| | | (#)Mar 7 Avr 2020 - 23:51 | |
| Je marchais dans la rue, j’étais encore en train de dealer parce que c’est ce que je fais tous les soirs. Et j’avais même prévu de rejoindre Elora ce soir, chez elle, parce que j’avais décidé qu’il en serait ainsi. Je vends mes derniers sachets, et je me rends compte que je vais devoir faire un aller-retour chez les Doherty pour récupérer du stock. Qu’est ce que je ferais de mes soirées si je n’avais rien à vendre ? Je me baladerais dans les rues de Brisbane, à la recherche de jeunes filles naïves et perdues à la recherche du grand frisson. Je leur ferai croire monts et merveilles et je finirai par disparaître après seulement quelques nuits.
Alors je marche, je rejoins l’appartement d’Elora que je connais un peu trop bien maintenant. Mais j’entends du bruit dans une ruelle, il n’y a pas de hurlement. Seulement le bruit de quelqu’un qui se fait frapper, qui est certainement tomber au sol. Quoi d’étonnant à cette heure de la nuit ? Je penche la tête, j’ai bien 5 minutes à perdre pour regarder, ou me battre si nécessaire. Ca m’occupera un temps. Et mon regard analyse alors que j’ai l’impression que c’est une fille qui est au sol, alors que je vois des cheveux roux qui gisent sur le sol, des cheveux que je reconnais. Et je vrille, je me jette sur l’inconnue pour qu’il tombe violemment au sol. “Dégage ou c’est toi que je tue de mes propres mains.” Mais j’ai déjà donné plusieurs coups de poings parce qu’il le méritait, parce que personne touche à Ariane en dehors de moi, parce qu’il a pas la droit.
Il s’éloigne en courant le connard et je me retourne vers Ariane qui gît au sol, elle a l’air morte, mais je l’accepte pas donc je secoue sa tête, je répète son prénom à plusieurs reprise. “Ariane, réponds s’il te plaît. T’as pas le droit de faire ça.” Non parce que la seule personne qui aurait le droit de la tuer c’est moi, exactement comme elle serait la seule qui aurait le droit de mettre fin à mes jours de ses mains.
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| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 2:58 | |
| Fuck me.
J’étais pas censée être là, et lui encore moins. J’étais pas censée être dans cet état-là non plus, surtout pas, quand ça goûte le putain de fer dans ma bouche, quand y’a liquide chaud qui coule de mon front à mes lèvres, qui s’étale sur le bitume et qu’il n’a absolument rien de bon à augurer. “Ariane, réponds s’il te plaît. T’as pas le droit de faire ça.”
J’ai pas le droit de faire quoi Jet? De piquer des cachets dans la poche du dude que tu viens de cogner, qu’on entend encore en train de se tirer? Il est là et il est partout Jet, je reconnaîtrais sa voix entre mille et sur mon lit de mort encore plus parce que c’est sûr que c’est lui qui m’y aurait amenée, c’est sûr que c’est lui qui m’y aurait obligée ouais. "Si tu me touches encore j’te saigne dessus. " ou je te crache dessus, ou je te vomis dessus, ou je te n'importe quoi dessus en vrai, pas que je veuille choisir, tous les choix me vont.
Y’a une de mes côtes qui est cassée je pense, parce que je tente de me relever, parce que ça fait mal, merde, fuck ça fait mal. Et il est là à jouer les chevaliers servants de merde alors que ses paumes sur moi bougent pas, ses yeux pareil, il s’inquiète limite le gars et s’il est pas capable de me guérir en claquant des doigts ou de me foutre dans la première ambulance qui passe, il est pas mieux que mort lui non plus. Pourquoi il est là, pourquoi il reste là? Pourquoi c’est aussi naturel que ça?
