| i'm taking a stand to escape what's inside me (ariane) |
| | (#)Ven 10 Avr 2020 - 21:27 | |
| D’abord, il y a eu le choc et le déni. Défense de l’esprit face à une situation inconcevable. Ce n’était qu’un mauvais rêve, j’allais me réveiller et Connor serait là pour se moquer de mon cauchemar.
Puis il y a eu la douleur et la culpabilité. Savant mélange d’une douleur sourde face à la perte, étape chaotique où la culpabilité de ne pas avoir fait assez obsédais mon esprit au point de vouloir me faire du mal, pour payer le prix à mon tour.
Et désormais, la colère a pris la place de la culpabilité. Elle était là depuis le départ, juste là dans l’ombre, à se nourrir de tous les sentiments diffus depuis le départ de Connor. Elle ne cessait de grandir, de s’immiscer au creux de mes veines. J’avais enfilé le masque pour ne pas laisser la colère gagner, je laissais la douleur prendre le dessus. Puis la mère de Connor à chercher à me contacter. J’ai fini par craquer un peu plus tôt, aujourd’hui en répondant à son appel. En quelques minutes, elle a enchaîné les reproches, m’a tenu responsable de tous les malheurs du monde et notamment du destin de son fils. Et la douleur à laisser place à la colère.
Il aurait été sage de rester dans ma chambre d’hôtel à hurler dans un oreiller pour maudire Connor d’avoir été malade, d’avoir abandonné la bataille. J’aurais pu sortir mon carnet pour coucher ma rage sur le papier. Mais c’est bien connu, aucune action ne semble censée lorsque la colère prend le dessus. Et c’est comme cela que je me retrouve dans un bar après avoir erré dans les rues de la ville à commander une série de shots de vodka. À défaut de pouvoir expier la colère, il faudrait pouvoir la noyer dans la liqueur. Anesthésie local ou général ? À moi de choisir le poison. Et quand le regard des autres ne cesse de faire monter cette envie de hurler, je me concentre sur les verres qui s’enchaînent sur le comptoir. Jusqu’à ce qu’un regard se fasse bien plus insistant que les autres. Mon regard croise celui incandescent d’une rousse assise juste en face de moi. Elle à un sourire en coin, son whisky à la main. She owns the place. Et elle m’énerve encore plus. « Tu devrais pas fixer les gens comme ça, ça pourrait t’apporter des problèmes. » Contradiction quand tu nous tiens alors que je quitte mon siège pour venir me glisser sur le tabouret à une place du sien. Je fais signe au barman de nous servir une nouvelle tournée. Cela semble nécessaire. « Si je voulais en frapper un là. Tu choisirais lequel ? » La colère a pris le dessus. |
| | | | (#)Lun 13 Avr 2020 - 3:31 | |
| « Tu devrais pas fixer les gens comme ça, ça pourrait t’apporter des problèmes. » « Et tu devrais rester chez toi si t'as prévu éclater en sanglots à tout moment. »
Il me le rend facile là, faut dire. À tirer cette tête quand le monde entier a l'air de lui peser sur les épaules. Il était au bar depuis presqu'une heure quand j'ai arrêté de me demander ce qu'il foutait là et que j'ai commencé à lui imposer des hypothèses dans ma tête. Il est là parce qu'il a perdu son boulot : emmerdant. Il est là parce que sa femme ou son mari l'a trompé : fade. Il est là parce qu'il a perdu son boulot parce qu'il a trompé son mari ou sa femme dans le bureau du boss : fun.
Et voilà qu'il me parle le gars. Qu'il casse la barrière et la magie, qu'il s'impose. Mon scotch goûte le bois et le caramel, la fumée et le café, ses paroles sonnent comme comme de la torture - pour lui, pas pour moi. J'en ai rien à faire de sa déprime dans la seconde, quand la mienne vaut pour mille, quand mes journées se suivent et se ressemblent, quand je sens mon corps qui lâche de plus en plus et le moral avec. S'il cherche une épaule sur laquelle pleurer, il est au mauvais endroit. « Si je voulais en frapper un là. Tu choisirais lequel ? » ou alors, il est exactement là où il doit être.
« N'importe qui. Ce sont des inconnus, ils se valent tous. C'est le coup qui compte. » mon intérêt est ravivé, pareil avec la lueur de curiosité dans mon regard. Il le sait pas mais il vient de sauver ma soirée et pour sûr que jamais je ne le lui dirai. Qu'il suive sans mot dire, et qu'il lise entre les lignes s'il y tient tant que ça.
