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Eva était depuis presque deux semaines chez sa sœur Lene. Contre toute attentes sans doute et si elle devait en parler à quelqu’un, personne ne la croirait sans doute. Elle avait pourtant accepté de rejoindre sa sœur quelques jours, car d’après le médecin, elle devait prendre absolument toutes les précautions dans ce contexte de pandémie. Si Lene n’avait pas la consigne ferme d’être confinée, comme tout à chacun, elle devait tout de même limiter tous ses déplacements, ne surtout pas attraper cette maladie car étant enceinte, elle était fortement à risque, d’autant plus que le terme approchait à grand pas.
Eva ne pouvait pas pour autant laisser tomber Hazel qu’elle avait accueillie depuis plus d’un mois à présent. Hazel qui, malgré son jeune âge, faisait preuve d’une grande maturité et d’une grande responsabilité. Eva ne pouvait pas nier qu’elle lui rappelait quelqu’un, elle-même, mais dans une version moins souillée, moins pourrie de l’intérieure. Car à cet âge-là, si Eva avait traversé sa crise d’adolescence en flirtant avec le feu, voulant faire preuve d’un peu de rébellion, elle n’avait pas tenue bien longtemps et une seule ligne de conduite guidait ses choix : elle était quoi qu’il arrive la meilleure et personne ne pourrait se mettre sur son chemin pour arriver à ses fins.
Afin de s’assurer que sa jeune cousine ne manquait jamais de rien, elle l’appelait régulièrement et avait prié Roman de ne jamais être très loin, mais de temps en temps, elle passait elle-même à la maison, comme pour contrôler qu’effectivement, tout se passait bien. Aujourd’hui, Eva en profiterait pour faire une pause aussi. Car même si, elle ne pouvait qu’apprécier cette trêve avec sa sœur Lene, il n’en restait pas moins compliqué pour elle d’être enfermé 24heures sur 24 dans sa maison. Lene approchant de l’accouchement, Eva était toujours sur le qui vive et elle soupçonnait aussi sa sœur d’en rajouter un peu trop quant à sa fatigue et ses demandes. Elle se garderait de lui dire d’arrêter son cinéma car Lene ne se gênerait pas à lui rappeler que du fait de sa stérilité, Eva n’avait aucune idée de ce qu’était une femme enceinte et encore moins lorsque celle-ci avait pris plus d’un kilo par mois depuis neuf mois et que son ventre prenait toute la place.
Hazel était en cours, elle n’allait sans doute pas tarder à rentrer d’ailleurs, Eva allait l’attendre, pour voir comment elle se portait, si elle non plus n’était pas trop fatiguée et surtout, elle-même devait faire très attention par ces temps étranges. La Adams se demandait si Hazel ne devait pas s’arrêter d’aller à l’école le temps que cette pandémie se stabilise, mais ce n’était pas à elle d’en décider.
Alors qu’on sonna à la porte, Eva se rapprocha de l’interphone et n’y voyait qu’une grosse boule qui ressemblait à une peluche, sans trop pouvoir en distinguer les formes. Elle fronça les sourcils et ouvrit tout de même, ayant l’impression de reconnaitre son frère de dos sur l’écran lorsqu’il avança vers la porte d’entrée. Elle se demandait bien ce que Simon pouvait faire dans le coin, c’est avec surprise et cet air interrogateur qu’elle lui ouvrit la porte. Elle pouvait alors reconnaitre le Koala…
- Salut Eva, je suis désolé je passe à l’improviste. Je voulais simplement offrir une surprise à Hazel. J’aurai aussi voulu discuter un peu avec elle si tu le permets. J’ai appris que tu lui avais proposé de venir chez toi. Puis-je entrer ?
Elle se doutait bien qu’il n’était pas pour elle le koala. « Entre. » et elle se demandait déjà comment ils allaient faire la conversation car une chose ne devait pas sortir de la bouche d’Eva : Lene est enceinte et le terme est prévu peut être aujourd’hui, demain, dans trois jours. Elle prenait alors sur elle. « Hazel ne devrait pas tarder à arriver. Je ne pourrais pas rester ensuite. Je suis ici qu’à temps partiels ces derniers jours. » elle se surprenait déjà à en dire un peu trop. « Pose ton truc par là. » elle lui montrait le canapé d’un coup rapide de la main. « Qu’est-ce que tu veux, en attendant ? Je ne vous savez pas si proche, avec Hazel... » fit elle en regardant cette énorme peluche imposante.

« J’imagine que c’est le boulot qui doit te prendre autant de temps. Je comprends et puis mon passage n’était pas vraiment à l’ordre du jour. Désolé la prochaine fois je préviendrai. Je ne voulais pas déranger. » d’après les dernières infos qu’Eva avait, Simon n’était toujours pas au courant de la situation qui l’avait poussé à quitter son appartement ces dernieres semaines. Non, Lene n’avait toujours tenu personne informé de sa grossesse et si je ne l’avais pas croisé par hasard chez notre bon vieux médecin de famille, je ne serai pas au courant moi non plus. Et étant la seule à pouvoir être présente, elle avait donc jugé bon me demander de l’aide. J’ignore encore aujourd’hui pourquoi j’avais accepté. J’ignorai bien des choses ces derniers temps.
