La vie est un peu plus tranquille, ces derniers jours, même s'il y a des semaines que Saül n'a pas vu Cosimo. Il est trop fier pour rappeler son fils en premier, et il craint trop de le voir s'enfermer encore plus s'il fait interruption dans son petit monde. Pourtant il le sent : cette idée de colocation n'était pas bonne. Saül a bien été en colocation, quand il était plus jeune, mais ce n'était pas pareil. C'était l'époque des hautes études et il savait se mesurer, lui. Rien que Cosimo ne sache faire, surtout pas ainsi lâché dans la nature.

C'est très distraitement qu'il se balade dans une des bijouteries du centre ville, Saül. Une des boutiques affiliées à sa boîte. Tout cet argent là va en partie dans ses poches à lui. Il arrive parfois à l'italien de perdre ses yeux sur les pierres. Elles sont pleines, aujourd'hui. Les vendeurs sont débordés, malgré l'aspect luxueux de l'endroit. On dirait que quelques maris ont besoin de se faire pardonner. L’œil distrait, il regarde les colliers, les boucles de diamants et les bagues. Un couple de jeunes gens vient visiblement choisir une parure pour madame et vient chercher une bague pour monsieur. La vendeuse laisse la vitre de présentation ouverte, la malheureuse. Saül ne remarque pas tout de suite la faute, continue son petit tour de boutique, esquivant d'un "non, merci" la proposition d'un vendeur dont il n'a même pas entendu la requête. Dans son costume bleu nuit, tout droit sorti du travail, il doit leur donner l'impression d'un homme venu acheter de quoi contenter sa maîtresse - mais il s'en fiche.

C'est alors qu'il se produit une chose incroyable : le garçonnet de l'autre fois, ce grand dadais qui était sorti de la tête de Saül plonge sa main dans la vitrine. Il s'y prend bien, le salaud, parce que Saül ne le remarque qu'après coup, lorsque sa poche s'alourdit alors qu'il s'éloigne distraitement de la vitrine. Le crocodile fronce les sourcils, s'avance l'air de rien alors que le jeune homme se décale un peu, lorsque la jeune femme vient refermer la vitrine comme si de rien n'était. Elle est consciente de sa faute, elle aussi. Son visage est si coupable qu'on pourrait presque croire que c'est elle, la voleuse. C'est pourtant sur l'avant bras du jeune homme que se pose la grande main couverte d'or de Saül, qui agrippe avec force l'habit de celui qu'il appelait il n'y a pas si longtemps que ça... « Tu crois aller où, kiddo ? », que souffle l'aîné, le regard perdu dans la nuée de vendeurs qui s'occupent tous de clients. « Bouge, et je hurle. Tu veux que je te rappelle la loi, celle qu'on applique dans ce genre de cas ? » Sa voix est réduite à un mince filet presque rauque, alors qu'il distille aux oreilles du jeune homme son poison. Le voilà en mesure de gagner. Et l'autre, en passe de tout perdre. « Je t'avais dit qu'on allait se revoir, kiddo. » Plus tôt que tu ne l'aurais pensé.

Yele s'ennuie encore aujourd'hui, et il doit trouver de l'argent pour pouvoir jouer et boire ce soir. Il ne travaille pas, plutôt crever que d'avoir un boulot de misère, il ne s'abaissera pas à ça même si il est déjà sdf et sans voiture. Il préfère voler, et il commence à être bon dans ce domaine. Depuis que Tobias a disparu de la circulation il ne se drogue plus, ou très peu, mais il se rabat sur l'alcool. Il boit encore plus si c'est possible. Et il faut bien qu'il trouve l'argent quelque part. Aujourd'hui, il fait le tour d'une bijouterie de luxe, parce qu'il ne vole pas n'importe où non plus. Quitte à se faire prendre, autant que ce soit dans un endroit respectable. Et il y a du monde, et il observe absolument tout, il regarde chaque visage, un peu comme si tout ça n'était qu'une partie de poker de plus. Il faut rester calme et serein, ne rien montrer pour partir avec le pactole.

