La murale est dans le pire des états. Ma murale.

Probablement que tout est pire parce que je ne suis pas venue ici depuis des semaines. Probablement que tout est pire parce que dans mon souvenir, la dernière fois où j'avais posé mes yeux sur l'immense mur de toutes les couleurs, c'était de la fierté que j'avais ressenti, une grande et belle pointe d'accomplissement.

J'ai pris le temps d'inspirer des dizaines de fois. J'ai pris le temps de tout regarder, de tout scruter, chaque détail est dramatiquement mémorisé dans mon esprit. Je voulais voir, mais je voulais me laisser le temps de me reconstruire avant d'y arriver. Pour certains, c'était une blague, juste un autre mur, juste une autre fresque, juste un autre projet d'art qui avait été noyé de vandalisme et d'autres mauvais coups sans répercussions graves. Pour certains, c'était une silhouette qui s'éternise trop longtemps au même endroit sans bouger, qui est posée au sol un gobelet de café entre les mains et le menton redressé, qui scrute des mètres carrés sans importance comme s'ils avaient étrangement toute l'importance du monde.

Yele savait que je venais ici, aujourd'hui. Je ne le lui ai pas dit d'emblée, j'ai à peine mentionné, mais il sait. Il sait que j'allais retourner dans ce même parc, il sait que j'allais repasser devant cette même passerelle, il sait que j'ai prévu aller voir les dégâts sans savoir ce que moi, j'en ferai. J'avais deux options, celle de tout nettoyer, et celle de tout recommencer. Et même encore à la seconde où j'entends des pas à ma droite, où je me doute que ce soit lui, ma décision n'est pas encore prise.

Alors ma silhouette se replace au sol, mes jambes se ramènent un peu plus en tailleur, mes prunelles ne lâchent pas le mur et je souffle, pensive, des tas de réflexions qui me viennent en tête quoi qu'une seule constatation remonte à ses oreilles, au Blythe.

« T'es venu. »

Il avait vu Ginny récemment Yele. Il la voyait souvent. Il dormait régulièrement à l'atelier, et elle le trouvait souvent enroulé dans une couverture. Elle lui avait même appris comment faire le meilleur café de l'Australie. Et elle lui a parlé un peu, il se souvient qu'elle lui a dit qu'elle allait se rendre à la murale. Celle qu'il a détruite une nuit avec Tobias. La nuit juste avant de rencontrer Ginny, et de se rendre compte qu'il avait détruit un travail qu'elle avait mis des mois à accomplir. Il regrette rarement Yele, mais là, il s'en voulait un peu. Elle ne lui avait rien reproché Ginny, et elle le laissait même entrer dans sa bulle de temps en temps. Alors il a noté la date à laquelle Ginny avait prévu de se retrouver devant cette grande murale entièrement détruite. Il l'a noté.

Il a hésité avant de la rejoindre, mais il a fait le chemin à pied. Elle lui en a parlé, et il espère que ce n'est pas au moment où elle va revoir sa peinture qu'elle va le détester et vouloir lui hurler dessus. Mais ses pas l'emmènent jusqu'au bon endroit. Elle l'entend arriver, alors qu'il essaie de faire le moins de bruit possible, alors qu'il ne parle même pas. « Tu m'avais dit que tu serais là alors... » Alors je me suis dit que je devais te rejoindre. Mais il enfonce les mains dans ses poches, et il tourne ses yeux vers la peinture détruite. « Tu comptes faire quoi ? » Parce que le silence est un peu trop lourd à son sens. « Tu me détestes maintenant que t'as vu ce que j'avais fait ? » Et t'aurais le droit Gin. T'aurais tellement de raison de me détester. Mais le regard de Yele se pose sur la jeune femme qui est encore en train d'observer le mur.

« Tu m'avais dit que tu serais là alors... » sa voix que j'entends avant de tourner la tête vers lui, avant de plonger mon regard dans le sien même s'il se tient bien droit, même si je dois allonger la nuque pour bien le voir à travers les rayons de soleil qui percent sa silhouette. « Tu comptes faire quoi ? » oula. J'inspire, pince les lèvres, mords l'intérieur de ma joue, y'a des dizaines de plans mais aucun qui ne fait le poids, y'a deux solutions bien claires et simples mais elles me laissent chacune dans le plus grand des néants, des pages blanches. « Tu me détestes maintenant que t'as vu ce que j'avais fait ? »

« Je te déteste pas. » que je m'entends répondre la seconde d'après, à peine je lui ai laissé le temps de douter. « Je déteste ce que t'as fait. » mes prunelles quittent les siennes pour revenir se planter sur la murale qui n'est plus, pour constater encore une fois l'étendue des dégâts alors que je ne fais que ça depuis de longues heures déjà. « Mais pas toi. » je ne le déteste pas parce qu'il allait mal. Je ne le déteste pas parce qu'il était au plus bas et qu'il a hurlé ainsi, sans que personne ne l'entende. Je ne le déteste pas d'avoir perdu pied, de ne pas avoir su se récupérer. Je déteste les conséquences ; pas la cause.

