C'est l'anniversaire d'Ariane aujourd'hui.
Je sais pas quel âge elle a, mais j'ai pas oublié le jour. Elle devait aller en cours aujourd'hui, mais j'en ai décidé autrement. Elle va passer sa journée d'anniversaire avec moi, loin du centre ville, loin de son école, loin du foyer, loin de sa maison, loin de tous les trucs chiants de la vie. Ça va bien se passer, ça va être une longue et belle journée. C'est son anniversaire.

J'ai emprunté une moto. Emprunté c'est mieux comme mot que voler non ? Bref. Je l'attends devant son école et je la vois sa tignasse rousse. Je l'attends, je sais qu'elle va me voir, je sais qu'elle va sentir que je suis pas loin d'elle parce que ça se passe toujours comme ça. J'ai juste à attendre quelques minutes, juste attendre qu'elle tourne la tête vers moi. Et c'est ce qu'elle fait. Alors je lui souris, et elle vient vers moi. « On bouge, tu vas pas en cours aujourd'hui. » J'ai pas de casque, mais je lui en tends un. Il était avec la moto, qui laisse sa moto avec son casque à l'intérieur dans la rue ? Une chance pour moi. Je compte juste la garder pour la journée de toute façon. « Allez monte »

Elle est derrière moi, elle a ses bras enroulés autour de mes hanches et je fais exprès d'accélérer autant que je le peux. La journée est spéciale, autant en profiter non ? Alors je mets un long moment à arriver dans un endroit que je suis peut-être le seul à connaître. Un endroit reculé, où je viens tout seul d'habitude. J'ai pensé à prendre ma guitare, elle est restée accroché autour de moi. Et j'ai même pu caler des trucs à manger et à boire dans la moto. Je me gare, et on s'éloigne de la route.

On marche une vingtaine de minutes et on se retrouve sur une plage, isolée. « Il y a jamais personne qui vient ici. » Je hoche la tête et je pose tout au sol. « C'est ton anniversaire non ? » Joyeux anniversaire Ari.

On fume des clopes à l'entrée de l'école, et c'est chiant. C'est chiant parce que y'a aucun effet, et parce que les profs ont 50% de chance de nous piquer le paquet à la seconde où ils vont nous repérer, et 50% d'autres de partir avec le briquet. C'est mon préféré en plus, c'est celui que j'ai volé à Jet, s'ils le prennent et le confisquent je rage. Je rage déjà faut dire. Et j'ai 16 ans aujourd'hui.

Son moteur se fait entendre avant lui et tout le monde allonge la nuque de curiosité, pendant que jette ma cendre au sol à deux centimètres d'une poubelle. Oups. Et il est là Jet, il arrive sur une moto et j'éclate de rire parce que ça sent le vol ce truc, parce que ça sent la merde, et qu'avec le sourire qu'il y ajoute c'est sûr que c'est un plan de connard qu'il a mis en place, un plan de connard dans lequel je saute à pied joint. « On bouge, tu vas pas en cours aujourd'hui. » les autres sont derrière à tout observer et à tout épier, ils existent pas pour moi quand il est là, et ils le savent tous parfaitement. J'avais pas l'intention d'aller en cours mais je lui dis pas, profitant du petit plaisir de le laisser croire qu'il décide de ma journée alors que j'avais déjà prévu me tirer et aller le rejoindre peu importe où il traînait dans la ville ; là au moins, il m'a facilité la tache chiante et lourde de le chercher. « Allez monte » j'attrape le casque et le passe sur ma tête, il pue la sueur d'un autre qui n'est certainement pas lui.

Sa guitare est inconfortable pendant tout le trajet, du coup je me venge en passant mes mains sous son t-shirt pour en pincer sa peau, pour ancrer mes ongles dans sa chair. Je joue les pestes et je joue les merdeuses, chaque feu rouge pire que le prochain. Et il finit par se garer Jet, dans un endroit reculé de la ville que je connais pas, et auquel il ajoute une poignée de minutes de marche avant qu'on arrive à une plage isolée qu'il qualifie de jamais visitée par personne. Ouais, il dit ça à toutes les connes qu'il a déjà ramenées ici c'est sûr, et je rage encore, prenant sa main pour le presser à avancer bien plus que pour avoir un quelconque contact avec lui. Ok, j'avoue, le contact est prescrit.

