La température de Gabriel ne va qu’en augmentant et ça n’a rien, absolument rie de rassurant quand aux chiffres toujours plus élevés s’ajoutent ses hurlements incessants. Des deux il est le petit monstre de l’histoire mais ses crises de nerfs sont généralement très brèves et il n’y a rien qu’un biberon ne puisse régler, mais cette fois-ci il refuse même d’avaler quoi que ce soit et plus le temps passe et plus la jeune mère est stressée de la situation, ne sachant plus où donner de la tête finalement. Willow a pris pour habitude de suivre son frère dans n’importe laquelle de ses aventures et ainsi quand il pleure, elle en fait de même sans même chercher à comprendre pourquoi. Autant dire que personne dans l’appartement n’a l’occasion d’entendre le doux chant des oiseaux en cette belle matinée.
La nuit a été courte, doux euphémisme pour dire inexistante. Elle l’a passé au chevet tant de l’un que de l’autre sans jamais être capable d’apaiser leur peine ce qui est sûrement la chose la plus difficile qu’elle ait eu à endurer en tant que mère. Elle s’est finalement résolue à appeler Tim pour qu’il vienne à sa rescousse, ne sachant gérer ce genre de chose parce que rien de tout cela n’a jamais été inscrit dans aucun des livres qu’elle a pu lire ou dans les mille conseils qu’elle a pu entendre des professionnels à l’hôpital. Tout le monde sait que lorsque les choses deviennent sérieuses il faut aller à l’hôpital et Charlie n’y tient plus, redoutant bien trop ardemment que Gabriel souffre réellement et que le tout nécessite l’expertise de personnes bien plus compétentes qu’elle. Le monde entier est de toute façon bien plus compétent qu’elle, si jamais il fallait définir le terme. « Je suis désolée de t’appeler aussi tôt mais Gab a de la fièvre et je sais pas comment gérer ça, il fait que pleurer et c’est pas normal ... » La conversation ne s’éperdure pas, l’enfant dans ses bras demandant à nouveau toute son attention. Elle le berce du mieux qu’elle peut, lui laisse un tissu frais sur le front qu’elle renouvelle souvent, elle lui propose à boire à intervalles régulières juste au cas où tout recommence soudainement à aller mieux à un moment précis.
Rien ne semble y faire et elle et ses cernes se résignent à attendre l’arrivée de papa pour, à défaut de se rendre au parc d’attraction, faire une joyeuse virée en famille à l’hôpital.
Il répondait toujours présent à l'appel, surtout lorsqu'il était question des enfants. Non, Tim ne prenait pas ce nouveau rôle à la légère, laissant toujours tout ce qu'il était en train de faire en plan pour devenir le super papa qu'il n'avait jamais eu. Il était loin d'être parfait pour sûr, étant donné qu'il n'était pas en possession du manuel du père de jumeaux parfait alors il y avait quand même du travail pour aboutir à un résultat satisfaisant mais Timothy avait déjà passé la première étape avec brio: aimer ses petits bouts plus que n'importe quoi sur cette planète. Alors, recevoir l'appel paniqué de Charlie lui tordit l'estomac, vraiment, Gabriel n'était pas un geignard notoire, bien au contraire. Lorsqu'il pleurait, c'était avant tout pour rendre fous ses parents, montrer qu'il existait parce qu'ils s'occupaient de Willow quand on oubliait son existence mais la souffrance, il la tenait avec une aisance digne d'un Decastel, pour sûr. Apprendre qu'il avait une fièvre qui ne s'arrêtait plus de grimper, sentir que Charlie était démunie, c'était le signe qu'ils devaient tous partir pour l'hôpital aussi vite que possible afin d'éviter le pire. Timothy avait peur et il avait couru jusqu'à chez Villanelle, littéralement, dès qu'il avait pu garer sa voiture dans un coin de la rue bondée. Il était hors d'haleine au moment de passer la porte, sans frapper, parce qu'il savait que Charlie ne lui en voudrait pas de faire irruption à peine cinq minutes après son appel désespéré avec des bébés en pleurs derrière elle. "C'est pas redescendu le temps que j'arrive? On va aux urgences, on prend aucun risque, hein?" Il avait attrapé Willow pour décharger Charlie de toute la charge mentale qu'elle avait. A en voir sa tête, elle n'avait pas dû dormir beaucoup et Decastel s'en voulait de ne pas avoir été présent pour elle parce que sa sirène avait besoin de lui à l'heure actuelle. "Et ça va aller, ma sirène, c'est un costaud notre fils et t'as fait de ton mieux, ok? J'ai pris ma voiture, on embarque tout ce beau monde." Des pleurs, encore des pleurs et Tim essayait d'apaiser au moins la petite pendant qu'ils déplaçaient tout leur attirail jusqu'à la voiture, se dépêchant au maximum pour attacher les enfants et prendre le volant. Tim devait garder la tête froide alors il prit une grande bouffée d'air avant de démarrer malgré l'ambiance de panique générale. L'hôpital était proche fort heureusement et Tim accourut vers le premier employé pour savoir s'ils allaient devoir attendre, des enfants qui pleuraient autant dans une salle d'attente, il y avait de quoi émousser la patience des autres gens présents mais là, Decastel s'en fichait, allant s'asseoir avec Willow dans les bras alors qu'il posait sa main sur celle de Charlie, autant pour l'apaiser elle que lui.
