« LOLA ! Bordel de merde. » Il la cherche partout depuis une heure, la Lola, une affiche à la main. Dans leur patelin de merde, rempli de bicoques de merde, ils sont connus comme la peste et le choléra. Personne n'osera préciser lequel est le pire des deux, personne ne sait vraiment où ils habitent de toute façon. C'est peut-être sur la colline, derrière le village, c'est peut-être directement au bord du cimetière où ils enterrent leurs ennemis et les types qui les emmerdent, toujours est-il que tant que ce n'est pas directement ville, tout le monde est content. Surtout les villageois, en fait, qui lèvent les yeux au ciel et planquent les enfants à la seconde même où Lola et Léo débarquent dans les rues. Ils inspirerons peut-être une célèbre chanson de Starmania dans quelques... siècles.

Aujourd'hui, Léo ramène de quoi manger. Enfin, pas littéralement, car c'est une affiche qui tient à la main, si fort qu'elle se déchirera bientôt. Et les affiches ne se mangent pas, non non, pas même au temps des cowboys. « LOLA ! » Elle doit être sourde comme un pot, la Lola, ou peut-être bien que c'est lui l'imbécile qui hurle sans entendre que sa sœur lui répond, depuis tout à l'heure. Donc Léo- Quoi ? Sa sœur, oui. Pas sa sœur de sang, mais ces deux là ont au moins partagé le même orphelinat, donnant du fil à retordre aux religieuses en charge de leur éducation. Et ils faut croire que les bonnes-sœurs ne sont pas toutes des génies en éducation, en témoigne ce que sont devenus les deux gamins : de véritables brigands. Ils diront probablement le contraire, prétendront qu'ils n'y sont pour rien et qu'ils ne font que débarrasser le monde des autres brigands en acceptant les primes laissées pour les chasseurs dans leur genre. C'est peut-être vrai, dans un sens...

Lorsque enfin le regard de Léo, se pose sur Lola, dans le salon poussiéreux, il lève les yeux au ciel et retire son chapeau élimé. Plutôt que de se plaindre, il pose devant la jeune femme une affiche détaillant le profil d'un brigand bien connu de la région. Le fameux Henri Playe, le peut-être futur inventeur de la VOD. Quel dommage qu'il soit né trop tôt. « Il est dans les landes. On harnache les chevaux et on y va. Le Borgne passe bientôt, en plus. Il ne faudra pas être là quand il passera. » Le Borgne, c'est celui qui leur prête la maison. Un grincheux qui leur tombe dessus tous le quatre matins. Celui là aussi, ils le tueront peut-être un jour.

« Tu traînes, là. » Il lève les yeux au ciel, le petit brun, en attrapant à boire pour la journée et en traînant des pieds derrière sa sœur, juste pour l'emmerder un peu. Les deux compères se chamaillent encore jusqu'à l'écurie, où ils laissent leurs chevaux. Léo grimpe sur Tempête - oui, son cheval s'appelle Tempête, c'est un cliché mais le jeune homme n'a pas beaucoup d'imagination - et observe sa sœur faire ses prières. Il se met à l'imiter, priant tout haut : « Seigneur s'il vous plaît, faites que Lola arrête de ronfler la nuit, elle fait trembler le toit et j'ai peur qu'il s'effondre sur nous, un jour. » Et alors qu'elle dit le mot magique - le fameux Amen - Léo est déjà parti.

Les landes s'étendent au loin, alors que les deux jeunes gens filent au trot. « Il y a quelqu'un d'autre sur sa piste ? » « Je n'ai pas eu le temps de me renseigner. J'ai juste récupéré l'affiche. » Il y en aura certainement, du monde à ses trousses. Mais les deux orphelins sont confiants. Ils savent qu'on les redoute. Qu'ils sont craints partout, de par leurs liens indéfectibles. Les autres ont beau avoir des compagnons d'aventure, ils ne rivalisent jamais longtemps avec la sœur et le frère, qui ne s'abandonneraient l'un et l'autre pour rien au monde. Les deux jeunes gens chevauchent jusqu'à la lande, qui se déroule en contre bas sous leurs yeux. « Tu vois quelque chose ? » On avait promis à Léo que Henri Playe était dans les landes. Mais à la recherche de quoi ?... « Qu'est-ce qu'il vient faire dans la lande ? Y'a rien, ici. » Rien qui ne soit visible aux yeux, en tout cas. Le jeune homme réajuste son chapeau et arrête son cheval. « On ne fait pas comme la dernière fois, on le ramène vivant, le gus. Vu ? Vi-vant. » Il ne sait plus qui a porté le coup de grâce, la dernière fois. Mais toujours est-il qu'un homme mort, ça vaut bien moins qu'un homme vif.

