faces from my past return (ezratt)

faces from my past return.

i know things will never be the same, time we lost will never be replaced - but i am not the man i used to be. @matt mcgrath

Le soleil n’avait entamé sa course vers le zénith que depuis quelques heures lorsque Ezra descendit de sa voiture. Juste, pour clarifier les choses, il se sentait le pire idiot de la terre présentement - et les actes qu’il allait avoir par la suite justifierait ce sentiment. Mais il avait été quelque peu désemparé. Il ne savait trop où il allait, vers quel mur il fonçait, mais cela lui semblait nécessaire - ses propres pensées lui donnaient la nausée. En cette belle matinée, il avait décidé de ne pas aller travailler, de s’accord un jour de congé non planifié, pour aller alléger sa conscience. Fermant à clefs sa voiture, il vint pousser les portes du DBD. La dernière fois qu’il avait osé mettre un pied ici, montrer son visage dans le coin, ce dernier avait fini avec un nez cassé, ou une mâchoire décrochée - il ne savait plus, il se souvenait juste d’une douleur vive pendant les jours qui avaient suivi et la remontrance qu’il avait reçu de la part de Ginny. Ezra vint retirer ses lunettes de soleil, jetant un regard circulaire à la pièce qui se présentait sous ses yeux. Le calme régnait pour le moment ici, en cette matinée de fin d’été, mais il s’avait que ce n’était pas comme ça que les choses se dérouleraient en deuxième partie de journée. Il connaissait assez bien Matt pour savoir qu’il avait plus d’un tour dans son sac pour mettre l’ambiance. Il avait été son meilleur partner in crime dans le domaine. « Bonjour. » Il vint s’approcher du bar, après avoir eu plus d’un pas hésitant, venant tirer son plus beau sourire à la jeune femme se tenant derrière le comptoir. C’était idiot ce qu’il faisait, sa place n’était pas en ces lieux - mais maintenant qu’il avait engagé le processus, il ne pouvait plus se permettre de faire demi-tour. « Est-ce que Matt serait dans le coin ? » Il avait été tenté de l’appeler Matthew, juste au cas où une de ses deux oreilles indiscrètes soit dans le coin, et de l’énerver dès le matin. Il n’était cependant pas là pour ça, et il se devait d’agir en conséquent. « De la part d’Ezra, et je vais directement prendre un… double whisky, s’il vous plait. » A onze heures du matin, bravo, Beauregard. Tirant de nouveau un petit sourire alors que la jeune femme sortait de derrière le comptoir pour aller dans une pièce invisible aux yeux d’Ezra, ce dernier alla prendre place sur l’une des banquettes, de celles qui se situaient en retrait, qui permettaient au reste du café de tourner pendant qu’il buvait son verre de whisky à une heure si avancée de la journée. La serveuse eut le temps de venir lui servir son verre, et lui celui d’en descendre la moitié, avant que McGrath daigne faire son apparition. Son visage indiquait clairement que le réveil venait de sonner et qu’Ezra allait surement être la première personne avec qui il allait discuter aujourd’hui. De mieux en mieux - Matt savait être pire qu’un ours mal-léché au saut du lit. « Je viens en paix. » Ezra fit mine d’agiter un drapeau blanc, signe que ses paroles avaient réellement de l’importance, qu’il était sincère. C’était un concept plutôt nouveau, aux côtés de Matt - ou plutôt qu’il redécouvrait, et c’était étrange. « Je commence par ça, parce-que là je te dis que t’as encore la trace de l’oreiller sur la joue. » Une esquisse, presque rien mais pourtant tout, d’un sourire taquin fit son apparition au coin des lèvres d’Ezra. Un instant, et un deuxième, avant de disparaitre, mais c’était déjà ça. Car, juste après, son regard vint se porter sur le verre qu’il tenait d’une main. Pour que tout soit clair, il n’était vraiment pas fier de ça, mais il lui fallait du courage pour venir ici aujourd’hui. Deux semaines plus tôt, il aurait dit qu’il viendrait voir Matt pour discuter, même le chien de son voisin lui aurait ri au nez. Aujourd’hui, tout était différent. Car malgré tout ce qui s’était passé, malgré l’histoire qu’ils avaient entre eux dressée, il y avait certaines choses dont Ezra ne pouvait discuter qu’avec une seule personne, pour qui il n’avait jamais trouvé de remplaçant, la raison de sa présence ici aujourd’hui plutôt qu’ailleurs. Enfin, après un instant de silence et le moment d’après chargé d’un soupire, il releva ses pupilles vers Matt. « Tu savais qu’elle s’était mariée ? »

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Lily fait un boulot impec en vrai aujourd'hui. Elle a rien brisé, elle a rien foutu par terre, elle flotte quasi derrière le bar ma femme, elle virevolte et elle est heureuse et elle arrête pas de sourire et elle est belle. Mais lui dites pas, lui dites surtout pas qu'elle a failli me coûter une machine et demi à espresso parce qu'elle a appuyé sur tous les boutons bien trop fort bien trop vite bien trop tout court et que je la voyais, la vapeur qui s'échappait de derrière le comptoir comme si le prochain café allait juste faire exploser le tout comme dix milliers de bouilloires sous pression. C'était la chorégraphie du gars qui passe derrière pour l'embrasser au creux de la nuque et la distraire en vrai fourbe, c'était la gymnastique d'allonger mon bras sans qu'elle voit rien pour tout fermer tout débrancher tout espérer sauver aussi. Quand elle pouffe de rire parce que mes baisers chatouillent sa peau, quand elle entend pas mon soupir de soulagement d'avoir évité le pire en la rapprochant un p'tit peu plus de moi juste assez on est pas si cheesy, guys ça pourrait être pire en vrai.

Genre, ça pourrait être pire avec Ezra, ici.
Lui et son whisky déjà bien entamé à 8h du matin - ok, plutôt 11h, mais quand même.
Lui et ses sourcils froncés, lui et sa mine qui réfléchit.
Lui qui est ici, j'l'ai déjà dit mais je le répète no shame, c'est au-delà de ma compréhension à l'heure qu'il est et avec les yeux endormis qu'encore je fais.