Tu comptes faire quoi ? qu'il me demandait, il y a une poignée de minutes déjà. « Et je sais pas. Je sais pas ce que je compte faire. Je pensais que la réponse viendrait toute seule, mais c'est pas si facile que ça finalement. » mes doigts jouent avec le gobelet de café que j'ai en main, avant de me décaler pour lui tendre le sien, que j'avais apporté en anticipant sa présence. S'il veut s'installer au sol il peut, s'il veut partir devant mon impression d'inachevé, il le pourra aussi. Je ne le retiens pas, même si sa présence ici signifie énormément pour moi.

Elle parle pas beaucoup Ginny, c'est inhabituel quand Yele est dans les parages. Là elle observe, elle respire, elle ne tourne même pas les yeux vers lui et il se dit qu'elle doit lui en vouloir. Que voir ce qu'il a fait c'est trop. Et il comprendrait, ça le blesserait parce qu'il commence à s'habituer à avoir Ginny dans sa vie, mais il accepterait de disparaître et la laisser tout reconstruire sans lui. Mais il est venu, il a enregistré la date, et il est là à la regarder elle au lieu de détourner les yeux sur le massacre. Il ne parle pas, il l'écoute. Elle ne le déteste pas. Et il se demandera toujours comment c'est possible. Comment Ginny pouvait être aussi calme et gentille tout le temps. C'est un mystère pour lui.

Elle tend un gobelet de café et s'assoit à côté d'elle. Il regarde enfin. Elle ne sait pas quoi faire Ginny, elle a l'air perdu face au désastre, elle a l'air d'hésiter aussi. « T'as quoi comme option ? » Il les connait les options au fond. Soit elle abandonne tout et elle essaie d'oublier soit elle essaie de réparer. Ils essaient de réparer. Il tourne les yeux pour croiser les siens. « Tu voulais m'apprendre à peindre non ? » Peut-être qu'il arrivera à la motiver, elle n'abandonnera pas Ginny. Elle tient trop à tout ça pour qu'il ne veuille pas essayer d'arranger les choses. Il se lève en posant son café derrière eux. « Faut commencer par quoi ? » Laisse moi t'aider cette fois Gin, laisses moi t'aider à rattraper tout ça. Il regarde tout autour, toutes les parties qu'il a détruit avec Tobias, il ne se souvient même plus avoir vraiment fait tout ça. Il tend sa main vers elle, en espérant qu'elle la prendre pour se lever et lui apprendre comment tenir un pinceau.

« T'as quoi comme option ? » je les aurais toutes, si je m'en donnais le droit. Je les aurais toutes si je laissais la liberté parler pour moi. Mais elles ne sont qu'au compte de deux, et lorsque mes prunelles croisent les siennes à nouveau, je sais qu'il a compris. Il est brillant Yelahiah, il est curieux et il pose des tas de questions, mais la majorité du temps, il connaît lui-même les réponses, s'assure seulement que son interlocuteur les maîtrise lui aussi. Sinon, il s'ennuie. À croire qu'il ne s'ennuie pas, avec moi.

Et il bouge, et il reprend du nerf. Le parallèle est particulier quand la majorité du temps, c'est moi qui parle, c'est moi qui agit. Il suit et il ne râle pas autant qu'il le voudrait, qu'il le pourrait, mais aujourd'hui les rôles se sont inversés et le voilà qui scrute déjà le matériel à portée comme s'il pouvait l'intéresser. « Tu voulais m'apprendre à peindre non ? » oui, mais pas comme ça. Oui, mais pas parce que tu t'en donnes la mission, parce que tu t'en forces le droit. « Faut commencer par quoi ? » « T'es pas obligé, tu sais. » que je le dédouane à la seconde où il attrape un pinceau, n'arrivant toutefois pas à rester le moindrement sérieuse quand je le vois l'agripper comme s'il s'agissait d'une baguette magique prête à activer le premier balai à portée.