Une vendeuse fait la lamentable erreur de laisser une vitrine ouverte sans surveillance. Les bijoux valent une fortune, exactement ce dont il a besoin. Il avance, il attrape deux bijoux sans se faire repérer et il les glisse dans sa poche. Ni vu ni connu, il ne remettra sûrement jamais les pieds dans cet endroit pour sa sécurité. Mais il en ressort riche pour quelques heures. Il pensait qu'il allait en ressortir quand quelqu'un lui attrape le bras. Et merde. Il lève les yeux, un air serein et calme toujours ancré sur le visage. Ne rien montrer. Et il croise le regard d'un mec dont il ne se souvient que trop bien. « Je comptais sortir. » Innocent tant qu'on a pas prouvé qu'il était coupable. C'est pour ça qu'il reste aussi calme. Mais il le sait qu'il a des milliers d'euros cachés dans la poche de son pantalon. Il allait faire une remarque sur le poker, sur le costume, et sur la montre que le mec a changé depuis leur dernière partie de poker. Mais il l'a vu, et au regard déterminé de l'inconnu il sait qu'il hurlera si Yele décide de bouger. Il se tait et plante son regard dans celui du brun, qu'est ce qui l'attendait maintenant ? « content de me voir ? Tu t'amuses à me suivre peut-être. » Tu devrais te taire Yelahiah, arrêtes de jouer avec le feu tu vas finir par te brûler les ailes. « Qu'est ce que tu veux ? »

Sa prise se resserre, sur l'avant bras du jeune homme. Saül ne le quitte plus des yeux, désormais, un éclat partagé entre l'amusement et l'intérêt dans les yeux. Bien sûr qu'il le surprend encore à voler. Ce petit ne peut être que cleptomane, assurément. C'est la deuxième fois que l'italien le rencontre, et les circonstances sont vraiment exactement les mêmes. « Je comptais sortir. » « C'est marrant, mais désormais tu n'iras nul part. » Pas tant qu'il ne l'aura pas décidé. Les vendeurs semblent tous très occupés, personne ne pense à venir embêter les deux protagonistes, alors que la tension dans l'air vient de monter d'un cran. « Content de me voir ? Tu t'amuses à me suivre peut-être. » Le quarantenaire laisse échapper un rire, alors que la poigne se serre à nouveau. Ses phalanges virent au blanc, en dessous de ses bagues couleur or. « Je ne crois pas que tu sois en mesure de jouer au petit arrogant. » Non, vraiment pas.

« Qu'est ce que tu veux ? » « Sors tout de suite ce que tu as dans tes poches. Tu sais que tu es chez moi, ici ? » Non, pas vraiment en fait. La plupart de ces gens ne connaissent même pas le nom de Saül. Ils ne savent rien des gens qu'il y a en haut, bien au dessus d'eux, ceux qui gèrent bien plus que simplement l'enseigne. Le regard de Saül se pose un peu partout, dans la boutique animée. « Ne me fais pas le coup de l'autre fois, kiddo. Si tu sors tout tout de suite, j'accepte de te concéder que tout cela n'est qu'un malheureux accident. Et j'irai moi-même remettre les bijoux à cette gentille vendeuse qui ne dira rien du tout, parce que c'est elle qui a laissé la vitre ouverte. » Le quarantenaire désigne du mouvement de la tête la jeune femme qui s'agite pour présenter au jeune couple de tout à l'heure quelques bijoux somptueux, que Saül aurait très probablement pu offrir à Elise, il y a quelques années. « Rends nous un fier service : fais ce que je te dis. » Le sourire ne s'affaisse pas, au bord des lèvres de l'italien. Il se sait maître de cette partie là.

