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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptySam 11 Avr 2020 - 23:32

Ce serait mentir de dire que Jack ne s'amusait pas comme un petit fou, dans la seconde. Ce serait mentir de dire qu'il voulait perdre la moindre seconde à observer autre chose que l'éventail des réactions d'un Saül particulièrement mal à l'aise, hors de toute possible zone de confort, alors qu'ils venaient à peine de se trouver une place dans un sous-sol expérimental qui n'augurait rien, mais alors vraiment rien de bon.

La scène musicale qui prenait part de plus en plus sur grey street, et les dizaines d'artistes émergeants qui s'y produisaient en soirées ouvertes au fil des semaines avaient fini par avoir raison du musicien. Il avait élu domicile dans les salles de spectacles les plus isolées, les plus mal famées du quartier comme si elles étaient devenues d'énièmes nouveaux chez soi. Il s'y installait là où il pouvait, la majorité du temps en retrait, clope au bec bière au poing, à noter mentalement les harmonies, à rayer les voix et les visages, à compiler les idées et à finir par aller s'adresser une fois sur quatre aux artistes qui l'avaient marqué. Certains avaient de l'avenir, d'autres n'étaient que feu de paille ; il avait appris à relativiser et s'il perdait son temps avec eux, il dégainait son cahier de composition pour en gribouiller les pages, en faire des chansons dont il s'inspirait pour combler le trop vide, remplir le trop plein. Il n'avait signé encore aucune collaboration sérieuse avec qui que ce soit suivant ces fameuses soirées, mais il sentait qu'au moins il prenait le pouls sur ce qui se faisait actuellement, et en soit, ce n'était pas une perte de temps pour lui.

Ce qui semblait être totalement l'inverse pour Saül.

Le pauvre qui n'est là que depuis une poignée de minutes à peine et qui déjà doit songer à 40 scénarios et 40 autres pour maximiser ce moment en aucun cas synonyme de valeur sûre, de bonne façon de passer de précieuses heures. Il met ça sur le compte d'une soirée entre potes Epstein, il se dit qu'il sortira la carte du "tu m'as manqué, bro" à la seconde où l'italien tantôt canadien maintenant australien critiquera quoi que ce soit, ce à quoi il répondra du plus grand sourire de con qu'il a en banque.

« Oh, lui, il est doué. » mais les railleries sont vite mises de côté quand Jack pointe du menton la silhouette désarticulée, guitare à la main, qui monte sur la plateforme approximative faisant office de scène. Dans cette pièce où on suffoquerait presque, la relève se plaisait apparemment à venir faire écouter ses morceaux à quiconque ayant envie de les entendre en ce vendredi. Et la partie de poker commence, ou du moins, elle débute pour un Jack qui les voit les autres producteurs, les autres compositeurs qui ont également remarqué l'artiste avant lui, en même temps que lui peut-être. Il gagne jamais ce genre de combat Jack, il cède bien avant d'avoir même commencé si vous me demandez, et il le sait très bien.

C'est lui qu'il veut signer pourtant, et à la seconde où il termine sa mélodie, où il reçoit une salve d'applaudissements, il en devient défaitiste Epstein. « C'était prévisible. » son poulain qui ne le sera probablement jamais est accosté par une salve de requins dès qu'il pose le pied par terre. Il rage le canadien, il rage et il allume sa clope, boit d'un trait son whisky, se console en se disant qu'il y en aura d'autres, qu'il cède sa place pour mieux. Mais évidemment que l'alcool goûte amer sur sa langue, et pas le genre d'amer qu'il lui plaît, qui annihile ses sens. Bien l'inverse.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptyMar 14 Avr 2020 - 0:12

You're looking at me like I'm see through@Jack Epstein
Oulah.
Il y a des cendres de cigarette sur l'épaule de Saül.
Oulah.
Du monde autour de lui, trop, trop trop, il suffoque un peu.
Oulah.
Ce type était proche de lui verser sa bière dessus.
Oulah, oulah, oulah.

Ça en fait beaucoup pour l'italien, lui qui est habitué à avoir une zone d'espace vitale grande comme un continent. Il n'est pas très rassuré, là, le croco, même s'il sait que Jack l'accompagne. Ou plutôt, qu'il accompagne Jack, on ne sait plus bien. Pour une fois, l'italien a revêtu une tenue simple. Il a même passé une veste en jean - quel exploit ! - et se trouve plus à son aise qu'il ne l'aurait pensé, avec son verre de bière à la main. Il ne boit pas, d'habitude. Juste par politesse. Ici, les gens s'en fichent de la politesse, personne ne regarde personne, tout le monde a le regard porté sur la scène; mais ça, il faudrait que Saül se l'enfonce dans le crâne. Le tout lui rappelle un peu sa jeunesse, quand il traînait dans des coupe-gorges avec ses copains, en Italie. C'est un temps révolu. Un temps qu'il accepte de revivre un peu par procuration, ce soir.