Je réduis la maigre distance que j'ai imposée entre nous pour finir à sa hauteur la seconde d'après. « Ton pouce, il va là. Tu trouves pas que c'est plus confortable comme ça? » je pouffe, lui replaçant les doigts comme je l'aurais fait inévitablement et le plus naturellement du monde avec mes étudiants. Je voulais lui apprendre à peindre pour le sortir de sa zone de confort ; le voilà qui me sort de la mienne.

« Y'avait trop de jaune, ici, de toute façon. » que je finirai par statuer, une fois que j'ai moi-même pris une bombe de peinture, que je file à la hauteur du premier mur sur lequel j'ai décidé que je  - qu'on - reprendrais du début. On ne refera pas la murale en entier ; on en peindra une nouvelle.

Il se lève et il l'aide à se lever. Parce qu'il l'aide à prendre sa décision, il va apprendre l'art avec Ginny même si ça ne l'a jamais vraiment intéressé. Il va essayer de l'aider à tout reconstruire, à refaire quelque chose d'encore plus grand et plus beau. Si il met la main à la pâte bien sûr que c'est possible. « Je sais » Mais il le fait quand même. Il remonte ses manches, il n'a pas vraiment prévu la tenue pour peindre, mais bon, c'est pas comme si il avait beaucoup de chois non plus. Et elle sourit un peu Ginny quand elle le voit tenter de prendre un pinceau. Ok, la dernière fois qu'il en a tenu un c'était certainement pendant un de ses cours d'art plastique à Londres. Et elle a de la peinture, elle a déjà tout préparé, elle attendait juste de savoir ce qu'elle voulait faire, et Yelahiah espère qu'il ne la force pas. Il croise son regard et il sourit aussi, elle a l'air bien plus sereine que quelques minutes auparavant.

« Je risque d'avoir de la peinture partout hein ? » Il fronce les sourcils, c'est certainement le prix à payer pour avoir détruit tout ça. Tant pis, il fera avec un pantalon et des manches tachées de mille couleurs. Elle passe une bombe de peinture pour tout effacer. Ils vont recommencer, vraiment tout recommencer, comme si la première murale n'avait jamais existé. « Va falloir que tu me dises exactement quoi faire, parce que je veux que ce soit parfait. » Il est perfectionniste Yele et il n'aime pas faire les choses à moitié. Donc si il y participe, cette murale sera parfaite ou n'existera pas. « Je vais devoir apprendre le nom de chacune des couleurs qui existent par cœur ? » Il se tourne rapidement vers Ginny, il ne sait pas, il n'a jamais cherché à peindre de son plein gré avant ce jour. « Tu sais que t'es la seule personne que je connaisse à Brisbane, en dehors de ma famille, qui prononce bien mon prénom ? »

Il râlerait presque Yele, s'il n'avait pas son sourire en coin qui passe une seconde une seule sur son visage, sourire que je remarque de plus en plus facilement au fil de ses passages inopinés dans ma vie. « Je risque d'avoir de la peinture partout hein ? » « C'est exactement ça le but ultime de l'opération. » j'éclate de rire, retrouvant peu à peu le moindrement de contenance maintenant qu'il a, probablement sans s'en rendre compte, réussi à me remotiver pour des raisons aussi nombreuses qu'obscures. Je préfère me lever du sol plutôt que de tout recalculer, le laissant errer vers les pinceaux et les couleurs en attendant.

« Va falloir que tu me dises exactement quoi faire, parce que je veux que ce soit parfait. » mon sourcil se hausse, mes paumes viennent se poser sur mes hanches maintenant que je le suis des yeux alors qu'il évolue sur mon milieu de travail avec des intentions beaucoup plus saines que la dernière fois. « Parfait? Okay, on tente parfait. » on y arrivera pas, parce que je déteste ça de toute façon, la perfection. Mais si ça le motive lui à s'y mettre, ce sera au moins ça de gagné. « Je vais devoir apprendre le nom de chacune des couleurs qui existent par cœur ? » d'office je hoche de la tête de la positive avec vigueur, mon sourire espiègle répondant pour moi d'abord. « Oui, et aussi leurs déclinaisons. Et être capable de les réciter dans l'ordre et le désordre. » autant s'amuser jusqu'au bout.