Mes prunelles balaient la salle à la recherche d'un ou de plusieurs candidats, je suis pas difficile et ils devraient tous faire l'affaire en vrai. Les uns les autres se mélangent et se confondent pendant mon examen exhaustif d'une poignée de secondes à peine. « Tu bois pour oublier quoi? Qui? » tant qu'à ce qu'il s'incruste, autant voir lequel de mes scénarios était le bon. |
| | | | (#)Jeu 16 Avr 2020 - 19:44 | |
| « Et tu devrais rester chez toi si t'as prévu éclater en sanglots à tout moment. » Toi, tu m’intéresses.
Il est clair que je l’emmerde, mais de toutes les âmes qui traînent dans ce rafiot elle est la seule qui m’a fait relever la tête. Elle ne mâche pas ses mots la rousse. Elle pique sans se soucier d’un rien. La franchise brute et scandaleuse. Elle m’intéresse. Encore plus, lorsque son regard me fusille tandis que je prends place près d’elle. Elle aussi, elle est en colère. Je le vois à sa main qui se resserre autour de son verre, sa jambe qui tressaute et cette distance qu’elle impose en un seul regard. Elle n’est pas là pour attirer le regard des hommes, pour attendre des amis ou juste pour un verre. Elle est là parce qu’elle ne sait pas où aller d’autre. Et peut-être que comme ça, dans une phrase, notre soirée prend un autre tournant. À ma question, la lueur dans son regard change subitement. J’attrape son intérêt tout autant qu’elle captive le mien. « N'importe qui. Ce sont des inconnus, ils se valent tous. C'est le coup qui compte. » Touché. Coulé. C’est le coup qui compte. Comment évacuer en une seule prise. Hurler en un seul acte. Faire mal à s’en détruire un tout petit peu plus. « Je viserai le foie. » C’est le coup qui compte qu’elle a dit. Pendant des années, j’ai regardé des combats de boxe avec mon frère aîné. C’est toujours le coup au foie qui fait flancher, sans jamais faillir. Un coup bien placé, net et précis. « S’acharner sur le visage, c’est un travail d’amateur. » Elle goûte fort la vodka qui glisse le long de ma gorge. Elle alimente la colère aussi. Et déjà, nos regards glissent dans la salle à la recherche de l’inconnu parfait.
Il y a le mec qui semble vouloir draguer cette fille dans le fond. Son costard cravate et tellement en décalage avec l’endroit, son langage corporel m’est insupportable. Il pourrait être le candidat idéal. « Tu bois pour oublier quoi? Qui? » « Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? » que je concède alors que mes yeux continuent à scanner l’endroit. Mon histoire n’a rien de rocambolesque, je ne cache pas un terrible secret. Simplement un cœur brisé qui ne sait plus réellement comment battre de manière censée, mais son regard insiste. Elle cherche à valider une théorie. « Mon mari. » Qu’elle s’invente alors les plus belles théories, ça n’a pas vraiment d’importance. « Et toi ? Tu te caches de quoi ? De qui ? » Juste retour du bâton, après tout.
Et mon regard ne cesse de retomber sur ce mec dans le fond. Son costume qui crie l’homme d’affaire, l’homme puissant qui pense que le monde est à ses pieds. « Lui. » Je désigne d’un coup de menton. « Il veut se la faire, mais elle est mariée. » Peut-être que je leur invente une vie, mais c’est mon jeu préféré. |
| | | | (#)Mar 21 Avr 2020 - 19:52 | |
| Il pense le gars, il y pense vraiment. Intéressant. « Je viserai le foie. » « Spécifique. » il aurait pu dire le ventre, il aurait pu dire le flanc. Il aurait pu dire le dos, il aurait pu dire des tas d'autres endroits. Voilà qu'il parle de ce qui se trame à l'intérieur et elle est fun l'ironie, quand justement je m'en occupe de mon foie, une gorgée de scotch plus tard.
« S’acharner sur le visage, c’est un travail d’amateur. » mon rire est bref, mais il est là, à défaut d'être las. « Ouais, mais c'est où ça saigne le plus. Tu t'assures la paix le temps que l'autre voit rien, et que tu puisses cogner ailleurs. » j'hausse de l'épaule, pragmatique presque, logique surtout. C'est le coup des traîtres mais c'est le coup qui donne une brève longueur d'avance, valant la peine de le garder dans son répertoire, au cas où ça aide. Ça m'a suffisamment aidé d'ailleurs, assez pour que je la lui passe l'info au bagarreur du dimanche. « Est-ce que ça a vraiment de l’importance ? » oula. Et le voilà qui larmoie, ou presque. J'en profite pour souffler, me verre encore calé sur mes lèvres. Je suis pas là pour être attendrie, encore moins pour le prendre en pitié et quelque chose me dit que c'est certainement pas ce qu'il veut aller chercher lui non plus. Je lui en laisse le bénéfice du doute. « Ça en a pour toi, à voir ta tête. » non sans piquer, un peu, assez, au passage.