"Ça va pas." alors j’accélère le processus. S’il arrête de me regarder comme ça, s’il agit un peu au lieu de se lamenter, j’ai peut-être une chance de pas perdre connaissance dans ses foutus bras maintenant que tout est trop froid, maintenant que tout fait vraiment trop, bien trop mal. |
| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 3:10 | |
| Elle est allongée Ariane, et pendant une seconde j’ai vraiment cru que ce connard l’avait tué. J’ai vraiment cru qu’elle respirait plus. Mais elle respire, et elle parle. J’aurais préféré qu’elle respire juste parce que même dans cet état elle ne fait que raconter des conneries. La ferme, Ariane, juste ferme la. Elle est consciente, et visiblement elle va bien puisqu’elle a encore l’énergie de me menacer. Si il y avait des gens autour de nous je leur aurait dit de pas s’inquiéter. Elle m’insulte, c’est qu’elle va bien. Y’en a qui vérifient le pouls, d’autre la respiration. Moi j’ai juste à voir si elle est encore capable de vouloir me tuer. Tant qu’elle y arrive, c’est qu’elle va bien. “Ouais ouais on reparlera de tes capacités à me saigner dessus quand tu seras inconsciente.” La ferme Ari.
Elle rage Ari, je le vois. Parce qu’elle a mal, parce qu’elle s’est fait casser la gueule, parce que je suis là. Je pense que c’est surtout pour ça qu’elle rage. Mais sans moi, elle serait peut-être morte dans cette ruelle. Et je sais qu’elle le sait. Je sais aussi qu’elle préférerait se faire arracher la langue plutôt que de me dire merci. Je regarde son visage, en mauvais état. Je regarde son ventre, en bien mauvais état lui aussi. “Putain mais qu’est ce que t’as foutu Ariane ?” Elle a volé encore, j’en suis sûr.
ça va pas. Elle va pas. ça résonne dans ma tête, elle ne va pas bien. Et je la laisserai pas là même si j’ai envie de retrouver le mec qui lui a fait ça pour le mettre dans un état encore pire. “tu peux marcher ?” et je la vois sa grimace quand elle bouge d’un seul petit centimètre. Et on les connait que trop bien ces situations, parce qu’elle m’a déjà sauvé quand j’étais dans des états encore pires. “Hôpital ?” Elle sait, elle décide, mais je la lâche pas. Laisses moi t’aider Ari, juste ce soir, et on oubliera ça quand ça sera fini, on se détestera comme on l’a toujours fait.
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| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 3:34 | |
| “Putain mais qu’est ce que t’as foutu Ariane ?” “J’ai merdé, c’est ça que j’ai foutu. ”
Y’a même pas d’explications plus faciles quand ma tête tourne comme une merde, quand je me sens comme une merde aussi. Et merde est faible, au sens où là, ce que je sens, c’est l’entièreté de mes muscles et de mes os qui sont en putain de bouillie. Y’a rien qui va, y’a rien qui ne fait pas mal, y’a rien que je déteste pas dans la scène, et y’a rien qu’il puisse faire autre que d’endurer. C’est ce que je tente de faire moi-même en mordant mes lèvres et mes joues si fort que ça goûte encore plus le sang dans ma bouche.
Mais il part pas, peu importe comment je peux le menacer, peu importe comment je tente de le repousser le plus loin possible pour qu’il me voit pas comme ça. “tu peux marcher ?” “ J’peux essayer, j’garantis rien. ” c’est le plus calme que je peux lui donner, quand marcher n’est pas nécessairement une option.
Il essaie de me bouger le con, je l’insulte et le tue 40 fois dans ma tête pour chaque millimètre dont il me brusque, bien plus habituée à le cogner qu’à le laisser panser mes plaies. De toute façon, de nous deux, j’étais la meilleure pour faire les points de suture. Ses sourcils vous l'affirmeraient des dizaines de fois mieux que moi.
“Hôpital ?” “ Nope, je pensais plutôt salon de thé? ” comme je rage, comme je grogne, comme je le déteste, le temps qu’il met pour dégainer son trousseau de clés.
