Lentement, Halsey passa son avant-bras devant ses yeux afin de bloquer les rayons du soleil qui venaient déjà agresser ses iris bleutés. Tout en marmonnant, elle se retourna sur le ventre et laissa tomber son bras gauche sur l'autre côté du lit, persuadée d'y trouver un corps allongé à côté d'elle - autant dire que c'était raté. A la place, sa main rencontra un papier et c'est en haussant un sourcil que la brunette se réveilla pour de bon, chassant les derniers vestiges de ses rêves pour reconnecter avec la réalité qui elle, n'avait rien d'onirique. « Hey. C’était cool hier. J’ai du partir au boulot, mais libre à toi de m’attendre ou pas. » Ou pas, oui. En dépit du fait qu’elle ne soit pas encore totalement réveillée, Halsey avait encore suffisamment de souvenirs de la veille pour savoir qu’elle n’avait rien à gagner en s’attardant plus que nécessaire dans le lit de son amant de la veille. Elle l’avait rencontré au cours d’une sortie dans un bar où elle avait – peut-être, un peu – abusé de l’alcool durant la soirée. Autant dire que ce type – dont elle n’avait d’ailleurs même pas retenu le prénom – était arrivé au bon moment pour égayer quelque peu ce moment où elle s’était sentie légèrement seule, dans cette ville où elle ne connaissait rien et où elle hésitait encore à poser ses valises pour de bon. En temps normal, elle serait gentiment rentrée à l’hôtel et aurait retrouvé le contact rassurant de Clyde – si tant est qu’il y soit resté pour la nuit lui aussi – mais l’alcool aidant, la brunette avait opté pour la solution la moins mature des deux, une façon de faire qui était loin d’être étonnante lorsqu’elle traversait des périodes de doutes comme celle-ci. Le fait que Raelyn n’ait pas encore donné signe de vie avait tendance à l’agacer, ne pouvant s’empêcher de se remettre en question sur à peu près tous les aspects de sa personne. Au-delà de son manque de persuasion – qui était à lui seul l’unique possibilité pour expliquer le manque de retour de la blonde – elle commençait doucement à se demander si ça n’avait pas attrait à elle, à sa personne. Eh oui, la brunette était blessée dans son égo et ça, elle n’en avait pas l’habitude. Incapable de gérer ses émotions lorsque celles-ci la prenaient de cours comme ça, la jeune femme avait préféré se perdre dans ses pensées et noyer celles-ci dans l’alcool, au risque de commettre un impair du genre… ça. Se réveiller dans un endroit qu’elle ne connaissait pas, chez un inconnu dont elle ignorait tout – et même si prénom, c’était dire, même si elle pensait se rappeler d’une consonance hispanique – et qui en plus, pensait réellement qu’elle allait faire la plante toute la journée à attendre sagement qu’il revienne du travail. Seigneur. Halsey se redressa, grimaçant légèrement en sentant l’éternel mal de tête lui marteler les tempes, et observa attentivement ce qui l’entourait. Clairement, ce type ignorait à qui il avait affaire pour la laisser sans surveillance dans son appartement. La brune se fendit d’un sourire à cette perspective et en oublia presque la gueule de bois qui pointait le bout de son nez, s’extirpant du lit en s’étirant sans lâcher les détails de la pièce du regard. Il était évident que ce garçon avait eu une mère trop présente pour lui car sa chambre avait tout de la garçonnière mal entretenue. Ses vêtements trainaient dans chaque coin de la pièce et la jeune femme n’eût pas besoin de faire appel à un quelconque sixième sens pour déduire que la pile de vaisselle du bureau n’allait pas être embarquée par une femme de ménage d’ici la fin de la journée. D’habitude, elle côtoyait des hommes fortunés et là… Et bien elle regrettait d’avoir trop forcé sur le gin. « Bon, c’est pas tout ça mais je compte bien me tirer d’ici avant qu’on ne se recroise toi et moi. » Son regard fut attiré par une photo dont elle s’empara, observant le cliché qui mettait en scène sa conquête d’hier soir ainsi de deux jeunes femmes tout aussi typées que lui, au sourire éclatant. « Belle famille. Ou beau harem. » Commenta-t-elle en reposant le cadre avant de s’étirer de tout son long et de décider qu’elle ne trouverait rien d’intéressant ici. Elle enfila un de ses t-shirts pour aller déjeuner à ses frais – peu désireuse de rempiler avec sa robe de soirée avant de devoir affronter le walk of shame jusqu’à l’hôtel – et ouvrit la porte pour se diriger droit vers la cuisine, espérant trouver de quoi apaiser la tempête qui grondait dans son estomac. Halsey ouvrit le frigo et fut surprise de le découvrir rempli d’aliments sains et mangeables, ce qui dénotait fortement de ce qu’elle avait pu apercevoir dans la chambre de son amant d’un soir. Un bruit la fit sursauter et la sortit de sa contemplation, levant un sourcil en direction de… la fille de la photo. L’une d’elle, en tout cas. « Salut. Vous avez de l’aspirine ? » Il en fallait bien plus à Halsey pour se laisser démonter pour si peu, mais à voir la tête de son interlocutrice, ça ne semblait pas être son cas à elle.
