Il hoche la tête, amusé qu’elle lui demande de confirmer que Ginny est bien sa soeur puisqu’il s’interroge désormais sur la relation qu’elle avait par conséquent défini par défaut entre eux deux. Pourtant il ne cherche pas à se jouer d’elle et il ne laisse aucun suspens d’aucune sorte planner, Ginny étant bien sûr sa soeur sans que cela ne puisse être contesté par personne. La liste des membres de la famille McGrath reprise par Lucia est bien plus claire et concise que tout ce qu’avait pu tenter de faire Swann jusque là, raison pour laquelle il l’écoute résumer le tout en silence. Il a lui même mis des années avant d’en comprendre les complexités mais il semblerait qu’elle n’ait finalement besoin que de quelques minutes à tête reposée. « Finalement ça fait plus de pro Lucia que de contre non ? » Les qualificatifs le font rire doucement sans que cela n’ait rien à voir avec de la nervosité, pourtant. Les années passées auprès de sa nouvelle famille lui ont aussi appris à l’observer directement avec un oeil d’adulte et à s’en faire une image précise. Il les connaît, leurs défauts et leurs qualités avec. « Personne n’est contre-Lucia, ils ont seulement besoin de plus de temps. » Du temps, de la patience, des explications et sûrement quelques disputes qui font parties du processus. Il n’y a rien de quoi effrayer ni Lucia et encore moins Swann, qui commence à connaître le système de protection que Jillian et Ariane mettent en place dès lors que quelqu’un semble s’approcher un peu trop de leur famille. « Pas de raison de prendre mes jambes à mon cou donc. » Sans ne rien ajouter de plus, il sourit désormais par simple fierté en osant un coup d’oeil en sa direction. Elle a beau clamer le contraire, elle est vraiment courageuse. Beaucoup se seraient contentés de prendre la fuite après une journée comme celle qu’ils viennent de vivre, pourtant Lucia ne semble pas décidée à partir où que ce soit et tant mieux.

« Elles vont revenir à la charge tu crois ? » A cela il n’ajoute pourtant aucune réponse, gommant quasiment instantanément son sourire. La réponse est évidente et ils la connaissent tous les deux, ils n’ont donc pas besoin de s’éterniser à ce sujet. Elles vont revenir et Swann sera encore entre elles, raison pour laquelle elles en voudront encore plus à Lucia sans raison aucune. Cercle vicieux qu’il est incapable de rompre de lui même, déjà trop proche de la brune pour vouloir la laisser en pâture aux lions.

Le changement de sujet vient comme une libération, il l’est d’autant plus lorsqu’elle parle de nourriture : le talon d’Achille commun à tous les McGrath. « Tu veux manger quelque part ? » Sa bouche s’entrouvre pour répondre quelque chose ressemblant fortement à un “OUI OUI OUI” mais sa tentative est étouffée dans l’oeuf car trop lente en comparaison avec les mots de Lucia. « Ou pas. Tu peux me ramener directement si tu veux y retourner ou si t’as pas envie. » Son envie de bien faire en permanence le fait sourire, elle qui passe son temps à se fondre avec le décor dans le but de ne jamais froisser personne. Il se reconnaît aisément en sa personnalité et ses traits mais ce n’est pas aujourd’hui encore qu’il le lui fera remarquer, bien au contraire. Prenant le relais de sa proposition, il ne relève pas son moment d’hésitation et se concentre plutôt sur ce qui compte le plus : la nourriture. « Ca serait un bon moment pour manger au Betty’s, tu penses ? Je pense que je suis en état de tester tous leurs burgers ce soir. » Rien que ça. Le pire étant qu’il n'exagère qu’à peine et qu’il se contentera sûrement de la moitié des burgers, les autres étant déjà réservés pour une autre escapade improvisée.

