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 heaven only knows (vitto #1)

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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptySam 4 Avr 2020 - 15:12

VITTORIO & LIVIA
Heaven only knows
We've taken different paths and traveled different roads
I know we'll always end up on the same one when we're old
We're living different lives, heaven only knows


Cette semaine-là, Gabriele était chez son père. Livia s’était faite à cette situation depuis quelques mois, et ce n’était plus le même déchirement qu’auparavant lorsqu’elle déposait son fils à la fin du week-end. Malgré tous leurs différends, elle avait une pleine confiance envers son ex-compagnon lorsqu’il s’agissait de leur fils, et savait que ce dernier n’était pas si perturbé par ce changement d’environnement. Il lui était même arrivé, au début de la séparation, d’aller manger chez son ex dans la semaine, lorsqu’elle n’était pas encore capable de se séparer de Gabriele pendant une semaine entière. L’habitude s’était estompée, mais elle savait que son fils était proche d’elle, et qu’elle pourrait le voir si elle en ressentait le besoin.

Cette nouvelle liberté de femme célibataire, elle l’avait investie dans son épicerie. Il s’agissait de sa création, à elle seule, et elle s’était encore davantage réfugiée dans le travail lors des moments où elle avait l’impression que le reste de sa vie n’avait plus de sens. Les projets fourmillaient dans sa tête au sujet de ce lieu, qu’elle était persuadée de pouvoir transformer en quelque chose d’encore plus spécial qu’une épicerie, à terme. Un lieu d’échanges, de partage, de bienveillance. Si elle ne savait pas quelle direction prenait sa vie personnelle désormais, elle savait en revanche qu’elle avait nombre de possibilités à explorer en ce qui concernait son épicerie.
Ce matin-là, elle s’était réveillée à l’aube, laissant les fins rayons du soleil la tirer de son sommeil sans rêves. Sans prendre le temps de trop réfléchir au vide dans son lit, dont l’écho n’était que plus pressant dans son cœur, elle tira d’un grand coup ses draps et enfila sa tenue pour la journée de manière machinale. Après un thé brûlant et quelques biscuits qu’elle avait cuisiné la veille, elle jeta un rapide coup d’œil à ses dernières boutures en date, qui trônaient fièrement dans leur bocaux remplis d’eau, à travers lesquels se reflétait la douce lumière du matin. Elle trouvait quelque chose de très apaisant chez les plantes, et leur capacité à grandir, lentement, à partir de si peu de choses, et à fournir de nouvelles feuilles qu’elle accueillait à chaque fois avec admiration. Elle arrosa avec précaution les pots qui entouraient le comptoir de sa cuisine, puis attrapa les clés de l’épicerie et s’engouffra à l’extérieur. La fraîcheur du matin la saisit, elle qui n’était pas habituée à sortir aussi tôt. Mais ce matin-là, elle avait beaucoup à faire à l’épicerie, car les premières livraisons ne devraient pas tarder à arriver. Elle confiait en principe la réception des livraisons à l’un de ses employés, mais elle s’était retrouvée à cours de personnel dernièrement, et s’était donc décidée à se charger elle-même de nouvelles tâches. Ces derniers jours, son moral n’avait pas été au plus haut, et cela lui changeait les idées d’avoir beaucoup à faire au travail.

Lorsqu’elle se gara devant l’épicerie, elle prit quelques secondes pour réaliser qu’elle avait conduit jusque-là sans même le réaliser. Elle n’aimait pas ce genre de moments, où elle ne se sentait pas pleinement présente mais faisait les choses par automatisme. Elle se passa rapidement les mains sur les joues, persuadée qu’un nouveau thé l’aiderait à disperser la brume qui s’était installée dans sa tête. Il lui manquait quelques heures de sommeil, ce devait être ça. Livia avait toujours eu du mal à accepter que parfois, son corps encaissait les chocs à la place de son mental. Lorsqu’elle n’allait pas si bien, elle avait tendance à se sentir vidée, fatiguée de tout, mais n’avait pas le réflexe de faire le lien avec ses difficultés personnelles. Car malgré tout ce qu’elle pouvait endurer, cela ne l’empêchait jamais de se lever le matin, s’occuper de sa boutique, et échanger avec ses clients comme si elle était la plus heureuse du monde. Cela lui semblait impensable qu’une pause soit peut-être nécessaire, que pour son mental, elle ait besoin de s’arrêter cinq minutes. Le mot « s’arrêter », elle ne le connaissait pas, ou plus.

Cependant, elle ne se posa pas plus de questions que cela et entreprit d’ouvrir le rideau de l’épicerie. Il lui restait encore un long moment avant l’ouverture, mais le livreur ne devrait plus tarder. Alors qu’autour d’elle, le silence régnait encore dans la rue, elle entendit un bruit de pas se rapprocher. Une inquiétude, celle d'être en retard, la traversa en une fraction de seconde, et elle ouvrit avant la porte à la hâte sans même se retourner « Excusez-moi, j’arrive tout de suite, j’attrape juste le bon de réception à l’intérieur ! ». Alors qu’elle s’apprêtait à entrer, elle voulut lancer un regard d'excuses au livreur et se retourna, un sourire discret sur les lèvres, qui s'évanouit instantanément pour laisser place à une expression de surprise. Ce n'était pas le livreur. C'était lui. Vittorio.

@Vittorio Giovinazzo



Dernière édition par Livia Visconti le Ven 13 Nov 2020 - 9:35, édité 4 fois
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyMer 8 Avr 2020 - 12:59

Il était sans doute temps pour Vittorio de se rendre à l’évidence : il n’avait pas la conscience tranquille. Pas qu’il ne faille un seul instant espérer de lui qu’il l’admettre à qui que ce soit cela dit – qu’il se l’admette à lui-même était déjà un exploit bien supérieur à ce que l’on était en droit d’espérer de la part d’un bonhomme à la fierté aussi mal placée que la sienne. Mais les derniers mois, puis les dernières semaines et enfin les derniers jours avaient eu pour effet de mettre progressivement à mal certaines de ses certitudes, et parmi celles-ci la manière dont il avait décidé de traiter « le problème Livia » s’était étage par étage hissée jusqu’en haut de la pile. Sa décision de rester en Australie « jusqu’à nouvel ordre » l’avait fait douter, la paternité surprise de Nino l’avait fait réfléchir, et finalement sa discussion avec Gaïa l’avait fait réagir … Peut-être avait-il eu tort. Peut-être faire l’autruche n’était-elle pas la bonne solution, ni pour les autres ni pour lui – surtout pour lui. Peut-être l’alignement des coïncidences n’en était-elle justement pas une, de coïncidence. De toute sa vie rarement l’italien s’était-il senti aussi incertain face à ses décisions, et seule l’angoisse qu’il avait ressenti lorsque les portes du train l’emmenant pour de bon de sa Campanie natale jusqu’à la capitale romaine s’étaient refermées lui permettait d’identifier avec plus ou moins de certitude le tourbillon de sentiments qui s’emparait de lui, tandis qu’il bifurquait de son itinéraire habituel pour revenir à son point de départ mais bien pour quitter Bayside et ses alentours. Il n’était absolument pas certain de ce qu’il faisait, mais une chose dont il était certain en revanche : s’il ne le faisait pas aujourd’hui il n’aurait pas le courage de le faire plus tard, et il avait besoin de se prouver à lui-même qu’il n’était pas qu’un pauvre dégonflé. Alors oui, c’était bien sa fierté plutôt que la certitude d’avoir mal agi qui l’avait finalement poussé à prendre le taureau par les cornes … mais il n’y avait bien que dans les mathématiques que l’on se soucie du développement plutôt que du résultat, non ? Il avait envie de s’en persuader en tout cas, et se l’était-même répété mentalement avec un brin de ferveur tandis qu’il mettait pieds à terre après avoir pédalé pendant ce qui lui avait semblé être une éternité (au moins). Et maintenant ? Maintenant la porte lui semblait trop lourde pour être poussée, et l’intérieur de l’épicerie trop loin pour être atteint … Même la pancarte « CLOSED » qui se balançait contre la vitre semblait le narguer. Il en était peut-être un en fin de compte, un dégonflé.