Jack avance dans la foule, un peu trop vite. Saül joue des coudes pour se maintenir à sa hauteur, refoule son envie de cogner un type aux joues hâves qui lui crache sa fumée au visage. « Rappelle moi de te demander pourquoi j'ai accepté de venir. » Parce qu'il sait que Jack l'emmène toujours dans des endroits cool. Ses bars à lui sont d'un ennui mortel, il faut qu'il s'y fasse, l'italien. « Oh, lui, il est doué. » Les yeux bleus du quarantenaire se relèvent vers la scène, alors qu'il sirote sa boisson. Il n'y connaît pas grand chose, Saül, ne sait pas faire d'échelle de ses goût musicaux et n'y a d'ailleurs jamais pensé. Il bouge la tête, simplement, lorsque la musique fait vibrer les murs et que le public s'enflamme. Ce n'est pas tant qu'il n'aime pas la musique, Saül. C'est juste qu'il n'y fait pas vraiment attention. Ses goûts en la matière étaient beaucoup plus prononcés quand il était jeune mais voilà : le temps émousse tout, même les sens les plus primitifs. « C'est pas mal. » Ce qui se rapprochera toujours le plus d'un compliment, surtout délivré dans un demi rictus - pas tout à fait un sourire, je suis vraiment navrée - qu'on connaît si bien au protagoniste.

L'artiste est happé par une foule de types, une fois qu'il remet pied à terre. « C'était prévisible. » Jack s'allume une cigarette, que Saül lui attrape du bec pour l'écraser dans le premier cendrier venu, l'air de rien. « T'as qu'à y aller. Ces types ne valent pas un clou. T'attends quoi ? » Même si "trop tard" ne fait pas partie du vocabulaire de Saül, il semblerait que pour cette fois, la partie soit perdue. Dommage. La bière dans la main de Saül descend très doucement. « On peut se rapprocher de la scène. Pour que t'attrapes le prochain. », qu'il propose dans un élan de générosité que l'on ne lui connaît pas, habituellement. C'est alors que ses yeux se posent sur la foule, qui emplit chaque centimètre carré des premiers rangs, devant la scène improvisée. « Bon, peut-être pas trop trop non plus. Je tiens à notre intégrité. Tu viens vraiment souvent, ici ? » Ce doit être mauvais pour ses poumons et pour son moral, s'il se fait voler tous les talents qu'il voudrait avoir pour lui. Mais ça, Saül ne le soulignera pas. Le brun a peut-être déjà utilisé tous les élans de gentillesse qu'il possédait en réserve pour ce soir. Ce fut bref.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptyDim 26 Avr 2020 - 12:57

« Rappelle moi de te demander pourquoi j'ai accepté de venir. »
« T'as pas officiellement accepté, en fait. »

Il éclate de rire Jack, son rire qui passe presque incognito dans une salle où tous les bruits se mélangent, entre les cordes de guitare qui se grattent frénétiquement et les bouteilles de bière qui tintent bruyamment. La vérité restant qu'il était simplement habitué à proposer en prenant pour acquis que Saül suivrait - l'inverse étant toute aussi vraie. Ils avaient depuis bien longtemps arrêté de se demander quoi que ce soit, s'imposant de la plus étrange quoiqu'instinctive des façons dans leurs vies respectives autant puissent-elles être aux extrêmes opposées l'une de l'autre.

Il l'observe l'italien, il laisse ses prunelles le détailler une seconde de plus le temps de reprendre contenance, avant de jeter des coups d'oeil à la dérobée vers la scène. « C'est pas mal. » ça pourrait être mieux, oui. Ça pourrait être plus axé sur certaines notes, une mélodie qui va trop vite pour le tempo des paroles. Il décortique le morceau dans sa tête, il s'amuse comme un gamin à la veille de Noël quand il refait la composition dans un sens et dans l'autre, quand son cerveau si fatigué de la vie de bohème qu'il lui a fait subir se délecte encore autant de détacher chaque gamme pour la rattacher à une autre. « T'as qu'à y aller. Ces types ne valent pas un clou. T'attends quoi ? »

Mais il se perd dans sa tête, le brun.

