Danika se demandait parfois comment allaient ses élèves. Ceux à qui elles avaient donné des cours particuliers. Le dojo des Riley proposait principalement des cours collectifs adaptés selon les niveaux. Mais entre ces horaires, chacun des Riley se relayaient pour donner des cours individuels à ceux qui le demandaient. Parfois ce n’était pas le client qui le demandait mais Danika qui le proposait. Elle l’avait fait pour des gamins qu’elle entraînait personnellement pour des compétitions, pour des gens qui voulaient s’investir plus dans la pratique mais aussi pour ceux chez qui elle voyait un besoin de s’ouvrir qui n’est pas forcément possible en cours collectifs. Leena Maddox avait fait partie de ces gens. Une jeune femme joyeuse, pétillante, trop gentille en réalité. Lorsque Danika lui avait proposé ces cours, elle avait été curieuse de voir ce qui se cachait derrière la façade de cette fille qui semblait toujours d’accord avec qui ce arrivait autour d’elle. Bien sûr elle n’avait pas été préparée au flot de paroles qui avait suivi comme si on n’avait pas autorisé Leena à s’ouvrir depuis des années.
Parfois Danika pensait à ces élèves-là, qu’elle n’avait pas vu depuis plus de deux mois, ceux que soit son cousin avait choisi de suivre à sa place ou ceux pour qui il n’y avait plus forcément de temps pour des cours particuliers suite au départ des deux personnes les plus actives au dojo. Elle se rendait bien compte de la charge de travail qu’elle avait laissé sur le dos de son oncle et de son cousin. Si son père avait ralenti son activité au dojo en apprenant qu’il était malade, Danika avait tout pris en charge, mettant d’office son père dans une retraite temporaire le temps qu’il aille mieux, gérant la société, le dojo. Elle s’était dit que ce n’était que temporaire, du moins jusqu’à ce que l’état de son père se dégrade et qu’il décède il y a deux mois. Puis elle avait tout plaqué, laissant l’organisation familiale aux mains de son oncle. Parfois elle culpabilisait en imaginant la charge de travail. La plupart du temps elle n’y pensait pas, faisant de son mieux pour garder le vide émotionnel qu’elle imposait dans son esprit.
En vérité, ce qui lui venait le plus à l’esprit, c’était les élèves qu’elle avait abandonné sans un au revoir. C’était sûrement pour ça qu’elle s’en voulait le plus. Elle enseignait depuis sept ans maintenant, mais au début cela n’avait été que pour aider son père, jusqu’à ce que les compétitions s’arrêtent et qu’elle y consacre plus de temps, se découvrant une véritable passion pour transmettre l’art martial à d’autres, comme son père avant elle. C’était vis-à-vis d’eux qu’elle culpabilisait le plus, les fois où elle laissait son esprit s’aventurait vers les souvenirs du dojo.
Ce matin-là, Danika y avait pensé en prenant son café, fatiguée après s’être couchée tard dans la nuit après son boulot au bar, de mauvaise humeur après avoir dû foutre dehors des abrutis qui avaient emmerdé une jeune femme en fin de soirée. Elle sentait que sa journée n’allait pas bien se passer et n’avait aucune envie de penser à l’art martial ou à ses élèves. Aussi qu’elle ne fut pas sa surprise lorsqu’on sonna à sa porte dans l’après-midi et qu’une de ses élèves se tenait sur le pas de la porte.
« Leena ?! ». Son chien Pepsi regarde la nouvelle arrivante en battant la queue, prêt à s’approcher plus s’il y est invité. Danika fronce les sourcils : « Comment est-ce que tu connais mon adresse ? » La question est plus rhétorique qu’autre chose, elle a l’intime conviction que son oncle Isaac avait décidé de tenter une autre technique pour la faire revenir, celle de refiler son adresser aux élèves qui la demandaient, histoire qu’ils s’occupent du harcèlement à sa place. Elle n’est pas d’humeur mais la laisse entrer dans l’appartement, plus par politesse qu’autre chose. Consciente que son visage ne doit pas être le plus accueillant du monde, elle se force à sourire et demande : « Tu vas bien ? Qu’est ce qui t’amènes ici ? »
❝ there is a riot about to explode into flames ❞ DANIKA & LEENA
Leena hésitait. Là, debout devant cette porte, il lui semblait presque avoir oublié pourquoi elle s'était rendue jusque là. Elle sortit rapidement un papier de sa poche, contempla longuement l'adresse qui y était griffonnée. Elle était bien au bon numéro, dans la bonne rue, et pourtant, elle n'arrivait pas à sonner à cette foutue porte. La jeune femme repensait à la mine désolée de l'homme qui l'avait accueilli au dojo, quand elle s'y était rendue il y a quelques jours. Malgré l'absence de Danika, Leena continuait de s'y rendre et de prendre des cours. Les instructeurs étaient bons, elle n'avait aucun soucis avec eux ; mais ils n'étaient pas Danika. Elle n'aurait jamais cru qu'elle prendrait tant à cœur ce qui n'était au début qu'une activité pour décompresser. Oh, pendant des années, on lui avait conseillé de s'y mettre. « Tu verras, Leena, tu pourras décompresser et exorciser tous tes problèmes » ; « Il faut que tu arrêtes de tout garder pour toi, tu vas exploser, un jour » ; « Leena, franchement, tu devrais t'endurcir un peu. Commence le sport ». Leena ne comptait plus le nombre de fois où on lui avait répété ces phrases. Mais il lui avait fallu un certain temps avant d'accepter tout ça – trouver un moment où caler ça dans son emploi du temps trop chargé, trouver l'argent pour se payer les cours, et surtout accepter l'idée que dix-huit ans après, elle avait encore besoin d'aide.
Danika avait été la coach parfaite pour Leena. Cette dernière avait tout de suite sentie qu'elle pouvait se confier à elle, lui expliquer précisément quelle était sa démarche ; après tout, le sport n'était qu'un prétexte. Ça n'avait pas été trop dur, de toute façon ; Leena n'était pas quelqu'un de très secret. Sûrement à cause des années de psychothérapie qu'elle avait derrière elle. Elle n'avait pas toujours été ainsi. Pendant des mois, elle avait refusé d'exprimer ce qu'elle ressentait. L'année qui avait suivie la disparition de son frère avait été une année sombre pour elle. Elle ne savait pas où ranger sa peine tellement celle de ses parents prenait de la place. Trop jeune, elle ne savait même pas comment la nommer, la décrire. Comment désigner l'indicible, l'inconcevable ? Progressivement, elle avait appris à s'ouvrir, à dompter ses peurs, à partager ses incompréhensions. Un vrai parcours du combattant, car même aujourd'hui, dès que quelqu'un prononce le nom de son frère, sa poitrine se serre, son souffle vient à manquer. La douleur est intacte, mais Leena a progressivement appris à la dominer, à ne plus se laisser submerger. Et Danika était devenue, au fil des semaines, un élément clé de sa progression.