Du test de Lucia ils passent à celui de Swann, comme si toute la logique des choses reposait dans le questionnaire d’entrée que chaque famille leur réservait. D’entrée pour quoi, au juste ? Le monde entier semble les connaître mieux qu’eux même, à l’instant. « Ce sera moins violent qu’Ariane et Jill de toute façon. Mais elles sont malignes, parfois elles te testeront et tu t’en rendras même pas compte. » « Si je leur dis d’entrée que j’ai été champion de diabolo à l’université, ça laisse droit à des points bonus ? » Il apprend encore à panser les plaies avec sa propre famille et l’idée de devoir recommencer le même processus avec de parfaits inconnus l’effraye encore bien plus qu’il ne voudrait jamais l’avouer, raison pour laquelle l’humour reste encore le meilleur échappatoire à ses yeux. Il ne se dérobera pas si jamais Gabrielle et Hannah se décident à lui faire passer le même genre de test que celui auquel Lucia a eu droit mais ce serait mentir que de dire qu’il aurait espéré que pour une fois, une simple fois, tout se passe sans accroc d’aucun côté. « Il faut toujours une maniaque du contrôle dans chaque famille. Maintenant que je suis prévenu, tout ne peut que bien se passer. » Normalement. Il l’espère. Fort. Très fort. Tout comme il espère que les problèmes de Lucia et sa famille se régleront rapidement puisqu’elle semble réellement désolée à l’idée même d’aborder le sujet. Encore une fois, ils sont faits du même bois.

« T’as pas besoin de ça. Je suis le mouton noir, elles elles sont toutes les deux dans le domaine médical, alors elles t’adoreront. » Les aveux qu'elle lui offre de manière si détachée font mal au coeur du blond, lequel se contente de resserrer sa mâchoire alors qu'il garde les yeux sur la route. Conduire lui donne au moins une bonne échappatoire quand il s'agit de ne pas montrer ses sentiments. « J'ai pas grandi en voulant être dans le médical. Je voulais être joueur pro, avant. De football. » En Angleterre, ça date d'une vie. Il y a dû y renoncer par la force des choses il y a bien longtemps de ça désormais. Le tout est si vieux qu'il ne lui reste finalement que quelques bribes de souvenirs, lesquels il ressort pour Lucia pour lui prouver qu'il n'est pas meilleur qu'elle et qu'elle ni personne ne peut en juger simplement à cause d'une carrière. « Ton métier donne de la joie de vivre aux gens, nous on est souvent associés à des moment difficiles de leur vie. J'aime bien ce que je fais, je ne dis pas le contraire, mais si tu es un mouton noir parce que tu as le droit de mettre des post-it de couleur sur des robes alors je trouve ça plutôt cool. » Dans une autre vie, le métier de Lucia lui aurait plu - s'il avait assez de créativité, s'il était assez original, s'il osait se démarquer du groupe, si. Son sourire meurt petit à petit avec ses explications, noyé dans ses joues et une moue enfantine qu'il ne contrôle plus vraiment. Travailler dans le médical est une vocation à plein temps, certes, mais le métier de Lucia n'en est pas pour autant moins important. « Elles sont sûrement jalouses que t'aies pas eu à apprendre plein de mots compliqués en latin et en grec, mais elles ne l'avoueront jamais. » Si mouton noir il devait y avoir alors ce ne serait pas elle. Ce ne serait certainement pas elle.

« Et si tu veux rendre quelqu'un d'autre jaloux, envoie une photo des meilleurs hamburgers de la ville à Matt. Il serait capable de te demander en mariage, par contre. » Et ce même s'il vient de se marier aujourd'hui, la nourriture passant encore et toujours avant toutes choses dans la famille. « T'as encore ... deux feux rouges, avant que je doive tourner vers le restaurant ou vers Fortitude. Sans pression, bien sûr. » Elle a toute la pression du monde sur les épaules mais aussi et surtout la certitude qu'ils tourneront au Betty's.

Swann pleure intérieurement la perte de son milkshake chocolat caramel et non-tagada même si à l’extérieur il ne fait que sourire un peu plus en sirotant ce qui n’aurait jamais dû être sa boisson. L’anecdote du sucre lui fait penser à Ginny, elle qui devait sans doute être tout aussi insupportable quand elle était enfant - même si de toute façon les années n’ont rien su arranger, son cas étant perdu d’avance. L’idée de voir une mini Lucia déambulant les rues en courant avec du sucre plein les lèvres et les doigts le fait sourire un peu plus encore, il en regretterait presque de ne pas avoir connu ses folles années. “Je peux te prêter de mon milkshake mais c’est seulement parce que je suis hyper galant et que je veux te faire profiter de ses saveurs, pas du tout parce que ma vie se résume à chocolat-caramel.” Il exagère, lance avec ironie, se fait faux chevalier servant au moment d’avancer son verre d’un simple centimètre en direction de la jeune femme.

