Et il fait exprès de tout ralentir et de tout arrêter complètement, et de respirer, et de bouger du moindre centimètre. Il fait exprès de ne faire aucun autre bruit, de n'ajouter aucune autre bêtise, de ne pas brouiller les signaux quand j'ai absolument rien à utiliser comme moyen de défense pour me distraire. Y'a pas les voix des professeurs à l'avant de la classe auxquelles me raccrocher quand ses doigts s'égarent trop longtemps sur les miens pendant une énième guerre d'échange de carnets, y'a pas l'alarme de début de cours qui coupent les élans dont on parlera jamais dans la salle, la nôtre. Y'a que ses yeux dans les miens et sa paume sur ma peau et son souffle contre le mien et rien ne pourra me l'enlever ça, rien ne pourra me le faire l'oublier ça, jamais.  

Ses lèvres s’égarent, elles éparpillent des baisers sur ma peau, elles tracent un chemin qui brûle autant qu’il calme, sa respiration à laquelle je me suis habituée dans une chambre où chaque sensation est maintenant décuplée. Ses paumes empêchent mon corps de paniquer, il m’empêche d’arrêter d’inspirer quand il s’applique à calmer tout ce qu’il peut, à ralentir tout ce que je veux. Et ses doigts, ses doigts que j’enlace des miens, ses doigts que je garde au plus près quand il m’embrasse là, juste là, et quand ses cheveux chatouillent mes cuisses et quand je sens un soupir mille fois plus doux, mille fois plus beau se casser sur ma langue. « À ton rythme. »

Chaque étape est calculée, chaque geste est mémorisé, il s’assure de me rassurer même quand il n’en a plus besoin, ses iris que je sens passer sur chacune des parcelles de ma peau. « Regarde pas. » ma paume vient se poser le plus délicatement du monde sur ses yeux, mes joues rougies qui ne le sont que plus lorsque je viens perdre mes lèvres sur les siennes une ultime fois, parce que j’en ai le droit, parce que j’en ai envie, parce que c’est naturel, parce que c’est lui. L’instant d’après, ce n’est pas que lui, ce n’est pas que moi, c’est nous, un tout.

Je prends le temps d’analyser chaque sensation nouvelle au fur et à mesure que je me redresse, je prends le temps d’apprivoiser chaque geste, même les plus infimes. Tout prend beaucoup trop de temps, tout est si lent, de ma respiration à mon bassin qui se cale contre le sien, se calque à lui comme il s’est lové à moi. Je sais qu’il ne me brusquera pas, je sais qu’il ne pressera rien, ni maintenant ni jamais, quand j’en oublie ma main sur ses paupières, ma main censée l’empêcher de voir à quel point toutes mes réactions ne sont que plus naturelles, plus instinctives que jamais avant dans ma vie.

Ma main qui dévie vers la sienne, les deux au final, qui se mêlent à ses doigts, et ma respiration qui s’arrime à celle d’Auden, quand rien ne fait mal. Quand rien n’est difficile, quand tout est parfaitement imparfait, quand ma silhouette se confond à la sienne. Il y a des mots qui se logent dans ma gorge, il y a des mots et des questions et des excuses et des raisons qui remontent mais que je noie d’un nouveau baiser, le premier que je m’autorise alors qu’on ne fait qu’un, alors que je m’étais promis en silence de garder le tout le plus loin possible de potentiels sentiments, d’émotions à nier pour toujours, enfouies. Le baiser qui se fait plus insistant quand la chaleur de son torse réchauffe la froideur de ma peau, quand c’est avidement, égoïstement sa proximité et rien que ça que je recherche, même si je suis plus proche de lui que je ne l’ai jamais été de qui que ce soit.

« Regarde pas. » J’étais prêt à trouver une excuse de merde rien que pour râler un peu plus mais ses lèvres sur les miennes m’en empêchent. La seconde qui s’ensuit c’est un autre type de râle que je laisse échapper faiblement, désormais aveugle. Mes yeux restent fermés quoi qu’il en soit, mes autres sens prenant désormais le dessus. Sur ses cuisses, mes paumes suivent les mouvements nouveaux de son corps alors que je ne trouve plus aucune connerie à lui dire. « Si tu parlais de l’épi dans tes cheveux, je suis désolé ça fait des heures que je ne vois que ça. » Aucune connerie, ou presque. Parce qu’elle est belle et qu’elle ne le sait pas, parce qu’elle n’a rien dont elle devrait vouloir se cacher et qu’elle ne le sait pas non plus.