Découcher, c’était un drôle de mot, surtout pour quelqu’un de sage comme Liliana. Il était bien plus familier à son frère et sa soeur, qui n’avaient même pas attendu leur majorité pour le faire. Elle se souvenait parfaitement de cette première fois, où ils pensaient rentrer à la maison comme si de rien était, mais leur mère les attendait de pied ferme et les incendia comme jamais. La jeune femme riait bêtement dans son lit en y repensant, enfin non dans le lit gracieusement prêté par son amie Geisa. La soirée avec celle-ci avait terminé bien plus tard que prévu et elle n’avait pas trouvé la foi de rentrer chez elle. Étant quelqu’un de responsable, elle avait prévenu toute sa fratrie par sms qu’elle ne rentrerait pas, mais malgré l’exceptionnalité de cet acte, personne ne lui répondra. Si son frère ne s’était pas permis de lui demander si elle était chez un homme, c’était qu’il devait être très occupé à draguer de la minette tandis que sa soeur devait… faire de même de son côté. Bon dieu qu’elle pouvait avoir l’air prude à côté d’eux, mais d’un autre côté elle était loin d’être aussi abordée qu’eux, étant le vilain petit canard de la famille. Elle fronça ses sourcils, cela faisait longtemps qu’elle ne s’était pas rabaissée ainsi, elle devait chasser ces pensées négatives. Un bon café allait certainement l’aider, au moins il allait permettre de la réveiller suffisamment pour sortir de là, sans craindre de se faire renverser dans la rue par manque d’attention. Sa logeuse d’une nuit lui proposa de manger le petit-déjeuner avec elle, mais elle refusa, ayant pressenti que quelque chose s’était passé en son absence, elle était pressée de rentrer chez elle. Elle avait l’impression d’avoir été impolie et elle détestait ça, mais ses pressentiments étant souvent bons, elle se devait de partir le plus rapidement possible. Liliana finit par se rappeler qu’elle était à l’opposé de chez elle, elle décida donc de s’accorder un petit luxe en appelant un taxi. Heureusement que les chauffeurs avaient l’air bien plus sûrs ici, dans son pays ils étaient flippants à la fois parce que les voitures étaient des poubelles roulantes, mais aussi à cause de leurs comportements, qui pouvait aussi bien relever du paternalisme que du violeur potentiel. Elle attendit environ dix minutes avant qu’une personne ne vienne la chercher. Le temps passa relativement vite, elle se rendit compte qu’elle était arrivée lorsque le chauffeur lui donna le tarif de sa course. La jeune femme avait été à la limite de bondir, le prix qu’elle avait vu son portable s’était complètement évaporé de sa tête. Elle fouilla son portefeuille et donna tous ses billets, elle poussa un léger soupir à l’idée de déjà devoir retourner à un distributeur. Liliana leva la tête afin de regarder le premier étage, le volet de sa chambre était fermé, sa soeur aérant toujours toutes les pièces elle en déduit qu’elle n’avait pas dormi ici. Cela signifiait donc qu’Isaiah avait pu profiter d’une grande liberté, pourvu qu’il n’avait pas mis trop de bazzart dans le salon, le connaissant il aurait très bien pu être capable d’inviter une horde de mecs pour boire de la bière devant du foot. Elle monta les escaliers avec une mauvaise humeur visible sur son visage, définitivement persuadée qu’il s’était produit quelque chose dans son appartement. Liliana ouvrit sa porte et la ferma de manière plutôt bruyante, son premier réflexe fut de se diriger vers la chambre de son frère. La jeune femme fit une analysation de la pièce tel un robot, le désordre qui y régnait étant toujours le même, elle était capable d’y repérer un intrus. Bingo, son regard tomba sur une robe de soirée, qui n’avait rien à voir avec le style de sa cadette qui passait ses nuits dans cette chambre ces derniers temps. Il n’en manquait pas une, il suffisait qu’elle ne s’absente qu’une seule fois pour qu’il brave l’un de ses interdits. Liliana cru entendre du bruit émanant de la cuisine. Avait-il manqué le travail en plus d’avoir couché avec une fille chez eux ? Elle n’allait pas tarder à le savoir. La mexicaine vit une silhouette féminine devant son frigo, grand ouvert. La demoiselle n’avait visiblement pas entendu le claquement de porte, vu qu’elle fut surprise par sa présence. Elle n’avait pas l’air gênée le moins du monde alors qu’elle se servait sans vergogne dans sa cuisine. L’étrangère ouvrit la conversation en lui demandant si elle avait de l’aspirine. Définitivement culottée cette petite. « Non je n'en ai pas. » Elle ne savait même pas ce qu’elle avait dans sa pharmacie, mais n’avait pas envie de le vérifier pour elle et encore moins de lui donner quoique ce soit. « Luka est-il parti au travail ? » Demanda-t-elle, au cas où il s’était absenté temporairement pour aller faire des courses alimentaires ou acheter des préservatifs. Heureusement qu’elle avait utilisé son faux prénom, elle était tellement habituée à utiliser leurs vrais prénoms lorsqu’elle se trouvait dans leur appartement, c’était le seul endroit où ils pouvaient les utiliser sans crainte. L’espace d’un instant elle se demanda si elle avait bien caché leurs vrais papiers et puis elle se souvint qu’elle les avait mis dans une boîte fermé à clés, avec tout ce qui pouvait éveiller les soupçons. Précaution vitale qu’elle avait bien fait de prendre au vu de l’inconscience de son frère. « En tous cas il manque de manières, d’être parti sans t’avoir servi un petit-déjeuner. » Elle essayait de se calmer en se disant que ce n’était pas entièrement de sa faute, après tout c’était lui qui l’avait fait entrer et qu’il l’avait laissé traîné là, il était plus responsable qu’elle. Si ça se trouve il était parti avant qu’elle ne soit réveillée. « Un peu trop bu j’imagine ? Boire de l’eau fera l’affaire dans un premier temps. » Liliana consommait rarement de l’alcool au point d’en avoir la gueule de bois, mais elle savait que s’hydrater aidait grandement.