« C'est ton anniversaire non ? » « Nope, c'est celui d'une autre de tes groupies, tu fais erreur sur la personne. » je lâche sa main, fais quelques pas devant avant de jeter un coup d'oeil malicieux par-dessus mon épaule, froncer du nez un peu par énervement surtout par confirmation que ouais, c'est mon anniversaire, et que ouais, on va faire comme s'il y avait pas nécessairement pensé.

« Si tu me joues pas une de tes compos je râle. » j'annonce finalement, ouvrant une bière, l'heure à peine avancée de la journée ne m'empêchant pas une seule seconde de célébrer. Je ne lui en tends pas une, c'est un grand garçon, il est capable de se servir lui-même. Et en attendant, il pourra se contenter du reste d'alcool au coin de mes lèvres, quand je passe mes bras de chaque côté de sa nuque pour l'embrasser une seconde, le mordre les dix suivantes.

Elle se colle à moi Ari, et bien évidemment qu'elle me suit sans rien dire. Que toutes les personnes de son lycée nous regardent avec envie quand je fais vrombir le moteur de la moto qui n'est pas à moi. Il y a certainement beaucoup de jaloux, mais je m'en fiche. Je suis venue là pour Ari aujourd'hui, et rien ne pourra me dévier de mes objectifs. Même toutes les filles de ce lycée ne me feront pas détourner les yeux. C'est son anniversaire, et allez savoir pourquoi j'accorde de l'importance à ce jour là pour elle alors que je me souviens même plus de la date du mien. Elle pince, elle griffe Ari alors que je suis en train de conduire. Mais c'est affectueux, c'est Ariane Parker et on fonctionne comme ça. Et je n'ai jamais réfléchis à fonctionner autrement avec elle.

On marche un peu, et je la fais venir dans mon endroit. La plage sur laquelle je viens jouer de la guitare ou du violon, où j'essaie d'écrire alors que j'ai pas vraiment de talent pour ça. Et j'ai ramené un truc de plus que ma guitare aujourd'hui, j'ai ramené ma rousse. « Merde, je savais que je t'avais confondu avec Suzie ! » Mon sourcil se hausse quand elle se tourne vers moi pour froncer son nez. Je fais la même chose avant de la regarder se servir dans les trucs que j'ai ramené. Je ne lui souhaite pas, pas encore. Parce que j'ai prévu des trucs, parce que j'ai quelque chose dans ma poche pour lui souhaiter bon anniversaire sans même avoir à prononcer les mots.

« Vas y j'adore quand tu râles. » Parce qu'elle ne fait que ça en réalité. Mais j'ai prévu de jouer, j'ai prévu de la laisser prendre la guitare parce qu'elle finira par le faire sans me demander la permission. Et j'essaierai de lui apprendre les 3 même accords qu'elle veut toujours reproduire mais dont elle ne se souvient jamais. Et on passera la journée, la nuit là. On restera là jusqu'à ce qu'elle finisse par avoir envie de rentrer. Et ses lèvres viennent sur les miennes, mes mains se perdent sur ses hanches pour la ramener un peu plus près de moi et répondre à son baisé, et sourire au moment où elle me mord la lèvre. Elle est contente d'être là, et je le sais parce que je la connais mieux que je ne me connais moi-même.

« Merde, je savais que je t'avais confondu avec Suzie ! » « Oups, j't'ai confondu avec les poubelles. » et le bruit là, qu'on entend, c'est ma bouteille de bière encore bien pleine que je lui tire à la gueule et qui attend facilement sa cible, le sourire le plus condescendant que j'ai en banque sur les lèvres. La seule chose qui me fait plus chier là de suite mis à part la jalousie maladive et l'envie de vouloir tuer Suzie en deux secondes top chrono mais de pas pouvoir le faire parce qu'on est si loin de la ville c'est d'avoir gaspillé une bière et de devoir en ouvrir une autre.

Mais la distance se gomme entre nous et c'est pas plus mal quand ses lèvres goûtent ma bière et goûtent lui tout court. « Vas y j'adore quand tu râles. » je roule des yeux et souffle, il a le traitement de faveur Jet parce que c'est Jet et parce qu'il a toujours une longueur d'avance sur le monde entier aussi conne je puisse être de lui céder en un claquement de doigt comme ça. Au moins je le sais, c'est un bon début. « C'est moins fun quand toi tu râles pas aussi avoue. » je mords sa nuque, je mords ses lèvres, je mords tout ce qu'il y a à portée et il fera genre il déteste ça, mais il reviendra encore plus vite et encore plus fort la seconde d'après.

