J'ai appelé mes parents. Ils ne pouvaient pas nier alors que je le savais déjà. Je savais qu'Allie ne m'aurait pas menti sur un sujet aussi important. Personne ne me l'a dit avant hier soir. Mais j'ai réussi à tenir, je suis restée forte, sans pleurer pendant toute la journée. J'ai attendu d'être un peu seule, de trouver le courage de faire ça. Et après de très longue minutes, j'ai appelé mes parents. Ils m'ont tout répété. Et c'est comme si je m'étais pris une claque à chaque phrase. Parce qu'à chaque fois que j'ai eu une information je me disais que ça pouvait pas être pire. Mais ça l'était. Je ne m'imaginais pas une chose pareille, et je lutte pour tenir debout, je lutte aussi pour ne pas m'évanouir. Je crois que je pourrais tomber dans les pommes même avant de raccrocher.

Je n'ai rien dit, j'ai parlé à personne. Peut-être que j'essayais juste de me convaincre que tout ça n'était qu'un rêve. Mais non, ils m'ont dit les même choses qu'Allie, ils avaient même un peu plus d'informations. Et je suffoque. J'ai l'impression de ne plus pouvoir respirer correctement. Je ne sais pas si Léo est là mais en quelques secondes mon téléphone fini au sol. Je crois qu'il se casse mais je n'entends plus rien. Il se passe bien trop de choses dans ma tête et je craque. Je craque complètement, comme je déteste le faire. Les larmes coulent sans que je ne puisse contrôler quoi que ce soit. Et c'est dur, ça fait mal. Encore plus que chacune des tromperies de Pete, encore plus que de voir Léo rentrer les mains en sang après avoir croisé Auden. C'est bien plus douloureux que tout ce que je peux imaginer.
Je dois respirer.
Je dois me calmer.

J'ai l'impression que la porte s'ouvre, j'ai l'impression d'entendre du bruit mais je ne suis plus sûre de rien. L'histoire se répète dans ma tête. J'ai été adopté. Ma mère biologique est toxicomane. Elle m'a enlevé quand j'étais une enfant. Elle est allée en prison. Et j'ai un père biologique quelque part. Je suis terrifiée, est ce que j'ai encore une famille ? Est ce qu'ils m'ont caché d'autres choses ? Je ne peux pas m'arrêter d'y penser, je ne pourrais plus jamais arrêter d'y penser. Je n'ai même pas la force de tenir sur mes jambes. Je suis assise dans un coin de la chambre, la tête sur les genoux et les mains sur mon visage. Je resterai sûrement là des heures, peut-être même des jours.

@Léo Ivywreath

Routine : douche, penser à se nourrir, piano, dessin, nourrir les chatons. Le dernier point est en tête de liste, en rouge. Ils ont grandi, nos petits protégés. Ils ne génèrent plus autant d'angoisse qu'avant, maintenant qu'ils se déplacent un peu et que même Machiavel s'est mis à les garder. J'en suis à l'étape "piano" lorsque j'entends la porte de l'appartement s'ouvrir. J'interromps mon mouvement, tends l'oreille pour repérer quel pas franchit la porte. Je ne sors plus énormément, mais je connais les pas de chaque personne qui soit déjà venue ici. Ce pas là, pourtant, j'ai du mal. Il me faut sortir de la pièce, pour m'assurer que c'est bien Molly, que tout va bien. Les chatons ont cessé de s'agiter aussitôt ai-je arrêté de faire voler mes mains sur les touches noires et blanches du majestueux instrument qui habite la deuxième chambre de l'appartement.

