« On fera front. Quoi qu'il arrive on sera là, tous. »

Tous. Promesse silencieuse d'une unité encore si fragile.

Les paroles de Ginny résonnent en moi depuis que Jill a claqué la porte de la maison ce matin. Le film de cette après-midi sur la plage se joue en boucle dans un coin de ma tête. Les mots échangent, les instants brisés. Je suis allé trop loin, trop fort, trop vite. L'espace d'un instant j'ai crue la perdre pour de bon, malgré les promesses, malgré le lien. Entre mes doigts glissent la pierre qu'elle m'a confiée jusqu'à présent cachée dans le vide poche de ma voiture. Ce n'était pas l'endroit idéal. Elle mérite mieux. Je me fais gardien de son secret, de ses maux. Je m'y raccrocherai jusqu'au jour où Ginny l'évoquera à nouveau. Elle trouve sa place dans le ventre de mon piano, cette petite pierre lisse et ronde. Cachée entre le bois et les cordes, en sécurité.

« On fera front. Quoi qu'il arrive on sera là, tous. »
Tous. Jill, Bailey, Ginny et Auden.

Un tout que l'on aurait bien été incapable d'imaginer il y a encore cela quelques années, mais qui est désormais une réalité. Tout a changé. Tout a basculé. Je ne rêvais que de son bonheur à Ginny. J'ai fait les erreurs de la pousser dans les bras d'Isaac alors qu'elle ne pensait qu'à ceux d'un autre depuis le départ. J'ai mis du temps à le comprendre, à le voir, à l'accepter aujourd'hui. Durant une période il n'était que celui qui l'emmenait au loin, celui qui allait tout prendre sans rien laisser, sans rien partager. Je l'ai détesté pour cela. Je l'ai haï de savoir s'y prendre, de savoir la faire sourire, de savoir l'aider à voler de ses propres ailes. Je me suis laissé aveugler par son arrogance et son sarcasme sans comprendre que derrière tout cela, il n'y avait en réalité qu'un homme qui aime et qui protège. Ils s'aiment d'une manière non conventionnelle, à leur manière. Et aujourd'hui, je sais qu'en réalité, il était tout ce dont elle avait besoin. Il est celui qui la maintiendra à flot, qui la rattrapera au vol. Il est celui qui la rend pleinement heureuse. Je ne suis personne pour en être juge. Alors, si les sœurs McGrath ont réussi à faire front ensemble. Si aujourd'hui, elles ont décidé de s'évader ensemble. Il est temps que je fasse le premier pas, malgré les rancœurs, malgré la réticence.

Sans réellement savoir pourquoi, je me retrouve devant la porte de leur maison, armée d'une excuse bidon pour justifier ma présence. Mon poing s'abat sur le cadran en bois alors que de l'autre côté le chien s'agite déjà. J'entends du bruit. Il est là. Je n'ai rien prévu, rien planifier. Je ne sais même pas s'il voudra m'accorder une minute d'attention. Je soupire et la porte s'ouvre. « Bonjour… » Je me balance sur mes pieds, regarde le carnet et les pinceaux entre mes doigts, objets délaissé par Noah. L'excuse attendra. « On va faire un tour ? » Je n'imposerai pas ma présence chez eux. A quelques mètres d'ici se cache un chemin de randonnée. Lieu neutre, calme. L'endroit parfait pour agiter le drapeau blanc.

Ça ne fait qu’un jour et ça sonne comme une semaine. Une semaine qui sonne du genre comme une éternité, en fait. C’est con. C’est con parce que j’ai toujours aimé me retrouver seul et ne pas avoir à penser à qui que ce soit, me contenter de créer et parfois de sortir de ma bulle quand il le faut. C’est con parce que j’ai jamais été dépendant à personne, à vraiment personne, que ma famille va et vient et que les connaissances dans ma vie en font de même. Les gens viennent, en profitent, repartent. Et c’est okay, parce que j’en fais de même et que j’en ai toujours fait de même. J’ai toujours fonctionné ainsi, à siphonner l’espoir et les rêves des autres en plus de leur énergie pour simplement me tirer dès l’instant où il ne restait rien. Les autres n’étaient pas trop okay avec ça, bizarrement, mais moi ça m’allait.
Sauf que maintenant est tout différent et j’ai rien envie de siphonner, j’ai jamais rien volé chez elle en quatorze et ça aussi ça sonne comme une éternité quatorze ans. On a eu des hauts et des bas, on a eu tout et la seconde d’après il n’y avait plus rien. On ne s’est pas parlé ni même vus pendant des années et pourtant on est toujours là aujourd’hui, mariés, heureux je crois bien aussi, si ce n’est pour elle alors pour moi. Et on est cons parce qu’on ressemble à des adolescent incapables de se séparer plus de quelques heures et ça ne nous ressemble pas, quand au final on ne s’est pas réellement ce qui est ce nous quand elle a toujours vécu selon le bon désir du reste du monde alors que je devais me plier à mes infinités de blocages. Ils n’étaient pas nous et aujourd’hui il ne restent que des mariés trop cons et trop attachés l’un à l’autre, parce qu’aujourd’hui enfin on commence à avoir le droit de le dire même si le chemin à parcourir est encore long.

