C’est drôle quand on y pense.
C’est drôle de se dire qu’elle est morte en portant la vie. Personne n’a jugé bon d’essayer de trouver un juste milieu, personne n’a pensé à un seul moment de se dire que si jamais elle perdait l’enfant alors au moins elle pourrait continuer à vivre seule. La mort ne fait pas de distinction : elle l’a prise elle et l’enfant avec. Une nuit, sans prévenir, il y a des jours de ça. Je sens encore sa peau contre la mienne, pourtant. Je sens ses doigts gelés qu’elle s’amusait bien trop souvent à faire glisser dans mon dos. Ce gelé là n’avait rien à voir avec la froideur d’un cadavre. Ce gelé là continuait de bouger, au moins, pas comme son corps statique découvert au petit matin qui a été la cause subite de mon départ de cette ville de malheur. La fin du monde m’importait peu ; la fin de mon monde, par contre, n’a aucun prix.

J’ai rassemblé quelques affaires et la nourriture qu’il nous restait et je suis parti. Il n’y avait rien d’autre à faire de plus, de toute façon. Elle a un couteau de cuisine dans le crâne, Ginny, et ce n’est même pas Halloween. Peut être au moins que ça lui évitera de devenir comme eux, parce que dans les films ça marche.

Le voiture de la voiture s’est mis en route, je n’ai même plus eu à faire semblant de respecter les limitations de vitesses ou tout autre panneau de signalisation alors que finalement tout ce qui comptait c’était partir vite et loin. En direction de l’ouest dans la mesure du raisonnable, parce que je ne me vois pas vivre dans le désert non plus. J’en sais rien, je réfléchis à la seconde, je n’anticipe plus rien. Personne m’avait prévenu de la fin du monde, putain.

« La robe Valentino t’allait mieux. »
Ta gueule, Auden.

Je suis fier, là, avec mon sourire de merde alors que je remonte ma braguette de façon presque digne, l’attitude qui a tout d’un winner et le mental d’un loser en fuite. Je ne suis même pas étonné de voir quelqu’un que je connais et ça aurait pu bien plus mal tomber si on sait que 85% de mes connaissances veulent ma mort. Elle aussi, certes, mais le tout reste largement mesuré. « J’te dépose chez ton agent ? » Mais ta gueule, ta gueule. Ce n’est pas parce que c’est la fin du monde qu’on doit forcément agir en conséquence. Si ?

« T’as une voiture. » Rapide et vive comme l’éclair Raelyn, comme toujours. Certaines choses ne changeront donc jamais, même avec la fin du monde. Ca doit avoir quelque chose de rassurant sûrement, ça signifie que je vais devoir aussi compter sur sa grande gueule qui me fera lever les yeux au ciel et souffler d’ici à une minute. Je dis une minute en visant large, bien sûr.

La guerre recommence déjà entre nous, comme si elle s’était réellement terminée à un moment donnée. On avait sans doute tous les deux rendus les armes d’un commun accord le jour où Ginny nous avait surpris à l’atelier, finalement. C’était il y a une vie de ça et cela ne vaut surtout pas la peine d’être ressassé. « C’est pas à toi qu’il faudrait dire ça ? » « Je t’aurais bien donné son numéro mais pas sûr qu’il puisse décrocher en l’état. » Je souris de plus belle, penche légèrement la tête pour devenir un peu plus tête à claque si jamais c’est encore possible. Ce n’est pas maintenant que je vais commencer à devenir un adulte responsable et toutes ces merdes, il ne reste de toute façon plus grand monde pour me juger et les clés de ma voiture sont dans ma poche ce qui signifie qu’elle va devoir faire avec si elle veut monter.

« Tu vas où, tu pars en voyage ? » Bien que j’ai vu son arme, je ne juge pas encore bon de le souligner et de me prendre une balle perdue - je garde ça pour le moment où j’aurai officiellement épuisé le stock de céréales. « Tu comptes faire un interrogatoire ou monter dans la bagnole ? » J’aime bien la solitude mais à peu près cinq minutes par jour. Elle a besoin de moi, j’ai besoin d’un Vendredi. Elle fera l’affaire.