On oublie quoi? « Mon mari. » ah, elle est fun celle-là. « Et toi ? Tu te caches de quoi ? De qui ? » « Mon mari. » Voyez, qu'est-ce que je disais.
Alors il oublie son mari, et je me cache du mien. On est la paire la plus assortie comme la plus pathétique de tout le pub, mais demandez-moi si j'en ai quelque chose à battre.
« Lui. Il veut se la faire, mais elle est mariée. » et apparemment, il veut parler. S'il parle des autres, ça me va. S'il parle du monde entier plutôt que de moi ou de lui, et qu'il pointe leurs tares, ça me va encore plus. Ma silhouette se replace sur ma chaise et mon regard acéré suit le sien. J'aime pas où il va avec son descriptif parce que c'est du cliché qui est réaliste, qui résonne. « Nah. » de base, je refuse rien que pour refuser, rien que pour râler aussi. Mais au fil des gestes de l'un et des regards de l'une, leur portrait en commun se trace dans ma tête maintenant que j'en ai suffisamment pour le dresser à l'inconnu installé à mes côtés, lui qui est aussi intrusif à les fixer que moi à cogiter. « C'est elle qui veut. Lui il joue, mais à la seconde où elle insiste trop il se dégage. » je narre, je souffle, mon verre désormais posé sur le comptoir de bois devant moi.
Et la scène est trop belle, quand elle se penche vers lui, quand elle murmure à son oreille, quand elle pose avec une lenteur infinie sa paume sur son torse, et que lui, il laisse son regard dériver vers la première serveuse à la clé. « Qu'est-ce que je disais. » elle lui a filé son numéro, il a hoché de la tête, elle a détourné l'attention et il reluque déjà ailleurs. Mon soupir est presque aussi prévisible que leur duo qui me blase déjà. « Eux? » alors c'est à lui de jouer, alors c'est à lui de remonter dans le tableau des scores. Je lui pointe du mentant les nouvelles cibles. L'objectif de dresser l'épilogue du barman qui est posé à notre diagonale et qui scrute une silhouette esseulée au comptoir depuis presque aussi longtemps que nous. |
| | | | (#)Mar 21 Avr 2020 - 21:09 | |
| « Ouais, mais c'est où ça saigne le plus. Tu t'assures la paix le temps que l'autre voit rien, et que tu puisses cogner ailleurs. » Pragmatique. Simple mais concise. C’est le coup qui compte, mais il doit faire mal et laisser le temps de cogner ailleurs. Elle demande de la répétition. Elle impose un rythme plus violemment. Elle m’intrigue et mon regard glisse sur son profil. Tout est énoncé dans une telle simplicité et avec une nonchalance qui laisse sous-entendre tout le reste. « Je ne suis qu’un novice. » que j’avoue face à son aisance. Je n’ai jamais été, un violent, j’ai toujours préféré les mots aux coups. Déstabiliser psychologiquement avant de venir frapper physiquement. Faire saigner avant le KO. J’enregistre la moindre de ses paroles. Récupérer l’information brute avant de la distiller plus tard. Pour sûr, ce sera réutilisé, dans les gestes ou sur le papier.
L’intrigue est mutuelle. Ma réponse évasive ne semble pas lui suffire. Elle insiste ma camarade de bar. « Ça en a pour toi, à voir ta tête. » Et finalement, on entre dans ma cour de prédilection. Les mots avant tout. Ceux qui dérangent par leur vérité, qui titille et qui donne envie de répliquer. J’étais un joueur incontesté sur ce terrain. Il faut croire qu’aujourd’hui, la vigueur à laisser place à une lassitude qui colle à la peau. « Première erreur : ça n’a plus d’importance. » La raison de ma présence ici est immuable : il ne reviendra pas. Ce qui n’était qu’une fissure est devenue une faille puis se mue en gouffre infranchissable, mais l’importance n’es plus. Et mon regard se pose sur l’ombre de nos silhouettes couché sur le miroir poli par les années, cachées derrière la rangée de bouteilles qui nous fait face. « Mon mari. » Sa réponse qui fait écho à la mienne. Mon rire sans joie qui résonne entre nous. [color=#000000]« Ironie du sort. » Et mes lèvres qui chuchotent juste avant d’entrer en contact avec mon verre. « A voire ta tête, ça a de l’importance. »
En aucun cas, je n’insiste. S’intéresser au reste du monde semble si simple en comparaison à la conversation qui pourrait découler de ses aveux à demi-désespéré. Verser dans le cliché ne me ressemble pas, mais au moins, j’ai capté l’attention de ma voisine. « Nah. C'est elle qui veut. Lui il joue, mais à la seconde où elle insiste trop il se dégage. » Fine observatrice. La scène se déroule sans fausse note, comme elle l’avait prédit. Trop simple. Trop prévisible. Et le soupir qui nous échappe d’une manière trop synchrone pour passer inaperçue. « Qu'est-ce que je disais. » Je hoche la tête. « Point pour toi. » Je ne sais où l’on va, mais l’observation pathétique de ce qui nous entoure nous permet, un instant, de ne plus penser au reste. Elle a accepté de jouer à mon jeu favori, je ne compte pas la laisser s’échapper aussi facilement.