Il est coincé cette fois, vraiment. Il regarde autour de lui, il cherche une issue mais la boutique est trop petite pour qu'il puisse s'échapper sans que ça paraisse suspect. Le destin était contre lui aujourd'hui apparemment. Il serre les dents Yele, ses yeux lance des éclairs et il ne dit rien pendant une seconde, et il en train d'imaginer les meilleures techniques pour s'échapper de cet endroit sans que ce mec ne puisse le suivre plus loin. « Oh c'est moi qui joue au petit arrogant. » Lui il se la jouait juste arrogant avec ses costumes hors de prix, ses bijoux en or et son air de je sais tout et j'ai tout vu. Qu'est ce qu'il aimerait pouvoir vivre de la même manière que lui Yele. Mais il se tait, il ne lui dira pas ça, pas alors qu'il est juste en train d'enrager parce que les doigts de l'inconnu sont en train de se serrer autour de son avant bras.

Il a vu, bien sûr qu'il a tout vu mais Yelahiah n'a pas dit son dernier mot. Il est bon pour voler, et il est bon pour capter le regard des gens. Il ne lâche pas celui du vieux qui n'a toujours pas lâcher son bras. Il bouge la main qu'il tient en sachant très bien qu'il ne pourra pas se détacher de l'emprise. Mais de sa main libre il glisse les bijoux qu'il avait dans sa poche dans celle de la veste de l'inconnu. En moins d'une seconde. Ses doigts et sa technique sont de plus en plus précis. Un peu comme au poker là aussi. Il aurait pu hurler au voleur mais il serre encore les dents quand le mec dit qu'il est chez lui. « Chez toi ? » Parce qu'il a du mal à comprendre au premier abord Yele, c'est que le type n'a pas l'allure d'un bijoutier. Il pourrait presque être déçu, il lui imaginait une vie trépidante, courtier, chef de dizaines d'entreprises, mais non. Propriétaire de bijouterie ? Il souffle en levant les yeux au ciel Yele. Il le laisse parler, il ne rajoute rien mais son regard est toujours arrogant, confiant, et lui il essaie de paraître serein. Même si il commence vraiment à s'énerver. Il aimerait ressortir les bijoux de la poche du gars pour les lui faire bouffer mais il faut rester stratégique. Il se rapproche de son oreille quand le vieux a apparemment enfin fini de parler. « Tu devrais mieux regarder mes poches, parce que, les miennes, elles sont vides. » Il baisse sa main libre pour retourner les deux poches de sa veste. « Par contre, les tiennes, elles ont l'air bien pleines. » Il s'amuse de nouveau là le kiddo. Il aime toujours autant ce surnom d'ailleurs, il ne saurait pas expliquer pourquoi.

« Chez toi ? » « Chez moi. », qu'il répète encore. Il n'a jamais mis les pieds dans cette chaîne là, Saül. Elle est moins haut placée dans son estime que les autres - et puis leurs chiffres sont moins bons. Mais il ne sait pas le gamin, à qui appartiennent les poches qu'il a fouillé il y a quelques temps, ni comment sont achetés les costumes dans lesquels Saül se glisse tous les matins. « Tu devrais mieux regarder mes poches, parce que, les miennes, elles sont vides. » L'italien ne lâche pas son interlocuteur des yeux, pas plus qu'il ne desserre sa prise sur l'avant-bras du voleur. « Par contre, les tiennes, elles ont l'air bien pleines. » Ses poches sont plus lourdes, oui, mais qui irait l'accuser lui ? Lui, l'homme en costard, qui pourra se justifier par son nom et son statut ? « Oh, ce que tu me déçois. », qu'il murmure sur le même ton, sourire toujours accroché aux lèvres.

« Tu es terriblement prévisible. C'est vraiment dommage. Je te trouvais presque des qualités, maintenant tes défauts font beaucoup plus pencher la balance. » Des yeux, Saül cherche une vendeuse, laquelle est encore occupée avec des clients. D'une poigne ferme, le quarantenaire attire le jeune homme dans son sillage. De toute façon, il ne pourra pas quitter la boutique aussi facilement. Saül ne lui en laissera pas l'occasion. Quand ils s'approchent de la caisse, l'italien consent à laisser libre le brun de ses mouvements. « Tu feras juste perdre leur temps aux gardiens de la paix, si tu tentes de te tirer. » Parce qu'il n'hésitera pas une seule seconde à le dénoncer, Saül. Quand il est temps de sortir le collier que l'impertinent a glissé dans la poche de son costume, l'homme d'affaires ne se dérange pas pour pousser la parure sous le nez de la vendeuse. « Vous avez des employés qui manquent de vigilance. » C'est décevant, encore, mais ce n'est pas du ressort de Saül. Après tout, ces gens là gardent une certaine indépendance, bien que leurs finances passent par les mains de l'italien et de ses associés.

