| Summer days were just a magazine, a magazine | ivyheart #6 |
| | (#)Lun 23 Mar 2020 - 23:22 | |
| C'est le grand moment, je crois.
Nous sommes rentrés de voyage il y a quelques temps. Le retour fût rude, trop rude. Je n'avais aucune envie de retourner ici. Les bruits de la ville me donnent mal à la tête. J'avais presque oublié la vue de ma chambre, qui est loin d'être au rez-de-chaussée de l'immeuble dans lequel j'habite. Il y a eu les retrouvailles avec Socrate et Mach', bien sûr, qui m'ont montré le dédain le plus total. Comme si je les avais abandonné depuis des semaines - bon, ok, c'est peut-être un peu le cas. Et pourtant, je suis de retour. J'ai eu le temps de faire un grand ménage, de faire de la place dans mon appartement, de le préparer pour la venue - certes temporaire, pour l'instant - de Molly.
L'endroit était déjà très bien rangé, j'y veille toujours. Les chats n'ont rien cassé pendant mon absence. Le voisin n'a pas défoncé ma porte du pied pour je ne sais quelle raison. Tout va bien dans le meilleur des mondes, lorsque j'accueille Molly en bas de mon immeuble. Bien situé, il ne me suffit que de quelques pas pour trouver bars, restaurants et boîtes de nuit. Je suis assez haut dans les étages pour ne pas entendre trop de bruit, la nuit. Et pourtant, c'est comme une vibration constante, bien plus dérangeante que le bruit des vagues dont nous profitions, la brune et moi, il y a encore quelques temps.
« Y'a pas d'ascenseur. », que je murmure en entamant la montée des marches, cette foutue caméra prêtée par l'équipe technique pour les jours qui vont suivre. Ils ne nous filment plus eux-mêmes. Nous devons nous débrouiller, leur envoyer quelques images seulement. Je nous filme le temps que nous montions les escaliers, jusque sur mon pallier où je coupe l'enregistrement en soupirant. « Ils ne nous lâchent pas, mmh. » Un léger sourire désolé aux lèvres, je lui ouvre la porte. L'appartement s'ouvre sur un petit couloir très lumineux, qui mène directement au salon. Lumineux, lui aussi. J'ai tout repeint en blanc, et je me suis chargé de personnaliser les murs avec des croquis en tous genres, dessinés sur des coins de tables ou plus travaillés. Au dessus du canapé, il y a une immense bibliothèque, qui relie les deux pans du mur par une sorte d'arche de livres. Dans un coin, mon violon. Il n'y a pas de télé. « J'aime pas trop la télévision, alors... J'espère que ça ne te dérangera pas. J'ai Netflix, sinon. » Je laisse les clefs dans l'entrée, sur la commode au dessus de laquelle trône un grand tableau, de la main de Auden.
Mes pas me mènent dans le lumineux salon, sur lequel donne une cuisine partiellement ouverte simplement délimitée par la présence d'un bar. « Bienvenue à la maison. Oui les garçons, on a une invitée, il faudra être sages. » C'est Machiavel, le petit chat noir, qui vient tourner autour de Molly. Socrate, quant à lui, court se réfugier du côté de ma chambre. J'ai un petit rire. « Je te conseille de ne pas laisser traîner tes pulls. Socrate adore se coucher dans les affaires de tout le monde. » |
| | | | (#)Mar 24 Mar 2020 - 1:57 | |
| On est rentré. On a dû rentrer à Brisbane même si on en avait pas vraiment envie. Enfin moi, j'en avais pas envie. J'étais bien là-bas, dans ma bulle, loin de tous les problèmes de Brisbane.
Il a fallu se réadapter à la vie réelle, au monde, au travail, au bruits, aux gens. J'ai dû m'habituer de nouveau au fait que je ne pouvais pas toucher les cheveux de Léo quand je le voulais, qu'on ne passait plus nos journées à élaborer des plans pour rendre fou chacun des membres de la production. Que je ne pouvais plus le noyer dans l'océan après qu'il m'ait jeté des tonnes d'eau à la figure. C'était une bulle, un rêve, une autre vie. Et on est là maintenant, dans la vraie vie. En Australie. Et j'ai préparé quelques affaires à déposer chez lui parce que je vais vivre ici plusieurs soirs par semaine. Je vais faire des allers-retour entre la colocation et ce nouvel appartement. « ça tombe bien j'avais pas encore fait de sport aujourd'hui. » Il tient la caméra dans une de ses mains. Parce qu'on doit se filmer nous même maintenant. Et je trouve ça mieux, on est pas suivi, et on choisit ce qu'on veut garder pour nous. « Bientôt on sera tranquille... » Parce que bientôt on aura plus personne sur le dos, on sera seulement nous deux, et est ce que c'est pas presque plus terrifiant qu'être suivi par une armée de caméras ?