Il arrive, il la rassure, il prend soin des enfants et toute la joyeuse famille se met en route vers l’hôpital. Il fait vraiment au mieux, Tim, il tente de chasser les doutes et les appréhensions de la jeune femme sans laisser les siennes gagner du terrain. Elle voit bien à quel point il a grandi et évolué lui aussi et même si elle ne le lui dit pas, elle est fière de tout le chemin qu’il a entrepris depuis un an. Elle ne le connaît même pas depuis une année toute entière et elle est là, l’ironie de la chose, quand on sait à quel point il est devenu aussi important à ses yeux désormais.
Gabriel ne cesse de s’agiter à l’arrière de la voiture et ce même si Charlie garde sa main près de lui pour tenter d’être une présence apaisante. Pas assez apaisante, apparemment, puisqu’il continue de pleurer et que rien ne semble suffisant pour lui faire cesser cette crise de larme pour laquelle elle n’arrive pas à en comprendre la source. Son instinct maternel lui fait défaut, elle pensait qu’elle serait capable de lui en ses enfants comme dans un livre ouvert mais la vérité semble finalement être toute autre. Ça lui brise le coeur que de se penser à nouveau inapte à la tâche.
L’ambiance est toujours tendue lorsqu’ils arrivent à l’hôpital et cette fois-ci rien ne fait exception à la règle, encore moins quand ils doivent céder Gabriel aux bons soins du personnel et qu’à partir de ce moment là ils perdent tout droit de regard sur les soins qui lui sont apportés. La main de Charlie se serre autour du poignet de Tim lorsqu’elle fait passer l’enfant de ses bras à ceux de l’infirmier. Ses doigts la démangent de ne plus avoir son enfant à tenir près d’elle et la possibilité qu’il lui arrive malheur alors qu’elle est loin de lui la rend malade. Elle n’a cependant aucun autre choix que celui de se plier aux instructions des médecins, sachant au fond qu’ils font ça pour le bien être de son fils avant toute chose.
Ils se dirigent vers la salle d’attente sans un mot, Willow sagement posée contre le torse de son père alors que la blonde se contente de suivre le duo sans rien dire, ses yeux se contentant de se poser sur l’assemblée en cette heure si tardive. Elle enroule ses doigts autour de ceux de Tim dès qu’il approche sa main de la sienne, habitude qu’elle reprend rapidement sans même avoir à y réfléchir. Leur fille reste sage malgré le bruit et les pleurs ambiants, rendant sa mère fière d’elle et la laissant même esquisser un sourire en coin. « Il allait bien toute la journée, j’ai tout fait comme d’habitude. » Elle s’excuse presque, tente de fouiller dans sa mémoire pour trouver la moindre chose qui aurait pu mal tourner à un moment ou à un autre. Pourtant si c’était à cause d’elle ils auraient tous les deux dû tomber malade et c’est bien sûr loin d’être ce qu’elle désire ; c’est pourtant ce à quoi elle se raccroche pour tenter de trouver une autre raison à la température de son fils.
