Je fixe la photo entre mes doigts.

« Vous attendez des jumeaux. »

Les mots du médecin se répètent sans cesse. Des jumeaux. Deux bébés. Ils sont juste là sous mes yeux. Deux petites taches blanches sur ce fond noir. Ils sont deux. On va avoir deux bébés. J’ai beau me le répéter depuis que nous sommes rentrés du cabinet médical, j’ai l’impression que tout cela est complètement surréaliste. J’ai attendu ce rendez-vous pendant des jours. J’avais tout anticipé, le meilleur comme le pire. Tout sauf l’éventualité qu’ils soient deux. Je me suis promis de ne pas paniquer, je crois que Jill le fait très bien pour nous deux.

Elle n’a rien dit depuis que l’on est rentré. Avec Noah, ils ont passé le reste de l’après-midi à jouer à des jeux. Il a tenté de poser des questions le gamin, mais Jill ne répondait pas vraiment. Elle était ailleurs, elle voulait s’occuper l’esprit et il a fini par le comprendre. Je les ai laissés dans leur bulle. Je me suis perdu dans ma musique entre temps. Ils ont préparé le repas ensemble. On a dîné dans une ambiance bonne enfant. Mais il était fatigué, Noah, il commençait à s’endormir sur son assiette. Il a voulu que ce soit Jill qui monte avec lui. Un bisou, un câlin et ils ont disparu à l’étage.

Et je me suis perdu à observer l’échographie des jumeaux. Les jumeaux. Nos enfants. On va avoir deux enfants. Et il faudrait que je me concentre sur autre chose, le temps d’un instant. Ce n’est pas le moment de faire une crise d’angoisse. Pourtant, tout se précipite dans mon esprit. Il va falloir tout acheter en double. Il va falloir être responsable de deux petits êtres. Je me perds dans mes pensées devant cette échographie. Ce sera deux garçons ? Deux filles ? Une fille et un garçon ? Le médecin a dit qu’ils étaient en bonne santé, c’est tout ce qui importe non ? Oui, mais ils vont être deux. Il a dit que la grossesse devra être bien plus surveillée. Je sais plus où j’en suis. Je réfléchis à tous en même temps. La joie d’être père, de les savoirs en bonne santé. La terreur de ne pas être à la hauteur.

Elle n'a pas vraiment parlé sur le chemin du retour. Tout tourne trop dans sa tête. On va avoir des jumeaux, je vais devoir prendre un nouveau traitement, je vais devoir voir un psy. Et les yeux de Jill se perdent en observant le paysage qui défile par la fenêtre de la voiture. Elle entend Noah parler à l'arrière mais laisse Bailey se charger des réponses. Il comprend, il ne lui parle pas, il la laisse dans sa bulle tant qu'elle le peut. Et elle panique, bien sûr qu'elle ne sait pas comment réagir à tout ça. Elle n'était déjà pas persuadée d'être capable d'être une bonne mère pour un seul bébé, alors pour deux, elle ne sait pas comment elle va s'en sortir. Comment ils vont s'en sortir.

Mais Noah la ramène à la réalité quand ils sortent de la voiture, quand il se dirige tout droit vers la maison parce qu'il a des centaines de questions. Mais elle esquive Jill, elle préfère proposer une après-midi jeux de société. Elle a besoin de se vider la tête, et il comprend vite Noah, il est intelligent, ils en parleront, plus tard. Et Bailey s'éloigne aussi et se perd au piano. Ils ont besoin de leur espace, d'essayer d'avaler la nouvelle chacun de leur côté et Jill a besoin d'être occupée. L'après-midi passe, le dîner aussi et l'ambiance est légère. Jusqu'à ce que Noah veuille aller se coucher. Et c'est Jill qui l'emmène, elle laisse le moment s'éterniser, elle lit une histoire, elle s'allonge à ses côtés jusqu'à ce qu'il s'endorme.

Et elle redescend, de nouveau seule avec ses pensées pendant quelques minutes. Elle cherche Bailey, il est dans la cuisine, il fixe les photos de l'échographie. Photo que Jill n'a même pas encore osé regarder depuis qu'elle a posé un pied en dehors de ce cabinet médical. Elle reste silencieuse, et elle le regarde."Il dort." Lui aussi est dans ses pensés. « J'ai peur Bai... » Ces mots qu'elle avait gardé pour elle depuis des heures déjà. « Ils sont deux, c'est vraiment réel. Deux bébés Bailey. » Elle n'est pas rassurée, ni rassurante, et elle sait que Bailey n'est pas non plus au top de sa forme. Elle s'assoie sur le plan de travail de la cuisine en regardant ses pieds. Ils vont devoir en parler, elle ne tiendra pas sans parler.

Je ne cesse de fixer l’échographie entre mes doigts. Tout me semble encore surréaliste. On se préparait doucement à l’idée d’être parent, à devoir s’occuper d’un bébé, à devoir l’aimer et l’éduquer comme il se doit. Jamais la perspective qu’ils soient deux ne nous avaient pas frôlé l’esprit. La nouvelle est tout aussi extraordinaire. La décision de devenir une famille ne change pas. Elle se bouscule un peu. Le résultat de ce rendez-vous remet sur la table les doutes et les questions. Je l’ai vu dans le regard de Jill toute l’après-midi. Je me force à ne pas me laisser submerger depuis que mes doigts se sont glissés dans l’enveloppe pour faire sortir ce cliché. Le cliché de nos enfants.