Et elle dévoile donc l’identité du troisième invité mystère, celui que personne n’aurait pu deviner. « J’ai appelé ta concierge, elle était m-o-r-t-e d’inquiétude pour toi du coup je lui ai proposé de passer. » “Ça se tient.” La blond concède sans plus de problèmes, hausse les épaules avec un sérieux qu’il n’est pas capable de tenir bien longtemps. De ses mains il s’attaque au paquet enveloppant chaque hamburger alors que ses yeux restent encore focalisés sur elle et sa répartie qu’il est heureux de découvrir au jour le jour. « J’aime pas le silence. » Cette fois-ci son sourire se fige et il reprend son sérieux pendant un temps. La conclusion vient pourtant d’elle même. “Moi non plus.” Il a pour habitude de vivre avec mais il est pourtant bien loin de s’y complaire. Pour autant il n’y a nul besoin d’expliquer la chose, elle le sait tout autant que lui et la seconde qui suit ils ont tôt fait de passer à un autre sujet et penser à autre chose.

Lucia passe par toutes les étapes de la stupeur à la timidité la plus morbide qui soit et le blond se replonge une vie en arrière, incapable de penser à quoi que ce soit d’autre. C’est par conséquent de la façon la plus logique qui soit qu’il cache sa propre gêne passagère dans l’hamburger qu’il enfourne à peine bouchée. Dommage pour Lucia, elle qui a refermé ses dents dans le vide - il s’est senti triste pour ce pauvre repas abandonné. « J’étais contente que tu sois là aussi. » Ils mangent leur nourriture en silence pendant un temps, chacun cachant sûrement un stupide sourire en coin d’adolescent. Ils ont quinze ans de nouveau et semblent devoir découvrir la vie, ce qui commence bien sûr par manger de la junk food. Entre autres. C’est sur ça qu’il se concentre pour le moment en tout cas, fier d’avoir fait un demi-pas en avant mais prêt à en faire dix en arrière si jamais une solution de replie devrait être envisagée. « C’était ça ou passer la soirée en tête à tête avec Switch. Les filles sont pas à l’appartement ce soir, je crois. » S’ensuivent des explications interminables et une Lucia qui parle avant de réfléchir, qui saute elle même dans son propre trou avant d’essayer d’en ressortir tant bien que mal. La scène le fait rigoler, il se retient de rire aux éclats mais son amusement ne peut être caché. Elle l’amuse de son innocence, elle qui pense qu’il va en venir à d’incroyables conclusions parce qu’elle aura prononcé un mot ou un autre. Oh, si elle savait qu’il en faudrait bien plus pour qu’il se fâche - même Ariane aka le Diable en personne a bien du mal à atteindre son but parfois. « Tant que Matt m’en veut pas de l’avoir privé de son témoin. » “Il doit être en train de râler d’avoir perdu un de ses partenaires de beer pong mais mon titre de témoin a sûrement été oublié après quelques verres de vin … et autres.” Matt est bien le cadet de leurs problèmes et ils sont le cadet des siens à l’heure actuelle. Le premier se marie et eux sont en train de déguster le meilleur burger de la ville - fait avéré - et ils auront bien le temps de se résumer toutes leurs aventures ensuite. “Je donne un 4,7/5 à celui-ci parce que j’en ai partout sur les doigts et que c’est pas top.” La note est arbitraire au possible et la langue du blond passe sur ses lèvres pour cacher les preuves de la présence de sésame sur ces dernières. “On peut rester ici jusqu’à ce qu’elles reviennent, si tu préfères. Je peux parler pendant des heures, on a échappé au karaoké donc ma voix est préparée à toute éventualité.” Il aurait pu l’inviter chez elle s’il n’avait pas lui même jugé la situation bien trop délicate. Il trouve qu’il a le canapé le plus confortable de tous les temps, pourtant, et cela ne l’aurait dérangé en rien d’avoir une raison d’aller dormir dessus pour une fois. Cependant cela semble bien trop cavalier à son sens et il ne voudrait pas qu’elle se fasse d’idées, raison pour laquelle il se fait mentalement la liste des parcs ouverts de nuit dans la ville ou des cinémas offrant des séances tard le soir. N’importe où et n’importe quoi où elle n’aurait pas à être entourée par du silence. “Je vais courir, généralement. Le soir. Ou le matin. Y’a pas d’horaire, en fait. Ça te dirait de venir parfois ?” Une proposition comme une autre, bien sûr. Cela n’engage à rien. Elle faisait du sport, elle lui a dit, mais sans doute que cela ne l’intéressera pas le moins du monde et il serait le premier à comprendre pourquoi. “... Y’a des arrêts de prévus devant la meilleure boutique de cookies de la ville, au fait. Mais je dis ça comme ça, bien sûr.” Il sourit, amusé, désormais bien au fait de sa passion pour le sucre.