Quand sa paume glisse, mes yeux s’ouvrent de nouveau. Ils l’observent, l’admirent, remarquent son torse se gonfler d’air, sentent ses muscles se bander et ses doigts s’enfoncer dans les miens. Ils voient sa peau se parsemer de chair de poule sans que cela ne puisse être mis sur le compte du froid. Mes yeux cherchent les siens tel un point d’ancrage et s’ils ne les trouvent pas, je n’ai qu’à rejeter la faute sur l’obscurité ambiante de la pièce. Ce sont nos respirations sonores qui occupent désormais tout l’espace alors que nos doigts finissent toujours par se retrouver et qu’à son ultime baiser précédent s’en ajoute maintenant un de plus. Un de plus que j’espère être le précédent d’un autre, une fois nos lèvres de nouveau séparées. Mais elle s’accroche, la gamine, elle prolonge l’instant et j’en fais de même ; elle se rapproche de mon torse et une main se place naturellement à la base de sa nuque pour qu’elle reste proche un instant encore. J’ai promis d’y aller à son rythme mais égoïstement j’espère que son rythme est celui que j’aimerais avoir avec elle, encore plus en sachant qu’on devra oublier une fois le bas de la porte franchie.

Je sens son torse contre le mien et son souffle sur ma peau alors que mes lèvres continuent de chercher les siennes au milieu de notre union, décidées à ne pas la laisser s’en aller pour le moment encore. Mon bassin finit par prendre le relais, se calquant au rythme qu’elle avait décidé être le bon, ne forçant absolument rien. Ce moment là n’a rien à voir avec tous ceux que j’ai un jour pu lui conter, qu’ils aient été avec des hommes ou des femmes cela ne faisait aucune distinction. Cela ne faisait pas autant de distinction que ça en fait aujourd’hui, maintenant, avec elle. Et ça me prendra des années pour m’en rendre compte, ça me coûtera une vie d’attente aussi. Elle savait, Ginny, elle savait et si seulement j’avais su voir ou écouter alors ça nous aurait évité autant de tourments.

Ils disent d’attendre, pour la première fois.
Ils disent d’attendre d’être avec quelqu’un qui est dans notre vie depuis longtemps.
Ils disent d’attendre d’être en confiance, ils disent d’attendre que ce soit naturel, que ce soit simple, évident.
Ils disent d’être amoureux aussi, et si la Ginny de 16 ans croit avec conviction (et naïveté) qu’elle a coché toutes les cases sauf ça, qu’elle a sauté cette étape et qu’elle s’évitera d’être blessée une fois qu’elle se sera détachée de lui, la Ginny de 30 ans sait pertinemment qu’elle était amoureuse d’Auden bien avant d’entrer dans sa chambre ce soir-là.

Ses baisers se confondent de ses regards sur ma peau, ses mains complètent le tableau sans jamais laisser la moindre parcelle délaissée. Il me ramène à lui sans que j’oppose la moindre résistance, mes lèvres se mêlent aux siennes et l’inverse est toute aussi vraie. Je ne me dégage que pour respirer, pouffant de rire maintenant qu’il en profite pour perdre des caresses contre ma nuque, contre mes hanches. Il a pris possession de tout ce que je lui laisse et je lui laisse tout, absolument tout, quand on peut compter à peine en millimètres l’espace qui se loge entre nous.

Il n’y a rien dans ce moment qui s’apparente à ce qu’il a pu me raconter, il n’y a rien de cet instant qui ressemble à ce dont il a pu se vanter, et même si je ne pense à rien d’autre qu’à lui, juste à lui, reste que ça ne m’aurait pas étonnée si je l’avais réalisé. Auden qui prend son temps, Auden qui est là à chaque étape, Auden qui me regarde comme si j’étais unique, comme si tout l’était, qu’il l’était lui aussi. Il l’est, il l’est tellement que je détourne mon regard du sien, parce qu’il ne faut pas, parce que je ne dois pas, parce que c’est mieux comme ça. C’est mieux quand mon nez se cache contre son épaule, c’est mieux quand mes lèvres se perdent sur son torse, c’est mieux quand mon corps s’adapte aux courbes du sien, c’est mieux quand j’évite de me voir à travers ses yeux et qu’il ne voit pas à quel point il est parfait aux miens.