« J'ai peur Bai... » Sous l’effet de la surprise, la photo m’échappe des mains. Je m’empresse de la ramasser alors que Jill passe à mes côtés. Je voudrais lui dire que ça ne change rien, que l’on va s’en sortir qu’ils soient deux ou non. Mais je crois que l’on remet tout en question malgré tout. Comme si le fait qu’ils soient deux allaient rendre la tâche impossible. Elle paraît l’être à l’instant précis. Telle une montagne qui se dresse face à nous sans que l’on sache comment parvenir au sommet. « Ils sont deux, c'est vraiment réel. Deux bébés Bailey. » Et mon regard se perd sur son ventre alors qu’elle s’assoit. Début du cinquième mois, elle ne peut plus le cacher. Son ventre s’arrondit de jour en jour. Pour nos bébés. Tout me semble si irréel. Je me glisse entre ses jambes, pose l’échographie à côté de sa cuisse. « Tu crois que ce sera deux garçons terribles ? » Je pouffe un peu avant de relever les yeux vers elle. Si je panique, elle va paniquer encore plus. Ce n’est bon pour personne, encore moins pour elle. Alors, je prends le temps de respirer, je ne me presse pas. Chaque chose en son temps. Ma main vient se glisser sur son ventre arrondi. Tout est devenu si concret désormais. « De quoi est-ce que tu as peur ? » Elle d’abord. Le reste, on verra après.

Elle a essayé de se cacher toute l'après-midi Jill. Elle a joué avec Noah, ils ont discuté de tout et de rien en prenant soin d'éviter tous les sujets sensibles. Noah a vite compris qu'elle ne parlerait pas de bébé, ni de jumeaux, ni d'échographie. Et il ne l'a pas fait le petit garçon, et Jill lui en sera toujours reconnaissante de comprendre les gens aussi facilement. Bailey non plus n'a pas poussé, il n'a pas cherché à parler. L'ambiance est restée légère tant que ça le pouvait, tant que Noah était dans les parages et Jill a étiré ce moment tant qu'elle le pouvait. Mais elle a couché Noah, et il dort.

Elle redescend lentement, et elle n'aime pas être dans le silence alors qu'elle réfléchit tant. Elle a besoin d'en parler, ils ont besoin d'en parler tous les deux mais ça la terrifie. Qu'est ce que Bailey peut bien penser de tout ça ? Et comme si cette inquiétude ne suffisait pas, les hormones lui font tout ressentir bien trop fort. Elle pourrait pleurer et se mettre à rire la seconde d'après. Pourquoi tout ça a si peu de sens ? Elle respire et elle regarde Bailey observer la photo de leurs bébés. 2 bébés. Elle lui fait peur en parlant et il sursaute alors qu'elle s'assoie sur le plan de travail. Il vient vers elle et se cale entre ses jambes. Elle baisse la tête et son front se colle à celui de son mari. Elle ferme les yeux et elle rit quand il parle. « Tu crois que ce serait gérable deux terreurs. » Si ils ont le caractère de Jill ils n'ont pas fini de s'inquiéter. Il détend un peu l'atmosphère et Jill essaie de respirer un peu mieux. Et ses mains se perdent dans les cheveux de Bailey, elle a besoin de contact, elle a besoin de le sentir proche d'elle. Plus ils restent ensemble, plus leur couple se renforce, plus elle se rend compte à quel point elle a besoin de lui et de sa proximité pour se calmer. « Je veux qu'on soit assez solide nous deux, je veux pas qu'on soit une de ces familles triste. Et si j'arrivais pas à les aimer correctement ? Tu sais y'a des risques avec ma maladie et tout ça j'ai fait des recherches. » Elle l'aime de tout son cœur, mais elle ne peut s'empêcher de penser que tout ça est encore trop beau pour être vrai. Les émotions s'emballent, parce que c'est Jill shootée aux hormones qui se trouve assise sur le comptoir. « Je t'aime, et j'ai si peur que ça change à cause de ça. Ou de pas être capable d'aimer les bébés autant que je t'aime toi. »

Si on le répète encore une fois, ça deviendra plus réel ?

J’ai la sensation que l’on ne cesse de se dire en boucle, encore et encore, qu’ils sont deux. Que l’on fasse cela chacun de notre côté depuis notre retour à la maison, mais qu’en rien cela ne fait son effet. La nouvelle était si inattendue. Elle se perd dans sa tête, je me noie déjà avec mes émotions. C’est déjà un réel combat. Je suis si heureux de savoir que nos enfants vont bien, qu’ils semblent être en parfaite santé, que le médecin à compris que Jill allait avoir besoin d’un suivi. Et puis il y a le reste. Cette culpabilité, de ne pas avoir su aider Ginny, se remords de ne pas en connaître assez sur la maladie de Jill pour l’accompagner comme il le faudrait et surtout cette crainte grandissante que je ne serais jamais un bon père pour mes enfants. Je pensais pouvoir gérer arriver d’un petit être dans nos vies. Leur nombre ne devrait rien changer de significatif et pourtant ça m’obsède depuis la sortie de ce cabinet. Ils seront deux. Ils sont là, je les vois sur la photo et aux formes que Jill ne cesse de prendre. Son corps change et notre famille prend petit à petit des allures bien plus réelle. J’ai peur que l’on soit allé trop vite. Un mariage express en voyage, une grossesse tout de suite après. J’ai peur que l’on se perde en cours de route. Mais je tais au maximum toutes les émotions, je cherche le contrôle, pour elle. Parce que même si tout me semble si précipité, je suis sûr d’une chose : ensemble on va mieux. Rien n’est encore parfait, il y a dix ans de secrets, de non-dits et de reproches à surmonter. Mais plus on passe de temps ensemble, plus on arrive à communiquer. Et aujourd’hui, elle arrive à me dire qu’elle à peur quand je suis incapable de l’exprimer. Alors, je pense à Jill en premier. Je plaisante, je tente de la faire rire. « Tu crois que ce serait gérable deux terreurs. » Je pouffe un peu. « Je te supporte depuis dix ans, je pense que ça devrait le faire. » Et bien entendu, je plaisante, parce que si elle a peur de transmettre sa maladie, je suis terrorisé à l’idée que l’un de mes enfants soit hypersensible et qu’il en souffre toute sa vie comme moi.