La second d'après aussi, je me détache pour filer vers sa guitare, me poser dans le sable et commencer à la gratter même si j'ai absolument aucune fucking idée des notes qu'il m'a apprises la dernière fois - ok j'ai retenu, mais je veux juste qu'il me les réapprenne encore avouez que mon plan c'est du génie et ça va le faire rager de répéter, c'est donnant donnant. « Y'a des rumeurs qui disent qu'aujourd'hui c'est ton anniversaire aussi. » je chante, ma voix qui monte jusqu'à ses oreilles avant que je pouffe de plus belle. « Mais j'crois juste ce qu'il y a d'écrit sur tes faux papiers de toute façon, Arnold Holler. Tu joues? » c'est pas aujourd'hui que je vais gratter sa vie perso, s'il m'en parle pas, c'est lui le pire. En attendant, l'appeler par son faux nom me fait rire, c'est déjà ça.

On est déjà sur la plage et on joue, on se pique, et bien évidemment, après avoir parlé de Suzie je me prends une bière dans la tête. Prévisible la Ariane jalouse et possessive. « Sacrément sexy tes poubelles alors. » Je les vois ses yeux qui lancent des éclairs à peine je prononce le prénom d'une autre fille qu'elle. « Fais gaffe la poubelle elle peut rentrer tranquille sur sa moto en te laissant là. » Et on est loin, très loin de la ville si elle devait faire tout le chemin à pied. Happy Birthday Ari.

Elle râle mais elle se rapproche, elle pose ses lèvres sur les miennes à de nombreuses reprises avant de mordre presque tout mon corps en moins de 5 minutes. « Ranges tes dents » Ou pas. Parce que maintenant c'est moi qui viens marquer son cou et sa mâchoire. « Je peux râler parce que ton genoux est en train de me broyer la cuisse » et je ris parce que je sais qu'après ça elle appuiera encore plus fort et je pourrai pincer sa hanche encore plus fort parce qu'elle déteste ça. « Je peux râler parce que tu pues la bière à 2km » et moi aussi mais moi l'odeur de bière me va bien. « Je peux râler parce que y'a plus de place de ce côté de ton cou pour laisser des marques. » Donc je vais m'attaquer à l'autre côté immédiatement. « Je peux râler parce que tu prends une année de plus et tu commences à être trop vieille pour moi. » On a pas mal d'années d'écart mais elle a toujours fait plus vieille.

Elle part vers la guitare et je grogne avant de m'allonger sur le sable et garder un œil sur elle. Parce que je pourrais la noyer sans laisser aucune trace si elle décidait de laisser une seule égratignure sur ma guitare. Enfin, guitare voler mais c'est quand même la mienne pour l'instant. « Les rumeurs disent faux, je suis immortel j'ai arrêté de fêter mon anniversaire y'a des centaines d'années déjà. » Je secoue la tête avant de me rapprocher d'elle parce qu'elle rester loin trop longtemps déjà et que je sens presque plus la douleur de son genoux qui s'enfonce dans ma cuisse. « Arnold Holler ça doit encore être un de tes amants tu confonds. » Ou un des nombreux noms que j'ai déjà donné pour ne pas donner le mien. « Avec ou sans toi ? » Ma tête se pose sur son épaule et mes mains sur les siennes pour lui montrer, pour la centième fois au moins, les même accords.  

« Je peux râler parce que ton genoux est en train de me broyer la cuisse »
« Je peux râler parce que t'as bougé et que là j'peux pas te rentrer mon coude dans les côtes. »
« Je peux râler parce que tu pues la bière à 2km »
« Je peux râler parce que tu pues la cuite d'hier à 3km. »
« Je peux râler parce que y'a plus de place de ce côté de ton cou pour laisser des marques. »
« Je peux râler parce que tes épaules sont couvertes de griffures sérieux tu marques à rien. »
« Je peux râler parce que tu prends une année de plus et tu commences à être trop vieille pour moi. »
« Fuck you. »

Alors je le pousse du plus fort que je peux en arrière, file de mon côté à rager d'avoir perdu cette manche-là, mais pas la guerre. Je perds jamais totalement de toute façon quand y'a Jet, parce qu'on est éternellement en constante bataille et que ça le dit : c'est constant. Ça finit jamais et c'est sûrement ce qui rend ça aussi addictif, aussi excitant.