Et je suis lâche, je suis égoïste, je suis à bout de souffle aussi, quand mes lèvres retrouvent les siennes une dernière fois. Une dernière fois que je prolonge alors que son ultime soupir se marie au mien. C’est terminé ou du moins, ça l’est une fraction de seconde, j’y crois suffisamment pour me détacher quand au contraire, y’a rien de fini. Y’a rien de fini et y’a tout qui commence.

« Auden! Le feu est fini, je file à ma chambre si ça t’intéresse. » elle cogne à sa porte, elle susurre contre le bois, elle a sûrement ses yeux de merlan Suzie, je les imagine d’ici. C’est sa voix qui est la seule et unique raison ayant provoqué ma silhouette entière à se retrouver assise sur le côté du lit. Le premier plaid que j’arrive à attraper s’enroule à toute vitesse autour de mes épaules. Il est encore allongé derrière moi quand mes paupières battent la mesure irrégulière, que je remarque à travers les rideaux qu’en effet, la plage semble déserte. Ma respiration retrouve enfin un rythme normal quand je pose les pieds au sol, me servant d’eux pour rapatrier plus près mon jeans, mon t-shirt, mes vêtements et pas les siens. C’est mieux comme ça.

« Je me dévoue pour aller chercher des guimauves, mais je partage juste si tu me promets qu’il va rester des céréales pour les mélanger avec. » la seconde d’après, je me lève du lit, mes mains qui font un travail impeccable à s’occuper d’enfiler mes vêtements sur le pilote automatique, le fantôme de ses baisers sur ma peau encore tatouée de lui.

Je m’accroche aux dernières minutes et secondes qui nous restent et ce sans aucun remord alors que désormais nos lèvres trouvent naturellement leur chemin sur le corps de l’autre. Tout aurait paru être improbable il y a de ça une heure encore, et dans une autre nous serons censé avoir tout oublié. Et je mens, je mens à tout le monde, mais pas à elle. Pas sur ça. Je sais à quel point c’est important tout comme je sais à quel point c’est mieux comme ça. Que je le veuille ou non c’est la meilleure décision à prendre.

Ce n’est que lorsque l’on s’accorde sur un dernier soupir commun, nos lèvres à quelques millimètres à peine l’un de l’autre, que mes doigts relâchent la pression sur sa chair et la laissent se retirer. On avait dit qu’on oublierait, on avait dit que ça ne compterait pas, on avait dit que ça ne changerait rien. Et on mentait tous les deux, là. On ne s’en rend peut être pas compte sur le moment mais dans des années, on saura.

Mon corps se relâche et ma tête retombe en arrière, une seconde à peine avant qu’on vienne briser notre brûle. « Auden! Le feu est fini, je file à ma chambre si ça t’intéresse. » On entend son sourire dans sa voix tout comme on l’imagine déjà en train de griffer de ses ongles manucurés les stries de la porte en bois. On entend mon souffle long et exaspéré, on entend les frictions du tissu et autres habits quand elle se dépêche de tout rassembler, honteuse. Ce n’était pas supposé se terminer comme ça et j’ai de la peine pour elle alors que la situation change si rapidement, quand je ne sais pas si elle est toute rouge à cause de ce qu’on vient de faire ou si c’est la gêne qui empourpre ses joues. Les deux sûrement, je suis con.

Je sais qu’elle a besoin de retrouver sa bulle, son intimité, ses vêtements. Je ne fais rien pour la calmer, je ne lui précise pas que la culotte qu’elle cherche est au fond du drap, je ne lui précise pas que si elle s’obstine à ne pas prendre mon hoodie c’est ce qui sera le plus louche, bien avant ses cheveux plus emmêlés que d’usuelle. Au contraire je n’enfile qu’un short parce que ma nudité à moi ne saurait étonner qui que ce soit, quand rien dans mon attitude n’étonnera jamais personne quoi que je fasse. « Je me dévoue pour aller chercher des guimauves, mais je partage juste si tu me promets qu’il va rester des céréales pour les mélanger avec. » L’autre côté du lit devient le mien, mes yeux ne dévient plus nulle part quand c’est mieux comme ça. « Reste là et attend cinq minutes. Prend le paquet de céréales mais je ne te promets pas qu’il reste des guimauves. » Elle va vouloir que ça reste un secret, le nôtre, et je ferai tout pour que ça reste ainsi, quand rester cachés devient subitement notre priorité. Quand je ne me serais jamais douté qu’on ait un jour quoi que ce soit à cacher mais que c’est désormais devenu une évidence.