Vendredi qui a un flingue et qui n’a jamais réellement prouvé être stable, ouais, okay, c’est pas très rassurant. « Je vais à l’ouest. » Loin de la côte et des grandes villes, ça semble être une bonne idée dans mon esprit Hollywoodien. « Si tu ranges ton flingue à côté de ta robe Valentino, tu peux aller à l’ouest aussi. » Ca veut dire qu’elle peut monter dans la voiture si elle calme ses ardeurs, c’est ça que ça veut dire.

Ce n’est pas parce qu’elle monte dans ma voiture que je lui fais confiance. Ce n’est pas parce que le flingue est pour le moment éloigné de sa portée que je lui fais confiance. On aurait pu croire que je me méfierais d’inconnus mais la vérité c’est que justement je la connais assez (peu, mais assez) pour savoir que si elle devait choisir entre sa vie et la mienne alors elle n’hésiterait pas longtemps. L’inverse étant tout aussi vrai, ce n’est pas une critique que je pose là mais un simple fait. Si sa compagnie me semble appréciable pour un temps, elle le sera beaucoup moins dès que les problèmes reviendront. « T’as pas à te tracasser, je sais à peine conduire. » Auden Williams, chauffeur personnel de Sa Majesté. Que d’honneurs. Pour peu je lui faisais une courbette et allait ouvrir sa portière.

« Tu vas faire quoi à l’ouest, chercher de l’or ? » Je l’observe ranger l’arme dans son sac avant d’à mon tour enclencher la clé dans la serrure pour démarrer le moteur. Pour survivre il faut rester en mouvement, je l’ai compris dès lors que j’ai dû quitter ce foutu appartement qui était jusque là la planque parfaite. « Chercher de l’or et m’éloigner de la population. » J’aurais pu avoir cette idée sans apocalypse zombie que ça n’aurait jamais étonné personne. Je ne l’ai pas fait simplement parce que me salir les mains toute la journée en espérant trouver une pépite n’était pas dans mes aspirations mais pour ce qu’il en est de quitter la civilisation, ça, ça me va très bien. « T’es équipé ? T’as des provisions ? » - « Pour une personne. Je m’arrête quand il reste encore des magasins en bord de route. » C’est pas le plan le plus brillant du monde, certes, mais au moins il me permet de peu à peu remplir le sac de provisions avant de les manger le soir même. Il n’y a rien de certain mais jusque là ça m’a suffit pour survivre et je sais qu’elle ne risque pas de faire la difficile maintenant. « On cherchera une onglerie sur la route rien que pour toi si tu veux. » Je raille, incapable de faire autre chose de ma vie et ce peu importe les circonstances.

La voiture démarre, on s’en va, on file vers l’ouest comme si tout serait réellement mieux (moins pire) là bas. On devrait aller vivre sur un foutu bateau et manger du poisson toute la journée, voilà ce qu’on devrait faire. Au moins on aurait un beau bronzage. « Il ne reste de l’essence que pour une centaine de kilomètres, te fais pas trop d’espoirs. » On va devoir continuer à pied à un moment ou à un autre, et tout sera beaucoup moins fun à ce moment là. « T’as autre chose que ton flingue avec toi ? » Parce que va falloir partager et bla, bla, bla.

J’ai toujours su que j’étais misanthrope aussi, s’il n’y a que ça pour l’arranger. Plus loin des hommes je suis et mieux je m’en porte, seule exception faite de ceux que j’accepte dans mon cercle restreint de connaissances (ne parlons pas d’amis) pour un temps au moins avant qu’à leur tour ils ne commencent à me lasser et finissent par en sortir aussi vite qu’ils en sont rentrés. Je suis le genre de misanthrope qui a toujours besoin de la compagnie de quelqu’un mais seulement quand je suis la seule à en décider les termes tout comme le début et la fin. Je suis le genre de misanthrope qui souhaite avoir la main mise sur tout et sur tout le monde, le genre vraiment vraiment chiant. Mais elle le sait, tout ça.

« Me dis pas que tu sais pas siphonner un réservoir. » « Je sais le faire. » Bon, j’ai vu des gens le faire, en tout cas, et ça ne m’a pas paru être bien compliqué. « Sauf que je ne suis pas le seul. » Et ça c’est la vérité pure et entière, parce que depuis que j’ai quitté la ville les voitures s’entassent sur le bas côté des routes mais aucune n’a réellement quoi que ce soit à siphonner. Ca n’arrange ni ses affaires ni les miennes. Avec ses paroles j’en déduis qu’elle n’a pas de brosse à cheveux non plus et c’est con parce que je sens un épi sous ma casquette. Ca aurait été bien plus utile que de la nourriture, à mon sens.