Il est celui au pinceau, je suis celle à la bombe. Et s'il erre dans mes pas, je m'assure de recommencer l'oeuvre démolie d'une touche de beauté inachevée. « Tu sais que t'es la seule personne que je connaisse à Brisbane, en dehors de ma famille, qui prononce bien mon prénom ? » je prends le temps de terminer une ligne avant de tourner mon visage vers lui. « Vrai de vrai? » des mèches me barrent la vue, je les ramène d'un doigt distrait derrière mon oreille. « Je t'ai jamais dit le mien au complet. Mon prénom. Attention, il est costaud. » l'avertissement s'additionne de mon index haussé, rendant la scène bien trop cérémoniale pour ce qu'elle devrait être réellement. « Virginia, Mary, Elisa - attention Yelahiah, t'en mets partout!  » mais la fin ne vient pas, quand je m'élance pour sauver le dégât qu'il s'apprête à faire, avec son pinceau bien trop noyé de rouge qui menace de tacher non seulement le mur, mais aussi et surtout ses vêtements.

Il se lève vraiment, et il le tient ce foutu pinceau. C'est lui l'artiste aujourd'hui. Un piètre peintre c'est certaine mais au moins Ginny retrouve le sourire qu'elle avait perdu quelques minutes auparavant. « Je vais devoir laver mes habits à l'atelier, je vais mettre de l'eau et du savon partout tu vas regretter de m'avoir comme élève c'est certain. » Et il hoche la tête en souriant et en regardant de nouveau le grand mur sans savoir quoi faire, ni par quoi commencer. Il la regarde commencer à travailler sur tout ça de nouveau, et elle semble dans son élément. Mission accomplie non ? Il regarde les pots de peinture, et les bombes. Ginny utilise un peu tout, elle semble inspirée et elle regarde partout pendant que le regard de Yele fait des allers-retour entre la partie de mur devant lui et le visage de son amie.

« Vendu pour parfait. » C'est rare d'arriver au parfait mais autant essayer. Il tente de faire des plaisanteries, certainement pour éviter de montrer à la jeune femme qu'il ne sait absolument pas ce qu'il doit faire. « Je suis sûr que même toi tu les connais pas. » il se penche vers le pot de peinture rouge, c'est sympa le rouge non ? « Je serais même carrément capable d'apprendre TOUS ces trucs bizarres juste pour montrer que je connais plus de choses sur l'art que toi. » Et ça il en est vraiment capable et c'est sûr que la brune le sait. Même si ils ne se connaissent pas depuis longtemps, ils passent assez de temps ensemble pour connaître une partie du caractère de l'autre. Elle est la seule personne en dehors de la famille de Yele qui est capable de prononcer Yelahiah correctement. « Je le jure ! » Une main sur le cœur et un air très sérieux sur le visage. Il lève la main et donc le pinceau est vers le ciel. Elle allait finir mais elle se met à hurler son prénom et il sursaute quand elle attrape le pinceau. « Je suis un danger public ! Je t'ai dit que j'étais le pire des élèves de tous les temps. » Il a un peu de rouge sur le bout des doigts et il ne sait toujours pas quoi faire. « J'ai le droit de t'appeler Mary ? Ou par le dernier prénom si c'est Elisabeth ? » Même si elle ne lui donne pas l'autorisation il le fera quand elle ne s'y attendra pas.

« Vendu pour parfait. »
« Tu m'étonnes. »

Que j'éclate de rire, lui qui insiste sur son perfectionniste, lui qui a l'égo surdimensionné à la seconde où il se retrouve en position de confiance. Il me fait rire Yele, il se prend au sérieux à l'extrême une seconde pour tout ridiculiser la suivante. Mine de rien, retravailler la murale avec lui aurait pu être la plus traumatisante des scènes, n'en reste qu'il rend le tout un peu plus léger sans même essayer. « Je suis sûr que même toi tu les connais pas. » une seule seconde passée à ressasser mes pensées qu'il rattrape mes idées au vol. « Je serais même carrément capable d'apprendre TOUS ces trucs bizarres juste pour montrer que je connais plus de choses sur l'art que toi. » « Si ça t'aide à mieux dormir la nuit - tu peux croire ce que tu veux. » ma voix chante, mes paupières battent la mesure, je me charge de peindre un pan de mur quand il se dédie à un autre.

Les couleurs prennent forment quand il en est à une nouvelle confession. Celle à laquelle je crois à peine jusqu'à ce qu'il stoppe tout pour rendre le tout encore plus cérémonial qu'il ne le faut. « Je le jure ! » je le crois Yele, je le crois pour des tas de trucs et ça surtout. Il n'aurait pas eu à être honnête avec moi, il aurait eu tout à gagner à garder le secret pour ne pas avoir à lutter avec mes jugements, avec une potentielle rage - et pourtant, il s'était confessé aussi vite qu'il s'était senti prêt à le faire.