Il a toujours le même sourire béat dès lors qu’il s’agit de poser ses yeux sur la jeune femme plus d’une seconde. Pour autant ses yeux grossissent et ses lèvres se retroussent dans une horrible moue pour confirmer à Lucia que oui, même pour son mariage Matt serait capable de jouer au beer pong. Il aurait même été tenté d’ajouter un surtout pour son mariage mais il souhaite la ménager et raconter une horreur après l’autre à propos de son frère. Dès lors qu’il s’agit de compétition et encore plus de beer pong, plus rien ne l’arrête. C’est rassurant, aussi, de parler de lui si jamais cela pouvait servir à ne pas creuser trop profondément dans la personnalité de Swann ou même son passé.

Parler burger a aussi quelque chose d’infiniment rassurant et plaisant, même si pour cela le blond doit abandonner toute dignité et jongler avec les diverses sauces dégoulinant de son divin mets. « Dommage, j’aurais bien voulu te voir à un karaoké. » Il tire la langue, l’enfant terrible qui a un bien trop grand esprit de mimétisme. C’est Ginny qui est supposée tirer la langue - et c’est bien elle qui le fait au quotidien - non pas lui. Son nez se fronce, il sourit, il rigole, il passe à deux doigts de s’étouffer et pour autant il passe une très bonne soirée. Ils sont bien loin des caméras et de la musique trop forte et même s’il n’est pas certain de pouvoir s’avancer à son sujet, il sait au moins que pour lui ça a tout d’une soirée parfaite. « Tu montes jamais sur scène quand y’en a au DBD, même quand Matt vient nous casser les oreilles. Je dois en déduire que t’es timide, ou bien c’est juste que chanter faux c’est de famille et que tu préfères nous épargner ça ? » Ses yeux remontent, il scrute la réaction de Lucia autant que le cheminement de ses pensées pour qu’elle en vienne à toutes ces conclusions là. Ses paroles font sens et il ne pourrait pas nier la véracité des faits énoncés. Pour autant il a toujours eu pour habitude de garder sa protection face au reste du monde et ce soir encore, même des choses si futiles ne semblent pas faire exception à la règle. “C’est parce que la seule musique dont j’arrive à tenir le rythme c’est God Save The Queen. Mais apparemment ça met pas tellement d’ambiance.” Il rigole de nouveau et passe à autre chose, sa vérité partielle devenue vérité unique. Il s’en tiendra là pour aujourd’hui tout en se promettant mentalement d’un jour monter sur scène avec elle pour chanter peu importe ce qui lui plaira. Il ne posera pas la question de savoir si oui non cela lui plairait : elle n’aurait pas abordé le sujet si ce n’était pas le cas. Il est aveugle sur bien des choses mais ça au moins, il l’aura compris.

Les propositions d’activités aussi diverses que variées commencent à affluer, elles sont bien plus nombreuses en une seule soirée que depuis tout le temps qu’ils se connaissent. « J’adore courir, alors avec plaisir. » Il hoche de la tête, enfant heureux. Il ne lui en faut pas plus, ils s’occuperont des modalités plus tard. Elle viendra avec lui, elle viendra courir. Ils longeront la plage ou ils iront s’arrêter pour manger des cookies sans jamais en repartir ; peu importe. Il s’amusera de son visage qui rosit bien trop rapidement, il se vantera de pouvoir faire les meilleures couettes de l’univers parce que c’est la petite Amandine, 5 ans, qui le lui a assuré il y a peu encore. “C’est pour après, avant ou même pendant. Comme tu préfères.” Il n’a jamais été du genre à se plaire dans une routine ou même à prendre le temps de gagner des habitudes. Ses choix deviendront les siens et il en sera le plus heureux du monde, même s’il ne s’agit que de cookies et du simple tracé de leur course. “Je prends le chien de mon voisin avec moi et c’est plus lui que moi qui décide de où est ce qu’on va aller.” Il confesse entre deux pointes d’humour véridiques, cache qu’en réalité il déteste courir seul. Et qu’il déteste être seul, tout simplement, peu importe le contexte.