Le bruit d’un moteur de voiture le sortant finalement de son immobilisme, il s’était senti comme un enfant pris sur le fait après une bêtise, et sans réfléchir il était remonté sur sa selle et avait donné un coup de pédale hâtif pour déguerpir jusqu’au coin de la rue. Vittorio était extrêmement mauvais pour différencier les différents modèles de véhicules, à la fois parce que n’ayant lui-même jamais passé son permis de conduire les voitures n’étaient pas un sujet pour lequel il éprouvait de l’intérêt, mais aussi parce que les marques japonaises et coréennes qui pullulaient en Australie étaient bien loin des européennes qu’il s’était habitué à croiser dans les rues de Rome durant des années. Cette voiture-là pourtant, il l’avait reconnue aussitôt. Appuyé contre la façade de l’immeuble derrière lequel il avait trouvé refuge, l’italien avait observé sa conductrice en descendre, et la sensation d’être comme ces voyeurs qui observaient à travers le trou de la serrure lui avait serré l’estomac d’une drôle de manière. Livia était pareille au souvenir qu’il en avait, et plus que l’éventualité qu’elle n’ait pas changé durant l’année écoulée, il fallait s’en remettre à la promesse qu’il s’était faite et qu’il n’avait pas su tenir : au fait que s’il n’avait jamais trouvé le courage de pousser la porte de son échoppe depuis leur dernière entrevue, il lui était arrivé de passer devant quelques fois – une sorte de curiosité malsaine dont il avait un peu honte, mais dont il n’avait pas su se préserver. Un jeu d’équilibriste dont il retirait aujourd’hui le filet de sécurité en se décidant à faire ce qu’il n’aurait pas cru possible encore une semaine plus tôt : abandonner son vélo contre le mur et sortir de sa cachette, parcourir à pieds les quelques dizaines de mètres qu’il avait mis entre l’épicerie et lui, et finalement se planter à trois ou quatre pas d’elle droit comme un I, ne cillant pas tandis qu’elle lançait « Excusez-moi, j’arrive tout de suite, j’attrape juste le bon de réception à l’intérieur ! » à la cantonade en tournant la clef dans la serrure. Peut-être de n’avoir obtenu qu’un silence épais en guise de réponse, la jeune femme avait effectué un demi-tour sur ses talons avec le sourire aux lèvres, et presque aussi vite que ce dernier s’était évanoui Vittorio avait senti tout son courage et toute sa bonne volonté du jour s’évanouir dans la seconde.

Le jaugeant des pieds à la tête, le regard de l’italienne était passé sur lui avec une lourdeur palpable, les traces de la surprise qu’il y avait d’abord provoqué s’évanouissant à moitié sans qu’elle ne semble vouloir endosser le rôle de celle qui parlerait la première. Et en même temps à quoi d’autre s’attendait-il ? Etait-il suffisamment naïf pour s’imaginer que non-content de débarquer à l’improviste après des mois de silence radio il se voit en plus offrir la fleur de ne pas avoir à s’en expliquer sans filet ? Oui, à l’évidence Vittorio était ce jour-là suffisamment naïf pour y avoir cru l’espace d’un instant. « Salut. » Voilà tout ce qu’il avait été capable de produire, tandis que ses mains glissaient dans les poches de son jean et que ses yeux baissaient vers le trottoir d’un air penaud. Et ainsi partait donc en fumée la fierté dont il ne se départissait d’ordinaire jamais. « Je te dérange pas ? » Probablement que si, puisqu’elle l’avait pris pour un autre. Elle attendait quelqu’un, elle avait du travail, et probablement pas le temps pour qu’il ne vienne lui trainer dans les pattes. Mais il était un peu tard pour cela, maintenant. « Je savais pas trop quand venir. Mais je … Je me disais qu’on pourrait discuter. » Discuter de quoi ? Il n’en savait foutrement rien. Pour l’heure il tentait seulement de se rattraper aux branches du mieux qu’il pouvait pour ne pas s’écraser en bas – et si la métaphore était adaptée ce n’était ni plus ni moins parce que son estomac jouait au yoyo de la même manière qu’il l’aurait fait si Vittorio avait été un tant soit peu sujet au vertige.
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptySam 11 Avr 2020 - 7:14

Livia n’avait jamais trop été du genre à ne pas savoir quoi dire. Auparavant, lorsqu’elle se trouvait dans une situation où elle ne savait pas répondre, elle souriait discrètement, espérant que la personne en face comprendrait qu’elle n’avait pas grand-chose à dire, mais qu’elle ne cherchait pas à se montrer insultante. Ou alors, elle disait clairement qu’elle ne savait pas quoi répondre – elle n’avait jamais fait partie de ces personnes qui n’osent pas avouer qu’elle ne savent pas, et qu’elles sont un peu prises de court. Mais depuis l’ouverture de l’épicerie, elle avait dû apprendre à ne même pas se laisser prendre de court. Lorsqu’un de ses employés dépassait les limites, ou qu’elle se trouvait face à un client mécontent – ce qui arrivait assez peu, heureusement – elle devait être capable de ne pas se laisser démonter et arriver à garder une expression composée qui laissait penser qu’elle savait absolument ce qu’elle était en train de faire. Mais ce matin-là, face à Vittorio, elle n’arrivait pas à se composer une façade impassible. Son sourire s’était évanoui en un instant, et son expression de surprise s’était mêlé à quelque chose d’indéchiffrable sur lequel elle n’arrivait pas à mettre de mot.

Depuis le temps qu’elle ne l’avait pas vu, elle avait tenté d’arrêter de ressasser l’idée de ce frère qu’elle n’avait jamais connu, et qui ne voulait pas d’elle. Parfois avec succès, parfois pas, mais au fil du temps, elle avait réussi à se faire à l’idée que ce n’était pas sa faute à elle. Au début pourtant, elle s’en était voulu – de manière irrationnelle, certes, car c’était difficilement sa faute si son père avait été infidèle puis avait décidé de ne pas s’occuper de son fils qui avait connu une enfance bien différente de celle de la jeune femme. Mais lorsqu’il l’avait confrontée, lui avait envoyé à la figure tout ce qu’elle avait eu la chance de connaître et qu’il n’avait jamais eu, elle n’avait pu s’empêcher de se sentir coupable. Son enfance était loin d’avoir été parfaite, et elle s’était souvent sentie si seule, mais elle n’avait tout de même jamais connu les mêmes difficultés que Vittorio. Elle n’avait pas réalisé, dès son plus jeune âge, à quel point la vie pouvait être injuste. Et c’était lorsqu’elle l’avait rencontré, à peine plus de deux ans auparavant, que beaucoup de ses illusions s’étaient écroulées. A ce moment-là, elle avait tenté de lui tenir tête, de lui dire que ce n’était pas faute et qu’elle souhaitait qu’ils arrivent à mettre les erreurs de leur père de côté, pour se découvrir enfin. Mais lorsqu’il lui avait fait comprendre qu’il n’avait aucun intérêt à la connaitre, elle s’était sentie rejetée et n’avait pu s’empêcher de penser qu’en effet, elle avait eu de la chance là où Vittorio n’en avait pas eu, et qu’elle était bien mal placée pour essayer de le convaincre qu’une relation entre eux était possible. Il ne voyait probablement en elle que le spectre de tout ce qui avait pu le faire souffrir, et qu’il détestait.

Et puis, au fil des mois, elle avait arrêté de se fustiger pour des choses dont elle avait enfin réalisé qu’elle n’était en aucun cas responsable. Les choix douteux de son père relevaient de lui et lui seul, et même si elle n’existait pas, il n’aurait sans doute pas souhaité avouer à sa femme et ses proches qu’il avait eu un gamin illégitime. Et puis, quand bien même, c’était bien trop facile de blâmer Livia pour les erreurs de son père. Elle était loin d’être comme lui, et elle non plus n’entretenait plus des relations faciles avec lui désormais. Alors elle avait décidé, enfin, qu’elle connaissait suffisamment de difficultés dans sa vie personnelle pour en plus se rajouter sur le dos celles d’un frère qui ne voulait même pas d’elle. Cela faisait donc un moment qu’elle n’avait plus songé à Vittorio, surtout depuis sa séparation, car elle n’avait pas réussi à supporter la sensation d’avoir tout perdu toutes les familles qu’elle ait jamais eu. A quoi bon souffrir pour quelqu’un qu’elle ne connaissait pas, et avec qui elle n’avait visiblement rien en commun ? Elle n’existait pas à ses yeux, et elle avait donc cessé de vouloir faire partie de sa vie. Elle espérait sincèrement qu’il aille bien, et s’était toujours dit que s’il décidait un jour de revenir vers elle, elle en serait heureuse, mais elle n’avait pas cherché à le contacter à nouveau. Mais maintenant qu’il était là, devant elle, cela n’était pas si simple qu’elle l’avait imaginé. Au lieu de vouloir sauter de joie à l’idée qu’il ait peut-être changé d’avis, elle était méfiante. Presque énervée. Car s’il avait dans l’attention de lui cracher à nouveau à la figure, et de disparaître à nouveau, elle se serait bien passée d’une déception supplémentaire, surtout en ce moment.