Mais je ne dis rien, parce que Jill arrive à exprimer ses peurs et c’est sur cela que je dois me concentrer. Le reste on verra après. Je ne pense pas à moi. « Je veux qu'on soit assez solide nous deux, je veux pas qu'on soit une de ces familles triste. Et si j'arrivais pas à les aimer correctement ? Tu sais y'a des risques avec ma maladie et tout ça, j'ai fait des recherches. » Et mon regard glisse sur son ventre arrondi. « Je t'aime, et j'ai si peur que ça change à cause de ça. Ou de pas être capable d'aimer les bébés autant que je t'aime toi. » Et mon regard glisse sur le cliché de l’échographie. Mais jamais il ne croise le sien. Parce qu’elle est là notre différence. Elle a peur de se laisser aller dans ses émotions, je ne sais pas faire autrement. Je ne sais pas comment lui dire que je ne sais pas, que pour moi l’amour semble inévitable, ils sont une partie de nous. C’est un lien qui ne s’explique pas non ? Et j’ai peur de me perdre dans mes mots, j’ai peur de mal m’exprimer, que mes émotions viennent tout chambouler. Je le ressens là. Puissance mille à chaque fois que je regarde cette échographie. « Tu les aimeras plus que moi. » C’est pas un reproche. Juste une évidence. Mon regard passe de son ventre à son visage et je lui souris quelque peu même si je ne sais pas. « Je suis sûr de rien Jill. » Absolument rien. « Mais regarde ça. » Je reprends la photo entre mes mains. « Et dit moi que toi aussi, tu ressens ce truc un peu bizarre là. » Les frissons, le cœur qui s’accélère. Les papillons dans le ventre ? Cette émotion-là, celle qui n’a pas de nom, ni de visage, mais qui est bien plus fort que les autres encore. Elle a peur de ne pas les aimer, j’ai peur de les aimer trop à en perdre la raison. « Ça s’explique pas. Je crois. » Et je lui lance un regard désolé. Elle sait, que je me perds, que je me noie et que ça coince là, au niveau de la gorge. C’est un tourbillon d’émotions que je ne connaissais pas et ça déstabilise.

“on se demande lequel des deux supporte lequel depuis 10 ans.” Juste quelques secondes, minutes, pendant lesquelles ils plaisantent encore un peu. Que l’ambiance est un peu légère et Jill respire un peu mieux quand il se rapproche d’elle et que son front se pose contre le sien. 2 enfants, 2 terreurs. Ils sont là et ils vont devoir faire avec. Ils n’ont plus le choix, et Jill ne sait pas encore si elle est heureuse en plus d’être totalement paniquée. Mais elle le sent qu’elle panique trop, qu’elle parle trop. Elle n’est pas toute seule dans cette histoire, et Bailey aussi a du mal à gérer ses émotions. Elle doit faire attention à lui même si elle a peur, ils doivent être là l’un pour l’autre, ils l’ont promis.

Mais elle a promis d’être sincère aussi Jill, elle ne peut pas lui cacher tout ce qu’elle ressent. Elle a besoin d’en parler. Il regarde tour à tour le ventre de Jill et l’échographie, sans jamais relever le regard sur elle. Peut-être qu’elle lui fait peur, elle aurait peut-être dû garder tout ça pour elle encore un peu, réfléchir avant de parler. Est ce que c’est possible d’aimer quelqu’un plus qu’elle ne l’aime lui ? Elle secoue la tête, elle ne reposera pas la question. Elle verra bien, dans quelques mois. “Je suis désolée je devrais pas paniquer comme ça.” Elle ferme les yeux, elle tente de se calmer, il a besoin qu’elle soit plus calme et elle aussi elle a besoin de se calmer. Il remontre la photo de l’échographie et Jill se perd un peu en la regardant, et en regardant les yeux de Bailey qui brillent d’une lueur qu’elle n’avait encore jamais vu. Est ce qu’elle regarde cette photo de la même manière ? Est ce qu’elle ressent ce truc bizarre dont il parle ? Elle n’en a aucune idée. Elle aimerait tellement pouvoir lui dire qu’elle est sûre de les aimer comme des bébés le méritent. “ça s’explique pas.” Elle regarde le cliché. Elle le sent au fond d’elle ce truc bizarre et elle pose ses doigts sur son ventre. C’est vraiment ce qu’il se passe à l’intérieur d’elle et c’est encore fou à imaginer. “Parles moi, de ce que tu ressens, on a dit qu’on mentait plus, tu peux parler même si tu paniques, ou même si t’as envie de courir et sauter de joie partout dans la maison.”

« On se demande lequel des deux supporte lequel depuis 10 ans. » Et un rire m’échappe parce qu’elle tente comme elle peut Jill. Elle veut plaisanter, elle cherche tellement à cacher tout ce qui se passe dans sa tête. Comme si je n’avais pas remarqué depuis notre retour. Comme si je ne la connaissais pas par cœur. Je lui laisse encore quelques secondes de répit. C’est bon aussi, de juste plaisanter sur notre situation, de ne pas avoir de mal à parler de notre couple. Celui qui, dans le fond, existe depuis si longtemps, mais s’autorise à vivre depuis quelques mois seulement. On pourrait débattre des heures sur cette question même si j’ai la réponse. C’est Jill qui gagne haut la main. Pendant des années, elle a supporté de me voir avec sa sœur. Elle a tout accepté Jill et il m’a fallu des années pour m’en rendre compte. « Je crois que tu gagnes à ce jeu-là. » dis-je doucement en lui souriant quelque peu. Et peut-être qu’un jour, on trouvera la force de parler de tout cela. Peut-être un jour, on aura cette conversation sur notre passé. Mais pas maintenant. Ce soir, on se concentre sur le futur.