Halsey était restée pantoise devant le frigo grand ouvert, pas vraiment prête à assumer un quelconque échange social avec qui que ce soit de si bon matin, surtout avec la migraine qui avait décidé d’élire domicile dans son crâne. Ce fut cette dernière qui la poussa toutefois à ouvrir le dialogue, demandant à la jeune femme qui venait de faire son entrée dans l’appartement – et qui semblait être chez elle – si elle n’avait pas de l’aspirine. Parce que, si elle vivait ici, alors elle savait forcément où se planquaient les médocs. « Non je n'en ai pas. » Bon. Ca n’arrangeait pas ses affaires, mais tant pis. La brune l’observait de haut en bas, essayant probablement de contenir son air emprunt de jugement même si celui-ci n’échappa pas à Halsey – non pas qu’elle en ait quelque chose à faire au demeurant. La bonne nouvelle, c’était que son manque de réaction indiquait clairement qu’elle était de la famille de son amant d’un soir. Ou alors, elle avait l’habitude de ses frasques, mais ça, ça aurait vraiment été triste. Dans un cas comme dans l’autre, elle ne risquait pas de se faire jeter de l’appartement dans les cris et les pleurs, parce que ça, ça aurait vraiment foutu son début de journée en l’air. « Vous êtes pas sa copine au moins ? » Non pas qu’elle en ait quelque chose à faire, mais l’idée d’avoir brisé un couple sans le vouloir était assez amusante, pour une fois qu’elle ne cherchait pas les emmerdes. « Luka est-il parti au travail ? » Luka ! Le voilà ce maudit prénom qu’elle avait vainement tenté de se rappeler à son réveil. « Apparemment. Il a laissé un mot. » Elle haussa les épaules, hésitant toutefois à poursuivre son shopping dans le frigo à présent qu’une autre personne vivant ici avait fait son apparition. Elle décida de continuer cependant, parce qu’il lui devait bien ça après son départ furtif et son mot stupide où il osait lui demander de l’attendre toute la journée comme un petit chien – dans l’espoir de remettre ça, sans doute. « Désolée hein, il m’a dit de faire comme chez moi. » Elle n’était pas désolée et il n’avait pas vraiment dit ça, mais ça se voyait que cette fille était trop gentille pour lui faire la moindre remarque. Autant en profiter, le temps que ça durerait. « En tous cas il manque de manières, d’être parti sans t’avoir servi un petit-déjeuner. » Eh bien voilà, elles étaient au moins d’accord sur un point. Halsey hocha la tête, prenant un air déconfit tout en se dirigeant vers la table de la cuisine, armée de jus d’orange frais et de lait tout en laissant son regard se perdre vers les armoires. « Je suis assez d’accord. Vous avez des céréales ? » Elle pencha la tête sur le côté, une moue dépitée sur le visage alors qu’elle entrait dans son jeu en prétendant être vexée par le comportement de celui qui semblait être son frère – elle pouvait voir la ressemblance. En fait, elle avait surtout faim et était un brin déçue d’avoir été dérangée avant d’avoir pu faire le tour de l’appartement à sa guise. « Un peu trop bu j’imagine ? Boire de l’eau fera l’affaire dans un premier temps. » Halsey se fendit d’un sourire, parce que si elle avait déjà eu affaire à de vraies gueules de bois, elle n’aurait même pas osé suggérer que de l’eau ferait l’affaire dans un premier temps. Mais elle décida de ne pas rebondir, se laissant tomber sur une chaise en observant son interlocutrice. « En effet, il a vraiment une mauvaise influence sur moi. » Argua-t-elle, se rappelant sans peine que c’était elle qui l’avait poussé à leur prendre une bouteille et à se l’enfiler, même s’il lui avait juré qu’il détestait le gin ; elle avait su se montrer convaincante, comme toujours. « Il m’a demandé de rester, mais promis je rentre chez moi dès que j’arriverai à mettre un pied devant l’autre sans risquer de m’écrouler. » C’était un demi-mensonge, la tête lui tournait encore et elle était prête à parier qu’elle n’avait pas encore totalement dessaoulé.