« Bonjour… » Bon ça reste à voir, jour c’est évident.
Et dire que je pensais qu’on venait nous livrer un de ses énièmes foutus éclairages qu’elle s’obstine à accumuler dans ma maison alors que la sienne est encore remplie de meubles encore dans leurs cartons. L’idée d’avoir chacun chez soi est vite tombée à l’eau quand finalement Pizza va être le chien ayant la plus belle niche du monde - même si là aussi on a merdé quand on sait que finalement il dort toujours au bout du lit quand ce n’est pas sur nous. « Salut. »

Le problème c’est que le Fitzgerald n’a pas la tête d’un livreur et que les foutus artistes ça se sent à des kilomètres à la ronde, ça cache même toute la gêne ambiante et son besoin enfantin de se balancer d’un pied sur l’autre comme Ginny l’aurait fait dans une autre vie. « On va faire un tour ? » Mes yeux l’inspectent rapidement de bas en haut sans s’attarder sur ce qu’il tient entre ses mains mais semble pourtant vouloir cacher. Tant que ça ne ressemble pas à un couteau je n’en fais pas mon affaire. Il a l’air de vouloir me parler et il était de toute façon impensable qu’il pose le moindre pied sur la moindre herbe du jardin et je ne parle même pas de l’éventualité de rentrer dans la maison. Bizarrement docile (la faute à la folie atteignant doucement mon cerveau, sans aucun doute), j’accepte son invitation sans souffler ni même lever les yeux au ciel, ce qui devrait être noté quelque part tellement c’est une chose rare. J’ouvre plus largement la porte pour laisser à Pizza la possibilité de sortir, le fidèle ami à quatre pattes qui deviendra mon alibi si jamais j’en ai déjà marre de voir la tête du Fitzgerald à mes côtés. « T’as merdé à quel propos pour qu’elle rentre dans cet état là ? » Lui comme moi n’avons pas de temps à perdre en questions polies mais qui ne feraient aucun sens pour nous. Il a voulu me voir, d’accord. Mais ce sera avec mes règles et mes conditions, tout comme ce sera avec les questions que j’imposerai moi même parce que mon ordre de priorité est de toute façon bien meilleur que le sien. Et dans mon ordre à moi, Ginny passe en première. Et dans mes souvenirs à moi, il l’a ramené au plus mal. Et mon cerveau bip parce que les deux ne devraient plus jamais avoir à être associés, je me le suis promis et il me fait manquer à cette promesse silencieuse à laquelle je tiens bien plus que n’importe quoi en ce monde.

Pourtant je fais au mieux selon mes propres critères, aussi, quand mes yeux ne lancent aucun éclair dans les siens et quand je marche docilement à ses côtés sans même tenter de lui coller mon poing sur le visage. On est déjà passés par là, pourtant, ce ne serait qu’un contrôle de routine rien que pour vérifier que mon poignet est toujours aussi fragile tout comme doit encore l’être l’arrière de son crâne.
Qu’est ce qui pourrait mal tourner, après tout ?

La réaction du Williams est anormalement bizarre lorsqu’il accepte de me rejoindre. Pas de soufflement exaspérer, pas de sarcasme et surtout pas d’insultes. Je compte déjà cela comme une victoire, alors que l’on se retrouve côte à côte. Le chien se presse entre nous, ultime rempart en cas de dérapage. On avance sans but, mais au moins on s’éloigne de leur bulle. En terre inconnue. Je pensais avoir quelques secondes de répit. Le temps de quelques pas. Le temps que l’on s’adapte l’un à l’autre, que l’on s’apprivoise. La stratégie se voulait de tâter le terrain en douceur. C’était sans oublier que celui qui se trouve à mes côtés n’est autre qu’Auden Williams. Il n’a le temps de rien, lui. Il ne fait pas dans la dentelle, il se fiche de la bienséance et ses coutumes d’usages. Il fonce droit dans le mur sans détour. Coup de pied dans le tas. Brut de décoffrage.

« T’as merdé à quel propos pour qu’elle rentre dans cet état là ? » Je pensais l’aider, tu sais. Si seulement tu pouvais voir, comprendre, à quel point je m’en veux d’en être arrivé là. À quel point je me déteste de l’avoir amener sur ce chemin-là.
« T’as merdé à quel propos pour qu’elle rentre dans cet état là ? » Je ne veux que son bien même si tu ne le comprends pas.
« T'as merdé. » A tous les niveaux, je crois.

Et je me demande si Ginny lui a raconté. Si elle lui a parlé de la plage, de notre conversation, des pierres. J’en doute. Il a beau être important, elle ne trahirait pas cela. S’il me pose la question à moi, c’est qu’il ne lui a jamais demandé à elle.