Lola est beaucoup plus forte que lui pour débusquer l'ennemi. Ses yeux sont plus entraînés et elle a toujours été la plus talentueuse des deux pour voir l'invisible. Les deux jeunes gens restent là, à contempler la lande. La patience n'est pas le fort de Léo, pourtant, qui n'y voit rien du tout. Bientôt, il se met à soupirer bruyamment, les yeux levés au ciel. Rien en vue, pas pour lui. Et puis, ce n'est que de la poussière, cet endroit. Le jeune homme en est persuadé, il n'y a rien d'intéressant dans les landes. On n'y cache même pas des cadavres tant la terre est dure à creuser. « J'ai entendu des rumeurs lors de ma dernière visite à l'orphelinat. » « Ha ? » Oui, lui n'y était pas retourné depuis des lustres, ou seulement pour emmerder les bonnes sœurs. Elles gardaient bien les enfants de son influence, car elles savaient combien Léo pouvait se révéler être un aimant à bêtises. Lola, en revanche, semblait encore attachée au lieu de leur enfance. « Quelqu'un s'amuse à dire que Jean Cives aurait enterré son or là avant qu'on l'attrape. J'ai trouvé le shériff gonflé, cette fois-là, d'ailleurs. Pas content qu'on ait tué Jean. Pas content qu'on n'ait pas l'argent de Jean. M'a presque donné envie de tuer le shériff, tiens. » Le fameux Jean Cives, leur ennemi de toujours que les deux jeunes gens avaient vaincu il n'y a pas si longtemps que ça. Le Shérif avait reproché aux deux garnements de lui avoir rapporté l'homme... mort. « Ça sera bientôt le tour du shérif, t'en fais pas. », qu'il promet à Lola.

Léo rappelle les consignes à sa sœur, juste pour l'embêter un peu. Ils savent que peu leur importe de ramener les criminels morts ou vifs, tant que l'argent est à la clef. « Oh, ce que tu peux être rabat-joie, on ne peut pas se dire qu'on verra sur le moment ? Qu'on improvisera ? » Il sait qu'elle aime "improviser", Lola, et que parfois mince, la balle ne s'échoue pas dans le bras des criminels mais bien dans leur crâne. Léo ne lui en veut pas. Ça fait toujours moins d'imbéciles sur la Terre. Mais alors, Henri Playe semble être en vue. Léo éperonne son cheval, à la suite de sa sœur. « Je suis arrivée avant toi ! » « Arrête de te la raconter. », qu'il grogne en arrivant effectivement après elle, ce qui ne lui plaît guère. Le jeune homme dégaine son arme, alors que Henri jette des regards stupéfaits aux deux jeunes gens. « T'es en état d'arrestation, monsieur. » « C'est ma réplique ! », qu'il proteste alors que Henri Playe tente une échappée entre leurs destriers, laissant grand ouvert le trou qu'il était en train de creuser. « Hé ! » Léo descend le chien de son arme, met en joue Henri qui ne s'arrête pas de courir. « Tu devrais t'arrêter, Henri ! Henri ! Tu vas te faire mal ! » Et si ce n'est pas lui qui le fait, je vais m'en charger, pense Léo alors qu'il prend son temps pour viser et appuyer sur la détente.