« Je viens en paix. » et puis quoi encore. On est pas redevenus des meilleurs potes parce qu'il m'a vu réparer ma roue de secours en héros (ouais, depuis le temps l'histoire a eu la latitude de changer et de se tourner à mon avantage dans ma mémoire sélective), on est pas redevenus des brothers from another mother parce que les derniers moments où on a été ensemble y'a personne qui a cassé le nez de personne, on est pas assez matures et assez vifs d'esprit pour avoir enterré aussi vite et aussi bien la hache de guerre même si vraiment, on devrait, après dix ans y serait temps. « Je commence par ça, parce-que là je te dis que t’as encore la trace de l’oreiller sur la joue. » busted. Là par contre, il remonte bien le rire de con, celui qui s'accompagne d'une main que je passe de l'arrière de mon cou à mes mèches de merde emmêlées, le réveil écourté parce que j'avais pas nécessairement cru que c'était vrai quand on m'avait dit qu'il me demandait. Limite il était dans le quartier déjà pour autre chose, il prend son café en mode vitesse express, il lui fait passer une batterie de milliers de tests pour s'assurer que mon équipe lui a pas foutu de la mort aux rats dans son gobelet sous mes ordres multiples et variés de faire de sa vie un enfer au quotidien et c'est tout. Pas qu'il est posé dans la banquette, celle en retrait, celle des conversations sérieuses et de ceux qui veulent qu'on leur foute la paix parce qu'ils doivent parler. Pas qu'il me demande parce qu'il veut me voir et pas juste m'envoyer chier d'un majeur bien haut bien ferme. Pas qu'il précise son nom comme si ça allait me motiver à pas me refoutre sous la couette comme tant de fois du temps de la fac, quand je voulais juste le faire chier à mettre mille ans à me préparer alors qu'il tournait comme un lion en cage à patienter pour l'arrivée de la princesse que je personnifiais en ce temps-là. Non, rien de tout ça.

« Tu savais qu’elle s’était mariée ? » dude, come on. Sérieux laisse-moi m'installer. Laisse-moi ravaler, laisse-moi inspirer. Laisse-moi piquer le reste de ton whisky aussi, me l'enfiler d'un trait d'un seul, avant de me lever d'un bond. De réduire la distance entre notre siège et le bar rien que pour prendre la bouteille directement sur l'étagère. D'éviter les regards curieux de Lily et Deklan qui mind leur own business de toute façon, et revenir à la hauteur d'Ezra en remplissant son verre de nouveau, en gobant une longue gorgée à même le goulot pour ma part, la minute d'après.

Non, je savais pas.
Ouais, je sais très bien de quelle elle il parle.
Et pour vrai, le whisky si tôt, c'est autant du génie que de la pure merde. Ça brûle ma langue et ma gorge, mais ça goûte le caramel et le café et la fumée, y'a du bon un peu, ça arrache presque tout sur son passage de ma langue à ma gorge.

« Avec qui? » ça arrache et ma voix est rauque entre le sommeil d'il y a peu, l'annonce qui pique, et la réponse que j'anticipe. C'est pas qu'Ezra sache avant moi qui m'enrage pour une bonne putain de première fois et rien que ça, ça vaut la peine d'être célébré d'une nouvelle gorgée. Ce qui pique, c'est ce qu'il dira ensuite, ce que je sais très bien déjà, ce que je redoute depuis des années, ce qu'il aura pas le choix de confirmer.

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Il ne savait pas spécialement vers quoi il avançait aujourd’hui, Ezra, mais il sentait au fond de lui qu’il avançait vers quelque-chose de plutôt juste. Il ne voyait pas les événements se dérouler autrement que ce qu’il avait sous les yeux, car après tout, Matt n’était pas n’importe qui. Et ce genre de discussion, des années et des lustres plus tôt, il les aurait eu avec lui - alors pourquoi ne pas repartir vers quelque-chose d’autre confortable que ça ? C’était idiot de penser de la sorte, mais pour la première fois en dix ans, le coeur d’Ezra semblait un brin plus léger. Mettre les rancoeurs de côté, laisser la veille rengaine là où elle appartenait - au passé. Ca ne durerait d’un temps, mais c’était tout ce dont Beauregard avait besoin, là, aujourd’hui. Il ne cacha cependant pas sa surprise lorsqu’il vit Matt approcher sa main de son verre et non de son visage, pour venir s’enfiler la fin du breuvage qu’Ezra avait commandé l’instant d’avant au bar. « Ooooooook, ok. » Il s’était imaginé mille et une scènes quant à ce moment là. Il avait même mis dans sa voiture une chemise de rechange et un kit de secours et de premiers soins. Il savait où il s’aventurait, la gueule du loup avait les mêmes airs faussement agréables que la dernière fois qu’il était venu rendre visite. Il s’était imaginé la moquerie et les railleries, il s’était imaginé le contenu de son verre de whisky sur ses vêtements. Ezra avait même envisagé l’idée qu’un mec d’une sécurité qu’il ignorait exister au DBD vienne le foutre à la porte - vraiment, même le pire était prête dans sa tête et ses réflexes. Matt venant l’accompagner à boire un coup à cette annonce, oubliant même au passage de venir répondre à Ezra, ça, il l’avait pas vu venir. Le jeune homme se leva à la suite, allant chercher une bouteille de derrière le bar - la même qui avait servi à remplir le verre d’Ezra une poignée de minutes plus tôt -, revenant se plante devant Ezra l’instant encore suivant. Il n’eut pas le temps de dire la moindre chose que Matt venait lui remplir son verre, jusqu’au en haut, avant de boire une goulée de liquide ambré directement à la bouteille. « Ah, encore une, ok. » Il se sentait mal, Ezra. Ce fut d’ailleurs la raison pour laquelle il vint prendre à son tour une lampée d’alcool brulant. Il s’était vraiment préparé pour tous les scénarios, mais la réaction en direct de Matthew indiquait clairement quelque-chose qu’il n’aurait pensé possible: il ne savait pas. Ginny ne lui avait pas dit. Et ça lui semblait autant impossible que, finalement, nécessaire. Parce-que malgré tout, ils restaient Ginny et Matt. Ils avaient tous les deux été élevés dans cette maison où se détester était normal, tout comme se prouver son amour d’une façon décalée l’était. Matt comptait pour Ginny, Ezra n’avait plus besoin de chercher les preuves pour le savoir. Il ne pensait pas qu’il avait été relayé à un rang plus bas que le sien dans les dernières années. « Je pensais que tu saurais, vraiment. » Il était sincère, le garçon. Même si c’était comme la vengeance parfaite sur un plateau d’or et d’argent que de venir piétiner Matt, comme il en avait tant rêvé. Il était sincère et loin de vouloir lui faire ce genre de mal. Lui casser un nez et une côte - un acheté un gratuit - était envisageable à tout moment. Voir la confiance en sa propre soeur maltraitée dans ses yeux, vraiment pas. « Avec qui? » Les lèvres d’Ezra vinrent se pincer, parfaite ligne fine, alors qu’il baissait le regard vers son verre. Bordel, il aurait peut-être du amener un tranquillisant pour la suite de cette scène, car il savait qu’à l’instant où il donnerait la réponse que Matt attendait, il ne serait plus lui même. Ca lui apparaîtrait être l’évidence, parce-que même si Ezra avait réussi à rechigner quand Ginny lui avait dit, c’était tombé sous le sens. Ca tomberait sous le sens aussi pour Matt - mais pas aujourd’hui. « Donc je m’en veux d’avance pour ça - et rigole pas du fait que je m’en veuille vraiment. » Comme si le rire était prévu au programme, naïf tu es, Ezra. Venant aspirer une longue, trop longue, gorgée de whisky, après avoir fait tourner dans le verre le restant du liquide, s’être mordu l’intérieur des joues des dizaines de fois et avoir étiré son cou deux fois à droite et trois fois à gauche, il savait qu’il fallait se lancer. Reculer pour mieux sauter ne servirait à rien. Alors, le défi tout bonnement aux abonnés absents mais simplement le respect dans le regard, ses pupilles vinrent s’ancrer à celles du McGrath. « C’est Auden, Matt. »