« Les rumeurs disent faux, je suis immortel j'ai arrêté de fêter mon anniversaire y'a des centaines d'années déjà. » blablabla, donc c'est vrai, c'est son anniversaire aujourd'hui et on est pareils même pour ça et ça devient chiant à la longue qu'il me copie pour faire comme s'il était cool lui aussi.  « Arnold Holler ça doit encore être un de tes amants tu confonds. » « Non c'est un nom à chier et t'es à chier et tu viens t'assoir avec moi ou faut que je supplie? » passons sur le fait que c'est lui qui me trompe et pas moi. Passons sur le fait que même si j'embrasse des gars à foison à la seconde où Jet est dans les parages rien que pour le faire rager, je pars jamais avec qui que ce soit. Passons sur le fait que si moi je suis qu'une conne de plus à qui il accorde de l'attention, lui, il est tout, absolument tout autour de quoi je gravite. Et ça m'enrage au point où le pauvre joint que je roule maintenant pourrait se plaindre de coups et contusions à ce rythme.

Tu joues? « Avec ou sans toi ? » je pouffe comme une gamine maintenant que je sens la chaleur de son corps qui se love contre le mien, ses bras qui passent de chaque côté de ma taille et son menton qui vient s'ancrer dans ma nuque. « Comme si t'allais faire ce que je vais demander. » je le laisse placer mes doigts par contre, je le laisse tout faire Jet, et c'est ça le drame. Avec moi il peut toujours tout faire le con, et il en profite. « T'as souhaité quoi quand t'as soufflé tes bougies, Nosferatu? » je raille la seconde d'après, trop perdue dans son souffle qui se casse sur ma peau, trop blasée de penser à la fin de la journée quand c'est juste le début.

« Fuck you » « J'ai gagné » et c'était le seul but de cette manœuvre, et elle rage et moi je jubile alors qu'elle me pousse pour s'éloigner de moi. Elle aura peut-être le droit à une ou deux minutes de répit. Pas plus. C'est pas parce que c'est son anniversaire que je vais subitement me mettre à l'écouter et à faire ce qu'elle me demande. J'aurais pu râler plus longtemps et je suis un peu frustré qu'elle accepte ma victoire aussi rapidement. Mais c'est qu'elle se relâche un peu Ari le jour de son anniversaire. « T'aimes bien l'endroit ? » Elle joue avec ma guitare et les sons sont affreux. C'est mon anniversaire aussi mais on est pas venu là pour qu'elle me le souhaite, je le fête pas, je le fête jamais et c'est bien mieux comme ça. « Moi aussi je te déteste. » C'est peut-être le je t'aime qu'on a entre nous parce que ces mots ne sortiront jamais de ma bouche. Parce qu'il faut que je me convainque que j'ai pas besoin d'elle dans ma vie et que n'importe quelle fille peut la remplacer aisément. Mais ça marche pas, et pourtant j'essaie souvent.

Elle ne me supplie pas et c'est vraiment dommage parce que j'aime quand elle me supplie de me rapprocher d'elle. Mais elle aurait été bien trop longue à parler alors je me colle à elle et je corrige le placement de ses doigts sur les cordes. « C'est peut-être mon cadeau d'anniversaire ? » Oh non ce serait bien trop nul comme cadeau. Parce que de toute façon ma main libre se décale déjà dans ma poche parce que j'ai vraiment un truc à lui offrir et ça aussi ça peut étonner le monde entier. « J'ai rien soufflé, j'aurais certainement pas de gâteau. » Et je suis bien là, et à cet instant j'ai pas de vœu précis parce que j'ai pas besoin de plus. Et je pose les clefs dans sa main en la détachant de la guitare. « ça c'est celle de mon appart, et ça c'est celle de la fenêtre de la salle de l'école de musique où je suis quand je suis pas dans mon appart, et ça c'est un porte clé avec marqué fuck you dessus. »
 

« C'est peut-être mon cadeau d'anniversaire ? » et puis quoi encore. Qu’il vienne pas me gober toute la vedette en ce jour béni, jour duquel j’en aurais rien eu à foutre s’il était pas apparu avec son air de conquérant à deux balles, jour que j’aurais définitivement oublié s’il l’avait pas oublié lui-même. Depuis quand il savait c’était quand mon anniversaire, et depuis quand il le soulignait?

Il se colle et je me rapproche un peu plus si c’est humainement possible, parce que même s’il me fait suffoquer apparemment j’en ai pas encore assez de lui. « J'ai rien soufflé, j'aurais certainement pas de gâteau. » « Boohoohoohoo, pauuuuvre gars. » j’éclate de rire après avoir tapé son torse de ma main libre avec violence, il me fera pas pleurer quand je me doute que de toute façon son propre anniversaire à lui le fait chier autant que le mien me fait le même effet.