« Il fallait qu’elle en parle. » que je lâche dans un murmure sans jamais oser croiser le regard du brun. J’attends une seconde qu’il explose, mais le silence reste roi. Je ne lui apprends rien, j’en suis certain. Il le sait probablement mieux que moi depuis le temps. Elle ne parle pas Ginny. Elle attend qu’on l’interroge, elle attend que l’on aborde le sujet sinon elle continue à enfouir sous le masque. Elle entasse sans rien dire, elle s’étouffe, en nous faisant croire que ce n’es rien. Je n’ai pas la prétention de savoir mieux que lui. J’expose les faits, simplement. Il ne saura rien de ce qui a pu être dit cet après-midi-là. En silence, je lui donne l’autorisation d’aller chercher les informations à la source, mais je ne serais pas celui qui divulgue. Il fallait que quelqu’un amène le sujet. Je ne dis pas avoir réussi quoique ce soit, bien au contraire, mais j’ai tenté avec mes armes. J’ai fait au mieux, pour elle.

Et si dans son esprit Ginny est clairement la priorité, il faut qu’il sache qu’il n’est pas le seul. « Je veux que son bien, tu sais. » Parce que toi, Auden, tu ne sais pas ce que c’est de vivre avec une Ginny qui rase le mur, qui se tait, qui encaisse en silence pendant des années. Tu ne sais pas ce que c’est de la voir malheureuse, de l’entendre étouffer ses pleurs dans l’oreiller tard dans la nuit. Tu ne connais pas la culpabilité d’avoir laissé faire. Tu ne sais rien de tout ça. « Peut-être que tu le vois différemment... » Ou que tu ne cherches pas à le comprendre. « Mais je cherche à la protéger depuis des années. » Au détriment de ma relation avec Jill. Au détriment de tout le reste. Est-ce que tu le vois ça Auden ?

Mon attention toute entière reste focalisée sur le chien, seul point d’ancrage que je trouve maintenant que je me suis laissé emporter dans une promenade que j’aurais sans doute mieux fait de refuser. J’ai cru prendre la bonne décision pendant une seconde et maintenant j’ai simplement l’impression d’être le roi des cons au pays des imbéciles, planète naïveté trop bon trop con. Ginny aurait continué à lui faire confiance les yeux fermés, je pensais simplement qu’en son absence il était sans doute préférable de continuer à suivre ses idées. Sinon la vie serait bien trop simple sans elle et ses mauvais plans et ça, voyez, ça serait vraiment louche et ennuyant. « Il fallait qu’elle en parle. » Je retiens les poings qui se serrent dans la poche de mon pantalon, rage qui fait renaître des douleurs dans mon poignet que je pensais enterrées et oubliées. Planète naïveté, que je disais. Si elle n’en parlait pas c’est qu’elle avait ses raisons, si elle se refermait sur elle même c’est qu’elle n'était pas prête. Elle avait ses raisons et peu importe lesquelles elles étaient, elles étaient les bonnes si ce n’est les meilleurs. « T’avais besoin de savoir. C’est différent. » Je tranche sans même chercher à envenimer la conversation. Il s’agit de Ginny et tant que tout continuera de tourner autour d’elle, je serai encore et toujours incapable de lui laisser gagner du terrain. Elle n’aurait pas pleuré si ça avait été moi et elle serait encore moins revenue tremblante. C’est tout ce qu’il y a à retenir. Même après toutes ces années il ne la connaît pas aussi bien qu'il le prétend.

« Je veux que son bien, tu sais. » Et entre vouloir et pouvoir il y a un monde. « Peut-être que tu le vois différemment... » À peine. « Mais je cherche à la protéger depuis des années. » Le rire nerveux que j’étouffe, que je tente de garder pour moi même, que je ravale tant par fierté que par besoin - les deux étant étroitement liés. « En acceptant un mariage arrangé ? Tu t’y prends bien, wow. » On ne parle pas de Londres, on ne parle jamais de Londres. Mais lui il est Londres, il représente chaque minute de Londres tout comme il en représente chaque aspect, chaque souvenir que je cherche à oublier depuis dix ans maintenant. Je suis mauvais, je suis dur, je parle avec toute l’amertume du monde mais il ne sait pas à quel point je fais un grand pas en avant, là, juste là, rien qu’en émettant la possibilité de parler de ce qu’il s’est passé là-bas. Je doute qu’il ait aucune excuse suffisante en réserve pour que je lui pardonne quoi que ce soit mais au moins il en a la possibilité, maintenant, et jamais il ne pourra me reprocher de ne pas lui avoir laissé sa chance. « Ca a dû être tellement difficile pour toi. » L’amertume sort de paire avec la rancœur.