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« Je pensais que tu saurais, vraiment. » sérieux? Non, non je sais pas. On me dit foutrement rien à moi. On me dit rien parce que quand on me dit des trucs j'me retrouve à suivre à la lettre ce que les parents veulent. J'me retrouve à faire tout ce qu'il faut, quand justement, c'est tout sauf ce qu'il faudrait. Je me retrouve à mentir et à rager et à prendre le blâme et à camoufler, je me retrouve à brimer les droits d'une fille qui savait même pas qu'elle en avait, des droits. Alors non, on me dit rien à moi. On me dit plus rien depuis 10 ans, ou on me le dit à retardement, ou on envoie quelqu'un le faire à sa place.

« Donc je m’en veux d’avance pour ça - et rigole pas du fait que je m’en veuille vraiment. »
« J'rigole pas. »

C'est pas contre lui, c'est vraiment pas contre lui et si j'avais la force de sourire je jure que je le ferais. Si j'avais la force de lui renvoyer autre chose qu'un visage et qu'une voix fermée, je le ferais aussi. Ça serait pas le sourire le plus conquérant que j'ai en banque ni la voix qui raille à son maximum mais ça serait une tentative de. Je ferais peut-être même une blague, je dirais une connerie rien que parce que je peux, rien que parce que c'est foutument irréel qu'Ezra soit là et qu'on ait cette conversation-là. N'en reste que je peux juste pas. À ceux qui disent que les propriétaires de bars ne boivent pas parce qu'ils doivent surveiller la place et s'assurer que tout roule comme sur des roulettes dans la plus pure des lucidités je lève bien haut et bien fièrement mon majeur. J'encourage la consommation là, je l'encourage de toutes mes forces en gobant une longue gorgée, ce qui fait office de décompte en somme. Parce que je sais qu'à la seconde où j'aurai avalé, faudra que je ravale. Parce que je sais que dès que la bouteille se posera lourdement sur la table basse entre nous, il me fera pas l'affront de traîner Ezra. Il a tous les défauts et je les lui ai tous donnés au fil des années, mais là, il est honnête, il est franc et j'en demandais, j'en méritais pas autant.

« C’est Auden, Matt. »

J'rigole pas là - j'éclate de rire.
Un rire qui fait mal.
Un rire qui est froid, si froid.
Un rire qui est las, si las.

« Bien sûr que c'est Auden. » parce que la réponse, je la connaissais avant même qu'il dise quoi que ce soit. C'est pas le boulot d'Ezra de me dire ça, c'est pas à lui de prendre la balle pour l'équipe et encore moins quand l'équipe l'a tenu non seulement loin du but mais loin de la partie pendant une décennie sans même s'excuser une seule fois, sans même justifier les pourquoi qui aujourd'hui font absolument aucun putain de sens.

J'inspire.
Mon haleine pue le whisky.
Mes paroles puent les remords.
« Ç'aurait dû être toi. »

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« Ç'aurait dû être toi. » La gorgée de whisky qu’il tentait d’avaler vint passer de travers, dans le mauvais trou - dans tous les cas, ça n’allait pas droit et il dut tousser haut et fort pour se dépatouiller et éviter de s’étouffer définitivement. Il avait tenté au mieux de ne pas déverser du liquide sur lui, voire atteindre Matt de l’autre côté de la table avec ce dernier. S’il y avait des situations où il se serait même permis de le faire, aujourd’hui n’en était pas une. Ezra s’était imaginé beaucoup de choses, quand à cette situation. Il était arrivé ici presque la boule au ventre et faisant les cent pas deux fois devant la porte avant d’entrer dans l’établissement. Il s’attendait à que tout ça soit déjà clair et détaillé dans la tête de Matt, et qu’il veuille même venir lui casser de nouveau le nez parce-qu’Ezra avait l’idée de venir en parler avec lui. La première surprise avait donc été de comprendre que non, Matt n’était pas au courant et qu’il était donc l’annonciateur de nouvelles. Il n’avait pas voulu être lui, endosser ce rôle. Il avait simplement besoin de parler à quelqu’un qui pourrait le comprendre et il n’avait vu personne d’autre que lui. Auden avait toujours été au milieu des deux. A plusieurs reprises, sans même le vouloir - ou en prétendant ne pas le vouloir -, il avait su se tenir là, alors qu’il n’était pas demandé. L’endroit où il s’était tenu le mieux, en revanche, c’était aux côtés de Ginny. L’étonnement ne fut donc pas de mises dans les paroles de Matt, dans son bien sûr que c’est Auden lorsque Ezra lui avoua l’identité du nouveau marié. Même si, McGrath comme lui, ne s’attendaient plus, pas, réellement à ce que ça arrive, ils n’étaient pas réellement étonnés d’apprendre la nouvelle. Même le rire déplacé, libérateur, qui s’était échappé de ses poumons n’avait en rien fait tiquer Ezra. Mécanisme de défense incontrôlé. Là où il avait choisi le silence comme arme lorsque Ginny lui en avait parlé, le rire s’était imposé à Matt en cette journée. Mais encore là, la surprise n’était guère de mise. Ce qui vint déranger Ezra, le secouer au plus profond de son être et le ramener aussi vite qu’une claquement de doigts des années en arrière, ce fut les dernières paroles du jeune homme en face de lui. « Quoi ? » Il avait attrapé une serviette qui trainait pour essuyer les restes de whisky qui menaçaient de couler le long de son menton, il était venu secouer la tête deux fois et froncer les sourcils une fois de plus - il n’était pas sûr d’avoir bien compté cependant. C’aurait du être toi - il n’était même pas sûr que Matt soit au courant des paroles qu’il venait de prononcer. Avaient-ils changé de dimension ? Aucune autre solution n’était envisageable. Matt avait passé les dix dernières années de leur vie à le détester et à le mépriser - devant lui et dans son dos. Il avait clamé haut, fort, qu’Ezra n’avait plus rien à faire dans la vie trépidante de la famille McGrath, son ticket d’entrée au spectacle périmé. Et aujourd’hui, de but en blanc sans préavis, il marmonnait qu’il aurait préféré que ce soit lui ? Ses sourcils ne cessaient de se froncer encore et encore. Ezra en vint même à s’inquiéter pour la santé de Matt. Lentement, il vint attraper la bouteille de whisky qui trônait désormais au milieu de la table, à égal distance entre eux. Elle n’était pas juste aux côtés d’Ezra, mais elle était assez proche pour que ça veuille dire qu’il pouvait se servir comme il en avait envie. Langage subtil, nouvelle façon de communiquer - et en même temps, des traces de souvenirs d’un autre temps se mélangeaient dans cet instant. Il vint remplir son verre, celui qu’il venait de gâcher en en foutant partout, avant de reposer la bouteille. Cette fois ci, proche de lui. L’alcool si tôt en journée ne semblait plus convenir à Matt. « T’es sûr que ça va ? » Sincère, il l’était. Des années plus tôt, il aurait supplié le McGrath pour entendre de telles paroles. Aujourd’hui, il ne saurait les apprécier à leur juste valeur.