Cependant, quelque chose dans son attitude était différent de la dernière fois où elle l’avait vu. La verve avec laquelle il s’exprimait avait disparu, lorsqu’il avait lâché un mince « Salut ». Dans sa voix ne transparaissait pas la même indifférence totale, la fierté avait laquelle il l’avait toisée alors. « Je te dérange pas ? Je savais pas trop quand venir. Mais je … Je me disais qu’on pourrait discuter ». Elle l’avait laissé finir, ne sachant toujours pas quoi lui répondre, et n’avant cette fois-ci pas envie de lui répondre spontanément. Cette situation était trop complexe, elle avait besoin de réfléchir, elle ne pouvait juste lui demander comment il allait. Elle poussa donc la porte de l’épicerie en grand, puis se tourna enfin pleinement vers lui, un air impassible sur le visage, ce qui lui ressemblait si peu. « J’ai une livraison qui arrive et je suis seule, donc j’ai pas vraiment le temps de me poser ». Aussitôt qu’elle prononça ces mots, sa gentillesse habituelle resurgit alors et elle s’en voulut d’avoir été aussi froide. Une partie d’elle avait envie de le faire galérer, car elle avait bien trop peur qu’il ne soit là que pour lui faire du mal une nouvelle fois. Mais ce n’était pas son genre de pas laisser une chance aux gens qui comptaient pour elle. Qu’elle le veuille ou non, il faisait partie de sa famille, et cela aurait été plus fort qu’elle de l’envoyer paître. Elle ne pouvait simplement pas, car elle n’était pas si indifférente qu’elle essayait de le laisser paraître, surtout qu’il s’adressait à elle sans agressivité aucune. Alors elle se reprit, faisant enfin apparaitre un mince sourire, mais sincère, sur ses lèvres. « Mais si tu veux bien m’aider à porter, alors je t’offre le café après ». Tandis qu’elle finissait sa phrase, elle vit les phrases du camion du livreur s’approcher dans la lumière du petit matin. « Je te préviens, je te laisse les cagettes les plus lourdes. A prendre ou à laisser ». S'il faisait preuve d'un peu de bonne volonté, alors Livia était prête à l'entendre.

@Vittorio Giovinazzo



Dernière édition par Livia Visconti le Sam 18 Avr 2020 - 14:07, édité 1 fois
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptySam 18 Avr 2020 - 0:51

L’erreur de Vittorio tenait peut-être dans le fait de ne pas avoir pris le temps de réfléchir à ce qu’il ferait une fois face à Livia. Il mentirait s’il osait prétendre qu’il n’avait jamais envisagé l’hypothèse où il trouvait enfin le courage de se présenter à nouveau à elle, mais il n’avait jamais poussé le vice suffisamment loin pour réfléchir à ce qu’il ferait une fois passée cette étape, et moins encore à ce qu’il dirait. La vérité c’est qu’il ne la connaissait pas, et ironiquement peut-être encore moins que ne la connaissait Nino, puisque son frère avait travaillé avec elle et donc eu l’occasion de l’observer plus quotidiennement et moins curieusement que lui. Elle était sa sœur et en même temps une inconnue, elle faisait partie de sa famille et en même temps pas du tout … Livia ne rentrait dans aucune case, et pour la première fois de sa vie Vittorio aurait bien aimé que les choses soient aussi simples que cela. Suffisamment simples pour que la marche à suivre lui semble limpide, pour que ses bras ne restent pas ballants tant il ne savait pas ce qu’il faisait là, pour que sa gorge ne soit pas ainsi serrée par l’appréhension et sa langue aussi nouée que son estomac, à l’heure où il aurait été de bon ton de dire quelque chose d’intelligent. Mais rien ne lui était venu, rien d’autres qu’une justification vide de sens qui expliquait à peine sa présence sur le seuil de l’épicerie, et à laquelle Livia avait répondu « J’ai une livraison qui arrive et je suis seule, donc j’ai pas vraiment le temps de me poser. » avec une froideur qu’il ne lui connaissait pas. Toutes proportions gardées, bien sûr, car la froideur émanant de la jeune femme n’aurait eu l’air que d’une brise légère venant de quelqu’un d’autre. Reste qu’elle s’était montrée suffisamment convaincante pour que Vittorio, baissant la tête avec un brin de déception, n’envisage pas d’insister outre mesure – lui qui d’ordinaire se targuait de ne jamais battre en retraite sur quoi que ce soit. « Bien sûr, je … » Il aurait dû y penser. Ou y avait-il pensé tout en se pensant à tort suffisamment important pour qu’elle place sa visite sur le haut de la pile de ses priorités ? Car Vitto savait à merveille se croire plus important qu’il ne l’était, entre autres de ses défauts.

Un pas déjà fait en arrière comme pour signer sa reddition, l’italien avait été coupé dans son élan par la reprise de volée dont s’était finalement fendue Livia. Les remords, peut-être, ou simplement cette gentillesse exacerbée qu’il avait su trouver si agaçante et qui aujourd’hui lui rendait service. « Mais si tu veux bien m’aider à porter, alors je t’offre le café après. » Vraiment ? Vittorio n’avait pas eu besoin de formuler la question pour que ses yeux, eux, la posent. Et alors qu’il se montrait incompréhensiblement hésitant elle s’était permise de le presser en ajoutant « Je te préviens, je te laisse les cagettes les plus lourdes. À prendre ou à laisser. » tandis qu’au bout de la rue le camion de la fameuse livraison choisissait son moment pour faire son entrée. Sa méfiance naturelle l’ayant d’abord poussé à chercher le piège, et à se dire que peut-être elle profitait simplement d’avoir une paire de bras supplémentaires sous la main pour mieux lui suggérer d’aller voir ailleurs ensuite, il s’était aussitôt raisonné en se rappelant à qui il avait affaire. Livia n’était pas une personne malhonnête, et ça il n’avait pas besoin de bien la connaître pour s’en persuader. « Va pour les plus lourdes. » avait-il alors accordé dans un soupir, avant de se murer dans un silence studieux où il s’était contenté de suivre les indications de la jeune femme quant à quoi prendre, quoi poser, quoi ranger. La douce ironie, quand on pensait au fait que Nino avait probablement accompli ces mêmes tâches quotidiennement fut un temps. Et que penserait-il de sa présence ici, lui ? Préférant ne pas y penser, l’italien avait chassé cela de ses pensées et avait repris sa besogne en silence, le regard ne s’autorisant que de vagues incursions dans la direction de Livia.

Ils en avaient pratiquement terminé. A la demande de la jeune femme Vitto s’occupait de réajuster les fruits et les légumes sur les étalages pour rendre la devanture présentable, quant à Livia elle terminait de signer les reçus que lui tendait le livreur. « Vous avez trouvé un nouvel employé, finalement ? » La méprise lui faisait relever les yeux à son tour, l’italien avait échangé un regard avec sa sœur et l’avait prise de court en répondant à sa place. « Je suis juste là à l’essai. » À l’essai, oui, et ce type n’avait même pas conscience d’à quel point. Et quelques politesses d’usage plus tard les deux compatriotes s’étaient à nouveau retrouvés seuls, pas plus avancés quant à la conduite à adopter l’un envers l’autre qu’ils ne l’étaient avant d’empiler des cagettes dans l’arrière-boutique du magasin. Y voyant une excuse pour contourner l’éléphant qui trônait au milieu de la pièce, Vitto avait d’ailleurs fini par questionner « Tu n’as personne pour t’aider pour s’occuper de tout ça, d’habitude ? », la question posée par le livreur laissant en effet supposer que la jeune femme était actuellement à la recherche d’une paire de bras supplémentaire. Mais presque aussi vite que s’en était venue sa curiosité, son courage lui avait glissé entre les doigts et l’avait poussé à se défiler mollement. « T’es pas obligée pour le café, tu sais. C’était bête de ma part, j’aurais pas dû venir comme ça, à l’improviste. » Et en même temps quel autre choix aurait-il eu ? Il n’avait pas son numéro, et quand bien même il l’aurait eu il n’aurait probablement jamais trouvé le cran de s’en servir. Si on lui avait dit, la veille au soir, qu’il pédalerait au petit matin jusqu’à Logan City pour rejoindre cette épicerie il ne l’aurait même pas cru – il n’avait pas réfléchi. Il avait simplement eu envie de la voir, sa sœur, mais il ne se l’expliquait pas.
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyMer 22 Avr 2020 - 12:13