Et il m’énerve à se foutre la main dans la poche de son jeans quarante fois et quarante autres sans dire un seul mot. Jusqu’à ce qu’il me lance sans plus de cérémonie des clefs, clefs que j’attrape au vol en fronçant les sourcils à m’en faire mal. « ça c'est celle de mon appart, et ça c'est celle de la fenêtre de la salle de l'école de musique où je suis quand je suis pas dans mon appart, et ça c'est un porte clé avec marqué fuck you dessus. » « Et je suis censée faire quoi avec ça? » mon sourire est grand et chiant au possible quand ma tête se détourne pour scruter son regard. J’attends comme la peste que je suis 24/7 qu’il me dise clairement ce qu’il veut quand l’évidence est là au creux de ma paume mais que je sais que ça l’enragera au possible de l’assumer à voix haute. « Suzie a eu les mêmes? Ou t’as aussi changé le porte-clé? » je pousse et je pique, encore occupée à sourire, encore occupée à le trouver aussi beau que raté.

« T'es qu'un connard Jet. » et pour appuyer mon point, je l’embrasse bien sûr que je l’embrasse. « Le pire connard que la Terre ait porté et faudrait vraiment que tu crèves bientôt ça urge. » ça compte pour un je t’aime et pour un merci ça, j’pense.

J'ai fait un cadeau d'anniversaire et je sais pas pourquoi j'ai fait ça. Je sais pas non plus pourquoi la première idée que j'ai eu après avoir volé cette moto c'était d'aller la chercher pour l'emmener sur une plage éloignée pour fêter le dit anniversaire. Je soupire et je fouille dans ma poche. Et j'hésite pendant un très long moment avant de lui jeter les clés. Elle sourit et elle a quelque chose contre moi et ça me fait rager. Mais je lui ai donné et je m'en mordrai les doigts certainement pendant toute l'après-midi. Peut-être même pendant toute ma vie. Elle jubile et j'aimerais pouvoir lui arracher les clefs des mains et lui dire qu'en réalité elles sont pour Suzie. « Rayer tout un tas de voitures. » Venir chez moi quand je réponds pas au téléphone. Je ramène jamais mes conquêtes chez moi de toute manière donc la voie est libre. Et elle le sait pourquoi je lui donne ça, et elle utilise pas les mots qu'elle a envie d'utiliser comme je les utilise pas non plus et ça restera comme ça pendant un bout de temps. « Non elle j'ai mis un cœur dessus mais j'en avais plus pour toi. » Je grogne parce qu'elle m'énerve autant qu'elle m'amuse à faire sa gamine jalouse. Et je l'ajoute mais je sais pas pourquoi je fais ça. « Personne rentre dans mon appartement. » Parce que c'est chez moi et que personne n'a le droit de savoir où j'habite. Presque personne.

« Merci ça me touche. » Parce que son sourire et son baisé parle pour elle. Parce qu'elle a beau me lancer toutes les insultes qu'elle veut je sais ce qu'elle veut dire. « T'as qu'à m'éliminer, on est seul, y'a de l'eau partout, et t'as une moto à disposition. Y'a rien qui t'en empêche. » Ou que si il y a une chose qui l'en empêche. Et c'est à mon tour de l'embrasser avant de la caler de nouveau contre moi pour qu'elle reprenne la guitare en main. « Je joue avec ou sans toi ? » Et je lui mord le lobe de l'oreille avant même qu'elle me donne sa réponse pour replacer ses mains sur la guitare. « T'es vraiment insupportable, j'aurais dû te laisser devant ton lycée. » J'aurais fait ça pour rien au monde.
 

« Personne rentre dans mon appartement. »
« Personne veut y entrer ça pue la merde là-dedans. »

Peu importe la façon dont il le présentera la vérité reste là :  il m'a donné une clef, et je peux entrer comme je veux - et sortir - de chez lui. On en parlera pas parce qu'on parle pas de ces choses-là, on sautera à la gorge de quiconque nous demandera si on habite ensemble maintenant ou pas, on passera des heures à se gueuler dessus à la seconde où on réalisera que c'est un pas en avant bien trop sérieux qu'on vient de franchir et qu'on est tout sauf prêts l'un l'autre pour ça ; surtout pas lui, le connard qui me trompe à tout vent. Mais il roule entre mes doigts le trousseau, il roule et il tinte et il fait du bruit, bien plus que les vagues que j'entends plus du tout à l'arrière de nous.