« Eux? » qu’elle indique en pointant le barman et une jeune femme au comptoir. La soirée des âmes esseulées. J’observe en silence. Joue avec mon verre, puis mon alliance. Un regard vers eux pour deux regards vers elle. Elle m’intrigue celle qui se cache de son mari. Plus que l’homme si hésitant en face de nous. Mais je joue le jeu. J’observe sans insister. Mon regard papillonne, mais il note tous les détails, tous les instants. Et j’avais déjà remarqué. « Elle attend quelqu’un. » Mon regard capte celui de ma voisine avant que nos prunelles ne se posent sur la silhouette fasse à nous et que je lui décompose le moment. « D’abord, elle se ronge les ongles. » Et l’intéresser porte ses doigts à sa bouche. « Ensuite, elle regarde son téléphone. L’écran est tourné contre le comptoir, mais elle attend désespérément qu’une sonnerie s’en échappe. » Quelques secondes supplémentaires. « Puis elle regarde par-dessus son épaule. » Et le cycle se répétera dans quelques minutes, au plus tard. Premier rendez-vous ? Retrouvaille ? Rupture ? Les raisons sont multiples, mais peu intéressantes dans le fond. « Même s’il lui parle, elle n’y prêtera pas attention. Au pire un sourire poli. » Elle n’est pas là pour faire attention à ce qui l’entoure. Elle se concentre beaucoup trop sur ce qu’elle attend. C’est trop simple. « Hugo. » que je lâche à la voler, maigre tentative pour espérer apprendre en retour le prénom de ma voisine tandis que mon regard se pose à nouveau sur le barman. « Lui par contre… C’est différent. » Il est plus dur à lire, plus compliqué à cerné. « Tu dirais quoi ? » Invente sa vie avec moi à défaut de se lamenter sur les nôtres. À ton tour de jouer. |
| | | | (#)Sam 2 Mai 2020 - 5:03 | |
| « Point pour toi. » j'hoche de la tête, fière d'une victoire remportée aux dépends d'une inconnue qui disparaîtra dans la nuit aussi rapidement que mon regard la quitte pour filer vers un autre duo.
« Elle attend quelqu’un. » logique, apparent. Il se prête à l'exercice avec vraiment beaucoup trop de sérieux le blond, et si j'étais le moindrement ingrate je pointerais tous les signes qui prouvent qu'il joue à l'autruche avec brio ; il aurait tous les droits de faire de même avec moi. On s'abstient, pour le bien de tout le monde. Vaut mieux. « D’abord, elle se ronge les ongles. » mes prunelles suivent les siennes, le verre que je monte à mes lèvres dans une mimique en parfaite harmonie avec lui sans que je me fasse chier à le remarquer. « Ensuite, elle regarde son téléphone. L’écran est tourné contre le comptoir, mais elle attend désespérément qu’une sonnerie s’en échappe. » classique. J'ai presque envie de jeter un coup d'oeil à mon propre portable moi aussi tellement je l'attends, la sonnerie, l'appel qui me confirmera que tout ira bien. Pas ce soir, et certainement pas demain. « Puis elle regarde par-dessus son épaule. » elle nous rend ça si facile, en vrai. « Même s’il lui parle, elle n’y prêtera pas attention. Au pire un sourire poli. » sa narration est impeccable ; je le lui dirai sûrement, à un moment je sais pas, peut-être, j'y pense plus déjà.
« Hugo. » « Ariane. »
Ça c'est naturel, ça, c'est presque confortable, mais ça reste pas. Un secret comme un autre qui n'en est pas vraiment un au final.