Parce que c’est pas vrai qu’on va se faire chier à attendre une ambulance ni à prendre un taxi. Il conduit comme une merde quand il ne conduit pas de moto, mais je suis pas en état de me plaindre là de suite sur la potentielle main qu’il me tend.
“ J’ai fait pire, hen? ” ma voix se casse, je la déteste elle aussi, y’a rien de nouveau, sauf toutes les sensations qui ne font qu’aller de pire en pire au fil des secondes. |
| | | | (#)Mer 8 Avr 2020 - 3:45 | |
| Elle a merdé, bien évidement je me doute qu’elle a merdé puisqu’elle se retrouve allongée quasi morte dans une ruelle. Je la déteste de faire des conneries seule comme ça, pourquoi elle fait ça seule. Pourquoi personne ne voit qu’elle va aussi mal que moi. Moi je ne le montre pas, je ne veux pas que les gens le voient et je me débrouille très bien pour me cacher. Et pour éviter Rosalie quand je sens qu’elle va me poser trop de questions. Ou Ariane, parce qu’elle me connait certainement mieux que Rosalie encore, et qu’avec elle, je ne peux porter aucun masque. Elle voit toujours au travers des miens comme je vois au travers des siens. Je pose pas de questions sur ce qu’elle a fait, elle a merdé, et ça suffira comme réponse.
Je lui demande si elle peut marcher, parce qu’on va devoir rejoindre ma voiture. Je serai bien plus rapide que n’importe quelle ambulance dans cette ville. Je passe ma main dans son dos pour l’aider, mais elle grimace à chaque contact, à chaque changement de position. Et ça me fait grimacer encore plus, ça me fait détester encore et encore le connard qui lui a fait ça. Elle ne va pas marcher, parce que je sais pas ce qu’elle peut bien avoir comme blessure. Alors mon bras passe sous ses genoux et l’autre passe autour de son dos. “ça va faire mal, mais si tu me frappes ou m’insulte je peux toujours te faire retomber au sol.” C’est pas parce qu’elle est blessée que je dois être trop gentil, elle risquerait de s’y habituer. Je la porte en essayant de la bouger le moins possible. Et je suis rapidement devant ma voiture. Je la pose en gardant une main dans son dos pour qu’elle reste stable, foutue Ariane que je dois surveiller comme un enfant en bas âge. “T’arrives encore à dire une connerie à chaque fois que t’ouvres la bouche c’est que tu vas mieux que je le pensais.”
Je lui ouvre la portière et elle se glisse dans la voiture, en 5 secondes je rentre dans la voiture. Je me tais, je grille toutes les priorités, chaque feu rouge et je dois rouler à peu près 50 km/h au dessus de la limitation de vitesse. Mais elle parle Ari, elle attire mon attention et je tourne ma tête vers elle, malgré la route, malgré la vitesse. Et j’essaie de croiser son regard. “Je t’ai jamais vu dans cet état Ari.” Je ne l’ai jamais vu aller aussi mal et pourtant je l’ai très souvent vu aller mal. Mais je ne me suis jamais inquiété, parce qu’elle s’en sort toujours Ariane. Et même si je ne m’inquiétais pas je ne l’ai jamais laissé, jamais vraiment laissé. “T’as fait pire que quoi ? Que moi ?” Je fronce les sourcils, parce qu’elle sait que j’ai déjà été dans des états bien pire que le sien. “T’as fait pire que quoi Ari ?”
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| | | | (#)Lun 13 Avr 2020 - 3:32 | |
| Il m'aide à me relever et je parie qu'il fait exprès pour me mettre ses mains exactement là où ça fait le plus mal. Il a ce don là, Connard-Miah d'arriver à mettre le doigt où il peut me blesser le plus vite et le mieux possible. Il l'a, ce don, depuis des années. “ça va faire mal, mais si tu me frappes ou m’insulte je peux toujours te faire retomber au sol.” « Essaie pour voir. » mais je trouve quand même l'énergie de rager, un peu au moins, ma voix qui se casse lamentablement au fur et à mesure des os abîmés que je capte à le laisser m'aider à me remettre sur pieds. “T’arrives encore à dire une connerie à chaque fois que t’ouvres la bouche c’est que tu vas mieux que je le pensais.” et il est là et il est fier, mon rire. Il goûte le sang, sang que je crache au sol et qui tache ses baskets au passage, mais ça en vaut tellement la peine que je le souligne d'un énième sourire mauvais. « J'ai jamais été mieux de toute ma vie. » oh, douce ironie.