Ses mèches partent dans tous les sens, sa clope qu'on lui confisque, il ragerait presque pour la dose de nicotine retirée s'il n'était pas aussi défait d'avoir encore une fois vu une opportunité lui filer sous le nez. « C'est pas le bon moment. » c'est jamais le bon moment pour lui. C'est jamais son moment à lui, c'est toujours celui d'un ou d'une autre. « On peut se rapprocher de la scène. Pour que t'attrapes le prochain. » « Pas encore. » il est lâche au final Jack, il est lâche parce que la nouveauté le brime, le braque. Il a perdu tant de temps à monter des pièces de rêve qu'il rêverait de distribuer à de nouveaux artistes, pourtant, il n'est pas fait pour les méthode d'aujourd'hui. Lui, il fonctionne bien avec des démos, avec des séance de jamming, avec des passages inopinés à son studio d'artistres qui veulent simplement lui parler, discuter de leurs paroles et de leurs accords, inventer avec lui. Il est pas fait pour les négociations, et encore moins pour la chasse à l'homme qui se joue là, devant leurs yeux, ceux curieux de Williams, ceux las d'Epstein.

« Bon, peut-être pas trop trop non plus. Je tiens à notre intégrité. Tu viens vraiment souvent, ici ? » « On peut juste regarder, aussi. » qu'il grommelle, plus pour lui-même et la déception qu'il personnifie encore et toujours, sa bouteille de bière se calant contre ses lèvres. S'il vient souvent ici? « Un peu plus ces derniers temps. » parce qu'il recherche de nouvelles saveurs, de nouvelles couleurs pour le label. Parce qu'il a l'impression de tourner en rond et qu'il fabule de la perle, du poulain, de l'artiste qui lui confirmera qu'il fait bien d'être encore autant passionné d'un métier qu'il aime bien plus fort que tout le reste, depuis le premier jour.

« Même si ça fait des années je comprends toujours pas comment ces choses-là fonctionnent. » il pouffe finalement, résigné, ridiculise la scène et les requins qui quittent les coulisses pour laisser place à un duo de chanteuses maintenant. Deux gamines d'à peine l'âge d'Ellie ou de Cosimo qui s'installent alors qu'il les écoute d'une oreille aussi dédiée que diffuse. « C'est un cage à lions, j'ai rien à y faire. » au moins, il est réaliste qu'il pense. Défaitiste, plutôt. « La musique n'est plus pour les types qui aiment en faire, j'imagine. » elle est pour ceux qui pensent à l'argent qu'ils en feront, fatalement.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptyDim 13 Déc 2020 - 11:20

« Pas encore. » Alors, ce n'est jamais le moment. Il ne l'approchera jamais, le type, Jack. Saül le connaît bien, à force. Il n'ira pas au combat, pas dans l'arène avec les serpents. Il en tirerait des avantages, pourtant. « On peut juste regarder, aussi. » « Ce n'est pas ce que tu veux vraiment. » Il vient souvent, portant. Se frotter à la fosse juste pour l'observer de loin, combien fait-il ça par semaine ? « Un peu plus ces derniers temps. » Ces derniers temps seulement, alors. Qu'est-ce qu'il fait, ces derniers temps, Saül ? Il traîne dans les pattes d'Ariane à la Serre, il se bat avec des papiers de divorce et il prend de la neige - jamais seul, toujours accompagné.

Et puis, les artistes se tirent. Saül secoue la tête, déçu pour son ami. « Même si ça fait des années je comprends toujours pas comment ces choses-là fonctionnent. » « Viens faire un stage chez moi, tu apprendras plus vite. » C'est un monde similaire, au final, dans la tête de l'italien. Lui n'a pas vraiment pour passion d'écouter de la musique. Il pense aux chiffres, rêve de jolies courbes budgétaires et réfléchit avant tout aux rendements. La musique, c'est un business juteux. L'autre connard de Sebastian l'avait bien compris. « C'est un cage à lions, j'ai rien à y faire. » « S'ils te rencontraient, ils te choisiraient toi. » Mais voilà, encore faut-il s'y lancer, dans la cage aux lions - faute de savoir la détruire. « La musique n'est plus pour les types qui aiment en faire, j'imagine. » « Tu as l'alcool triste, ce soir. » Et voilà que les yeux de Saül se posent alors sur un type qui échange, de main à main, un sachet transparent. « Pas bougé. » qu'il ordonne à Jack, laissant au passage son verre pour aller attraper l'épaule du type, louche parmi les louches.