Je vois bien que tout va trop vite pour elle. Les pensées, les peurs s’accumulent dans son esprit et elle ne sait plus faire le tri Jill. Elle pose des questions qui me laisse sans voix, auxquelles je ne suis pas sûr de pouvoir répondre et pourtant, j’essaye. Je fais tout pour la rassurer même si je ne suis pas sûr de complètement maîtriser le sujet. On n’a jamais été comme cela tous les deux. Jamais si honnête, si transparent. Pourtant, c’est ce que l’on s’est promis le jour de notre mariage et que l’on tente de tenir tous les jours depuis. « Je suis désolée, je devrais pas paniquer comme ça. » « Tu as tous les droits de paniquer. » Parce qu’on avait imaginé un bébé, mais pas deux. Parce qu’il va falloir qu’elle aille voir trop de médecins à son goût. Parce qu’il va falloir parler un peu plus sérieusement de sa maladie. Il y a matière à paniquer, à s’interroger, à tout remettre en question, je crois. Et je fais de mon mieux. Je lui montre l’échographie. Je cherche à mettre des mots sur mes émotions, combat éternel depuis que j’ai l’âge de former une phrase concrète. Ce n’est clairement pas mon exercice préféré, mais j’essaye, tant bien que mal. Pour moi, rien de tout cela n’a une explication logique. C’est un truc que l’on ressent, qui nous tords le bide, qui nous emmène loin dans notre bulle, qui fait espérer à des jours meilleurs. C’est là. On a du mal à l’imaginer, mais ils sont là. Ils prennent doucement leur place sous le nombril de Jill. Et un sourire prend place sur mes lèvres tandis que sa main vient se poser sur ses formes arrondis. C’est la première fois que je la vois faire ce geste. « Non ça s’explique pas. » C’est juste là. Ça perturbe notre quotidien, cette dynamique que l’on peinait tout juste à trouver, mais c’est là. Ils sont là, ils grandissent doucement. Juste assez pour nous laisser du temps.

« Parle-moi, de ce que tu ressens, on a dit qu’on mentait plus, tu peux parler même si tu paniques, ou même si t’as envie de courir et sauter de joie partout dans la maison. » Un petit rire m’échappe alors que je relève le regard vers elle. « Tu vas te moquer. » Parce que mon train de pensée est parti à mille à l’heure à l’instant où j’ai posé mes yeux sur ce cliché qui représente nos enfants. J’ai la sensation de partir dans tous les sens sans être capable d’attribuer un ordre d’importance à mes pensées. Tout se mélange et tout est sujet à un nouveau questionnement. « Je suis si heureux qu’ils aillent bien. » Pour commencer, parce que chacun d’entre nous avait en tête la fausse couche de Ginny dans ce cabinet et même si la nouvelle à blesser mon ex-femme, elle m’a rassuré bien plus que de raison. Ils vont bien, c’est tout ce que j’avais besoin d’entendre. Et puis il y a le reste. « Et maintenant je me dis qu’on va devoir leur trouver deux prénoms qui vont bien ensemble sinon sera juste nulle. » Et ce n’est que le début. « Et comment on va faire quand ils auront faim en même temps ? Et tu veux allaiter d’ailleurs ? » M’en veux pas Jill, mais tu m’as dit de parler. « Et on n'a même pas un début d’idée d’où on va pouvoir mettre leur chambre. J’y connais rien en poussette, je me coinçais toujours les doigts dans celle de Noah. Et si ça se passe mal à l’accouchement parce qu’ils sont deux ? Puis va falloir qu’on achète des livres sur la grossesse parce que je sais même pas si c’est normal que tu manges autant de chips. D’ailleurs, tu vas oublier le café maintenant. » Et j’enchaîne sans même respirer entre les phrases. « Puis on va faire comment avec Logan quand ils seront là ? Va falloir penser à des parrains et des marraines, parce qu’on sait jamais. Faut pas que mon frère l’apprenne, mais tu vas pas arrêter de sortir. » Respire Bailey.

Elle gagne à ce jeu la. Rien qu'à entendre ces mots Jill sourit, elle gagne, elle n'a rien d'autre à rajouter. Elle pose ses bras sur les épaules de Bailey en hochant la tête. Mais la conversation redevient vite sérieuse, Jill ouvre les vannes, elle lui dit qu'elle panique, qu'elle a peur que la maladie prenne le dessus sur l'amour qu'elle pourrait porter aux deux enfants, sur l'amour qu'elle lui porte à lui. Amour indéfectible depuis de nombreuses années déjà. « On a tous les droits de paniquer. » Parce qu'elle n'est pas seule dans toute cette histoire, que lui il est là aussi et que ses émotions sont toute aussi difficiles à gérer que ce qui se passe dans la tête de Jill. Il sourit, la main de Jill rejoint son ventre et elle voit les yeux de Bailey qui la suivent. Un sourire, un regard, et ils se comprennent. Ça ne s'explique pas, et Jill verra ça en temps voulu. Qu'est ce qui pourrait mal se passer après tout ?

