| running home to you (charlie&irina) |
| | (#)Lun 20 Avr 2020 - 16:36 | |
| Pourquoi maintenant ? Elle aurait pu mentir et prétendre qu'elle avait juste envie de la retrouver, que ça faisait longtemps et qu'elle lui manquait ; parce qu'après tout, ç'avait toujours été comme ça. L'éternelle dynamique du manque qui les rapprochait pour quelques heures, au mieux semaines ; avant qu'elles ne se perdent à nouveau dans les méandres de leurs vies respectives, jusqu'à la prochaine fois. Elle n'aurait pas eu de comptes à rendre, rien de plus qu'un j'ai besoin de toi glissé dans une étreinte. Charlie ne lui aurait jamais demandé plus, elle le savait. Parce que Charlie était comme ça, à prendre ce qu’elle lui donnait sans jamais réclamer davantage, tout comme Irina, et elles s’étaient toujours contentées de l’éphémère à défaut de pouvoir espérer mieux. Elle aurait pu s’en tirer avec un silence lourd, puis se réfugier contre elle et se murer dans leur forteresse, comme d’habitude. Ce soir, elle voulait briser la coutume, vider son sac, arrêter de refouler ses émotions derrière ses dents serrées en toute occasion et se laisser aller. Quitte à l’effrayer ; alors, au moins une personne saurait et elle n’aurait plus le monde à porter seule. Vingt-et-une heure. Ce n’était pas une heure pour déranger les gens. Irina n’était pas en état de conduire avec ses mains tremblantes et l’impression qu’à tout moment le serpent dans sa cage thoracique allait donner le coup de trop et l’étrangler pour de bon. Elle avait envoyé un message à Charlie à peine une heure plus tôt : je peux te voir ? Pas d’ambages ou de formes : pas le temps ni l’énergie de se perdre en discussions anodines en attente du bon moment. Dès confirmation, elle avait amené en vitesse Caillou chez Mira, pour la soirée, en cas d’attaque, de cambriolage, d’une autre destruction maquillée sous le nom de perquisition officielle. Plus rien ne lui semblait sûr, pas même la confiance acquise en les choses les plus simples. Le trajet jusqu’à Spring Hill lui semble durer des heures dans les rues vides, sous le ciel qui tombe pour envelopper la ville de sa chape de plomb. Dans le corps de la Russe, le sentiment d’oppression monte, le pied presse l’accélérateur sans regard pour les limites : plus le temps de respecter, sous peine d’asphyxier avant d’arriver.
“Salut.”
Elle croise à peine le regard de Charlie lorsque celle-ci ouvre la porte, ne s’autorise pas à la détailler davantage. Déjà sa gorge se noue des larmes réprimées, et elle doit se mordre l’intérieur des joues pour ne pas céder. Pas tout de suite, pas maintenant. Au lieu de quoi, elle se glisse prestement dans les bras de la jeune femme, réfugie son visage dans ses cheveux, s’abandonne à la sensation de sécurité qu’elle veut si désespérément retrouver. “J’avais besoin de te voir.” Une simple justification, après des mois de silence radio, parce qu'elle ne sait comment se justifier autrement ni ne l'a jamais appris. C’est tout ce qu’elle peut lui dire sans risquer de se laisser aller complètement. @Charlie Villanelle |
| | | | (#)Mar 21 Avr 2020 - 19:19 | |
| “Salut.” C’est creux, c’est vide, et c’est surtout loin d’être un problème. Ca reste sans réponse, il n’y en a aucune à donner.
L’appartement est rangé, les coussins par dizaines s’entassent tant sur le canapé que sur le lit, le vin attend au frigo, les autres alcools sont sûrement rangés quelque part, Hope tourbillonne sur lui même et s’amuse avec sa queue - mais ça elle n’y peut rien. Les jumeaux sont chez leur père, le silence est de plomb et même la télévision en fond sonore n’y change rien. Le sms d’Irina l’a rassurée autant que stressée. L’idée de ne finalement pas passer la soirée seule était réjouissante ; l’idée que son amie aille mal l’était beaucoup moins. Si Charlie sait se montrer intransigeante pour des sujets qu’elle devrait prendre bien plus à la légère et si elle sait tout autant être une insupportable jeune femme incapable de personne, alors Irina a su passer entre les mailles du filet à chaque étape. Elles sont consistantes dans leur incapacité à entretenir une relation (quelle qu’elle soit) stable et saine sur la durée et dans un sens elle se tient là, leur constante à elle. Tant que c’est chaotique alors elle s’y sentent bien, elles s’y sentent à la maison.
Les bras d'Irina noués autour de ses épaules sentent la maison tout comme ils sentent la protection. C’est elle qui a besoin d’aide pourtant c’est Charlie qui se permet de pleinement inspirer alors que paradoxalement leur proximité sans limite l’étouffe. Une main se loge entre les omoplates de la brune, l’autre remonte dans ses cheveux pour l’intimer à s’appuyer contre le cou de la blonde et lui faire pleinement confiance. Quoi qu’il se passe, tout va bien maintenant. Quoi qu’il arrive, c’est okay. “J’avais besoin de te voir.” Elles ne sont pas aussi crues d’habitude, elles sont encore moins aussi directes, aussi needy. Pourtant elle ne pense pas à le lui faire remarquer maintenant, au contraire, elle se fait statue de marbre dans l’entrée de son propre appartement et autant de temps elle aura besoin de la serre contre elle, autant de temps la jeune mère se refusera à bouger de là. “Tu te répètes.” Elle chuchote à peine, ses lèvres près de son oreille, désormais incapable de différencier qui de Mira ou d’elle serre le plus l’une contre l’autre. Chacune ont leurs raisons pourtant le résultat en reste bien le même et bientôt elles se fondront avec le décor de l’appartement si elles ne se décident pas à bouger. Une minute, juste une minute de plus. C’est seulement parce qu’elle sent bon, c’est seulement parce qu’elle sent la maison. Rien de plus. Parce que c’est elle qui va mal, elle qui a besoin de Charlie. Pas l’inversement, certainement pas l’inverse, ô non.
Ses main reprennent leur place alors qu’elles commençaient à glisser, sa tête se replace près de sa nuque alors qu’elle fait attention de ne lui enfoncer son menton nulle part et dans aucun muscle - un miracle. “On peut rester là toute la vie ou on peut s’asseoir sur le canapé et choisir la meilleure bouteille.” Pas à pas, étape par étape. Chaque option est envisageable, il n’y en a aucune meilleure qu’une autre. Elles sont bien, là, de toute façon. |
| | | | (#)Mer 22 Avr 2020 - 18:54 | |
| C'était une de ces relations qui n'étaient pas conditionnées à la régularité du contact, ni atteintes par une distance parfois exponentielle. Elles pouvaient se retrouver après six mois sans que ça n'ait aucun impact sur leur proximité : telle était la réalité de sa complicité avec Charlie. Elle ne s'étonne pas de sa discrétion à l'ouverture de la porte : pas de questions, pas d'exclamations quant à la dernière fois qu'elles se sont vues ou même contactées. Juste une étreinte, compréhensive, rassurante, et déjà Irina se sent retrouver son souffle. Elle sent la respiration de la jeune femme près de son oreille et consent à se laisser aller complètement. Elle retrouve l'odeur de son cou, familière et berçante, y colle son nez et ferme les yeux. “Tu te répètes.” Elle hoche la tête, piteuse : elle est prévisible. Surtout, elle a besoin de s'épancher au risque que tout déborde et la noie. Tant pis si sa volubilité actuelle contraste trop avec le peu d'émotions qu'elle laisse paraître de coutume : ce soir, Charlie est sa bouée et elle fera tout pour qu'elle ne la lâche pas. Au fond, elle sait qu'elle n'aura même pas besoin d'essayer : Charlie est toujours restée, jusqu'à ce qu'elles décident de se séparer.
“On peut rester là toute la vie ou on peut s’asseoir sur le canapé et choisir la meilleure bouteille.”
Encore un rituel : Charlie lui tire un sourire et Irina se sent un peu plus légère. Elle est bien, là, pourtant, avec ses bras qui l’entourent et ce sentiment que peut-être, si elle ferme les yeux assez fort, elle peut remonter le temps et revenir à l’époque où tout allait. Rien n’aurait changé, ni entre elles ni dans leur rapport avec le monde, et ce soir n’aurait aucune conséquence parce qu’à l’époque rien n’en avait. Mais c’est impossible, alors elle esquisse un pas timide dans l’appartement. “La bouteille, ça me va bien.” Evidemment, tout ce que peut lui proposer Charlie lui va - elle est prête à dire amen à tout. Rien ne lui est familier, rien ne ressemble à la dernière fois qu’elle a visité un endroit où Charie vivait, mais elle ne s’en préoccupe pas : direction le canapé, pour vite se recroqueviller quelque part, retrouver tous leurs autres petits rites, boire à deux, pleurer et rire devant un navet, emmêler leurs corps jusqu’à ce que leur individualité disparaisse dans une solidarité silencieuse et indéfectible. Le silence aurait pu lui convenir, songe-t-elle, mais elle sait qu’elle s’illusionne : derrière la porte, l’ombre menaçante l’attend sagement. Et dès qu’elle devra rentrer chez elle, ou que Charlie lui fera gentiment comprendre qu’elle n’est plus la bienvenue, l’ombre reviendra la prendre à la gorge jusqu’à l’asphyxie. Elle en a l’intime conviction : elle ne disparaîtra qu’avec les mots. Et si ceux-ci ne suffisent pas, alors elle aura au moins essayé.
“Je te dérange ?”