Rassemblant son courage alors qu'elle essaie de chasser toutes ces pensées de son esprit, Leena sonne. Danika ne tarde pas à lui ouvrir. Évidemment, elle est surprise de la trouver là. « Leena ?! » Cette dernière lui adresse un petit sourire triste. Elle espère ne pas la déranger, même si en vérité, pour avoir vécu une situation similaire à la sienne, Leena savait que la dernière chose que l'on voulait dans ces moments-là étaient la paix. « Comment est-ce que tu connais mon adresse ? ». La jeune brisbanienne lui tend le bout de papier chiffonné. « Ton oncle me l'a donné, au dojo... J'espère que ça ne te dérange pas ». Brusquement, Leena craint d'avoir dépassé les limites, d'avoir dépassé la frontière de sa vie privée. Après tout, leur relation était purement « professionnelle », elles n'étaient pas amies... « Tu vas bien ? Qu'est-ce qui t'amènes ici ? ». Leena prend une grande respiration, essaie de se concentrer davantage sur les mots qu'elle choisit. « Écoute, je... j'espère que tu ne le prends pas mal. J'ai appris pour ton père... » commence-t-elle. Elle craint la réaction de Danika. « Je suis vraiment désolée, Danika. Vraiment. Si il y a quoi que ce soit que je puisse faire... » Elle marque une pause, pas vraiment certaine de la façon dont elle doit finir sa phrase. « Enfin, je venais pour prendre de tes nouvelles, voir comment tu allais... Je m'inquiétais de ne plus te voir au dojo, donc j'ai demandé ton adresse ». Leena plante son regard de Danika, essayant d'y deviner quelque chose – une émotion, une pensée, quelque chose qui aurait pu l'aider dans cette histoire. « Est-ce que... est-ce que tu comptes reprendre les cours bientôt ? Les autres coachs sont géniaux, mais toi... tu es la meilleure ».
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Danika ne s’attendait pas à voir la jeune femme sur le pas de sa porte. Elle n’avait pas pour habitude de donner son adresse à ses élèves. Mais il lui avait fallu peu de temps pour deviner que Leena ne pouvait l’avoir obtenu que d’une personne, son oncle, Isaak. Il tenait seul le dojo depuis la mort de son frère et le départ de Danika, bien qu’il était aidé de son propre fils et d’autres coachs. « Ton oncle me l'a donné, au dojo... J'espère que ça ne te dérange pas. » Leena confirme sa théorie sans surprise. Elle savait que son oncle ne savait plus quoi dire pour la faire revenir. Il avait cru que c’était temporaire, qu’il lui fallait une ou deux semaines, mais cela faisait à présent plus de deux mois et la jeune femme n’était pas revenue. Danika hoche la tête, comme si elle s’en doutait. « Écoute, je... j'espère que tu ne le prends pas mal. J'ai appris pour ton père... » Son corps se tend instinctivement. Elle n’a pas envie d’en parler, pas envie de discuter de ça avec une femme qu’elle appréciait mais qui n’était pas non plus une amie. Mais elle se doutait qu’elle était au courant. Il y avait eu une mini cérémonie au dojo où on lui avait rendu honneur, pour que les membres du club puissent aussi dire au revoir à celui qui avait créé ce dojo il y a plus de 25 ans maintenant. L’absence de Danika avait été remarquée. Elle n’avait pas été capable d’y aller. Elle ne comprenait pas où était partie son courage. Mais il semblait à présent inexistant.
« Je suis vraiment désolée, Danika. Vraiment. Si il y a quoi que ce soit que je puisse faire... » Danika ne répond pas rien. Il n’y a rien à répondre. Parce qu’il n’y a rien à faire. Elle veut oublier, ne pas en parler, prétendre que ce n’est jamais arrivé. Heureusement Leena ne s’arrête pas, n’attend pas une réponse. « Enfin, je venais pour prendre de tes nouvelles, voir comment tu allais... Je m'inquiétais de ne plus te voir au dojo, donc j'ai demandé ton adresse » A ces mots, un demi sourire étirent ces lèvres. Si elle avait dû parier pour une élève pour venir la chercher chez elle ça aurait été Leena, elle avait rarement vu quelqu’un d’aussi investi dans les cours qu’elle donnait comme si elle en avait terriblement besoin. « Est-ce que... est-ce que tu comptes reprendre les cours bientôt ? Les autres coachs sont géniaux, mais toi... tu es la meilleure ». Le compliment lui arrache un sourire, mais il la remplit de tristesse. Elle s’en veut un peu de ne pas avoir prévenu, d’avoir laissé tomber ses élèves du jour au lendemain. Elle ne sait pas quoi dire, ne sait pas comment le dire. Alors elle s’écarte de la porte d’entrée et incite Leena à rentrer. « Entre, j’en prie. » Elle referme la porte derrière elle, puis l’amène dans son salon. Son appartement est sobre, le salon large et lumineux, adapté pour quelqu’un qui faisait parfois du sport dans son appartement et qui donc avait besoin de place. C’était sans compter la partie de la pièce qui avait été amenée avec un punching ball et un peu plus d’espace pour pouvoir s’entraîner et où elle avait un peu d’équipement. Elle n’y avait pas touché depuis deux mois. « Ecoute Leena, je ne sais pas pourquoi mon oncle t’a donné mon adresse. J’ai arrêté, je n’enseigne plus au dojo. C’est terminé. » Le ton est définitif et empli d’une sincérité bien triste.
Danika ne peut s’empêcher de dire : « Assieds-toi. Je suis désolée que tu ais fait le chemin pour rien. » Comment lui expliquer qu’elle aussi avait perdu son professeur, celui qui lui avait tout enseigné. La cuisine est ouverte sur le salon, elle demande donc à Leena : « Tu veux quelque chose à boire peut être ? » Elle n’était pas spécialement ravie d’avoir vu débarquer la jeune fille dans l’appartement, mais ne se sentait de la chasser avant d’avoir au moins pris de ses nouvelles. « Comment vas-tu ? » .