Avoir une inconnue chez soi était quelque chose de vachement intrusif. C’était dans des moments comme celui-ci qu’elle se rendit compte qu’elle avait gagné un véritable self control, si cela c’était passé il y a une dizaine d’années elle aurait très certainement pété un câble. Une fois rentrée du pays dans lequel elle avait été fille au pair, elle pensait que vivre avec son frère et sa soeur était une époque révolue, mais le destin semblait n’en avoir rien à faire de ses plans. Elle avait fini par se résigner sans doute, d’où cette absence de manifestation de colère. Lorsque l’intruse lui demanda si elle était la copine d’Isaiah, elle ne pu s'empêcher de s'esclaffer . Elle avait vraiment la tête de l’emploi ? Pourtant cela se voyait qu’elle était plus âgée que lui et que son physique n’était pas assez gracieux pour intéresser un bellâtre pareil. Au bout de quelques secondes, elle reprit un air très sérieux et lui répondu : « Si ça avait été le cas tu aurais déjà été empalée par mes soins. » Une personne qui connaissait bien la mexicaine savait qu’elle serait incapable de faire du mal à une mouche, mais une inconnue pourrait très bien la prendre pour une psychopathe avec de telles paroles. Elle avait totalement omit de lui dire qu’elle était sa grande soeur, mais elle se doutait que cette information ne l’intéressait pas le moins du monde. Son interlocutrice lui dit qu’il lui avait juste laissé un mot avant de partir, mais bon dieu à quoi pouvait-il penser ? Oh non c’était une question bête, il ne pensait pas ou du moins pas avec son cerveau. Liliana avait du mal à comprendre comment une demoiselle pouvait venir ici et avoir encore envie de faire quoique ce soit avec lui, malgré l’état de sa chambre, à moins qu’ils n’aient fait leur petite affaire dans le salon ou dans la salle de bain. Cette pensée la fit instantanément grimacé. Elle ne le saurait probablement jamais et c’était peut-être mieux ainsi. L’inconnue lui présenta ses excuses, elle sentit qu’elle les faisait plus par obligation qu’autre chose, mais elle ne lui en tiendra pas rigueur. Lorsqu’elle lui demanda si elle avait des céréales, elle se mit à réfléchir à où son frère aurait pu les ranger, seul lui avait perdu l’habitude de prendre un petit-déjeuner salé. Elle ouvrit une étagère, tâtonna un peu et trouva la boîte, qu’elle déposa sur la table. « Voilà. »Maintenant qu’elle s’était occupée de cette invitée non désirée, elle devait s’occuper d’elle-même, son ventre venait de lancer un appel au secours. En tant que mexicaine, elle était habituée à manger de manière consistante dès le levé et cette matinée commençait à se faire vraiment longue. Liliana se prépara des oeufs au plat, accompagnés d’haricots et de jambon. Elle restait tout de même attentive à ce que pouvait bien lui dire l’australienne. Alors comme ça il l’aurait poussé à boire ? Cela ne lui ressemblait pas, il était bien trop confiant en son sex appeal pour user de ruses pour parvenir à ses fins. Liliana avait froncé des sourcils en étant de dos. L’inconnue ajouta qu’il lui avait demandé de rester, mais qu’elle partirait dès que possible. La mexicaine s’installa en face d’elle et saisit le jus d’orange. « Il doit te croire amourachée pour croire que tu vas attendre qu’il rentre du travail. » Elle avait utilisé un mot bien romantique, pour ce qui avait tout l’air d’un simple coup d’un soir, mais elle n’aimait pas utiliser des mots vulgaires. « À moins que tu ne sois juste une gentille fille qui a voulu préserver son égo. » Elle le savait fragile, cet égo. Liliana commença à manger tout en se demandant où il avait pu la rencontrer. Il restait assez évasif sur les endroits où il pouvait se rendre et cela ne lui plaisait pas trop. Néanmoins, elle se garda de lui poser la question car remplir son estomac était devenu son principal objectif.