« T’avais besoin de savoir. C’est différent. » Il se devait d’être en contradiction avec moi sur ce point. Je n’en attendais pas moins de sa part. J’ai appuyé là où ça fait le plus mal. Elle est revenue tremblante et les yeux rouges. On ne s’habitue pas à voir Ginny dans cet état tout simplement parce qu’elle ne laisse jamais entrevoir cette partie-là. Jamais elle ne craque, jamais elle ne fissure le masque. Pourtant, c’était devenu nécessaire et je ne compte pas me justifier auprès du Williams. Qu’importe ce que, j’avancerai, il prendra le temps de tout démonter point par point. Campé sur ses positions, je n’aurais la force de lui faire comprendre l’inverse. Je n’ai pas été le meilleur, j’ai failli et il me le fera payer. Si avant j’aurai tout fait pour lui démontrer le contraire, je crois qu’aujourd’hui, je suis prêt à l’accepter. « Je n’avais besoin de rien. » Je n’avais pas besoin de savoir parce que dans le fond, je savais déjà. Pas en détail, pas dans le fond, mais dans la forme. Je savais où se situait la douleur et tu le sais tout autant que moi Auden. J’ai voulu appuyer là où tu attends qu’elle s’ouvre. Chacun sa méthode, chacun ses erreurs. « Je le regrette crois moi. » Ou pas. Juste essaye de l’entendre, pour une fois. Un regret de plus sur la liste, une raison supplémentaire pour l’italien de m’en vouloir. Un peu plus ou un peu moins.

Mon attention se porte sur les mots, l’intonation choisie. Je ne suis pas venu en guerre. Je ne cherche pas une compétition du meilleur. On ne se base que sur les faits. Et il ne les a jamais oubliés Auden, les faits. Si je suis le mieux placé pour me reprocher toute notre histoire, il vient en seconde place haut la main. « En acceptant un mariage arrangé ? Tu t’y prends bien, wow. » Si tu savais Auden, tout ce qui se cache derrière ce mariage. Il assène froidement, il n’épargne personne. Elle se tient là sa vengeance, dans les mots, dans l’amertume. Jamais il ne pardonnera, lui. Quand elle a décidé de le faire, il y a si longtemps déjà. Personne ne comprendra, un jour, les décisions que l’on a dû prendre. Tout s’est joué à huit clos dans un appartement londonien d’où les secrets ne sont jamais sorti. « Ça a dû être tellement difficile pour toi. » Il assène le dernier coup. Je ne retiens absolument plus le rire nerveux. « Ne joue pas à ça... » Tu ne sais rien Auden. Tu n’images pas une seule seconde ce que j’ai pu ressentir ce jour-là et tous les autres jours qui ont suivi. Je retiens les remarques assassines. Je range ma colère, le laisse volontairement me transporter dix ans en arrière. Je me perds un peu aussi. Le silence dur, s’allonge et joue contre moi avant que je ne murmure platement. « Elle sera mariée que ce soit à toi ou à un autre. Il faut bien que quelqu’un s’occupe d’elle et de son bâtard. » Mot pour mot. Émotion pour émotions. Je serre le poing, tenter de contrôler ma respiration. Ce n’est pas le moment de perdre pied. Il doit savoir et après, il jugera. « C’est ce que m’a dit mon père le jour du mariage, mot pour mot. » C’est ce qui m’a fait changer d’avis, Auden. Je voulais dire non. Je voulais la sauver. Il a tout fait pour m’en dissuader. J’ai plongé tête baissée. « J’ai accepté pour les protéger. » Et tu n’imagines pas à quel point à ça a été difficile. À quel point je m’en suis voulu, a quel point j’ai voulu en crever. Cela a ruiné bien trop de relations, bien trop d’histoires qui se voulaient tellement plus belle. Je ne peux pas lui raconter tout Londres. Il y a des secrets qui partiront avec moi, des instants que l’on garde pour nous, c’était notre échappatoire lorsqu’il ne nous restait plus rien. Auden, n’a pas besoin de savoir cela. « Elle n’est que mon amie depuis dix ans. » Je ne l’ai jamais touché. Je ne l’ai jamais forcé. Je l’aime d’une manière différente, malgré ce que l’on a voulu nous imposer, malgré le rôle que l’on devait tenir. « On a fait comme on a pu, tous les deux. » Elle t’a laissé partir. J’ai laissé Jill s’enfuir.

Mes mots attaquent au moins autant que je me sens moins même attaqué alors que je n’étais même pas là et que je n’ai rien vécu. Londres a un écho qui fait mal pour moi aussi, d’une manière bien différente de la leur mais toujours existante. Londres n’est pas juste une ville, ce ne sont pas seulement des souvenirs de quelques jours, c’est toute une période de temps s’étalant sur des années et une gamme de sentiments qui ne laisse aucunement place à de la couleur ou à de doux accords. Londres c’est tout sauf de bons souvenirs, c’est aussi tout sauf ce dont j’ai envie de parler, que ce soit hier ou aujourd’hui ni même demain, que ce soit avec Ginny ou même avec Bailey. Il partage Londres avec moi, un instant, bref, qui n’a même pas de place dans nos souvenirs tellement il en est insignifiant.