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Leena fut frappée presque immédiatement par la mine triste de Danika. Normal, dans une période pareille ; mais la jeune femme se sentit immédiatement mal à l'aise, et du réprimer une forte envie de prendre ses jambes à son cou. Elle avait maintenant la quasi-certitude qu'elle était allée trop loin, en frappant à sa porte. Les gens ne faisaient pas ça, normalement, n'est-ce pas ? Merde. Elle avait toujours eu un problème à poser des barrières, à trouver la frontière entre relation professionnelle et relation amicale. Danika comptait beaucoup aux yeux de Leena, surtout en raison du rôle quasi-thérapeutique qu'elle jouait désormais dans sa vie. Mais qu'est-ce que Leena pouvait bien être pour elle ? Une cliente, rien de plus. Une cliente peut-être un peu extra-ordinaire, dans le sens où il était peu probable que les autres déversent leurs états d'âme pendant les entraînements. Une chose était certaine, elles n'étaient pas amies. Et Leena fut alors presque convaincue qu'elle avait fait une erreur en venant ici. Même le demi sourire que Danika lui adressa ne suffit pas à la convaincre du contraire. « Entre, j’en prie. » Leena acquiesce sans rien dire, entre à sa suite, plus que jamais consciente qu'elle n'aurait pas dû être là. Elle pénétrait dans son intimité ; certes, c'était elle qui l'avait invité à entrer, Leena n'en demandait pas tant, mais c'était une coutume, une tradition, celle de l'hospitalité. Sans doute n'avait-elle en vérité aucune envie de bavarder avec une simple cliente.
« Ecoute Leena, je ne sais pas pourquoi mon oncle t’a donné mon adresse. J’ai arrêté, je n’enseigne plus au dojo. C’est terminé. » Leena avale sa salive avec difficulté. Le regard profondément triste de Danika lui brise le cœur. Elle n'avait pas perdu de parents, mais elle ne connaissait que trop bien la sensation que produisait la perte d'un être cher. Déjà dix-huit ans qu'elle tentait d'apprivoiser sa peine, à défaut de ne pouvoir l'effacer. Elle ne sait pas quoi dire, cherche ses mots avec soin, veut être le plus juste possible. « Assieds-toi. Je suis désolée que tu ais fait le chemin pour rien. » Leena s'exécute sans broncher, le regard toujours rivé sur Danika. « Non, non, ne t'en fais pas... Je suis contente de te voir, et si jamais je peux t'aider pour quoi que ce soit... ». Hésitante, elle triture les manches de son pull nerveusement. Le chagrin de Danika prend toute la place, dans la pièce, et Leena se sent toute petite à côté d'elle. « Tu veux quelque chose à boire peut être ? » Elle lui sourit doucement. « Je veux bien un jus, si tu en as ».
« Comment vas-tu ? » Étonnante question. Comment Danika pouvait-elle bien s'intéresser à ce que ressentait Leena, alors qu'elle-même devait être au bout du rouleau ? Elle ne demandait probablement que par principe, par politesse, pour faire la conversation à cette invité incommodante. « Ça va, je... Je suis en manque de cours au dojo, disons. Enfin je suis toujours contente de continuer, mais... c'est pas pareil, tu comprends ». Sans doute, Danika était consciente de la place toute particulière qu'elle occupait désormais dans la vie de la jeune femme. « Écoute, peut-être que je n'aurais pas du venir. Je ne sais que trop bien qu'on a pas vraiment envie de voir des gens dans ces moments-là », commença-t-elle, un peu incertaine de ce qu'elle disait. « Ça me fait vraiment de la peine que tu aies à traverser une telle épreuve, et je voulais surtout te dire que j'étais là pour toi. Si tu as besoin de quelque chose, ou une oreille pour t'écouter... ». Leena n'y croyait qu'à moitié ; il n'y avait aucune raison pour que Danika se confie à elle. Encore une fois, elle n'était rien pour elle. Mais elle avait tellement aidé Leena que cette dernière se sentait redevable. « Et puis, si jamais tu sens que tu as besoin de recommencer à enseigner... ou que tu cherches une partenaire, pas très douée certes, mais une partenaire quand même... tu sais où me trouver ».
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« Non, non, ne t'en fais pas... Je suis contente de te voir, et si jamais je peux t'aider pour quoi que ce soit... ». Leena ne pouvait pas l’aider non. Tout simplement parce que Leena n’avait rien à faire là. Ce n’était pas sa place de l’aider dans cette peine. Même les amis de Danika n’avaient pas réussi. Elle avait installé une distance, une froideur avec la plupart de ses amis, comme incapable de donner des nouvelles, de prétendre un instant que tout allait bien.
Danika ne sait pas pourquoi elle a fait entrer Leena dans son appartement. Elle n’était pas son amie. Mais elle savait qu’elle se sentait responsable de la femme qui était pourtant plus âgée qu’elle. Peut-être parce qu’elle l’avait entraînée, avait eu vent de la tristesse de sa vie, de la peine qui elle aussi avait frappé son foyer. C’était peut-être ça finalement qui l’avait fait ouvert la porte et qui l’avait incitée à la faire entrer. Une autre personne aurait sûrement été renvoyée sans explications. Mais Leena comprenait peut-être mieux qu’une autre la peine d’avoir perdu un être cher. C’était sans doute pour cela qu’elle lui avait proposé à boire, acceptant sa présence et le fait qu’elle ne serait pas là que pour un passage rapide. « Je veux bien un jus, si tu en as » . Elle se dirige vers le frigo pour sortir une bouteille de jus de fruit en lançant avec un demi sourire à son invitée« J’espère que tu aimes le jus multivitaminés je n’ai que ça ! » Elle sort deux verres et les remplit pour aller en donner à la jeune femme.