Et pourtant, ils ne pourront pas rester au milieu des inconnus du fast food pendant bien longtemps encore, Lucia le lui rappelle avec justesse. « Tu sais je crois pas qu’on pourra rester ici jusqu’à ce qu’elles rentrent, ça risque de fermer d’ici heure. Mais si tu veux venir et que t’as pas peur de te retrouver nez à nez avec une serre grandeur nature... » Il n’aurait jamais osé proposé une telle chose, bien trop au courant des distances qu’il faut souvent respecter avec le domicile des personnes qu’on ne connait pas réellement. Pour autant si Lucia ne lui avait pas proposé de venir chez elle alors il aurait proposé son appartement, là où il trouve que le canapé n’aurait pas été si désagréable que cela s’il avait dû y passer une nuit. La brune a un argument qu’il n’a pas : les jeux-vidéos ; il est donc forcé d’accepter sa défaite et la proposition allant avec. “Je pense que je peux gérer une serre grandeur nature. J’ai seulement un mini cactus chez moi, ça va me faire bizarre.” Parce qu’au moins le cactus il n’a pas peur d’oublier de l’arroser, voilà tout.

***

Il a fini tous les hamburgers simplement par esprit de compétition et nul doute que l’idée était horrible, cela ne l’empêche pas pour autant de continuer de rigoler à ce sujet dès lors qu’il entre dans l’appartement à la suite de la jeune femme. “On mange quoi, ce soir, du coup ?” Qu’il lance naïvement, faussement, ses yeux occupés à découvrir l’endroit et à en mémoriser chaque détail comme s’il en allait de sa vie. Il imagine pourtant les gros yeux de Lucia et son cerveau fonctionnant à mille à l’heure pour tenter de trouver quelque chose à lui mettre sous la dent ; il anticipe donc. “Je rigole. Promis. Je suis calé pour au moins une heure là.” Son sourire s’élève de nouveau alors qu’il referme la porte derrière lui, fort peu déstabilisé d’être dans un appartement qu’il ne connaît pas. “C’est le moment où on prévoit notre plan si jamais tes coloc rentrent avant l’heure prévue ? On peut se trouver un mot secret qui voudra dire “vite cache toi Swann ou saute par la fenêtre, viteeee”. Je garantis pas le résultat, mais ça pourrait être drôle.” Il ne se sent pas digne d’elle, à quel point est ce que cela semble évident au juste ? Son sourire tente de rattraper le tout, aussi triste et faux que possible alors qu’il avance dans le salon, garçon qui ne sait plus quoi faire de ses mains et les cache donc dans ses poches. "Ouuu on peut jouer et je m'assois sur le canapé et je me tais. Je sais le faire. Même si t'aimes pas le silence, c'est vrai, du coup je vais jamais me taire." Ses gestes désarticulés et précipités le mènent sur ledit canapé, là où il a tout l'air d'un adolescent intimidé pour un rien. La faute aux plantes, sûrement. "Tu chanterais quoi pour une hypothétique soirée karaoke ou dbd ou ailleurs ?" Hypothétique est le mot-clé, bien sûr.

« T’aurais dû commencer par le chien. Je viens, dès demain s’il le faut. » Elle pourrait venir dès le lendemain si elle le voulait que ça ne dérangerait pas le moins du monde Swann. Elle pourrait ne jamais partir pour ne jamais avoir à revenir qu’il n’y verrait aucune objection non plus. Pour autant il ne dira rien à ce propos là et se contentera encore et toujours de sourire muettement. Il a pressé bien trop de choses dans sa vie pour oser refaire la même erreur aujourd’hui. « C’est quoi comme chien ? » “Un Berger Allemand.” Il connaît parce que tout le monde connaît : ne vous faîtes pas de faux espoirs, Swann n’y connaît rien en chiens. Il a toujours rêvé d’en avoir un mais n’a jamais sauté le pas et maintenant il se contente d’être le meilleur ami du quadrupède du palier. Il pourrait donner à Lucia les trucs et astuces pour qu’il l’aime aussi, ça leur donnera au moins un ami en commun. A force, la liste pourrait contrebalancer la fureur d’Ariane. Peut être. Avec beaucoup d’espoir.

Trop aveuglé par bien des choses, il ne comprend pas la source de la frustration de Lucia et tente de faire de son mieux pour lui faire penser à autre chose. Ses yeux parcourent les plantes les unes à la suite des autres, il profite de la vue sur la rue qui n’a rien à voir avec celle qu’il a depuis son appartement. Il s’extasie d’un rien et trouve la machine à café super cool, mais ça c’est parce qu’il est de la vieille école et fait tout à la main. « Mais on demande pas juste un café à quelqu’un qui travaille pour ton frère tu sais. Macchiato ? Americano ? Café long, expresso ? » Elle sourit et il en fait de même, il la trouve belle et gentille mais c’est stupide que de penser des choses pareilles alors qu’elle se contente d’être égale à elle même. « Avec un nuage de lait ? » Pour autant il ne peut s’empêcher de la trouver drôle, raison suffisante pour lui de rigoler dès que l’interrogatoire semble se terminer. “Macchiato avec double nuage de lait, s’il vous plait mademoiselle.” Il erre autour de la cuisine, incapable de déjà s’asseoir alors qu’il prend un plaisir fou à jouer le rôle du client. “Tu as de la cannelle ? C’est l’astuce pour faire les meilleurs cafés du monde. Matt a encore l’espoir que je lui donne un jour.” Il n’a jamais rien dit à Matt mais si elle le demandait il pourrait lui donner le dosage exact à elle, dans la seconde.