Je rentre dans son appartement, et c'est beau, c'est lumineux. Il y a des livres partout, et je pourrais presque déjà m'imaginer en train de lire assise sur le rebord de la fenêtre dans le salon. « Je regarde jamais la télévision, mais ça m'arrive d'ouvrir netflix de temps en temps. » Parce qu'en général il y a beaucoup de choses bien plus intéressantes à faire que regarder des émissions à la télévision. Il y a des tableaux, des croquis, j'apprends à le connaître un peu plus à travers cet appartement. Et un jour je lui poserai des questions sur chacune de ces peintures. Mais pas aujourd'hui. Un chat arrive rapidement pour me tourner autour et je lâche mon sac pour m'accroupir et venir le caresser. « C'est quoi leurs prénoms ? » Mes yeux doivent briller, parce que je suis heureuse de voir ces chats. L'autre part se terrer dans la chambre de Léo. Je souris. « J'arriverai à l'apprivoiser. » Parce que les animaux finissent toujours par m'aimer, et je leur rend au centuple. « Je vais faire exprès de laisser trainer un pull pour lui montrer que j'accepte qu'il dorme sur chacune de mes affaires. » Mes vêtements sont déjà pleins de poils d'animaux en tout genre à longueur de journée. « Tu vas bien ? » On ne s'est pas beaucoup vu depuis notre retour. Est ce qu'il est déjà bien trop tôt pour lui dire qu'il m'a manqué ? Certainement. C'est pour ça que je baisse la tête et que je regarde mes pieds une seconde.
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| | | | (#)Mer 25 Mar 2020 - 1:23 | |
| Molly est chez moi. Je ne pensais jamais ramener quelqu'un de façon plus ou moins établie, ici. Cet appartement a toujours été un moulin. Charlie y a squatté, Clément y a laissé traîné quelques affaires de façon éparses, Archie n'y a posé ses cartons que quelques semaines... On parle d'un vrai emménagement, même si on dit que c'est temporaire. On parle de moi, marié, un anneau à l'annulaire. Le genre de truc qui engagent une vie, ou au moins son fonctionnement. Le genre de truc qui s'écrit sur un papier. Un truc officiel, le genre de chose que je ne fais jamais. Je n'ai même pas de voiture. Je n'ai même pas le permis pour en conduire une.
« Je regarde jamais la télévision, mais ça m'arrive d'ouvrir netflix de temps en temps. » Sur ce point là, nous sommes similaires. Mon ordinateur traîne sous une pile de feuilles que je n'ai pas eu le temps de ranger. Ça ne m'arrive jamais, d'habitude, de laisser traîner les choses. Ici, tout a sa place. Tout. Même les choses les plus minuscules. Je suis du genre à me lever à deux heures du matin pour faire un peu de rangement, même s'il n'y a rien à ranger. Les chats viennent tourner autour de Molly. Enfin, Mach' seulement. C'est le plus intrépide des deux, celui qui embête le plus Charlie quand elle vient à l'appartement. Il lui montre presque plus d'affection qu'il ne m'en montre à moi. « C'est quoi leurs prénoms ? » « Le noir c'est Machiavel. Le brun c'est Socrate. » Le petit noiraud miaule aux pieds de Molly. Il voudrait bien grimper dans ses bras. Il l'a déjà adopté, je crois. « Méfie toi de lui. C'est un vrai dragueur, après il devient collant et il devient impossible de s'en débarrasser. » Vraiment impossible. « J'arriverai à l'apprivoiser. » « J'en doute pas. » Socrate a un temps d'adaptation un peu plus long que celui de Mach'. Mais je suis persuadée que comme ce dernier, il s'habituera à Molly. Il n'a pas le choix, de toute façon. « Je vais faire exprès de laisser traîner un pull pour lui montrer que j'accepte qu'il dorme sur chacune de mes affaires. » J'ai un petit rire. « Il va te bouder juste parce que tu essayeras de reprendre tes pulls, après. » De vrais enfants.