« Pas mon genre. » Mais déjà un léger rictus prend forme au coin de ses lèvres. Elle lui a demandé de s'ouvrir, et il va le faire Bailey. Il faut juste qu'elle se prépare à l'assaut de paroles et de questions qui l'attend. Elle souffle de soulagement elle aussi, ils vont bien. « J'avais tellement peur de les avoir blessé quand j'ai... Enfin ils vont bien, vraiment bien. » Physiquement parlant, mais elle ne se lancera pas dans ce sujet ce soir. Elle hoche la tête et ancre encore son regard à celui de l'homme qu'elle aime. Ils avaient beaucoup de choses en tête pendant ce rendez-vous, mais ça va aller. Ils vont tout faire pour que tout roule bien. Et Bailey parle, il ne s'arrête plus et Jill sourit, des tonnes de questions, il se passe beaucoup de choses dans sa tête et ça l'impressionnera toujours de voir à quel point il est capable de rester dans le silence quand des centaines de questions tournent dans sa tête. Elle pouffe de rire à de nombreuses reprises, pour les prénoms déjà. Elle ouvre de grands yeux ronds quand il parle d'allaitement, elle grogne quand il parle de café, et elle hoche la tête quand il dit qu'ils vont trouver des parrains et marraines, et elle fronce les sourcils quand il parle du grand Fitzgerald. Elle pose les mains sur les joues de Bailey en souriant, elle va déjà beaucoup mieux. « Tu me laisses répondre à toutes ces questions et après tu poses le reste ok ? » Elle fronce les sourcils pour réfléchir une seconde aux questions qui l'ont le plus marqué. « T'as des idées de prénoms ? » Elle, elle n'y a absolument pas réfléchis. « On leur en donne plusieurs ? » elle n'est pas contre, surtout si ils ont beaucoup d'idées. « Non j'allaite pas. » ça c'est non négociable. « tu crois qu'ils vont pleurer en même temps ? » c'est apparemment la foire aux questions entre les deux. « On pourrait acheter une nouvelle maison, tous les deux... » Elle avait déjà pensé à cette option, depuis qu'ils ont décidé d'habiter ensemble. « J'espère qu'ils ont arrangé les poussettes depuis Noah, parce que sinon je vais rapidement m'énerver en essayant de les plier. » Elle grogne en imaginant le casse tête que ça peut être. « ça se passera bien, je suis coriace. Interdiction de m'enlever les chips, c'est les caprices de femmes enceinte chacune les siens. Pourquoi plus de café ? » Parce que ça c'est peut-être la partie qui l'a le plus marqué dans toute cette tirade. Est ce qu'elle pouvait survivre sans café ? « Pourquoi ça se passerait pas bien avec Logan ? On réfléchit maintenant aux prénoms et aux parrains marraines ? Y'a pas de raison pour que ton frère l'apprenne je compte pas le voir de sitôt celui là. » Et là ils ressemblent à un vrai couple qui crée une famille, Jill retrouve le sourire, et la panique se calme un peu quand ils s'occupent tous les deux en se posant des tonnes de questions.

« Pas mon genre. » qu’elle dit alors que son sourire espiègle est en train de se dessiner au coin de ses lèvres. Je le connais assez pour savoir qu’elle se réfrène du mieux qu’elle peut pour ne pas rire. Et mes doigts viennent chatouiller ses côtes pour l’embêter un peu, alors qu’elle réaffirme pour la énième fois que nos enfants vont bien. On a eu une frayeur, je crois qu’aucun d’entre nous ne souhaite réellement revenir sur cet épisode. Il n’y a pas de conséquences, les bébés sont bien développés, ils ont leur petit cœur qui bat bien et ils sont encore au chaud dans le ventre de leur maman. C’est le plus important. Et puis elle m’a demandé de lui dire tout ce qui me passait par la tête, et je crois que je préfère me concentrer là-dessus. Parce que les pensées ne cessent de s’emmêler dans mon esprit et elle sait Jill que si je garde tout cela pour moi ça va finir par exploser. Je vais m’angoisser seul dans mon coin et ça ne sera pas bon. Alors j’ouvre les vannes et le flot de paroles est discontinue pendant ce qui me semble être une éternité alors que la brunette tente de réagir avec des onomatopées et des sons parfois un brin inquiétant. « Tu me laisses répondre à toutes ces questions et après, tu poses le reste ok ? » « Mais j’ai vraiment pas fini. » dis-je en boudant un peu. Pourtant, je lui laisse l’occasion de pouvoir en placer une à son tour.

« T'as des idées de prénoms ? » « Pas vraiment. » En réalité, il y en a un en particulier que j’ai en tête depuis des années et que j’aimerais vraiment donner, mais je ne sais pas si c’est le moment de parler de tout cela, on connaît même pas les sexes. « Enfin peut-être un, je sais pas. » finis-je par avouer en soupirant quelque peu. « On leur en donne plusieurs ? » Est-ce que l’on se doit de respecter les traditions de nos familles ? Alors que je n’utilise jamais mes deux autres prénoms et que Jill n’utilise même pas le sien en entier. « Je sais pas… Je voudrais bien des prénoms qui ne peuvent pas être transformé. » Pas de surnoms idiots, pas de forme écourter qui dénature l’origine de notre recherche. « Mais on a le temps non ? » Je crois, on pourrait même se décider le jour de leurs naissances après tout.

Et ses réponses s’enchaînent. « Non j'allaite pas. » Je hoche la tête sans rien ajouter. C’est son corps, sa décision. Et comme cela, je pourrais l’aider pour nourrir les petits en pleine nuit quand on sera complètement crevé. « Tu crois qu'ils vont pleurer en même temps ? » Un rire m’échappe. « Y a de fortes chances. » Non ? Je veux dire, ils vont forcément avoir un rythme assez semblable et donc avoir faim en même temps ou autre. « Et si l’un pleurs, l’autre fera pareil ? J’en sais rien… Noah pleurait pas beaucoup. » Oui je me base sur l’exemple du petit garçon, il est ma seule expérience en terme de jeune enfant et encore, je ne prenais pas vraiment le temps de le câliner et le pouponner lorsqu’il était vraiment petit. « On pourrait acheter une nouvelle maison, tous les deux... » « Non. » Et il est sorti bien trop vite pour que je le ravale. Mais j’aime vraiment ma maison. « J’aime cette maison Jill… » dis-je doucement sans trop oser croiser son regard soudainement.

Petit à petit, elle continue à répondre à mes interrogations. On est déjà d’accord sur le fait que l’on va très probablement galérer avec la poussette. Elle m’assure que tout ira bien le jour de l’accouchement et je suis presque surpris de ne pas la voir complètement paniquer à ce sujet, mais tant mieux ! Et voilà la réaction que je redoutais le plus. « Pourquoi plus de café ? » Il va falloir que je sois convaincant. « La caféine c’est pas bon pour les femmes enceintes. » que je dis timidement. « Faut pas manger d’aliment cru, faut que tu te fasses tester pour la toxoplasmose et puis… Pas d’alcool. » Je hausse un peu les épaules. « C’est pour leur bien à eux. » ajoutais-je comme ultime argument.