Sa tête finit par tomber sur l’épaule de Tim, épuisée. « Si … Si tu veux la faire rire tu peux la chatouiller dans le cou, c’est son talon d’Achille. Ça pourra lui faire oublier où on est. » La blonde tente de faire au mieux pour tout le monde et cherche à ce que leur escapade aux urgences soit la moins pénible possible pour toute la famille.
Il ne doutait pas une seule seconde que Charlie avait fait au mieux: depuis son retour à la maison avec les petits, la belle blonde était littéralement sur tous les fronts et Tim restait profondément admiratif de tout ce qu'elle pouvait gérer avec un enfant dans chaque bras. Lui-même n'était sûrement pas aussi efficace dans les mêmes circonstances et puis, il aurait été mal avisé de la juger quand il n'avait même pas été là durant la nuit pour l'aider à veiller sur la température de Gabriel. Au bout du compte, toute la famille se retrouvait à attendre que les médecins effectuent un diagnostic du petit malin, les deux parents main dans la main, Willow qui restait parfaitement sage car elle était l'enfant idéal en tous points. Les minutes passaient lentement et l'inquiétude ne pouvait que grimper dans de telles circonstances mais Decastel était convaincu que le personnel faisait au mieux pour les prévenir au plus tôt de l'état de santé de leur enfant, même si Tim restait accroché à Charlie parce qu'il sentait qu'elle s'en voulait, mais de quoi exactement? "T'es une super maman depuis le début, ce sont des choses qui arrivent et t'es en aucun cas responsable, il a rien de grave, les médecins vont nous l'assurer." Instinctivement, le pouce de Tim caressait sa main parce qu'il n'aimait pas la voir aussi mal, pas elle. Ce qu'elle annonça concerna Willow le fit sourire et il s'intéressa quelques secondes à l'enfant qui n'avait d'ailleurs pas l'air stressée pour un sou d'attendre son frère dans la salle d'attente des urgences. Pour preuve, elle bougea entre les bras de Tim pour tendre la main vers sa mère et toucher sa joue plus ou moins délicatement alors qu'elle avait sa tête posée contre l'épaule du brun, celui-ci en rit instinctivement. "Tu vois, pas besoin, je crois que c'est Willow qui essaie de faire sourire sa maman plutôt." Elle voyait bien que sa maman angoissait un peu alors elle était prête à faire ce qui fallait. Enfin, une blouse blanche pénétra dans la salle et Tim se releva bien vite, toujours accrochée à la main de Charlie parce qu'ils pouvaient tous craquer à tout moment. "Votre fils est en parfaite santé, la température est redescendue et après examen, rien n'est à signaler, tout va bien! Vous pouvez aller le voir, suivez moi." Tim put respirer à nouveau, un large sourire sur ses lèvres alors qu'ils suivaient le mouvement du médecin, voyant le petit fripon dans un état de forme optimal dans sa chambre aseptisée. "Tu nous as mis une de ces frousses, toi, tu penses pas à ta mère, regarde elle est toute blanche! Si tu recommences, papa te suit à la trace en dormant à côté de ton berceau, t'es prévenu! Tiens, c'est une idée ça, en vrai." Timothy fit un clin d'oeil à Villanelle après avoir parlé, la laissant prendre leur fils si l'envie lui chantait puisqu'il gardait Willow confortablement installée et elle avait certainement besoin de se rassurer car il allait bien, tout le monde allait à merveille.
Charlie n’est pas anxieuse de nature et bien au contraire, elle a toujours été celle à paniquer trop tard dans les milliers de situations pendants lesquelles justement elle aurait dû se faire du soucis. Même pendant sa grossesse elle s’est montrée bien trop peu anxieuse, les choses n’ayant finalement changé que depuis la naissance des jumeaux. A son propre égard elle ne craint toujours pas beaucoup de choses mais quand ça touche à la chaire de la chaire, tout est bien différent. Elle panique pour un rien, cède au moindre de leurs caprices, devient la maman poule par excellence qui reste sur internet des heures durant pour trouver mille alternatives à leur éducation et leur alimentation pour les élever dans les meilleures conditions qui soient. Elle s’épuise au jour le jour pour eux et de savoir que cela ne les empêche pas pour autant de tomber malade est un constat auquel elle n’était pas préparée le moins du monde. La blonde pensait encore et toujours qu’en espérant le mieux, il finirait par arriver. Ce n’est pas parce qu’elle a essuyé les échecs pendant vingt longues années qu’elle doute un seul instant qu’un jour, un seul, tout finira par payer. La main de Tim lovée contre la sienne l’aide à croire en cette idée là tout comme le font les doigts potelés de Willow venant maladroitement chercher sa joue. Alors elle leur sourit à tous les deux, elle reste forte pour eux aussi.