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Et ça sort, vite, fort, trop vite et trop fort. « Quoi ? » ahaha ouais, exactement ce que je pensais, mais dans d'autres mots, dans d'autres foutus termes.

Mes yeux ont pas lâché les siens pourtant, ils s'y sont plongés, ancrés, ils prévoient pas de bouger. Ça remonte à dix ans et des poussières, ça remonte à quand j'ai su pour eux deux, trois avec Noah. Ça remonte à loin parce que ça a pris des tas de mois et encore plus d'heures, de jours, de conneries et de temps qui passe et qui file et qui devrait panser les blessures plutôt que de les empirer, mais j'ai ressassé. Bien sûr que je me suis demandé ce que ça aurait donné si j'avais pas foutu mon nez dans leur histoire, bien sûr que j'ai regretté de l'avoir fait. Bien sûr que j'ai gardé ça pour moi aussi, parce que des "et si" ça sert foutrement à rien et certainement pas maintenant alors qu'elle s'est mariée, merde elle s'est remariée elle fout quoi en vrai Ginny à se divorcer en vitesse pour se marier aussi vite après?

Ça aurait dû être Ezra parce que Auden c'est un merdeux. Ça aurait eu être Ezra parce que c'est lui le père, parce que c'est son fils, parce que c'est l'ordre des choses et parce que j'ai tout fait chier y'a une décennie et que j'en peux plus d'encore une fois le réaliser. Ça aurait dû être lui parce que même si à l'époque il était qu'un lâche et qu'un trouillard à mes yeux, il a depuis longtemps racheté ses lettres de noblesse en se collant la tête haute sans flancher à toute la merde et à tous les drames qu'on a reçus à la gueule depuis qu'on est tous revenus s'installer à Brisbane en catastrophe. Ça aurait dû être lui et j'aurais dû lui dire y'a bien plus longtemps que ça. Pas laisser parler mes poings à ma place, bien trop de fois pour qu'on soit à l'aise de les compter.

« T’es sûr que ça va ? »
« J'ai jamais dit que ça allait. »

Et c'est certainement pas ma main qui s'étire pour aller tenter d'attraper la bouteille qu'il a éloignée de moi qui confirme le contraire. Je grogne qu'on m'ait confisqué mon bien dans mon propre commerce, je rage, je bouille mais je me cale dans mon siège aussi. Ça en vaut pas la peine. Il a pas l'air en rogne Ezra, il a même pas l'air enragé et je comprends pas, je veux pas comprendre non plus.

« C'est elle qui te l'a dit? » c'est la mauvaise question, c'est la pire d'entre toutes et il le sait autant que moi. Parce que ça va me briser le coeur encore plus de savoir qu'il l'a su d'elle avant moi. Qu'elle a plus confiance en lui qu'en moi. Qu'il a retrouvé sa place auprès d'elle quand dans mon cas, j'en aurai plus jamais, de connerie de place. Mais c'est la seule interrogation qui monte, quand j'en aurais des dizaines d'autres que je m'autoriserai jamais à demander.

Comment elle était, quand elle te l'a dit?
Elle a l'air heureuse?
Quand, quand est-ce que c'est arrivé?
Noah sait?
Comment tu le prends?
Comment je devrais le prendre?
Il habite toujours à la même place, l'autre connard, que j'aille le défoncer?

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Il attendait, là, presque impatient. Son regard qui se plongeait dans celui de Matt, leurs pupilles s’accrochant comme elles l’avaient rarement fait ces derniers temps. Il attendait, Ezra. Parce-que les paroles que venait de prononcer Matt n’avaient aucun sens. Même lui devait le savoir, à la fin - il ne voyait aucune autre explication possible. Peut-être tournait-il une émission de télé-réalité dans son bar et Ezra était le premier à tomber dans le panneau ? Il vint secouer la tête. C’était ridicule, et pourtant il ne saurait croire les mots du McGrath. Toujours, il lui avait promis qu’Ezra regretterait ses actes, ses décisions. Toujours, il lui avait promis qu’il se mordrait les doigts toute sa vie pour ce qu’il avait fait. Et pourtant, comme avec mille ans de retard, il venait apposer sa bénédiction sur quelque-chose qui n’avait plus lieux d’être. Tout ceci n’avait aucun putain de sens. Le coeur d’Ezra s’était, pendant un instant, excité tout seul dans son coin en comprenant qu’il avait quand même eu raison pendant tout ce temps, et que Matt n’avait été juste qu’un pion mal manipulé dans l’entreprise - et après la raison lui avait rappelé qu’il aurait pu se la fermer à l’époque mais qu’il n’avait su que brailler, une fois de plus. Son coeur termina la course droit dans le mur, une fois de plus. « J'ai jamais dit que ça allait. » En soi, la réponse était légitime. Tout dans l’attitude de Matt prouvait qu’il n’était pas du tout bien dans cette histoire et qu’il n’approuvait rien de tout ça. Mais son comportement était relié à la nouvelle qu’Ezra venait de lui annoncer et au fait, à n’en pas douter, qu’il n’appréciait guère le choix de sa soeur. Cependant, là n’était pas la question dans la formulation du Beauregard. « Tu sais très bien ce que je veux dire. » C’aurait du être toi et pourtant il évitait de revenir sur ce qu’il avait dit, maintenant que le moment était passé. Ezra jouait un peu à l’idiot, sur ce coup là. Il aurait du laisser passer les mots de Matt, ne pas faire fi de ce élément nouveau dans l’histoire - mais c’était comme donner un os à un chien en lui demandant de ne pas le manger. « C'est elle qui te l'a dit? » C’était, à ne pas en douter, la question qu’Ezra n’avait pour sur pas anticiper - mais dès l’instant où il avait appris que Matt nageait en terrain inconnu, c’était celle à laquelle il avait le moins hâte de répondre. Parce-que cette discussion qu’il avait là était bien plus profonde et pleine de sous-entendus que ce qu’elle laissait paraitre. Lui demander si c’était Ginny elle-même qui lui avait annoncé, revenait à venir demander si Ezra était mis avant sur la liste des personnes à prévenir - avant lui. Il soupira, avant de venir détourner pour la première fois son regard, Ezra. Son verre porté à ses lèvres, par deux fois, avant de soupirer de nouveau. Ses mâchoires se serraient, ses dents vinrent grincer. « Je sais pas si c’est à moi de te dire tout ça, Matt. » Parce-que quand ses iris vinrent de nouveau vers lui, il les avait lu, les autres questions. Les non-formulées, celles qui lui brulaient pourtant les lèvres. Il les avait lu et retenu et compris à un point qu’il n’aurait pu pensé possible. Parce-que, dans le fond, ils étaient toujours les deux mêmes gamins qui s’étaient rencontrés un matin de février sur les bancs de l’université. Mille mondes et plus encore d’aventures plus tard, mais au fond rien ne semblait avoir réellement changé. « Surtout que tu connais déjà la réponse à cette question. » Bien sûr que c’était elle qui lui avait dit, Matt. L’évident ne devrait même pas être demandé, ici. Qui d’autre ? Jamais ça n’aurait été l’autre principal intéressé, parce-que malgré tout il portait une certaine forme de respect envers Ezra - et il n’aurait pas marché sur les plates-bandes qui appartenaient à Ginny. Il pourrait venir s’en pavaner, plus tard, lorsque tout le monde serait au courant de la nouvelle. Presque, Ezra n’en attendait pas moins de lui. Mais il attendrait que ce moment soit arrivé pour ne pas s’en priver. Et si Auden n’avait agi comme tel pour le moment, c’était justement à cause de la discussion qu’Ezra était en train d’avoir avec Matt. Discussion que personne n’avait vu venir, surtout pas lui - pas comme ça.

