| step on the glass, staple your tongue | saülinny #2 |
| | (#)Mar 7 Avr 2020 - 0:29 | |
| Il a fait des efforts, Saül. C'est juré qu'il essaye, même un peu, à s'enfermer dans la cuisine pour tenter de garder son calme malgré la présence d'Elise, qui rode dans les couloirs comme un oiseau de proie. Cosimo n'est plus à la maison. Il n'y a plus personne pour l'emmerder quand il est dans son bureau, sauf Elise. Et précisément, Elise l'agace. Elle le fait moins quand il cuisine, quand il met la radio pour couvrir les jurons qu'il lâche en se brûlant les doigts. Saül est rouillé, lui qui ne cuisine plus autant qu'avant. Il n'y a plus personne pour qui cuisiner dans cette maison vide, de toute façon.
Oui, c'est lui qui a pâtissé ce gâteau vert, qui donne l'illusion d'être à quelque chose comme de la pomme, quand la ganache est à la framboise et le glaçage à la vanille. Il a revêtu ses habits les plus simples, Saül, pour aller sur le territoire de son frère. Pour montrer patte blanche, pour une raison obscure connue de lui seul. Mais c'est Ginny qui va amadouer avec un gâteau vert pistache. Auden ne pourra rien lui reprocher, s'il vient avec un gâteau de sa main, si ? Et puis de toute façon, le quarantenaire s'en fiche. Il sait que ce gâteau est parfait. Parfaitement emballé - ça en donne l'illusion - aussi, dans un carton de pâtissier qu'il a monté lui même grâce à un tutoriel sur YouTube. Un carton de pâtissier recommencé trois fois après quatre poings cognés sur la table et huit "bordel de merde" grognés en essayant d'attacher le rafia. On croirait qu'il débarque pour assister à un officie religieux, avec son gâteau à la main et ses cheveux coiffés. Une véritable colombe de la paix aux traits fermés et à la montre brillante.
C'est sans gêne qu'il fait son entrée dans l'atelier, le menton haut et le regard prêt à sonder les environs. Peut-être espère-t-il croiser ici Cosimo. Il sait que le jeune homme est déjà venu traîner par ici, à son grand désarroi. Le fils prodige se fait plus rare, à la maison, au grand dam de Saül qui sent sa petite famille sur le point d'exploser en dizaines de très petits morceaux. C'est peut-être déjà le cas, en fait. Voilà pourquoi aujourd'hui, il faut montrer patte blanche. Il faut faire preuve de diplomatie, un art que l'italien n'a jamais vraiment trop maîtrisé.
C'est Ginny que Saül aperçoit, au fond de l'atelier. « Il n'est pas là, l'autre ? » Bonjour Ginny, bonjour. « Certaines choses ne changent pas. » Tout change tout le temps, en fait, mais Saül est un peu trop récalcitrant aux changements pour les voir vraiment apparaître. Son petit quotidien déjà bousculé le supplie de s'enfuir loin de ces gens qui menacent sa tranquillité et pourtant, le voilà aussi statique que le Colosse de Rhodes, sa boîte blanche - et franchement laide - entre les mains. « J'ai fait un gâteau. Non, je n'ai pas mis de cyanure dedans. Oui, tu peux en prendre une part. » Ils pourraient tout manger avant qu'Auden n'arrive. Le plan semble parfait. « Comment est-ce que tu te portes ? » Il a beau guetter, Cosimo n'est pas en vue. C'est chez lui qu'il apportera un gâteau, la prochaine fois. Dans très longtemps. Mais un jour, quand même. |
| | | | (#)Mar 7 Avr 2020 - 3:55 | |
| « Il n'est pas là, l'autre ? Certaines choses ne changent pas. » « Hey Saül! »
J'ai appris le plus naturellement du monde à faire la part des choses entre Auden et Saül. À ne pas tiquer quand l'un critique l'autre, à faire office de tampon entre eux deux de toutes les façons possible et inimaginables sans que jamais l'un ou l'autre ne me le demande ou ne veuille même que je le fasse. C'était venu instinctivement, et ce n'était certainement pas aujourd'hui que j'allais faillir à la tâche d'en couvrir un quand son frère arrive à la galerie avec la pique à son sujet au bord des lèvres.