Il était plus facile de tourner l’attention sur la jeune femme, de lui demander comment elle allait elle pour oublier sa propre peine. « Ça va, je... Je suis en manque de cours au dojo, disons. Enfin je suis toujours contente de continuer, mais... c'est pas pareil, tu comprends » Danika pouvait comprendre que l’ambiance du dojo ne devait pas être pareille. Elle savait aussi l’importance des cours en tête à tête pour ceux qui en avaient besoin et surtout l’importance qu’un coach pouvait avoir sur une personne. Après tout, elle-même avait perdu son propre entraîneur, celui qui l’avait poussé un peu plus chaque jour. Non Leena avait raison, ce n’était pas pareil. Sauf que Danika n’avait aucune réponse à lui apporter. « Écoute, peut-être que je n'aurais pas dû venir. Je ne sais que trop bien qu'on a pas vraiment envie de voir des gens dans ces moments-là. Ça me fait vraiment de la peine que tu aies à traverser une telle épreuve, et je voulais surtout te dire que j'étais là pour toi. Si tu as besoin de quelque chose, ou une oreille pour t'écouter... Et puis, si jamais tu sens que tu as besoin de recommencer à enseigner... ou que tu cherches une partenaire, pas très douée certes, mais une partenaire quand même... tu sais où me trouver ». Danika détourne le regard, refuse d’accepter la peine que lui montre Leena qui devient l’écho de la sienne. Elle l’a laissée parler sans l’interrompre et maintenant le silence est revenu la pressant de le combler pour ne pas trop penser aux paroles qu’elle a prononcé. Elle boit une gorgée de jus de fruit, se force à sourire à moitié mais il est trop froid, fait pâle figure face aux sourires sincères qui avaient toujours été ceux de la brune. « Merci mais ne t’inquiètes pas, tout va bien pour moi. » Le déni encore. Elle ne sait pas quoi dire à Leena, c’était un nouveau territoire, elles n’étaient pas au dojo, n’étaient pas amies, mais leur relation avait tout de même était particulière. Elle n’avait pas envie de la faire partir par sa froideur. Elle hausse les épaules alors, posant son regard sur la jeune femme. « Très honnêtement je ne suis pas sûre que tu aimerais mes entraînements Leena actuellement. Je n’aurais pas beaucoup de patience. »
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Leena parlait, parlait, parlait. Les mots s'enchaînaient rapidement, peut-être trop vite, bien qu'elle les ait choisi avec attention, pour ne pas vexer Danika, ou la peiner encore davantage. Mais la jeune femme se perdait en « désolée », se confondait en excuses, et elle perdait le fil de sa pensée. Plus le temps passait, plus il lui semblait certain qu'elle n'aurait pas du venir ici, qu'elle avait franchi une ligne de trop, ou du moins pas au bon moment, entre elle et Danika. Cette dernière l'écoutait attentivement, sans rien dire, comme figée. Leena était totalement déstabilisée par son attitude, bien que prévisible ; décidément, elle avait du mal à se faire à l'idée que tout le monde ne gérait pas sa peine de la même manière qu'elle. Et effectivement, beaucoup de gens préféraient être seuls pour faire son deuil. Leena ne le comprenait que trop tard, après avoir pénétré dans l'espace intime de Danika. Son malaise était accentué par l'attitude fermée de la coach. Comme figée dans un mur de glace, probablement pour ne pas laisser transparaître sa peine. Leena connaissait ça, en plus. Est-ce qu'elle-même ne s'était pas totalement renfermée sur elle-même après la disparition d'Adam ? Pendant plusieurs semaines, voire mois, il avait été impossible de lui arracher le moindre mot, de la faire sortir de sa chambre pendant plus d'une heure. Danika faisait son deuil, et Leena était venue interrompre le cours des choses, en croyant bien faire. Ironique, pour quelqu'un qui connaissait le processus comme personne.
« Merci mais ne t’inquiètes pas, tout va bien pour moi. » dit-elle finalement. Son visage était totalement impassible, mais Leena n'y croyait pas une seule seconde. Sûrement Danika refusait de confier ses inquiétudes à quelqu'un qui n'était pas son amie. Compréhensible. « Très honnêtement je ne suis pas sûre que tu aimerais mes entraînements Leena actuellement. Je n’aurais pas beaucoup de patience. » Leena regarde ses pieds, ne sait pas très bien comment elle devrait réagir. Elle avale quelques gorgés de jus, histoire de se redonner une contenance. La peine de Danika lui semble à présent immense et elle, ridiculement petite à ses côtés. Elle était une intrus ici, elle s'en rendait compte désormais. La brisbanienne regarde Danika, tente de percer ce regard à travers lequel rien ne transparaît. « Je me doute que tu n'as pas vraiment le cœur à ça » commença-t-elle doucement. « C'est juste... si jamais ça peut t'aider. Si tu en ressens le besoin, sache que je suis là pour toi. Ou pour quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs ». Leena attrape son sac, qu'elle avait déposé à côté d'elle. « Je ferais peut-être mieux d'y aller. Tu n'as pas besoin de moi ici ». Leena avait bien compris, dans les silences de Danika, qu'elle n'était pas forcément la bienvenue, malgré son hospitalité de façade. « Je voulais juste te dire... je comprends ce que tu ressens. Vraiment. Je sais ce que ça fait ». Peut-être dépassait-elle les bornes, Leena, en disant tout ça. Mais bon, c'était sa spécialité, et elle devait tenter le coup, ou alors elle rentrerait chez elle avec l'impression qu'elle n'avait pas fait tout ce qui était en son pouvoir pour aider Danika. « On est peut-être pas très proches, mais... je sais d'expérience que ça peut faire du bien de parler à quelqu'un qui comprend nos ressentis. Il ne faut pas très seul trop longtemps, c'est le plus grand piège ». Leena resta debout sans rien dire, observant la réaction de Danika. Certes, la disparition d'Adam et la mort du père de Danika étaient deux événements bien distincts. Mais la souffrance liée à l'absence, le deuil, tout ça, Leena connaissait bien. Et elle avait à cœur d'aider Danika autant que celle-ci avait pu l'aider, au dojo.
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Un flot de parole sortait de la bouche de la jeune femme et Danika ne savait plus comment l’arrêter. Elle aurait voulu s’enfermer loin du reste du monde. « Je me doute que tu n'as pas vraiment le cœur à ça » Son regard la transperce et Danika détourne le regard, trop consciente que Leena comprend ce qu’elle ressent peut être beaucoup mieux que d’autres, qu’elle ne peut se cacher derrière l’air froid et indifférent comme un mécanisme de défense. « C'est juste... si jamais ça peut t'aider. Si tu en ressens le besoin, sache que je suis là pour toi. Ou pour quoi que ce soit d'autre, d'ailleurs » .