« Tu vas bien ? » La question me prend de court. Je tourne la tête vers Molly, hausse les épaules et passe dans la cuisine. « Et toi ? » Je vais bien comme quelqu'un qui n'a pas envie d'être là. Comme quelqu'un qui met dix secondes tous les matins à se rappeler de l'endroit dans lequel il se trouve. Comme quelqu'un qui, même après des jours, ne s'est pas remis du décalage horaire. « Je suis un peu anxieux. », que je confesse en lui servant un verre d'eau. « Mais ce n'est pas du tout de ta faute. C'est juste... » Je hausse à nouveau les épaules, démunis. Tout doucement, je viens lui tendre son verre d'eau, qu'elle n'a même pas demandé. « Tu voulais peut-être autre chose à boire...? » Je ne sais pas quoi faire de mes mains. Mes jambes me démangent affreusement. « Tu... Heu... Veux visiter le reste de l'appartement...? » Pas qu'il soit immense, cependant. Mais trop grand pour moi tout seul. |
| | | | (#)Mer 25 Mar 2020 - 18:54 | |
| Je tiens encore mes sacs dans mes bras quand je suis dans son salon. J'observe, j'essaie d'apprivoiser mon nouveau lieu de vie. Au moins pour quelques jours pendant la semaine, pour un temps indéterminé. On s'est dit que c'était temporaire, mais on a pas mis de date de fin à tout ça. J'ai pas envie qu'il y est une faim, mais j'ai pas envie qu'on aille trop vite. On apprend encore à se connaître, à évoluer ensemble. Et ces quelques jours sans lui ont été bizarre, le changement d'endroit aussi. J'avais l'impression de ne plus être vraiment chez moi. J'ai envie de repartir depuis qu'on a re posé un pied en Australie. J'avais pas envie de sortir de cette bulle qu'on avait mis tant de temps à se construire.
Un chat tourne autour de moi, et mon visage s'illumine un peu plus. Je le caresse, et je lâche enfin mes sacs dans l'appartement de Léo. Je hoche la tête quand il me donne le nom de ses deux chats. Je m'en souviendrai. « Tu les as depuis longtemps ? » C'est la bonne stratégie de parler des chats pour le moment non ? Ça nous évite de parler de choses sérieuses pendant quelques minutes. « Il m'a déjà charmé je crois. » Je ris en laissant ma main passer entre ses oreilles. Je me relève, parce que je ne vais pas laisser mes affaires trainer au milieu de son salon parce que j'ai décidé de m'amuser avec le chat pendant des heures. « T'es en train de me dire que je vais devoir lui laisser toute ma garde robe pour qu'il boude pas ? Parce que j'en suis capable. » Je garde un air sérieux quelques seconde en cherchant le chat brun du regard.
Une question passe au travers de mes lèvres sans que je le calcule. Je lui demande si il va bien, une question qui en cache beaucoup d'autres. « La réadaptation est compliquée. » Mais je vais bien, je vais toujours bien. J'ai l'impression de retrouver le Léo au jour où je l'ai rencontré, il stresse, il est anxieux et il le dit. Ça m'angoisse aussi, mais on arrivera à passer au dessus de ça, comme on a réussit à tout dépasser depuis qu'on a dit oui. « J'ai un peu peur aussi. »Parce que j'ai jamais vécu avec d'autres gens que ma famille ou Sky. Je ne sais pas ce qu'on est censé faire, comment c'est censé fonctionner. « On a le temps, ça va aller, on avance à notre rythme. » Et mon sourire rassurant est de retour quand je capte son regard. « Non c'est bon l'eau ça me va ! On a pas de mojito à proximité de toute façon. » Je ris un peu, j'essaie de détendre l'atmosphère pour qu'il soit moins stressé. « Montre moi déjà où je pose mes sacs, et après on fait la visite de tout l'appart ! » Je souris, j'attrape de nouveau mes sacs et je le suis.