Une petite voix au fond d’elle s’était délectée de le voir s’affaisser lorsqu’elle lui avait fait comprendre qu’elle n’avait pas le temps d’échanger des formalités. Bien que sa nature soit revenue au galop et que Livia n’ait pas pu s’empêcher de rattraper la situation, elle était satisfaite de voir que les places n’étaient plus les mêmes. Elle se refusait à redevenir, du moins pour l’instant, cette femme pleine d’espoir de découvrir un frère inconnu, tandis que la lui la repoussait comme si elle était la représentation incarnée de tous ses maux. Et visiblement, lui-même n’avait pas les mêmes intentions qu’auparavant, ce qui ne put que piquer la curiosité de la brune. Pourquoi revenir vers elle ? Pourquoi maintenant ? Il lui avait semblé plutôt clair lors de leur dernière entrevue, et si elle avait entretenu pendant quelques mois l’espoir qu’il change d’avis, elle s’était fait une raison depuis longtemps. Alors sa venue ne pouvait que l’étonner, tout comme le fait qu’il avait presque failli abandonner en réalisant qu’elle ne se jetait pas vraiment à son cou, au contraire. Lorsqu’elle l’avait réquisitionné pour l’aider à décharger, elle s’attendait même à ce qu’il refuse – au fond d’elle, elle avait sans doute lancé ça comme un test, pour voir s’il était capable de comprendre qu’il n’était pas sa priorité, et de ravaler sa fierté. Alors, lorsqu’il avait accepté, bien que peu enthousiaste à l’idée, elle n’avait pu s’empêcher de noter qu’il était prêt à faire des efforts considérables pour pouvoir lui parler. Rien que pour ça, elle ne pouvait pas le renvoyer sans l’écouter, et avait alors entreprit de lui donner toutes les consignes nécessaires quant au stockage de sa livraison quotidienne. Des questions lui brûlaient les lèvres, mais tout était bien trop confus dans son esprit encore, et elle s’était donc tut pour se concentrer sur sa tâche première pendant un court moment.

Elle était perdue dans ses pensées, son esprit occupé à vaquer entre le comptage des cageots de pomme de terre et ce qu’avait bien pu devenir Vittorio ces deux dernières années, et signait alors machinalement les reçus du livreur lorsque sa question la ramena sur terre. «  Vous avez trouvé un nouvel employé, finalement ? ». Elle aurait bien dû s’attendre à ce qu’il lui demande ce qu’il en était, car elle le connaissait depuis suffisamment longtemps pour qu’il ait suivi les arrivées et les départs des différents employés. Elle hésita un court instant et jeta un regard à Vittorio, qui la prit de court avant qu’elle ne puisse répondre. « Je suis juste là à l’essai ». Elle hocha la tête, plutôt satisfaite par l’intervention car elle n’aurait sans doute pas répondu différemment, puis raccompagna le livreur à la sortie. A peine revenue vers Vittorio dans l’arrière-boutique, il l’interpella, ce qui eut au moins l’effet de casser le silence étrange qui s’était installé entre eux à nouveau. « Tu n’as personne pour t’aider pour s’occuper de tout ça, d’habitude ? » Ca, au moins, elle savait y répondre. « Si, mais j’ai un employé qui vient de me lâcher sans prévenir, donc en attendant de retrouver quelqu’un je me débrouille. Merci du coup, c’est bien plus rapide à deux ». Sans trop de surprise, elle ne pouvait s’empêcher de penser à Nino, qui l’avait aussi bien mise dans l’embarras lorsqu’il était parti subitement, mais elle se garda bien d’en faire la remarque à son frère. La situation était bien différente alors, et elle n’en voulait plus à Nino - sans parler du fait que mentionner l’un à l’autre n’était peut-être pas l’approche la plus tactique après deux ans de silence. « T’es pas obligée pour le café, tu sais. C’était bête de ma part, j’aurais pas dû venir comme ça, à l’improviste ». Elle avait bien du mal à cerner les intentions de Vittorio, ou même le niveau d’implication et d’effort dont il était prêt à faire preuve avec elle. Il lui paraissait à la fois plus ouvert à la discussion qu’il ne l’avait jamais été, mais en même temps, peu désireux de réellement faire un pas vers elle, comme s’il ne savait pas vraiment par où commencer. Et si Livia devait se montrer honnête, elle aurait volontiers avoué qu’elle ne comptait pas faire tout le boulot pour lui – il avait décidé de se pointer chez elle alors qu’elle n’avait rien demandé, il ne manquerait plus qu’il attende maintenant qu’elle tente de renouer le lien entre eux. Mais, contre toute attente, il était encore là alors qu’elle ne s’était pas montrée des plus accueillantes, et lui avait rendu un grand service, alors elle devait bien se montrer un minimum conciliante, sans pour autant lui ouvrir grand les bras. « Maintenant qu’on a déchargé j’ai un peu de temps ». Ne sachant pas comment entamer la vraie conversation, et voulant pas l’assaillir de questions et lui montrer à quel point il la perturbait, elle se tourna vers la machine à café l’alluma, avant d’hésiter. Lançant un regard en coin à Vittorio, elle ne put s’empêcher de sourire discrètement. « Café serré à l’italienne ? » Peut-être avait-il cédé à l’appel des cafés longs dont raffolaient les australiens, mais sa question avait au moins le mérite de mettre en lumière la seule chose qu’ils partageaient vraiment. Leur pays d’origine, leurs racines. Too soon ? Peut-être, mais elle ne comptait pas s’empêcher d’aborder les sujets fâcheux – leurs origines, pour différentes qu’elles soient, les rapprochaient malgré tout, et elle se refusait à occulter une partie de son histoire. Cette fois, il devrait se décider à la connaître elle, dans toute sa personne, ou pas du tout. En attendant sa réponse, elle se fit couler son propre café, bien court et sans sucre – elle n’était pas italienne pour rien. Elle faillit se lancer dans la solution de facilité, et lui demander simplement comment il allait, mais elle savait bien que cela ne suffirait pas à faire disparaître la chape de gêne qui pesait sur la pièce et que seule une réelle conversation pourrait dissiper, ou alourdir. « Du coup, tu t’es installé à Brisbane pour de bon ? ». Simple question, dont elle ne connaissait pourtant pas la réponse – peut-être n'était-il que de passage – et qu’elle avait posée sans arrière-pensée, tandis qu’elle était toujours tournée vers sa machine à café, profitant de quelques instants supplémentaires durant lesquels elle n’avait pas encore à réfléchir à l’expression à adopter face à lui.

@Vittorio Giovinazzo

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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyVen 1 Mai 2020 - 18:48

