Jill est dans la chambre et elle tente de s'habiller. Ca fait quelques jours qu'ils se sont engueulés. Elle le vit mal Jill, elle n'aime pas quand ils ne se parlent pas. Et pourtant elle n'a pas fait le premier pas, elle n'est pas revenue vers lui alors qu'elle sait qu'il n'était pas vraiment en tort dans cette histoire. Mais elle avait aussi besoin d'évacuer. Et elle n'est pas partie, elle est revenue chaque soir même si l'ambiance était pesante. Elle est chez elle maintenant, et elle aime cette maison. Elle aime Bailey aussi, et pour rien au monde elle ne l'aurait laissé seul dans la maison sans lui donner de nouvelles. Ils ont passé ce stade là, et même si ils boudent chacun dans leur coin, ils sont là, et c'est important. Ils tiennent leurs promesses. 

Et ce matin elle est triste, elle est énervée aussi. Foutues hormones. Elle essaie de s'habiller mais elle ne rentre plus dans rien. Et oui elle a les larmes aux yeux, et oui elle descend les escaliers avec son jean pas attaché et un tee-shirt de Bailey qu'elle a piqué dans son armoire. Et dans les escaliers elle s'arrête une seconde pour poser sa main sur un bosse qui donne un peu plus de relief à son ventre. Les bébés commencent à vraiment bouger, et maintenant, même Bailey pourrait le sentir. Et quelques larmes roulent sur ses joues parce qu'elle n'a pas envie de vivre ces moments toute seule. Et surtout parce qu'elle ne peut pas s'habiller pour sortir de la maison. "Mon jean est trop petit." et là elle doit vraiment avoir l'air pathétique. Les yeux rouges, son pantalon ouvert et ses cheveux décoiffés. Vive la grossesse. "plus rien me va en fait." elle se rapproche un peu en soupirant. Elle est déjà épuisée alors qu'elle a dormi près de 12 heures cette nuit. Elle cherche quelque chose à manger dans les placards, parce que à part manger et dormir elle ne fait pas grand chose. "et ils ont bougé et tu les as pas senti."  elle pleure vraiment dans la cuisine alors qu'elle cherche quelque chose à se mettre sous la dent. Il pourrait rire là Bailey, parce que, vu de l'extérieur, la situation doit être hilarante. Peut-être que ça détendra un peu l'atmosphère.

On s’est pris la tête, mais aucun de nous n’as pris la fuite. Et déjà cela compte comme une nouvelle victoire dans notre quotidien. Même si Jill a décidé de continuer à bouder et que je n’ai pas fait l’effort de faire le premier pas. Cela n’empêche que je l’embrasse tous les matins avant de quitter la maison, que je garde ma promesse de ne pas passer mes journées entières enfermer au studio et que même si l’atmosphère est tendue à la maison, je viens tout de même me coucher à ses côtés tous les soirs. On s’est pris la tête, mais on a grandi. Enfin… On essaye, parce que chacun de nous campe sur ses positions. Je ne veux pas faire le premier pas alors qu’encore une fois, elle s’est emportée pour rien et ma têtue de femme refuse de reprendre la conversation là où elle s’était arrêté il y a de cela quelques jours. Alors, on se fait la tête, sans jamais se fuir. Et même si je déteste ce genre de situation, je suis heureux de voir que l’on semble enfin fonctionner tel un couple normal. Ce n’est pas facile tous les jours et on ne serait pas nous si on ne venait pas à s’engueuler de temps en temps. Mais on réagit comme des adultes. Enfin… Il était temps.