« On fait quoi, tout ce qu’on trouve à partir de maintenant on le partage ? Promis, je te laisse les Cocos Pops. » « Ouaip. » Y’a pas besoin d’en parler mille ans. C’est de la logique. Je ferai pas le con sur ce coup là et j’ose espérer qu’elle non plus. « Tu poses pas de questions chiantes. On parle pas d’avant et de bla bla bla. » Parce que je sais que je vais m’énerver, parce que je sais que le peu de self control que j’avais appris est totalement oublié, parce qu’elle comme moi ne veut pas que je l’abandonne à un moment donné seulement parce qu’elle aura posé des questions qu’il ne faut pas. Alors je fais l’adulte, ‘voyez, j’anticipe. « J’suis pas ton baby sitter, compte pas sur moi pour t’occuper. On roule et on avise, c’est tout. » Et j’enlèverai la bague à mon annulaire au prochain stop. Je le rangerai dans une poche parce que ça me paraît être le moins con et le moins voyant aussi. On oublie le passé, on oublie tout ce qu’il s’est passé avant aujourd’hui et on recommence.

Jour 0.

Si certaines règles ont été acceptées assez rapidement, ce n’est pour autant pas le cas pour toutes. « Puisqu’on recommence tout à zéro t’es certain que tu veux pas te choisir un nouveau prénom ? Quelque chose de plus cool qu’Auden, genre Michelangelo, Modesto ou Brutus. » On avait dit pas de questions chiantes et finalement Raelyn aura tenu à peu près dix secondes. C’est finalement bien plus que je n’aurais pu l’espérer dans mes rêves les plus fous, je dois bien l’admettre. Elle m’arrache en coin, elle qui à mes yeux restera toujours la gamine que j’ai connu il y a une vie de ça. Elle a grandi et moi tout autant, on a tous les deux évolués et pourtant certaines images sont à jamais gravées dans mon esprit en plus que sur des toiles de peintures. Ma mémoire me fait rarement défaut et elle ne fera pas exception à la règle, encore moins alors que je sais que cela lui ferait trop plaisir que j’efface de ma mémoire notre toute première rencontre. “Ouais ferme ta gueule pour voir si c’est plus cool ?” Notre duo est certainement le pire duo de l’humanité, maintenant, et le fait que nous soyons tous les deux encore vivants relève du miracle. Je crains bien plus qu’on en vienne à s’entretuer plutôt que ce soit une de ces choses qui s’en charge désormais. “Tu t’appelles Raelyn sans déconner, t’as pas l’impression de te foutre de ma gueule ?” J’aurais pu ajouter un truc du genre ‘c’est l’hôpital qui se fout de la charité’ mais l’expression sonne bien trop ancien monde à mes yeux désormais. J’adapte mon langage en fonction des circonstances mais les insultes perdurent, c’est déjà ça j’imagine. Il faut bien trouver une constante ; j’ai la mienne. La sienne, c’est de continuer à être chiante et à me voler tout mon air quand bien même on doit être à peu près trois survivants sur tout le continent. “Je sors sur la banquette arrière la nuit. Mon doudou tu te débrouilles pour trouver un autre endroit. Si tu choisis le coffre j'essaierai de ne pas t’oublier à l’intérieur pour éviter que tu finisses en rôti, ça doit empester.” J’esquisse un sourire alors que mon regard dérive vers elle, faux au possible. “On n’aura pas le temps non plus de refaire ton faux blond de poupée barbie, capito ? C’est pas parce que t’es peut être la seule qui a pas clamsé dans le pays que je vais soudainement te prendre avec des pincettes.” Je prends pas le temps de m'apitoyer sur le sort des morts. Ils ne sont plus là de toute façon, tout le monde s’en moque.

« Je m’appelle Raelyn parce que j’ai choisi de m'appeler Raelyn. Raiponce, Lady Gaga ou Hermione Granger c’était pris. » Tu parles. Personne ne choisit de s’appeler Raelyn, à moins d’être complètement stupide. Quand on est dans un gang et tout le bordel, on cherche généralement à passer inaperçu, non ? Je sais bien qu’elle a un ego mais tout de même … Enfin, quoi qu’il en soit, qu’elle s’appelle Raelyn ou Jean Maxime, elle croquera de la même manière sous la mâchoire des morts. Ils n’en prendront pas garde.