Halsey se rendait bien compte que cette fille était plus que déstabilisée par sa présence, et une personne normale aurait probablement pris ses affaires en se répandant en excuses avant de prendre la sortie dans une dernière parole destinée à apaiser son interlocutrice, sauf que la brune n’était pas faite de ce bois-là, c’était même tout l’inverse. La situation l’amusait beaucoup, et elle essayait de comprendre dans quelle mesure ces deux-là étaient liés, même si la réponse sautait presque aux yeux. Malgré le fait qu’elle ne semble pas très à l’aise avec le fait qu’une inconnue à moitié nue se promène dans son appartement, elle ne lui avait pas demandé de partir en hurlant, signe qu’elle n’était pas sa compagne, même si Halsey décida de lui poser la question – mine de rien – histoire de s’en assurer. « Si ça avait été le cas tu aurais déjà été empalée par mes soins. » Hé bien. La jeune femme se fendit d’un sourire et fit mine d’être rassurée, même si cette information ne lui faisait ni chaud ni froid ; si elle avait été sa copine, elle lui aurait fait savoir qu’il n’en avait rien à faire d’elle, et la question aurait été réglée. « Heureusement alors. Vous êtes frère et sœur, c’est ça ? J’ai vu ta photo dans sa chambre. » Une photo de groupe pour être plus précise, mais peu importait. Puisqu’elle était ici, condamnée à avaler de quoi la revigorer avant de mettre le moindre orteil dehors, autant lui faire la conversation. Du moment qu’elle était partie avant que Mr. L’étalon ne décide de rentrer du boulot, c’était bon pour elle. La brune embarqua ce qui l’intéressait dans le frigo et le referma, sans lâcher son interlocutrice des yeux. Elle semblait s’en faire que son frère n’ait osé partir sans prendre la peine de lui laisser de quoi se nourrir, ce qui prouvait qu’elle devait être une grande romantique et ne pas vraiment avoir les pieds sur terre ; un coup d’un soir, ça s’embarrassait pas des menus détails. Se laissant tomber sur une des chaises, elle lui demanda si elle avait des céréales dans un de ces placards, bien décidée à prendre un petit-déjeuner digne de ce nom pour la peine. On était loin d’un brunch, mais peu importait, il fallait qu’elle calme la tempête qui faisait rage dans son estomac. Son interlocutrice se dirigea vers une armoire, sembla hésiter un instant avant de mettre la main sur la boîte tant convoitée avant de la déposer sur la table où Halsey s’était attablée, prête à attaquer. « Voilà. » « Merci. » Répliqua-t-elle avec une reconnaissance dans la voix qui n’était pas feinte ; elle avait vraiment faim. De plus, la jeune femme se montrait étonnamment hospitalière pour quelqu’un qui ne s’attendait pas à tomber sur une des conquêtes de son frère ce matin. Halsey se versa une partie des céréales dans un bol, fit de même avec le lait et commença à piocher dans son repas matinal avec un plaisir non-dissimulé. Pendant ce temps, la brune commença à se faire à manger elle aussi, optant pour une version salée en se faisant des œufs. Damn, elle lui aurait bien demandé de faire pareil si elle s’était attendue à ce qu’elle se mette aux fourneaux de si bon matin. Hésitant une seconde, elle décida cependant de ne pas pousser sa chance et se contenta de ses pauvres céréales tout en fronçant le nez en sentant les odeurs émanant de la poêle de la brune à qui elle racontait brièvement ce qu’il s’était passé la veille. « Il doit te croire amourachée pour croire que tu vas attendre qu’il rentre du travail. » La brunette manqua de s’étouffer dans son lait en entendant une énormité pareille, et prétendit légèrement tousser pour se reprendre et se donner une contenance. « À moins que tu ne sois juste une gentille fille qui a voulu préserver son égo. » Oh ça oui, Halsey avait tout d’une gentille fille, c’était bien connu. Elle se fendit d’un sourire et secoua la tête, avant de replonger sa cuillère dans son bol de céréales. « On n’a pas beaucoup eu l’occasion de parler, mais il est évident que je ne serai plus dans les parages quand il reviendra. » Elle n’allait pas mentir et prétendre qu’elles seraient futures belles-sœurs en plus de ça. Déjà qu’elle investissait sa cuisine, elle n’allait pas pousser le vice – même si elle adorait ça.
Est-ce qu’elle était la soeur d’Isaiah ? Cette question lui avait été finalement posée, la faisant quelque peu sourcillé. Alors oui elle ne partageait pas beaucoup de traits avec lui et sa sœur, mais il y avait tout de même un air de ressemblance et un teint assez similaire. Liliana était donc un peu vexée de cette interrogation comme s’il n’était pas évident qu’elle faisait partie d’une aussi belle fratrie. Cela la ramenait à l’époque de sa scolarisation, durant laquelle on se moquait d’elle et où on lui disait qu’elle mentait, parce que dire qu’on était la sœur d’Adelina et Isaiah donnait l’air d’être cool. « Oui ce grand dadais est bien mon frère. » On pourrait croire qu’elle était déçue de ce lien du sang avec lui, mais elle le traitait de cette façon de manière affectueuse, ils avaient l’habitude de se charrier. Après tout il méritait bien cette appellation avec ce qu’il venait de faire non ? Seul un idiot pouvait laisser traîner une parfaite inconnue chez eux, alors qu’ils étaient des clandestins. Liliana aurait pu se montrer un peu plus compréhensible s’il s’agissait d’une petite amie officielle, mais elle savait qu’il n’était pas prêt d’en avoir une, il manquait trop de sérieux pour cela. Elle aurait pourtant adoré avoir une belle-soeur et encore plus devenir tante, mais vu que sa soeur n’était pas plus que lui dans le désir de fonder