Ce n’est pas parce que l’un va mal qu’il faut pour autant en oublier le second, raison pour laquelle Charlie tente au mieux d’occuper sa fille en jouant avec ses doigts et lui faisant quelques grimaces pendant la longue demie heure d’attente. Le tout semble anodin mais il les aide toutes les deux à penser à autre chose et Tim avec. Elle ne relâche finalement les doigts de la blonde que lorsqu’un médecin les appelle et les invite à aller dans une autre pièce, Charlie suivant de près Tim et la petite lovée dans ses bras.
Après les rapides remontrances du père, lesquelles portent bien plus à sourire qu’autre chose, la blonde n’attend pas bien longtemps avant de venir loger ses mains à l’arrière de la nuque de l’enfant pour doucement venir le soulever et le prendre dans ses bras. Elle le berce et tente de l’apaiser comme elle le peut maintenant qu’elle ne sent plus aucune fièvre en plaçant le dos de sa main sur son front. Ses lèvres viennent finalement se loger contre sa joue pendant de longues secondes, pour l’apaiser lui ou elle on ne sait plus trop. « Ça ne doit pas être très confortable, le carrelage. » Et puis elle est pas si blanche que ça après tout, c’est simplement sa carnation naturelle. En grande partie, en tout cas. « Il manquait seulement d’attention. C’est un monstre, cet enfant. » Elle s’autorise enfin à rigoler, son nez logé contre la joue rebondie du bambin.
« Vaut mieux ne pas rester ici s’il n’a rien. Tu … peux nous ramener à la maison ? Ils vont bientôt avoir faim, je pense. » Ça veut dire qu’il peut rentrer, ça veut dire qu’il peut rester, ça veut dire que chez elle est tout autant chez lui mais tout ça ce sont beaucoup de choses à lui avouer encore.
Il allait bien, fausse alerte, leur fils n'allait pas leur être retiré tout de suite et Tim put reprendre sa respiration sans plus attendre. Il avait tenu le coup du mieux qu'il avait pu, pour la première fois depuis de nombreux mois, aucun signe de malaise, de crise de panique qui l'aurait mis à terre... Non, il avait senti son rythme cardiaque s'accélérer, son front s'embuer de sueur mais il avait su gérer parce qu'il n'était plus seul. Qu'il ne le serait plus jamais, surtout. Désormais, Tim avait deux enfants, il avait Charlie et tout cela nécessitait de lui qu'il reste debout, qu'il se batte, qu'il se démène. Decastel l'avait fait à merveille et il continuerait sur sa lancée parce que leurs enfants avaient besoin de lui, de sa petite dose d'humour qui tâchait de détendre l'atmosphère. Il ne savait pas s'il avait réussi mais il vit sa sirène qui prenait Gabriel dans ses bras pour que tout le monde s'apaise après cet intermède des plus difficiles à vivre. "Je peux me faire un lit de camp avec des roseaux? J'ai appris ça au camp." Entre deux hurlements et deux invitations à aller joyeusement recommencer à faire des pompes parce qu'il se laissait un peu aller, autant dire que Timothy ne regrettait pas le moins du monde d'avoir quitté cet univers. Il se sentait bien plus à l'aise en ville, aux côtés de son entourage, loin de toute cette violence qu'il n'avait jamais trouvé nécessaire. Sa vie entière n'était parsemée que de cela: désormais, le brun avait besoin d'amour, aujourd'hui plus que jamais. Alors, il hocha la tête face aux propos de Charlie. Retourner à la maison ramener les petits là où rien ne pourrait leur arriver. Le chemin en sens inverse se fit sans accroc et tout le monde put se reposer dans le salon du tout nouvel appartement de Villanelle. Tim déposa Willow dans un des deux petits lits, ils avaient sûrement besoin de repos après une telle aventure qui avait chamboulé tout le monde. Charlie aussi, certainement, mais Tim restait là à la suivre avec un sourire malgré tout. "Tu veux que je reste pour m'occuper des petits pendant que tu te reposes? Que je les emmène chez moi? Je m'en veux un peu que t'aies passé une si mauvaise nuit alors que j'étais loin de ce petit monstre que nous avons créé..." Timothy eut un petit sourire timide, légèrement embarrassé parce qu'il avait conscience qu'il ratait des moments, des mauvais comme des bons, et ce n'était pas quelque chose qu'il avait voulu. "Ou alors on peut juste discuter de tout et de rien, en bons triton et sirène que nous sommes. N'importe quoi pour changer les idées de tout le monde après une telle frousse." Willow dormait déjà, épuisée qu'elle était et Tim put se reculer un peu pour observer Charlie, il avait également envie de prendre soin d'elle, qu'elle ne soit pas lésée dans toute cette affaire parce qu'elle méritait l'univers à ses yeux bleutés.