Question banale par simple acquit de conscience : le monde ne s’est pas figé pour elle et la perspective que Charlie n’ait rien eu à faire ce soir avant qu’elle arrive ne résonne que peu. Elle s’assoit sans précautions, se rétracte jusqu’au fond du meuble : elle avait raison, le canapé est confortable. Tout ici est confortable : l’odeur de Charlie dans laquelle elle noierait la moindre de ses parcelles, son regard doux qui se pose sur elle et l’impression que la pièce est une coupe qui l’abrite du monde extérieur. Ici, pas de deuil, pas d’enquête, pas de perquisition inopinée en pleine nuit, pas de meurtrier en rôde ou d’esprit malsain qui peut se réveiller dans son lit. “Quelqu'un est mort.” C’est tout ce qu’elle consent à prononcer, parce que ça semble suffire de se borner à l’essentiel : inutile de parler de Jessica, de leur lien, tout ça relève de l’intime. Quant aux soupçons qui pèsent sur elle, ils ne feraient que projeter leur ombre sur une soirée qu’elle veut salvatrice. “J'ai peur d'être seule. Et pas parce que je n'aime pas, et que j'ai le bourdon quand c'est le cas, mais parce que j'ai vraiment peur que quelque chose se passe.” Elle pourrait faire passer l'irrationalité de la chose sous un rire de dédain mais elle n'en a pas la force. Les perquisitions l'ont drainée, la perspective qu'un autre cadavre surgisse aussi. Que ce soit le sien lui avait caressé l'esprit. “Ça va toi ?” Puis elle saute à la suite, comme si le sujet précédent n’avait même pas existé : ni logique, ni présence d’esprit. |
| | | | (#)Sam 25 Avr 2020 - 22:36 | |
| Elles dérivent vers le canapé alors que Charlie fait un détour par la cuisine, prenant au passage la première bouteille lui semblant correcte. Elle a promis la lune et les étoiles avec sans même être capable de différencier un bon vin d’un mauvais, faculté qu’elle n’apprendra sans doute jamais puisqu’elle préferera toujours engloutir les deux bouteilles juste au cas où. Si Irina va mal alors il en est de même pour elle, les problèmes de son amie devenant par extension les siens cela leur donne finalement une raison de plus de noyer leur chagrin dans un liquide ou un autre - comme si elles avaient réellement besoin d’une excuse. D’un hochement de tête de la négative, elle balaye la question de son amie. Non, bien sûr que non elle ne dérange pas. Elle ne dérangera jamais, peu importe le moment, peu importe l’heure, peu importe les conditions. Ce n’est pas parce qu’elles ne se sont pas vues depuis plusieurs mois qu’elle dérange.
“Quelqu'un est mort.” A peine assise face à son amie, la révélation lui glace le sang. Jamais elle n’aurait cru entendre de tels mots sortir de la bouche de qui que ce soit et si noms il y avait eu à donner, celui d’Irina ne serait sûrement pas sorti en tête de liste. Le bruit de la bouteille s’ouvrant fait écho dans la pièce encore trop peu meublée dans laquelle un silence venait de s’installer. Charlie ne s’encombre pas de verres et propose à la brune de boire la première ; elle en a sûrement bien plus besoin qu’elle. La bouteille passée entre de nouvelles mains, elle prend le temps de replacer une mèche de cheveux derrière l’oreille d’Irina et perd son pouce sur sa joue le temps d’une caresse pour la rassurer. “T’es encore là. C’est tout ce qui compte.” Les paroles sont d’un égoïsme fou mais pourtant bien réel. Le reste du monde n’importe pas. Le reste ne sont que des visages, des chiffres, des données, un nom parmi d’autres. Le sien est à part et il compte bien plus que ceux dans la marée humaine.
La suite du discours n’a rien pour la rassurer davantage et elle garde ses yeux posés sur son amie, sa main près de sa nuque pour garder le contact et tenter de croire que cela suffira à apaiser tous les maux. “J'ai peur d'être seule. Et pas parce que je n'aime pas, et que j'ai le bourdon quand c'est le cas, mais parce que j'ai vraiment peur que quelque chose se passe.” Charlie affiche une moue sur son visage, elle qui n’a pas les mots miracles pour rassurer son amie et qui ne pense à rien d’autre que ‘moi aussi’. Elles sont fait du même bois et cela semble autant être un avantage qu’un inconvénient. Elles ont les mêmes problèmes, les mêmes peurs. Normalement. Cette fois-ci il y a quelque chose de plus qui a profondément changé Irina et l’a forcé à se confier à la blonde ; un quelque chose qu’elle ne cherchera aucunement à trouver si ce n’est pas Irina qui cherche à en parler d’elle même. “Ça va toi ?” La jeune mère lève le bras de son amie pour se glisser par dessous et poser sa tête dans le creux de son épaule, la proximité qu’elle cherche encore et toujours parce qu’elle aussi elle a peur d’être seule, parce qu’elle aussi ça lui fout le bourdon. Elle se fait petite et minuscule, elle s'immisce entre le canapé et le corps de la brune et même pas qu’elle ne demande quelques gorgées de vin pour le moment. “Tu m’as manqué.” Ce n’est pas la bonne réponse à la bonne question, mais c’est tout ce qui compte. Elle ne va pas bien et sûrement qu’elle n’ira jamais bien mais il n’y a rien de nouveau là dedans, seules les raisons changent au fil des mois et des années. “Il ne se passera rien ici. Peut être que le chien va revenir mais c’est tout, je te le promets.” Cet appartement est tant le cocon de Charlie que celui d’Irina, maintenant. Et Hope s’est perdu entre la cuisine et la chambre des jumeaux qu’il continue de garder malgré leur absence, il est la seule variable de l’équation. Tout le reste ne peut que bien se passer. “On peut en parler si tu veux. On parle à autre chose si tu préfères.” Ses doigts glissent jusque dans les siens, elle s’amuse désormais avec ces derniers sans jamais lui faire mal, sans jamais être brusque. Irina représente bien plus l’idée d’un chez soi que son appartement en lui même. |
| | | | (#)Lun 27 Avr 2020 - 11:40 | |
| Elle lâche la révélation avant même que Charlie n’ait le temps de se poser à côté d’elle, bouteille à la main. Ca lui semble important de lui annoncer d’entrée de jeu, avant qu’Irina ne se soit trop installée, que ça devienne trop dur de l’expédier chez elle, si jamais. Quelqu’un est mort, c’est tout ce qui parvient à sortir d’entre ses lèvres, pourtant. Pas un mot sur l’identité du macchabée, ni sur la mise en examen à laquelle elle est soumise. Tout ça lui semble trop dur à articuler, à expliquer pour l’instant, parce qu’elle est encore sobre et ses pensées trop emmêlées pour faire sens. Elle réceptionne la bouteille de vin sans un mot de plus, la porte à ses lèvres pour une lampée franche. Pas le temps de goûter, de s’attarder sur la qualité ou non du produit : elle a juste besoin que l’alcool efface tout le reste, se décompose lentement dans son système pour l’engourdir et chasser toute trace de culpabilité de celui-ci. Elle a suffisamment passé de temps à se sentir coupable : ce soir, elle a besoin de passer aux confessions, de poser ce qui l’apaise, parce que le fardeau est trop lourd pour ses épaules et que personne ne l’écoutera si ce n’est Charlie.
“T’es encore là. C’est tout ce qui compte.”
Son regard sonde celui de Charlie, puis elle accueille la main contre sa joue avec une délivrance non-dissimulée. Un soupir lourd lui échappe : elle n’est pas sûre de pouvoir en dire autant. Quelle vie va-t-elle mener avec le poids des sous-entendus encore une fois sur elle, ultime épée de Damoclès qu’elle a déjà trop longtemps supportée ? Trop souvent s’est-elle imaginé un monde alternatif où Jessica aurait simplement disparu, et reviendrait d’entre les morts pour tous les démentir, pour clamer son innocence et lui permettre de reprendre sa vie. Toujours sur la sellette, elle doutait pouvoir être tranquille un jour ; mais au moins les mains propres de cette mort qu’on lui attribuait par convénience. Mais elle avait vu le corps de Jessica, les larves de coléoptères qui se développaient dans la chair de ses joues creusées, son regard éteint : la réalité était ici, nulle part ailleurs. Aussi dévastatrice qu’impossible à esquiver. Elle prend une nouvelle gorgée du vin, regard perdu dans toute la pièce sauf sur Charlie et poursuit dans l’espoir d’expliquer sa présence ici - son hôtesse ne lui demandera jamais, mais elle a besoin d’expliquer, de faire amende honorable pour son silence et sa visite inopinée. Ce qu’elle lit en réponse dans les yeux de Charlie ne l’étonne pas, ni ne la blesse moins que les autres fois : la peur est réciproque. Deux gamines blotties l’une dans les bras de l’autre pour faire un pied-de-nez à la mort, à leur peur du vide, voilà ce qu’elles étaient condamnées à être. Sa piètre tentative de retourner la question et de changer le sujet échoue. La blonde s’invite dans ses bras, et Irina accueille avec soulagement son odeur, la chaleur de son corps, serrant son bras autour de ses épaules pour l’attirer plus près encore. Son refuge trop longtemps oublié et renié, par excès de zèle, par impression futile de pouvoir s’en éloigner et cesser d’avoir besoin d’elle. “Tu m’as manqué.” Son coeur se serre, et ce n’est que maintenant qu’elle réalise combien Charlie lui a manqué, à elle aussi. Elle dépose ses lèvres au sommet du crâne de la jeune femme, un silencieux moi aussi. Moi aussi, mais je ne sais pas quand je vais te quitter à nouveau, et j’ai constamment peur qu’entre cette fois et la prochaine quelque chose en moi ne se brise.
“A moi aussi”, répond-elle plutôt, et ça en dit tout aussi long.