Les voilà assis sur les marches qui mènent à l'entrée des artistes, là où personne ne passe. Il a le sachet entre les doigts, Saül, qui cherche son porte feuille pour en sortir sa carte bleue. « Tu n'as pas arrêté ? » En a-t-il déjà parlé à Jack, de sa nouvelle petite habitude volée à sa concubine ? Elle n'est pas encore bien installée, l'habitude. Pas encore. Les deux amis auraient pu aller à la Serre, mais Saül n'est pas sûr trouver le terrain libre. A l'arrière de son porte feuille, Saül coupe tranquillement la première ligne destinée au canadien. « On peut juste regarder, ou alors on retourne dans la salle et tu vas prendre les numéros du type de tout à l'heure. » Prends ta dose de courage, Jack.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptySam 19 Déc 2020 - 4:39

« Ce n'est pas ce que tu veux vraiment. »
« Qu’est-ce que je veux alors? »

Oh qu’il joue au plus malin, Jack au regard las et à la voix avec. Il ne sait pas ce qu’il veut et il tape du pied et il se tape sur les nerfs, si vous me demandez. Le voilà qui traîne sa carcasse de sous-sol en salle louche, à tenter de ramener des artistes qui plairont au goût du brand comme aux attentes pointues d’Ivy. Pour quelles foutues raisons a-t-il décidé qu’il dirigerait un label, vraiment? On aurait dû juste lui laisser une guitare entre les doigts, et jamais rien de plus. La gestion le terrifie, les dettes aussi. « Et toi, tu veux quoi? » la question se perd entre un instrument qu’on accorde et un autre. Sous ses yeux figés, ses artistes préférés de ce soir et des soirs d’avant se sont déjà envolés.

« Viens faire un stage chez moi, tu apprendras plus vite. » le rire de l’un est aussi sec et vivant que le rire de l’autre. Alors on est rendus à cette phase-là de la soirée, où Saül s’assure de faire passer les formulaires d’application pour sa boîte aux plus offrants. Amos l’a eue aussi, la proposition, Sebastian avec. Quelle connerie. « Tu veux pas ça. » Jack non plus, mais voilà qu’il étale la notion de vouloir comme on le fait avec le reste d’un vieux pot de confiture sur ses rôties. « On fonctionne bien sans que je boive ton café et que tu me reproches de pas porter de cravate. » qu’il ricane encore, le musicien bohème à quelques sous près de la faillite. Ils sont de deux mondes différents et devraient le rester, ça leur va bien au teint. Sauf quand l’un couche avec la femme de l’autre, et que l’autre lui éclate le nez dans le parking d’une station-service à l’autre bout du monde.

« S'ils te rencontraient, ils te choisiraient toi. »
« Si. »
« Tu as l'alcool triste, ce soir. »

Make amends qu’ils disent, les gens sains d’esprit. Eux, ils parlent trop du goût de Saül et de Jack. Saül et Jack eux, préfèrent les actions. « Tu n'as pas arrêté ? » la neige est belle, entre les doigts agiles de son meilleur ami. Jack a trouvé en lui avec surprise un allié dans la tempête, le blizzard qui fait reluire le dessous de ses narines de nouveau après des années (stupides) d’abstinence (tout sauf nécessaire). Les habitudes ne font du bien que lorsqu’on les retrouve. « Visiblement. » même s’il avait cessé Jack, il y pensait toujours. Pas une seule journée où le scénario de se poudrer le nez ne lui reveait pas en tête.

« On peut juste regarder, ou alors on retourne dans la salle et tu vas prendre les numéros du type de tout à l'heure. » « C’est que t’es presque un naturel. » il ne l’écoute plus, Jack, ses iris dédiés aux gestes d’un Saül qu’il redécouvre sous les luminaires chambranlants de la ruelle. La lumière est faiblarde mais l’expérience y est, quand la symétrie des lignes de Saül rend presque Jack émotif. Et il la prend sa dose, pour sûr qu’il inspire comme si lui aussi, était un naturel. C’est le cas non?

Ce n'est pas ce que tu veux vraiment, qu’il disait, Saül. « J’voudrais vivre comme quand on avait 30 ans. » Epstein a l’alcool triste mais la coke visionnaire. Il se lève aussi, multiplie les pas, les sourires, les plans de merde. « C’est ça que je veux. » à 30 ans ils achetaient des voitures et ils faisaient la course sur les routes nationales après minuit. « Toi? » à 30 ans, ils se foutaient des règles et ils inventaient les leurs.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptyMer 13 Jan 2021 - 9:06