Si mes pas sont relativement maîtrisés quand je parcoure la salle de montre pour le rejoindre à l'entrée, ils se précipitent dès la seconde où il avance l'offrande qui se cache dans la boîte qu'il tient fermement en main. « J'ai fait un gâteau. Non, je n'ai pas mis de cyanure dedans. Oui, tu peux en prendre une part. » mes yeux s'arrondissent, mon sourire s'agrandit, j'ai faim là, je suis affamée d'un coup et c'est l'horreur, et c'est l'enfer, et c'est la damnation de réaliser que gâteau veut dire sucre, que sucre veut dire faire attention et que faire attention veut dire si j'en prends la moindre bouchée Auden va hurler parce que le médecin a dit que c'était tout sauf bon pour le bébé. « Juste une? Oh allez, deux au moins. » mais le truc, c'est que tout le monde sait que je suis un estomac sur deux pattes, d'habitude. Et le truc, c'est que d'habitude, je n'ai pas à cacher ce qui se trame sous mon t-shirt, mon cardigan de laine que je rapatrie sur mon ventre sans même y penser comme si ça allait masquer quoi que ce soit qui n'est pas encore apparent, de toute façon. « Tu l'as vraiment fait fait? Ou fait acheté? » faites que ce soit fait acheté, faites qu'il ait pas passé la moindre seconde à y donner tout ce qu'il a comme amour et attention, faites que le glaçage soit au faux sucre et faites que je n'ai pas à justifier quoi que ce soit parce que ce n'est pas à moi de lui annoncer et que la marque des trois mois à attendre me pèse, surtout quand l'atelier sent bon la pistache à travers son emballage maison.
« Comment est-ce que tu te portes ? » dammit, il l'a fait lui-même, il reste de la farine dans ses cheveux. « Bien. Toi? » je me hisse à la hauteur de sa tempe, laisse mes doigts frôler sa mèche poudrée une seconde une seule, avant de redescendre sur mes talons et de compléter du sourire le plus rassurant que j'ai en banque. Ça va, vraiment, et de ce que je vois à l'air le moindrement à l'aise qu'il arbore au fur et à mesure de ses regards diffus dans la galerie, il semble bien aller lui aussi. Du moins, assez pour que je n'ose pas scruter, impolie, ses prunelles au vol. « Ton gâteau par contre, il se portera moins bien quand j'aurai réussi à attraper les assi - » mes mots se perdent en même temps que mes pas, quand je le laisse dans mon sillage pour filer à la cuisine et me percher sur une chaise le temps de dégainer des assiettes et des ustensiles dans l'armoire du haut. Mon cerveau tourne à vive allure à la recherche de plans pour camoufler le secret que je partage avec Auden, entre les bouchées prises que je cacherai dans une serviette en papier, ou celles que je mettrai de côté pour Noah en espérant qu'il passe ici se gaver après les cours cours avant de filer chez Bailey pour la soirée. « - okay tout va. » assiettes prises, crise évitée, chevilles encore en état et sourire immense sur les lèvres.
Je trouverai une excuse c'est sûr, et entre temps, des milliers de distractions. « Café, avec? Je sais même pas comment tu le prends, attends, j'essaie d'improviser. » l'index levé pour l'empêcher de parler et garder une petite pointe de mystère, j'attrape une tasse vide le temps que la machine coule, tasse qui se remplit au fur et à mesure pendant que je m'occupe à me préparer un thé au gingembre en à-côté. Elise en avait vu plein la cuisine du temps de Londres, du temps des quelques mois avant Noah, Elise aurait su tout de suite, mais Saül ne remarquera sûrement pas. « Noir, corsé, sans cyanure. » de toute façon, je ne lui laisse pas le temps, faisant volteface pour lui tendre sa tasse avec la fierté d'une gamine qui espère avoir misé juste, au moins pour ça. |
| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 0:17 | |
| Pas de Cosimo en vue. Pas de Auden non plus. Les épaules de l'italien se détendent un peu alors que ses yeux sondent l'atelier. Ginny est déjà en vue, alors que le paquet tient fermement entre les doigts de l'italien. Saül se sent un peu ridicule, de venir avec un gâteau. C'est trop sérieux, trop formel, trop maladroit, trop trop trop. Le quarantenaire sait pourtant que le présent fait plaisir, vu le sourire de Ginny, auquel il ne répond que par un regard ailleurs. « Juste une? Oh allez, deux au moins. » « C'est toujours moins bon le lendemain, un gâteau. Il faut tout manger dans la journée. », qu'il précise encore, un index en l'air. Ce n'est ni vraiment sérieux, ni trop une plaisanterie. « Tu l'as vraiment fait fait? Ou fait acheté? » Le voilà qui lève les yeux au ciel, les doigts encore crispés sur sa boîte blanche, fermée si maladroitement qu'il se pourrait qu'elle ne lâche. Quand le gâteau sera par terre, Saül accusera la qualité - ou plutôt l'absence de qualité - du carton utilisé. Non, surtout pas ses mains maladroites et ses doigts malhabiles, surtout pas ce maudit scotch avec lequel il s'est battu et surtout pas non plus avec cette bobine de rafia après laquelle il a couru à travers la cuisine. « Du verbe faire. C'est pas grand chose, juste ce qu'il me restait en cuisine. » Ce qu'il restait en cuisine et puis une matinée de course à sélectionner des denrées improbables, comme le fameux sirop d'agave, pour limiter le taux de sucre. Et puis des fruits frais, aussi, pour contrebalancer le fait que la ganache soit au beurre et contienne une infinité de calories.