À mon tour de lui confier, avec horreur, qu'il est en train de tout ruiner. « Je suis un danger public ! Je t'ai dit que j'étais le pire des élèves de tous les temps. » je pouffe de rire de plus belle, le poussant avec le plus de délicatesse possible hors d'état de nuire, prête à lui confisquer son pinceau s'il réitère. « C'est pas le genre d'informations qui devraient me rassurer là, n'est-ce pas? » et pourtant, il le garde son pinceau, et pourtant, il continue d'aider là où il peut, le danger public.

« J'ai le droit de t'appeler Mary ? Ou par le dernier prénom si c'est Elisabeth ? » « Tu serais bien le seul qui s'y risquerait. » ma voix est faussement sérieuse, presqu'effrayante quand j'exagère le potentiel terrifiant de la chose. « Je sais pas ce qui adviendra de toi - j'ai jamais eu à gérer ce genre de situation. » et j'ai bien l'impression que de simplement l'avoir précisé lui donnera l'envie d'essayer, le petit caïd de bac à sable.

Une seconde passe, des dizaines d'autres lorsque je fais un pas vers l'arrière, en profitant pour constater là où on en est, oubliant le plus volontairement du monde de là où on est partis. « Merci, Yelahiah. » ça vaut pour son aide aujourd'hui, ça vaut pour ses confessions aussi.

L’ambiance est douce, elle est calme Ginny et ça impressionnera toujours Yele de voir comment elle fonctionne la jeune femme. C’est terriblement étonnant de voir à quel point elle tente toujours de trouver le positif chez les gens. Elle aurait pu lui en vouloir, le détester parce qu’il a détruit des heures de travail. Mais au lieu de ça, elle lui a offert un endroit où dormir, du café, des gâteaux, et surtout des conseils. Alors c’est normal que ce soit lui qui soit là aujourd’hui à essayer d’arranger les choses. Il n’a jamais réellement fait ça, mais pourquoi pas essayer. Et il n’est apparemment pas si mauvais puisqu’il arrive à la faire sourire quelque minutes. Et elle se motive à dessiner au lieu d’observer sa murale une lueur nostalgique dans le regard. Et elle est mieux quand elle dessine la McGrath, elle est bien mieux comme ça.

“Je risque d’essayer d’apprendre des tas de choses pour qu’on ait des conversations et des débats avec des mots supers compliqués sur l’art.” Il hoche la tête, c’est un projet. C’est même peut-être un défi lancé par Ginny, en tout cas, il le prend comme ça. Ils discutent alors que Yelahiah essaie de comprendre comment utiliser un pinceau et de la peinture. Il n’est vraiment pas fait pour ça, et il fait tout pour ne pas se mettre de la peinture partout. “Je suis pas là pour te rassurer. La dernière fois que j’ai touché un pinceau c’était en cours d’art plastique.” Et c’est loin les cours d’arts. Parce qu’il n’a jamais voulu en faire sa spécialité.

Et elle le sait qu’en disant des trucs pareils Yele va l’appeler Mary-Elisabeth aussi souvent qu’il en aura l’occasion. “Très bien Mary-Elisabeth. Ca te va très bien. Ca fait très aristo anglaise.” Il hoche la tête en riant mais en gardant son pinceau le plus loin possible de son corps. “Alors que vas-tu faire ? J’attends.” Qu’est ce qu’elle pourrait bien faire pour l’empêcher de l’appeler Mary Elisabeth jusqu’à la fin des temps. Ils sont un peu plus calme pendant quelques minutes, quand il fronce les sourcils pour se concentrer sur ce qu’elle lui a dit de faire. Il a besoin d’indications Yele, il n’aime pas l’improvisation. “C’est moi qui devrais te remercier.” Pour pas l’avoir rejeté, pour ne pas avoir crié, pour être là depuis qu’il s’est retrouvé à dormir devant la porte de l’atelier.