Le collier n'est pas la plus belle pièce du magasin, mais il vaut son petit pesant d'or. Lorsque le "présent pour sa femme" est emballé dans un joli coffret rouge et glissé dans un sac couleur or, Saül se glisse hors de la boutique. Étonnamment, le gamin l'a suivi. Une main dans la poche, au risque de déformer cette dernière, Saül s'éloigne dans la rue marchande. « On ne peut pas dire que tu manques d'audace, en tout cas. Qu'est-ce que tu fais, dans la vie, déjà, à part perdre tout ton argent volé au poker ? » A vrai dire, c'était Saül le perdant la dernière fois. Mais il ne faudrait surtout pas le lui rappeler. Et même si le gamin l'a déjà renseigné sur ses activités, le cerveau du quarantenaire n'est conçu que pour retenir les informations essentielles. « C'est quoi ton prénom, d'ailleurs ? » Ça, c'est une information potentiellement importante.

Il fallait qu’il rencontre ce type ici, alors qu’il tentait de se faire un peu plus d’argent. Chez lui ? Comment ils peuvent être chez lui ? C’est une simple bijouterie. Il ne comprend pas bien Yele, la seule explication possible est qu’il est le directeur de cet endroit. Et s’il a raison (Yele a toujours raison) il est dans la merde. Il aurait pu voler n’importe où, mais il a fallu que ça tombe chez le mec riche qu’il a battu au poker. Et il a l’air rancunier. Il a essayé Yele, et il ne peut pas lui enlever ça. En quelques secondes les bijoux se retrouvent dans la poche du costume de Saül. Plus rien à reprocher à Yelahiah dans ce cas là pas vrai ? Mais il l’emmène vers une des vendeuse.

Il fronce les sourcils, il n’aime pas qu’on le trouve prévisible, ou qu’on lui dise qu’il a des défauts. Il ne dit presque rien parce qu’il ne sait pas vraiment ce qui l’attend. Il passe en revu tous les livres de droits qu’il a pu lire dans sa vie pour savoir comment il va se sortir de ce merdier, parce qu’il s’en sortira dans tous les cas. “Je n’ai que des qualités.” Ok il a vraiment essayé de se taire mais c’est bien plus fort que lui. Il n’a pas de défaut, il est parfait Yele. Sur tous les points. “J’ai l’air de me barrer ?” Il ne part pas, il avance et il réfléchit juste à comment il va pouvoir s’en sortir sans être un criminel. Il lève la tête, il ne s’excuse pas, il ne justifie rien, mais il se dégage violemment de l’emprise du riche sur son bras.

Il ne comprend pas vraiment ce qu’il se passe le Blythe. Saül ne dit rien, il ne l’envoie pas en prison, il ne demande pas d’appeler la police. Mais il achète le collier, il le fait emballer et le tout glisse dans son sac. Alors Yele le suit dehors, parce qu’il ne comprend pas et qu’il déteste ça. “Je gagne la majorité du temps.” Il ne répond pas à la question parce que ce type n’a pas besoin de savoir ce qu’il se passe dans la vie de Yele. Personne n’a besoin de savoir. Et il aime bien lui rappeler que pendant la seule partie qu’ils ont fait ensemble il a gagné. Est ce que l’ego du vieux riche s’en est remis ? “Yelahiah.” Il n’arrive pas à le prononcer correctement lui non plus, mais il donne son prénom en entier pour une fois. Qu’est ce qu’il attend ? Pourquoi il a presque couvert Yelahiah ? Ca l’intrigue toutes ces questions, et il attend les réponses sans demander quoi que ce soit.