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Elles se multiplient, les réactions que j'aurais dû avoir, et que j'ai certainement pas en l'instant. Elles se multiplient et elles me font chier parce que je pensais que j'allais être chill, vraiment, le jour où ça arriverait - mais ça, ça devait pas arriver. Pas avec lui, et certainement pas appris de la bouche d'Ezra.

« Je sais pas si c’est à moi de te dire tout ça, Matt. » c'est pas au Beauregard, certainement pas. C'est pas à lui et si j'étais à sa place, probablement que j'aurais jamais été assez courageux pour le faire. J'aurais été une merde à garder ça pour moi, à attendre que le poison ruine tout de l'intérieur, que le poison me ruine moi avec. J'aurais tout gardé et j'aurais attendu sagement l'explosion, parce que c'était sûr que ça allait arriver ainsi. Mais à la place lui il l'assume, lui il vient m'en parler, et dans un autre monde, dans un autre univers, je l'aurais presque remercié. Parce que ouais, c'est bien beau de se dire qu'on se fait confiance à nouveau, elle est putain de loin la confiance de Gin envers moi en ce moment. Si Ezra était un connard, un vrai, il pourrait rire là. Il devrait. Il pourrait se lever, tirer sa révérence, me boire le reste de la bouteille sous les yeux, avant de me la lancer à la tête. J'en mériterais tant. « Surtout que tu connais déjà la réponse à cette question. » mais à la place il fait autant mal qu'il fait la bonne chose. Fuck, il a toujours été le plus mature de nous deux le con.

Et sinon le monde continue de tourner. Les clients continuent d'entrer. Scarlett se charge de tout, elle qui a dû suivre la scène à distance, elle qui s'en mêlera jamais même si je le lui demandais. Les affaires de famille qui tournent au vinaigre, elle connaît et elle sait aussi bien que moi que ça vire jamais bien, malgré tous les efforts qu'on peut faire. La preuve numéro 140 000 aujourd'hui est faite, mesdames et messieurs. « T'en penses quoi, toi? » de toutes les questions à suivre que j'ai sur les lèvres, de toutes les conversations de merde que j'aurais jamais cru et voulu avoir, celle-là elle est au top de la liste. S'il est là Ezra, c'est qu'il veut en parler. S'il est là et qu'il se doutait vraiment pas que je savais, c'est qu'il a son mot à dire et maintenant, c'est qu'à ça que je me raccroche. À ça et au coussin du canapé, quand ma mâchoire se desserre toujours pas au point où j'en sens mes joues en être déjà courbaturées. Ma réaction, mon ressenti, on le connaît, on le voit, on le sait. Mais il est trop calme Ezra, il parle pas et son silence gratte, il pique, il augure rien de bon, ou alors c'est que moi l'idiot qui voit ce que je veux voir.

« La vérité. » j'ai du front de préciser, il pourrait en être le premier à l'affirmer. Pourtant c'est la tangente que j'ai prise et j'y vais à 100 à l'heure. Si lui en pense du bien, j'aviserai. Sinon, on a une gueule à casser.