« Et toi, tu veux quoi? » Oui, d'abord ? Trop tard, la question est perdue dans la musique, Saül la laisse en suspend comme s'il ne l'avait pas entendue. Ils ne sont pas là pour philosopher, pas plus qu'ils ne traînent par ici dans l'espoir de s'interroger sur un futur proche ou lointain. Ils profitent, c'est tout - peu importe ce que cela signifie. Le recrutement, c'est comme un running gag qui ne s'essouffle jamais. En tout cas, si on demandait à Saül, il prétendrait sûrement que c'est la meilleure blague - qui n'en est parfois pas une - de son registre. « Tu veux pas ça. » « Tu n'es pas dans ma tête. » Oh non il ne veut pas ça, même si les rares pauses prises dans la journée seraient bien plus sympathiques à prendre en compagnie de Jack. « On fonctionne bien sans que je boive ton café et que tu me reproches de pas porter de cravate. » Saül braque ses yeux sur son ami, hausse les épaules. « Tu aurais été ravissant, avec une cravate. » C'est presque un compliment. Presque.

La neige leur ira bien au teint, elle que Saül agite entre ses doigts comme s'il venait de trouver une nouvelle merveille en ce monde. Il n'y a rien qu'il désire plus que les lignes qu'il trace, patient comme jamais auparavant, alors que Jack s'apprête à briser une sobriété acquise depuis quelques temps déjà. « Visiblement. » « Dommage, alors. » Saül s'étonne de ne pas avoir commencé cet excès là aux côtés du canadien. Ils ont pourtant pris de sales habitudes ensemble. La première ligne est toute tracée, rectiligne, fière. « C’est que t’es presque un naturel. » Il faut dire qu'il a eu une professeure de qualité. Lorsque Jack relève la tête, Saül se dépêche d'aligner à nouveau la neige, qu'il s'enfile aussitôt. La sensation est salvatrice, pure. La nuit devient tout à coup plus lumineuse, aérée. Il faut une ligne de plus pour qu'elle atteigne le paroxysme de la perfection et que Saül écarte sa carte bleue. Jack s'est levé, l'italien reste installé sur les marches, sourire aux lèvres et narines poudrées.

« J’voudrais vivre comme quand on avait 30 ans. » « On attend quoi ? » Ils pourraient. Sur l'instant, Saül sent que c'est probablement la meilleure chose à faire. Il pourrait tout lâcher, filer à l'anglaise sur les routes en compagnie de Jack. Ils ne vivraient que de nuit, de neige et de voyages. Les routes du monde sont bien assez longues pour qu'ils s'y épuisent et y crèvent sans déranger personne. « C’est ça que je veux. » Saül s'y voit déjà, ravi à l'idée de décamper de cette ville maudite. Dans son esprit se mélangent les images du voyage effectué en compagnie d'Ariane et les autres, ceux qui ont eu moins de succès - Grenade, la maison détruite. « Toi? » « J'vais te montrer, tu vas voir. » La nuit est jeune.

*

« C'est ici. » Bien sûr que Saül connaît l'adresse de Jet même s'il n'est pas certain que les idées qu'il se fait de sa relation avec Elise soient fondées. « Il se tape ta copine. » Tu sais, Jack, la femme de Saül, celle à qui il n'a pas encore fait signer tous les papiers du divorce. Les rancunes sont oubliées, quand Saül pose ses yeux sur la voiture rutilantes de ce petit connard de musicien. « S'il se pointe je lui pète les jambes. » En attendant, ils n'ont qu'à détruire sa voiture.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptySam 16 Jan 2021 - 3:42

« J’voudrais vivre comme quand on avait 30 ans. »
« On attend quoi ? »
« D’avoir la bonne idée de merde qui vient avec. »
« J'vais te montrer, tu vas voir. »

*

La bonne idée de merde trace leur sillage à travers la ville, comme deux âmes en peine qui crachent leur hilarité entre une infinité d'envolées bien poudrées. Jack n’en a rien à foutre, de faire du bruit dans les rues endormies, d'entraîner le bordel le sourire aux lèvres la tête bien noyée de coton et d’acouphène. Son seul point de repère reste la détermination qu’il lit jusque dans le regard de Saül, lui qui drogué à en avoir les jointures aussi blanches que ses narines ne suffit pas à tarir ce que leur idée de merde du soir aura l’air.

Jack suit autant parce qu’il a confiance en l’italien que parce qu’il se sait incapable de tourner le dos au moindre sabotage même celui qui le détruirait lui-même. C’est un chaos monumental qui prend place dans la tête d’Epstein une fois qu’il sent ses sens altérés par le chimique qu’il inspire comme s’il s’agissait d’une bouffée d’oxygène. Quand bien même il n’a pas la coke dépressive, il restera éternellement un bohème à tendance nostalgique. Il veut des histoires, il veut des ombres. Il veut des nuits blanches et des jours troubles. Il veut tout et il veut la rue, il veut la lune, il veut le bitume et il veut s’arrêter autant que sprinter encore plus.