Il y avait tant eu à faire et à décharger que l’italien avait peine à imaginer Livia s’occuper de tout cela sans paire de bras supplémentaire pour lui prêter main forte. Ou du moins pas si elle ne souhaitait pas y passer la moitié de sa matinée, et il ne doutait pas qu’elle devait avoir d’autres choses à faire ; À quelle heure ouvrait l’épicerie, d’ailleurs ? Il ne savait pas, il n’était même pas certain de l’heure qu’il était, et pour ne pas donner l’impression de lambiner il n’avait pas pris le temps de vérifier sur son téléphone. Peu après que le camion de marchandises ait fait demi-tour néanmoins, l’italien s’était risqué à briser le silence studieux dans lequel Livia et lui terminaient de ranger pour poser la question. « Si, mais j’ai un employé qui vient de me lâcher sans prévenir, donc en attendant de retrouver quelqu’un je me débrouille. Merci du coup, c’est bien plus rapide à deux. » Ceci expliquait cela, et préférant ne pas se perdre en commentaires inutiles il s’était contenté d’acquiescer d’un signe de tête en guise de réponse et avait rangé sur une étagère le dernier sac de farine d’épeautre. Il avait toujours du mal à croire que le travail qu’avait dégoté Nino ici n’ait été que le fruit du hasard, quand bien même ce dernier le lui avait assuré à plusieurs reprises, et pourtant il s’était surpris à penser à lui à cet instant, subitement projeté dans la peau de son cadet le temps de quelques secondes. Mais parait-il que les expatriés avaient tendance à se rassembler loin de chez eux, parfois même inconsciemment, alors peut-être son frère disait-il la vérité … Il n’en savait rien, et chassant cela de son esprit il avait poussé un soupir, se demandant une nouvelle fois ce qu’il faisait là. Une idée suivie sur un coup de tête ne pouvait qu’être mauvaise. Loin de saisir la perche qu’il lui tendait pour se débarrasser de lui, Livia avait pourtant assuré avec une certaine neutralité « Maintenant qu’on a déchargé j’ai un peu de temps. » et sans lui laisser le temps d’une quelconque protestation elle lui avait tourné le dos pour rejoindre la machine à café, posée dans un coin de la pièce hors d’atteinte des clients. « Café serré à l’italienne ? » Marquant un temps d’arrêt, comme s’il cherchait un quelconque double-sens à cette question pourtant diablement simple, il avait laissé échapper un sourire discret au moment de répondre « Plutôt deux fois qu’une. C’est mission impossible de trouver un café décent par ici. » avec une légèreté qu’on sentait toutefois un peu forcée. En vérité il exagérait un peu, en cherchant bien il y avait sans doute moyen de trouver du bon café dans les environs, mais il n’était pas non plus disposé à dépenser huit dollars pour un espresso – n’est-ce pas, Starbucks. Encore qu’il faudrait se lever tôt pour espérer entendre un jour de la bouche de Vittorio que Starbucks faisait du bon café. « Du coup, tu t’es installé à Brisbane pour de bon ? » Parce qu’il s’était à nouveau perdu dans ses songes, la question de Livia l’avait brutalement ramené à la réalité. Pinçant ses lèvres l’une contre l’autre, les mains glissant dans les poches de son short avec une nonchalance calculée alors même que la jeune femme ne regardait pas dans sa direction, il avait fait quelques pas vers le comptoir. « Pour de bon je ne sais pas – il n’espérait pas, surtout – mais pour le moment, oui. » Il se demandait s’il devait lui parler de Nino. Lui parler de sa fille, du fait que puisqu’elle était une raison suffisante pour son frère de rester, alors il en était de même pour lui. Mais il avait brossé un portrait tellement amer de son cadet la dernière fois qu’il avait vu Livia qu’elle ne comprendrait probablement pas ce revirement. Elle était compliquée, la relation entre les deux frères … Trop compliquée pour que quiconque soit en mesure d’en saisir les nuances, les enjeux. « Je suppose que le Queensland possède quelques atouts, en fin de compte. » Il n’y avait pas une once de sincérité là-dedans, Brisbane ne lui plaisait pas et son mal du pays le rendait malade. Mais l’avouer le forcerait à expliquer, et Livia n’avait probablement que faire de ses états d’âme. Comme elle n’aurait peut-être que faire de savoir « Ça fait plusieurs semaines que je pense à venir te voir … » d’ailleurs, et malgré tout il avait poursuivi dans cette direction, ajoutant « Mais j’ai pas arrêté de repousser. J’étais pas sûr que tu accepterais de me parler. » et retrouvant finalement le silence à l’instant où elle s’était tournée de nouveau vers lui. Cela restait un grand mystère à ses yeux, qu’elle ne l’ait pas renvoyé d’où il venait sans même le laisser passer la porte de la boutique – il aurait probablement protesté, usé de toute sa mauvaise foi pour la faire culpabiliser dans l’espoir (ou non) qu’elle change d’avis, et pourtant au bout du compte il se sentait plus déstabilisé par la façon dont les choses étaient en train de se passer que par l’affrontement qu’il avait envisagé en amont. Comme si tout cela paraissait trop beau pour être vrai.
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyJeu 7 Mai 2020 - 17:02

La réponse de Vittorio tira un sourire à Livia, qu’elle tacha de contenir malgré le fait qu’il ne puisse pas le voir. « Plutôt deux fois qu’une. C’est mission impossible de trouver un café décent par ici. » La gêne était palpable dans l’air, mais contre toute attente, ils avaient connu des débuts de conversation plus compliqués – alors, pour l’instant, elle n’allait pas se plaindre d’un échange de banalités. Elle fit donc couler un deuxième café, restant de dos tandis qu’il lui se pliait à l’exercice des questions-réponses et lui confirmait qu’il habitait toujours à Brisbane. « Pour de bon je ne sais pas, mais pour le moment, oui. » Au fil des mois, elle n’avait pu s’empêcher de se poser la question – même si elle tentait de ne pas songer à lui – et se demandait régulièrement si cela était possible qu’elle le croise un jour par hasard. Ce n’était jamais arrivé, et elle en était donc venue à croire qu’il était sûrement reparti en Italie. Après tout, elle n’avait jamais bien su ce qui avait pu le retenir en Australie, et elle le savait encore moins aujourd’hui. « Je suppose que le Queensland possède quelques atouts, en fin de compte. » Il n’avait l’air que moyennement convaincu de sa propre réponse, et ces quelques mots ne suffisaient pas à faire croire à Livia qu’il était resté là pour la beauté du paysage. Cependant, Vittorio lui était si inconnu qu’elle ne pouvait vraiment déchiffrer ses expressions et ses mots, et elle n’avait donc strictement aucune idée des « atouts » dont il parlait, ou des raisons qui le poussaient à rester.

Alors qu’elle éteignait la machine à café, il se recentra sur le sujet qui leur brûlait sans doute les lèvres à tous les deux, et qu’ils ne pourraient éviter. « Ça fait plusieurs semaines que je pense à venir te voir… Mais j’ai pas arrêté de repousser. J’étais pas sûr que tu accepterais de me parler. » Elle se retourna au moment où il prononçait ces derniers mots, et profita de lui tendre son café et de s’asseoir contre le meuble, face à lui, pour gagner quelques secondes avant de lui répondre. Jusque-là, elle n’était pas si surprise, et imaginait bien qu’il n’était pas passé d’un silence radio total à l’envie brutale de venir la voir du jour au lendemain. Surtout vu la manière dont il lui avait parlé la dernière fois, il aurait bien fait d’avoir peur de se faire claquer la porte au nez – ce qu’elle aurait pu envisager, mais même dans ses instants les plus rancuniers, Livia n’arrivait pas à se montrer aussi dure que certaines personnes. Elle préférait de loin laisser entrer les gens, les écouter parler, les jauger du regard, puis estimer ensuite s’ils valaient le coup qu’elle tente de leur pardonner. Elle n’arrivait pas à rayer quelqu’un de sa vie définitivement si la personne faisait mine de vouloir y rester – c’était une adepte des secondes chances. Mais pas des troisièmes, et elle comptait bien le faire savoir à Vittorio. Elle avala une gorgée de café, puis, ne voulant pas laisser le silence s’installer, reprit en le fixant cette fois. « Dans mon souvenir c’est toi qui voulait pas avoir affaire à moi… alors que moi j’ai toujours voulu, et ça n’a pas changé. » Elle ne mentait pas, même si depuis, elle s’était fait une raison - par la force des choses, elle avait eu besoin d’avancer dans sa vie sans attendre que son demi-frère veuille bien en faire partie. Elle n’espérait donc plus rien de lui, mais elle ne s’était jamais décidée à l’empêcher de revenir vers elle s’il décidait de le faire. Mais elle avait perdu l’espoir qu’il puisse réapparaître un jour, et le fait qu’il soit devant elle en train de boire un café était encore une surprise à ses yeux. « Mais je vais pas t’en supplier cette fois. J’ai pas besoin d’une autre déception. » Au moins, elle était claire dès le départ, et tant pis si cela lui déplaisait. Elle avait clairement autre chose à gérer en ce moment, et elle refusait de raviver la douleur qu’il lui avait causé par le passé, et qu’elle avait mis si longtemps à contenir. « Pourquoi revenir maintenant ? » lâcha-t-elle en le fixant droit dans les yeux, d’une voix douce mais décidée et inquisitrice, doublée d’un regard indéchiffrable tandis qu’elle essayait de comprendre ses intentions. Elle ne voulait pas se faire avoir à nouveau. Il n’y avait donc pas de question plus simple que celle-ci, et pourtant, elle savait qu’elle le forçait à se dévoiler, car il pouvait difficilement se défiler pour répondre à cela. Et s’il était là par simple hasard, sans vraiment être convaincu de sa démarche, cela aurait peut-être le mérite de le renvoyer dehors et d’éviter qu’il ne lui cause une nouvelle déception.