J'ai manqué Molly, qui a traversé le salon et le corridor pour aller dans la chambre. « Je suis là, si tu me chhh- » Ce sont des respirations précipitées, qui percent le silence. C'est la pire des manières de briser le silence, si on me demande un jour mon avis là dessus. J'aimerais mieux qu'elle le détruise de ses rires, le silence. Mes pas suivent les siens, alors que je me glisse dans la chambre. Il ne me faut que quelques secondes avant de la repérer, Molly, écroulée contre le mur comme une poupée de chiffon. Le cœur battant, je me glisse à côté d'elle. « Hey. » Je n'ai jamais été très fort pour réconforter les gens. La brune a su le faire à merveille, elle, tout au long de ce mois à rallonge. Mon bras hésite, avant de passer au dessus de son épaule gauche, avant que ma main ne trouve sa place sur son épaule droite. Elle respire trop vite, Molly. « Voilà. Cale ta respiration sur la mienne. Ça va aller. », que je promets de mes derniers mots. Je l'attire doucement contre moi, parce que c'est peut-être ça la meilleure manière de briser le silence : avec encore plus de silence. Juste en lui montrant que je peux être là, si elle en a envie. Que je peux aussi disparaître et me faire petit comme une souris, aussitôt qu'elle en formulera la demande.

Ma main gauche, celle sur laquelle brille l'alliance, écarte une mèche de ses cheveux, collée à sa joue. « Tu veux que je nous fasse quelque chose à boire ? » De très fort, de préférence, qu'on oublie tous les deux jusqu'à la raison même pour laquelle on se trouve dans la pièce ? « Si tu préfères, je te fais une cabane de draps et je te laisse dedans avec tous les chocolats de l'appartement. », que je chuchote en posant ma tête contre la sienne. Tous les chocolats et même plus, Molly, si tu me permets que je prenne un peu du poids inconnu qui te pèse pour le prendre un peu sur mes épaules.

Je suis perdue, je suis seule dans un coin de la pièce pendant un petit moment. Un tout petit moment qui paraît être une éternité. J'ai l'impression que mon cœur est une nouvelle fois brisé, atomisé par cette information. Comment on est censé se relever après avoir appris une telle chose ? Ma tête tourne, et j'ai encore du mal à ouvrir les yeux. Je sursaute légèrement quand la main de Léo se pose sur mon épaule. Je relève légèrement la tête. Personne ne me voit comme ça normalement, Je n'aime pas être comme ça, et encore moins qu'on me voit. Je l'écoute parler, je me concentre sur lui et uniquement sur ses mains et sa voix. Je fais ce qu'il me dit et essaie de calmer ma respiration, j'évite un peu son regard alors que je pleure encore à chaudes larmes.

Il me prend dans ses bras ses les miens s'enroulent autour de lui. Je le serre peut-être trop fort, je m'accroche à lui comme une bouée de sauvetage alors que je continue de suivre son rythme respiratoire. Je hoche la tête quand il me propose de nous faire à boire mais je ne le lâche pas. Pas encore. J'ai besoin de ce contact encore une peu plus longtemps. « Je suis désolée. » Désolée d'être dans cet état, de pleurer, de l'avoir interrompu, de m'accrocher à lui comme si ma vie en dépendait. Mais je ne rajoute rien avec quelques minutes. Mes bras se desserrent un peu et je croise son regard. « On peut toujours faire les deux. » Je n'ai jamais eu envie d'oublier à ce point là. Je le laisserai m'aider, je ne lui demanderai pas ce qu'il peut bien y avoir dans mon verre. Je veux juste ralentir le temps une minute. « Léo... » J'ai besoin de le dire, il faut que je le formule à voix haute. Il a le droit de savoir pourquoi je me retrouve dans cet état au milieu de sa chambre.

« Je... » Pourquoi c'est si difficile, pourquoi j'ai l'impression que si je le dis à voix haute tout devient vrai et il n'y a plus de retour en arrière possible. « Je viens d'apprendre que... » Je prends une longue inspiration pour ne pas être interrompue par un sanglot. « J'ai été adopté. » Ma tête se baisse de nouveau. C'est le premier au courant après ma propre famille. Je veux juste qu'il reste là, qu'on reste tous les deux dans cette cabane de draps, entourés d'alcool et de chocolats.  

« Je suis désolée. » Pour quoi ? « Pour être désolée, il faut avoir quelque chose à faire pardonner. », que je chuchote. C'est plutôt à moi de m'excuser, au final. C'est de moi qu'elle se préoccupe depuis des jours. Mes doigts jouent distraitement avec ses cheveux, alors que je sens sa respiration se caler doucement sur la mienne. C'est là que je lui propose les boissons, ou la cabane avec les draps. De quoi lui changer les idées. « On peut toujours faire les deux. » « Mais oui. », que je murmure lorsque ses yeux s'accrochent aux miens. Je voudrais déjà être là bas, dans la cuisine, pour lui préparer tout ce dont elle aura besoin, même si ça induit manquer de faire brûler ma cuisine au passage. Ce n'est qu'un léger détail.