« Bien. Toi? » Il est désarçonné, Saül, quand Ginny se met à sa hauteur. Il fronce les sourcils, louche sur la mèche de cheveux de laquelle tombe un peu de poudre blanche. « La routine. » L'italien recule légèrement la tête, comme par réflexe, pas très à son aise dans la proximité. La routine, sauf que la famille s'agrandit. La routine, sauf que c'est tout sauf la routine, en fait. « Ton gâteau par contre, il se portera moins bien quand j'aurai réussi à attraper les assi - » « Il se mange très bien dans la boîte, sinon. » La boîte en carton trouve une table quelconque, alors que les mains se Saül trouvent un pinceau encore couvert de peinture. « - okay tout va. » Son ton est étrange, à Ginny. Alors l'italien se détourne, la détaille des yeux, dans la plus caractéristique de ses mimiques : les sourcils froncés. « Tu es sûre ? » Il sent que quelque chose n'est pas normal. Sauf qu'elle, elle ne sait pas qu'il sait, justement. Bras croisé, appuyé sur une table, Saül écouter Ginny virevolter à travers la pièce. « Café, avec? Je sais même pas comment tu le prends, attends, j'essaie d'improviser. » C'est évident, comme il le prend, c'est écrit sur sa dégaine d'homme pressé. La pièce embaume bientôt une odeur de gingembre et le quarantenaire fronce le nez. C'est tout son visage qui ne pourra plus être résumé autrement que par un immense froncement, bientôt. « Noir, corsé, sans cyanure. » « Parfait. Merci. Tu pouvais laisser le cyanure, j'essaie de me mithridatiser. » "Juste au cas où Auden voudrait jouer les empoisonneurs", qu'il retient au bord de ses lèvres, pour plutôt aller les tremper dans le café brûlant.
Les doigts de Saül effleurent à nouveau la boîte blanche qui contient son oeuvre à lui. Son art à lui. Sa manière à lui de jouer des épaules pour affirmer que lui aussi, il sait faire un truc de ses dix doigts, qui ne soit pas le maniement de billets de toutes les couleurs ou de l'une de ses cartes bleues. « Je sais que mon fils est venu ici. L'as-tu croisé, récemment ? » Son souffle se perd sur l'onde noire, alors que la chair de sa main brûle contre la tasse. « Je paye pour qu'il soit loin de moi. C'est un comble de venir le chercher ici. » Oui mais voilà, la petite famille ne sait plus vivre sous le même toit. C'est très bien, que Cosimo ne vive plus chez ses parents. Saül voudrait simplement retrouver un temps qui a existé jadis, celui de la tranquillité et de l'insouciance, quand tout le monde se savait protégé par les liens sacrés de la famille. « Ils sont fatigants, ces enfants, mmh ? » Ses yeux bleus se plantent dans ceux de la jeune femme, alors qu'il avale encore une gorgée de café. Oh qu'il jubile, derrière son masque d'indifférence. Parce que le gâteau est fait pour elle, avec son grand "félicitations" en chocolat écrit sans bavure sur le glaçage. « C'est pour ça, le gingembre ? » Un temps d'arrêt, juste assez pour essayer de voir les yeux de Ginny s'agrandir, mais pas assez pour lui laisser le temps de répliquer. « Je veux dire, pour supporter Auden. C'est un grand enfant, lui aussi. » Oui mais voilà, Auden va être père. Saül va être oncle. Pour la deuxième fois. |
| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 1:52 | |
| Il se dégage à la seconde où mon index et mon pouce coincent une mèche fautive, la mèche, le temps de la nettoyer vite fait. « La routine. » je retiens un rire et un autre, calculant que très rarement à quel point il tient à sa bulle, l'oubliant plus souvent qu'autrement.
Mais rien n'importe, maintenant que je file, fuyarde, à la cuisine et que j'entends son pas typique, pressé, presque stressé qui me suit à la trace. « Il se mange très bien dans la boîte, sinon. » il range un pinceau, je souris en pensant aux quinze autres qui traînent juste dans mon champ de vision en me disant que s'il se met à ranger mon bordel, il y passera la journée sans même forcer le pauvre. « On m'a appris à bien me comporter en public. » je pouffe, le "on" qui est ici sous-entendu pour Elise, bien sûr qu'elle est derrière les quelques frasques et autres marques d'étiquette que j'ai gardées après les années. Elle n'est pas méchante sa femme, elle a simplement appris à grandir dans un monde où on lui en demandait tellement qu'elle a fini par en demander tout autant aux autres. Moi la première, petite nouvelle d'une autre époque, jeune première qu'elle a dû éduquer à la dure quand j'oubliais toujours de ne pas mettre mes coudes sur la table, de ne pas commencer par la grande fourchette mais bien la petite. « ... mais si t'insistes... » pourtant, il ne me le dira pas deux fois, le Saül qui s'émanciperait presque, alors que je l'imagine désormais bohème, les cheveux en bataille, le costard qu'il troque pour des vêtements amples en lin, et la boîte défaite de laquelle il mangerait son gâteau avec les mains. On n'y est pas du tout, mais la simple image attendrit tant mon sourire qu'elles resteront sur le comptoir, les assiettes.