Je m’éloigne un peu de ma femme pour sortir deux bols avant de me diriger vers le frigo pour sortir de la crème glacée. Je crois qu’on l’a bien mérité après la journée d’aujourd’hui. « Pourquoi ça se passerait pas bien avec Logan ? On réfléchit maintenant aux prénoms et aux parrains marraines ? Y'a pas de raison pour que ton frère l'apprenne, je compte pas le voir de sitôt celui-là. » Je rempli les bols, le sien bien plus que le mien et lui tends la coupelle. « Je sais pas, j’ai flippé pour Logan d’un coup. » Et l’intéresser vient se coller à ma jambe pour chouiner un peu. « Non t’auras pas de glace mon gros. » Je viens gratter le haut de sa tête avant d’aider Jill à descendre du comptoir pour que l’on aille s’installer confortablement dans le canapé. Elle voudrait que l’on parle prénoms et tout cela, mais j’avais pas réellement terminé ma liste. « Je peux finir ma liste d’abord ? » Oui je préfère ne pas parler de mon frère pour le moment. J’omets parfaitement son sujet, on verra plus tard. Je m’installe dans le canapé tout en venant voler un baiser à Jill. « Parce que j’ai encore pleiiiiiins de trucs je te jure. »

Les questions fusent, les incertitudes sont encore bien présentes mais la panique se calme un peu pour Jill. Elle se calme parce qu'elle voit que le cerveau de Bailey tourne lui aussi à plein régime. Elle respire un peu mieux et reste assise sur le comptoir pendant qu'elle tente de répondre à chacune de ses questions. Pas d'idées de prénoms, Jill n'en a pas vraiment non plus. Ils vont devoir y réfléchir. « Tu veux me le dire ou on attend un peu ? » Elle sourit et se demande si le prénom que Bailey a en tête va lui plaire. Elle va en trouver elle aussi, elle va s'impliquer. « On a le temps, on a encore quelques mois. » Elle ne précipitera rien, il a sûrement encore des tonnes de questions et elle veut qu'il les pose quand elle elle n'arrive pas à les formuler.

L'idée que les bébés puissent pleurer exactement en même temps, ça, c'est terrifiant. Ça doit déjà être difficile de gérer un seul bébé qui pleure, alors 2. « On a plus qu'à croiser les doigts pour qu'au moins un des deux soit calme » Elle sourit un peu Jill, même si elle a encore du mal à se projeter, à imaginer que tout ça va devenir réel dans quelques mois. Qu'elle va donner vie à deux petits êtres.

Le café, comment Jill va tenir plusieurs mois sans boire une goutte de café. Elle passe déjà une grande partie de son temps à dormir, elle risque d'hiberner pendant les 3 ou 4 prochains mois. « J'ai arrêté l'alcool depuis quelques temps déjà. » Et elle mentirait en disant que ça ne lui manque pas. Que devoir servir des verres au DBD sans pouvoir en boire une goutte n'est pas une torture. Mais elle tient le coup, vraiment. Elle n'a plus flanché. « Tu t'y connais déjà bien mieux que moi. » Parce que, à part l'alcool et la cigarette, elle n'avait pas vraiment prévu de devoir éviter autre chose à part certains médicaments. « Tu crois qu'on doit faire des tests pour les maladies ? » Elle le sait que la maladie de Noah vient de leur côté de la famille, et c'est héréditaire. « Je veux dire... Faire des vérifications en plus des échographies ? » Elle n'en a vraiment aucune idée.

« Regarde, il va les aimer encore plus que nous j'en suis sûre. » Bailey l'attrape pour l'emmener sur le canapé avec un bol de glace. Quoi demander de mieux ? Et elle se cale à côté de lui en laissant le chien s'allonger entre eux deux. Et Jill met un peu de glace sur son doigt pour partager avec Logan, même si Bailey avait dit pas de glace. Elle pouffe de rire quand il lui demande si il peut finir sa liste, elle pose ses lèvres sur celles de son mari et se rassoit à sa place. « Vas y je t'écoute, poses toutes les questions que tu veux. »

« Tu veux me le dire ou on attend un peu ? » Je vois que j’ai titillé sa curiosité en laissant sous-entendre que j’ai déjà un prénom en tête. Je me mords la lèvre, hésitant quelques secondes. Ce prénom est assez original et je me demande vraiment si elle va apprécier. Je joue avec mon alliance et relève les yeux vers elle. « J’aime bien le prénom Bowie. » Parce que je suis un véritable fan du musicien, parce que c’est quelque chose qui me touche et je sais pas, j’en aime bien la sonorité, tout simplement. « Pour un garçon. » que j’ajoute rapidement. Peut-être que l’on aura deux filles et je devrais garder mon idée dans un coin. « J’ai pas vraiment d’idée pour une fille. » j’avoue en haussant un peu les épaules. Mais elle a raison, Jill, on a encore le temps de penser à tout cela.

« On a plus qu'à croiser les doigts pour qu'au moins un des deux soit calme » Un rire m’échappe. « Vu nos caractères, je crois que ça va être compliqué. » J’ai du mal à tenir en place la plupart du temps, même si je me calme avec l’âge et Jill est une vraie pile électrique. Je suis assez calme dans l’ensemble, mais un mélange de nos deux caractères cela risque d’être assez explosif, je crois. « On verra bien, hein. » On n’aura pas le choix et c’est pas ce qui changera l’amour que l’on va leur porter. « Ils seront géniaux quoiqu’il arrive. » que j’ajoute en souriant si fort que j’en aurais presque mal aux joues.