« Ne joue pas à ça... » Ne joue pas à quoi, Bailey ? Il n’a pas le droit de venir se jeter dans la gueule du loup pour ensuite se plaindre qu’être mastiqué lui fait mal. Ce n’est que le début, c’est toute la douceur dont je suis capable en même temps que je suis en train de faire tous les efforts du monde pour elle et seulement pour elle, quand pas grand chose d’autre n’importe réellement. J’aurais pu continuer à le détester toute ma vie durant, lui ou sa femme, que cela ne m’aurait jamais empêché de dormir le soir. Je sais cependant que ça l’aidera elle à mieux dormir et après tout ce qu’on a vécu je ne peux plus être un obstacle à son bonheur, pas quand je sais à quel point elle a lutté pour continuer à le toucher du bout des doigts sans jamais réellement y parvenir. « Elle sera mariée que ce soit à toi ou à un autre. Il faut bien que quelqu’un s’occupe d’elle et de son bâtard. » Je ne le retrouve pas dans ces mots là et me retrouve avec la gorge nouée, le corps tout entier parcouru de frissons. Ce n’est pas le genre de frisson que je redemande, pas du tout même. Ces mots là n’auraient rien provoqué chez moi s’ils étaient destinés à un inconnu mais je sais que cette fois ci ce n’est pas le cas. Ginny est le parfait antonyme d’inconnu, que ce soit dans mon coeur ou dans ma vie. Il le sait autant que moi et il en joue à m’en rendre malade. « C’est ce que m’a dit mon père le jour du mariage, mot pour mot. » Je ne demande pas à ce qu’on remonte le temps, je ne demande pas à ce qu’il me fasse part de ses daddy issues rien que pour prouver qu’à ce jeu là au moins il est plus à plaindre que moi, lui qui a épousé une femme que tant d’hommes aimaient et qu’ils ont simplement dû observer s’enfuir. Elle est douce l’ironie dans tout ça, quand on sait que certains auraient tout donné pour être à sa place quand lui se plaint d’avoir toujours rêvé d’un ailleurs. Lâche. « J’ai accepté pour les protéger. » Menteur.

Je siffle, rappelle le chien près de nous alors qu’il me semble parti bien trop loin pour que ce soit raisonnable pour qui que ce soit, d’autant plus si on prend en compte le fait que le Fitzgerald continue sa lente agonie jointe à ses explications bancales. « Elle n’est que mon amie depuis dix ans. » Et elle est celle que j’aime depuis quatorze ans. On lance un concours ? On sort l’historique ? C’est quoi le but dans toute cette merde, Bailey ? Il n’y a rien qu’il puisse m’apprendre à leur sujet quand j’en ai entendu parler mille fois de leur vie, des anecdotes qu’elle laissait traîner de ci de là alors qu’elle sait très bien qu’on ne parlera jamais de toutes ces années de vie, que ce soit de son point de vue ou du mien. On se dit tout, absolument tout. Sauf ça. C’est la règle, c’est l’accord tacite qu’on a conclu il y a des années de ça. « On a fait comme on a pu, tous les deux. » « Je ne lui ai pas pardonné non plus. » Elle le sait et elle était la seule, jusque là. « Au cas où tu te pensais à part. » Tous ceux qui ont participé à Londres de près ou de loin sont dans la même case, et pour tout cela jamais je ne pourrai leur pardonner, quoi qu’il se passe ou se dise à côté. La preuve en est que j’ai épousé une de coupables et que c’est sûrement la meilleure décision que j’ai prise de ma vie.

« Je sais ce qu’il s’est passé là-bas et je ne veux pas en parler. » De quoi que ce soit, d’ailleurs. Toutes les heures que j’ai pu passer dans ce pays de malheur resteront un non-dit parce qu’elles font trop mal, même dix ans après - ce que je n’avouerai à qui que ce soit, surtout pas lui. « Tu voulais me voir. J’te laisse poser les questions. » Pas sûr que j’y répondrai mais on peut toujours essayer.

Il joue en défense Auden. Du moment où le sujet Londres a été sorti de son tiroir poussiéreux. Londres. Le plus grand tabou de notre histoire. Personne ne souhaite penser à cette période. Personne ne veut en parler. Pourtant, c’est bel et bien là que tout commence. La racine de tous nos problèmes. Le point commun de tous nos différends. Je ne voulais pas glisser sur ce terrain-là, c’est Auden qui m’a entraîné dans les méandres d’une autre vie. Un chemin sinueux qu’il n’est pas bon de nous laisser arpenter à deux. Les opinions divergent. Il n’encaisse pas les mots qu’avaient pu avoir mon père, je le vois. Tout dans sa démarche, dans son attitude change à cet instant précis. Au moins, peut-être qu’il finira par comprendre, un jour, que je n’avais dit oui que dans le but de la protéger. Tu n’aurais jamais été candidat dans la liste de nos géniteurs Auden, qu’importe ton nom de famille. Tu l’aimais, c’était déjà trop pour eux.