« Tu es sûre ? » je lui tends sa cuillère, glisse la mienne dans la poche arrière de mon jeans là où je sens quelques restes de fusains qui y font leur vie depuis une poignée d'heures déjà. « Oui, oui. J'ai juste la tête ailleurs un peu, ces jours-ci. » j'aime pas mentir, je déteste au plus haut point et c'est probablement pour ça que je tente d'arrondir les coins à défaut de pouvoir être entièrement franche avec lui. Une part de moi s'y complait par contre, de lui cacher volontairement, parce qu'Auden doit être celui qui lui annonce, et parce que je ne me mêlerai jamais de leurs affaires quand bien même je porte un enfant qui prendra autant de leur famille que de la mienne. Je sais où est ma place, et au sujet de la grossesse, elle n'est pas aux devants d'Auden si ce n'est au moins à ses côtés. « Mais c'est gentil de demander. » que je souffle tout de même. Il n'était pas obligé de le souligner et il l'a fait, c'est tout à son honneur. « Parfait. Merci. Tu pouvais laisser le cyanure, j'essaie de me mithridatiser. » « Je le saurai pour la prochaine fois, alors. » la tasse de café qui suit, le regard complice avec.
J'ai la drôle d'impression qu'on a autant, lui que moi, une liste de divers items à ne pas aborder l'un l'autre, et qu'on les coche au fur et à mesure en peaufinant nos habilités à faire de la gymnastique avec les mots. « Je sais que mon fils est venu ici. L'as-tu croisé, récemment ? Je paye pour qu'il soit loin de moi. C'est un comble de venir le chercher ici. » Cosimo en est évidemment un, et si je laisse à Saül toute la place pour exprimer son inquiétude à travers des phrases concises qui le caractérisent mieux que qui que ce soit d'autre, ce n'est pas parce que je veux fuir le sujet, bien au contraire. « On est allés à la plage la semaine dernière, lui, Noah et moi. Et malgré toute ma bonne volonté il ne s'est pas encore mis au surf, c'est ça le vrai comble. » je plonge ma poche de thé dans l'eau bouillante, et plonge également mes yeux dans les siens sans le moindre reproche, le ton doux, taquin. Je sais que les choses ne sont pas faciles entre eux actuellement, mais jamais au grand jamais je ne confierai ce que l'un me dit sur l'autre, surtout pas quand j'imagine que chacun souhaite simplement le meilleur pour tous en bout de ligne. « Il va bien. Je pense qu'il avait prévu venir à mon atelier de jeudi prochain, si jamais t'es dans le coin. » par contre, il n'y a rien qui m'empêche de les mettre l'un sur le chemin de l'autre et de les laisser se gérer entre eux.
Elle est maudite, la gorgée bouillante qui me brûle la langue et les lèvres, quand sa question me brûle les oreilles. « Ils sont fatigants, ces enfants, mmh ? » « Mmh? » oh, Ginny. Et ma voix est bien trop aïgue, et mes yeux sont bien trop gros, et le thé que j'ai tout le mal du monde à garder dans ma bouche, celui que j'aurais facilement pu recracher aussi vite si sa femme ne m'avait pas appris les bonnes manières - « C'est pour ça, le gingembre ? » - bonnes manières que j'oublie, évidemment, quand je le recrache direct dans ma tasse de peur de m'étouffer et qu'au final, c'était totalement prévisible. « Je veux dire, pour supporter Auden. C'est un grand enfant, lui aussi. » il est douloureux le souffle qui se casse sur la porcelaine de ma tasse. « Oh, euh - oui, je - » ils sont fuyants, mes yeux, quand ma main a envie de se lover contre mon ventre pour cacher quoi que ce soit du monde entier, même si je sais que le simple geste serait beaucoup plus traître que tout le reste. D'office mes doigts ne font que se resserrer sur l'anse, alors que mes prunelles parcourent la cuisine à la recherche d'un point d'ancrage, n'importe quoi.