La porte que je finis par déverrouiller sans compliquer quoi que ce soit pour la brune, une Suzie bimbo doll s'impatientant déjà de l’autre côté. « Tu savais que le corps des poules continuait à bouger même plusieurs heures après décapitation ? Ohh, Suzie fais pas cette mine dégoûtée, je peux te montrer si tu veux, c’est cool. » Elle se dégage déjà de mon étreinte, rejette le bras que j’avais passé autour de ses épaules et devient par la même occasion le cadet de mes soucis. Elle est dégoûtée et file, seule, dans sa chambre, réglant ainsi bien des problèmes.

***

« Il reste des guimauves juste parce que j’ai pas eu le temps de toutes les avaler avant que t’arrives. » Je ne lui laisse pas le temps de parler, encore moins le silence de nous envahir. Tout est comme avant, tout est comme ça a toujours été entre nous et tel que ça le restera. « C’était une question piège pour l’uniforme italien. Il est de la même couleur partout en Europe. Un beige dégueulasse, le genre de couleur que tu mettrais partout sur tes peintures je suis sûr. » Ma brochette tourne sur le feu presque étouffé, les guimauves avec. Le soleil est presque couché et la seule chose qu’il y a de commun entre maintenant et H moins cinq minutes, c’est la pénombre. Ça et rien d’autre. J’ai promis.

Mon t-shirt passe d’un sens et d’un autre, j’inverse distraitement les côtés quand au final il est porté à l’envers sans que je ne le réalise. Pour mon jeans, c’est plus complexe, les ongles de Suzie sur la porte de bois me déconcentrent au point où j’entre deux jambes dans la même, me rattrape trois fois à la commode, soupire en réalisant que mes sous-vêtements sont nowhere to be found, inspire en remontant la fermeture éclair en oubliant tout, tout, tout ce que je peux, le plus vite possible.

« Reste là et attend cinq minutes. Prend le paquet de céréales mais je ne te promets pas qu’il reste des guimauves. »
« Je promets pas qu’il reste des céréales non plus, alors. »

Ma voix est enrouée, mes lèvres sont encore colorées des siennes. Ma paume qui y passe nerveusement, essuyant les marques qui sont bien plus ancrées que seulement sur mon épiderme. Y’a aucun miroir sur ses murs et c’est autant une bonne qu’une mauvaise chose. J’aurais été incapable d’affronter mon regard à la seconde où il sort de la chambre, autant emmêlés mes cheveux puissent-ils être, autant ils auraient besoin de plus que mes doigts tremblants tentant de défaire leurs noeuds ambiants.

Mes paupières se ferment à la seconde où je l’entends parler dans le couloir. « Tu savais que le corps des poules continuait à bouger même plusieurs heures après décapitation ? Ohh, Suzie fais pas cette mine dégoûtée, je peux te montrer si tu veux, c’est cool. » j’ai arrêté de respirer, détournant maintenant mon regard à nouveau dévoilé sur le cadran qui trône sur sa table de chevet. 5 minutes Ginny, c’est juste 5 minutes à attendre avant d’oublier. Juste 5 petites minutes, c’est rien, rien du tout, des poussières, des bribes de temps. C’est rien, rien du tout.

4 minutes. Y’a le souvenir de ses baisers sur ma peau qui remonte, je pince furieusement les lèvres.
3 minutes. Y’a le souvenir de ses mains sur ma nuque qui remonte, je secoue violemment la tête.
2 minutes. Y’a le souvenir de ses yeux sur ma silhouette qui remonte, je triture mes doigts à en arracher la peinture qui y est collée depuis une éternité.
1 minute. Y’a plus rien, absolument rien, quand je sors de sa chambre en y laissant tous les autres souvenirs qui luttaient pour remonter sans que j’ai la moindre force de les nier.

***

« Il reste des guimauves juste parce que j’ai pas eu le temps de toutes les avaler avant que t’arrives. » « Il reste des céréales juste parce que j’ai volé une autre boîte en passant faire du café à la cuisine. » il grille des guimauves, j’ai réussi à survivre sans me tacher, sans tout renverser et sans rien casser en amenant deux tasses en plus de la nouvelle boîte de céréales dérobée qu’on risque de nous reprocher au petit matin. Je lui tends son hoodie aussi, au cas où il ait froid.