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| | | | (#)Ven 27 Mar 2020 - 23:32 | |
| « Tu les as depuis longtemps ? » « Depuis que je suis à Brisbane. Ça a fait... trois ans en février. » Trois ans. Trois ans, et j'ai l'impression d'être ici depuis bien plus d'années que ça. C'est ma maison, ici, désormais. Parfois, les souvenirs de l'autre continent me piquent, je me surprends à vouloir le rejoindre d'un coup d'avion. Mais pour aller où ? « Il m'a déjà charmé je crois. » « Tu le trouve mignon, jusqu'à ce qu'il se mette à miauler. Son miaulement à lui se rapproche plus du coassement que d'un joli "miaou" de chat. » Socrate ne miaule pas. Je crois que j'ai récupéré un chat muet. Ses regards valent tous les miaulement qu'il aurait pu produire, s'il avait été un félin ordinaire. « T'es en train de me dire que je vais devoir lui laisser toute ma garde robe pour qu'il boude pas ? Parce que j'en suis capable. » J'éclate de rire. Oh, elle le regrettera. Quand Socrate aura mis des poils dans tous ses pulls et qu'il ne voudra plus les lui rendre, sinon en essayant au moins de lui mordre les mains, elle le regrettera.
J'étais angoissé comme pas deux à l'idée de revenir ici, mais désormais tout se concrétise. Un rien me met en tension, je dors mal et j'étouffe, ici. Cet appartement qui me semblait trop grand me semble soudain bien petit, comparé à notre hutte qui n'était pourtant pas aussi grande. « La réadaptation est compliquée. » Alors nous en sommes au même point. « J'ai un peu peur aussi. » « T'inquiète, je ne vais pas te crier dessus si tu laisses traîner tes chaussettes. » Si. Non ! Mais je sais bien que ce n'est pas pour ça qu'elle a peur. Moi non plus, je n'ai jamais trop vécu avec quelqu'un. Enfin, pas avec quelqu'un qui avait bien installé ses affaires. Archie n'est pas resté assez longtemps, Charlie... Charlie est une espèce à part. « On a le temps, ça va aller, on avance à notre rythme. » Comme on a l'habitude de le faire. Je lui tends le verre d'eau que j'ai préparé pour elle, l'invite à poser ses affaires où elle le souhaite. Nous aurons tout le temps de les ranger plus tard. « Non c'est bon l'eau ça me va ! On a pas de mojito à proximité de toute façon. » « J'ai toujours de quoi faire des cocktails. », que je lance en lui faisant un clin d’œil. Ma réserve de rhum est déraisonnable. Il y aurait de quoi tenir un siège. « Montre moi déjà où je pose mes sacs, et après on fait la visite de tout l'appart ! » « Oh, okey. »
Je l'entraîne avec moi dans une première pièce où Archie a laissé le lit que nous avions monté ensemble. Mon piano se trouve encore dans cette pièce, avec quelques cartons de partitions que j'ai un peu rangé. « Je peux te laisser cette chambre, si tu en as envie. On pourra déplacer le piano s'il te dérange. Sinon... » Je retourne dans le corridor, m'enfonce dans l'ombre jusqu'à la pièce qui se trouve au fond à gauche : ma chambre. Lumineuse, elle aussi, le mur derrière mon lit se trouve pourtant couvert de peinture. J'ai fait un essai à la Bob Ross, une montagne derrière un lac entouré de verdure. En grand, sur le mur, le résultat me sied à merveille. Il apporte un peu de couleur à cette chambre aseptisée. Mon lit - fait - et couvert d'une grande couette blanche trône au centre de la pièce, encadré de deux tables de nuits couvertes de livres que je n'ai pas pu ranger dans la bibliothèque de mon salon. Rien d'autre, sinon un placard intégré au mur. « ...tu peux dormir ici. Avec ou sans moi. Je prendrai le lit de l'autre chambre, si tu veux. Tu peux poser tes affaires là, on s'occupera de tout ranger quand on aura fait le tour de l'appartement. » Ça sera vite fait. Ce n'est pas bien grand. |
| | | | (#)Sam 28 Mar 2020 - 2:17 | |
| L'appartement est beau, c'est grand, et je pense que ça lui ressemble beaucoup. Je ne le connais pas encore bien, mais je sens que cet appartement va m'y aider. Il y a beaucoup de peintures, et je pourrais m'extasier devant chacune tellement je trouve qu'il a du talent. J'ai toujours été impressionné par les artistes, et Léo en est un. On parle de chat, on parle de sac, des caméras aussi. Juste quelques minutes, pour essayer retrouver cette bulle le plus rapidement possible, pour nous prouver que c'était pas juste l'air des Philippines qui nous aidait à bien nous entendre, que tout n'a pas vraiment changé. Mais je me fais des idées, parce que bien évidemment que tout à changé, et même moi j'ai du mal à me réhabituer à cette vie à Brisbane. Alors oui, je parle de ses chats, parce qu'à cet instant, c'est le sujet que je connais le mieux. « Ils sont encore jeune. » Ils ont encore toute une vie à rendre Léo heureux. « Je crois que j'adore déjà tes chats, ils ont l'air originaux ! » Et je pouffe de rire alors que je manque de tomber au milieu de son salon parce que Machiavel tourne encore entre mes pieds.