« Mais t’en fais pas, si tu veux pas faire choix je choisirai pour toi. » “Dieu, ça ira très bien. Tu vois, je me débrouille comme un grand.”

Alors on met en place nos règles et tout le bordel et autant dire que oui, on ressemble vraiment à un vieux couple. « Je resterai sur mon siège, mais si je l’incline un peu trop par inadvertance et que je t’écrase les jambes par inadvertance hésite pas à me le dire. » Mon sourire est aussi immense qu’il est faux, ça se voit à des centaines de kilomètres. “Yep t’en fais pas, je viendrai délicatement hurler dans tes oreilles.” Bientôt, elle va me demander de la laisser sur le bord de la route pour qu’elle puisse monter dans une autre voiture. Quand je dis “bientôt”, je veux dire “dans cinq minutes”. Elle ne me supportera pas sur la longueur et moi non plus, on le sait tous les deux.

« Y’avait pas plus petit d’ailleurs comme format de véhicule ? » “Si c’est t’asseoir sur mes genoux qui te manque, ça peut toujours s’arranger.” Ouais, s’asseoir. Un mensonge de plus ou de moins, j’imagine qu’on est plus à ça près à force. « Mais si c’est juste une façon de m’avouer que tu préfères les brunes, ok je prends une teinture quand on s’arrête au magasin. » Cette fois-ci, mon rire n’a rien de faux. Même avec tout ce que je peux balancer comme merdes et techniques de drague à deux balles, je ne le pense pas une seule seconde et je me doute qu’elle non plus. Agir comme si rien n’avait changé est notre façon à nous de faire face à la fin du monde - ce qui est quand même bien moins pire que de se mettre en boule et pleurer, avouez. “Ton gars a clamsé que tu cherches déjà un remplaçant ? Je suis pas sûr que tu gagnes grand chose maintenant, même si je te mets sur le testament.”

What Comes After
Raelyn Blackwell & @Auden Williams - 2019 - Premiers jours de l'apocalypse

« Dieu, ça ira très bien. Tu vois, je me débrouille comme un grand. » Il peut dire ce qu’il veut, il sait pertinemment que je suis déjà en train de chercher le prénom le plus ridicule qu’il soit. Parce qu’on ne se refait pas, et que le fait qu’il me dise non ne me donne que plus envie encore de l’emmerder. « T’as jusqu’à ce soir. » Pour en trouver un toi. Un que j’utiliserai pas de toute façon, parce que Brutus ou Modesto lui vont trop bien et que j’hésite trop entre mes options à moi pour en plus rajouter la sienne. « Yep t’en fais pas, je viendrai délicatement hurler dans tes oreilles. » « Parfait, mon téléphone a plus de batterie je me demandais comment j’allais mettre un réveil. » Pas sûr que j’arrive à fermer l’oeil avec le peinte à mes côté cela dit, j’aurais bien trop peur qu’il me plante un couteau dans le dos ou qu’il ai planqué un somnifère quelque part pour le mettre dans mon verre et me laisser au bord de la route pour filer en catimini. Il va falloir qu’on règle ce léger souci de confiance, celle qu’on se porte mutuellement, si on veut pouvoir survivre et surtout ne pas s’entretuer. Sur l’heure, il m’apparaît comme plus dangereux que les morts vivants parce qu’il est imprévisible Auden, et surtout passablement idiot.

« Si c’est t’asseoir sur mes genoux qui te manque, ça peut toujours s’arranger. » « Je savais que j’aurais dû te reporter à la protection de l’enfance. » Je n’en étais plus une d’enfant pourtant lorsque nos routes se sont croisées pour la première fois. J’en avais l’apparence certes mais j’étais bien trop déterminée à devenir une adulte pour être autre chose. « Ton gars a clamsé que tu cherches déjà un remplaçant ? Je suis pas sûr que tu gagnes grand chose maintenant, même si je te mets sur le testament. » Et là, je me referme.

Là, je plaisante plus du tout et sa phrase me fais l’effet d’une douche froide. Parce que ouais, mon gars a probablement clamsé, même si je tente de me convaincre du contraire, même si je tente de trouver une explication rationnelle au fait qu’il m’ait pas appelée, qu’il ait pas chercher à me rejoindre à l’appartement et qu’il n’ait pas décroché le téléphone depuis des jours, depuis le début de tout ça. Je suis restée trois semaines en ville avant de prendre la décision de fuir, Amos m’aurait retrouvée s’il avait été quelque part non ? « Ouais, ta gueule pour voir ? » Mais cette fois ci contrairement aux précédentes, j’arrive même pas à masquer qu’il m’a réellement atteinte.