« Pardon, j'étais juste en train de me demander, c'est toi qui a fait l'emballage aussi? » elles ont finit sur la boîte de carton blanc immaculé mes prunelles, le ruban de rafia ramené avec soin, et les quelques bouts de scotchs que je vois dépasser comme tant d'indices que ça aussi, il a fait fait, finalement. |
| | | | (#)Lun 13 Avr 2020 - 16:12 | |
| « Oui, oui. J'ai juste la tête ailleurs un peu, ces jours-ci. » Bien sûr. Aurait-il deviné le pot aux roses, si Auden n'était pas déjà passé par là ? Aurait-il compris, avec l'attitude de la jeune femme ? Probablement pas. Peut-être se serait-il douté que quelque chose ne tournait pas rond. Peut-être aurait-il consulté Elise, même si cela le tue de l'admettre. Elise sait toujours tout, vraiment tout. Bien plus que lui, qui manque cruellement d'observation et d'empathie. « Mais c'est gentil de demander. » A la trace de gentillesse dans la phrase, Saül hausse les épaules et croise ses bras sur ses reins. Ses doigts se perdent ci et là, où règne un bazar artistique qu'il trouve insupportable à contempler. Lui, le fou du rangement, lui qui repère un changement dans l'ordre de ses stylos quand il ne remarque même pas les changements de coupe de cheveux de sa femme. Heureusement, la tasse de café lui occupe très vite les mains et il peut se concentrer sur Ginny et sur Ginny uniquement. « Je le saurai pour la prochaine fois, alors. » Ginny qui parle cyanure quand la pièce embaume le gingembre et le café.
Evidemment, que Cosimo est venu ici. Plus il grandit, plus il devient difficile de le faire raisonner. Plus il gagne en indépendance et plus il s'éloigne de sa famille, de sa vraie famille. Cette famille auprès de laquelle il a grandi. « On est allés à la plage la semaine dernière, lui, Noah et moi. Et malgré toute ma bonne volonté il ne s'est pas encore mis au surf, c'est ça le vrai comble. » « Mm-hm. » Son semblant d'approbation est plus dubitatif que jamais. La plage. Des sorties que la petite famille avait l'habitude de faire quand Cosimo était plus jeune, en somme. Elise tuerait probablement pour avoir ces moments là avec son fils. « Il va bien. Je pense qu'il avait prévu venir à mon atelier de jeudi prochain, si jamais t'es dans le coin. » « Auden sera là aussi, c'est une mauvaise idée. », qu'il lâche simplement sans secouer la tête pour autant. Malgré tout, il sait qu'il ne viendra pas. Saül sait quand il ne doit pas outrepasser les limites. Surtout depuis sa dernière entrevue avec son frère. « Cosimo est un grand garçon. Il râlerait rien qu'en me sachant ici. » Ou peut-être que le jeune homme apprécierait que son père montre un peu de curiosité quant à ses activités.
Le semblant de piège se referme doucement. Le ton change imperceptiblement, alors que Ginny manque de s'étouffer avec son thé. Saül sait qu'il a gagné. Il sait aussi combien le stress est mauvais pour la grossesse, on l'a assez répété à Elise alors qu'elle ne savait même pas encore qu'elle ne pourrait jamais porter la vie en son sein. Voilà pourquoi il est déjà prêt à abandonner la partie. « Oh, euh - oui, je - » L'italien enfile son café brûlant d'une traite, repose doucement la tasse sur la surface à côté de lui. C'est presque un sourire qui anime son visage, lorsqu'il tombe sur les prunelles confuses de Ginny. « Pardon, j'étais juste en train de me demander, c'est toi qui a fait l'emballage aussi? » « Mmh ? Oui. Splendide, n'est-ce pas. » A son tour de poser ses yeux sur cet emballage qu'il déteste. Le rafia solidement noué, le scotch qui dépasse, le carton plié et déplié à certains endroits qui n'ont pas lieu d'être : tout indique combien le quarantenaire a maudit sa piètre oeuvre de jurons. « Ne le regarde pas trop. C'est ce qui est à l'intérieur, qui compte. » Ouvre le, Ginny. |
| | | | (#)Mar 14 Avr 2020 - 3:09 | |
| « Auden sera là aussi, c'est une mauvaise idée. » l'argument numéro un est dégainé aussi vite que son ombre, mon hochement de tête n'en est que conciliant. Je ne peux pas nier qu'Auden risque d'être là, au sens où ici reste tout de même autant sa galerie que la mienne et qu'il aurait tous les droits d'errer dans le coin peu importe ce que qui que ce soit lui demanderait, moi la première. « Cosimo est un grand garçon. Il râlerait rien qu'en me sachant ici. » et l'argument numéro deux suit de près, sa façon bien à lui d'élever son fils que je ne jugerai jamais, respectant qu'il n'ait jamais pointé de son côté ma manière d'élever le mien.