« Léo... » Elle peut prendre son temps. Elle peut ne rien me dire, juste rester là avec moi jusqu'à ce que calme se fasse dans sa tête, si cela est possible. Je ne la presse pas, me contente de lui offrir mes bras pour qu'elle puisse s'y lover à loisir. Juste le temps de respirer un grand coup, de mettre tout ça en pause. « Je viens d'apprendre que... » Mes doigts n'arrêtent pas leur course, sur la peau de son épaule, juste pour lui rappeler que je suis là, avec elle. Qu'elle n'a pas à rester seule dans tout ce fatras.

C'est tout une partie de son histoire qui semble prendre corps, pourtant, soudain. Et je ne sais pas quoi dire, je ne sais pas comment la réconforter, l'aide à traverser doucement le choc. Je crois qu'il n'y a pas de moyen, de toute façon. « Si tu as envie de me raconter... et bien, tout ce que tu as envie de me raconter, je suis là pour t'écouter. » Et si tu as envie de rester là en silence, Molly, je suis là aussi. Avec lenteur, je dégage tous les cheveux qui obstruent encore sa vision. « Tu sais, il paraît que la ronron-thérapie, ça aide. Ça tombe bien, je veux dire. » Tais-toi Léo bon sang, elle n'a pas envie de rire. « Mets toi dans le lit. Je vais nous chercher à boire et à manger, et après tu décideras de ce que tu veux faire. » Pour son front, un baiser.

Il ne me faut que quelques minutes pour aller nous chercher de quoi tenir un siège. Un chocolat chaud pour elle, un thé pour moi, trois tonnes de chocolat pour nous. J'ai laissé nos boissons de côté avant de nous installer dans mon lit, un plateau d'en-cas sucrés entre nous sous les draps. Nos boissons vont refroidir. « T'es pas obligée de parler. On peut juste... s'empiffrer de chocolat. », que j'assure en haussant les épaules.

Je ne sais pas quoi dire ni quoi faire. Je m'accroche à lui. J'ai l'impression que si je le lâche je n'arriverai pas à me relever. Je me cale à sa respiration et il ne bouge pas. Il ne cherche pas à s'éloigner, il ne prend pas trop de place non plus. Il est juste là pour moi, pour essayer de m'aider alors qu'il ne sait même pas ce qui m'arrive. Je dois lui dire, je dois rassembler mes esprits et le dire à voix haute. C'est réel, c'est ma vie, mon histoire, et je vais devoir essayer de l'assimiler. Je ne sais pas comment je vais faire, comment je suis censée m'y prendre pour oublier, ou pour m'habituer à une telle chose. Mais j'arrive à mieux respirer même si le vide dans ma poitrine n'a pas disparu, il ne s'est pas atténué. Je souris légèrement après m'être excusée. Et mes yeux plongent dans ceux de Léo. On va donc manger des tonnes de sucreries enroulés dans les draps du lit. 

Il ne peut pas me réconforter, il ne peut pas non plus remplir ce vide que je ressens. Et je ne lui demande pas de le faire, ce serait bien trop en demander. Il m'aide à sa manière juste en étant là, en me laissant vivre avec lui, en gardant la bague autour de son annuaire gauche. Il enlève les cheveux de mon visage et mes mains sont accrochées à ses avant-bras. Je prends une grande inspiration et je l'écoute. "je… merci, vraiment merci…"    on vivait des choses compliquées, des choses qui auront un impact sur nous à vie, et on s'aide à les surmonter. Plus le temps passe et plus il devient important dans ma vie. Il me fait sourire encore et mes yeux se perdent sur les chatons qui courent dans le couloir. "on peut les enfermer avec nous dans les draps." il embrasse mon front et se lève pour aller chercher ce qu'il faut dans la cuisine. En temps normal, je l'aurais accompagné. Mais là, je me pose dans le lit et Socrate vient s'allonger contre moi. Il a peut-être raison sur la ronron-thérapie après tout. 