@Vittorio Giovinazzo

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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyMer 3 Juin 2020 - 9:28

Il n’en était pas fier, mais c’était la toute première fois qu’il avait la sensation d’observer Livia avec uniquement de la curiosité, là où jusqu’à présent avait toujours subsisté chez lui un fond d’hostilité à l’égard de la jeune femme. Longtemps il l’avait considérée par le prisme de ce que lui n’avait jamais eu, trop aveuglé par sa jalousie et son amertume pour ne serait-ce qu’envisager la possibilité que l’italienne ne soit pas responsable des agissements de leur géniteur, et s’il était honnête avec lui-même son désir premier lorsqu’il avait décidé de retrouver Livia n’était pas tant de satisfaire sa curiosité que de trouver la tête de turc toute désignée sur qui déverser sa frustration et la montagne de contrariétés venues avec son exil forcé hors de l’Italie qu’il aimait tant. Quelque part il en avait un peu voulu à Livia de ne pas être la mauvaise personne qu’il aurait voulu qu’elle soit, qu’elle ne lui donne pas l’excuse suffisante pour l’éclabousser du même mépris dont il habillait déjà leur père sans le moindre remord … Cela n’avait aucun sens, c’était elle qui avait vécu avec lui, c’était elle qui aurait dû hériter de ses travers et de ses mauvais côtés, et pourtant Livia semblait être tout ce que son père n’était pas, c’était injuste. Aussi injuste que le fait d’être lui-même devenu le méchant de l’histoire, quand bien même il avait créé cette situation seul – et peut-être était-il temps qu’il cesse de se chercher des excuses. « Dans mon souvenir c’est toi qui voulait pas avoir affaire à moi … alors que moi j’ai toujours voulu, et ça n’a pas changé. » Bien qu’elle n’ait fait peser dans le ton de sa voix aucune espèce de reproche, Vitto avait senti le poids de ses mots et du regard qu’elle lui avait adressé lui écraser les épaules tandis qu’il s’autorisait une gorgée de café pour se donner une contenance. « Mais je vais pas t’en supplier cette fois. J’ai pas besoin d’une autre déception. » Pinçant ses lèvres l’une contre l’autre, l’homme avait secoué la tête avec légèreté et assuré dans un souffle « C’est pas ce que je te demande. » Il ne savait pas vraiment ce qu’il espérait en venant ce matin-là, mais il savait ce qu’il n’espérait pas en revanche, et rejouer une scène de tragédie grecque où il lui aurait d’office offert le rôle de la femme bafouée n’était en rien ce qu’il souhaitait. Mais c’était là tout le problème, Vittorio savait pertinemment ce qu’il ne voulait pas mais pour autant cela n’était pas suffisant à ce qu’il sache ce qu’il voulait … À tel point que lorsque la jeune femme avait fini par questionner « Pourquoi revenir maintenant ? » il s’était retrouvé démuni, n’ayant rien à lui fournir qui puisse faire une réponse décente à une interrogation pourtant limpide. « J’en sais trop rien … » avait-il alors admis, certain que jouer la carte de l’honnêteté lui vaudrait au moins l’indulgence qu’un mensonge éhonté n’aurait pas permis. « Peut-être parce que jusqu’à présent je voulais continuer de croire que je n’étais pas ici pour rester. À Brisbane. » Et rien ne l’y forçait encore aujourd’hui, il n’avait pas le couteau sous la gorge, il aurait pu gaspiller ses dernières économies pour un billet d’avion vers une destination choisie au hasard, lointaine, inconnue … Mais quelle assurance avait-il de trouver là-bas ce qu’il ne trouvait pas ici ? Quel endroit au monde saurait à lui seul le persuader qu’il ne valait pas mieux rester là où se trouvait le seul frère dont il considérait encore l’existence, et la seule femme dont la parole avait suffisamment de poids pour que lui révéler l’existence de Livia lui ait donné l’impression de marcher en équilibre au bord d’un précipice ? « Et puis la façon dont je me suis comporté avec toi, je … ça m’a donné l’impression de ne pas valoir mieux que lui. Et c’est pas ce que je veux. » Mais ce qu’elle serait en droit d’en retenir c’était donc qu’il n’était là que pour lui, pour sa propre vision égoïste de la situation – il ne s’en rendait même pas compte, trop peu habitué à faire passer qui que ce soit avant lui-même. Même la forme était égoïste, il avait débarqué sans s’annoncer, ne lui avait pas laissé d’autre choix que celui d’écouter ce qu’elle avait à dire, en comptant sur la gentillesse exacerbée dont il l’avait déjà vue faire preuve pour s’assurer qu’elle aurait trop mauvaise conscience pour le chasser sans lui laisser le bénéfice du doute.
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyDim 14 Juin 2020 - 12:25

Au fil des minutes, Livia réussissait à se détendre de plus en plus, desserrant ses articulations devenues blanches autour de sa tasse de café qu’elle serrait comme si sa vie en dépendait. Elle avait l’impression que Vittorio était réellement dans de bonnes dispositions, au point d’accepter ses interrogations – tout à fait légitimes – sans les balayer de la main et lui asséner qu’elle l’embêtait à le questionner de cette manière. Au contraire, il semblait se plier à l’échange qu’elle avait bien voulu faire durer – même s’il ne se montrait pas particulièrement bavard et expressif, mais cela n’étonnait pas Livia. A l’inverse, elle se serait presque inquiétée s’il avait changé du tout au tout depuis la dernière fois qu’elle l’avait croisé, et aurait flairé quelque chose d’étrange s’il s’était soudainement montré trop amical et désireux de la connaitre. Elle voulait bien pousser la conversation, voir où ce nouvel élan pouvait bien les mener, mais elle n’avait aucune intention de supporter la démarche sur ses seules épaules. « C’est pas ce que je te demande. » Elle acquiesça d’un mouvement de tête en lâchant un ‘d’accord’ du bout des lèvres, car Vittorio semblait comprendre là où elle se tenait désormais par rapport à lui – à une distance raisonnable, qu’il pourrait réduire s’il parcourait au moins la moitié du chemin. Cependant, même s’il n’était pas là pour l’attaquer et semblait venir en paix, il donnait également la désagréable impression d’être venu les mains vides. « J’en sais trop rien … » Comment pouvait-il ne pas savoir ce qu’il faisait ici ?. Personne ne l’avait poussé, et il ne pouvait s’être retrouvé là ce matin-là par pur hasard. Plus qu’une simple réponse, elle voulait comprendre ce qui avait motivé ce changement de regard face à elle, figurativement et littéralement. Le regard de son demi-frère sur elle avait changé, ne semblait plus empli du mépris et même du soupçon de haine qu’elle lui avait connu. Pour autant, elle n’était pas à l’origine de cette évolution, puisqu’il n’avait eu aucun contact avec lui depuis si longtemps – quelque chose d’important devait avoir déclenché cette prise de conscience chez lui, car aux dernières nouvelles il semblait plutôt ancré sur ses positions la concernant. Alors qu’elle allait le pousser à en dire plus que ces vagues mots dont elle ne savait que faire, il reprit et se montra plus loquace. « Peut-être parce que jusqu’à présent je voulais continuer de croire que je n’étais pas ici pour rester. À Brisbane. » « Donc maintenant t'es parti pour rester ? » Au fond, cela ne la regardait pas forcément, même si une part d’elle brûlait qu’il lui réponde oui. Mais il était là, dans ses locaux, à boire son café et à lui parler, alors elle pouvait se permettre de se montrer quelque peu indiscrète. Si elle n’en apprenait pas davantage sur lui un jour ou l’autre, elle ne voyait pas comment ils pourraient peut-être construire une réelle relation. « Nino est encore ici du coup, j’imagine ? » Elle ne pensait qu’à cela comme explication, et se trompait peut-être royalement – mais cette question servait à la fois pour Vittorio et pour Nino, dont elle avait aussi longtemps espéré des nouvelles. Vittorio n’était sans doute pas la personne à laquelle elle aurait dû poser cette question, car elle avait de vifs souvenirs de leur relation quelque peu conflictuelle – mais désormais, c’était tout ou rien. L’italien devrait accepter de se livrer un minimum, de répondre aux questions que Livia se sentait légitime de poser, ou alors il pouvait oublier la leur. S’il continuait à ne vouloir que lui révéler le strict minimum ou à rester constamment sur ses gardes, elle ne voyait que peu d’intérêt au fait de renouer avec lui – elle avait bien trop à y perdre, et surtout de la frustration et un regain de tristesse à y gagner.  « Et puis la façon dont je me suis comporté avec toi, je … ça m’a donné l’impression de ne pas valoir mieux que lui. Et c’est pas ce que je veux. » Cela ressemblait-il à des excuses ? Et que voulait-il vraiment, alors ? Livia plongea ses yeux dans ceux de Vittorio, sondant son regard qui semblait sincère. Il ne s’excusait pas vraiment, mais ces quelques mots rassemblaient davantage d’espoir qu’elle n’aurait jamais osé entrevoir. Elle sentie une vague d’émotions la submerger, comme si sa conscience percutait à cet instant-là que Vittorio était réellement revenu sur ses pas pour reprendre leur relation à zéro, et enfin s’ouvrir à ce qu’elle avait toujours souhaité. Elle ne comptait pas lui tomber dans les bras, ni même le rassurer en lui disant que tout était oublié – étant donné la dureté de ces mots, elle ne pouvait tout oublier, mais elle pouvait envisager un second départ pour eux. Meilleur que le précédent, elle l’espérait, bien que tant ai changé ces deux dernières années. Son ton se fit alors plus doux lorsqu’elle reprit, comme si elle se laissait aller à la confidence. « Je ne lui parle quasiment plus depuis un an et demi, d’ailleurs. » Il s’en fichait peut-être, mais cela lui semblait important qu’il sache qu’elle n’était plus dupe concernant son père – elle-même le voyait désormais pour l’ordure qu’il avait pu être parfois, même si la pilule était dure à avaler. « J’ai eu beaucoup plus de chance que toi, j’en ai conscience. Mais je pouvais pas ignorer la manière dont il s’est comporté avec vous, entendant par là Vittorio et sa mère, sans parler du fait qu'il n'a jamais fait l'effort de venir jusqu’ici voir mon fils » lâcha-t-elle en haussant les épaules. Vittorio prendrait peut-être ainsi conscience que même la fille qu’il avait imaginé choyée et comblée, ne bénéficiait pas d’un amour inconditionnel de la part de l’homme qui les reliait.