“Il ne se passera rien ici. Peut être que le chien va revenir mais c’est tout, je te le promets.” Elle aimerait la croire autant que Jessica l’avait crue quand elle lui avait promis que le refuge la mettrait en sécurité. Un nouveau baiser sur le front lui répond qu’elle non plus, ne compte aller nulle part. Plus le temps passe et plus il devient difficile d’ignorer la détresse dans les yeux de Charlie. Elle la reconnaît, par sa tenacité et sa ténuité paradoxales. Toujours un peu là, mais jamais complètement. Mais comme toujours, pour elle, elle est prête à faire semblant. Irina repasse la bouteille à la jeune femme et de sa main nouvellement libre, caresse quelques mèches de Charlie, se perd dans ses cheveux. Toujours, la jeune femme lui laisse le choix de parler ou d’opter pour un autre sujet. Toujours, Charlie est douce, s’adapte à son rythme, la laisse évoluer dans un monde qui ne va pas trop vite pour elle. Son coeur s’emplit d’amour et de gratitude tout à la fois, toujours un peu trop. Leurs doigts s’entremêlent et le pouce d’Irina caresse distraitement le dos de la main de la plus jeune, cherche à la réconforter sans savoir de quoi. “Je vais te dire, mais j’ai peur que tu me détestes”, admet-elle avec toute la vulnérabilité dont elle est capable, du bout des lèvres. Dans aucune vie elle n’aurait imaginé Charlie la repousser. Dans aucune vie elle n’aurait cru annoncer ça à son plus grand amour non plus.
“C’était une fille du refuge”, lâche-t-elle finalement. “On a été ensemble pendant un moment.” Charlie connaît sa propension aux relations foireuses, mais là, c’est un autre niveau qu’Irina s’apprête à mentionner. Elle le sait, prend des pincettes avant de poursuivre : “Elle avait disparu, puis on a retrouvé son corps pas loin de chez moi. Je fais partie des suspects, pour sa mort. En fait, je suis la seule suspecte pour le moment.” |
| | | | (#)Mar 28 Avr 2020 - 3:13 | |
| Jamais Charlie ne refusera la présence de quiconque à ses côtés tout comme jamais elle ne refusera une bouteille d’alcool proposé par qui que ce soit. Tout prend pourtant d’incommensurables proportions dès lors qu’il s’agit d’Irina et que le moindre contact avec la jeune femme l’électrise autant que la rassure, un des milliers de paradoxe dont est formé leur duo. En sa présence, elle se surprend à laisser son souffle se reposer pour la première fois depuis longtemps. Le goulot de la bouteille dérive jusqu’à ses lèvres sans que ce ne soit pour y cacher aucun chagrin, elle répond aux baisers et caresses d’Irina en étant en retour tout aussi douces avec elle, la couverture qu’elle laisse glisser au dessus d’elles. Pour peu elle se croirait propulsée un an en arrière alors que toute sa vie avançait encore au jour le jour et non pas à mille à l’heure comme il en a été le cas ces derniers mois. “Je vais te dire, mais j’ai peur que tu me détestes” Le bleu des yeux de la blonde se redresse aussitôt en direction de son amie et même si elle prend la décision de ne pas déloger sa tête de son épaule, n’en reste pas moins qu’elle se sent profondément désolée qu’elle puisse avoir une telle peur. Jamais Charlie ne pourrait la juger à propos qu’aucune erreur que ce soit et elle s’en veut de ne pas avoir su en convaincre Irina, elle qui en retour a toujours tout fait pour que l’inverse soit vrai.
La bouteille finit par se loger entre ses cuisses après qu’elle ait enchaîné les gorgées sans ne même plus y penser, par simple automatisme qu’elle ne cherche même pas à cacher. “C’était une fille du refuge.” Face à la vulnérabilité d’Irina dont elle n’a pourtant pas l’habitude, ses doigts prennent le relais d’eux même et glissent sur sa peau pour la rassurer au mieux. Ses doigts reprennent les mêmes cercles imaginaires, ils tracent les même lignes qui n’existent pourtant que dans leur esprit. Elles ont eu mille situations de crise à vivre ensemble, la mécanique est bien huilée et pourtant elles ont toujours mal, la douleur d’Irina devenant la sienne dès lors qu’elle la partage. Les raisons importent peu, finalement, quand seul reste le résultat. “On a été ensemble pendant un moment.” Le coeur de la blonde se serre toujours à l’annonce de la chose, elle ne s’y fera jamais malgré les années. Elle reste silencieuse, pourtant, laissant Irina aller là où elle veut en venir. “Elle avait disparu, puis on a retrouvé son corps pas loin de chez moi. Je fais partie des suspects, pour sa mort. En fait, je suis la seule suspecte pour le moment.” Le tableau enfin dévoilé dans son entièreté, la jeune mère est désormais pleinement capable de comprendre les raisons de la détresse bien plus qu’apparente de son amie. Elle comprend aussi bien mieux la peur d’un quelconque jugement lequel ne viendra pourtant pas. Charlie ne la sait pas capable d’une chose pareille et la seule chose qui traverse son esprit est désormais la peine qu’a dû ressentir son amie. Tout ce qu’elle espère c’est qu’elle a su trouver quelqu’un avec qui la partager ou l’éponger, peu importe, tant qu’elle n’était pas seule. Elles ont la même propension à se jeter corps et âme dans une relation toxique simplement pour en oublier la dernière, à jamais incapables de seulement être bonnes l’une pour l’autre dans le long terme.
“Tu m’as tout dit et je te déteste toujours pas.” Pas de haine, pas de peur. Aucun sentiment négatif, rien de la sorte alors que la seule chose qui l’anime à propos d’Irina reste seulement l’importance qu’a la brune à ses yeux depuis toujours et à bien des niveaux. La tête de la blonde se mouvoit au ralenti pour qu’elle vienne délicatement embrasser le cou de son amie et la naissance de sa mâchoire, parties de son visage accessibles sans qu’elle n’ait à se relever. Elles sont bien trop installées pour le moment pour que cela ne lui vienne à l’idée que de briser quoi que ce soit. “Ça va, toi ?” Elle s’en moque des faits, elle s’en moque des soupçons, elle s’en moque de cette inconnue et bien que sa mort soit dramatique, cela ne l’intéresse pas pour autant. Ce n’est pas elle qui requiert sa présence et toute son attention, ce n’est pas non plus pour elle qu’elle déplacerait des montagnes. Elle reste une inconnue dans la foule, une morte comme il en existe des milliards. Il n’y en n’a pas deux comme Irina, pourtant, et elle ne la voit que comme la prunelle de ses yeux. Pas plus, pas moins. |
| | | | (#)Jeu 30 Avr 2020 - 19:18 | |
| La solitude a fini par la ronger en tout point - jusqu’à la faire douter de la véracité de sa version, de l’aplomb qu’elle avait mis dans son récit des faits, de la vision du corps de Jessica. Plus rien ne semblait concorder face à la réalité parallèle dans laquelle on voulait l’inscrire, et ça l’avait épuisée. Les jours s’enchaînaient à se forcer à se lever, à se nourrir, jusqu’à être assez fatiguée pour retourner au lit ; finalement rester les yeux ouverts en direction du plafond, et parfois de la porte, par peur que quelque chose s’y trouve et la guette. Puis elle avait renoncé à cette chimère : quelque démon que soit le sien, il ne l’attendait pas sur le pas de la porte mais au portail entre éveil et inconscience, là où tout sens des réalités se distendait pour s’adapter aux peurs. Là où se nichait le vieux sentiment de culpabilité qu’elle avait étouffé depuis aussi longtemps qu’elle pouvait s’en souvenir avec pour seule règle l’omerta. Elle avait pu oublier une fois, elle pouvait très bien oublier une deuxième - restait à prouver qu’il y avait quelque chose à oublier. “Tu m’as tout dit et je te déteste toujours pas.” Charlie semble plus convaincue que son innocence qu’elle-même. Et même si elle eût été coupable, si on avait eu des raisons de la soupçonner, elle avait l’idée que ça n’aurait pas été plus grave pour Charlie : elle aurait préféré la voir saine et sauve qu’en prison, porter son secret jusqu’à la tombe pourvu qu’Irina n’ait pas à en payer le prix. Et si son esprit lui souffle de la démentir, de lui dire de ne pas être aussi sûre de son innocence, parce qu’elle-même est incapable d’établir celle-ci avec autant d’aplomb, son coeur se repaît dans cette rémission tant voulue et jamais accordée avant. Charlie est la seule à ne pas se reculer, à se dégager de la faible étreinte qu’elle arrive encore à exercer sur un entourage qui peu à peu la quitte. Comme pour confirmer le rituel, le graver dans les baisers qu’elle dépose contre son cou, l’entériner sur le corps d’une morte : qu’importe ce qu’il arrivait, elle pourrait toujours se reposer sur elle. Et malgré toute sa peur, l’idée arrivait, pour un petit instant seulement, à étouffer les doutes.
“Je sais pas. Je dors plus.”