« Lui par contre… C’est différent. » le barman, le fameux. J'inspire, me redresse à nouveau sur mon siège, laisse Hugo suggérer un « Tu dirais quoi ? » il ne me presse absolument pas. J'ai tout mon temps, lui aussi, tout le monde dans ce bar semble attendre ou espérer quelque chose qui ne viendra jamais de toute façon. Quelle bande de larmoyants pénibles on fait.
Le barman souffle, je souffle avec lui. « Il est blasé. » premier constat, ses traits las le reportent pour moi. Il a des gestes lents, il met deux fois plus de temps à nettoyer ses verres, à glisser un linge sur le comptoir. Chaque mouvement semble être un calvaire. « Et triste. » ça, c'est plus risqué à amener, mais je me fie à la ligne qui traverse son visage, le rictus qui voile son regard, prunelles brillantes et sourire forcé aux lèvres. « Et en colère. » ça par contre, c'est évident. Quand il pose son verre brusquement sur le comptoir, quand il rage au passage, une fraction de seconde une, à peine, mais suffisante pour que ni moi ni Hugo n'en manque une miette. « Il gère au mieux, il ravale, il fait son boulot. » mon verre à moi maintenant, que je vide, et il met trois plombes à venir le remplir. Blasé. Il évite mes prunelles des siennes, luisantes et certainement pas brillantes. Triste. La gorge qu'il se racle une fois ma commande servie, mon soupir avec. En colère. « Mais il attend juste que quelqu'un comme toi vise le nez pour relâcher toute la rage qu'il a accumulée. » il est déjà loin, il est déjà dos à nous, il est déjà envolé, et ma silhouette à moi, se tourne vers l'anglais à l'accent assez apparent pour que personne ici ne le nie.
« Tu voudrais être qui, toi, ce soir? » si tu piquais la vie de qui que ce soit ici, ce serait laquelle? |
| | | | (#)Sam 9 Mai 2020 - 19:08 | |
| « Ariane. » Information distillée au milieu de nos observations. Je n’ai pas besoin d’en savoir plus. Un simple prénom pour ne pas tendre vers tous les superlatifs lorsque je m’adresse à elle. Le reste ? Le reste n’a pas véritablement d’importance au final.
« Il est blasé. » Elle se prête au jeu. Elle observe, elle constate. Mon regard se plante sur la silhouette du barman qui semble animer ces gestes un temps en dessous de celui des autres. « Et triste. » Elle sait lire les comportements, cela ne fait plus aucun doute. Et la description commence doucement à me titiller. Bien sûr qu’il est triste, avec son faux sourire et son allure pseudo négligé qui n’es en réalité qu’une façade déjà bien trop effritée par le temps. « Et en colère. » Je hoche la tête. Je n’aime pas la direction que l’on prend, mais j’écoute encore attentivement. Je lui laisse grappiller des secondes, à elle. Je lui laisse le temps de se ressaisir, à lui. « Il gère au mieux, il ravale, il fait son boulot. » Et c’est le coup de grâce. Je ne sais plus qui Ariane est en train de décrire. Le barman ou moi ? Je ravale moi aussi. Les doigts qui se serrent autour de mon verre que je m’enfile une seconde. Je redresse le dos. J’évite soigneusement son regard, sinon elle y verra trop de choses. Elle a ce pouvoir-là. Je ravale les émotions, la colère, la tristesse. Je m’accorde quelques secondes. Elle frappe un dernier coup. « Mais il attend juste que quelqu'un comme toi vise le nez pour relâcher toute la rage qu'il a accumulée. » Je soupire longuement. Je perds patience. Ce jeu ne m’amuse plus vraiment. J’ai le cœur qui s’emballe, les souvenirs qui remontent et cette envie de hurler qui me démange. « Laisse-le tranquille. » C’était marrant au départ. Ça ne l’est plus vraiment.
« Tu voudrais être qui, toi, ce soir? » Elle insiste pourtant ma voisine de bar. « Sûrement pas lui. » que je dégaine à la seconde. Pas lui, parce que lui, c’est moi et moi, c’est lui. Pas la jeune femme que j’ai décrite avant parce qu’elle est trop fragile. Pas le dragueur. Ni la draguée. Personne ne fait réellement rêver dans ce bar empli d’âme en peine. « Probablement toi. » que je finis par répondre sans même y penser. « Tu as dit fuir ton mari. » que je rappelle. « Au moins, il est quelque part. » Au moins, il est bien vivant. Même si elle le fuit, même si elle aussi fait partie des âmes en peine. Elle a ce que je n’aurais plus jamais et peut-être bien que je l’envie pour cela. Juste un instant.