une famille elle pouvait attendre encore bien longtemps. La mexicaine ne savait même pas comment elle pouvait penser à ça, il faudrait déjà qu’ils aient de véritables papiers à leurs noms pour pouvoir s’établir véritablement à Brisbane. Cependant, si son frangin continuait sur ce chemin, ils n’allaient pas tarder à avoir un aller simple pour Tijuana. L’odeur du petit-déjeuner qu’elle se préparait lui permit de penser un peu à autre chose. Elle cru l’entendre tousser, soit elle avait mal avalé son lait soit ses paroles l’avaient dérangé. C’était plutôt drôle d’échanger les rôles en devenant la perturbatrice. Liliana s’installa à table et commença à manger. Son interlocutrice lui dit honnêtement qu’elle allait se faire la malle avant le retour de son frère. C’était plutôt rassurant car il y avait quelque chose de dérangeant chez elle, certainement son côté de profiteuse, qui en faisait un mauvais plan d’avenir pour son frangin. Elle avait beau lui avoir servi des céréales, elle ne l’appréciait pas pour autant, c’était juste son naturel avenant qui avait pris le dessus. La mexicaine n’avait pourtant aucune obligation de l’être, après tout elle n’était pas en train de travailler dans son restaurant. « Tu dois avoir d’autres chats à fouetter, j’imagine. » Liliana pouvait facilement deviner que ce n’était pas le premier coup d’un soir de l’australienne, elle adhérait peut-être même à cet étrange concept de ‘ sexfriends ’, mais elle espérait qu’elle n’allait pas rentrer dans ce type de relation avec son frère. Maintenant que son ventre commençait à être repu, la mexicaine se décida à poser question lui trottait dans la tête. « Vous vous êtes rencontrés dans une boîte de nuit ? » Si elle lui donnait le nom celle dans laquelle bossait sa soeur, elle ne savait pas ce qu’elle allait pouvoir leur faire à tous les deux, parce que cela ferait définitivement office de preuve de leur complicité. Elle ne pouvait pas accepter cette insouciance de la part de sa cadette, non seulement parce qu’elle était plus âgée que lui, mais surtout parce qu’elle avait déjà bien assez merdé. Parfois Liliana avait juste envie de tout plaquer, de les laisser se débrouiller tout seuls, fort heureusement pour eux elle était tout sauf égoïste. La jeune femme était le cerveau de la famille, qu’elle le veuille ou non leur survie reposait sur ses épaules.
Halsey lui avait posé la question alors même qu’elle se doutait de la réponse, mais tout de même, l’idée d’avoir pu briser un couple de cette façon la faisait doucement sourire. Après tout, c’était à peine si elle s’était souvenue de son nom. L’alcool faisait des ravages, et pas toujours positivement parlant. « Oui ce grand dadais est bien mon frère. » Donc elle ne s’était pas trompée, même si elle avait prétendu réellement croire qu’elle pouvait être sa petite amie. La photo dans sa chambre ne laissait pas beaucoup de place au doute, et vu la tendance qu’il avait à courir après les filles, il y avait également peu de chance qu’il s’amuse à garder une photo de sa copine – ça aurait été trop sentimental pour lui. « Et vous vivez ensemble alors ? Intéressant. » Pas du tout, en fait, mais puisqu’elle était là, autant faire la conversation. Ce grand dadais. Le surnom était lui aussi intéressant, même si la brune se doutait qu’il n’aurait pas forcément apprécié s’il avait été dans la pièce avec elles. Même si, elle ne se serait jamais retrouvée dans la même pièce avec eux… si lui était resté, alors elle serait partie. Les lendemains matins étaient bien trop malaisants pour qu’elle décide de faire la conversation alors qu’elle avait encore de l’alcool dans le sang, en plus. Son interlocutrice décida de lui offrir à manger – un bol de céréales dégotées dans une armoire – avant de se mettre à cuisiner pour elle-même, sous les yeux de la jeune femme qui observait ses gestes avec une envie non dissimulée. Ca sentait si bon. Halsey n’était pas des plus douées pour se faire à manger, et puis dans l’ensemble elle s’était habituée au room service de l’hôtel ainsi qu’aux restaurants qui se multipliaient pratiquement chaque soir de la semaine. Les deux brunettes mangeaient à la même table, et Halsey sentait que la sœur d’Isaah ne la portait déjà pas dans son cœur, comme l’indiquait le regard noir qu’elle posait sur elle dès qu’elle relevait la tête de son assiette. Elle était loin de s’en formaliser, mais elle se demandait si elle était comme ça avec toutes les copines de son frère ou si ce traitement de faveur était juste destiné à sa petite personne. « Tu dois avoir d’autres chats à fouetter, j’imagine. » Oh, elle sentait le jugement se porter jusqu’ici. D’autres chats à fouetter, c’était amusant comme expression. « J’ai l’impression que tu n’as pas l’habitude d’avoir des filles ici. Je me trompe ? » Comment ça elle adorait mettre les pieds dans le plat ? Mais pas du tout. « Mais oui, j’ai autre chose à faire que de passer ma journée à attendre ton frère, même s’il est très charmant. » Dans ses souvenirs brumeux, en tout cas, il l’était. « Vous vous êtes rencontrés dans une boîte de nuit ? » Suivait-elle les moindres faits et gestes du garçon, à présent ? Halsey leva un sourcil dans sa direction, cherchant à comprendre d’où sortait cette question posée presque comme si elle lui brûlait les lèvres. « En effet. Pourquoi, il était interdit de sortie ? » Demanda-t-elle soudainement, comme si elle avait aidé un adolescent à couper à la punition de ses parents. En tout cas, c’était ce que l’air sévère de la jeune femme lui inspirait tandis qu’elle passait en monde inquisitrice.