« Merci ça me touche. » « Ouais, y'aurait fallu que je dise ça pour ton cadeau aussi, j'imagine. » que je rétorque, sur le même ton que lui, sans la moindre intention de le remercier et en sachant tout à fait que si je souligne le geste, il a bien plus de chance d'en rager rien que pour camoufler la lueur qui brille dans ses yeux, qui fait écho à la mienne. On a presque l'air d'un couple normal là, on a presque l'air d'un couple tout court et c'est à en vomir tout ça, surtout quand mes lèvres s'accrochent aux siennes et quand ma main fait pareil avec ses doigts. « T'as qu'à m'éliminer, on est seul, y'a de l'eau partout, et t'as une moto à disposition. Y'a rien qui t'en empêche. » pendant tout son scénario de merdeux, y'a ma tête qui se secoue au ralenti, le non aussi évident que possible, que j'additionne fièrement d'un « Trop facile. » qui caractérise bien des choses qui m'ennuient, bien des choses que j'évite aussi. À commencer par ce nous tellement compliqué et tellement nocif que je suis pas prête à lâcher.

Il s'impose derrière moi, je souffle le plus bruyamment possible tout en le laissant absolument faire. « Je joue avec ou sans toi ? » il place mes doigts et il lance les accords, j'ai rien suivi et j'ai presque l'air de m'en foutre quand je jure je les note mentalement pour une fois, les accords. « Comme si tu me donnais vraiment le choix. » « T'es vraiment insupportable, j'aurais dû te laisser devant ton lycée. » son souffle est bouillant contre ma nuque, le mien se charge de brûler sa joue quand mon regard se détourne et que j'attrape ses yeux au vol. « T'as qu'à m'éliminer, on est seuls, y'a de l'eau partout, et t'as une moto à disposition. Y'a rien qui t'en empêche. » ses mots que je reprends, et le battement de cils qui rend le tout ma foi si condescendant que je pourrais pas être plus fière de mémoriser toujours tout ce qu'il me dit, tout ce qu'il me fait aussi.

« Je vais pas faire ta vaisselle. » j'annonce, de nulle part, les clefs posées sur ma cuisse, la tête nichée contre son torse quand sa silhouette se presse contre la mienne et que mon dos prend appui sur son torse. « Je vais pas ramasser mes fringues sales. » mes doigts se resserrent sur les cordes, j'ose une mélodie en laissant ses propres doigts s'entrelacer un peu mieux aux miens. « Je vais pas te couvrir quand t'as pas de fric pour payer ton loyer. » je pouffe, ralentis le rythme de la musique qu'il initie, que j'apprivoise. « Qu'on soit clairs. » les avertissements qui n'en sont pas vraiment, les règles qu'on suivra jamais de toute façon.

« Tu te plains beaucoup pourtant tu viens souvent toquer à la porte de cet appart ! » Je fronce les sourcils, je vais récupérer les clés si elle continue à me faire chier comme ça. Je sais pas si c'est une bonne idée, j'avais juste envie qu'elle puisse entrer quand elle le voulait, parce que j'en ai marre de devoir me lever au milieu de la nuit quand elle est prête à réveiller tout Brisbane en hurlant et frappant sur la porte. Peut-être qu'elle le fera encore, ou qu'elle rentrera dans l'appartement juste pour me hurler dans les oreilles, me réveiller et repartir. Mais maintenant elle a les clés. Elle sait que c'est symbolique, on sait que ça l'est et ça suffit. Personne ne le dira, on utilisera pas de mots trop sérieux, trop officiels. On est bien comme ça, en plongeant dans ce trou noir ensemble. On s'enfonce, on se détruit, mais on les fait à deux et ça depuis la première fois qu'on s'est vu.

« Si t'avais dit ça je t'aurais sûrement arraché le trousseau des mains. » Mais je sais qu'à partir de maintenant je ne pourrai jamais récupérer ce jeu de clés. Jamais. Mais elle n'était pas comme ça Ariane, elle m'avait dit que ça la touchait à sa manière à elle. Ils brillent ses yeux, elle a l'air heureuse et ça je ne le vois pas souvent, elle ne le dit pas, mais elle aime ce cadeau. Et j'étais sûr de moi avant même qu'elle soit au courant que je vienne la chercher devant son lycée. Trop facile. Et là mon sourire en coin fait une nouvelle apparition, c'était trop facile. Mais on avait beau se menacer à longueur de journée, cette relation était trop vitale, pour l'un comme pour l'autre. « Ouais bien sûr. » Je rétorque parce que je sais, parce que j'aurais répondu la même chose en regardant l'horizon moi aussi.