Je vois bien que la conversation sur ce qu’elle va devoir arrêter pour les prochains mois la dérange quelque peu. Je le savais dans le fond. Elle a arrêté l’alcool certes, mais le café ce n’est pas forcément très bon pour la grossesse non plus. « Tu t'y connais déjà bien mieux que moi. » « Je me suis déjà renseigné un peu. » Lorsque j’étais à Londres et depuis que l’on est rentré. J’ai lu des sites par millions et je compte bien acheter un bouquin sur la grossesse pour être sûr de maîtriser les prochains mois. « Tu crois qu'on doit faire des tests pour les maladies ? Je veux dire... Faire des vérifications en plus des échographies ? » Une nouvelle fois, je hausse les épaules. « Le médecin t’a fait tous les tests nécessaires pour le moment, il a dit. » Il a vérifié que tout le monde allait bien, que le cœur battait bien, qu’il n’y avait pas de souci avec le placenta. « Je suis pas médecin, mais je crois qu’il va falloir que tu fasses des prises de sang de temps en temps. » Et je vois son regard qui change et ça me fait rire. Je passe une main sur sa cuisse pour la rassurer un peu. « On va se renseigner sur tout pour être sûr de rien louper d’accord ? » Et j’embrasse ses lèvres en souriant.

Elle n’arrête pas de se tortiller sur le comptoir Jill, elle est pas à l’aise assise là-dessus. Je nous sers une coupe de glace chacun et on part s’installer dans notre canapé bien plus confortable. Bien entendu, Logan nous suit à la trace. Et bien entendu, Jill lui donne un peu de glace. « Va falloir que l’on se mette d’accord sur l’éducation. » Je ris une nouvelle fois et profite de son baiser en le faisant même durer un peu. Pendant un moment, chacun mange sa glace en silence. Du coin de l’œil, je vois Jill qui caresse son ventre en douceur. « Tu les sens bouger déjà ? » C’est quelque chose qui me fascine ça. Savoir qu’à un moment, elle va pouvoir les sentir bouger dans son ventre. « Vas-y je t'écoute, poses toutes les questions que tu veux. » J’ai déjà commencé et une nouvelle fois, je ris un peu. Elle va finir par me prendre pour un dingue avec tout ce qui se trame dans un coin de ma tête. « Va falloir que l’on change de voiture. » parce que la mienne n’est clairement pas équipée pour accueillir deux sièges auto et la sienne non plus d’ailleurs. « Puis on va les faire dormir avec nous au début ? Dans le même berceau ? » C’est futile comme question, mais moi ça me travaille. « Tu penses t’arrêter de travailler ? » Parce que ça aussi, j’y pense. « Quoique tu décides, je te suivrais, si tu veux rester avec eux, je comprends. » Ils seront deux ça va demander beaucoup de temps et d’énergie. « Je crois qu’on devrait faire une liste des prénoms qu’on aime bien. » que j’ajoute dans la liste des choses qui me viennent en tête depuis tout à l’heure. « Et tu vas vouloir faire des cours d’accouchement ? Parce que ça… Moi ça me fait flipper un peu, je crois. » Va falloir que je me calme.

Durant quelques minutes, je mange la fin de ma glace en essayant de calmer un peu mes pensées. Je vais déposer le bol sur la table basse et me rapproche de Jill et son bidon qui pointe. Une nouvelle fois, je viens poser ma main sur la bosse en souriant de manière rêveur. « J’ai si hâte de les rencontrer, tu sais. »

ils parlent prénoms, et Jill a déjà l'impression d'être plus détendue. Si elle répond aux questions de Bailey elle ne se concentre plus sur tout ce qu'il se passe dans sa tête et c'est bénéfique. Elle sourit, elle reste proche de lui. Et plus le temps passe plus elle se rend compte qu'il est indispensable à sa vie et à son bonheur. Il la fait rire alors qu'elle était au bord des larmes il y a encore quelques minutes. Ils se posent les questions que n'importe quels parents doivent se poser quand ils attendent un premier enfant. Et dans leur cas, feux d'un coup. "Bowie…" elle réfléchit Jill. Elle y pense, elle a presque chuchoté le prénom.   "j'aime bien je crois" elle sourit en continuant une seconde de regarder dans le vide avant de croiser de nouveau le regard de son mari. "finalement c'est peut-être toi qui auras les meilleures idées" un sourire taquin sur le visage et la main de Jill passe dans les cheveux de Bailey pour le décoiffer un peu. "pour une fille j'ai toujours bien aimé le prénom Naomi. Mais si on a trop d'idées on leur en donnera plusieurs, je crois que j'aime bien cette idée." Jill n'avait jamais utilisé ses autres prénoms, mais elle se disait que si jamais leurs enfants n'aimaient pas leurs premiers prénoms ils pourraient toujours faire le choix d'utiliser le deuxième ou le troisième. C'était important de choisir des prénoms pour deux petits êtres en devenir, et il ne fallait pas faire n'importe quoi. 

Bailey a l'air fier, il a déjà l'air de les aimer bien plus que de raison et c'est terriblement beau. Quand Jill s'inquiète de ne pas pouvoir les aimer correctement, lui il n'en a aucun doute. Ca la rassure, il trouve toujours comment la rassurer sans même le faire exprès. Et là encore c'est ses émotions, ou les hormones qui prennent le dessus parce Jill est au bord des larmes. C'est donc ça les changements d'humeur à cause des hormones. Ce n'était pas la première fois que Jill en faisait les frais et certainement pas la dernière. Elle passe rapidement une main sous ses yeux, elle n'a jamais pleuré et pourtant en ce moment elle ne fait que ça. "Ce sera nos petites terreurs"  leurs caractères fusionnés, ça sera explosif et terriblement difficile à gérer. Mais ça ira, parce qu'ils seront là ensemble. "géniaux oui…" comment ce pourrait en être autrement ? 