La première balle ne fait pas mouche, il lance alors un regard noir à Lola. « Tu te tais. » Le second essai est un succès et Henri Playe s'effondre, probablement touché à la jambe. Il se traîne au sol, lorsque Léo met pied à terre pour aller se rapprocher de lui. « Tu saignes plus qu'un cochon qu'on égorge. Hé. Arrête de ramper, espèce d'imbécile, tu vas déchirer tes guenilles. » Léo écrase son talon sur la blessure de l'homme, qui se met à hurler. « Tu cherchais quoi, mon brave ? » « Va au diable ! » « T'entends Lola ? Je dois aller au diable ! » Son talon s'enfonce d'autant plus dans la blessure et l'homme s'égosille de plus belle. Le jeune homme retire son pied et se penche en avant, un genoux à terre. Sa main tire en arrière les cheveux sales de Henri Playe. « Qu'est-ce que tu cherchais, Henri ? Je ne vais pas le répéter. » De sa main sale, le pauvre homme désigne un morceau de papier, abandonné à côté du trou qu'il a commencé à creuser. « Oh. Tu cherchais de l'or, Henri ? Hein ? Oui. Brave garçon. Tu sais pourquoi on te cherche, hm ? Bien. Lola ! Tu m'attrapes les cordes ? On n'en a pas fini avec monsieur. » Si en plus de ramener Henri Playe, ils pouvaient ramener ce qu'il était venu chercher...

Bien sûr, qu'elle pourra achever le shérif et tous les autres. Il lui laisse souvent ce plaisir, Léo. Il sait qu'elle préfère. Il aime la voir s'entraîner, aussi. Et c'est risible, de voir la tête des types qu'ils exécutent, lorsqu'ils mettent dix minutes à le faire parce qu'ils se disputent sur la bonne manière de venir loger la balle dans le crâne ou dans le cœur. Ça leur prend toujours beaucoup de temps, mais ils achèvent toujours leur besogne.

Henri Playe se traîne, Henri Playe pense qu'il peut encore s'en sortir. Henri Playe va mourir, s'il continue à jouer les imbéciles. « Et puis j'aime bien ta chemise, donc si tu pouvais ne pas l'abîmer, ça m'arrangerait. » Il ricane à la bêtise de sa sœur, Léo. Une fois, ils ont réussi à récupérer des robes splendides, en arrêtant une caravane de femmes de sang royal. Elles ont remis aux brigands toutes leurs toilettes, de quoi se faire énormément d'argent. Léo arrête le brigand en appuyant un peu là où ça fait mal, et se fait menacer de l'habituel et très théâtral "va au diable" qu'il a déjà entendu des dizaines de fois. « Tu parles encore une fois à mon frère comme ça, je t'explose le crâne, c'est clair ? » Henri Playe ne fait plus trop le malin, devant Lola. Même son frère s'écrase, quand elle sort ses menaces des mauvais jours. Il est fier de la voir le défendre de la sorte, même si elle ne le dira jamais - jamais, jamais.

Le petit brun s'occupe de tenir Henri Playe au sol, alors que sa sœur file chercher de quoi l'attacher assez solidement pour qu'ils continuent leur entreprise. « Elle est pas commode, hein ? », qu'il ricane à l'oreille du bandit alors que la jeune femme s'éloigne. Non, pas commode du tout. Les deux orphelins attachent solidement le brigand. Lorsque les nœuds sont si serrés qu'ils lui coupent la circulation sanguine, Lola s'éloigne de nouveau... et râle. Son frère se redresse en époussetant ses habits couverts de poussière. Lorsqu'il comprend que Henri s'est trompé d'endroit, il laisse échapper un grand rire. « T'es vraiment con. Hé. » L'autre grogne, lorsque le petit brun lui donne un léger coup de pied, histoire de le secouer un peu. C'est alors que Lola décide que c'est à Léo, de se salir les mains. Lorsqu'il a la pelle entre les doigts, il la dévisage, l'air profondément outré. « J'ai chaud, j'ai soif, et j'ai envie de le tuer. Donc tu creuses. » « Je te déteste. » Il passe à côté d'elle, l'air bougon, et commence à creuser.