Ils reprennent leurs marques sans qu’elles ne soient réellement les leurs, Tim trouvant de nouveau bien rapidement le chemin de l’appartement de la jeune femme. Dans la voiture, la jeune femme se refuse encore à laisser Gabriel se détacher de son étreinte, sans doute bien trop mère poule dans l’âme. Malgré tout ce qu’ont pu leur dire les médecins et tout ce qu’ils ont tenté de les rassurer avec, elle n’arrive pas à s’ôter de l’esprit qu’elle reste la seule responsable de cette sortie à l’hôpital improvisée laquelle ils se seraient bien tous passés. Gabriel a passé son temps à pleurer et dort désormais comme un loir, chose que fait aussi sa soeur qui a déjà pris pour habitude de claquer la moindre de ses actions sur les siennes.
Le trajet se fait en silence lequel perdure jusqu’au moment où chacun repose les jumeaux dans leur berceau, tous deux épuisés par les événements pour pouvoir encore émettre la moindre protestation. Charlie embrasse une dernière fois le garçon, sans doute trop étouffante, avant de refermer la porte de leur chambre pour leur laisser le temps de se reposer - et elle avec. Chacun de ses gestes se fait au ralenti pour parer à toute la maladresse du monde dont elle se compose et éviter de faire le moindre bruit, et face à elle Tim sait très bien comment réagir puisqu’il parle en chuchotant.
La jeune femme garde ses yeux relevés vers lui, esquissant un sourire alors qu’il appelle à son tour leur fils un petit monstre, terme on ne peut plus approprié qui va sûrement lui coller à la peau à partir de maintenant. « Tu n’as pas à t’en vouloir, tu n’y es pour rien. » Elle ne répond volontairement pas aux deux questions, refusant muettement qu’il les emmène chez lui pour ce soir alors qu’ils ont besoin de se reposer - et n’osant pas avouer qu’elle aurait bien besoin que quelqu’un prenne son relais auprès des deux bambins.
Pourtant le champ des possibilités est assez réduit et Tim se fait désormais bien plus confiant que jamais, maintenant qu’elle même ne pourrait réellement poser des mots sur ce qu’elle ressent et ce à quoi elle aspire. « J’ai juste besoin de dormir. » Elle le coupe, le ton las, n’ayant pas le moins du monde envie de recommencer ses longues et interminables discussions avec lui. Ils ne sont pas encore prêts pour ce genre de choses et elle se braque au moindre pas en avant de sa part, ayant trop peur d’exploser de nouveau alors qu’il se trouve trop près d’elle. « Tu restes ? T’as un droit prioritaire de te lever la nuit quand ils pleurent. » L’humour pour tenter de faire passer ses demandes, c’est tout ce qu’il lui reste. Elle veut aller le plus lentement du monde et apprendre à faire comme le font les couples normaux mais la réalité est telle qu’elle a aussi besoin de lui à ses côtés, ne serait-ce que de le savoir près d’elle le temps d’une nuit. Comme avant. Et comme avant elle se dirige en première vers la chambre, désireuse de seulement dormir comme ils l’avaient fait dans sa maison de Bayside. Tout change mais ils continuent de rester les mêmes.