C’est tout ce qu’elle arrive à répondre à sa question, se saisissant à nouveau de la bouteille de vin pour s’y servir. Enfin débarrassée du poids des non-dits, elle consent à se tourner pour faire face à Charlie, repliant ses jambes sur le canapé. Une main se soulève timidement pour venir caresser la joue de la blonde, laisser un pouce s’attarder sur ses cernes : elle a comme le sentiment qu’elle n’est pas la seule que le sommeil a déserté. “Et j’ai plus le droit de retourner au boulot jusqu’à nouvel ordre. Ni au refuge, mais c’est normal.” Et pourtant, si l’interdiction de retourner au laboratoire l’emplit d’une colère et d’un sentiment de trahison justifiés envers ses collègues trop silencieux, c’est sa distance du refuge qui l’atteint le plus : la chambre de Jessica a été retournée et elle n’a aucun moyen de savoir ce qu’il reste d’elle dans les lieux. Si elle lui a laissé quelque chose, n’importe quoi qui lui explique son départ, elle n’en prendra jamais acte. Jessica sera toujours partie sans rien lui laisser, et la pensée suffit à la foutre en l’air. “Mais j’ai eu le temps d’apprendre à mon chien à rouler sur lui-même”, ajoute-t-elle dans un rire qui cache mal un sanglot réprimé. C’est le seul avantage : le temps. Maintenant, elle a le temps de tout faire. Souvent trop, assez pour tourner en rond avec ses doutes. “J’ai revu Mira, aussi, tu te souviens d’elle ?” Positiver, toujours positiver autant que possible : en presque un mois depuis la mort de Jessica, sa vie n’avait pas été vide. Elle avait renoué avec d’anciens amis partis au bout du monde, entre autres - et c’était peut-être le point focal, l’essentiel du positif à ses yeux. “Et toi ?” La question se fait plus timide, cette fois : la peur d’interrompre la quiétude d’esprit dans laquelle Charlie essayait de s’immerger. Elles se voyaient souvent, allaient rarement bien, cachaient presque systématiquement le pire. Ce soir, Irina avait joué carte sur table et elle ne voulait pas que Charlie soit la seule à porter ses peines - elle pouvait l’en délester à son tour. Sa main chasse une mèche blonde égarée sur son visage, et elle s’approche doucement pour l’embrasser, du bout des lèvres, comme pour la rassurer. Lorsqu’elle se détache, son regard doux se fait un peu plus appuyé : “Vraiment.” Elle n'attend plus le mensonge de circonstance. |
| | | | (#)Ven 1 Mai 2020 - 1:04 | |
| “Je sais pas. Je dors plus.” Quelques mots à peine mais ils ont pourtant l’effet d’un tsunami dans le coeur de Charlie, lequel était déjà en vrac. Elle a bien trop d’empathie et cela ne saurait changer d’autant que ce sentiment est encore et toujours exacerbé dès lors qu’il s’agit de ses proches. Irina a traversé les années avec elle comme peu, voire personne, n’ont su le faire et pour cette raison et mille autres elle est l’une des personnes qu’elle chérit le plus en ce monde. Ses yeux parlent pour elle alors qu’elle se refuse à l'apitoiement, sachant pertinemment que cela n’aiderait finalement ni Irina ni elle. Elles ont besoin de se vider l’esprit et de penser à autre chose, elle ont besoin d’apprendre de nouveau à vivre après chacune des étapes et des obstacles de leur vie, aussi difficiles soient-ils à passer.
La brune se relève et son double blond en fait autant, laissant sa main se poser par dessus la sienne alors qu’elle s’attarde sur les preuves qu’elle non plus, ne dort plus vraiment. Les situations sont bien différentes et il serait bien difficile de faire un parallèle entre les deux mais n’en restent pas moins que d’une manière ou d’une autre elles en viennent pourtant à la même conclusion.”Tu veux rester ici ce soir ? Ou autant de temps que tu le voudras, tu sais que tu ne déranges pas.” Elle pourra rester même lorsque les jumeaux seront de retour, Charlie ayant une confiance aveugle. Les mots sonneraient comme une faveur pour qui que ce soit les entendrait ; ils sonnent davantage comme une supplication dans la bouche de la jeune mère. Reste. S’il te plaît. Ne pars pas. Elle vient à peine de lui revenir, son départ prématuré n’est pas encore envisageable.
Elle a les yeux d’une mère lorsqu’elle l’observe boire à la bouteille, elle qui par effet de mimétisme s’est postée dans l’exacte même position. L’oreille attentive qu’elle lui offre est celle d’une amie qui jamais ne la jugera, jamais ne pourra non plus douter d’elle en un seul instant. Son éloignement forcé du travail est compréhensible, celui du refuge tout autant même si elle ne s’osera pas à le prononcer à voix haute. Elles le savent toutes les deux, il n’y a nul besoin de remuer le couteau dans la plaie alors que la souffrance de son amie et encore si visible. “Mais j’ai eu le temps d’apprendre à mon chien à rouler sur lui-même” L’anecdote déconnectée de la réalité et coupée du temps la fait sourire, la blonde siffle pour appeler son propre chien près d’elles. Le Golden Retriever lui rappelle encore les souvenirs douloureux de sa rupture avec Kane mais il a su être un fidèle ami depuis plus de six mois déjà, lui qui veille sur les jumeaux comme personne. “Tu pourrais l’apprendre à lui aussi mais il te faudra du courage.” Elle lui donne des objectifs à la volée, elle l’attire un peu plus dans son monde avec tout l’égoïsme dont elle est capable. Reste. S’il te plaît. Ne pars pas.
L’arrivée du prénom de Mira dans la discussion la fait sourire, le temps a su distinguer le bon des mauvais souvenirs et n’en garder que le meilleur. Oui elle se souvient de Mira, bien sûr qu’elle se souvient de Mira. Comment va-t-elle ? Qu’est ce qu’elle fait maintenant ? Comment vous êtes vous retrouvées ? Le questions restent coincées dans sa gorge, la blonde encore incapable d’accorder de son temps et de son énergie à une autre personne. Ce n’est que d’Irina dont il s’agit pour le moment ; un moment qui perdure dans le temps. “Et toi ?” Ça va. “Vraiment.” Ah. Elle laisse la main de son amie se dérober, profite du moment d’entre deux pour lui dérober la bouteille de vin dont elle a soudainement bien besoin.
“J’en ai marre que les gens continuent de me voir comme une petite chose fragile.” Ce qui ne répond aucunement à la question qu’elle a posé mais elle a vraiment besoin de le dire et d'extérioriser. Elle ne sait pas réellement à qui confier ce genre de choses si ce n’est Irina, tout le reste de son entourage (si ce n’est sans doute Ariane) l’ayant tous pris pour un petit oiseau blessé sur le bord de la route à un moment ou à un autre de son existence. “J’essaye de tout bien faire maintenant mais ça ne suffit pas.” Elle a changé, si ce n’est pour elle alors elle l’a fait pour les jumeaux. Ils n’ont pas demandé à venir au monde, ils n’ont pas demandé à être ses enfants à elle. Ils méritent tout et bien plus encore et c’est ce à quoi elle aspire vraiment pour eux. “Et j’ai rompu avec le père des jumeaux, aussi. C’est ironique parce qu’à vrai dire on était même pas ensemble. Maintenant je crois qu’on ne le sera jamais.” Elle affiche une moue désolée mais la balaye bien vite, convaincue que parler d’histoires de coeur avec Irina ne soit pas l’idée la plus brillante qu’elle puisse avoir. Ses sentiments pour Tim ne s'effaceront pas du jour au lendemain mais elle a finalement bon espoir qu’un jour il devienne l’ami qu’il n’a finalement jamais été, lui qui a été propulsé de rien à tout du jour au lendemain. “A chaque fois qu’on se voit il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai juste l’impression que rien ne s’améliore.” Charlie commence enfin à apercevoir les barreaux de la cage dorée dans laquelle elle évoluait jusque là et la révélation est encore difficile à accepter. L’utopiste perd pied et ça brûle et ça fait mal, pourtant il est hors de question de s'apitoyer sur son sort. “C’est juste que je suis contente de te voir, au fond.” Parce qu’elle lui a manqué mais ça, elle l’a déjà dit. Irina va détester qu’elle s’épanche autant sur ses sentiments, pour autant Charlie a lancé une machine qu’elle est tout simplement incapable d’arrêter et elle se retient stupidement de déjà franchir la ligne rouge avec elle, de nouveau. “Tu comptes faire quoi à propos de tout ça, maintenant ? T’as besoin de quelque chose ?” Elle sait que Charlie ferait tout pour elle et qu’elle décrocherait la lune et les étoiles avec si jamais elle en avait besoin. Elle le sait, alors elle ne le répète pas, se contentant finalement de sourire faiblement en buvant une nouvelle lampée de vin. |
| | | | (#)Ven 1 Mai 2020 - 17:40 | |
| ”Tu veux rester ici ce soir ? Ou autant de temps que tu le voudras, tu sais que tu ne déranges pas.” Elle sent le tremblement dans la voix de Charlie, incertaine, lasse, et pour la première fois elle comprend qu’elle n’est pas la seule à redouter la solitude entre quatre murs vides. Les cernes qu’arbore Charlie sont une preuve de plus que leurs peurs sont partagées, une nouvelle fois – comme presque toutes. Généralement, elles n'en font pas cas, passent outre ; préférant l’omerta qui a toujours régi leur relation à une quelconque mise à plat de leurs problèmes. Ce soir Irina n’est plus capable de ce silence et elle ne veut pas que Charlie s'y sente tenue non plus. Elle veut l'écouter vider son sac, si celle-ci en a besoin, trouve un maigre réconfort dans son silence compréhensif et ses bras protecteurs et qu'importe si ce soir la règle est brisée : elle veut aller bien, et elle veut voir Charlie aller bien. La vie l’a amochée, et elle est parfaitement consciente qu’une soirée ne suffira pas à régler toutes ces injustices, mais elle veut essayer, sinon elle ne saura jamais combien elle aurait pu faire. “Oui, s’il te plaît”, murmure-t-elle alors pour toute réponse. Elle ne se sent aucune légitimité à considérer ses mots comme une faveur ; d’ailleurs, ce n’en sont pas : elle a désespérément besoin de Charlie pour rester loin de ses ombres. Et si elle peut lui retourner la faveur, ne serait-ce qu'au millième de ce que la jeune femme fait pour elle, bien sûr qu'elle saisira l'opportunité. “J’en ai marre que les gens continuent de me voir comme une petite chose fragile.” Ses yeux ne lâchent pas ceux de Charlie, regard soucieux tandis que les aveux sortent enfin et que la jeune femme se laisse aller à ses faiblesses. La Russe ne touche plus la bouteille de vin, ni son visage, laisse simplement la paume de sa main ouverte vers le ciel au cas où Charlie en ait besoin. L’autre main caresse distraitement le golden venu fureter, rapidement chassé par l’odeur agressive qui émane de la bouteille. Elle a envie de dire qu’elle comprend, mais elle ignore à quel point c’est vrai : elle, c’est en fait tout l’inverse. On a tendance à lui mettre le monde sur les épaules sans s’imaginer qu’elle puisse ployer, parce qu’elle a l’air d’avoir le stoïcisme requis, l’impassibilité qu’il faut pour essuyer crises et affronts sans leur céder. Son manque visible d’émotions comble le vide des idées qu’on se fait d’elle, constituant un point pratique pour se raccrocher à une vision tangible de la jeune femme. Elle aussi, pendant longtemps, s’était sentie capable d’endosser le monde, les peines, puis il y avait eu la fac, Jessica, les ambitions de son père pour écraser les siennes, et la surface avait commencé à s’effriter aussi lentement que sa santé mentale et aujourd’hui elle ne se sentait plus capable de rien. “J’essaye de tout bien faire maintenant mais ça ne suffit pas.” Et cette fois, elle peut l’affirmer : elle comprend. Elle sait. Alors, d’office, elle prend la main de la plus jeune dans la sienne, entremêle à nouveau leurs doigts.