Et je laisse échapper la question que je voulais garder pour moi, je lui demande si lui il va bien. Parce que si lui va bien, ça m'aidera certainement à oublier le fait que j'ai tant de mal à revenir entièrement en Australie. Je souris, il sait de quoi je parle, et je sens qu'il angoisse aussi, mais sa réponse me fait rire, et il me détend un peu. « J'essaierai quand même de penser à les ranger, on sait jamais. » Je hoche la tête avant de rattraper mes sacs pour le suivre dans l'appartement pendant que j'essaie de le rassurer, j'essaierai toujours de le rassurer. « Oooh maintenant que tu me l'as dit je vais te demander des mojitos fait maison tout le temps ! » Et je ris encore un peu, prête à visiter l'appartement.
Il y a une chambre d'ami, qui semble être à peine faite. « T'as beaucoup d'amis qui viennent passer du temps chez toi ? » C'est à ça que sert une chambre d'ami non ? Et j'aimerais avoir l'occasion de rencontrer des gens qu'il aime bien, des gens qu'il apprécie assez pour les faire dormir dans son appartement. « Tu joues du piano ? » Et là je pense que mes yeux brillent, parce qu'apparemment Léo sait faire absolument tout ce que j'adorerai savoir faire. De la musique, dessiner sans avoir besoin de cours. Peut-être qu'il m'apprendra un jour, peut-être qu'on dessinera ensemble un jour.
Et on entre dans sa chambre. Et ma mâchoire reste ouverte un long moment quand je lâche mes sacs devant la porte et que je regarde le mur entièrement peint. Je ne dis rien, je l'écoute, mais je suis bien trop occupée à observer chacune des parties de cette toile géante. « C'est magnifique... » Je ne lui ai pas dit si je comptais dormir avec lui ou non, quelle chambre je voulais prendre parce que la réponse est évidente, parce que je ne pensais même pas avoir à donner une réponse ou un avis sur la question. « Je veux pas m'imposer tu sais, et je dormirai dans la chambre d'ami si t'es pas à l'aise à l'idée que je dorme ici avec toi. » Mon sourire grandit mais mes yeux sont incapable de lâcher la peinture des yeux. « Mais je veux bien dormir avec toi si tu veux bien de moi ici. » Mais t'as le choix Léo, on avance doucement, à notre rythme et je m'adapte à tout. « C'est toi qui a fais ça ? » Je me rapproche et je vois le deuxième chat qui se cache encore sous le lit. Lui aussi, il évoluera à son rythme. Et je regarde l'eau, les arbres, et ce paysage n'a rien à voir avec les Philippines, mais encore une fois je parle sans réfléchir. « J'ai rêvé de la cascade la nuit dernière... » Le bruit, la couleur de l'eau, et sa main dans la mienne. J'ai rêvé de tout ça et c'était beau.