Eva se contenta d’un haussement d’épaule non chaland en réponse, elle se moquait bien qu’il soit passé à l’improviste, surtout qu’elle avait une nouvelle habitante dans son appartement et que jusqu’à preuve du contraire, elle n’avait pas encore écrit de règlement sur qui pouvait se pointer ou non chez elle. Elle comptait sur la maturité dont faisait preuve Hazel pour qu’elle ne se mette pas à faire venir n’importe qui sous son toit. « Ce truc, c’est un koala, et ne t’inquiètes pas il est tout juste sorti de son emballage. Tu pourrais avoir un peu plus pour celui-ci même s’il n’a pas encore de nom. » elle jugea son frère lorsque celui-ci jouait de sa marionnette telle un ventriloque, il manquerait plus qu’il fasse causer l’animal et cette fois, elle le foutrait bien dehors. « Disons qu'on l'est assez pour se voir mensuellement et passer une soirée ensemble. » et c’est là qu’elle découvrait tout de son cher frère dont finalement, elle n’avait jamais su s’intéresser et ces informations ne la charmait pas plus que ça non plus. Si Simon aimait jouer au baby sitter avec sa cousine, pourquoi pas. « Puis autant se rendre utile comme on peut.. » S’il avait tant voulu se rendre utile, il aurait aussi pu proposé à sa cousine de venir chez lui. Mais ca ne devait pas sans pas coller aux attentes de cher père Adams. « Je n’ai vraiment pas envie de déranger. Donc sincèrement si cela t’embêtes je comprendrai. Je passerai prendre des nouvelles d'Hazel une autre fois.» Arrête de pleurer Simon, pensa-t-elle et son regard traduisait largement le fond de sa pensée. Maintenant qu’il était là, autant attendre sa cousine. « Euh désolé, peut-être que j’aurais bien besoin d’un petit quelque chose si tu as un peu de temps évidemment. » « Serieusement Simon, si tu veux un quoi que ce soi, dis le. Fais pas de manière. » on dirait deux inconnus et si c’était presque le cas, Eva ne supportait pas pour autant qu’il prenne des pincettes maintenant qu’il était là. « Au fait, comment ça se fait que tu t’interesse à Hazel, maintenant qu’elle est l’enfant du démon, la fille indigne que toute une famille a envie de renier, t’as changé de camps, toi aussi, ou tu lui rends visites clandestinement ? »

Eva était sous tension depuis un moment, elle retenait beaucoup, prenait sur elle. Ces derniers temps, Eva était telle une cocotte-minute et tout le monde autour d’elle pouvait s’en rendre compte. Il ne serait pas impossible qu'à son travail, on ait fait les paris pour savoir quand elle allait exploser. Lene l’avait sans doute remarqué aussi et Roman ne se posait pas plus de question que ça puisqu’il n’était jamais à la maison, toujours au domaine de ses parents. Depuis le mariage en juillet 2018, Roman et Eva ne se voyaient que très peu, elle qui pensait qu’il avait fini par accepté leur situation, elle se rendait compte que tout ça n’était qu’un fiasco depuis le début. Elle avait même trompé son mari, elle culpabilisait certes mais avait surtout l’impression de s’en vouloir car elle savait que ce n’était pas moral. Autant de question sur le sens de sa vie qui prenaient de plus en plus de place dans sa tête et qui se bousculaient tellement que les portes allaient finir par céder. Eva avait du mal à savoir ce qui était juste ou non, ce qui serait accepté ou non. Elle qui avait toujours été dans son moule, à présent, elle sentait qu’elle y était à l’étroit et avait besoin de déborder, mais comment faire ? Elle était paumée.
Ses remarques piquantes envers son frère était sans doute le résultat de ces derniers mois, où elle se demandait comment elle avait fini par en arriver là. Et s’il fallait une cible facile, c’était bien Simon. « T’es sérieusement en train de me parler de camps ? On voit le bel esprit familial qui t’anime. Bravo félicitations. Je n’ai pas attendu qu’elle soit, ENCEINTE, moi pour m’intéresser à elle. Mais si tu regardais autre chose que ton nombril, tu verrais peut-être qu’Hazel et moi on est super proche. Et que tout ne tourne pas autours de ton ventre» sauf que Eva ne connaissait pas son frère, Eva n’avait aucune idée de quoi il était réellement capable. Elle se retrouvait face à cet inconnu qui ne prenait pourtant aucune pincette à s’adresser à elle. Ce qui pouvait déstabiliser l’ainée Adams et face à la déstabilisation, elle ne tenait plus si bien le coup. « Qu’est ce qui t’empêche de l’accueillir chez toi, si vous êtes si proche ? Pourquoi est-ce que je me prends la tête à avoir une gamine qui me renvoi absolument tout ce qui ne va pas chez moi ? » qu’elle commence à s’agacer, sans réellement penser ce qu’elle dit pour autant, c’est bien avec plaisir qu’elle avait accueilli sa jeune cousine, et elle avait appris, ces quelques temps à faire sa connaissance. Mais oui, c’était difficile pour Eva de la savoir enceinte alors que c’était son rêve. Mais elle ne lui en voulait pas pour ça. La Adams pris le Koala dans ses mains et alla la plaquer contre la poitrine de Simon. « J’veux pas te voir ici. Tu prends ton truc et tu repars, si tu veux voir Hazel, invite là chez toi ! » le ton montait.