Maintenant que la crise s'achevait, tout le monde arrivait à retrouver son souffle et son calme. Tim maîtrisait mieux que jamais la débâcle de ses sentiments, s'étonnant certainement lui-même dans l'entreprise vu que l'angoisse avait tant fait partie de lui au cours des mois qui venaient de s'écouler. A croire que la naissance des jumeaux avait remis en perspective ce qui comptait réellement: être là pour eux, ne pas tout faire à la hâte et sans réfléchir quand c'était leur vie toute entière qui était justement en jeu. Aujourd'hui, il avait été question de celle de Gabriel parce qu'il fallait toujours qu'il en fasse trop l'aîné des deux petites terreurs et quand il s'agissait de faire peur à sa mère, il redoublait d'idées toutes plus créatives les unes que les autres. Cela dit, maintenant qu'il dormait, sa soeur l'ayant suivi moins de dix secondes plus tard, il n'y avait plus la moindre raison de s'inquiéter avant plusieurs jours quand il aurait trouvé un nouveau jeu pour mettre en alerte tous les sens de leurs parents. A l'heure actuelle, l'énergie n'était plus très présente, surtout chez Charlie qui trouvait à peine les forces nécessaires pour répondre d'un sourire à la petite plaisanterie de Tim concernant l'appellation de leur marmot adoré. Le brun était quelque peu inquiet de la voir si renfermée ces derniers temps mais il se doutait qu'elle se forçait à conserver des barrières opaques entre eux deux pour éviter les dérapages hâtifs qui mettraient à mal la relation qu'ils étaient en train de construire. Rome ne s'était pas fait en un jour et c'était exactement la même chose pour eux deux: ils pouvaient très bien blaguer, organiser des tours de garde et des visites pour les enfants mais dès qu'il était question de faire un pas en avant de ce qu'ils partageaient depuis un an, Charlie était la voix de la sagesse la plus pure. Timothy la remerciait sincèrement de casser leurs travers passés, surtout alors qu'elle invoquait son envie de dormir après la journée et la nuit qu'elle venait de passer et le brun hocha simplement la tête. "Pas de souci! Si la situation devient alarmante, je me lance dans l'opération lit de camp." Il avait encore quelques heures devant lui pour cela puisque les deux enfants dormaient comme des souches, pas si loin que cela. Tim suivit Charlie jusqu'au lit, retira ses chaussures et s'autorisa à prendre place sur un côté de lit. "Au fait, avant que tu t'endormes, je voulais te dire que j'avais démissionné de l'armée aujourd'hui. J'ai trouvé une position dans une librairie en ville donc je serai toujours là." Il pouvait au moins la rassurer à ce sujet, lui qui ne voulait plus rater une seule journée dans la vie de leur petite famille.
Encore vêtue de ses habits de la journée, elle ne s’en formalise pas au moment de venir se coucher dans un coin du lit. La jeune femme prend d’infinie précautions pour ne pas prendre beaucoup de place, elle qui sait se faire petite lorsqu’il le faut. Son attention reste tournée vers la chambre des jumeaux de laquelle elle appréhende toujours d’entendre quelques bruits puis d’autres menant inévitablement à une nouvelle crise de larmes de leur part. Pour le moment au moins ils semblent épuisés par la journée qu’ils viennent de vivre et ne pipent donc aucun mot, laissant leur mère prendre le temps de se reposer. Sa tête se pose sur l’oreiller, ses yeux tournés vers le mur sombre et ses mains venant chercher la fraîcheur entre les draps. En silence, tel un vieux couple, il fait de même de l’autre côté du lit. "Au fait, avant que tu t'endormes, je voulais te dire que j'avais démissionné de l'armée aujourd'hui. J'ai trouvé une position dans une librairie en ville donc je serai toujours là." Charlie n’arrive pas à fermer les yeux et elle souffle longuement sans pour autant arriver à le faire en silence.