Et je joue de la guitare derrière elle, avec elle. Mes doigts se mêlent aux siens, et on fait de la musique. Et là je suis bien, je suis moi. « T'as toujours pas l'air de t'en plaindre. » Et mes dents se perdent de nouveau sur son cou, à un endroit où la marque n'était pas restée assez longtemps à mon goût. Elle reprend mes mots et mes dents se serrent, elle sait toujours comment retourner la situation à son avantage, exactement comme moi j'aime le faire aussi. « Trop facile » elle reprend mes mots et je reprends les siens, le jeu peut durer un bout de temps.

Elle parle de l'appartement, elle parle de vaisselle, elle parle de vêtements et je pouffe de rire ma tête encore dans son cou. « J'espère que tu fais au moins à manger. » Faut bien que j'y gagne à la laisser entrer chez moi quand elle le veut non ? Elle ne me couvrirait peut-être pas mais elle ferait tout pour m'aider à gagner de l'argent, et ça je le sais parce que c'est ce qu'on fait depuis des années déjà. « Si tu les ramasses pas elles finiront par passer par la fenêtre. » Mes cils qui papillonnent autant que les siens, mon ton que je calque au sien aussi. « Tu veux faire quoi ? Une liste des règles ? Oh oui vas y écris une liste de règles. » Comme ça je me ferais un plaisir de l'apprendre par cœur pour enfreindre chacune des règles avant de la brûler devant son nez.
 

Blablabla ta gueule Jet - et il se rapproche et autant je le hais, autant je le déteste, autant son parfum me remonte au nez, direct. « T'as toujours pas l'air de t'en plaindre. » « T'inquiètes, ça viendra. » si c'est que de ça dont il a besoin, je peux très bien râler pour tout et n'importe quoi à partir de maintenant et jusqu'à ce que j'en crève. Évidemment. « Trop facile » et ce qui est trop facile aussi, c'est le coup de coude qui part et s'aligne direct dans ses côtes. Oups, qu'elle est maladroite la gamine.

« J'espère que tu fais au moins à manger. » c'est la première connerie qu'il trouve à dire, quand moi c'est ça : « Je cuisine mieux que n'importe qui. » et elle est hilarante, la blague en vrai. Parce que je sais même pas comment faire bouillir de l'eau sans faire cramer ma casserole. Encore heureux que mon orgueil soit aussi enflé et démesuré que le sien, parce que c'est aujourd'hui officiellement que je prends envers moi-même la promesse solennelle de devenir la meilleure cuisinière du monde et de lui brûler le palais avec mes plats parfaits en tous points. (La Ariane 15 ans plus tard confirme qu'elle a bel et bien appris à maîtriser les fourneaux, take that Jet.) « Si tu les ramasses pas elles finiront par passer par la fenêtre. » « Les tiennes avec. » même ton, même intonation, même sourire de merde et mes doigts pincent les siens quand il en est à me montrer pour la millième fois un accord que j'apprends enfin comme il faut.

Et il fabule Jet, il rêve éveillé le gars. « Tu veux faire quoi ? Une liste des règles ? Oh oui vas y écris une liste de règles. » j'éclate de rire, me détournant pour lui faire face, taper avec toute la délicatesse que j'ai en moi (c'est-à-dire aucune) de ma paume sur son torse. « Certainement pas. J'habite pas avec toi, j'ai que tes clés. » comme si c'était sérieux, comme si c'était officiel, comme si j'étais assez idiote pour croire qu'il veuille ça. Elles goûtent le fer, ses lèvres, quand je me détache de son visage après l'avoir embrassé, mais surtout mordu. « Par contre je te tue dans ton sommeil si tu me laisses pas le côté gauche. » par contre, ça sera la première fois que je partirai pas après avoir passé quelques heures à défaire les draps de son lit avec lui. Par contre, ça sera la première fois où je voudrai dormir, avec lui.

 Ouais elle se plaindra la gamine, mais elle se plaindra en ne pensant rien de ce qu’elle dit. Elle râlera juste pour la forme, pour essayer de faire croire au monde entier qu’elle est pas du tout accro à moi. Mais c’est trop tard Ariane, on le sait tous les deux à quel point c’est trop tard. Et encore, on ne sait pas encore jusqu’à ça ira tout ça, pendant combien d’année ce nous restera en suspend avant qu’on ait le courage de dire quelques mots qu’on a jamais osé dire. Mais c’est il y a 15 ans là, c’est quand elle avait que moi et quand moi j’avais elle et les autres. Mais quand elle elle a toujours été différente des autres et que j’étais juste trop con pour m’en rendre compte à cette époque déjà. Mais bon, parlons du moment, parlons de l’anniversaire, parlons de ces clés qu’elle garde entre ses mains que je vais jamais récupérer. Un coup de coude dans mes côtes me ramène à la réalité et mes mains sont prises. Donc c’est mes dents qui vont laisser une nouvelle marque sur son épaule dénudée. “Blablabla arrêtes de parler et joues” Parce qu’elle commence à bien l’avoir l’accord que j’essaie de lui apprendre depuis des mois et qu’elle oublie entre deux soirées.