L'invitation reste toutefois, et ce n'est pas parce que je cède en silence à son duo de refus que je ne réitèrerai pas, une fois ou quinze autres. Malgré les tensions et malgré les disputes, il sera toujours le bienvenu chez moi peu importe ce qu'on en dit et j'ose espérer, naïvement j'en conviens, qu'il le sait.
« Mmh ? Oui. Splendide, n'est-ce pas. » c'est à ça, que je me rattache, le plus lâchement du monde. À un emballage fait maison, ma main qui essuie du revers de la paume mon menton encore inondé d'une gorgée de thé que j'ai recrachée dans la plus grotesque des surprises, des impolitesses. Et sa voix que je reconnais, il a le même ton que son frère quand il critique, ils ont les mêmes mots qui chantent, l'identique et pareille ironie du bout de la langue. L'un l'autre ragerait que je le souligne à voix haute, je le garde donc égoïstement que pour moi, ce commentaire-là. « J'aime beaucoup la couleur du rafia. » ce qui est la plus pure et stricte vérité. Mes doigts se perdent sur l'emballage et camouflent un bout de scotch au passage sous les rubans, comme si j'allais arriver à masquer les quelques bribes qu'il déteste avec autant de vigueur, quand la fibre clichée de mon être apprécie le simple fait qu'il ait eu l'intention de faire, bien loin devant le résultat final. « Ne le regarde pas trop. C'est ce qui est à l'intérieur, qui compte. »
Mon menton et mon visage en entier se redressent vers lui, maintenant. Il a une lueur de malice dans le regard, il a presqu'un rictus heureux aux lèvres et je renouvelle ma promesse silencieuse d'un jour arriver à dénoter un véritable sourire là, juste là. En attendant, ma silhouette se prête au jeu quand j'oublie mes remontrances muettes et mon manque d'aisance d'il y a quelques minutes à peine pour m'installer sur l'une des chaises dépareillées entourant la table où la boîte est nonchalamment disposée. C'est ce qui est à l'intérieur, qui compte. Voyons voir, alors.
« Oh, Saül. » ma voix murmure, à peine, il l'entendra assurément et je n'en doute pas une seule seconde. Le "Félicitations" est là, bien évident, bien clair, criant. Il s'impose sur le dessert en grand, en majuscules, comme l'italien aujourd'hui. Il est sans équivoque et il fait un bien fou, dans toute sa complexité. Mes yeux scrutent les lettres, je m'étonne à dénoter sa calligraphie quand je ne me souviens pas l'avoir vu transcrire quelques lettres que ce soit au fil des années où son chemin a croisé le mien. Alors c'est comme ça, qu'il écrit. J'essaie de deviner s'il est droitier (probablement), gaucher (trop artiste pour lui, trop progressiste), ou même ambidextre comme Aude (l'égo aidant, au final), avant de réaliser que j'ai passé une longue poignée de minutes à scruter le dessert sans même dire quoi que ce soit.
Les mots sont obsolètes, parfois. « Si ce sont de vrais fruits et si c'est bien de l'agave que je sens, là, je - » jusqu'à ce que mon intérêt dérive vers la garniture, et que mon index et mon pouce suivent le mouvement en piquant une fraise, et une autre. J'ai les lèvres déjà tachées de ganache sans même en avoir pris la moindre bouchée lorsque mes prunelles viennent trouver les siennes. Que je ne prends même pas la peine de demander d'où il est au courant, la réponse venant d'elle-même, et ma confiance s'y greffant. « Merci. Pour ce que ça vaut pour toi, ça compte beaucoup pour moi. » que je finis par souffler. Après avoir hésité pendant une longue seconde à peser le pour et le contre en sachant très bien que j'allais ultimement me dégager de ma chaise et me hisser à sa hauteur, je pose sur sa joue un baiser chaste d'à peine une seconde une seule, empli de toute la gratitude et de tous les remerciements que j'arriverai jamais à paraphraser, de toute façon.
« Il sait, que tu allais faire ça? » |
| | | | (#)Sam 18 Avr 2020 - 1:52 | |
| « J'aime beaucoup la couleur du rafia. » Un ricanement secoue sa poitrine, à Saül. Juste un. Pour sûr qu'elle ment pour lui faire plaisir. Le reste du rafia, il va le balancer à la poubelle aussitôt arrivé chez lui. L'italien en a acheté de trop, de toute façon, comme s'il avait senti que sa maladresse allait lui coûter trop, beaucoup trop de ce ruban sec. Elle le tue d'impatience, Ginny, quand elle examine le paquet comme si c'était ça, le vrai cadeau. Ça, et pas ce qu'il contient. Et peut-être qu'au fond, il a passé plus de temps à essayer de créer cette maudite boîte qu'à le parfaite, son gâteau allégé en sucre, en crème, en tout, gnagnagna.