Elle prend son sac et Danika sent son cœur se serrer sous l’étau de la culpabilité. Leena avait fait un pas vers elle et elle était en train de la repousser froidemment, sans raisons valable. « Je ferais peut-être mieux d'y aller. Tu n'as pas besoin de moi ici » Danika s’en veut immédiatement, d’avoir été trop sèche, de la pousser trop vite ver la sortie, rattrapée par son instinct de coach. « Je voulais juste te dire... je comprends ce que tu ressens. Vraiment. Je sais ce que ça fait » Évidemment qu’elle savait. Ce qu’avait vécu Leena était sans doute pire, elle qui n’avait jamais eu de nouvelles de son frère. Qui ne savait finalement pas s’il était mort ou non, incapable de véritablement passer à autre chose. Et même si elle ne préférait pas y penser Danika , pour sa part, s’accrochait à l’espoir qu’un jour la peine disparaitrait, qu’elle finirait par accepter la mort de son père et à ne plus y penser comme si elle allait se noyer. « On est peut-être pas très proches, mais... je sais d'expérience que ça peut faire du bien de parler à quelqu'un qui comprend nos ressentis. Il ne faut pas très seul trop longtemps, c'est le plus grand piège » . Danika soupire, et elle sait qu’elle a raison. Mais elle sait aussi que ce n’est pas le rôle de Leena. Que Danika aurait dû simplement être là pour son élève qui avait pris la peine de venir jusqu’à chez elle et qui donc devait avoir besoin de ses cours. Et elle comprenait cela mieux que quiconque alors elle vient se placer entre elle et la porte d’entrée. « Reste Leena, tu n’as pas besoin de partir. Je ne voulais pas te mettre à la porte. » Elle n’était pas sûr de vouloir parler. Ne voulait pas raconter la peine et la douleur. Mais elle ne voulait pas que la femme parte, consciente peut être que d’une certaine manière elle avait raison. « Ecoute si tu veux, j’ai du matériel ici, il y a de la place, on peut se faire un petit entraînement. Pas de karaté, mais du self-défense avec un peu de boxe…» Elle ne sait pas ce qu’elle dit, invente un entraînement au même moment où elle prononce les mots cherchant à éviter la pratique du karaté dans sa forme pure, incapable d’y revenir pour le moment. Elle montre d’un signe de tête la chambre d’amis qui servait de salle de sport, l’espace étant parfaitement libre. « Je peux ressortir les pads et les gants. » Elle passe sa main sur sa nuque. « Je peux te prêter des affaires si tu veux. » Pourquoi propose-t-elle tout ça quand elle sait pertinemment qu’elle va le regretter, qu’elle n’est pas prête à faire ce pas en avant. Pourtant les mots de son père lui reviennent en mémoire citant les valeurs du karaté encore et encore dans son esprit. Honneur, fidélité, sincérité, courage, bienveillance, humilité, droiture, respect et contrôle de soi. Plus que tout face à son élève elle avait besoin de courage et de respect. Respect pour l’élève qui avait eu la bienveillance de venir la chercher dans sa peine. Respect pour le pas en avant. Et courage pour faire le pas en retour.
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Leena tentait tant bien que mal de justifier sa présence ici. Pas qu'elle sentait une hostilité particulière venant de Danika – la jeune femme était probablement trop polie pour la mettre directement à la porte. Mais pour avoir déjà été dans sa situation, Leena savait que Danika ne voulait probablement pas voir grand monde, et surtout pas elle. Elle n'était ni de la famille, ni une amie, simplement.. simplement quoi ? Là était la grande question. Pas une amie, c'était certain, mais Danika était devenue plus qu'une simple coach pour la jeune Maddox. Elle était une sorte de thérapeute, de psychologue, celle qui la poussait à devenir une meilleure version d'elle-même. Leena s'était ouverte à Danika plus qu'elle ne l'aurait imaginé, et même si elle n'était pas quelqu'un de très secret – encore le résultat de plusieurs années de thérapie – elle lui avait confié des choses très privées. Peut-être était-ce parce que les cours que Leena recevait représentait beaucoup plus qu'une simple séance de sport ; c'était un moyen de tout évacuer, certes, mais aussi une façon de se (re)construire. De devenir plus frontale, plus sûre d'elle, moins malléable. Leena ne se considérait pas comme quelqu'un de faible, mais elle devait admettre qu'elle avait beaucoup de mal à s'affirmer et à se sentir légitime vis-à-vis de ses sentiments. Danika l'avait bien compris. C'était peut-être pour ça qu'elle était devenue si importante aux yeux de Leena, et que cette dernière prenait aujourd'hui à cœur de l'aider dans l'épreuve. Même si elle se rendait à l'instant compte que ce n'était peut-être pas son rôle.
« Reste Leena, tu n’as pas besoin de partir. Je ne voulais pas te mettre à la porte. » murmure Danika alors que Leena s'apprêtait à partir. La jeune femme s'arrête dans son mouvement, mais elle était certaine qu'elle ne disait ça que par politesse. En vérité, elle comprenait parfaitement qu'elle ait envie d'être seule. Leena voulait surtout lui faire savoir qu'elle était là pour elle, pour lui rendre la pareille. « Ecoute si tu veux, j’ai du matériel ici, il y a de la place, on peut se faire un petit entraînement. Pas de karaté, mais du self-défense avec un peu de boxe…» Leena la regarde, interdite, ne sachant qu'en penser. Elle craignait désormais de l'avoir trop poussé, et que Danika se sente obligée d'accepter histoire qu'elle n'insiste pas. « Je peux ressortir les pads et les gants. Je peux te prêter des affaires si tu veux. » Quelque chose lui dit que pourtant, non, Danika lui propose bien ça avec honnêteté, pas par simple politesse. De toute façon, elle n'est pas tellement du genre à faire quelque chose qui lui déplaît, non ? « Ça serait avec grand plaisir. Mais seulement si tu te sens prête ». Leena passe une main dans ses cheveux. « Enfin, je ne veux pas te bousculer, même si c'est plutôt probable que ce soit l'inverse » dit-elle avec un sourire. Ce n'était plus à prouver que Leena était bien faible à côté de Danika. « Pas besoin de me prêter des affaires, ça ira ». Le legging qu'elle portait n'était peut-être pas le plus adapté, mais ça suffirait amplement pour une petite séance. Leena pénètre dans la pièce que Danika lui a indiqué, la regarde sortir pads et gants, puis s'affaire à enfiler ceux qu'elle lui présente. « Ça m'a manqué », dit-elle doucement. C'était peut-être idiot, mais quand elle les enfilait, Leena avait l'impression de devenir quelqu'un d'autre, quelqu'un de plus fort, de plus puissant. Elle se plaça devant Danika, en position, mais hésita. « Tu... tu es sûre ? » demande-t-elle dans un souffle.