« C'est ici. » « C’est ici quoi? » sa voix est rauque, il ignore pourquoi, s’en balance en riant de plus belle. « Il se tape ta copine. » « Oh. » comme une conclusion, comme une envie de pouffer de plus. Sa copine, quelle douce façon de l'amener quand elle porte encore l’alliance qui l’a calée en chasse gardée au bas de Saül pendant une vingtaine d’années. Jack ricane à défaut d’avoir la vivacité d’esprit de faire quoi que ce soit d’autre, désormais occupé à scruter avec envie la voiture du gars qui s’est trouvé une place dans le lit d’Elise alors qu’elle a chassé le canadien y’a des semaines déjà. À l’intérieur le cuir est beau, propre, lisse. Y’a des partitions sur le siège arrière, une guitare avec. Jack tourne autour comme un mouche le ferait autour d'un pot de miel,, comme un rapace le fera autour de sa proie. C’est un merdeux qui mériterait d’avoir la gueule autant éclatée qu’il éclatera sa caisse, mais on fait avec ce qu’on a et pour l'heure, ils sont tout ce qu’ils ont. « S'il se pointe je lui pète les jambes. »

Il se pointera pas. Jack en est persuadé, l’immeuble est endormi et la nuit est avancée. La vérité c’est qu’il espère qu’il apparaisse, il l’espère dévaler les escaliers de son building de chieur à la brique parfaite et aux fenêtres intactes. Il en rêve rien que pour savoir si l’effet et l’enthousiasme en seront les mêmes s’il lui enfonce les dents autant qu’il enfonce du pied la porte côté conducteur. « Je t’ai connu plus méticuleux. » oh la jolie ironie, quand il n’y a absolument rien de méticuleux avec le second coup de pied qui arrache le miroir à angle mort à sa suite. « Comment tu sais? » ça a son importance Jack, pour vrai? Pas du tout. Ça serait une simple rumeur qu’il passerait toute la rage qu’il a accumulée depuis qu’il a sombré à nouveau sur son cas et le sien uniquement. « Les musiciens, c’sont les pires. » la guitare, c’est elle qu’il veut maintenant qu’il cherche de quoi éclater les fenêtres de la bagnole pour en faire sa nouvelle cible à brûler.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptySam 16 Jan 2021 - 11:25

« C’est ici quoi? » C'est ici qu'il crèche, l'horrible petit diable, le jeune connard qui détruit tout sur son passage. C'est ici que s'arrête le regard de Saül, vif malgré la nuit. La faute à la poudre. L'index au dessus de l'arc de cupidon, Saül cherche des yeux tout ce qu'ils pourraient briser. Son regard se pose bien vite sur la jolie voiture garée devant le logement de Jeremiah Etish. Cette voiture, ce doit être la sienne. Toute dérangée, probablement sale à l'intérieure, remplie de merdes visibles depuis l'extérieur. Une guitare. Voilà qui fera un bon bois de chauffage. « Oh. » Ouais, oh. Ce n'est pas la raison pour laquelle il est ici, Saül. Il a ses affaires à gérer et Jeremiah n'aide visiblement pas. Il ne l'a pas encore vu rôder autour d'Ariane donc tout va à peu près bien. Pour l'instant.

Dehors, la chaleur est étouffante. Saül a laissé de côté sa veste, alors qu'il détaille des yeux la voiture rutilante. S'il avait un briquet, il y aurait déjà mis le feu. Mais Jack est plus rapide, Jack commence déjà à cogner. « Je t’ai connu plus méticuleux. » « C'est toi qui parle ? » Le voilà qui tourne comme un avion, à la recherche de quelque chose d'assez lourd pour casser le parebrise. La voiture sonnera alors, mais que serait la vie sans un peu d'adrénaline ? Lorsque ses yeux se posent sur un rocher, laissé autour d'un arbre, Jack décide de s'improviser inspecteur. « Comment tu sais? » « Je sais qui se tape ma femme. » qu'il lâche, les yeux brillants d'une colère pas tout à fait digérée. Maintenant, elle a une nouvelle cible. Le temps de la colère mal dirigée est révolue et Jack n'est plus dans le viseur de l'italien. Il a payé sa dette, tout est pardonné. Et puis, en fait, Saül ne sait rien du tout. Il n'a vu que les regards d'Elise et Jet, pendant les rares soirées mondaines vécues ensemble - rien de plus. « Tu crois pas que les infidèles savent eux-mêmes déceler ces choses là ? » Et c'est presque de la fierté qui brille dans le ton de sa voix, lorsqu'il s'approche à nouveau de la voiture pour abattre le roc sur une vitre arrière. Sans se soucier du verre brisé, Saül passe la main pour ouvrir la voiture de l'intérieur.