Et peut-être que je m’emmêle dans mes explications. Peut-être que je cherche trop à me justifier, mais le silence du brun m’angoisse. Il reste égal à lui-même, rien ne bronche, rien ne change. Si j’avais pu le déstabiliser un peu plus tôt, désormais, il n’était que froideur et ne cessait de mettre de la distance entre nous. J’ai compris que je ne serais jamais accepté dans son cercle. Je reste l’ennemi, quoiqu’il arrive. Si j’ai longtemps voulu me débarrasser de cette image, je crois que j’ai fini par faire la paix avec cette idée. Dans sa version de l’histoire, je suis le connard. Celui qui l’aura éloigné de celle qui l’aime pendant si longtemps. « Je suis désolé. » que je murmure fébrilement. C’est un jeu dangereux. C’est afficher ma faiblesse, lui donner tout le terrain pour m’atteindre. Tu as toutes les cartes en main Auden. « Je ne lui ai pas pardonné non plus. Au cas où tu te pensais à part. » Un rire nerveux m’échappe. Elle est probablement là son erreur à lui, mais je me retiens bien de lui faire savoir. Il s’agit de leur histoire, leur combat.

« Je sais ce qu’il s’est passé là-bas et je ne veux pas en parler. » Alors, elle lui a dit. Je n’en suis pas tant étonné. Au moins, il sait. Au moins, il connaît toutes les fragilités. « Personne ne veut en parler. » Le chapitre est clos. On ne reviendra probablement jamais dessus. J’ai dit ce que j’avais à dire. Peut-être que cela ne changera rien. Peut-être que c’était vain, mais au moins cela a été dit. Je répondrais toujours à ses questions, mais je n’imposerai pas plus loin la discussion.

« Tu voulais me voir. J’te laisse poser les questions. » Et cette fois, je ralentis le pas, pour me mettre face à lui. « Ce n’est en rien un interrogatoire. » Je ne te demanderais pas de la rendre heureuse, tu le fais déjà. Je ne te menacerai pas de te briser le cou si c’est toi qui la fais pleurer, tu le sais déjà. Tu connais déjà tout cela Auden. Nos regards se croisent un instant, avant que l’on reprenne notre chemin. Le chien se glisse entre nous. Le silence s’étire. Je joue nerveusement avec la fermeture de ma veste. « J’aurais aimé avoir compris bien avant. » Je m’excuse en silence. De ne pas avoir vu, de ne pas avoir compris qu’elle avait tant besoin de toi. Et j’en prendrais tout le blâme. « On ne sera probablement jamais amis. » Naïf de ma part de, malgré tout, laisser planer un doute. « Je ne cherche pas ton pardon. Juste un terrain d’entente. » Pour elle et pour Noah. Il le sait tout aussi bien que moi. J’agite le drapeau blanc si fort que j’en tremble.

J’essaye vraiment de me persuader qu’on joue dans la même équipe mais c’est difficile. On veut la même chose mais on n’utilise pas les mêmes moyens pour y arriver, il joue en défense et je joue en attaque et quand les rôles s'inversent il prend l’attaque et moi je deviens gardien. On n’est jamais au même stade au même moment, on avance et on recule, on comprend une chose et on en interprète mal deux autres. Je voudrais bien faire, je voudrais vraiment bien faire, mais c’est difficile. « Je suis désolé. » J’inspire longuement et compte sur le bruit des feuilles causées par le vent pour le cacher, preuve de faiblesse ultime que je lui concède. « Moi aussi. » On joue au jeu de celui qui parlera le moins fort comme si ça allait pouvoir sauver notre ego d’une manière ou d’une autre. Mais si on devait faire un concours d’ego alors je le gagnerais c’est certain puisque jamais je n’aurais fait un pas vers lui s’il n’avait pas entamé la discussion, et à la seconde où il tente de me planter un coup de couteau dans le dos alors il en recevra dix avant. Je lui cède du terrain mais il ne gagne pas la partie pour autant. Tout ce que je fais je le fais pour elle, jamais il ne pourra m’apprendre ce que c’est que d’avoir une famille, étendue ou non, sur laquelle on ne peut pas compter.