« Je savais que j’aurais dû te reporter à la protection de l’enfance. » Sa remarque me fait rire, surtout avec le point de vue d’aujourd’hui, de maintenant. Il n’y a sûrement plus de protection de l’enfance (c’est certain, même), tout comme je peux affirmer aussi haut et fort qu’il n’existe plus d’enfant non plus. Ils ont dû être croquants sous la dent des morts, ceux là, avec leurs petites jambes de petits humains qui ne courent pas assez vite. Dommage, c’est là qu’ils ont enfin dû comprendre à quel point ils auraient dû manger davantage de souper avant de se rendre compte qu’il était finalement trop tard. C’est pas grave, c’est pas important les enfants de toute façon, on le sait tous. C’est encore moins important pour Raelyn ou pour moi, qui ne nous sommes jamais encombrés de telles choses.

Alors du coup, je change de sujet. Et je frappe là où ça fait mal, apparemment - promis juré c’était pas totalement voulu, je ne suis pas un monstre à ce point. « Ouais, ta gueule pour voir ? » Un sourire de merde s’installe sur mon visage de merde, prouvant ainsi une fois de plus à quel point la compassion est un concept surfait qui ne s’applique que très peu à moi. Et quand je dis très peu, je veux dire que je n’en ai jamais conscience, à tel point qu’un revirement aussi drastique dans son attitude m’amène à vouloir en savoir plus plutôt qu’à me la fermer. “Il a passé l’arme à gauche sous tes yeux ou t’es encore occupée à te faire des scénarios dans ta tête ?” Je sais que là, j’étais supposé l’aider et lui dire des trucs rassurants et d’autres merdes dans le genre. En réalité, j’en ai pas envie et, tel un enfant, je n’agis que par intérêt sans jamais me soucier des conséquences de mes actes ou mes mots.

What Comes After
Raelyn Blackwell & @Auden Williams - 2019 - Premiers jours de l'apocalypse

On est pas les meilleurs amis du monde, on préfèrera toujours s’envoyer des piques que de se parler pour de vrai et se confier nos états d’âme, mais la conversation se passait bien. Elle se passait aussi bien que possible sachant qu’il est question d’Auden et de moi, et que c’est parfois difficile de dire lequel est plus gamin que l’autre quand on nous met dans la même pièce. Ça se passait bien et il a fallu que le peintre - quoi que je ne suis pas certaine qu’il lui reste grand chose à peindre ou pour peindre à présent - gâche tout. Il est allé trop loin, que ce soit volontairement ou involontairement et je me suis refermée comme une huître, instantanément.

Bien sûr, je suis pétrifiée à l’idée qu’il soit arrivé quelque chose à mon amant. Je me raconte des histoires destinées à continuer à avancer, à continuer à pouvoir respirer sans suffoquer alors que je sais pertinemment qu’il m’aurait cherchée, qu’il m’aurait contactée et qu’il serait venu jusqu’au loft me trouver s’il avait pu. Son bateau était vide - il ne l’a pas pris pour aller en mer alors que ça aurait été une solution plutôt ingénieuse, et il est injoignable. « Il a passé l’arme à gauche sous tes yeux ou t’es encore occupée à te faire des scénarios dans ta tête ? » Il va toujours plus loin et je plante mes yeux dans les siens. « Tu veux que je serre fort ou très fort quand je te broyerai les testicules ? » Il peut jouer au con s’il le souhaite, mais il s’est trouvé un adversaire de taille puisque je suis particulièrement douée à ce jeu là. J’avais décidé de ne pas faire de remarque quand à la présence d’une alliance à sa main gauche, mais il a commencé. « T’as une alliance et je vois pas ta femme. Alors si j’étais toi je la fermerais. » Je m’enfonce un peu plus dans mon siège. On a tous les deux perdu quelqu’un, le mieux ce serait qu’un invente une nouvelle règle qui nous donne plus le droit d’aborder ce sujet. « C’est con, je pense pas qu’il existait plus d’une personne sur terre capable de te supporter. »