Ses bras sont griffées, quand il s'acharne sur le loquet sans parvenir à ouvrir la porte. Quelques coups de plus et la vitre cède complètement. Il ne laissera pas de sang sur les lieux du crime, appliqué à balayer au loin tous les bris de verre qui ont ouvert la peau de son bras. « Les musiciens, c’sont les pires. » « Tu lui chantes des balades ? A Elise. » Quand il sort la guitare de la voiture, ce n'est que pour l'envoyer dans la direction de Jack. Ses yeux ne trouvent pourtant pas ceux de l'artiste. Saül est trop occupé à ruminer sa fierté brisée, encore un peu écorchée par les mensonges et les tromperies. L'instant d'après, le quarantenaire enfonce du pied une autre portière. « Me dis pas, en fait. » Non, il préfère ne pas savoir, ne rien imaginer. Là tout de suite, Saül aurait besoin d'un grand verre - et de quelques grammes de poudre alignés.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptySam 30 Jan 2021 - 0:22

Ils regardent tout même s’ils ne voient pas grand chose, les deux quarantenaires au nez poudré et à la tête ailleurs. Lui vient pour une rancune nébuleuse, l’autre suit le courant tant qu’il peut taper sur quelque chose qui fera plus de bruit que des boîtes postales ou des bennes à ordure s’étalant sur les trottoirs inhabités à cette heure de la nuit. Il est soit trop tard, soit trop tôt, tout dépend du point de vue.

Saül sait tout apparemment, autant quelle est sa voiture que quel est son propriétaire ; et où trouver de quoi enfoncer ses fenêtres encore trop intactes au goût du canadien complètement torché au bord de dévoiler son amour pour l'anarchie. « Je sais qui se tape ma femme. » « Il paraît. » son nez cassé et ses phalanges arborant encore quelques cicatrices de leur discussion de grandes personnes en auraient beaucoup à dire à ce sujet. Mais il a enterré la hache de guerre Jack, Saül aussi. Ils sont de vraies adultes là, personne ne pourrait en démordre, quand bien même le premier défonce les vitres et le second se roule une clope à même le capot cabossé par ses soins. « Tu crois pas que les infidèles savent eux-mêmes déceler ces choses là ? » y’a du tabac partout sur la carrosserie embossée, son papier à filtrer pue les mauvais choix et la mauvaise tequila. Jack crache sa fumée à gauche, Saül secoue les éclats meurtriers à droite, comme de petites miettes translucides qui craquent au sol à défaut qu’une alarme quelconque dévoile leur position. « Ça vaut le coup de tester. » il est de ceux qui croient, Jack. Il croit son pote quand il lui dit une telle chose - et puis quoi, sinon? Sinon, il invoquera le bénéfice du doute, il fera genre qu'ils ont mal compris. Des adolescents dans des corps momentanément aigris.

« Tu lui chantes des balades ? A Elise. » ah non mais va pas là gars, vas-y surtout pas. Vas plutôt chercher la guitare, la voilà la belle, quelle gâchis. En guise d’entrée, d’amuse-bouche, Jack laisse la cendre de sa clope se noyer dans les noeuds du bois avant d’égarer ses doigts sur les cordes, de désaccorder le tout avec le plus simple esprit puéril, chaotic evil de bac à sable. « Me dis pas, en fait. » pauvre portière qui n'a rien demandé, et Saül qui décide de lui aussi faire voeux de silence lorsqu’il retire l’interrogation d'une conversation qui aux yeux du canadien tendait beaucoup trop vers la boîte de Pandore pour en sortir intacts. C’est la bagnole qui paie, ce soit. Pas leur amitié.