Auden a rien ajouté comme bois, il me fait rire quand il tente de rattraper un peu de braise pour griller quoi que ce soit. D’une main libre maintenant que je suis posée au sol à même le sable, j’attrape les quelques morceaux qui restent, alignant les éclats les uns sur les autres pour redonner un peu de vigueur au feu avant qu’il ne soit plus et qu’au passage mes bras dénudés et mes pieds qui le sont tout autant reprennent leurs bonnes vieilles habitudes d’être gelés au moindre coup de vent, même le plus chaud. « C’était une question piège pour l’uniforme italien. Il est de la même couleur partout en Europe. Un beige dégueulasse, le genre de couleur que tu mettrais partout sur tes peintures je suis sûr. »

Je souffle, roule des yeux, pique la guimauve la plus calcinée au bout de sa baguette avant de me coller autant les doigts que les joues, que les dents. « Je dirai pas que je veux une photo comme preuve, je vais juste fermer les yeux pour m’imaginer le massacre. » d’office le geste suit les paroles, quand je sens un sourire beaucoup moins triste, beaucoup plus franc maintenant orner mes lèvres.

Je sais ce que tu fais Auden, ça fonctionne.
« T’avais des badges aussi? Genre celui qui a l’humour le plus moche, celui qui a mordu le plus de gens pendant les week-ends de camping à la belle étoile, celui qui a le plus gros épi sur la tête? »
Je sais ce que tu fais Auden, ça fonctionne - presque.

Je me gave de guimauves et de céréales, je bois mon café sans jamais piquer une gorgée du sien. Il cumule les histoires et les remarques bien lourdes, il dit tout ce qui lui passe par la tête. On reprend nos marques sans que je ne fasse plus aucune allusion, on réapprend à marcher après n’avoir fait que courir. On reste sur la plage longtemps aussi, bien plus longtemps pour que les flammes survivent, bien plus longtemps pour que les collations volées ça et là survivent elles aussi.

Il est mon ombre, quand je finis par me lever pour aller dormir. Il est mon ombre et je garde une distance de plusieurs pas entre nous rien que parce que je m’amuse à sprinter dans le sable, à faire des formes et à dessiner des lignes, à tester ma technique zig zag, à fuir sans l’assumer vraiment. Les lumières des villas sont chacunes fermées, tout le monde dort, personne ne nous a vus ni maintenant ni tout à l’heure, personne ne saura jamais non plus.

Ma porte est devant moi, celle d’Auden est derrière.
« Dors avec moi. » c’est la première fois que mes prunelles trouvent les siennes depuis de longues minutes, depuis qu’on a laissé les vestiges du feu s’éteindre d’eux-mêmes sur la plage. J’ai besoin de rien de plus, je veux rien de plus. Juste dormir. Avec lui.

Mon hoodie reste suspendu en l’air tout le temps qu’elle s’obstine à me le proposer et tout le temps où je m’obstine à refuser de lui reprendre, parce que la chair de poule me va mieux au teint qu’à elle. Entre temps la vie reprend son cours, on retombe dans nos habitudes qui nous ont sauvé la mise plus d’une fois et je me perds dans mes récits aussi réalistes que exagérés. Ca aussi, elle sait, ça non plus, je n’ai pas besoin de préciser. On ne décide de s’en aller qu’une fois le feu éteint depuis bien longtemps déjà, quand je suis certain de voir le soleil pointer le bout de son nez à l’horizon et que tout le monde a déjà abandonné l’idée de nous espionner depuis bien longtemps déjà. Baissez les rideaux, la fête est finie.

C’est en tout cas ce que je croyais. « Dors avec moi. » La scène de ma main posée sur la poignée de ma porte se joue au ralenti quand mes yeux, eux, viennent rapidement trouver les siens. On est essoufflés parce qu’on est des gamins et qu’on a couru dans le sable comme tels, quand la voûte de nos pieds est écorchée de tous les minuscules coquillages rencontrés sur le chemin sans qu’on ne s’en aperçoive. On est aussi essoufflés parce que tout va trop vite et que même si on essaye de toutes nos forces, on a aucune idée de comment arrêter la machine.