“Et j’ai rompu avec le père des jumeaux, aussi. C’est ironique parce qu’à vrai dire on était même pas ensemble. Maintenant je crois qu’on ne le sera jamais.”
Ah. Oui, les jumeaux, leur père, tout ce qu’elle avait sciemment occulté jusqu’à aujourd’hui comme une partie un peu obscure et distante de sa vie qu’elle n’avait pas réglé et qu’il fallait aujourd’hui affronter de pleine face. “Ah ?” réussit-elle à retourner faiblement, pour prouver qu’elle écoute toujours, qu’elle ne s’est pas à nouveau égarée dans un coin de ses pensées. Le problème remonte à bien plus loin que Tim, ou les jumeaux : elle n’a jamais réussi à régler ses sentiments pour Charlie, ambigus et jamais univoques, ou cette possessivité déplacée qui l’étreint parfois au coeur jusqu’à l’étouffement avant de repartir comme si de rien n’était. Rien n’est linéaire, ou clair, ou fiable ; c’est à ça qu’on les reconnaît, et ce depuis toujours, mais ça ne simplifie pas le processus d’acceptation et Irina doit se battre avec l’idée pendant quelques minutes avant de réussir à s’en dépêtrer. “Et tu t’en sors, seule ?” Les quelques mots qui quittent alors ses lèvres font tout pour relativiser la situation, se concentrer sur l’actuel, pas sur les circonstances. De toute façon, elle aurait été bien en peine de lui apporter un quelconque réconfort verbal. “A chaque fois qu’on se voit il y a quelque chose qui ne va pas. J’ai juste l’impression que rien ne s’améliore.” A ça, en revanche, elle peut compatir. “Je comprends”, glisse-t-elle en retour. “Moi, j’ai l’impression que c’est de pire en pire.” Loin d’elle l’envie de rester enfermées dans un cercle de négativité et de dépréciation, bien que cela semble alors incontournable : elle ne sait comment les hisser au-dessus, comment se tirer de la torpeur malsaine qu’elle a laissée s’engager dans sa vie pendant des semaines sans rien faire pour y remédier. En même temps, qu’aurait-elle pu y faire ? Elle n’a plus de puissance sur rien, de contrôle sur quelque aspect de sa vie : son sort n’est pas entre ses mains et trouver un brin de soleil dans l’avalanche de mauvaises nouvelles est au-dessus de ses forces. “Je suis contente de te voir, aussi.” Elle pourrait s’habituer, songe-t-elle, à la voir aussi ouverte, aussi vulnérable, si seulement ça pouvait soulager un tant soit peu son fardeau. Qu’importe les us et coutumes de leur relation sens dessus dessous, le malheur de la jeune femme ne l’amuse pas.
“Tu comptes faire quoi à propos de tout ça, maintenant ? T’as besoin de quelque chose ?”
Irina s’humecte les lèvres, réfléchit à peine à la question avant de lui répondre par un long soupir : “Je sais pas. Il n’y a rien à faire, si ?” Rien, en tout cas, sans risquer de s’incriminer davantage. Elle ignore si c’est un risque qu’elle souhaite prendre : de toute façon, et quels que soient ses agissements, la situation semble déjà toute tracée. “On m’a écartée de l’autopsie, bien sûr. Conflits d’intérêts trop gros.” Et on avait écarté la seule flic capable de l’aider, aussi. A moins qu’elle ne se soit écartée seule. “Mais ce que j’ai vu sur le corps, c’était...impossible. Plusieurs stades de décomposition, un mélange d’insectes sans cohérence biologique entre les familles. Ca ne s’est jamais vu dans la nature.” Et bien évidemment, ce n’était qu’un élément de plus pour l’incriminer : n’y avait que des entomologistes pour être suffisamment finement calés sur les insectes et pouvoir interpréter, voire reproduire, ce genre de choses. Or, ça dépassait largement son champ de compétences - et probablement celui des 3000 personnes dans le monde à exercer le même métier, du moins n’avait-elle rien trouvé de similaire en cherchant d’autres cas. “J’ai rien pour me défendre. Je n’ai rien entre mes mains pour contredire quoi qu’ils décident de me mettre sur le dos.” Et ça lui semblait hautement injuste, d’être écartée de la sorte, mais elle supposait que la parole n’était pas accordée aux concernés - juste aux riches diplômés chargés d’obtenir des résultats rentrant dans les quotas. “Votre pays, je te jure, il est pire que le mien avec la justice”, râle-t-elle en fronçant les sourcils. Son père n’aurait certainement pas été d’accord, mais elle est à des années lumière de se rappeler ses récits.
“Charlie, est-ce que je peux t’aider d’une façon ou d’une autre avec quelque chose ?” L’idée de Jessica est encore trop fraîche pour qu’elle y pense sans vouloir pleurer, se prostrer quelque part, ou courir en tout sens jusqu’à s’épuiser par incapacité d’influer sur les actions d’une quelconque manière. “Avec les jumeaux, ou quoi que ce soit.” Elle sait s’occuper d’un chien, ça ne doit pas être bien différent. Elle peut même proposer à Charlie de venir vivre avec elle, tant pis pour les ajustements, elle a de la place - bien trop pour une seule personne et un berger qui pisse partout. “T’aider, c’est la seule chose que je peux faire pour le moment. Même si ça se résume à te faire à manger et regarder des dessins animés avec toi. T’as mangé, d’ailleurs ? Moi pas, et je sais faire des choses bien avec des fonds de frigo.” |
| | | | (#)Lun 11 Mai 2020 - 16:33 | |
| Les aveux d’Irina arrachent une longue expiration à la blonde, elle qui rêverait de tant mais est à jamais clouée au sol, vouée à revivre les mêmes tourments encore et encore. Les modalités et les circonstances n’ont de cesse de changer mais le résultat en est de même et les mots de son amie sont criants de vérité : c’est de pire en pire et il n’y a rien à faire. Elles ont beau essayé de trouver des solutions, elles ne font qu’encore et toujours envenimer la situation de bien des manières. De nouveau la blonde se fait silencieuse, écoutant sagement les explications venues d’un monde dont elle ne connaît rien - un parmi tant d’autres. “Mais ce que j’ai vu sur le corps, c’était...impossible. Plusieurs stades de décomposition, un mélange d’insectes sans cohérence biologique entre les familles. Ca ne s’est jamais vu dans la nature.” Un fin sourire naît doucement sur les lèvres, pauvre imbécile qui tente de garder les apparences intactes quand justement plus rien ne va. “C’est le moment où je lance le générique de X-Files ?” Elle tente, elle tente vraiment de dévier le sujet ailleurs, d’être une bonne amie. Charlie ne pourra jamais apporter une quelconque réponse aux mille interrogations d’Irina, elle se contente donc de jouer à son niveau. La question était stupide, elle n’aurait pas dû pousser son amie à parler de cette chose aussi horrible qu’est la mort de cette inconnue. “Votre pays, je te jure, il est pire que le mien avec la justice” Elle ravale ses études de sciences politiques, elle ravale ses heures de cours et ses dizaines de milliers de travaux à rendre pour l’université. Elle ravale tout, elle passe en second plan, elle s’oublie. Seule ne compte qu’Irina, elle et le sourire timide qu’elle lui tend, amusée de sa remarque malgré tout. Charlie se raccroche aux points positifs, aux remarques qu’elle décide être drôles sans qu’elles ne le soient réellement.
Son amie lui propose de l’aide alors que Charlie n’écoute pas, un peu trop perdue dans ses yeux, un peu trop accrochée à la peau qu’elle ne cesse de caresser doucement. Elle s’était détachée d’elle pendant un temps mais la blonde a profité d’un instant de flottement pour revenir quérir ses doigts, eux qui seront à jamais bien plus rassurants que tous les mots du monde. “T’es là. C’est suffisant.” Elle ne pourra rien aider à propos des jumeaux ni de tout le reste, même si elle le voulait de tout son coeur et ce n’est pas quelque chose dont Charlie oserait douter. La machine et ses engrenages sont complexes, elle ne peut plus se permettre de laisser ses amis s’y immiscer. Surtout pas Irina. Elle tient paradoxalement bien trop à elle pour la laisser faire un seul pas de plus dans son monde décadent. “T’aider, c’est la seule chose que je peux faire pour le moment. Même si ça se résume à te faire à manger et regarder des dessins animés avec toi. T’as mangé, d’ailleurs ? Moi pas, et je sais faire des choses bien avec des fonds de frigo.” Le programme étant loin de déplaire à Charlie, elle se décide à chasser toute trace de tristesse de son visage pour seulement se concentrer sur un sourire qui sera le plus beau, le plus grand et le plus crédible possible. Elles ont utilisé tous les crédits à leur disposition pour des confessions, il est désormais temps de passer à la suite des choses comme elles le font toujours. Cette fois-ci aura seulement été un peu plus douloureuse que les autres, voilà tout.