DANIKA RILEY & @LEENA MADDOX THERE IS A RIOT ABOUT TO EXPLODE INTO FLAMES.
Elle ne sait pas pourquoi elle l’empêche de partir. Pourquoi elle s’obstine et lui propose un cours quand elle sait pertinemment qu’elle ne devrait pas. Quand son corps entier lui crie que c’est une mauvaise idée. Elle n’est pas prête. Pas encore. Pas si vite. Danika pourrait changer d’avis, lui dire de partir, là tout de suite, rien ne l’en empêche. Sauf le regard de Leena, le fait qu’elle soit venue jusqu’ici. Et cette culpabilité qui se glisse dans son cœur, insidieuse, cette culpabilité qui a la voix de son père et qui lui dit qu’elle ne peut pas arrêter.
« Ça serait avec grand plaisir. Mais seulement si tu te sens prête ». Elle ne l’était pas. Mais Danika avait prononcé les mots, elle ne pouvait plus les reprendre, avait trop de fierté pour faire marche arrière. « Enfin, je ne veux pas te bousculer, même si c'est plutôt probable que ce soit l'inverse » Danika lui offre un demi sourire. « Ne t’inquiètes pas. » Le ton est définitif, elle n’allait pas revenir sur son offre.
Leena lui précise qu’elle n’aura pas besoin de lui prêter des affaires et Dani hoche la tête, l’invitant vers la chambre qu’elle avait aménagé en salle de sport de sport. Elle hésite un instant avant d’ouvrir le placard. La panique lui tend les épaules. Elle sort les gants et les pads comme un robot qui n’est pas vraiment sûr de ses gestes, comme si elle risquait quelque chose en le faisant. Mais une fois que sa main se referme sur les gants elle se force à les sortir
« Ca m’a manqué. » Elle ne répond rien. N’est pas capable de dire alors qu’elle aussi l’art martial lui manque, comme une partie d’elle-même qu’on a arraché. Mais pourtant elle sait qu’elle n’est pas capable de le dire. Parce que si l’art martial lui manque, l’idée d’y revenir est tout autant insupportable comme si elle se l’interdisait.
Elle voit Leena déjà en position et elle ne peut s’empêcher de sourire, amusée. « Pas tout de suite le tigre là, d’abord échauffement je n’ai pas envie que tu te froisses un muscle. » Un clin d’œil. Une manière de reculer le moment aussi. Danika est toujours en affaire de sport, c’était son style vestimentaire le plus courant. Elle décide de montrer le mouvement commence à étirer ses épaules, faisant des cercles avec ses bras, puis en enchaînant jumping jacks, montées de genoux et talons fesses pour faire monter le rythme cardiaque. Puis elle s’étire, en particulier les jambes. Danika avait continué à maintenir sa souplesse et sa forme physique malgré l’absence de karaté pur, incapable de totalement arrêter de prendre soin d’elle. Lorsque les deux femmes sont échauffées, elle se remet en position, elle n’a pas mis de gants, se contente de tenir le pad dans lequel Leena va frapper. « On va travailler un peu ta frappe et après on passera au combat. Histoire que je vois s’il y a encore des muscles dans ces bras. » Danika fait de son mieux pour être à l’aise, pour donner cette impression que c’est un cours comme un autre. Mais elle n’est plus dans son élément, comme un poisson sorti hors de l’eau, comme si cette vie avait été mise dans un placard et qu’elle était incapable de la ressortir. Elle se met en position, laisse Leena frapper dans le pad, le changeant parfois de position, plus haut ou plus bas, droite ou gauche, l’encourageant à aller plus vite, à frapper plus fort. Dans un instant de pause elle demande dans un souffle « Pourquoi t’en as tellement besoin du karaté ? Pourquoi c’est si important pour toi que tu sois venue me chercher jusqu’à ici ? ».
❝ there is a riot about to explode into flames ❞ DANIKA & LEENA
Danika accepte la proposition de Leena. De bon cœur, espère cette dernière, pas seulement parce qu'elle l'a poussé dans cette direction et que Danika ne sait plus comment lui dire non. Elle se sent toujours un peu mal à l'aise, mais est soulagée de voir que Danika accepte l'offre. Peut-être était-ce son moyen à elle d'extérioriser un peu, une sorte de thérapie des poings. Pourquoi pas. Ça ne serait pas étonnant. Leena enfile les gants avec un plaisir qu'elle peine à dissimuler, malgré tout. Quand elle suivait les cours de Danika, la jeune femme se sentait puissante, invincible ; comme si rien ne pourrait se mettre sur son chemin sans qu'elle puisse le détruire. C'était sûrement ça, l'effet du sport ; mais Leena n'avait jamais été très attirée par la perspective du dépassement, si important pour l'esprit sportif. Maintenant qu'elle avait essayé... elle en voyait les bienfaits. Pour ça qu'elle poussait Danika à renfiler gants et pads. « Pas tout de suite le tigre là, d’abord échauffement je n’ai pas envie que tu te froisses un muscle. » Leena pose ses yeux sur elle. Se sent rassurée en voyant un sourire amusé se dessiner sur son visage. Elle aura au moins réussi à la faire sourire, aujourd'hui. Elle hoche la tête doucement. Effectivement, peut-être allait-elle trop vite en besogne. Le manque, sans doute, l'excitation de reprendre après une pause. Danika lui montre plusieurs gestes à effectuer – étirement, jumping jacks – histoire de préparer Leena à la séance. Cette dernière s'exécute sans broncher, en s'appliquant du mieux qu'elle pouvait. « Je suis un peu rouillée » souffle-t-elle dans un sourire après l'échauffement terminé. Son front était déjà couvert de gouttes de sueur, contrairement à Danika, qui n'était même pas essoufflée.