Ils prévoient le plan de secours, ils imaginent le pire pour ne pas avoir à simplement profiter de l’instant lequel justement ne présente aucune ombre au tableau. Ils sont simplement deux enfants coincés dans des corps d’adulte et un rien les amuse ; tout comme un rien suffit à les effrayer aussi. Swann va avoir son café après 16h, aucun doute qu’il ne risque pas de dormir avant bien longtemps - sa mère l’aurait prévenu, si elle avait été là et en capacité de penser à quoi que ce soit. « Tu peux t’installer sur le canapé mais pas te taire, ça c’est interdit. » L’anglais sourit de ses plus belles fossettes, le “Deal.” se lit bien plus à travers ses lèvres qu’il ne s’entend. Alors que Lucia réfléchit à sa question, lui pose son coude sur le dossier du canapé, laissant la marque de sa main s’imprimer sur sa joue et son corps se confondre avec les coussins du canapé. Il est étrangement calme, il sourit d’un rien. Pour peu on aurait pu le penser high. Matt et Decklan lui ont volé I’m Alive, elle n’ose pas chanter Bohemian Rhapsody et il lui manque une ombre pour Shallow alors il mémorise sans ne faire aucune commentaire sur ses choix - sauf oui, d’accord, peut être qu’il rigole en repensant au duo fait par les deux gérants du DBD. Africa devient finalement son choix final et il la trouve courageuse d’oser une langue étrangère à laquelle il ne comprend personnellement absolument rien. « Admettons qu’on soit dans un univers dystopique où God Save the Queen soit formellement interdite par le gouvernement. Quel serait ton second choix ? » “Je voudrais vraimeent pas vivre dans un monde aussi affreux que celui-ci.” Même dans 1984 il est certain que God Save The Queen aurait été accordé, alors imaginer quelque chose pire encore que cette dystopie là lui semble réellement compliqué. “C’est de la triche si je dis God Save The King, je présume ?” Il se pense intelligent et a un sourire de gamin, pour autant il s’en veut la seconde qui suit d’avoir plus ou moins cherché la mort de sa Reine. Peu importe où il vit, personne ne pourrait douter de sa dévotion pour sa patrie.

Son attention vole ailleurs, deux doigts de sa main libre font la course sur le bras de la jeune femme. Il ne s’en rend même pas compte alors que le café brûlant refroidit doucement en arrière plan. Il pourrait le boire tel quel mais il passe assez souvent pour le weirdo de service pour faire des concessions à propos de la température de ses boissons, soixante dix degrés celsius ne semblant pas acceptable en société. “Ca serait Hey Jude, pour de vrai.” Il sourit simplement par habitude, désormais, quand ses pensées sont ailleurs. Cela n’étonnera personne qu’il ait choisi un groupe anglais tout comme tout le monde aurait pu deviner que parmi son top 100, 99 sont anglaises (pour l’exception à cette règle, c’est parce qu’il était certain qu’elle était anglaise). “Je serai ton partenaire pour Shallow si t’as rien contre les légers décalages rythmiques.” On sait tous pourquoi il serait son partenaire sur cette chanson quoi qu’il arrive. En disant cela il range enfin sa main, celle la même dont il trouve les gestes bien trop peu adaptés à la situation. Il en profite pour prendre son café et s’occuper ailleurs, quand justement cela semble être la meilleure chose à faire. “T’as fait les gros yeux en regardant dans ton sac, tout à l’heure.” Il aurait aimé ne pas faire A + B dans son esprit mais tout s’est bien trop rapidement relié pour qu’il puisse nier l’évidence. Swann est maintenant posé sur le bout du canapé mais il tourne la tête en direction de la jeune femme, désireux de lui causer le moins de problèmes possible. “Qu’est ce qu’elles ont fait ?” Son sourire est triste, désolé de ne pas pouvoir lui offrir mieux.