Se relevant vivement, la blonde vient déposer un baiser à la commissure des lèvres de son amie avant de se relever dans le même élan, désireuse de ne donner aucune signification à cet échange. “J’ai les fonds de frigo parfaits pour survivre de Mac and cheese faits au micro onde pendant une vie encore.” Oui, le frigo est vide. Elle parle vite pour monopoliser l’attention et sourit bien plus que de raison pour faire croire que tout va parfaitement bien dans le meilleur des mondes. Ses bras maigres attrapent tout ce qui arrive à sa portée, que cela fasse du sens ou non. Elle accumule les assiettes, lave des couverts déjà reluisants, se sert un troisième verre d’eau. Elle n’a pas besoin d’aide, elle l’a déjà dit, elle veut désormais le prouver en aidant Irina à son tour. C’est elle l’hôte de la soirée et non pas le contraire. “Tu peux rester combien de temps ?” La question arrive au milieu du brouhaha qu’elle s’efforce à créer, demande à peine voilée de la voir ici demain soir encore, la nuit d’après ensuite si possible. Un jour, deux, trois. Elle prendra tout le temps qu’elle souhaite lui offrir, elle prendra tout ce qu’Irina aura à lui donner et ce peu importe la forme que cela prendra. “Tu peux mettre le dessin animé que tu veux, sinon. Enfin si on peut éviter les princesses ça serait cool, du coup ça réduit beaucoup et ça te laisse le choix entre … Nemo et Tarzan, je crois bien.” Parlons dessin animé, parlons télévision, parlons pluie et beau temps et faisons fi de tout le reste et de son coeur qui bat toujours bien trop rapidement quand elle est dans les parages. "Fais comme chez toi." |
| | | | (#)Sam 16 Mai 2020 - 23:50 | |
| Elles ne se sont jamais vues heureuses une fois, ni l’une ni l’autre, et ce qu’elles espéraient voir disparaître un jour s’est transformé en une espèce de rite immuable duquel elles ne savent plus s’échapper. Irina en est consciente : elle dépend de Charlie, parfois trop, souvent au point de rupture et elle n’aime pas ça. Elle n’aime dépendre de personne, parce qu’elle n’a confiance qu’en elle et que c’est censé suffire. C’est ce qu’on rabâche à tout le monde : compter sur soi, apprendre à s’aimer, devenir notre arme la plus aiguisée parce que c’est la seule sur laquelle on peut former une quelconque garantie. Elevée dans le principe du chacun pour soi, Irina avait toujours voulu obéir religieusement à ces règles dépassées et limitantes, s’était forgée une personnalité dure et impénétrable pour se parer à son plus grand ennemi : le reste du monde. Elle ne se sentait à l’aise nulle part, bien nulle part, à sa place encore moins. Antagoniser l’extérieur et en présupposer le pire était son seul moyen de lutte dans un univers qui lui tournait le dos depuis l’enfance. Le problème, c’était qu’Irina était faible. Sans un bon système de soutien, elle s’effondrait comme château de carte à la moindre bousculade et se reconstruire seule lui était impossible. C’était une mascarade vivante qu’elle incarnait à la perfection sans rien laisser filtrer. A personne, sauf à Charlie, parce que celle-ci était le seul fondement qu’elle s’autorisait à accepter, sur lequel elle se laissait aller à dépendre sous peine de totalement se briser. Ca devrait en dire long, cette dépendance, ce besoin réciproque qu’elles ont de se réfugier l’une vers l’autre au moindre problème ; mais ça n’a jamais été sujet de discussion. Elles savent. Elles savent aussi qu’elles devraient faire mieux, sans savoir comment, parce qu’elles ne peuvent pas se condamner qu’à ça - ça au moins, elles en sont sûres. Ne reste qu’à trouver où est ce mieux, justement, et comment l’atteindre. Irina l’ignore toujours. Et aujourd’hui plus que n’importe quand, elle n’a pas la force de chercher. Elle n’a plus la force de rien.
“J’ai les fonds de frigo parfaits pour survivre de Mac and cheese faits au micro onde pendant une vie encore.”
Un sourire : faiblard, certes, mais le seul qui signifie vraiment quelque chose depuis son arrivée. Elle renvoie à Charlie un regard de gratitude qui a tout de celui d’une servitude éternelle alors que celle-ci se relève du canapé et abandonne la bouteille de vin avec elle. Grosse erreur : Irina en prend quelques gorgées, encore, et se rationne pour ne pas tout finir en prévision du plus dur : maintenant que tout est sorti, il va falloir remettre le masque d’optimisme habituel. Charlie a toujours été une pro, pour ça, elle qui a du mal ne serait-ce qu’à sortir un sourire sincère en cas de joie débordante galère un peu plus. Bouteille sagement calée entre ses genoux et stabilisée avec une main, elle observe Charlie s’affairer, trouver toute excuse pour s’agiter davantage et chasser toute possibilité de se poser pour réfléchir. “Tu peux rester combien de temps ?” Elle ne répond pas, considère la question. Qu’a-t-elle d’important à faire, maintenant qu’elle n’a ni emploi ni devoir au refuge et que sa recherche de colocataire est encore sans réponse ? “Jusqu’à ce que tu ne veuilles plus de moi”, tranche-t-elle dans un soupir, parce que c’est la seule bonne réponse qu’elle trouve. Elle ajuste : “Je retourne travailler la semaine prochaine. Et j’ai des choses prévues ce week-end. Sinon, j’ai rien à faire.” Elle anticipe déjà et pense qu’au moins, elle pourra faire les courses pour elle, remplir un peu son frigo, prendre un peu soin d’elle qui a encore maigri depuis la dernière fois, puis retient ses mots, parce que Charlie ne veut pas qu’on la prenne pour une personne fragile et qu’elle ne la remettra jamais en question. “Les jumeaux reviennent quand ?” Elle ne veut empiéter sur aucun territoire, surtout.
“Je t’avais dit que je cherchais un colocataire ?”
Parler de tout et de rien semble une bien meilleure option. Elle se tire hors du canapé à son tour, vient aider Charlie en délaissant la bouteille de vin. Elle rencontre le chien sur son passage, s’occuper deux secondes en lui grattant les oreilles et en s’émerveillant de son calme vis-à-vis de celui de Caillou, puis se lave les mains et aide Charlie à préparer la nourriture. “Ces fourchettes sont propres, tu sais” commente-t-elle en désignant lesdites fourchettes du menton. “Viens manger, plutôt.” Elle emporte une assiette et pose sa main sur le bras de la jeune femme pour lui faire signe de la rejoindre. Puis elle suit le conseil, fait comme chez elle : elle cherche la chambre des yeux, tombe sur la salle de bains avant de la trouver, y prélève un plaid et revient s’asseoir pour l’étendre sur elles deux. Elle déteste ne pas manger à table, elle déteste regarder des choses en mangeant, mais elle fait l’effort parce qu’elle sait que Charlie a besoin de proximité et de silence. “Ce sera Nemo”, déclare-t-elle. Elle continuera de chercher des distractions, si besoin, jusqu’à ce que celle-ci s’endorme, tout pour recommencer le lendemain - tant pis pour les heures. Elle cherche le dessin animé puis attire Charlie près d’elle quand celui-ci commence. “Viens là”, intime-t-elle, doucement, embrassant son front avant de poser sa joue contre son crâne. Elle n’a plus faim - la proximité suffit à apaiser le reste. |
| | | | (#)Dim 31 Mai 2020 - 0:28 | |
| La réponse semble arriver ce qui est une éternité plus tard, pourtant la teneur de ses propos rassure largement la blonde. “Jusqu’à ce que tu ne veuilles plus de moi” Elle a un rire qui sonne faux non pas parce qu’elle se moque de la réponse de son amie mais bien parce qu’elles viennent de mettre un second pied en Enfer à l’instant même. Si Irina compte sur Charlie pour partir alors elle ne partira tout simplement jamais, la blonde ayant bien trop besoin / envie de la russe à ses côtés en ce moment. Sa voix devient une douce mélodie, encore plus maintenant qu’il s’agit d’ajuster les termes de leur accord passé à la va-vite. “Je retourne travailler la semaine prochaine. Et j’ai des choses prévues ce week-end. Sinon, j’ai rien à faire.” La blonde hoche de la tête en silence, occupée à préparer à manger sans que cela ne soit réellement appétissant - est ce que c’est vraiment ce qui leur importe, de toute façon ? “Ils reviennent ce week end.” Qu’elle répond distraitement à sa question à propos de la date du retour des jumeaux. L’avantage d’en avoir eu deux c’est qu’ils ne les nomment finalement pour ainsi dire jamais et ils finissent par n’être que des figures abstraites dès lors qu’elle ne les tient plus entre ses mains. Les jumeaux, oui, ils vont revenir. Pour autant c’est Irina qui est face à elle en ce moment. Irina seule.
“Je t’avais dit que je cherchais un colocataire ?” L’attention de la blonde revient en trombe, la lame d’un couteau perdu entre les fourchettes s’égare sur la peau de son pouce et l’entrouve légèrement. La blonde grimace et porte la plaie à sa bouche, stupide réflexe consistant à cacher le sang qui s’apprête à s’écouler de sa plaie, en aussi infime quantité soit-il. Ce n’est pas ce qui importe, encore une fois, et les mots de la brune résonnent dans sa tête. Charlie ne peut pas déménager mais peut être qu’Irina le pourrait. Il n’y a qu’une seule chambre en plus de celle des jumeaux mais après tout cela ne serait pas la première fois qu’elles en viendraient à dormir dans le même lit.