« On va travailler un peu ta frappe et après on passera au combat. Histoire que je vois s’il y a encore des muscles dans ces bras. » Danika a déjà l'air d'être plus à l'aise que quand Leena essayait presque désespérément de lui tirer les vers du nez. Finalement, ce n'était peut-être pas une si mauvaise idée que de s'inviter ici, si ça lui permettait de souffler un peu. Mais Leena n'était pas certaine qu'il lui reste beaucoup de muscles dans les bras, si tenté qu'il y en ait déjà eu. Elle s'applique, tente de se remémorer les bons conseils prodigués par Danika, mais elle sent que ce n'est pas sa meilleure séance. Elle est rouillée, mais prend néanmoins du plaisir. La jeune femme sent sa force, sa puissance, si réduite soit-elle. Elle envoie son poing ganté contre le pad que Danika bouge – en haut, en bas, à gauche, à droite. Enfin, l'entraîneuse s'arrête. Leena souffle doucement. « Pourquoi t’en as tellement besoin du karaté ? Pourquoi c’est si important pour toi que tu sois venue me chercher jusqu’à ici ? » Est-ce que ça n'était pas évident ? Leena rougit un peu, presque gênée de devoir lui avouer la vraie raison de sa présence ici, tant elle pensait que ça coulait de source. « C'est un peu la meilleure thérapie que j'ai pu suivre depuis des années » répondit Leena en s'essuyant le front. « Je sais pas, peut-être c'est parce que je n'ai jamais vraiment fait de sport avant, mais... j'aime bien la sensation que ça me procure. Comme si je pouvais abattre n'importe quel obstacle, que je pouvais devenir une meilleure version de moi-même, plus forte ». Et ça, Leena en avait terriblement besoin. Devenir plus forte. Autre chose qu'une espèce de guimauve malléable que les autres pouvaient façonner selon leur bon vouloir. « Mais j'imagine que tu sais déjà tout ça » dit-elle en réajustant ses gants. Leena regarde Danika un instant. « Et... je pensais que ça pourrait te faire un peu de bien. Te défouler, même si je ne suis pas à ton niveau du tout. Penser à autre chose, l'espace d'un instant ». Leena ignorait totalement quelle serait la réaction de Danika. Peut-être qu'elle estimerait que la jeune femme avait encore une fois manqué une occasion de se taire et de rester à sa place.
DANIKA RILEY & @LEENA MADDOX THERE IS A RIOT ABOUT TO EXPLODE INTO FLAMES.
Danika se sentait déjà un peu plus à l’aise, maintenant qu’elle n’avait plus à tenir une conversation. Pourtant elle s’était mal préparée au sentiment qui allait la prendre aux tripes dès que Leena commencerait à frapper sur ce pad qu’elle bougeait de plus en plus vite, pour accélérer les réactions de la jeune femme. Celle-ci avait un peu perdu de son niveau depuis leur dernier entraînement. Mais ce n’était pas ça qui lui retournait l’estomac. Non, c’était le sentiment de ne pas être à sa place, qu’elle n’avait plus aucune raison de donner des cours, que ce n’était plus pour elle. C’est peut-être pour ça qu’elle lui demande pourquoi l’art martial était si important pour elle, pour tenter vainement de s’accrocher à sa réponse et à ce besoin de continuer.
« C'est un peu la meilleure thérapie que j'ai pu suivre depuis des années. Je sais pas, peut-être c'est parce que je n'ai jamais vraiment fait de sport avant, mais... j'aime bien la sensation que ça me procure. Comme si je pouvais abattre n'importe quel obstacle, que je pouvais devenir une meilleure version de moi-même, plus forte »
Danika la regarde sans rien dire. Il y a quelques mois elle aurait été d’accord de tout cœur avec Leena. Aujourd’hui pourtant, l’art martial ne lui semblait plus être une thérapie, un moyen de devenir plus forte, de se dépasser. Non l’art martial pour Danika ressemblait à présent à une torture lente et douloureuse. Un moyen de l’enchaîner à des souvenirs dont elle ne voulait plus.
« Mais j'imagine que tu sais déjà tout ça. Et... je pensais que ça pourrait te faire un peu de bien. Te défouler, même si je ne suis pas à ton niveau du tout. Penser à autre chose, l'espace d'un instant ».
Cette fois-ci le visage de la brune s’assombrit. Elle laisse tomber le pad et décide d’enfiler les gants. Il est temps de passer au combat. Elles reviendront peut-être aux pads plus tard. Mais elle ressent effectivement ce besoin de se défouler. Elle n’est juste pas sûre que ce soit très bon pour Leena en l’occurrence. « Me faire du bien ? Penser à autre chose » Elle ricane. « Je crois que t’as pas trop compris le principe Leena. Si je donne plus de cours, si je m’entraîne plus c’est justement parce que c’est au sport de combat que j’ai PAS envie de penser. Ca ne me fait pas du bien. » Sa voix est trop dure, la jeune femme n’y ait pour rien, partait d’une bonne attention. Danika aurait dû dire non elle le sait. Elle était à fleur de peau, trop obnubilée par sa peine, par le sentiment d’étouffer avec ses gants. Le sport avait toujours été libérateur pour la jeune femme. Jusqu’à aujourd’hui. Elle soupire, sait pertinemment qu’elle ne va pas arrêter ce cours pour autant, pas maintenant qu’elle est lancée. « Allez, j’attaque, tu bloques et tu contrattaque et on se remet en place. Et on alterne pieds, poings » Danika adapte son niveau, commençant par des attaques faciles que Leena peut voir arriver. Mais très vite elle perd patience, face aux contre-attaques de Leena qu’elle juge pas assez rapide, pas assez forte, pas assez pour la sortir de cette torture psychologique en réalité. « Plus fort Leena. Met de la force dans tes coups de poings. Et c’est quoi ces coups de pieds, la moitié du temps tu perds ton équilibre, concentre-toi. Tu veux devenir plus forte ? Arrêter de te faire marcher dessus encore et encore, ça commence par là. » Danika avait toujours été une entraîneuse intransigeante et dure, mais elle savait aussi être douce et patiente, s’adaptant aux besoins de ses élèves. Elle n’avait jamais été aussi froide avec Leena. En réalité elle n’était pas attentive, aucunement à l’écoute des besoins de la jeune femme, trop concentrée à essayer de gérer cette envie de brûler le matériel de sports de combats, à ne plus jamais y retourner. Elle détestait la sensation que l’art martial lui procurait, celle qui lui donnait l’impression d’être entière, d’être enfin à sa place. Elle n’en voulait pas.