C'est tellement attendrissant qu'il soit si impliqué, qu'il se soit encore plus renseigné que ce que Jill a pu le faire pendant ces longues semaines. "c'est mignon"  Elle sourit et elle le tire vers elle pour l'embrasser alors qu'elle est encore assise sur le comptoir de la cuisine. Ils discutent médecins, tests, sans que qui que ce soit ne se mette à hurler. Et ça c'est une grande avancée pour ces deux là. Ces bébés et Bailey aident Jill à grandir, et ça lui fait du bien, comme si elle avait enfin trouvé une vraie place. Comme si tout rentrait enfin dans l'ordre. "oui on peut toujours appeler le docteur ou la psychiatre si on a des questions j'ai gardé leurs numéros dans le dossier" dossier encore bien vide, mais dossier qui va certainement un peu plus se remplir après chaque rendez-vous. Des rendez-vous qui risquent de se multiplier au fil des mois de grossesse qu'il reste. 

En quelques minutes ils se retrouvent assis sur le canapé, et effectivement, c'est bien plus confortable. Et Jill dévore sa glace. C'est fou d'avoir toujours autant faim, mais elle commence à s'y habituer. Bailey aussi certainement. Jill lui fait une moue légèrement triste quand il parle d'éducation parce qu'elle a donné de la glace à Logan. "mais regarde ses petits yeux tout mignons"   et comme si le chien comprenait il tourne la tête vers son maître et Jill se met à rire de son côté du canapé. Plus le temps passe et plus Jill s'autorise à laisser sa main aller sur son ventre. "je sens qu'il y a quelque chose qui remue de temps à autre, c'est assez bizarre" parce que plus les jours passent plus elle sent qu'ils sont là, et qu'ils grandissent à la vitesse de la lumière. Elle a même l'impression qu'à partir de maintenant le temps va passer bien trop vite. Et elle dit à Bailey de continuer à parler, à poser toutes les questions qui lui passent par la tête.  "je pense que c'est mieux qu'ils soient avec nous au début non ? Et on leur fait une chambre commune au moins pour quand ils sont petits, ce sera plus simple je pense" et c'est comme ça que tous les parents font au début non ? Ca doit sûrement être bien plus rassurant de les garder proche pendant quelques mois après l'accouchement. "c'est vrai que les voitures ça va être urgent" le travail, Jill a commencé à y penser. Et travailler au dbd va commencer à être difficile. "je pense que je vais devoir arrêter de travailler au dbd après l'accouchement au moins pour un temps"  et elle a même penser à autre chose. "je pourrais peut-être essayer d'utiliser mon diplôme après l'accouchement…" peut-être essayer de trouver quelque chose qui lui plaît vraiment."ok pour la liste" elle hoche la tête, elle fera une liste sur son téléphone. "ça me fait flipper aussi… mais je crois qu'il faudra en faire au moins un ou deux non ? Et les cours pour apprendre à donner le biberon et mettre des couches tu crois qu'on va devoir faire ça" ils finissent leurs glaces et les bols sont posés sur la table. Bailey se rapproche de Jill et elle cale sa tête sur son épaule avant que sa main rejoigne celle de Bailey sur son ventre. "je sens que ces mois vont passer bien plus vite qu'on ne peut l'imaginer"   et ces deux petits monstres seront là, avec eux, dans seulement quelques semaines.

La soirée se déroule dans une douceur et un calme qui m’apaise réellement. La journée avait été forte en émotion, mais on se retrouve et on s’accorde sur ce futur qui sera notre. On évoque des prénoms qui nous plaisent et je suis rassuré de voir que l’on semble être du même avis : plusieurs prénoms et quelque chose d’original sans que ce le soit trop. On a encore du temps pour réfléchir à tout cela, mais aussi pour penser aux mille et unes questions que je me pose. On a le temps, mais je les évoque malgré tout, parce que je veux que Jill voie à quel point je m’implique, à quel point je tenter d’envisager, de prévoir et surtout à quel point j’ai hâte de cette vie à deux. C’est encore flou parfois, il reste des zones non élucidées et jamais notre vie ne sera réellement un long fleuve tranquille, mais doucement, on prend le temps d’apprécier rien qu’à deux. On pense à nous avant de penser aux autres.

Et je sais que je la fais rire avec mes questions sorties de nulle part qui n’ont aucun fil directeur si ce n’est le fait que je vais probablement devenir un papa poule flipper. Au moins, elle est au courant de ce qui est en train de profiler. J’assume mon rôle auprès d’elle et je compte bien le faire jusqu’à la fin. Je hoche la tête lorsqu’elle parle de garder les petits dans notre chambre au moins au début. « Je pense que ce sera le mieux, oui. » Et peut-être que l’on trouvera quelqu’un qui nous aidera dans cette nouvelle étape. Peut-être que l’on ne fera pas cela seul. On verra en temps voulu, mais au moins, les choses sont dites. Et j’aime vraiment que l’on prenne le temps de parler aussi librement, juste tous les deux, dans notre maison. Imaginer la vie de nos futurs enfants. Je suis surpris de la voir parler de son diplôme, mais cela me fait sourire plus que de raison. « Ce serait une bonne idée. » que je conçois alors. Elle a fait des études d’architecture pour plaire à ses parents, mais je sais aussi que c’est quelque chose qui lui plaisait.

« Je sens que ces mois vont passer bien plus vite qu'on ne peut l'imaginer. » Une nouvelle fois, je hoche la tête alors que Jill vient se blottir tout contre moi. « On va en profiter pleinement, tu verras. » Profiter de nos derniers instants à deux avant que notre vie se retrouve chambouler du tout au tout. Et cela fera du bien, d’imaginer la vie autrement.

On passe le reste de la soirée et un bout de la nuit à parler d’avenir sans que le ton monte, sans crise de panique. Juste à imaginer nos futurs enfants et nos comportements avec eux. Juste être nous. Juste s’aimer un peu. Et c’est dans cet instant, suspendu dans le temps, que je comprends… J’ai fait le bon choix. Et tout ira bien.