Je ne réponds, n’ajoute rien, n’arbore même aucune expression nouvelle sur mon visage alors que je me contente d’abaisser la poignée de ma porte de bois, là où Suzie a laissé des traces de son vernis rouge dans les stries du bois. La pièce est toujours aussi sombre mais elle n’a plus rien de chaleureux maintenant que seul reste le lit parfaitement rangé, oeuvre dont je ne doute un seul instant être celle de la McGrath. Je lui ai donné cinq minutes et elle a fait au mieux pour ne pas tourner en rond.

Je lui donne désormais toute une nuit, maintenant que mon regard dérive une ultime fois derrière mon épaule et que je laisse la porte ouverte pour qu’elle entre à son tour. Encore. Et on oubliera une fois le seuil de la porte passé. Encore. Cela n’étonnera personne que ma chambre soit à nouveau fermée à clé ou que je ne donne aucun signe de vie avant tard dans la journée, tout comme ça étonnera tout le monde si Ginny a la porte de sa chambre autre chose que entrebâillée. Se cacher du reste du monde est un art à part entière et ce soir je me fais la promesse d’apprendre à le maîtriser à la perfection et d’en devenir maître.

Cette fois ci je ne dirai rien pour tout le sable qu’elle amène tant dans ma chambre que dans le lit, et cette fois ci (comme toutes les autres en réalité) je ne ferai pas de scandale parce que mon hoodie est davantage à elle qu’à moi, quand c’est à nouveau à l’intérieur qu’elle va dormir cette nuit. Sous les hoodie et sous les mille couvertures et sous mes bras qui l’entourent, aussi, quand mon menton se pose sur son front et que les formes de son corps épousent celles du mien. Ou l’inverse, peut être, je ne sais plus. Le fait est que je dors avec elle, le fait est que la porte est de nouveau verrouillée et les rideaux tirés et il n’y a plus que nous, juste nous. Je sens son souffle s’apaiser petit à petit mais j’espère encore au fond de moi qu’elle ne dort pas quand je lui fais une dernière confession. « Un jour je me marierai avec toi, Ginny McGrath. » Mes lèvres viennent trouver son front qui a tout autant le goût du sel que l’avaient ses lèvres. « C’est une promesse. »

Sa porte grince, probablement parce qu’il ne la laisse jamais vraiment s’ouvrir. Il est passé pro pour entrer et sortir de sa chambre sans qu’on ait la moindre invitation à y entrer, mais apparemment la mienne il n’a pas besoin de l’articuler.

Quand mes pieds courbaturés d’avoir trop couru suivent les siens, que la mienne de porte reste entrebâillée, les tasses de cafés posées au sol dans l’embrasure, les vestiges des boîtes de céréales vides et des sacs de guimauves qui le sont tout autant dans notre sillage. Le verrou tourne de l’intérieur comme si c’était devenu naturel, comme si c’était le seul signal dont on avait besoin pour se dire que tout était okay, que tout allait. Un seul et simple grincement de métal sur le bois, et tout va mieux. J’ignorais que j’avais envie d’une safe zone avant d’en avoir cruellement besoin, j’ignorais qu’il la personnifiait aussi bien alors que plus ma silhouette s’habitue à la sienne sous les draps, plus je reprends mes marques au même rythme que lui.

Ma tête s’est posée sur son épaule, mes doigts s’acharnent sur ses restes de barbe de deux jours qui me piquent la peau. J’y suis presque quand je baille, quand mes paupières commencent doucement à se fermer, quand j’ai arrêté de lutter pour rester réveillée parce que je sais pertinemment que demain encore je passe le pas de sa porte et parce que demain encore on oublie tout. « Un jour je me marierai avec toi, Ginny McGrath. » ma main libre va prendre la sienne, la ramène autour de mes hanches un peu plus, juste un peu. Y’a ses lèvres qui se perdent sur mon front et y’a une avalanche de réponses et de questions que j’ajouterais, quand au final, il les balaie toutes du revers de ses mots. « C’est une promesse. » mon soupir est silencieux, il chatouille son cou, il va en râler pendant des années, ou pendant une longue minute au moins. J’en trépigne et je m’y rattache, aux détails, pour ne pas me demander d’où ça vient, pour ne pas me dire qu’il ne sort pas ça de nulle part, pour ne pas gratter des sens et des raisons et des justifications pour un truc qu’il articule assurément en étant lui-même à moitié endormi.