« Oh, Saül. »
Ses yeux banquise n'ont pas quitté Ginny, et le quarantenaire se délecte de ses réactions, les mains croisées dans le dos. Son sourire n'est peut-être pas sur ses lèvres, mais il monte au moins jusqu'à ses yeux clairs. « Il te plaît ? » Juste pour se être sûr, juste pour s'assurer qu'il a tapé dans le mille et pas un centimètre à côté. Lui-même se penche sur le gâteau, pour s'assurer que ce maudit carton ne lui a pas retiré une once de sa superbe. « Si ce sont de vrais fruits et si c'est bien de l'agave que je sens, là, je - » « Non les fruits sont en plâtre, Ginny. » C'est plus fort que lui, il ne peut pas s'empêcher de faire du sarcasme, le ton acide comme les fruits de son gâteau et les yeux au ciel. Voilà que la présentation du gâteau est toute dérangée, même si le félicitations n'est pas du tout dégradé. Cette partie là lui a pris du temps, de la patience, de la concentration. « Merci. Pour ce que ça vaut pour toi, ça compte beaucoup pour moi. » Il ne jouera pas les "c'est juste un gâteau" ni les "ce n'est pas grand chose", parce qu'il n'en pense pas un seul mot. Ce n'est pas juste un gâteau, de toute façon. C'est un geste d'affection. Mais si vous lui demandez, c'est juste un cadeau fruité.
Le baiser de Ginny dure assez pour que Saül échappe un nouveau souffle, son rire gêné à lui. « Il sait, que tu allais faire ça? » Son mouvement de tête, de gauche à droite, indique la négative. « Il me tuerait probablement s'il me savait ici. Mais je crois que- » que c'est important, que c'est normal, que c'est ce que les gens font quand ils acceptent quelqu'un dans leur famille. « -tu aimes bien les gâteaux, alors, voilà. » A son tour de voler une fraise comme si de rien n'était. « Vous n'allez pas donner de réception ? Pour le mariage. » Il connaît un super traiteur, Saül : lui-même, roi des choux à la crème et des plats qu'il n'a plus cuisiné depuis trop longtemps. Sa cuillère roule entre ses doigts, alors qu'il attend que Ginny lance les hostilités; par politesse. « Comment c'était, Firenze ? » Sa cuillère attrape un morceau du gâteau, alors qu'il tend assez la tête pour éviter de s'en renverser dessus. Dans sa tête, c'est le branle-bas de combat, alors qu'il revoit tout ce qu'il aurait pu faire pour améliorer encore ce gâteau. La cuillère tourne à nouveau entre ses mains, alors que ses yeux quittent le présent pour essayer de trouver ceux de la jeune femme. « Est-ce que Auden te rabâche assez qu'il ne faut pas manger trop de sucre, trop de sel, trop de donuts, pas de poisson cru du tout ni de fromage ? » C'est que Saül n'a aucune idée de comment pourrait être son frère dans ce genre de moment, vraiment aucune, pas alors qu'il est celui qui s'est occupé de sa progéniture. Il y a longtemps qu'il ne peut plus entrer dans sa tête ni prédire ses gestes, il y a longtemps aussi qu'il a compris que ce temps là ne reviendrait jamais.
Le quarantenaire coince un instant la cuillère entre ses dents, avant de l'en dégager à nouveau. « Tu fais le truc des fruits secs pour avoir un garçon ? Les fruits frais, c'est pour avoir une fille, il paraît. » C'est là que sa cuillère se pointe sur le gâteau coloré. Lui a choisi son camp. |
| | | | (#)Dim 19 Avr 2020 - 22:10 | |
| Et il est là, en grand, évident. C'est une déclaration en soit, et c'est tellement plus qu'il ne le croit. Parce que jamais personne ne m'a dit de tels mots, même un seul mot du genre. Personne ne m'a félicité quand Noah est arrivé, personne ne l'a fait non plus quand j'ai enfilé la bague au bon doigt. Lola a été la plus loquace de tous et elle avait de jolis voeux au bout des lèvres, mais c'est sans surprise que ma famille s'est braquée, que tout le monde au final, en a été brusqué à prime abord. Tout le monde sauf lui, apparemment. « Il te plaît ? » l'hochement de tête de la positive que je lui rends est obsolète, l'immense sourire sur mes lèvres aussi. Il me dégage de toute pression à ravaler un trop plein d'émotions avec sa pique qui me fait l'effet d'être le plus grand soulagement possible. « Non les fruits sont en plâtre, Ginny. » « Et le "Félicitations" est en bitume? » je pouffe de rire, y ajoute même un index qui tâte le glaçage comme pour confirmer mes dires. « Il est parfait. » il vaut tous les meilleurs souhaits du monde, à mes yeux.