Elle laisse ses mots planer quelques secondes avant de finalement se retourner de son côté, les genoux remontés au niveau de son ventre. "Tu l’as fait parce que tu ne voulais plus y retourner ou parce que tu voulais t’occuper d’eux ?" La blonde demande avec le ton le plus neutre qui soit pour ne pas l’inciter à répondre dans un sens ou dans un autre. Elle a été la première à lui en vouloir d’être partie à l’armée, elle, la supposée raison de ce départ précipité et surtout démesuré. Depuis toujours elle voue une haine sans pareille à la guerre et rien n’est sur le point de changer aujourd’hui, encore moins maintenant qu’il y a passé tant de semaines alors qu’elle attendait son enfant en tournant en rond tel un lion en cage.
Les rayons de la lune n’éclairent pas ses yeux, elle ne cherche pas à les voir non plus. Elle sait qu’il est là, elle l’entend ; ça lui suffit. Il lui rend des comptes sur les derniers mois de sa vie qu’elle a raté et si jamais elle avait elle aussi quoi que ce soit à lui raconter alors sûrement qu’elle en ferait de même. Pour le moment en tout cas, elle est bien loin de la jeune femme aux mille aventures et il n’y a rien à conter qui ne se rapporte pas à leurs enfants. "C’est dommage de commencer une formation sans la terminer." Elle ravale sa salive, le fusille du regard dans le noir. C’est lui qui a joué à ce jeu dangereux le premier, elle ne compte pas se mettre à genoux devant lui et le remercier dans mille langue différentes d’abandonner la partie. Il vit sa propre vie et elle la sienne.
Tim ne savait pas pourquoi il ressentait l'envie de lui apprendre toutes les décisions qu'il avait prises récemment concernant son avenir. Peut être qu'il attendait de Charlie qu'elle le rassure en lui disant que c'était un bon choix, ou juste qu'elle soit contente que ces bribes de leur passé n'aient plus lieu d'être. Decastel, lui même, n'avait pas la réponse. Il tenait juste à être le plus sincère possible, à ce qu'il n'y ait plus aucun mensonge et plus aucune mauvaise parole pour les séparer. Néanmoins, le brun se doutait que rien ne serait simple, pas en en vue de la distance que Villanelle tenait tant à mettre entre eux depuis bien des semaines. Timothy avait juste besoin d'un peu de quiétude, quelques instants pour réfléchir, prendre le temps de considérer les options qui s'offraient à eux avec tous les changements qui s'imposaient. Le faire maintenant semblait être une option comme une autre juste avant que Charlie ne s'endorme avec la nuit qu'elle avait traversé à cause des jumeaux. Elle ne dormait pas, il le sentait en vue du rythme encore rapide de sa respiration et même si elle n'était pas tournée vers lui, Tim pouvait aisément deviner qu'elle avait entendu le moindre mot qu'il venait de prononcer. Sa question, forcément, tourmenta Decastel parce qu'il ne s'attendait pas à ce qu'elle ait une quelconque réaction, en réalité. "Les deux. C'est pas pour moi tout ça finalement et je veux rester proche des jumeaux." Il ne pouvait qu'être sincère à ce moment là car Tim avait pris le temps d'y réfléchir au fil des mois qui s'étaient écoulés. Voulait-il être soldat? Cherchait-il à fuir? Pour une fois, il n'avait pas agi sur un coup de tête et avait pesé le pour et le contre concernant sa situation. Il ne voulait plus mettre en péril sa famille, ne plus quitter Charlie non plus alors qu'il promettait de se battre pour elle. La jeune femme, d'ailleurs, lui exprimait à nouveau un dédain incroyable avec la suite de son discours et Tim sentait que ses yeux mettaient à briller dans le noir face au ton plus sec de sa sirène. "Je m'attends pas à un soutien de ta part, Charlie. Pas alors que je t'ai laissé enceinte de nos enfants pour cette carrière justement alors je comprends pourquoi tu m'invites doucement à y retourner mais ça marchera pas cette fois." Ils ne se pousseraient plus l'un l'autre à prendre des décisions radicales parce qu'ils étaient désormais en train de construire quelque chose qui allait au delà d'eux deux et Tim resterait fermement ancré dans son nouvel équilibre, malgré l'émotion qui l'étreignait. "Bonne nuit ma sirène." La sienne serait sûrement hantée par quelques réflexions mais il aurait toujours le temps d'y penser quand les jumeaux le pousseraient à se lever à de heures indécentes.