« On se tire ? » Je fais signe au barman, lui demande une bouteille de scotch que je lui paye cash. « On va chercher l’inspiration ailleurs ? » C’est l’écrivain qui parle. Celui qui ne veut pas d’âme en peine aussi simple et futile. Celui qui veut du raw, des sentiments à vif. Celui qui cherche l’étincelle qui lui permettra d’écrire à nouveau, de déverse sa colère au travers des mots. J’enfile ma veste, récupère ma bouteille. « Tu ne vas pas te contenter de quelques âmes en peine. » Alors, Ariane, on se tire ? |
| | | | (#)Mar 12 Mai 2020 - 19:24 | |
| « Laisse-le tranquille. » sinon quoi? Mais il change de sujet de suite Hugo, il rage contre moi mais surtout contre lui-même. Soit, ç'aura été un gentil et joli jeu un temps, seulement.
Ma question flotte, il lui laisse tout le temps avant de la rattraper au vol. « Sûrement pas lui. Probablement toi. » personne n'aurait pu la voir venir celle-là, certainement pas moi. Quand on tire autant la gueule l'un que l'autre, quand on erre et qu'on dérive sur les vies des autres parce que d'office on l'a statué ; les nôtres de vies, elles nous font chier. « Tu as dit fuir ton mari. » et lui, il l'a dit aussi mais ; « Au moins, il est quelque part. » pour l'instant. Ça aussi je le retiens. Pour des raisons totalement évidentes, pour nous deux maintenant.
« On se tire ? » Hugo qui propose un choix mais qui prend la décision pour nous deux. Mes yeux suivent ses gestes, de l'argent qu'il dégaine à la bouteille de scotch qui se retrouve désormais entre ses paumes. Il a l'oeil, pour ça aussi. « On va chercher l’inspiration ailleurs ? » l'inspiration d'ici ne nous va plus, de toute façon. « Tu ne vas pas te contenter de quelques âmes en peine. »
Ma silhouette se redresse, ma veste que je passe sur mes épaules sans jamais quitter ses yeux des miens. « J'attendais même plus que tu proposes tellement t'as traîné. »
*** « C'est mieux quand on les voit pas. » c'est mieux pour inventer en mode carte blanche, quand il n'y a pas de visages et juste les immeubles à perte de vue, illuminés dans la nuit d'été australien à laquelle on a droit. Celle qu'on était cons en vrai de snobber en restant enfermés dans un pub déprimant depuis des heures déjà.
Kangaroo Point est devenu mon endroit préféré pour des tas de raisons qu'il ne saura jamais parce que j'ai pas encore suffisamment confiance en lui pour les lui partager - mais apparemment assez confiance pour grimper dans un taxi à ses côtés et l'entraîner ici. Le paradoxe me fait rire quand on finit l'ascension à pied, qu'on vient se poser sur l'un des bancs posés en bordure de côte. « Tu écris? Ou tu réalises? » je demande ça, parce que j'ai pas demandé avant de prendre la bouteille de ses mains pour y boire au goulot. L'équilibre est presque tenu, atteint.
Mes prunelles attrapent les siennes, lui qui gardait les yeux perdus sur l'horizon anonyme depuis quelques minutes, j'ai arrêté de compter. « L'inspiration, la recherche des personnages ; tu laisses des traces. » si j'ai fabulé sur les autres, je fabule maintenant sur lui, mille ans trop tard mais suffisamment tôt pour me rappeler des derniers détails qu'il m'a donnés. |
| | | | (#)Dim 17 Mai 2020 - 22:01 | |
| J’ai déjà trop dispersé de détails. Elle a déjà trop compris, probablement sans le vouloir. L’image que me renvoie le barman me terrifie et me cloue sur place. La magie du jeu a disparu. Il était temps que l’on se tire.
« C'est mieux quand on les voit pas. » Je hoche la tête alors que déjà, mon regard se perd sur l’horizon. Un nouveau lieu à découvrir. Un nouveau terrain de jeu. Un canevas propre et complètement vierge. Aucun miroir qui renvoie la triste vérité, rien que des possibilités sans barrière et sans limites. Je retire ma veste, ouvre la bouteille de scotch sans y boire au goulot. Pas encore. Il faut d’abord choisi le premier tableau que l’on peindra. Elle est plus rapide ma comparse, elle prend la bouteille et elle questionne. « Tu écris? Ou tu réalises? » Se tirer sous-entendait de ne plus parler de soi. Je garde le regard planté sur l’horizon, espérant qu’elle oubliera, qu’elle ne demandera pas plus. Répondre, c’est lui donner un détail de plus. C’est lui offrir sur un plateau une nouvelle faille. Répondre, c’est faiblir encore.