“Je t’ai jamais vu dans cet état Ari.” il fait dans le drame Jet. Il pense peut-être que de rentrer dans l'introspection va me faire oublier à quel point il conduit comme un raté, mais c'est que j'ai oublié que c'est moi qui a initié la conversation. Oublié, ou nié, l'un ou l'autre me va. « Tu me flattes. » c'est pas une fierté ça non plus, pourtant je prends ce que je veux, le temps que je le peux également. “T’as fait pire que quoi ? Que moi ? T’as fait pire que quoi Ari ?”
Ses questions se multiplient, et mes soupirs avec. Ma tête se pose sur le siège, mon corps se recroqueville. J'ignore ses prunelles sur moi quand je ferme mes paupières, que je rage les lèvres gercées, le coeur serré. « Arrête, laisse tomber, ça vaut pas la peine. » et je divague, bien sûr que je divague, n'importe qui divaguerait quand sa cage thoracique fait aussi mal, quand son souffle est aussi étouffé. Je veux juste dormir, il peut pas la fermer? |
| | | | (#)Mer 15 Avr 2020 - 0:48 | |
| Je la porte et elle grimace. Je l'effleure à peine et on pourrait croire que je l'ai frappé avec une barre de fer tellement elle a l'air d'avoir mal. « Toi essaie. » Elle ne me frappera pas, je le sais. Elle ne fait que rager en essayant de garder un peu de contenance alors qu'elle est au bout du rouleau mais qu'elle continue d'essayer de le dérouler toujours un peu plus pour voir jusqu'où elle peut aller. Pourquoi on se ressemble tant des fois ? Parce que je fais exactement la même chose, mais je suis pas sûr qu'elle, elle aurait fait la même chose pour moi si j'avais été dans cet état. Peut-être qu'elle m'aurait juste achevé. On ne saura jamais, et je ne préfère pas y penser. Ça me donnerait envie de la laisser agoniser dans un coin de cette ruelle et c'est trop tard pour l'abandonner maintenant. Elle crache du sang, sur mes chaussures et je souffle parce que même à demi consciente elle arrive à me faire chier. « Ouais tu rayonnes là c'est vrai, t'as toujours été mieux avec un œil au beurre noir et du sang sur les dents. » Je prends le ton le plus ironique possible. Je le vois son œil qui gonfle, et je ne vois pas le reste de ses blessures.