« Ce n’est en rien un interrogatoire. » C’en est un. Qu’il le veuille ou non, c’en est un. On pose des questions et on en analyse les réponse, on les enregistre dans un coin de notre cerveau pour un jour les utiliser dans un plaidoyer ou un réquisitoire. Savoir s’il s’agira de l’un ou de l’autre ne dépendra que de lui. Je rage quand il se pose entre moi et la suite du chemin alors que je gardais la tête religieusement ancrée sur le sol pour au moins avoir quelque chose de certain sur quoi me concentrer. Alors soit, mon regard se relève pour venir se poser dans le sien, mes yeux qui attaquent les siens sans une once de remords. « J’aurais aimé avoir compris bien avant. » Ma langue passe sur mes lèvres, je réduis mes réactions au strict minimum. Cela ne changerait rien que de tout lui expliquer maintenant tout comme cela ne changerait rien de lui faire part de toute ma palette sentiments que je ressens à l’instant - quelle folle idée. Ce n’est pas lui le problème. Ce n’est plus lui, et qu’il ne comprenne l’entièreté du tableau que maintenant n’y change absolument rien. « Tu sais, maintenant. » Il est le seul à vouloir comprendre et je ne peux pas le lui enlever ça, pas alors que tous les autres continuent à jouer les aveugles peu importe à quel point Ginny essaye d’attirer leur attention et leur bienveillance. Je continue de lui en vouloir à elle malgré que je l’aime, cela signifie donc que je peux continuer à lui en vouloir à lui malgré le sentiment d’acceptation qui naît à son égard.

« Je ne cherche pas ton pardon. Juste un terrain d’entente. » « On l’a. » Avare en expression des sentiments, je n’ai pas envie de m’étaler sur le sujet. Ginny est notre terrain d’entente depuis toujours, on avait simplement besoin de se le spécifier. « Jillian sait pour nous, à Londres ? » Ca sonne comme une attaque mais ma voix court-circuite le tout quand je le jure que ce n’en est pas une. C’est la manière la plus malhabile qui soit de faire un pas vers lui à mon tour et tenter de me mettre au courant de ce qu’il se passe dans sa vie, la haine pour sa femme (bien plus profonde et bien plus ancrée que celle que je n’ai jamais réellement eu pour lui) que je tente au mieux d’annihiler.

« Moi aussi. » Il murmure Auden. Il aimerait que je ne l’entende pas, alors je laisse mes yeux diriger vers le sol. Je ne réagis pas. Je fais celui qui n’a rien entendu. C’est mieux pour nos égos. Ça nous laisse prétendre que rien à changer quand on cherche désespérément à apaiser les choses. J’ai compris qu’il ne me pardonnera jamais le fait d’avoir un jour épousé Ginny. Je ne peux pas lui en tenir rigueur. Je crois que je ne me le pardonnerai jamais vraiment non plus. À croire que nous avons bien plus de points en commun que ce qu’on laisse prétendre depuis des années. Il réside en la personne de Ginny notre point commun le plus important. Les autres ne sont que des satellites qui gravitent autour du sujet principal. Et il semblerait que pour elle, on soit capable de mettre notre rancœur de côté. Il ne pardonnera jamais Auden et je n’oublierais jamais son apparition violente chez moi. C’est encore graver à l’arrière de mon crâne et sur son poignet. Pourtant, chacun a notre manière, on tente de faire un pas vers l’autre.

On marche clairement sur des œufs et je ne profiterai pas de cette opportunité de conversation pour presser Auden de question. Je connais l’essentiel. Ils s’aiment depuis des années, ils ont enfin réussi à se retrouver et à un moment donner ils se sont mariés. Elle est heureuse. Il prend soin d’elle. Mon intérêt pour leur histoire s’arrête sur cette conclusion. Tant que tout ira bien, je n’aurais jamais de questions à lui poser. Pourtant, je comprends son point de vue. On évalue le terrain autant lui que moi. On cherche les failles, on enregistre la volonté et pourtant les défauts nous sautent toujours autant aux yeux. Je tente un ultime geste pour lui faire part de ma réelle envie d’une amélioration dans nos relations et j’ai la sensation qu’il le comprend. On ne restera pas des heures là-dessus. On a notre fierté. Une réputation à tenir. Et je pensais que le reste de notre balade se ferait en silence. « Jillian sait pour nous, à Londres ? » Je n’avais pas prévu de revenir sur cet événement en particulier. La nuit passée en sa compagnie à Londres me semble faire partie d’une toute autre vie. Je pourrais me méfier de sa question, m’insupporter de la condescendance à la prononciation du prénom de femme, mais me contente de hausser les épaules en riant un peu. « Personne n’est au courant Auden. » Tu le sais tout aussi bien que moi. « Tu peux lui dire. » que j’ajoute soudainement. Elle n’est pas anodine sa question. Cette nuit n’a jamais rien signifier que soit pour lui ou pour moi. On avait trop bu. J’étais perdu dans ma vie. Il était un parmi tant d’autres. « C’est une autre vie tout ça. »

On atteint la fin de la boucle, le chien nous dirige déjà sur le chemin du retour. On pourrait rester l’un à côté de l’autre en silence. Finir sur une note légère, se séparer en sachant qu'on a fait tout ce que l’on pouvait pour améliorer les choses. Mais le prénom de ma femme tourne en boucle dans un coin de ma tête. « Ce serait bien de trouver un terrain d’entente avec elle aussi. » Je demande la lune, j’en ai conscience, mais qui ne tente rien n’a rien. Non ? « Ou un faux semblant. » Un compromis, quoi.