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Leena n'aurait jamais cru qu'un jour elle trouverait cela si réconfortant de taper dans des pads de boxe. Pourtant, c'était le cas. Elle suait ses émotions négatives, les dégageaient d'elle, et se sentait presque fière de se savoir capable de ça. Elle ne se serait jamais cru capable de se défouler aussi brutalement – même si c'était encore bien loin de ce que Danika pouvait encaisser. Leena, elle était douce, il n'y avait pas un brin d'agressivité en elle, et jusqu'il y a peu, elle n'aurait pas pu frapper un pad avec une telle force, de peur de faire mal à la personne qui la portait, ou de se faire mal à elle-même. Elle se reconnaissait à peine. Mais la jeune femme devait l'admettre : ça lui faisait un bien fou. Elle aurait pu profiter encore davantage si elle n'avait pas eu cette espèce de culpabilité sur son épaule. Elle craignait encore, et ce bien que Danika ait cédé à sa demande, de l'avoir trop poussé, d'avoir trop insisté auprès d'elle alors qu'elle vivait un deuil. Elle avait désormais peur que Danika n'ait accepté que par politesse et qu'elle ne la déteste secrètement. Leena détestait singulièrement cette idée sans qu'elle ne puisse se l'expliquer. Elle était comme ça, elle n'aimait pas l'idée que les gens ne l'apprécient pas. Et elle craignait – peut-être irrationnellement – que ce fut désormais le cas de Danika.
« Me faire du bien ? Penser à autre chose. Je crois que t’as pas trop compris le principe Leena. Si je donne plus de cours, si je m’entraîne plus c’est justement parce que c’est au sport de combat que j’ai PAS envie de penser. Ca ne me fait pas du bien. » Ses mots lui firent l'effet d'une douche froide. Les peurs de Leena venaient de se confirmer. Elle avait trop forcé, trop insisté... Rien que de se pointer devant sa porte avait été une mauvaise idée. Elles n'étaient pas amies, seulement élève et coach... Qu'est-ce qui avait bien pu lui passer par la tête ? Leena resta plantée sans rien dire, parce que pour une fois, elle ne savait plus du tout que faire. Quels mots choisir. Toute sa vie, l'australienne avait été celle que l'on venait voir quand on avait une peine de cœur, parce qu'elle savait quoi dire pour soigner les cœurs blessés. Peut-être que c'était pour ça qu'elle était venu voir Danika ; par habitude, parce que c'était ce qu'elle faisait. Mais là, elle était de trop. « Allez, j’attaque, tu bloques et tu contrattaque et on se remet en place. Et on alterne pieds, poings » Leena obéit, mais ses coups n'avaient plus la même force. Elle ne prenait plus aucun plaisir. « Plus fort Leena. Met de la force dans tes coups de poings. Et c’est quoi ces coups de pieds, la moitié du temps tu perds ton équilibre, concentre-toi. Tu veux devenir plus forte ? Arrêter de te faire marcher dessus encore et encore, ça commence par là. » Leena s'arrêta brusquement. Pas tellement que le commentaire de Danika l'ait blessé – elle avait sûrement raison – mais le ton qu'elle avait employé lui signifiait bien qu'elle était de trop. « Bon Danika je pense qu'on peut arrêter là » dit-elle en enlevant ses gants. « Je ne veux pas t'embêter plus longtemps. Merci pour l'entraînement mais je vois bien que je n'aurais pas du venir ». Le ton n'était pas agressif du tout, plutôt résigné, et même un peu honteux. Leena se sentait vraiment honteuse. « Désolée. C'est ma faute. J'aurais du comprendre que... enfin, je n'ai pas ma place ici. Je n'aurais pas du essayer, on est pas aussi proches ». Leena avait surtout voulu tenter de lui rendre la pareille. Danika l'avait aidé en bien des façons et elle aurait voulu l'aider aussi. Mais elle ne s'y était pas bien prise du tout. La jeune femme se tourna vers la porte.
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« Bon Danika je pense qu'on peut arrêter là. Je ne veux pas t'embêter plus longtemps. Merci pour l'entraînement mais je vois bien que je n'aurais pas du venir. » Danika est allée trop loin, elle le sait. Elle n’aurait jamais dû accepter cet entraînement.
« Quoi t’abandonnes déjà ? » Le ton est froid, elle la regarde enlever ses gants la mâchoire serrée. La façon dont la jeune femme a prononcé les mots pourtant lui a serré les entrailles. Leena n’avait pas l’air en colère, plutôt honteuse. Honteuse d’avoir poussé trop loin. Pourtant c’est également le sentiment de Danika, mais elle se force à le repousser. Elle cherche le combat verbal, souhaitant sans s’en rendre compte passer ses nerfs sur quelqu’un, elle qui enferme tout depuis des semaines.
« Désolée. C'est ma faute. J'aurais du comprendre que... enfin, je n'ai pas ma place ici. Je n'aurais pas du essayer, on est pas aussi proches » Danika ne dit rien, n’essaye pas de la rattraper. Elle a honte de son comportement, ne peut s’empêcher d’imaginer ce que son père aurait pensé d’elle, d’avoir traité une élève ainsi, de ne pas avoir été là, ni à l’écoute, ni digne de la confiance que Leena lui avait accordé. Pourtant elle s’enferme dans sa froideur, dans cette colère qui lui permet d’effacer la honte, de ne pas la rattraper. Pour dire quoi ? Il n’y a rien à dire. Danika n’était pas capable d’aider Leena, elle n’était pas capable de s’aider elle-même. Elle ne voulait voir personne. Elle ne voulait pas toucher à ces gants qui lui donnaient envie de vomir. Alors elle les arrache presque avec dégoût. Elle ne la contredit pas, les deux femmes n’étaient pas proches. Leur relation s’était arrêtée aux arts martiaux. Et la brune en avait terminé avec le dojo. Leena Maddox n’avait plus rien à faire chez elle, il était temps d’arrêté de prétendre le contraire. Alors Danika la laisse partir, la porte se claquant sans qu’elle n’essaye de la rattraper. Elle se contente de remettre brutalement le matériel dans le placard, sentant une colère contre le monde, contre elle-même lui donner envie d’hurler. Pourtant elle se contente de refermer la porte de la salle de sport aménagée. Il était temps de tirer définitivement un trait sur cette vie, sur ce dojo et sur ses élèves.