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Sa mâchoire était crispée, et ses nerfs plus que tendus. Ezra n’aurait pas imaginé, un seul instant, que la suite des événements se seraient déroulés de la sorte en mettant un pied au DBD aujourd’hui. Vraiment. Et s’il avait eu le moindre indice, jamais il ne s’y serait pointé. Il avait besoin d’en discuter, besoin de vider son sac. Matt lui avait paru être le mieux placé, la personne toute indiquée - mais à partir du moment où il aurait été, à son tour, au courant. Pas maintenant, alors qu’il encaissait tant bien que mal ce que Ezra venait de lui annoncer. Ce fut aussi pour cette raison qu’il eut autant de mal à venir lui lâcher que c’était Ginny elle-même qui lui avait appris la nouvelle. Parce-qu’elle aurait du être la même ici, sa place, elle aurait su agir de façon similaire avec son frère. Ezra n’avait pas la moindre idée du pourquoi elle avait tant attendu, et pourquoi surtout il n’était pas au courant au moment où il l’avait lui-même été. La logique n’était pas de mise. Un silence, pesant, oppressant, vint s’installer pendant quelques instants autour des deux jeunes gens. Levant leur verre, tour à tour, à leur bouche, laissant glisser délicatement le liquide ambrée le long de leur gorge. Il était étrange, ce silence, parce-que Matt avait mille et une chose à dire. Il en était persuadé, Ezra, que c’était le cas - si les places avaient été inversées, il lui en aurait déjà déversé des tonnes sur lui. Il voyait bien que ses mâchoires à lui faisaient un geste miroir aux siennes, que tout son corps semblait sur le bord de l’implosion. Et pourtant, le silence persistait. Ezra aurait pu épiloguer un instant, combler ce blanc, mais il savait que les dégâts de sa part étaient déjà assez conséquents pour la journée. Il préférait opter pour le silence du sage, jusque temps que McGrath daigne dire enfin quelque-chose. « T'en penses quoi, toi? » A entendre les mots que Matt venait de prononcer, Ezra commença par secouer lentement la tête. Vinrent s’ajouter un pincement en une ligne droite parfaite de ses lèvres, et un petit rire amer en fond - il fallait quelque peu tendre l’oreille pour le percevoir. Il était venu pour ça, pourtant. Il voulait en discuter avec Matt, hisser le drapeau blanc pour le reste de la journée, faire table rase pour retrouver celui qu’il avait connu bien des années plus tôt. Et alors que cette situation lui tendait les bras, alors que Matt lui-même lui offrait la possibilité, il sentait son courage faillir. Et en place et lieu de paroles, il préféra une énième gorgée ambrée, telle la lave brûlant le vivant sur son passage. « La vérité. » Dans un soupire long, dans un soupire las, Ezra finit par venir cueillir les iris du jeune homme au creux de ses yeux. Pour la première fois depuis qu’il avait compris que Matt ne jouait pas le jeu, qu’il ne mentait pas en disant qu’il n’avait eu vent de cette affaire, il le regarda droit dans les yeux. « La vérité ? » Depuis quand ils s’autorisaient à aller à la vérité, entre eux ? Depuis quand ils savaient faire en sorte d’installer un climat de confiance assez important pour se laisser aller aux confidences ? Ezra voulait autant aller vers ce terrain là que s’en réchapper. Il ne voulait pas tomber dans d’anciens travers, là où il savait parfaitement où se trouvait le bord de la falaise. Et pourtant, son coeur lui criait que Matt demandant à aller à la vérité, ce n’était pas trompeur. Pas cette fois. C’était ce que tu désirais, Ezra, pour aujourd’hui, ne l’oublie pas. Il s’osa à un deuxième soupire. « La vérité ? J’aime pas ça. » Il lui avait demandé la vérité, et la vanne était à deux doigts de s’ouvrir pour de bon. Il tentait de retenir les voix dans le fond de sa conscience encore un instant, juste un instant de plus. « Je doute pas de la sincérité de leur amour, l’un ou l’autre, mais… » La liste était si longues, qu’il en avait presque honte de ne pas avoir vu les signes avant coureurs. « Si ça tourne mal… » Je lui referai le portrait, quitte à terminer mes jours en taule. Elle s’en remettra pas, Matt, si ça tourne mal il est mort et on la récupèrera pas, crois moi. Les prunelles plongées dans celle de Matt alors que ses yeux criaient haut et fort ce que ses lèvres n’arrivaient à articuler.

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« La vérité ? »
« S'il-te-plaît. »

Ouais, je suis un petit gars poli.
Et ouais, ça sonnerait presque comme une conversation d'adultes ça.

Ça sonnerait du moins comme deux êtres civilisés qui sont pas en train d'imaginer comment la bouteille de whisky entre eux deux servirait d'arme blanche parfaite. En vrai, je sais pas pour lui, j'anticipe plus ses ressentis ni même ses émotions depuis une vie, mais moi je sais que c'est qu'à ça que je pense. À comment ça date, la dernière fois où je me suis défoncé les phalanges sur la gueule de merde d'Auden. À quel point mes jointures se fondent parfaitement dans son sourire de connard, connard marié à ma soeur désormais. Connard par alliance.

« La vérité ? J’aime pas ça. » tu m'étonnes. Tu m'étonnes que t'aimes pas ça, quand le gars a passé sa vie à être dans son ombre, dans son sillage, à juste attendre le bon moment pour nous faire un coup vache du genre. Quand il a juste attendu qu'on ait le dos tourné pour en profiter. Et je sais qu'il fait juste ça parce que c'est un jeu l'enfoiré, je sais qu'il rôde juste parce que j'ai été assez con y'a mille ans de ça pour lui dire de pas le faire. C'est que ça, la raison de sa présence qui s'étire, qui sert à rien parce qu'elle est pas du même monde que lui et que si elle était pas autant naïve au point de donner une infinité de chances à qui que ce soit lui brise le coeur autant lui que moi et même Ezra, on en sera pas tous là. « Je doute pas de la sincérité de leur amour, l’un ou l’autre, mais… » mon rire est sec, mon rire est las, mon rire est mauvais aussi, il est que ça. Foutaises. Je lui avais dit de se tirer à Auden, je lui avait dit et je le lui redirais encore et toujours autant de fois que je le pourrai - et lui, le bâtard, il reste comme de la mauvaise herbe. Il reste et il s'accroche et il teste ma patience, et là il a testé trop vite et trop fort.

« Si ça tourne mal… »
« Si ça tourne mal il est mort. » et elle avec.

On est d'accord sur ça.
On l'est et je déteste qu'on le soit.

Je hais que la seule et unique fois où on arrive à avoir un terrain d'entente depuis toutes ces années signifie qu'on est tous les deux au courant que Ginny est pas assez forte pour se remettre de ça. Elle l'est pour se remettre d'une centaine d'autres choses, mais de ça, c'est acté, c'est plié, c'est inné : jamais elle va réussir à y survivre. Et il l'a vue Ezra, il l'a vue quand elle le lui a dit, et s'il me dit ça, s'il pense ça, c'est qu'il a vu quelque chose que j'aurais vu moi aussi. On la connait par coeur la gamine, on la connait par coeur et autant j'ai pu le maudire qu'il soit au même niveau que moi à ce sujet-là, autant aujourd'hui j'en tremblerais presque de le constater à nouveau.

« J'en ai rien à foutre que ce soit sincère ou pas leur truc. Ça peut l'être pour 5 minutes ou pour 5 ans, rien à battre. » Auden il est passé maître dans l'art de mentir mieux qu'il respire et elle, elle tombe amoureuse de l'amour en se disant que jamais elle le méritera mais qu'elle va en profiter pour ressentir le temps que ça dure avant d'imploser comme d'exploser. Been there done that. « Elle vient à peine de recommencer à vivre pour elle. » elle vient à peine de sortir d'une relation, elle vient à peine de perdre un bébé, elle vient à peine de retrouver Noah et elle vient à peine d'avoir chassé les parents de sa vie. Et qu'on lui file ça entre les pattes? « S'il est si sincère, il aurait dû le voir. » non, je dirai pas qu'il l'aime, non, j'y crois absolument pas à ses conneries de sincérité à deux balles.

« Tu lui as parlé? » à lui? Parce que de nous, Ezra est celui qui serait légitime de l'avoir fait - si Auden rôde autour de Ginny, il rôde aussi autour de Noah.