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| | | | (#)Sam 28 Mar 2020 - 16:49 | |
| « Je crois que j'adore déjà tes chats, ils ont l'air originaux ! » J'ai un autre rire. Elle m'amuse, Molly. On n'avait jamais attribué à mes félins un tel adjectif; mignons, drôles, agaçants, mais jamais originaux. C'est moi, qui la trouve originale, dans le plus positif sens du terme. « Bon, assez bavardé à propos de mes chats, arrêtons de badiner. »
En fait, j'aurais préféré que nous en restions à parler de mes chats, plutôt que de nous engager sur la pente glissante de notre humeur générale. Même si la mienne est plutôt déplorable, elle pourrait sincèrement être pire. J'évite de trop me plaindre, je sais que ça finira par remonter. « J'essaierai quand même de penser à les ranger, on sait jamais. » Je ne la tuerai pas pour des chaussettes. Je ne hausserai pas le ton, pas pour si peu, et même jamais. Rien ne m'horrifierait plus que de la savoir encore plus angoissée qu'elle ne l'est déjà, et juste parce que j'aurais provoqué cette vague de stress moi-même. « Oooh maintenant que tu me l'as dit je vais te demander des mojitos fait maison tout le temps ! » « Je nous en ferai tout à l'heure. » J'ai toujours de la menthe au frais. Faut-il seulement rappeler que je possède la plus grande réserve de rhum de tout l'immeuble ?
Je nous emmène dans une première pièce, qui donne sur une petit cour faite de verre, comme une vieille serre. Une pièce presque vide, maintenant que Archie est parti. « T'as beaucoup d'amis qui viennent passer du temps chez toi ? » Il y avait les filles et les garçons - surtout les garçons, en fait - de passage, avant. J'ai l'impression que cette époque de fête est bien lointaine, désormais. « Non, pas tellement. C'est tranquille. » Je regrette presque l'époque pendant laquelle mon appartement était un véritable moulin. « J'ai eu un coloc', un temps. Et puis, Charlie vient de temps en temps. » Mais on avait l'habitude de dormir ensemble, quand elle ne squattait pas le canapé. « Tu joues du piano ? » J'opine du chef, sourire aux lèvres, et m'approche de l'instrument. Des partitions, sur lesquelles je travaillais encore ce matin, sont étalées sur le pupitre noir du piano droit. « Depuis que je suis capable de jouer, en fait. J'ai arrêté quelques années, au profit du violon. Maintenant, je travaille sur les deux instrument. » J'aurais adoré m'essayer à la flûte traversière. Peut-être un jour.
Nous passons la porte de ma chambre. Molly semble captivée par le mur que j'ai peint à la Bob Ross. « C'est magnifique... » A mon tour, je pose les yeux sur la scène de nature. C'est en la peignant que j'ai eu l'idée de réaliser le mur de la chambre des enfants de Charlie. « Je veux pas m'imposer tu sais, et je dormirai dans la chambre d'ami si t'es pas à l'aise à l'idée que je dorme ici avec toi. » Mes yeux retrouvent Molly, toujours occupée à contempler les couleurs qui s'étalent à la verticale. « Mais je veux bien dormir avec toi si tu veux bien de moi ici. » « Je veux bien de toi ici. », que je laisse échapper en souriant. Il n'y a pas besoin de dire plus. « C'est toi qui a fais ça ? » « Oui. La neige me manquait un peu. » Beaucoup, la neige me manquait beaucoup.
« J'ai rêvé de la cascade la nuit dernière... »
Et je m'y revois, le vent dans les cheveux, l'eau au creux de la peau, le sourire aux lèvres et les idées ailleurs. L'odeur de la terre trempée au nez, les yeux gorgés de beauté naturelle, les doigts emmêlés à ceux de la brune. « Moi, j'en rêve éveillé. » J'ai peur que cette vision ne disparaisse, un jour. Qu'elle finisse par s'effriter, que je sois obligé de me concentrer fort pour en sentir les effluves, que je ne puisse m'y replonger qu'au pris d'efforts considérables et sans pour autant parvenir à ressentir tout ce que je voudrais m'en rappeler. Il n'y a rien de plus frustrant que de savoir qu'on est en train d'oublier. Dommage pour moi, le processus a déjà commencé. Je veux prévenir le moment où je me souviendrai de cette cascade pour la dernière fois, quand j'aurai oublié avoir oublié et qu'il ne me restera que Molly pour me rappeler à moi-même. Quand elle dira "tu te souviens" et quand je répondrai "c'est vrai", replongé dans la beauté du lieu en un instant mais avec cette vision un peu floue, comme si l'on regardait à travers une lucarne minuscule. Encore faut-il que la relation que j'entretiens avec Molly nous survive.
« On y retournera. » J'ai promis. On a promis. |
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