La bagnole et son contenu que Jack examine une fois qu’il a sauté de tout son poids sur la guitare pour l’éclater, qu’il s’est chargé d’y foutre son briquet allumé rien que pour leur improviser un petit feu de joie - une lumière, juste une lumière. Il fait foutument noir la nuit, quand on joue les bandits. « Il a du whisky de route » du whisky de route dans la boîte à gants qu’il dévalise d'une gorgée et de quatre autres, avant de lancer la bouteille par-dessus son épaule en jugeant que Saül l’a bien attrapée puisqu’elle ne semble pas avoir explosé au sol dans l’élan. Qu’il en renverse par inadvertance un peu, d’alcool de route, à même la tête de la guitare. Que le feu se ravive. « Elle avait qu’à me dire qu’elle les préférait crasseux. » qu’il se moque, fouillant maintenant l'intérieur du véhicule en bordel à pleins bras, pleines mains. Sous les bancs, dans les pochettes, partout où il trouve et vole des cachets, de la poudre, des billets - un livre. « Il se tape ton autre femme aussi? » raturé, corné, les coins parfois déchirés, brûlés. Il est au nom de l’autre femme, quel inconscient que Jack fait, quand ça aussi il le balance derrière lui, vers un Saül silencieux juge-t-il, un peu trop. L’autre. Elle a un nom. Ariane. C’est ça, Ariane. Par chance la couverture du bouquin lui a soufflé la réponse, le pop quiz en reste sans heurts.
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Message(#)you're looking at me like I'm see through (jaül) EmptyLun 1 Fév 2021 - 5:38

« Je sais qui se tape ma femme. » « Il paraît. » Un regard noir pour Jack, vestige d'une époque passée. La route fait à nouveau office de décor de fond, alors que Saül se souvient encore du bruit qu'a fait son poing en cognant la mâchoire de Jack. Tout est pardonné, désormais. « Fais gaffe. » qu'il se contente de lancer dans l'air ambiant, un rictus au bord des lèvres. Tout est pardonné, mais rien n'est oublié. Rien n'est jamais oublié pour Saül Williams. « Ça vaut le coup de tester. » Mais pas trop quand même.

La voiture commence à être amochée, mais pas assez au goût des deux quarantenaires. Elle ne sonne pas, la caisse. Tant mieux. Les deux amis auront de toute façon bientôt fini de s'amuser de leur méfait. Quelqu'un finira bien par appeler la police. La guitare est brisée dans un grand fracas, alors que Saül s'occupe de rayer toute la carrosserie qu'il n'a pas encore été gondolée du pied. « Il a du whisky de route » Saül s'occupe de rattraper la bouteille, de laquelle il tire un lampée qui lui brûle la langue. « C'est dégueulasse. » La gorgée suivante pique un peu moins que la première. Il n'en restera malheureusement pas assez pour mettre le feu à la voiture. Penché dans l'habitacle, Saül s'occupe d'en renverser le contenu sur le siège passager. « Elle avait qu’à me dire qu’elle les préférait crasseux. » « Elle aime les types qui ont de quoi lui acheter des jolis colliers. » Les types qui peuvent l'emmener au bal, bijoux au cou et aux poignets. « T'en fais pas, elle reviendra. » C'est une théorie qu'il ne peut pas vérifier, même s'ils n'ont pas encore signé les papiers du divorce et que ce dernier n'est plus vraiment d'actualité, maintenant que Elon Williams est en Australie. Saül s'en fiche : l'alliance qu'il porte à nouveau à l'annulaire gauche ne veut plus rien dire du tout. Peut-être Jack pourrait-il la fondre pour offrir une nouvelle bague à Elise.

« Il se tape ton autre femme aussi? » Le livre atterrit aux pieds de l'italien qui le ramasse, patiemment. Le livre a probablement été lu plus d'une fois, alors que Saül n'y a encore jamais jeté un œil. Quel mauvais compagnon il faisait, quand Ariane était encore assez dans les parages pour que tout le monde sache qu'ils formaient un couple. « Ariane. » qu'il rectifie dans un souffle, ses yeux hagards posés sur une page à moitié déchirée. C'est ce livre là qu'il lira, même s'il est corné et abîmé. C'est ce livre là, tant pis si c'était le livre de Jet. Au moins, Jet n'en aura plus. Saül range le livre avec un peu trop de précautions, dans la poche de sa veste. Lorsqu'il s'approche à nouveau de Jack, c'est pour lui voler son briquet. L'instant d'après, le siège avant brûle d'une fumée noire et malodorante. « J'croyais qu'ils se voyaient pas. » qu'il marmonne douloureusement, les yeux fixés sur le feu. Jet et Ariane, à la vie à la mort.

Quand les sirènes retentissent, Saül ne bouge pas. Il n'est tiré de sa torpeur que lorsque les flics descendent de voiture, quand ils s'approchent pour les interpeler tous les deux. « Lâchez moi, vous savez pas qui je suis. » Non, ils sauront bientôt. Jack Epstein et Saül Williams, nez poudrés, mains écorchées, quarantaine trop tassée pour échapper à la crise qui secoue leur vie.
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