Elle joue, elle continue, elle ne s'arrête pas, comme si elle n'était pas en train d'agoniser. Elle réagit exactement comme je l'aurais fait et ça me fait enrager. Je secoue la tête, je ne lui réponds même pas et j'avance, je continue de rouler aussi vite que ma voiture le peut. Mais je pose des questions, déjà, faut qu'elle reste éveillée, et puis c'est elle qui a lancé le sujet. « Je laisse rien tomber du tout. » Elle m'énerve, mon dieu qu'elle m'énerve à changer d'avis aussi rapidement. Parce que je serais capable d'arrêter la voiture et la laisser agoniser jusqu'à ce qu'elle finisse par cracher le morceau. Je vais peut-être faire ça d'ailleurs. Elle regarde par la fenêtre comme si c'était plus intéressant que moi et la conversation. « Qu'est ce que tu foutais à te faire tabasser dans une ruelle Ari ? »
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| | | | (#)Ven 17 Avr 2020 - 17:24 | |
| « Ouais tu rayonnes là c'est vrai, t'as toujours été mieux avec un œil au beurre noir et du sang sur les dents. » « Ça te rappelle des bons souvenirs avoue. »
Elle est lasse ma voix, elle est grave, elle brûle ma gorge. Je pourrais la jouer polie aussi, ou du moins lâcher mon ingratitude de merde. Si chaque fois qu'il stoppe la voiture à un feu rouge - ou qu'il les grille, je sais même pas tellement mes paupières restent fermées en tout temps - chaque os et chaque muscle et chaque membre me fait chier tant il me fait mal, c'est que Jet m'a sauvé la vie là. Et jamais, jamais je l'accepterai, de réaliser dans quel état je suis, et surtout dans quel état lui m'a trouvée. Parce que c'était pas censé se passer comme ça, parce qu'il avait pas à être là et que par-dessus tout je lui en deviens redevable. Connerie. « Je laisse rien tomber du tout. »
« Évidemment. » je souffle, tousse avec, lui lance le regard le plus noir que j'ai en banque quand du revers de la paume j'essuie mes lèvres gercées, sanglantes. J'abandonnerais pas s'il était à ma place, il le sait autant que moi, il en abusera autant qu'il pourra. « Qu'est ce que tu foutais à te faire tabasser dans une ruelle Ari ? » depuis quand ça t'intéresse, connard? « J'étais au mauvais endroit, au mauvais moment. » que je finis par souffler, parce que l'hôpital est presque là, parce qu'on en est à peine à 5 minutes, parce que je vois l'enseigne déjà. Les lumières qui me brouillent la vue, la tête qui tourne. J'ai même plus la force de rager j'crois, et juste ça me fait rager encore d'avantage. « J'avais pas l'argent, il a pas accepté mes termes de négociation, y'a pas eu possibilité de discuter plus, il s'est emballé. » que je résume, entre le sachet de cachets que je voulais voler au gars, le mouvement qu'il a vu de suite, la claque qui est partie et mes menaces qui ont remis de l'huile sur le feu Jet fera le décompte et saura bien plus que quiconque ce qui s'est passé et comment ça s'est envolé pour ainsi se terminer sans même avoir été là.
Il se gare dans l'allée quand j'expire une longue et douloureuse dernière fois. « Pourquoi t'as fait ça? » ça vaut pour un "pourquoi tu m'as amenée jusqu'ici?" comme pour un "pourquoi tu m'as pas laissé crever dans la ruelle toi qui en a toujours eu tellement envie?". |
| | | | (#)Ven 17 Avr 2020 - 20:00 | |
| Comme toujours c'est moi le méchant dans l'histoire, c'est moi qui ai laissé des marques sur son corps. Ce qu'elle ne dit pas toujours Ari, c'est que j'ai certainement autant de marques qu'elle m'a laissé sur le corps. Des marques qui montrent qu'on a existé, que même si on le nie depuis toujours il y a eu un nous. "Des souvenirs de quand c'était moi qui prenais les coups pour tes conneries." Elle ne m'a jamais demandé de le faire, et pourtant je l'ai fait. Plus d'une fois. Et j'aurais pu le refaire ce soir si j'étais arrivé quelques minutes plus tôt.
Elle va parler, je le sais. Parce qu'elle n'a pas le choix, et parce qu'elle sait que son manège ne fonctionne pas avec moi. Je vois à travers tout ce qu'elle veut montrer. Faudra t'y habituer Ariane. Un mensonge, et je me tais. Parce qu'elle montre encore la façade, mais ça ne me suffit pas. "Pourquoi t'as fait ça seule ?" Autrement dit pourquoi c'est pas à moi que t'as demandé ? Pourquoi tu vas chercher la merde dans les rues alors que t'as personne pour assurer tes arrières ? Tu fais chier Ari. Je la regarde bien plus que je ne regarde la route et ça m'énerve de continuer de lui accorder autant d'importance, d'être incapable de la laisser dans cette foutue rue quand elle la seule chose qu'elle veut c'est sortir de cette voiture. Je serre les dents, je me tais, parce que je ne dis pas ces choses là. Parce qu'elle ne les dit pas non plus. On ne dit jamais rien et ça fait 15 ans que ça dure. "Ari, t'es accro ?" A cette merde que t'as volé dans ma poche. Je ne quitte pas son visage parce qu'elle ne pourra pas me mentir, parce que même si elle ne dit pas un mot je connaîtrait la réponse.