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Le rire de Matt fut instinctif, immédiat, lorsqu’Ezra vint avancer qu’il ne doutait pas de l’amour existant entre Ginny et Auden. Et c’était vrai, c’était que la vérité tout ça, ce n’était que ce que Matt avait demandé. Il ne doutait pas de l’amour voué l’un à l’autre parce-qu’il l’avait vu dans les yeux de Ginny. Et elle ne lui aurait pas menti, pas sur un point comme ça. Ou même si elle avait tenté, ses yeux l’auraient trahi à la première seconde où Ezra avait accroché du sien son regard. Mais il comprenait la réaction de Matt. Une partie venait faire même écho à l’intérieur de lui. « Si ça tourne mal il est mort. » Et elle avec qui vint se lire dans le regard du McGrath à défaut de s’entendre dans sa voix. Si ça tournait mal, la jeune femme ne saurait se relever de ce genre d’épreuve. Elle aimait avec tout son coeur, avec tout son être et son âme en prime. Et si ça tournait mal effectivement, Auden était un homme mort. Parce-que pour la première fois depuis des années et autant de poussière d’étoiles qui venait trainer avec, Matt et Ezra étaient d’accord. Sur la même longueur d’onde, oui. Fait extraordinaire et n’arrivant qu’une fois par décennie lors d’une lune croissante et d’astres alignés par Jupiter - ou quelque-chose d’aussi rare en tous cas. Et ça venait tordre le coeur d’Ezra que de réaliser qu’il fallait qu’ils en arrivent tous les deux là pour éprouver ce genre de ressenti commun. Ca lui donnait presque la gerbe, même. « J'en ai rien à foutre que ce soit sincère ou pas leur truc. Ça peut l'être pour 5 minutes ou pour 5 ans, rien à battre. Elle vient à peine de recommencer à vivre pour elle. S'il est si sincère, il aurait dû le voir. » « Je sais. » Le verre de liquide ambré qui vint imbiber ses lèvres deux fois de suite, alors que Matt mettait en lumière l’évidence. Il y avait des détails qui manquaient à la version de l’histoire qu’Ezra avait eu, pas de doute, mais il ne pouvait qu’approuver les dires du jeune homme. Ginny n’avait jamais vécu pour elle-même. Sa vie avait été dictée par des tiers personnes et vécue par procuration sur d’autres moments. Elle avait transféré son énergie dans l’amour qu’elle pouvait porter aux rares hommes qui l’avait accueilli dans leurs bras. Mais elle n’avait rien fait de tout ça, rien du tout et c’était ce qui rendait les mots d’Ezra d’autant plus froid lorsqu’ils franchissaient ses lèvres. Parce-qu’il ne désirait rien d’autre qu’elle soit heureuse, mais pas à ce prix là. « Tu lui as parlé? » Il vint lever les yeux au ciel. La discussion, de l’extérieur, pouvait paraitre on ne peut plus normale. La moindre personne qui passerait par là, une oreille curieuse tendue dans leur direction, ne mettrait pas le doigt sur une discussion anormalement étrange entre ces deux jeunes gens. Et pourtant - et pourtant. C’était ce qui faisait autant rager Ezra, d’un côté. Parce-que ce genre de discussions, ils auraient du en avoir des dizaines et des centaines depuis le temps qu’ils se connaissaient. « Non. » Un soupire, là, léger. « Pas encore. » Parce-que Matt n’était pas dupe et malgré tout, il pouvait lire présentement en Ezra comme dans un livre ouvert. Il pouvait deviner, s’il y prêtait un minimum de volonté, les prochaines réponses que le Beauregard lui fournirait. Ils avaient grandi, ils avaient muri, mais ils n’avaient pas tant changé que ça. « Et il est pas venu non plus, pour le moment. Je pense qu’il attendait que ce soit elle qui vienne me voir. » Parce-qu’Ezra était peut-être un des seuls êtres sur cette terre envers qui Auden éprouvait un semblant de respect. Pas grand chose, une pincée de rien du tout, mais assez pour ne pas venir se pavaner la bague au doigt alors que Ginny écrivait encore son discours tard le soir. « Y’a une part de moi qui a envie de lui refaire le portrait en même temps, alors je sais pas si c’est vraiment une bonne idée d’aller lui parler. » Parce-que c’était déjà passé à ça que la peau palmaire d’Ezra vienne caresser avec délicatesse celle faciale du Williams - et il y avait eu d’autres moments où l’hésitation n'avait pas traversé ses gestes et où son poing s’était logé dans sa mâchoire. Finalement, un soupire plus tard et une gorgée de whisky en plus, Ezra replaça ses prunelles dans celle de Matt. « C’est quand la dernière fois que tu lui as parlé ? » A elle, sans que la précision ne fut pour autant attendue ni demandée. Si le contact n’était que maigre entre Auden et Ezra, ce dernier savait qu’il était en revanche inexistant entre les deux hommes par alliance désormais.

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« Non. »
« Pas encore. »

Parce que c'est sûr que ça va arriver. Parce que c'est sûr qu'il va débarquer avec sa gueule de connard et le sourire qui va avec, parce qu'il joue un jeu Auden, il joue le même foutu jeu depuis toujours et là, il a gagné la manche. Mais pas la guerre. « Et il est pas venu non plus, pour le moment. Je pense qu’il attendait que ce soit elle qui vienne me voir. » lâche. Lâche qui laisse Ginny faire le sale boulot toute seule. Lâche qui la laisse tout réparer pendant qu'il brise tout sur son passage en attendant les bras croisés qu'elle vienne ramasser ses conneries, ses dégâts. « Y’a une part de moi qui a envie de lui refaire le portrait en même temps, alors je sais pas si c’est vraiment une bonne idée d’aller lui parler. » « Y'a plus qu'une part de moi qui veut lui refaire la totale ouais. » depuis quand le whisky était terminé?

Il retrouve des forces ou du moins il m'en donne l'impression Ezra. Son air fatigué a tendance à être un peu moins rongé par la culpabilité, par les regrets ou même les remords, je pourrais pas dire. Il était pas censé me l'apprendre mais voilà qu'il l'a fait et l'ironie du sort veut qu'il soit probablement le choix de personne le plus sensé pour me l'avoir dit en l'état. « C’est quand la dernière fois que tu lui as parlé ? » « Avant-hier. Elle est passée avec Noah faire le plein de j'sais plus quelles pâtisseries qu'ils avaient plus à la maison et qui rendaient le monde entier complètement nul et sans saveur. » l'anecdote aussi, est sans saveur. Quand elle a pas dit le moindre mot là-dessus, quand elle avait pas de bague au doigt, quand Noah faisait sa vie et qu'elle, depuis longtemps, m'a jeté de la sienne. Je sais même pas ça fait combien de temps qu'ils sont mariés, je sais même pas ça fait combien de temps qu'ils sont ensembles, je sais rien de rien de putain de rien. Comme d'habitude finalement. « J'aime pas ça. » c'est l'évidence mais le statuer devrait me faire du bien. « J'aime vraiment pas ça. » pourtant c'est pas le cas. La boule dans mon ventre reste, mes jointures sont toujours aussi blanches de mes poings serrés. Mes dents restent éternellement investies de la mission de mordre l'intérieur de mes joues au point où le goût de fer dans ma bouche ne s'estompe pas du tout. « Mais j'ai plus le droit de m'en mêler, n'est-ce pas? » il a vu le pire comme le meilleur, et même si mes intentions sont bonnes, je jure qu'elles le sont, ma carte joker j'me mêle de la vie de Ginny est depuis longtemps échouée. Il en a fait les frais y'a des années.