Il est doux Léo, il ne me force pas à parler, ni faire quoi que ce soit d'autre que pleurer et manger. Mais j'ai besoin d'en parler, et je sais qu'il m'écoute, je sais qu'il s'intéresse. Mais je ne suis pas sûre que qui que ce soit soit prêt à entendre ce genre de choses. J'attrape du chocolat et plusieurs bonbons en frottant un peu mes yeux. Je dois avoir une tête affreuse. Je joue avec mes doigts collants et je n'ai pas encore relever les yeux sur Léo."j'ai vu Allie hier soir, et je sais pas comment ni pourquoi elle a fini par me dire que j'avais été adopté."  ce souvenir me fait encore terriblement mal au cœur. Mes yeux se ferment, si je continue de le dire peut-être que ça fera moins mal, peut-être que je me sentirais moins trahis."elle m'a raconté des tas de choses, mais j'ai essayé de passer au-dessus." combien de temps est ce que je pensais que ça marcherait. "et j'ai appelé mes parents tout à l'heure. Enfin mes parents adoptifs du coup…" mes mains passent sur mon visage. Je suis épuisée. "c'est vraiment pas une belle histoire, c'est compliqué, et je suis paumée. Je sais pas ce que je veux faire…" est ce qu'il peut vraiment entendre toute l'histoire que je viens d'apprendre ? Est ce que moi je dois essayer de continuer à chercher qui sont mes parents biologiques ? Est ce que je peux avoir des réponses à chacune de mes questions ? 

« On peut les enfermer avec nous dans les draps. » On peut. Mais un coup d’œil à leur pièce m'indique que les petits sont en train de dormir. Au final, je me contente de prendre de quoi contenter les envies de sucre de Molly, qui s'est déjà installée au lit à mon retour. Tous les chocolat et les bonbons que j'ai apporté roulent déjà sur le drap, alors que nos boissons attendent sur ma table de nuit. Et elle peut parler, Molly, ou elle peut très bien s'empiffrer de chocolat jusqu'à ce qu'indigestion s'en suive. On a du temps pour nous. Ce n'est pas comme si quoi que ce soit pressait de toute manière.

« J'ai vu Allie hier soir, et je sais pas comment ni pourquoi elle a fini par me dire que j'avais été adopté. » Les secrets de famille sont toujours les plus douloureux, ceux qui causent le plus de peine à tout le monde. De véritables armes de destruction massives qui annihilent la confiance que s'accordent les membres de la famille et déciment les relations entre tous. Molly jette son dévolu sur quelques sucreries et je fais de même, d'une main distraite. Je n'ai pas beaucoup d'appétit, en ce moment, même pas pour les sucreries. « Elle m'a raconté des tas de choses, mais j'ai essayé de passer au-dessus. » Mes doigts chassent une mèche de cheveux qui lui tombe sur le nez. Curieux, Mach' a bondi dans le lit, pour venir se pelotonner contre Molly. « et j'ai appelé mes parents tout à l'heure. Enfin mes parents adoptifs du coup… » Je me dis naïvement qu'elle a besoin de temps avant de les considérer à nouveau comme ses parents. Mais c'est normal, non ? Ils sont les gens qui ont pris soin d'elle. Ses parents, malgré tout, même sans le partage des gènes. « c'est vraiment pas une belle histoire, c'est compliqué, et je suis paumée. Je sais pas ce que je veux faire… » Juste quand elle se replie sur elle même, j'écarte la pile de bonbons et Machiavel pour la tirer tout contre moi. « Tu n'es pas obligée de savoir tout de suite. Tu as le temps. Prends les choses comme elles viennent. » Ma main trouve l'arrière de sa tête, que je caresse du bout des doigts. « Laisse toi le temps, Molly. C'est normal d'être perdue, personne ne va te reprocher de l'être. »

Elle a le temps de comprendre, d'apprendre, de faire son chemin. Elle le prendra autant qu'elle le voudra, et je serai là pour le prendre avec elle si elle en a envie. Le creux de mon ventre se serre juste en même temps que le fond de ma gorge. « Je suis là. Fais tout ce qui est bon pour toi. Je serai là pour t'accompagner où tu auras besoin d'aller. Promis. » Promis.