@Vittorio Giovinazzo

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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyMar 25 Aoû 2020 - 16:02

Où tu aimerais aller, Vitto ? Il se la posait parfois à lui-même, cette question, à défaut que qui que ce soit n’ait suffisamment la mesure de son mal du pays pour le lui demander. Certains passaient leur vie à rêver d’ailleurs et ne manquaient pas une occasion de partir à la découverte du reste du monde, mais si quitter la grisaille et l’ennui de Scampia lui était toujours apparu comme un but à atteindre l’italien n’avait jamais plus eu, depuis qu’il avait quitté Naples, l’envie de se déraciner plus loin que dans la province voisine. Il avait apprivoisé Rome avec sa beauté autant qu’avec ses défauts, il s’y était construit une vie dont il était fier parce que chaque brique y avait été posée à la sueur de son front et de ses sacrifices, et pour rien au monde ne serait-il allé chercher ailleurs un paradis qu’il estimait avoir déjà trouvé. Cette décision de rester à Brisbane Vittorio la prenait donc à contrecœur, et il avait suffisamment craché son animosité à l’égard de cette ville et de l’Australie pour que ce soudain revirement étonne ceux qui en avaient été témoins – à commencer par Livia, qui jusque-là aurait eu toutes les raisons de penser que l’italien s’en était retourné dans son pays depuis longtemps. « Donc maintenant t'es parti pour rester ? Nino est encore ici du coup, j’imagine ? » Il n’y avait bien que dans la tête de l’italien que la double question ressemblait à une accusation, la faute à une conscience absolument pas lavée de la façon, somme toute injuste, dont il avait traité Livia par le passé. « Il ne sait pas que je suis là, alors il ne viendra pas t’importuner si c’est ce qui t’inquiètes. » avait-il alors offert en guise de réponse, avec la certitude un peu présomptueuse que la question de la jeune femme n’avait pour seul but que de protéger sa tranquillité et celle de son fils. « C’est plus ou moins la seule famille qu’il me reste. » ajoutant cela, il avait haussé les épaules « Alors s’il reste ici, je reste ici. » Plus ou moins car malgré ses tentatives l’italien ne parvenait pas encore totalement à rayer Gennaro de son existence. Cela n’avait aucun sens, il ne partageait pas plus de sang avec Genny qu’avec Livia, ne lui avait même pas rendu visite une seule fois depuis les dix ans qu’il croupissait en taule, et Dieu sait que son aîné n’avait jamais été ni une bonne influence ni une bonne fréquentation pour Nino et lui … Mais ils avaient grandi ensemble et ça, ça ne s’effaçait pas d’un revers de la main. Ce n’était pas aussi simple.

Mais des incertitudes et des remises en question sur le plan familial Vittorio semblait ne pas être le seul à en avoir, et quand bien même la relation qu’entretenait Livia avec ses parents ne lui avait en effet pas semblé transpirer l’amour et la complicité pour le peu qu’ils avaient pu en parler, l’italien n’avait pas su cacher entièrement sa surprise lorsque la jeune femme lui avait admis « Je ne lui parle quasiment plus depuis un an et demi, d’ailleurs. » quand le sujet de son père avait été mis sur le tapis. « J’ai eu beaucoup plus de chance que toi, j’en ai conscience. Mais je pouvais pas ignorer la manière dont il s’est comporté avec vous, sans parler du fait qu'il n'a jamais fait l'effort de venir jusqu’ici voir mon fils. » Il mentirait en disant que l’idée que Visconti père soit tombé de son piédestal – au moins dans l’imaginaire de sa fille – ne le satisfaisait pas au moins un peu, mais malgré tout la révélation de Livia ne lui apportait pas la satisfaction que l’on aurait pu imaginer. « Je suis désolé. Pour ton fils, je veux dire … C’est dommage que ça se passe comme ça. » Dommage surtout que leur géniteur ne soit pas plus exemplaire avec sa famille légitime qu’avec son fils bâtard. Aux yeux de Vittorio il n’en était que plus méprisable, mais cela ne faisait pas grand différence ... Aux yeux de la jeune femme en revanche la chute était probablement plus rude, et bien qu’il ne se sente pas suffisamment aventureux pour l’admettre à voix-haute le napolitain ressentait une pointe de culpabilité à l’idée d’avoir fait ainsi voler en éclats les illusions dont elle se berçait encore avant qu’il ne déboule dans sa vie plein de rancœur et de mauvaises intentions. Et c’était probablement ce qui l’avait poussé à ajouter, une pointe d’hésitation dans la voix : « Mais je … Enfin, si jamais il revient vers vous, je veux pas que tu te sente obligée de lui tenir rigueur de ce qui s’est passé entre lui et moi. J’ai pas envie que ton fils devienne un dommage collatéral de toute cette histoire. » La vérité c’est qu’il se sentait bête d’avoir jalousé aussi longtemps une relation bien moins parfaite qu’il ne l’avait fantasmée entre Livia et son père, mais il refusait aussi d’avoir sur la conscience la possible privation du fils de cette dernière d’une partie de ses racines.
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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptyDim 11 Oct 2020 - 10:20

Le sujet de Nino était sensible, tout comme il l’était apparu dans l’autre sens par le passé pour Livia. Les deux frères, qui étaient pourtant plus proches qu’elle ne le serait jamais de Vitto, n’avaient visiblement que moyennement apprécié de réaliser qu’ils connaissaient tous les deux Livia, et cette dernière ne gardait pas un sourire ému de leur première entrevue à trois. Pour autant, si elle devait entrouvrir la porte à Vitto à nouveau, elle ne pouvait tout simplement pas se contenir d’aborder certains sujets qui lui paraissaient pourtant importants. Si elle devait se forcer à agir d’une certaine manière en sa présence et s’empêcher d’être elle-même, elle préférait encore ne pas le voir – du moins, c’était ce qu’elle s’était mis en tête après des mois de silence, et s’être faite à l’idée que les liens familiaux n’étaient pas forcément incassables, ce qu’elle avait durement réalisé peu à peu. Alors, malgré le risque qu'elle prenait là, elle ne pouvait tout simplement pas s’empêcher de demander des nouvelles de Nino, ne serait-ce que pour savoir s’ils se trouvaient toujours dans le même pays. « Il ne sait pas que je suis là, alors il ne viendra pas t’importuner si c’est ce qui t’inquiètes. » Ce n’était pas ce qu’elle lui avait demandé, et pas non plus ce qu’il l’inquiétait – d’autant plus qu’elle avait encore plus de mal à imaginer Nino franchir les portes de son épicerie. « Ça ne m’inquiète pas, la porte n’a jamais été fermée. » La porte de sa vie comme de son épicerie, pas plus pour Nino que pour Vitto d’ailleurs, et cela aurait été mentir que de prétendre le contraire, car elle se connaissait suffisamment pour savoir qu’elle ne leur aurait jamais réellement claqué la porte au nez. Cependant, cela ne voulait pas dire qu’elle était prête à accepter le même type de comportement que par le passé, ou à se montrer si bienveillante et demandeuse qu’elle l’avait été. « C’est plus ou moins la seule famille qu’il me reste. Alors s’il reste ici, je reste ici.  » Livia aurait presque été tentée de lever la main ou de se pointer du doigt, et de lui rappeler que techniquement, elle était aussi sa famille. Cependant, leur historique était bien trop compliqué pour qu’elle puisse le faire sans craindre qu’il s’agisse là d’une très mauvaise idée et d’une pression dont Vitto comme elle n’avaient pas besoin. Le simple fait qu’il soit là devant elle était déjà un pas qu’elle appréciait, mais il n’était plus question de se lancer tête baissée vers lui pour la simple raison qu’ils partageaient une certaine quantité indéterminée de gênes.