Une question que je me pose moi-même. Cette putain de question de pourquoi je suis encore là. Pourquoi on est toujours là quoi qu'il puisse se passer dans le monde ou dans nos vies. On la connait la réponse, mais on la cache parce que c'est mieux, parce qu'aucun de nous deux ne veut baisser la garde le premier, aucun des deux ne veut montrer une quelconque faiblesse quand l'autre pourrait l'utiliser à son avantage. Et c'est là que mon regard se pose sur la route devant moi, c'est là que quand je me gare j'essaie de repousser une réponse dont elle pourrait se souvenir bien trop longtemps. "Tu sais pourquoi." Et elle pourra dire n'importe quoi, je sais qu'elle aurait fait pareil pour moi.
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| | | | (#)Mar 21 Avr 2020 - 4:42 | |
| Il en a des tonnes de questions Jet, il arrête pas de les aligner les unes à la suite des autres et il m'énerve, il m'enrage, il le sait, il fait exprès. "Pourquoi t'as fait ça seule ?" parce que j'ai téléphoné à toutes mes meilleures amies et personne n'avait envie de venir se faire tabasser dans une ruelle avec moi, trop nul, du coup j'aurais dû t'appeler, avoir su hihi xoxo. « J'aime pas partager. » et j'aime pas, non plus, du tout, le goût dégueulassement amer et ferreux qui glisse sur ma langue à chaque fois que je parle.
"Ari, t'es accro ?" c'est qu'il s'inquièterait presque le dealer. Douce ironie, éternel rire sec et las que j'ai à son intention, quand j'ai la stupide idée de me replacer dans mon siège et que la ceinture me contracte les côtes. Elle me serre le torse, elle me presse le ventre et je ravale de toutes mes forces. « Pas encore. » ça sonne comme une fatalité et c'en est sûrement une. Il est pas assez con pour en plus être aveugle face à ça, et s'il demande c'est qu'il connaît inévitablement la réponse. Autant me sauver d'une autre salve d'interrogation en jouant fairplay.
Je veux juste dormir, je veux juste fermer les yeux, je veux juste que ça arrête de tourner, je veux juste qu'il finisse par enfin se stationner. Et apparemment, je veux juste savoir pourquoi, pourquoi là, pourquoi ça.
"Tu sais pourquoi." oh Jet, va pas là. « Arrête. Arrête tout de suite. » si ça sonne comme des menaces, si ça sonne comme un avertissement, c'est que c'en est un. Bien sûr que je sais pourquoi, et bien sûr que je nierai jusqu'à mon lit de mort que son pourquoi est aussi évident que chiant, est aussi lourd que cruel, est aussi omniprésent que le silence, pesant, qui plane entre nous. Qui a rien à faire là, alors qu'on utilise depuis une éternité chaque piste d'opportunités à combler pour s'insulter à travers. On est bien trop stupides, bien trop aveugles, bien trop bornés pour se permettre de dire autre chose, et si c'est comme ça que ça a toujours été, c'est comme ça que toujours ça restera.
« On sort de la voiture, on rentre à l'intérieur, tu me laisses là et tu repars. » la marche à suivre est simple. Et pourtant, quand j'ouvre la portière de sa voiture pour m'en sortir comme si c'était la seule et unique issue possible, j'en ragerai, je me détesterai pour une vie et pour une prochaine de tituber et de presque manquer pied. Le connard qui est arrivé pour me rattraper, il aura aucun merci de ma part, jamais. À peine un regard, ça je peux, mais mes lèvres elles, elles restent scellées. Bien trop bornés. |
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