« Il me tuerait probablement s'il me savait ici. Mais je crois que- » j'inspire, joue de ma fourchette, cherche le meilleur endroit pour attaquer et surtout pour lancer des hostilités autres que celles qui mettront Auden au centre d'une conversation qu'il détesterait sans même en connaître le fond. « -tu aimes bien les gâteaux, alors, voilà. » et elle est parfaitement assemblée la bouchée impeccable, celle où tous les ingrédients sont impliqués, celle qui me permettra de tout goûter. « La rumeur dit vrai. » mon sourire immense, mes joues tartinées de ganache et mon engouement à tout déguster même si ça veut dire me disloquer la mâchoire dans le processus ne le confirment que trop bien. « Vous n'allez pas donner de réception ? Pour le mariage. » oula. Je prends le temps de me replacer sur ma chaise, cherchant mes mots quand rien de ce qui suivra ne devrait l'étonner vraiment. « Si on arrive à faire un plan de salle qui ne provoque pas la moindre bagarre à la seconde où les invités s'installent ça sera peut-être une option, un jour. » il se doute sûrement du chaos de mon côté de la famille, je ne pointerai pas celui qui fait office du sien pourtant. J'ose espérer qu'on se comprenne et surtout qu'on en vienne à doucement changer de cap sans aborder d'éternels sujets qui fâchent. Je veux me rappeler de ce moment comme d'un instant parfait, le reste sera à gérer plus tard.
« Comment c'était, Firenze ? » il est doué Saül, pour lire le bon moment où la transition est nécessaire. Ça doit être un truc d'homme d'affaires. Il est doué et il tombe pile sur ce dont je pourrais parler pendant des heures si on m'en donnait le droit. « C'était incroyable Saül. Tout était trop bon, et tout était si beau, et ça sentait les fleurs partout et les couchers de soleil étaient parfaits et les musées étaient tellement immenses et je m'emporte là, n'est-ce pas? Tu sais tout ça. » et même si on ne me l'autorisait pas. Je pouffe de rire, roule des yeux envers moi-même. Il est italien, il doit connaître Florence sur le bout de ses doigts. Il a tous les droits de se moquer intérieurement de la touriste en puissance que j'ai été, pendant quelques jours à peine, le mariage à la clé.
À son tour de goûter sa création, je reste à l'affût de la moindre expression qui vendrait son appréciation sans qu'il n'en dise un mot. « Est-ce que Auden te rabâche assez qu'il ne faut pas manger trop de sucre, trop de sel, trop de donuts, pas de poisson cru du tout ni de fromage ? » le ton de sa voix est attendrissant, je n'en ferai pas de cas. Mais je le note mentalement comme un des instants volés où il s'intéresse vraiment à son frère mais préfèrerait mourir que de l'avouer. « Auden, et les médecins. » je précise, avant de rattraper le coup la seconde d'après, consciente que mon approche n'a rien de rassurant. « C'est rien de bien grave, hen, surtout pas. Mais mon taux de sucre était plutôt haut aux premières prises de sang, du coup on fait attention. » ce n'est que de la prévention que je n'arrête pas de me répéter, pour dédramatiser une situation qui aurait tout pour m'inquiéter. J'inspire, reprends une gorgée de tisane au gingembre frais, ravale le reste pour laisser un énième sourire en coin orner mes lèvres éternellement collées de faux sucre désormais. « Le pauvre gars qui va devoir me supporter pendant les prochains mois à pas pouvoir boire de café ni manger de desserts ; j'espère qu'il est prêt pour l'apocalypse. »
« Tu fais le truc des fruits secs pour avoir un garçon ? Les fruits frais, c'est pour avoir une fille, il paraît. » « J'ai lu un truc qui disait que c'était citron, si tu voulais un garçon, et fraise si tu voulais une fille. » je pointe du menton, espiègle, la fraise qu'il a encore entre les doigts en me demandant d'où lui tenait sa propre information. Est-ce qu'il était du genre à chercher ce genre de détails du temps où Elise et lui voulaient avoir un enfant? Est-ce qu'ils avaient suivi le tout à la lettre pour créer un garçon? Est-ce qu'il a pris un pari avec lui-même pour connaître avant nous le genre du petit humain en train de se former, à l'intérieur de moi? « Mais tu sais, tant que le bébé est en santé le reste m'importe peu. » c'est et ça restera ma priorité, même si une drôle d'impression doublée d'une petite voix me donnent déjà des indices du résultat.
« Il est pas juste parfait, il est excellent! » que je finis par statuer, la bouche pleine de gâteau et le visage fier d'engouement. Un coup du revers de la paume sur mes joues pour avoir l'air d'autre chose que d'une gamine aussi mal élevée qu'enjouée, avant que je précise, dans un murmure aussi honnête que ravi. « C'est cool, qu'il te l'ait dit. » |
| | | | | | | | step on the glass, staple your tongue | saülinny #2 |
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