Je sens son regard sur mon profil et soupire longuement avant de croiser ses prunelles. « L'inspiration, la recherche des personnages ; tu laisses des traces. » Trop de traces. Trop d’indices. « J’écris. » Et déjà, je me mords la lèvre. On ne se connaît pas tous les deux, c’est peut-être ce que je cherchais en lui proposant de s’échapper avec moi, parler à une inconnue, dire tout ce qui passe, sans jugement en retour. « Enfin… J’écrivais. » Avant. Lorsque l’inspiration était constamment présente, lorsque mon mari était encore vivant et à mes côtés. « Aujourd’hui, je prétends écrire quand je fixe mon ordinateur pendant des heures. » Je hausse les épaules. « Encore un peu de traces… »[/color] que je lui avoue en souriant presque trop tristement. Et je le vois cet éclat dans le fond de ses yeux. Ce petit truc en plus qui fait la différence même si elle prétend n’être atteinte de rien, même si elle boit à la bouteille comme si de rien n’était. « T’écris aussi, hein. » Je le sens. Elle aussi cherchait l’inspiration, elle aussi a su décrypter les personnages.
Le silence retombe, je m’avance sur ce banc, colle mon regard sur cet immeuble en particulier. Choisi au hasard, comme ça, parce que les lumières y brillent vivement et que la vie fourmille derrière les carreaux. « Je veux pas être un cliché. » Ce refus d’être un veuf éploré sans savoir commencer, prendre le prochain pas vers l’avenir. L’équilibre se maintient. Je lui offre un détail de plus. Celui qui compte de trop. |
| | | | (#)Lun 1 Juin 2020 - 1:48 | |
| « J’écris. Enfin… J’écrivais. » il le dit avec la voix qui tremble presque, et si pour le reste du monde entier j'en aurais rien à battre, pour lui, je sais pas, je veux surtout pas le montrer, mais ça me touche presque. Bon, toucher est un mot fort, disons que ça me fait chier pour lui et on est bons - n'en reste que je comprends parfaitement le syndrome de la page blanche et que je souhaiterais pas ça même à mon pire ennemi. Nah, mon pire ennemi, je lui souhaite une batterie de tentatives de torture parfaitement douloureuses, le démembrage en top de liste. Passons.
J'inspire, il expire, la chorégraphie a l'air de dater d'un millénaire quand je le connais de même pas quelques heures. « Aujourd’hui, je prétends écrire quand je fixe mon ordinateur pendant des heures. » mon rire est sec, le sien est las. Son « Encore un peu de traces… » qui se casse sur ses lèvres quand je ramène mes jambes sous ma silhouette. La ville la nuit est particulièrement belle, elle l'est encore plus quand j'allume un joint qui glisse contre mes lèvres. Joint que je lui offre avant de le reprendre docilement. Qu'il se sente privilégié que je lui partage plus que juste mon temps.
« T’écris aussi, hein. » la fumée vole, mes mots avec. « Yep. » et s'il laisse des traces, il a suffisamment gagné de points pour que j'en laisse aussi. « Avec d'autres pour l'instant. Ça me manque d'écrire pour moi-même. » les pages qu'on cumule avec Levi se perdent dans le néant, entre nos disputes constantes sur quels mots utiliser, et celles sur quelle intrigue prioriser. On écrit des trucs incroyables à deux, mais on sue sang et eau de le faire à chaque fois. Faut qu'il garde son énergie pour lutter contre sa maladie plutôt que de lutter contre moi.
Les klaxons et les bruits d'en bas par-delà l'horizon se sont donnés au point où son soupir je le manque presque. Ses paroles par contre, elles restent. « Je veux pas être un cliché. » oh boy. « T'en est un juste si tu laisses les autres le décider à ta place. » parce que s'il veut pas, c'est qu'à lui de décider de se secouer. C'est qu'à lui d'arrêter de larmoyer. Qu'il croit pas que je vais jouer dans la dentelle avec lui ; je le fais même pas avec les personnes qui se sont hissées tout au top de mon podium personnel. Probablement qu'il m'en parle pour ça en plus, pour que je le secoue. Allez savoir.
« Écris pas. Fais juste me dire ce que t'imaginerais, si t'avais du papier et un crayon devant toi. » on oublie l'ordinateur, on oublie la pression avec. T'écrirais quoi, si tu pouvais écrire là? |
| | | | (#)Sam 13 Juin 2020 - 19:19 | |
| La flamme du briquet illumine son visage. La fumée se propage entre nous. Tout semble soudainement suspendu dans un espace-temps que l’on se crée, en dehors de la réalité. Dans une bulle qui tôt ou tard finira par exploser, nous ramenant à notre statut d’étranger, imposant à nouveau la distance nécessaire. En attendant, tout semble différent. Les mots n’ont pas le même poids, les confidences en deviennent bien trop simples.