Sa voix s’élève de nouveau dans les airs pour la raisonner et la blonde acquiesce sans même réellement savoir ce dont il en retourne. Ses pensées sont encore bloquées dans le passé, elle qui n’a jamais eu aucun don pour lire l’âme humaine - ce qui lui porte défaut très régulièrement. Elle a peur de voir leur équilibre voler en éclat si jamais elle fait un pas en avant de manière inopiné et, à choisir, elle préfère rester dans le déni avec la brune à ses côtés plutôt que de savoir que leur relation, peu importe sa nature, ne mènera jamais à rien. Toutes ses pensées restent coincées dans son cerveau et son coeur. Ses yeux bleus se font pourtant le reflet de son âme, tristes iris qui remontent dans celles d’Irina et répondent docilement à ses propositions. Les fourchettes sont propres. Elle vient manger. Nemo ce sera.
La blonde se fait guider en sa propre maison sans ne jamais rien commenter. Elle se contente de sourire stupidement alors qu’elle imagine déjà Irina prendre ses marques et ces lieux, elle qui semble si à l’aise, elle dont la peau a toujours été aussi douce. Aucune accusation portée à son encontre ne saurait jamais entacher tout cela. “Viens là” Son lit n’a jamais paru aussi confortable et Irina n’a jamais senti aussi bon. Les paupières de la blonde se ferment naturellement quand un baser est porté sur son front et ses jambes se rétractent alors qu’elle se fait minuscule petit chose accrochée à son amie. Elle arrive à faire croire à bien des gens qu’elle a la force de mille hommes mais cette couverture a volée en éclats il y a bien longtemps déjà lorsqu’il ne s’agit plus que d’elle et Irina. Son menton apposé sur son épaule, le bout de son nez joue de la proximité avec sa nuque. “Tu pourrais être ma coloc.” Elle ose enfin, les yeux fermés, la voix d’une gamine qui ne porte pas. Heureusement que ses lèvres sont assez proches de l’oreille de son amie pour qu’un murmure suffise. “Les jumeaux font leur nuit. Tu n’auras pas à t’occuper d’eux quoi qu’il en soit.” Ils font presque leur nuit mais c’est un détail qu’il n’est pas vraiment utile à préciser, sûrement. “... Jusqu’à ce que tu ne veuilles plus de moi.” Elle reprend ses mots sans pour autant ne plus trouver ça amusant, désormais. “T’en dis quoi ?” Elle retient son souffle, gamine à jamais incertaine de ce qu’il peut bien se dérouler dans la tête des autres. Ses doigts jouent doucement des siens, le film débute et déjà son attention est ailleurs, occupée à des choses infiniment plus importantes. "Nemo est un très bon choix." Si la réponse est non alors autant déjà parler d'autre chose et ne pas recommencer à se faire plus de mal que nécessaire. |
| | | | (#)Lun 15 Juin 2020 - 22:05 | |
| “Ils reviennent ce week end.” Charlie est mère. Dans tout l’océan de changements duquel Irina doit sortir la tête, ce fait semble être le plus simple à accepter. Une altération mineure, un non-lieu presque ; sûrement parce qu’au fond, Irina n’a jamais eu à en subir le changement. Elle n’a jamais vu les jumeaux, ni n’a-t-elle vraiment fréquenté Charlie suffisamment pendant sa grossesse pour se rendre compte des changements majeurs qui couvaient. Ce soir, rien, si ce n’est les divers accessoires pour bébés qui traînent ça et là et que la jeune Russe pourrait tout aussi bien interpréter comme des jouets pour chiens ou des produits d’entretien pour adultes, lui indiquent la présence de deux nouvelles vies dans celle de son amie : loin de l’agitation emmenée par deux enfants, l’appartement conservait un calme plat d’avant-apocalypse. Irina, dans ce cocon si familier, si constant malgré les années et les changements qu’elles portaient, n’a conscience de rien, ni ne veut en avoir. Ici il n’y a qu’elles et le plus tard leur bulle serait brisée, le mieux ce serait pour tout le monde. Le générique de début de Nemo les accompagne tandis qu’elles entament leur assiette, ni très hâtives ni très concentrées. Irina laisse davantage sa fourchette traîner sur le matériau de l’assiette qu’elle ne ramasse des aliments - la faim la tenaille, mais elle n’est pas venue pour ça. Elle détaille avec un étonnement de gamine les poissons du dessin animé, les yeux tantôt intensément fixés sur leurs cibles, tantôt écarquillés comme ceux d’une gosse lors de sa première visite à un aquarium. Sa fascination pour les dessins animés dépasse de loin son prosaïsme presque offensant autour des choses artistiques de la vie, si bien qu’elle finit par s’y perdre, en dépit de toute volonté de concentrer toute son attention sur Charlie.
“Tu pourrais être ma coloc.”
Le souffle de la blonde heurte l’épiderme au creux de son cou, force Irina à sortir sa tête de l’océan fictif et à reprendre sa respiration. Elle s’ancre à nouveau dans le monde actuel, brièvement, peu convaincue par sa tentative - quand enfin les mots lui parviennent, elle fronce les sourcils. Elle ignore si la proposition est inattendue ou si elle couvait depuis longtemps, dans leur silence un peu timide, tout autant qu’elle ignore quelle réponse est attendue d’elle. Charlie n’attend pas : Les jumeaux font leur nuit. Tu n’auras pas à t’occuper d’eux quoi qu’il en soit.” Comme si tous les arguments opposés à la potentialité étaient envisagés, Charlie brode, sort les jumeaux de l’équation, balaie les points négatifs qui semblent lui paraître les plus importants. Irina, elle, ne détache toujours pas les yeux de l’écran. “... Jusqu’à ce que tu ne veuilles plus de moi.” C’est impossible, a-t-elle envie de répondre, et ça l’a toujours été ; mais rien ne sort, encore une fois. Le silence qu’elle laisse s’installer s’allonge au point que Charlie relance sur Nemo, et là encore, elle retient un oui, oui, excellent qui lui semble déplacé.
“Vraiment ?”
Un ange passe. A l’écran, Martin remplit le vide en hurlant de terreur. Sa langue passe sur ses lèvres et Irina reprend, sourcils maintenant froncés. Ca impliquerait d’abandonner sa maison à de potentielles perquisitions imprévues et de priver Caillou de son jardin et de sa tranquillité de chien solitaire. Ca la priverait elle-même de son coin d’intimité tant apprécié. Surtout, ce n’est pas sage, de tomber là-dedans, de risquer de s’attacher outre-mesure comme elle l’a autrefois fait, toujours par esprit de préservation mutuelle : elle n’a pas de temps à consacrer honnêtement et entièrement à une autre personne qu’elle-même. Elle n’aurait jamais la force de s’occuper du malheur d’autrui, alors qu’elle en avait à peine assez pour gérer le sien. Pourtant, “d’accord”, qu’elle lâche dans un murmure un peu timide, tout à fait incertain. Tant pis pour les risques, tant pis pour la peur de gâcher quelque chose qui relève d’un non-dit inhérent à leur amitié, tant pis pour les potentiels problèmes avec la police qui la menacent encore. “Mais il n’y aura pas de place pour Caillou.” C’est un constat. L’appartement est petit et connaît déjà un chien. Elle ose, timidement, sa main se remettant à parcourir les longues mèches blondes de la jeune femme. “Comment tu fais, maintenant, avec les jumeaux ?” reprend-elle, soucieuse de changer de sujet. “Tu restes ici toute la journée avec eux ?” Elle n’a jamais posé ces questions, ne s’est d’ailleurs jamais intéressée aux deux enfants - tête trop prise, manque de savoir-faire flagrant et surtout, déni poussé jusqu’à que ce ne soit plus possible. L’écueil semble atteint, si elles doivent parler d’une cohabitation. “Tu vas reprendre des études ? Trouver quelque chose ?” Elle ajoute, par acquit de conscience, soucieuse de bien faire : “Si tu veux, on cherche des gens au refuge. Et au labo, on cherche quelqu’un pour nettoyer.” Nettoyer, joli mot pour désigner la tâche ingrate de ramasser les merdes et les cadavres des insectes. Mais toute solution pour la garder près d’elle semble envisageable. |
| | | | (#)Mer 24 Juin 2020 - 12:56 | |
| C’est d’accord. C’est un oui. C’est ok. C’est acté. Elle n’a pas changé de sujet, elle n’a pas fait quoi que ce soit pour faire oublier la question initiale à Charlie. Elle n’a pas fui et ses mains se perdent dans les mèches blondes de la plus jeune laquelle sourit doucement, heureuse qu’elle ait fait ce choix là. Jamais elle n’aurait cru en venir à lui proposer un telle chose mais leur alliance est finalement devenue inévitable et, au delà de ça, vitale. Irina est sortie de sa vie à de bien trop nombreuses reprises pour qu’elle souhaite vivre ce déchirement une fois de plus. Comme toujours, Charlie ne sachant pas doser les choses et ne trouvant son bonheur seulement dans le tout noir ou le tout blanc, elle opte pour la version rose à paillettes. Dans un monde parfait où rien de mal ne lui arrive jamais, leur colocation n’est vouée qu’à parfaitement bien se dérouler et elles à être heureuses. Si seulement. “Mais il n’y aura pas de place pour Caillou.” Laissant ses propres doigts glisser sur le bras d’Irina, elle songe en gardant les yeux rivés vers le plafond. Si elles le veulent vraiment, elles finiront par trouver une solution qui conviendra à tout le monde. L’appartement est assez grand et si Caillou est calme, il pourrait trouver son bonheur ici tout comme Hope avant lui. “On peut essayer. Si ça ne marche pas, mon oncle serait heureux d’avoir Hope, je pense.” Irina compte bien plus que son chien et elle est prête à faire des sacrifices sans même se questionner à propos du pour et du contre. Ca en vaut la peine, oui. Bien sûr que ça en vaut la peine. C’est bien ça le problème, justement, quand tout en vaut la peine avec Irina et que de son côté Charlie serait prête à tout sacrifier pour quelques instants de bonheur falsifié.