« Peut-être que si l’un de vous avez eu la décence de me prévenir également. » Le prévenir, dans quel but ? Eva n’avait sentie le besoin de prévenir personne. Parce que pour elle, cela ne regardait personne et surtout, elle n’avait envie de conflit ni avec son père, ni avec son oncle, ni son frère. Elle voulait simplement offrir à Hazel un cadre qui lui permettrait de souffler sans avoir de compte à rendre tous les jours. Et Eva savait bien que tout le monde était au courant puisque leur père ne l’avait pas appeler depuis plusieurs semaines, qu’elle n’avait plus aucun contact avec personne. Elle s’était elle-même mise à l’écart et en réalité, elle ne pourrait pas nier que ça lui avait fait du bien. Et pour revenir à Simon, pourquoi prévenir un inconnu ?  « Et voilà encore une fois on retombe encore sur ta petite personne. Tu n’es pas le centre du monde, tout ne gravite pa autours de toi. » Ca l’agaçait encore, Eva, d’entendre toujours ce même discours. Elle et sa personne, elle et son ventre, elle et son nombril. Elle bouillait de l’intérieur. S’efforçant de rester calme, mais elle ne pouvait plus se contenir trop longtemps. Priant son frère ou plutôt, forçant son frère à sortir de chez elle, avec son Koala, collé dans les bras.
« Parce que c’est encore à toi de fixer les règles ? Non je suis désolé, en fait non pas du tout, je refuse ! Il y en ras le bol que tu fasses la pluie et le beau temps sur cette famille. Ta vie est pas parfaite ? Tu m’étonnes. Incapable de bien s’entendre avec ta famille, même Tony a pris des distance.  T’es incapable de garder un mari ou des amis ? Simplement car tu ne penses qu’à toi et ton infertilité ! » Eva serrait le poing, sentant cette férocité en elle qui pouvait éclater d’un moment à l’autre. Absolument chacun des mots choisi par son frère l’atteignaient et surement, comme ces mots ne l’avaient jamais atteint. Elle s’y attendrait de la part de Lene, elle ne s’y serait jamais attendu de la part de Simon, bien qu’ils n’eussent aucune complicité. La colère, la haine, la tristesse, tout ce qu’elle refoulait depuis bien trop longtemps, tout ce qu’elle gardait en elle, enfuie, ce qui la manipulait de jour en jour, dictant ses choix, lui disant comment elle devait se tenir en public, comment elle devait se comporter, ce qu’elle avait le droit de dire, le droit de penser. Les mots qui la faisaient culpabiliser d’être ce qu’elle voulait être, culpabiliser de ne pas être ce qu’elle aurait peut être toujours voulu être.  Croyez moi que personne ne voudrait être à la place d’Eva, personne. « On comprend pourquoi Dieu t’a rendu infertile. Pauvre gosse, tu es tellement obnubilés par toi-même que tu serais bien incapable de l’élever. C'est une véritable bénédiction pour lui ton infécondité. » A moins d’un mètre de lui, que son frère puisse prononcer le mot bénédiction suivi de son infécondité, c’en était trop. La main d’Eva vient se plaquer sur la joue de son jeune femme, frappant pour lui dire que cette fois c’était fini. Les yeux de la jeune femme se brouillèrent rapidement d’un voile humide. « Si tu ne veux pas partir, je le ferai moi. » qu’il reste là, à attendre sa cousine s’il le voulait. Eva pris son sac, laissant en plan ses affaires, avec la ferme intention de ne plus jamais revenir ici. Pourquoi s'efforcer à se faire une place là où personne ne veut la voir? Là où personne ne veut lui donner une chance de plus d'être qui elle a envie d'être, qui elle voudrait être. Parce que Eva avait l'impression de n'être entourée que de personne qui se moquait d'elle, d'être à la convenance de chacun, celle qui ne pense qu'à elle, celle qui sait se montrer égoïste en tout point, des amis qui ne se confient jamais à elle, une famille qui la considère comme un pion, la Reine qui contrôlait le jeu d'echec mais qu'il fallait renverser à la seconde même où elle ne correspondait plus à ce modèle qu'elle devait suivre. Un mari qui ne la considère en rien comme une femme qu'il faut soutenir. Eva s'était retrouvé très seule depuis quelques années, perdu à chaque instant, s'efforçant de garder la tête haute et de ne rien montrer à personne. L'eau monte, le bateau coule et bientôt Eva suffoquera, elle mourra et perdra tout ce qu'elle a. Il est temps pour elle d'apprendre à nager et de changer de bord. Aller de l'autre côté, là où tout pourrait être plus beau. Si longtemps elle a penser être à la tête de sa famille, aujourd'hui, elle voulait la fuir et redonner sa place à chacun. Sa place à elle, n'était plus ici.