Un peu de whisky rincé par une taffe d’herbe qui aura le don, plus tard, de me calmer. « Yep. » Alors, elle écrit. Alors, on fait parti du même monde, en sorte. « Avec d'autres pour l'instant. Ça me manque d'écrire pour moi-même. » Et viens la différence. « Il ne faudrait écrire que pour soi-même. » Il réside dans ces quelques mots-là mon problème. J’ai perdu l’inspiration du moment où je me suis rendu compte que je n’écrivais plus pour moi, mais pour satisfaire les délais imposés par mon éditeur. L’illusion s'est brisé quelque part et reprendre la plume me semble un effort insurmontable.
Tout se déverse. Il est toujours si simple de s’adresser à un étranger. De son air hautain, elle donne l’impression de ne pas se soucier, Ariane. Elle est là pour l’alcool et pour échapper à ses propres pensées. Elle se fiche bien de ce que je lui raconte. C’est probablement ce qui rend le processus si simple. Ce qui ouvre toutes les vannes en même temps. « T'en est un juste si tu laisses les autres le décider à ta place. » Elle s’en fiche, mais elle vise juste. Elle tape dans le mille sans se soucier de l’impact. Elle impose sa vérité et une vision différente. Merci Ariane.
« Écris pas. Fais juste me dire ce que t'imaginerais, si t'avais du papier et un crayon devant toi. » Le joint qui circule entre nos doigts. Une nouvelle inspiration. Pas besoin de réfléchir. La réponse, je la connais déjà. « Je parlerai de la douleur. » Ce qui m’obsède. Ce qui contrôle ma vie depuis des semaines, des mois. Je ne sais plus vraiment. « La vraie douleur, celle qui ravage de l’intérieur. Celle qui obsède, qui empêche de fonctionner, de respirer. Celle qui rend fou, qui aveugle et rends sourds au reste du monde. » Une version crue, sans détour. « Pas une version alambiquée, emplie de métaphore et de poétiquement correcte. » Un rire triste m’échappe alors que je bois une gorgée de notre bouteille déjà bien trop entamée. « Un jour, on m’a dit que l’écriture pouvait être thérapeutique. » Je sors le carnet noir toujours enrouler dans la poche arrière de mon jean, le carnet pour Connor, et le pose entre nous sur le banc. « Bullshit. » |
| | | | (#)Jeu 16 Juil 2020 - 19:56 | |
| Il aurait pu garder ça pour lui jamais j'aurais gratté au point de le forcer. Qu'il le voit comme un traitement de faveur qu'il aura une fois et une seule, plus jamais après ça. « Je parlerai de la douleur. » mais encore? « La vraie douleur, celle qui ravage de l’intérieur. Celle qui obsède, qui empêche de fonctionner, de respirer. Celle qui rend fou, qui aveugle et rends sourds au reste du monde. » celle qu'il endure alors. Celle qu'il ressent, celle qu'il exprime de plus en plus facilement quand je pose apparemment les questions auxquelles il a besoin de répondre ce soir ou peut-être même depuis plus longtemps que ça. « Pas une version alambiquée, emplie de métaphore et de poétiquement correcte. » mon soupir s'agence au sien. « Un jour, on m’a dit que l’écriture pouvait être thérapeutique. » la terre grince sous mes baskets qui y forment des lignes imaginaires, inventées. « Bullshit. » là, ce sont nos sourires en coin, mais bien rageurs, qui complètent la scène.
« T'es freak. Ça fait changement. » comme si j'avais la vérité infuse, comme si je pouvais statuer que sa manière bien glauque de parler de la misère humaine toucherait autant les autres qu'elle me touchait en l'instant. Mais c'est l'alcool et c'est la déprime, c'est la situation de merde avec Levi et c'est tout le reste qui rend la conversation bien plus profonde qu'elle ne l'est véritablement. Ouais, dis-le encore Ariane, tu le penseras peut-être un peu plus fort. « On rentre chez toi, écrire. » je précise, parce que je suis pas du tout en état de faire dans le flirt, parce qu'il dégage pas ça de toute façon, parce que c'est pas ce que je veux non plus. « T'inquiète pas, je te buterai pas. Et si je le fais, je documenterai, et je signerai le livre à ton nom. » au cas où il flippe, l'air condescendant que je laisse remonter sur mon visage n'aura absolument rien de rassurant. |
| | | | | | | | i'm taking a stand to escape what's inside me (ariane) |
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