Elle va venir chez moi. Je sais pas pourquoi je m’embarque dans ça, je sais pas pourquoi j’ai eu cette idée. C’est juste venu comme ça et j’espère qu’elle va les utiliser ces foutues clés. Je les regarde dans sa main alors qu’on est encore enlacé en train de jouer de la guitare. Elle parle, elle s’arrête pas, elle est presque surexcitée la gamine. Mais moi je souris dans son cou quand elle se vante d’être bonne cuisinière. “T’as appris à faire des pâtes ?” Mon sourcil se hausse et mon corps est prêt à recevoir n’importe quel coup parce qu’elle est prévisible Ariane. “Tu veux dire mes affaires, genre mes pulls que t’auras volé dans mon placard ?” Parce qu’elle en a déjà des pulls à moi qui trainent un peu partout chez elle certainement, mais qui ne sont jamais revenus jusqu’à chez moi.

Elle se tourne vers moi et je préférais quand elle était dos à moi, la conversation était bien plus simple quand elle captait pas mon regard. On a pas parlé, on a pas donné d’explications, on en donnera jamais, on utilisera jamais les mots qui disent que y’a quelque chose de vrai et de fort entre nous (LOL Jet). “T’as qu’à voir ça comme une coloc quand ta mère te fait chier.” Oh Jet. Oh là je sais très bien que je vais la voir quasiment tous les jours et c’est peut-être mon but après tout. La ferme Jet, ferme la. Elle me mord encore la lèvre et je viens chercher un nouveau baisé pour lui faire exactement la même marque. “J’ai toujours détesté le côté gauche, je préfère le milieu. Je pourrais toujours t’écraser pendant la nuit si tu prends trop de place.” Comme si j’étais pas déjà habitué à passer une partie de mes nuits avec elle de mon côté gauche.

“T’as appris à faire des pâtes ?”
« Et une sauce où on goûte presque pas l'arsenic. »

Elle chante ma voix, elle chante et elle est bien plus agréable à entendre quand elle a le dernier mot que ses vulgaires accords qu'il arrête pas de répéter rien que pour s'assurer que cette fois je m'en souvienne. Que je me souvienne de tout. “Tu veux dire mes affaires, genre mes pulls que t’auras volé dans mon placard ?” parlant de pulls, celui que je lui ai volé aujourd'hui est vraiment pas aussi confortable que j'aurais pensé. Sérieux la laine c'est une plaie et les mailles sont trop larges le vent passe à travers. Foutaise. « Ils me vont mieux à moi qu'à toi de toute façon. » ma tête dodeline, mes doigts pincent les siens entre les cordes. Du pareil au même, et ça me va, un temps.

Et c'est vraiment trop, son histoire de clés. Plus j'y pense plus que je me dis que c'est la pire des idées, que c'est juste une catastrophe de plus qu'il est en train de lancer comme un con l'oeil brillant le sourire qui lâche pas ses lèvres. “T’as qu’à voir ça comme une coloc quand ta mère te fait chier.” oh Jet sérieux tu sais pas dans quoi tu t'embarques. Pourtant je suis persuadée qu'il sait à quel point je vais être chiante, il sait que dans quelques mois on sera officiellement colocataires et qu'on vivra nos pires bas comme nos plus extrêmes hauts. “J’ai toujours détesté le côté gauche, je préfère le milieu. Je pourrais toujours t’écraser pendant la nuit si tu prends trop de place.” « Arrête de chercher des raisons, c'est bon, tu fais assez pitié. Je garde les clés. » j'éclate de rire, le laisser perdre dans l'histoire quand c'était encore une fois qu'une bagarre l'un contre l'autre me suffit comme raison ultime et finale.

« On dort ici. » mes pieds grattent le sable, je lui en renvoie à la gueule la seconde d'après. Ça sonne pas comme une question et je n'y mets même pas l'effort que ça soit le cas. Il a pas le choix.