« Tu sais, peut-être que je dirai pas oui. » mes yeux se sont ouverts entre temps, mon menton s’est replacé sur son torse pour y ancrer l’os de ma mâchoire, mes prunelles ont trouvé les siennes malgré la pénombre, mon sourire en coin est là, bien là fidèle au poste et prêt au combat. « Peut-être que je vais dire je sais pas laisse-moi y penser deux minutes, et après je vais réfléchir longtemps genre beaucoup plus que deux minutes, et après je vais penser à autre chose et après va falloir que tu poses la question à nouveau mais je vais te couper dans ton élan parce que je vais avoir faim. » vas-y Ginny, parle, dis tout ce qui te passe par la tête et assure-toi de ne pas lui laisser la moindre chance de se rendormir, la moindre seconde de répit pour penser plus loin, pour agir plus fort non plus.

La main libre que je lève le plus sérieusement dont j’en suis capable à son intention, ridicule au possible, gamine infernale, un « C’est une promesse. » qui en promet bien des choses quand on devrait arrêter de parler, quand on devrait arrêter de tout dire. « Et c’est Ginny Va-te-faire-foutre-Williams. » quand on devrait faire bien des choses, mais qu’on fait tout l’inverse, tout le temps, toujours.

Si je ne fais pas mille gestes pour lui dire de se taire c’est seulement parce qu’une main est trop occupée à caresser sa hanche maintenant qu’elle l’a déposé là et que l’autre, sous sa tête, s’amuse sans doute un peu trop à se perdre dans ses cheveux. C’est seulement pour ces deux raisons ci que je ne peux pas la faire taire, sinon je l’aurais fait dès qu’elle a ouvert la bouche pour proférer toutes ces inepties.

Quand sa tête se déplace sur mon torse mes mains trouvent d’autres occupations, celle posée sur les hanches s’étant désormais glissée dans le creux de son dos alors que celle posée dans ses cheveux emmêlés n’a absolument pas bougé. Mon corps tout entier la maudit de jouer de son menton sur mon torse mais là encore je ne dis rien, mes yeux ancrés dans les siens, mon regard à peine fatigué mais toujours présent. La gamine parle toujours autant et elle dit toujours autant de bêtises. Ma tête se contente seulement de rouler sur le côté, emprisonnant une de ses mains entre ma joue et mon épaule. « Peut-être que je vais dire je sais pas laisse-moi y penser deux minutes, et après je vais réfléchir longtemps genre beaucoup plus que deux minutes, et après je vais penser à autre chose et après va falloir que tu poses la question à nouveau mais je vais te couper dans ton élan parce que je vais avoir faim. » Peut être, oui. Ou peut être pas. Sans doute pas, d’ailleurs, maintenant que mon sourire s’agrandit alors qu’elle ne fait qu’attiser les mauvaises idées chez moi. Mes mains glissent vers son visage et jouent de ses cheveux plein de sable, ceux là même qui sentent la guimauve grillée. « La question ? Donc si je te dis ‘veux tu m’épouser Ginny Va-te-faire-foutre-Williams’, tu vas me dire ‘je sais pas laisse-moi y penser deux minutes’ ? » Je ne joue qu’à moitié, mes yeux dans les siens, mon souffle désormais plus court. « Dis la vérité. » Et on oublie dès qu’on passe de nouveau le seuil de la porte, de toute façon. On oubliera aussi mal qu’on l’a fait tout à l’heure et aussi mal qu’on le fera demain, mais on est doués à faire semblant alors on jouera la comédie au mieux.

« C’est une promesse. » On a déjà fait tellement d’erreurs, elle et moi, mais celle-ci ne sera jamais considéré comme telle. Mon sourire s’agrandit une seconde avant que je n’étende mon cou pour venir l’embrasser, bien incapable de rester là où je le devrais vraiment. « C’est une promesse. » Je répète ultimement même si j’ai perdu le fil de la conversation il y a bien longtemps, certain de faire le bon choix, mes doigts de nouveau logés entre son cou et ses joues.