A défaut de vouloir trop s’attarder sur le sujet de Nino ou encore de la vie de Vitto dont elle ne connaissait en fin de compte pas grand-chose, Livia sauta sur l’occasion de faire comprendre à sa manière qu’elle n’était pas la femme à la vie parfaite que Vitto s’était imaginé. Les accusations dont elle avait été victimes étaient à la fois injustes et fausses, car sa relation avec son propre était loin d’être au beau fixe – d’autant plus depuis la naissance de son fils et la découverte plus que tardive d’un demi-frère. « Je suis désolé. Pour ton fils, je veux dire … C’est dommage que ça se passe comme ça. » Il avait tout résumé, et Livia pouvait difficilement le contredire, car cela faisait partie de ses plus gros regrets mais aussi des choses sur lesquelles elle ne voulait pas se retourner – si son père n’était pas capable de se soucier d’elle autant que de ses affaires, elle refusait désormais d’être la seule à s’investir pour cette famille. « Mais je … Enfin, si jamais il revient vers vous, je veux pas que tu te sente obligée de lui tenir rigueur de ce qui s’est passé entre lui et moi. J’ai pas envie que ton fils devienne un dommage collatéral de toute cette histoire.  » La proposition n’était que plus appréciable en sachant que Vitto avait en tête au fils de Livia, pensée à laquelle elle était forcément sensible. Elle hocha la tête et offrit un sourire reconnaissant à l’italien avant de terminer son café et de le poser sur la table. « Malheureusement c’est plus seulement par rapport à toi, mais aussi par rapport à moi. Je lui en veux trop pour tout oublier. » Evidemment, Vitto ne pouvait que faire partie des choses qu’elle reprochait à son père, mais l’amas de reproches était trop gros pour qu’elle réussisse à passer à côté malgré la bénédiction inattendue de son demi-frère. Elle allait ajouter que leur père ne méritait pas de se retrouver au centre de leur conversation lorsqu’elle entendit la porte s’ouvrir, ce qui signifiait certainement qu’un de ses employés était arrivé, et que la pause-café devait s’achever. Malheureusement ou heureusement, elle ne savait pas trop le dire, mais elle espérait néanmoins avoir l’occasion de revoir Vitto avant de décider ou non s’ils avaient vraiment autre chose à échanger que quelques mots. Elle passa donc la tête par la porte avant de se retourner vers l’italien et de lancer une bouteille à la mer dont il pourrait faire ce qu’il voulait. « Je vais devoir m’y remettre, désolée. Mais si mon fils ne peut pas voir son grand-père, il serait sûrement content de rencontrer quelqu’un d’autre de la famille. » Son oncle ? Il était peut-être un peu tôt pour le qualifier ainsi, du moins à voix haute et de manière assurée, mais la bouteille était lancée.

@Vittorio Giovinazzo

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Message(#)heaven only knows (vitto #1) EmptySam 7 Nov 2020 - 10:33

De toutes les choses que l’italien avait pu dire à Livia lors de leurs précédentes entrevues les mises en garde au sujet de Nino n’étaient pas de celles qu’il regrettait. Bien sûr son cadet semblait s’être enfin décidé à se prendre en main, la faute à cette paternité qu’il semblait avoir plus à cœur d’assumer que Vittorio ne l’en aurait cru capable. Bien sûr qu’à titre personnel l’aîné trouverait toujours des excuses au cadet pour ses erreurs et ses mauvaises décisions, mais il s’agissait d’un fardeau qu’il avait lui-même fait le choix de porter et pour rien au monde ne l’imposerait-il à qui que ce soit d’autre. Malgré ses mises en gardes Livia semblait cependant faire preuve de la même candeur à l’égard de Nino qu’à l’égard de la sienne, et lorsqu’elle avait argué « Ça ne m’inquiète pas, la porte n’a jamais été fermée. » Vittorio n’avait dès lors pas eu le cœur à tenter une nouvelle fois de l’appeler à la méfiance. Certaines désillusions avaient besoin de se vivre pour servir de leçon … à moins qu’une infime partie de lui espère à autre-chose qu’un fiasco, mais au fond quelle importance ? Nino ne lui avait plus mentionné Livia depuis une éternité, et Vitto n’avait aucune raison de soupçonner que son cadet ait la moindre intention de reprendre contact avec la jeune femme … Après tout, elle n’était pas sa sœur à lui. Elle n’était même pas totalement celle de Vitto non plus si l’on s’en tenait aux propres critères de l’italien. Pour des tas de raisons qu’il ne se sentait ni le temps ni l’envie de développer subsistait encore la volonté de conserver entre l’épicière et lui une certaine distance, la volonté claire de ne pas vouloir lui donner une place similaire ou approchante à celle occupée par Nino – et par Gennaro, s’il le fallait – et qu’il lui fallait néanmoins concilier avec le fait d’être revenu vers elle ce matin-là, quand absolument rien d’autre que sa conscience ne l'y obligeait … Cela voulait forcément dire quelque chose. Ça comme le fait de ne surtout pas laisser à Livia l’occasion de mettre à mal ses relations avec son père, simplement parce qu’elle se sentait investie de Dieu savait quel devoir de morale qui l’empêcherait de cautionner les infidélités de ce dernier et l’enfant – ou les enfants, qui sait – qui en résultaient. « Malheureusement c’est plus seulement par rapport à toi, mais aussi par rapport à moi. Je lui en veux trop pour tout oublier. » Y’en avait-il donc autant ? Maintenant n’était sans doute ni le moment ni le lieu pour tenter de le savoir, et la curiosité qui brûlait les lèvres de l’italien devrait accepter d’être remise à plus tard … un énième compromis qu’il ne s’était pas imaginé faire ce matin en quittant son lit. « Je vais devoir m’y remettre, désolée. » avait-elle finalement repris, le sortant des pensées dans lesquelles il s’était lentement laissé glisser. « Mais si mon fils ne peut pas voir son grand-père, il serait sûrement content de rencontrer quelqu’un d’autre de la famille. » Il lui avait fallu quelques secondes pour réaliser que c’était à lui qu’elle faisait référence, et affichant un air surpris il avait bafouillé un « Moi … ? Je ne sais pas, je … Je suis pas vraiment doué avec les enfants, tu sais, alors je … » trahissant un malaise au moins équivalent à celui qui s’était emparé de lui la dernière fois que Nino lui vit collé sa fille dans les bras sans lui laisser le temps de réagir. Mais cela ressemblait à une fausse excuse, une énième tentative pour lui de se défiler devant la difficulté, et face au regard que lui avait lancé la jeune mère il avait fini par plier « Je vais y réfléchir. » et même ajouté « C’est promis. » Elle n’était pas en mesure de le savoir, bien sûr, mais Vittorio n’était pas le genre à promettre dans le vide ; Voilà pourquoi il le faisait si rarement. « Je te laisser travailler, je ne voudrais pas te mettre en retard. » Reposant sa tasse de café vide sur le comptoir, il avait pris la liberté de se saisir d’un stylo et de griffonner son numéro de téléphone sur un coin de ticket de caisse. « Appelle-moi si tu as besoin … Ou juste si tu as envie. Enfin, tu vois. » Non, elle ne voyait probablement pas, et lui non plus en vérité, aussi s’était-il fendu d’un « Merci pour le café. » et avait enfin pris congé, incertain d’avoir accompli quoi que ce soit en venant jusqu’ici mais débarrassé au moins d’un poids qu’il n’ait jusque-là pas réalisé avoir si lourdement sur ses épaules.
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