Lorsque son interlocutrice dit que le fait qu'ils vivent ensemble soit intéressant, elle avait envie de répondre que c'était plutôt casse-pieds, mais elle se retint de le faire. Cependant ce n'était pas parce que la jeune femme n'avait pas particulièrement envie d'avoir une bonne image auprès d'elle, après tout elle ne sera certainement jamais amenée à la revoir. La réponse à sa question étant trop évidente, elle se contenta de hausser ses épaules. Liliana n'aimait pas trop parler de ce genre de sujet, il lui rappelait qu'elle était une vieille fille en quelque sorte, alors que dans la favela d'où elle vient presque toutes les femmes sont casées à presque vingt-cinq ans. Alors se retrouver à vivre sous le même toit que son frère et que sa sœur était loin d'être reluisant, c'était plutôt une grosse régression, mais malheureusement nécessaire. Elle avait l'impression que la demoiselle était plutôt séduite par ce qu'elle cuisinait, c'était pourtant simple à réaliser, elle en conclu qu'elle n'était pas pas du genre à cuisiner, même pas pour elle. La mexicaine ne la jugerait pas là-dessus, elle n'était pas du genre à penser que toute femme devait savoir faire à manger et le ménage, loin de là. Néanmoins, s'il y avait bien un point sur lequel elle était rétrograde, c'était bien celui de la sexualité, pour elle il ne fallait pas coucher sans avoir de sentiments et elle était bien la seule à ne pas le faire, parmi les habitants de cet appartement. Elle ne pu s'empêcher de faire une petite remarque à ce sujet, mais le brune ne semblait pas en être offusquée. « Non il n'y a jamais des filles ici et je ne veux pas prendre l'habitude d'en voir. C'est une forme de respect pour nous, ses sœurs, de notre côté nous ne ramenons pas d'hommes alors c'est la moindre des choses qu'il fasse pareil de son côté. » En même temps il n'était vraiment pas compliqué pour elle de respecter cette règle, c'était plutôt sa cadette qui pouvait avoir du mal avec, mais jusqu'à présent elle semblait bien la suivre, contrairement à leur frère. Elle apprit qu'il était très charmant, heureusement parce que s'il se permettait de se comporter comme un goujat, elle ne manquerait pas de lui tirer les oreilles. Le lieu dans lequel il l'avait rencontré lui par contre n'avait rien d'agréable, elle ne savait pas comment les gens pouvaient supporter de ce retrouver entassés dans un endroit aussi assourdissant qu'une boîte de nuit. « Non il n'est pas interdit de sortie. » Enfin si, mais pour être exacte il avait plutôt l'interdiction de se faire remarquer, ce qui revenait un peu au même. « J'aimerais juste qu'il grandisse un peu, ce n'est plus de son âge. Il ferait mieux de se cultiver un peu, après tout il y a de quoi faire ici. » Bien plus qu'au Mexique, il fallait qu'elle l'admette, ils n'avaient pas besoin d'aller bien loin pour trouver de bons bouquins ou des expositions. « Mais bon les hommes mettent toujours plus de temps à évoluer que les femmes, alors je lui en demande trop apparemment. » Il fallait que cette exaspération sorte de sa bouche. Elle l'avait peut-être aussi traiter d'immature au passage, elle ne pouvait pas lui donner d'âge avec précision, mais elle pensait avoir le droit de donner son opinion sur lui, tant pis si cela la froissait aussi au passage.
Si Halsey mentionna cette colocation familiale comme étant quelque chose de positif – elle avait dit ça par politesse – son interlocutrice ne sembla pas exactement du même avis, comme l’indiquait la moue qui s’empara d’elle à l’évocation de cette vie menée aux côtés de son frère et de sa sœur. De son côté, la brunette avait toujours vécu comme un enfant unique et à ce sens, elle ignorait si partager sa vie avec d’autres qu’elle était quelque chose qu’elle aurait pu apprécier. Sans doute que non, elle était bien trop égoïste et égocentrique, ça aurait probablement fait des étincelles à longueur de journée. Et puis au moins, sa mère n’aura foiré l’éducation que l’un de ses enfants, épargnant ainsi la même débâcle à ceux dont elle avait avorté – seule action un tant soi peu mature de sa part. Dégustant son bol de céréales sans lâcher des yeux ce que préparait la jeune femme, Halsey essayait de comprendre à qui elle avait affaire ; quelqu’un qui n’avait aucun problème à juger, ça c’était déjà un fait certain. Déjà, son regard ne trompait pas. Ensuite, le ton employé à l’égard de son frère et de ses habitudes de séducteur en disait long sur ce qu’elle en pensait – pas du bien, donc. « Non il n'y a jamais des filles ici et je ne veux pas prendre l'habitude d'en voir. C'est une forme de respect pour nous, ses sœurs, de notre côté nous ne ramenons pas d'hommes alors c'est la moindre des choses qu'il fasse pareil de son côté. » Eh bien une chose était sûre, son idée sur la question était plutôt arrêtée. Une forme de respect, de ne pas amener ses conquêtes chez soi ? C’était une vision des choses un brin archaïque, et Halsey laissa un petit sourire moqueur étirer ses lèvres tandis qu’elle toisait Liliana, se demandant si elle ne ramenait pas d’hommes par choix ou parce que de toute façon, elle n’en trouvait pas. La question méritait d’être posée, mais la brunette s’abstint de rentrer dans une discussion conflictuelle avant de terminer son petit-déjeuner, c’était un peu une règle chez elle. « Si ça peut te rassurer, je ne prévois pas de repasser par ici de sitôt. Mais bon, je ne vois pas où est le mal cela dit. » La jeune femme avait tendance à donner son avis même quand on ne le lui demandait pas, c’était gratuit. « Non il n'est pas interdit de sortie. J'aimerais juste qu'il grandisse un peu, ce n'est plus de son âge. Il ferait mieux de se cultiver un peu, après tout il y a de quoi faire ici. » Ici ? En opposition à où ? « Vous venez d’où exactement ? » Entre l’accent et les habitudes de vie de l’ancienne époque, il y avait fort à parier qu’ils n’étaient pas en Australie depuis bien longtemps. « Il a quel âge d’ailleurs ? Il est majeur, rassure-moi ? » C’était une blague supposée dérider un peu son interlocutrice, mais celle-ci resta de marbre, apparemment plongée dans une profonde réflexion concernant son frère. « Mais bon les hommes mettent toujours plus de temps à évoluer que les femmes, alors je lui en demande trop apparemment. » C’était vrai, mais il fallait qu’elle lui lâche la grappe à ce garçon… Il n’y avait pas d’âge pour sortir et s’amuser, tout comme pour multiplier les conquêtes s’il en avait envie. Seigneur, il devait vraiment être fatigué de l’avoir constamment sur le dos. Elle le serait à sa place. « Si vous venez d’emménager, il a peut-être juste envie de son indépendance et de s’amuser un peu, il a tout le temps du monde pour… grandir. » Selon ses propres termes.
Entendre l’australienne dire qu’elle n’était pas prête de revenir de sitôt, Liliana avait envie de dire ouf, mais elle se contentera de le dire dans sa tête. Ce n’était pas vraiment gentil pour son petit-frère, de souhaiter que cette fille ne souhaite pas le revoir, mais elle n’avait aucun doute sur sa capacité à en trouver d’autres, si l’adage « un de perdu dix de retrouvés » s’appliquait bien à quelqu’un c’était bien à lui. Pour une fois elle en était contente, puisqu’elle était certaine qu’il pourrait trouver mieux, même dans ce pays de dévergondées. « Chacun sa vision des choses. » Tout le monde n’avait pas la même définition du bien et du mal, qu’elle ne partage pas la sienne elle s’en fichait un peu beaucoup, après tout elle n’allait pas faire partie de sa famille. Lorsqu’elle donna son opinion sur Isaiah, elle ne pensait pas qu’elle allait attirer à ce point sa curiosité sur leur provenance. Heureusement pour elle, la jeune femme avait bien étudié le sujet, puisqu’elle avait sélectionné une commune espagnole, un peu perdue afin que l’on comprenne leur supposée difficulté à trouver du travail chez eux. « Nous venons d’un village espagnol, Martorelles. » C’était le genre d’endroit où son interlocutrice n’avait jamais dû mettre ses pieds, il n’y avait rien de bien touristique là-bas, ce qui lui apportait une certaine tranquillité puisqu’on ne pourrait pas vérifier ses connaissances dessus. La tentative de blague de celle-ci ne lui arrachera pas le moindre sourire, la majorité n’était pas un sujet sur lequel elle pouvait rire, en plus elle était en pleine analyse de son frangin. Il avait tout son temps pour grandir, qu’elle lui disait… seulement il n’était plus un adolescent, il avait dépassé les vingt-deux ans, un âge durant lequel on est généralement déjà dans la vie active au Mexique. Elle était dure avec lui mais c’était pour son bien, chose que l’intruse de son appartement n’avait pas l’air de comprendre. La serveuse n’allait donc pas s’embêter à essayer de lui faire changer d’avis, ce n’était pas ça qui allait lui apporter quoique ce soit alors elle lui répondu : « Peut-être bien. » Les deux femmes se finirent par être accaparées par leurs petits-déjeuners, plus aucune d’entre elle ne lança de nouveau sujet. Faire la conversation par politesse c’était plutôt ennuyant, elle le faisait souvent à son travail mais devoir le faire chez elle c’était peut-être un peu trop, même pour quelqu’un de sociable comme elle. Une fois que sa convive imposée avait terminé, elle eu le réflexe de ramasser la vaisselle avec la sienne, ce qui pouvait paraître comme une invitation à partir d’ici le plus rapidement possible. Dans un sens ça l’était un peu, alors elle dit à la demoiselle de bien penser à reprendre ses affaires, il ne fallait tout de même pas qu’elle ait une excuse facile pour pouvoir revenir ici. Elle vérifia discrètement qu’elle s’exécutait, puis elle lui ouvrit gentiment la porte. Une fois seule, elle s’adossa contre l’entrée et soupira. « Petit inconscient. »