Il m’arrache un rire, le con, à me donner son consentement à propos de ce que je peux dire ou non à ma femme. Que je partage ce court épisode de ma vie avec lui ou non n’y change rien, il n’a aucun droit de regard sur ce qu’il se passe dans notre monde à nous, celui là même qu’on a réussi à construire après qu’il ait participé à la destruction du premier - de manière volontaire ou non. Mais je me retiens, pourtant, je le jure. Je n’ajoute rien, je ne fais aucun commentaire, je ne jette aucun regard douteux alors que j’aurais pu lui en jeter mille. Qu’il m’accorde tous les consentements qu’il désire si c’est ce qui lui plaît, cela ne lui fera que perdre de son temps mais plus aucun du mien maintenant que je ne l’écoute pas.

La pire frasque revient pourtant à Bailey alors que je suis prêt à jurer que des deux têtes, le monde entier n’avait envisagé que la mienne au bout d’un pique. Ils pensaient tous que j’allais être celui qui allait craquer, ils pensaient tous que j’allais être celui qui frapperait le premier aussi. Pourtant sa présence seule ranime des douleurs que je pensais oubliées en plus de ranimer une amertume laquelle je sais pertinemment n’est pas oubliée. Et il en rajoute une couche en parlant de Jillian, sa femme à lui, celle qui au lieu de pouvoir nous rapprocher ne cesse que de briser les liens encore et encore. Elle est une droguée à qui personne ne devrait faire confiance, elle est d’une instabilité profonde et n’est synonyme de rien de bon pour sa soeur à qui elle a fait bien plus de mal que de bien durant toute sa vie. Elle n’a jamais pleinement su la rendre heureuse, elle a toujours fait un pas en avant et dix en arrière, se protégeant derrière sa maladie, se protégeant derrière le monde entier qui lui en veut supposément, se protégeant derrière le fait que sa soeur soit la préférée. Douce ironie qui fait mal mais que personne ne voit, quand ils s’obstinent à tout lui pardonner encore et encore comme si elle le méritait. Le terrain d’entente est parti en fumée le jour où elle s’est introduite chez moi ; les faux semblants n’ont jamais été une possibilité envisageable. Il n’y aura ni l’un ni l’autre, ni aujourd’hui ni demain.

« Reste à ta place. »

Il s’agit là du meilleur conseil que je puisse lui donner. Celui-ci et celui de se taire pour la fin du trajet, parce que jusque là c’était pas si pire et il vaudrait mieux que rien n’empire. Pour tout le monde.

Je suis si naïf parfois.

Dans un monde idéal, Auden aurait accepté une conversation au sujet de ma femme, après avoir si longuement parlé de la sienne. Dans un monde idéal, on serait arrivé à s’allier pour que tout apaiser les années de tension. Mais il n’existe pas ce monde idéal, malgré toutes les forces que j’y laisse depuis des années. On enchaîne les désillusions sans que je lâche prise. Un jour, tout ira mieux, j’en suis convaincu. Un jour. Pour l’instant, on reste au même point, on tourne en rond. On tente de rafistoler les choses d’un côté quand la brèche ne cesse de s’agrandir de l’autre. Un pas en avant, dix en arrière. Éternelle ritournelle qui rythme nos vies depuis plus de dix ans. Doux utopiste que je suis à pensé qu’une marche au travers des bois pourrait apaiser un conflit qui s’alimente sans cesse. Et je me casse la gueule lorsque Auden impose à nouveau les barrières. « Reste à ta place. » Il y a de cela encore quelques semaines, je lui aurais sauté à la gorge pour avoir prononcé ces quelques mots. Aveugler par le ton un brin agressif et l’attitude de retrait. Aujourd’hui, je me contente de décaler mon pas du sien afin de lui laisser de l’espace sans argumenter, sans tenter en vain de trouver la brèche que je pourrais colmater. À chacun sa guerre désormais. On a réussi à entretenir une conversation sans hurler, sans s’insulter ou se menacer et c’est déjà un pas immense. Mieux vaut ne rien précipiter.

Alors, le reste du chemin se fait en silence. Seul le chien ose venir s’aventurer entre nous deux pour renifler sa main puis la mienne avant d’aller gambader un peu plus en avant. Le silence est présent, mais la tension est quelque peu retombée. Rien n’est parfait. Je crois que rien ne le sera jamais vraiment malgré tous mes espoirs. On essaie, c’est tout. Et lorsque l’on arrive à nouveau devant la porte de la maison, je m’impose face à Auden. Un échange de regard et ma main que je tends entre nos deux corps qu’il serre brièvement, une demi-seconde.

C’est le début de quelque chose aussi fragile soit-il.