Elle aurait cru que la russe allait poser ses conditions, ses demandes ses prérequis et tout un tas d’autres trucs qui font d’elles des adultes mais il n’en est finalement rien. Elle ne fait qu’appuyer sur la preuve soit disant irréfutable de l’évolution de Charlie : elle a eu des enfants. “Comment tu fais, maintenant, avec les jumeaux ?” La réponse pourrait tenir en deux mots : je fais. Elle fait avec, elle jongle, elle se débrouille. Le père est là, assez présent pour s’occuper d’eux, pas trop non plus pour qu’elle lui accorde un retour officiel dans sa vie. Il a eu son temps, sûrement, et la gamine qui se lasse d’un rien s’est aussi lassée de lui. Le fait qu’ils aient des enfants aurait dû tout changer et elle y croyait férocement mais dans les faits tout reste identique. Timothy a fait son temps tout comme beaucoup avant lui. Bien d’autres le suivront sans qu’ils ne soient encore au courant. “Mon oncle est très présent. Mes amis aussi.” Certains comme Irina se voilent la face à leur sujet et d’autres tels que Matt et Lucia font de leur possible pour être présent à chaque moment. Elle ne valorise aucune réaction face à une autre, après tout jamais elle n’osera imposer sa progéniture à qui que ce soit. Ce n’est pas parce que la russe préférerait sans doute qu’ils n’aient jamais existé que Charlie peut se risquer à moins l’aimer. “Tu restes ici toute la journée avec eux ?” Comprenant qu’elle se fait du soucis à propos d’un possible demain, la blonde relève enfin les yeux vers sa comparse et glisse son corps près du sien. Ses doigts glissent sur l’une de ses clavicules alors que son regard ne cesse d’effectuer un trajet incessant entre sa peau à peine dévoilée et ses iris envoûtantes. “Je n’ai pas arrêté de vivre quand ils sont venus au monde.” Non, je ne reste pas ici toute la journée. Non, tu n’as pas à t’en faire de rien. Oui, tout ira bien.
La blonde voudrait se risquer à plus, elle voudrait quémander un baiser voler, elle voudrait partager un peu de son intimité comme s’il n’y avait finalement rien de plus naturel entre elles. Les discussions ne lui ont jamais réussies, celles d’adultes encore moins. Irina a toujours été bien meilleure qu’elle à ce jeu là et lorsque la tête de la jeune femme retombe doucement près du cou de l’autre, le geste n’a rien d’hasardeux. “Tu vas reprendre des études ? Trouver quelque chose ?” Ses lèvres contre son cou sont préméditées tout comme l’est leur minuscule voyage d’une parcelle à une autre. Elles s’aventurent sans bruit quand c’est Irina seule qui remplit la pièce de ses questions. Charlie pourrait y répondre, si jamais elle ne s’était déjà pas elle même lassée de jouer l’adulte pendant d’aussi longues minutes. “Si tu veux, on cherche des gens au refuge. Et au labo, on cherche quelqu’un pour nettoyer.” La proposition est aussi louable, qu’acceptable et attendrissante mais elle rêve déjà de grand. Elle rêve comme les Babyloniens ; elle ignore seulement comment tout s’est terminé pour eux. Tout ce qu’elle voit n’est qu’ascension, le reste n’a pas d’importance, le reste sera vécu en temps voulu.
Ses lèvres remontent jusqu’à son lobe et se font une place près de sa mâchoire et sur sa joue avant d’ultimement venir s’échouer à la commissure de ses lèvres. Désormais posée au dessus du visage d’Irina, la blonde émet ses dernières recommandations avant de se jeter à corps perdu dans ce quelque chose qui ne fera que la rapprocher encore un peu plus de sa fin. “Juste … Ne te fais pas d’idées. Ou d’espoir. Sur quoi que ce soit.” Parce que si ce n’est pas elle qui en viendra à en avoir marre, ce sera Charlie. Tout a une date de péremption laquelle ne peut pas être devinée en avance, mais ça finit toujours par arriver. A un moment les personnes sortent de sa vie pour ne jamais y entrer de nouveau, c’est l'expérience qui le lui dit et même si elle aimerait que la brune soit l’exception à cette règle, cela semble pourtant peu probable. “T’es ici chez toi, quoi qu’il advienne.” |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 18:25 | |
| Le temps en-dehors du salon de Charlie, l'espace à l'extérieur de leur duo un peu insolite mais pourtant si uni semblent n'être que des conceptions abstraites qui ne revêtent qu'une importance tout à fait moindre, distanciées par tout ce qui les réunit pour l'instant aux yeux d'Irina, et elle fait de son mieux pour s'y plonger entièrement, ferme souvent ses paupières aussi fort que possible pour s'y enfoncer un peu plus. Elle le sait : un coup de fil sur son fixe peut arriver à n'importe quel moment chez elle et elle devrait être là pour répondre, une descente peut être effectuée à toute heure et sa porte en finira défoncée puisqu'elle n'y est pas pour l'ouvrir. Mais ce soir, et rien que ce soir, elle a besoin de répit, d'une bouffée d'oxygène qu'elle ne trouvera nulle part ailleurs que chez Charlie et tant pis si ce caprice lui coûte une porte, ou une descente au poste le lendemain, ou une maison entièrement retournée : seules ces quelques heures comptent, l'extérieur n'est qu'annexe. Et quand elle ferme les yeux, suffisamment fort pour voir des étoiles se dessiner derrière ses paupières, elle arrive enfin à y croire. Quand elle les rouvre, cette fois, ce n'est plus la réalité terrifiante de sa situation qui l'attend, mais Nemo qui est repêché par une gamine à la bouche bardée d'un énorme appareil dentaire et Irina se rappelle qu'elle avait le même et elle grimace, mais cet inconfort du passé est mille fois préférable à tout ce qui l'attend dehors, alors elle serre un peu plus Charlie contre elle et elle laisse passer le moment, se concentre sur le positif : elles vont vivre ensemble, un peu, peut-être quelques mois, jusqu’à ce que l’une des deux en ait marre. Ca peut être après-demain comme jamais, elle n’en sait rien, mais elle se contente de cette petite réassurance : tout, pourvu que le néant ne l’engloutisse pas ce soir. Elle pansera ses plaies demain.
“Je n’ai pas arrêté de vivre quand ils sont venus au monde.”
Elle a naturellement dévié la conversation en direction des jumeaux, parce qu’Irina ne connaît rien aux enfants et qu’il lui semble maintenant indubitable qu’elle va devoir les côtoyer. Elle acquiesce comme si c'était une évidence, mais c'en est tout sauf une pour la Russe. Combien d'heures par jour un bébé requiert ? Plus qu'un chien ? Plus que des insectes ? Moins ? Elle sait que les enfants sont bêtes et qu’il faut employer d’énormément de tact et d’exagérations avec eux pour se faire comprendre, mais elle ignore à quel point. Elle convient mentalement qu’elle les mettra devant Nemo, si un jour besoin est, et Irina classe la conversation dans le compartiment affaires réglées de son cerveau. Elle passe indifféremment au côté tout aussi pratique du travail, soucieuse de régler le maximum de choses en une soirée pour enfin pouvoir se décontracter. Charlie, cette fois et comme toutes les autres, ne lui répond pas : ses lèvres tracent un chemin de son oreille à la commissure de ses lèvres et la Russe étouffe un soupir de soulagement, de confort, d’envie, un peu tout confondu. Et cette fois, elle ne prend pas le temps de tout compartimenter dans son esprit : elle prend tout comme ça vient, de sa main qui se pose sur la joue de son amie à son regard inexorablement attiré par ses lèvres. “Juste … Ne te fais pas d’idées. Ou d’espoir. Sur quoi que ce soit.” Cette fois, c’est Irina qui voudrait la faire taire plus vite. Elle acquiesce juste, avec un peu trop d'enthousiasme et elle dégage quelques mèches du visage de son amie pour venir retrouver ses lèvres. Elle ne se fera pas d'idées parce qu'elle ne s'en est jamais faites. Que leur amitié n'a pas de limites, mais en conséquence, pas d'obligations non plus. Et peut-être qu'elles se retrouvent comme ça pour la toute dernière fois, et si c'est le cas, alors Irina fera avec. Parce qu'elle est sûre qu'elle en est capable le reste du temps. Elle en sera capable toute sa vie, sauf ce soir. Et tant pis si ce soir gâche tout : elle a désespérément besoin de quelque chose à quoi se raccrocher. “T’es ici chez toi, quoi qu’il advienne.” Quoi qu’il advienne, retient-elle de la phrase alors que le reste lui parvient par bribes. La condition sine qua non de leur relation : quelle que soit la déconvenue, elles s’auront toujours l’une l’autre. Irina y veille. “Toi aussi”, qu'elle souffle en retour. Et la tentation est grande de préciser que par toi aussi, elle ne veut pas dire que Charlie est toujours ici chez elle, parce que c'est évident, mais qu'elle aura toujours un foyer chez Irina, et que même si elle déménageait, parce que ça peut arriver, alors elle aura toujours une place chez elle, où que ce soit. En somme, elle aura toujours sa place près d'Irina, et force est d'admettre que toi aussi suffira. Alors elle se tait, difficilement, déglutit péniblement et laisse ses lèvres descendre de celles de sa vis-à-vis jusqu’à son cou, laisse sa main l’emporter jusqu’à sa chambre, laisse son corps diriger à la place de son esprit. Ca fait trop longtemps et elle a presque oublié comment faire, mais avec Charlie, tout lui revient toujours sans effort. Elle ne dormira pas cette nuit, les yeux fixés au plafond, mais elle ne se sera jamais sentie aussi tranquille et en sécurité. |
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