Il est beaucoup trop sérieux pour que ça augure quelque chose de bon, et il me laisse beaucoup trop parler pour que moi-même j'apporte de bonnes nouvelles. En plus, quand il glisse ses doigts dans mes cheveux, il tire presque pas sur les noeuds et il m'arrache presque aucune mèche. Il est louche, il est bizarre, il est calme et vraiment, j'aurais dû feindre le sommeil autant qu'il aurait dû m'empêcher d'en rajouter. Mais c'est devenu une habitude de faire un pas en avant en tirant l'autre, juste pour le pousser au dernier moment et s'esquiver. Comme ça deviendra maintenant officiellement une de nos habitudes de chercher le moindre endroit où on peut être seuls, être nous, comme ça, juste comme ça.

« La question ? Donc si je te dis ‘veux tu m’épouser Ginny Va-te-faire-foutre-Williams’, tu vas me dire ‘je sais pas laisse-moi y penser deux minutes’ ? » oh, Auden. Et il sourit le pire. Il sourit et il attend et il s'endort pas et je pourrais fermer les yeux du plus fort que je peux, tirer tous les rideaux de l'univers, éteindre toutes les lampes qui traînent dans le monde entier et ronfler du plus fort que je peux en me cachant sous une infinité de couvertures qu'il ne me laisserait pas dormir sans avoir répondu, que son sourire de conquérant resterait ancré derrière mes paupières closes comme celui du Cheshire cat dans mes livres de gamine. « Dis la vérité. » oh, Auden.

« Faut que tu poses la question, pour savoir. » et j'ai chuchoté, j'ai tellement chuchoté que j'ai dû remonter à son oreille pour le lui dire, pour être certaine qu'il l'entende et que ce soit que lui qui sache, parce que c'est que lui qui devrait savoir, de toute façon.

Pourtant, la seconde d'après, je ne lui laisse rien ajouter quand ma paume se pose sur ses lèvres, et qu'elle y restera le temps que mes iris se plongent dans les siens et qu'il comprenne que ce n'est « Pas aujourd'hui. » pas maintenant, pas comme ça que ça doit se passer. J'ai dégagé mon visage de son cou, j'ai dégagé des mèches de cheveux pêle-mêle de son front aussi. Il est beau et il le sait déjà, je ne lui dirai pas mais c'est sûr qu'il la remarquera, la lueur qui scintille dans mes iris et qui n'a absolument rien à voir avec le soleil qui commence à se pointer le nez dehors.

La nuit est finie est on est déjà demain et je ne m'endors plus du tout et je serais prête à parier que lui non plus. Son baiser qui se solde d'une énième promesse répétée, je ne sais même plus pourquoi on prend des dizaines de pactes à la fois, entre ce qu'on doit oublier et ce qu'on doit garder. Je ne sais même plus ce qui doit rester secret et ce qu'on peut dire, quand je laisse ça à gérer à la Ginny de demain, quand je laisse ça à gérer à la Ginny qui passera le pas de sa porte dans dix heures au moins, en pleine fin d'après-midi, en pleine lumière du jour à prier tous les saints qui existent et même ceux qui n'existent pas qu'on ne la repère pas sortir de sa chambre pour courir le mètre la séparant de la mienne comme si les gens ne savaient pas, justement, que je traînais toujours avec lui. Que je traînerai toujours avec lui aussi, sans surprise aucune.

« Peut-être que ça sera deux minutes, peut-être que ça sera deux cent mille ans. » j'ai fini par tourner ma silhouette dos à lui, j'ai fini par ramener son bras un peu plus autour de ma taille encore si c'est possible. Son menton se creuse une place entre ma nuque et mon épaule, il se venge pour les os enfoncés dans son torse y'a une vie de ça. « Mais pour ça aussi tu sais la réponse. » c'est un murmure de plus qui statut strictement l'évidence, qu'il l'entende ou pas m'apparaît presque obsolète parce qu'il sait, il sait aussi bien que moi. C'est un oui, bien sûr que c'est un oui. « Bonne nuit. » entre temps mes doigts se sont enlacés aux siens, et elle est moins tachée que la droite, sa main gauche, elle l'est moins même s'il est ambidextre et qu'il arrête pas de s'en vanter et que maintenant qu'il fait un peu plus clair dans sa chambre j'arrive à le voir, que la droite derrière ma joue est toute barbouillée mais que la gauche que je porte à mes lèvres elle, est presque entièrement propre. Son annulaire que je mords parce que c'est à mon tour de me venger, que j'embrasse parce qu'il sait, bien sûr qu'il sait. Il sait autant que moi.