Lola, quant à elle, s'occupe de taper la discute avec leur prisonnier. « Mais peut-être que tu plairas à Léo. J'arrive jamais à prédire qui il va trouver joli ou pas. Eh, Léo ! Tu le trouves joli ? » Le jeune homme s'essuie le front, détaille leur prisonnier du regard, l'air très sérieux. « Pas assez de cheveux. Trop gringalet. » C'est lui, le roi des gringalet, qui parle. « Non vraiment, pas assez de cheveux. Il te plaît, à toi ? » Il la juge d'un regard franchement dégoûté et recommence à creuser, le sourire aux lèvres. C'est alors que sa pelle bute sur quelque chose qui n'est assurément pas un caillou. « Lola, laisse ton amoureux et viens voir ! » Lorsque le coffre est sorti de terre, Léo donne un coup de fusil dans le cadenas histoire de l'ouvrir. A l'intérieur, de l'or, tellement d'or que leurs yeux en brillent avidement. « Mon dieu. », qu'il chuchote en enlevant son chapeau. « Je comprends pourquoi tu voulais ce coffre, Playe. » L'autre bougonne, se tortille au sol. « On ramène tout ça, et on jette Playe dans une rivière sur le retour. Si on le file au shérif, il va balancer qu'on possède tout cet or. », qu'il chuchote à l'oreille de Lola. « Qu'est-ce que t'en dis ? Tu peux l'achever, si tu veux. Je rembourserai le sang qu'il laissera sur tes habits. » Un de plus, un de moins...

"Pas assez de cheveux. Trop gringalet. Non vraiment, pas assez de cheveux. Il te plaît, à toi ?" Lola jaugea du regard Henri, avec une moue pas convaincue. "Non, le nez est trop court. J'aime bien les vrais nez." C'est qu'ils étaient difficiles, les deux enfants. "Lola, laisse ton amoureux et viens voir !" Pas besoin de le dire deux fois : Lola bondit auprès de Léo. "Je suis tellement contente que tu sois venu me réveiller." Ils tirèrent le coffre et Léo l'ouvrit d'un coup de fusil. "Mon dieu. Je comprends pourquoi tu voulais ce coffre, Playe." Le coeur de Lola était encore en train de battre, tandis qu'elle commençait déjà à danser. Personne n'arriverait à la retenir. C'était une version très interprétée de ce qu'on appellerait aujourd'hui le twist. "On va enfin pouvoir s'acheter de nouveaux pistolets. Oh, et une nouvelle selle pour Blaze !"

Léo s'approchait déjà de l'oreille de Lola, et elle se força à se calmer et s'immobiliser pour l'écouter. "On ramène tout ça, et on jette Playe dans une rivière sur le retour. Si on le file au shérif, il va balancer qu'on possède tout cet or. Qu'est-ce que t'en dis ? Tu peux l'achever, si tu veux. Je rembourserai le sang qu'il laissera sur tes habits." De l'or et elle pouvait tuer Henri ? Mais qu'avait-elle fait pour mériter une aussi belle journée ? "Oh, oh, on peut le traîner par terre avec Blaze d'abord ?" qu'elle suppliait. On attachait juste la corde au cheval, et on amenait Playe facilement jusqu'à la rivière comme ça, et là-bas elle donnait le dernier coup de feu, et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. Mais Léo n'était pas de cet avis : ça allait faire trop de bruit, et le principal c'était de garder l'or. Oui, bon, on ne peut pas tout avoir.

"Okay, attends-moi là, je vais chercher le chariot." Lola galopa jusqu'à la maison et revint avec le dit chariot, où ils placèrent le coffre rempli et le brigand défait. Ils s'en allèrent tranquilement à la rivière, où elle eut effectivement droit de tirer la balle décisive, après un "Au plaisir de te revoir, Henri Playe". Elle aurait voulu danser encore, mais il fallait ramener leur fortune chez eux, la dissimuler dans des recoins astucieux, et la dépenser par petits achats peu à peu pour ne pas éveiller les soupçons. Une journée normale dans le Far West, chez Léo et Lola.

- the end.

@Léo Ivywreath