Il se moque Yele, il sait faire que ça, et pendant un moment j'ai presque l'impression qu'on se connaît depuis des années, alors que ce ne sont que de maigres semaines qui se tiennent à notre compteur. “Je risque d’essayer d’apprendre des tas de choses pour qu’on ait des conversations et des débats avec des mots supers compliqués sur l’art.” « Les gens vont nous détester, on va être d'une lourd-eur. » que je renchéris en imaginant la scène d'une conversation aussi snob menée par notre duo si atypique, en pouffant de rire de plus belle. Le pinceau que j'abandonne maintenant pour une bombe de peinture - plus efficace et surtout presque menaçante. “Je suis pas là pour te rassurer. La dernière fois que j’ai touché un pinceau c’était en cours d’art plastique.” un froncement de nez de plus, alors que je jongle avec la bombe d'une main à l'autre. « Je suis terrifiée d'un coup d'un seul. » si mon regard tente d'être sérieux il y arrive une seconde une seule, avant qu'une éternelle lueur de malice ne vienne le colorer.

“Très bien Mary-Elisabeth. Ca te va très bien. Ca fait très aristo anglaise.” et le sarcasme, vous le sentez autant que moi? « Mes parents y ont cru jusqu'à ce qu'ils réalisent que le prénom changerait rien à la situation. » la situation, qui est en fait l'état malhabile et l'infinie maladresse de leur cadette. Un simple prénom en 3 exemplaires ne pouvait pas redresser mon cas, ne pourrait en rien sauver le fait que justement, non, du tout, je suis absolument pas une artisto anglaise, ni là-bas ni jamais.

Je prends une petite minute de nouveau pour me remettre à réfléchir à ce qui viendra prendre la nouvelle place sur le mur, mur devant lequel le Blythe fait tout, mais alors tout pour m'éviter de pouvoir peindre correctement. Fourbe. “Alors que vas-tu faire ? J’attends.” « Une vraie terreur terrifiante ne dévoile jamais ses plans d'avance! » mes plans, qui se résument à simplement envoyer un jet de peinture sur son t-shirt le plus sournoisement possible. Même pas désolée.

“C’est moi qui devrais te remercier.” qu'il finit par renchérir, et il fait du bien, le coup d'oeil qu'on partage. Il est pardonné, bien sûr qu'il l'est. Ce n'est pas non plus gagné, ni même oublié, mais reste qu'à mes yeux, c'est déjà bien assez.

Il parle d’art avec Ginny. Il ne s’était jamais intéressé à tout ça avant, mais depuis quelques semaines il pose des tonnes et des tonnes de questions quand il est en compagnie de la jeune femme. Il connait des mots compliqués, c’est ses préférés ceux là. Il pouffe de rire à la remarque de Ginny, c’est une activité qu’il note dans un coin de sa tête. “On se posera dans un coin avec pleins de gens plutôt calmes et on parlera bien trop fort en étant snob.” Il hoche la tête, rien que l’idée lui donne envie de rire. Ils ne tiendraient pas 2 minutes sans un fou rire c’était certain. Il ne sait pas dessiner, parce que ça ne l’a jamais intéressé. Mais il essaye aujourd’hui. Comme quoi tout est possible. “Quoi mon air d’anglais mystérieux et sombre ne suffit pas à te terroriser ?” Il fronce les sourcils, mais n’arrive jamais à paraître sérieux longtemps quand ils s’amusent à enchaîner les conneries.

“C’est toi la situation ?” Il se tourne vers elle en pointant son pinceau et la montrant tout entière. Même si ses prénoms faisaient aristo anglaise, elle ne l’était pas du tout. Il ne connait pas son histoire, peut-être que ça sera le cas un jour. Donc il ne renchérit pas, il hoche la tête avec ce sourire qui reste au coin de ses lèvres. Il a utilisé ses autres prénoms, il attend les représailles pour savoir si il pourra s’amuser à les utiliser plus souvent. “Mary-Elisabeth la terreur terrifiante…” Il fronce les sourcils une seconde. “Tu veux pas tuer quelqu’un ? Comme ça je leur donnerai ce nom là quand ils me demanderont si je connais le coupable. De 1, ça fait un super nom de tueuse en série, de 2, ça va faire super bien en gros titre du journal.” Et il reçoit quelques gouttes de peinture sur son tee-shirt. Sa bouche s’entrouvre un peu, choqué par le geste. Et bien évidemment qu’il réplique et que son tee-shirt à elle se retrouve couvert de peinture. Ca va mal finir pour les vêtements et le mur cette histoire.

Il devrait la remercier, il le fait à demi mot, juste avec le regard. Un regard complice qu’ils échangent et qui veut dire beaucoup. Qui veut dire qu’elle pardonne, qu’il essaie d’arranger les choses. Et tout est mieux ainsi, bien mieux que si il l’avait laissé venir ici toute seule finalement.