« Dis-moi. Quand tu iras lui parler. » ça sonne comme une supplication et c'en est totalement une. Une autre. Il a même pas besoin de m'inviter à y aller. Juste, je veux savoir. Pour une seule fois dans ma vie, je veux qu'on me le dise au bon moment, pas mille ans après. Et apparemment, il est le seul en qui je peux avoir confiance pour ça. Elle se moque là, la vie.

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« Y'a plus qu'une part de moi qui veut lui refaire la totale ouais. » Oh, des années durant, la totalité d’Ezra aurait voulu refaire la totale à Auden. Il y avait eu d’ailleurs plusieurs occasions manquées. Mais il n’avait jamais réussi à aller bien loin dans la suite de ses pensées concernant ces actions en particulier. Les dégâts seraient bien trop considérables - mais il était sûr, en revanche, que Matt ne s’en priverait pas s’ils en arrivaient tous jusque là. « Avant-hier. » La dernière fois donc qu’il avait pu discuter avec sa soeur. « Elle est passée avec Noah faire le plein de j'sais plus quelles pâtisseries qu'ils avaient plus à la maison et qui rendaient le monde entier complètement nul et sans saveur. » Inexorablement, un fin sourire s’étira sur les lèvres d’Ezra. Il pouvait sans grand mal imaginer la jeune femme venir exprès pour ça sans ajouter de détails sur tout le reste autour comme si tout était normal. « J’aime pas ça. J'aime vraiment pas ça. » Les mots de Matt résonnaient comme une évidence aux oreilles d’Ezra, qui n’avait pas besoin de tant de précision pour comprendre qu’il ne mentait pas, sur ce coup là. Alors, il vint lui servir la fin de la bouteille dans son verre parce-que finalement, des deux, c’était Matt qui avait le plus besoin de terminer ce verre. « Mais j'ai plus le droit de m'en mêler, n'est-ce pas? » Ses pupilles qui vinrent se relever pour tomber dans les siennes, alors qu’un léger mais long soupire se fit presque entendre. Les autres autour, ils l’auraient pas entendu ni même perçu. Mais on parlait de Matt et d’Ezra et des années d’histoire qui s’étaient immiscées entre eux deux sans qu’ils aient le moindre mot à dire dessus. « Tout comme je suis pas censé le faire non plus. » En réalité, il aurait voulu lui souligner qu’il n’en avait eu le droit même quand il l’avait pris tout seul comme un grand, le droit. Il n’aurait jamais du mettre son nez là où ça ne le regardait pas et effectivement, ce serait à lui que Ginny serait mariée aujourd’hui, et non à un homme en lequel ils n’avaient que moyennement confiance tous les deux. Il n’en avait jamais eu le droit à l’époque et pourtant il ne s’était pas gêné de le prendre, et la suite tout le monde la connaissait désormais. Il était plutôt sage de la part du McGrath de réussir à avoir ce pas de recul, cette réflexion, dix ans plus tard. Cela empêcherait peut-être les choses de repartir dans une dangereuse cascades de répercutions. De son côté, Ezra s’abstenait de le faire - alors qu'il avait reçu l’autorisation de Ginny. Elle lui avait clairement dit qu’elle avait besoin de son avis sur la chose et il avait préféré l’exposer en demi-teinte pour ne pas salir les choses qui la rendaient heureuse. Mais ça, c’était une précision dont Matt n’avait pas besoin. Pas aujourd’hui, en tous cas. Ezra lui avait apporté assez de nouvelles pour le reste du mois et il n'avait pas besoin de savoir qu’il passait, aux yeux de Ginny, avant son frère. « Dis-moi. Quand tu iras lui parler. » Avec un petit soupire, il vint finalement hocher la tête. Parce-que malgré tout, il pouvait faire ça, Ezra. Matt avait été mauvais dans une autre vie mais ce n’était pas pour autant qu’il devait à son tour l’être avec lui. Là, c’était une histoire où le Beauregard apparaissait uniquement par hasard et il pouvait se permettre de prévenir Matt le jour où ils discuteraient de tout ça, Auden et lui. « T’es sur ? » Parce-qu’il marcherait toujours sur des oeufs dans ce genre de discussion et que venir revérifier deux fois les bases n’étaient pas de trop. « Je veux pas que ce soit une mauvaise idée. Une nouvelle mauvaise idée. » Parce-que venir ici aujourd'hui en avait été une sacrée, de mauvaise idée. Mais n’était-il pas également en train de demander conseil auprès de Matt, de savoir si aller lui parler tout court n’était pas une mauvaise idée ? Après tout, ils l’avaient statué, c’étaient les histoires de Ginny et non les leurs.

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Invité Invité

« T’es sur ? » non, pas du tout. Faut dire que je suis sûr de rien la concernant depuis des années maintenant. Elle me glisse entre les doigts, elle s'envole le plus loin possible quand c'est moi, qui un jour l'aie ironiquement fait partir aussi loin de base. Elle mérite mille fois mieux que je sois par-dessus son épaule à la faire suffoquer, mais pourtant c'est là où je vais, que dis-je, c'est là où je sprinte quand la seule et unique option dans ma tête à moi est d'aller défoncer la sienne à lui dans le processus.

Ezra me passe un verre, je le gobe bien trop vite pour que ce ne soit pas inquiétant et qu'il ne regrette pas le geste. Il doit regretter tout ce qu'il a bien pu faire d'ailleurs, depuis qu'il est passé par la porte du DBD. Il doit regretter de me l'avoir dit, il doit regretter de m'avoir laissé une place dans le secret parce que j'ai évidemment réagi comme tout le monde s'attendait à ce que je réagisse. À bouillir, fort, véritablement trop. Il sait autant que moi que Ginny reste et restera toujours ma priorité, il sait aussi que je suis qu'un imbécile fini quand il s'agit de le lui montrer. « Je veux pas que ce soit une mauvaise idée. Une nouvelle mauvaise idée. » et ça, ça fait foutument mal.

Ça fait mal parce qu'il a raison, peu importe à quel point je pose mon verre cruellement vide bien fort sur la table entre nous deux. C'est une mauvaise idée, si je vais avec lui. C'est une mauvaise idée si je m'implique avec lui. C'est une mauvaise idée si je me mets le nez là-dedans parce que je l'ai fait tellement de fois que ce serait complètement impossible de penser qu'une de plus ne changerait rien. Ouais, non. Une de plus changerait tout.

« Fais juste me dire, quand tu iras. » c'est bizarre d'avoir confiance en lui, surtout à ce sujet-là. C'est bizarre mais ultimement, c'est tout ce qui me reste.

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