Ce matin, je n’ai pas d’obligation. Sebastian à décider d’aller s’occuper de son DJ débile et j’ai pas vraiment envie de me rendre au studio. J’ai quelques papiers à réglé, mais cela peut attendre dans le courant de la journée. Je devrais également recontacter Ginny pour ce deal que je lui ai proposé, mais je préfère attendre que ce soit elle qui fasse le premier pas. Les choses sont en train de changer autour de moi et je tente d’appréhender la situation le plus calmement possible. Je reviens d’une longue promenade avec Logan et me fais couler un café lorsque j’entends les pieds nus de Jill dans mon dos. Suivi d’un reniflement, puis d’un autre. Lorsque je me tourne la vision de ma femme en pleurs, son jean complètement ouvert, me tord le cœur autant qu’elle me donne envie de rire. « Mon jean est trop petit. Plus rien me va en fait. » Mes yeux se posent sur son ventre arrondis qui dépasse largement le bouton du jean. C’est fou comment en quelques jours son ventre a grossi. Elle est pleinement consciente d’être enceinte de jumeaux et les deux petits monstres se montrent enfin. Je n’ai pas le temps de dire quoique ce soit que Jill fond en larmes. « Et ils ont bougé et tu les as pas sentis. » Ça compte comme un premier pas vers moi, non ? J’en oublie immédiatement nos querelles pour aller la prendre dans mes bras. « On va aller faire les magasins pour te trouver des vêtements. » J’embrasse son front avant de plonger mon regard dans le sien. Du bout des doigts, je viens essuyer ses larmes. « Je t’ai dit dernièrement que je te trouvais magnifique ? » Un petit rire m’échappe alors que je la vois bouder telle une enfant. Je viens remettre une de ses mèches de cheveux en place. Elle m’avait manqué… Mais on sera probablement trop fier pour se le dire vraiment. Alors, je me penche en avant pour relever un peu son tee-shirt et venir poser mes lèvres sur son ventre. « Et vous deux-là, pourquoi vous faites pleurer maman ? » Tout pour la faire sourire.

Jill pourrait descendre les marches 4 à 4 si elle n'était pas aussi épuisée. Elle vient de se lever, comment c'est possible qu'elle se sente capable de dormir 12 nouvelles heures ? Peut-être qu'elle allait finir par dormir jusqu'au jour de son accouchement. Elle pourrait rester allongée dans son lit si elle était approvisionnée régulièrement en nourriture (en chips surtout). Mais allez savoir pourquoi, elle voulait sortir aujourd'hui. Elle voulait aller travailler au DBD, elle voulait voir son frère et voir ses collègues. Mais son ventre en a décidé autrement. Depuis quelques semaines, c'est comme si elle prenait une taille par jour. Les bébés grandissent à vitesse grand V et ça en serait presque terrifiant. Et le pire, c'est qu'elle avait encore plusieurs mois à tenir. Et le deuxième coup dur, c'est que les jumeaux ont bougé, et Bailey n'était pas à ses côtés à ce moment là. Et ça, à ce moment là, c'est la fin du monde pour la brune. Les hormones finiront par avoir sa peau. 

Elle fond en larme alors que rien de grave ne se passe. Et Bailey la prend dans ses bras. Elle le serre aussi, il lui a manqué. Elle pourrait ne pas le lâcher pendant des heures là si ce n'était pas lui qui s'était éloigné pour la regarder dans les yeux. "Mais je suis fatiguée…" elle n'a absolument pas la force de faire les magasins. Et elle trouve ça encore plus déprimant. Elle renifle une nouvelle fois quand Bailey vient essayer d'essuyer les larmes qui continue de couler de temps à autre. "Je suis en train de pleurer, je suis pas coiffée, et les seuls vêtements qui me vont c'est les tiens. Magnifique ouais." elle baisse les yeux sur le tee-shirt qui remonte même un peu sur son ventre. "Et je déteste ces foutues hormones." la voilà en colère maintenant. Est ce qu'elle allait pouvoir supporter ca encore longtemps ? Est ce que Bailey allait réussir à la supporter encore plusieurs mois ? Elle sourit quand il vient poser ses lèvres sur son ventre et elle laisse glisser ses mains dans ses cheveux. Et elle rit en l'entendant parler. "Tes enfants sont pas faciles à gérer." elle hoche la tête en attrapant la main de Bailey pour la poser sur la bosse qui revient. "Tu les sens là ?" elle pose une main de chaque côté de son visage pour le faire remonter à sa hauteur. Et elle passe ses bras autour de son cou. "Je veux un câlin." Ok elle ressemble vraiment à une enfant de 5 ans à réclamer des câlins au milieu de la cuisine. "Je veux de la glace aussi, de la glace et des chips" le mélange doit être affreux, mais ce n'est pas comme si c'était la première fois qu'elle demandait des mélanges bizarres. "Même sur la nourriture ils sont pas d'accord les monstres."

« Mais je suis fatiguée… » qu’elle me dit telle une enfant de cinq ans. Encore deux minutes et elle va taper des pieds ou me faire une petite moue boudeuse, j’en suis certains. Je pourrais en rire, mais en réalité cela commence un peu à m’inquiéter qu’elle soit constamment fatiguée alors qu’elle dort beaucoup depuis le début de sa grossesse. Si le médecin avait annoncé que c’était tout à fait normal pour le premier trimestre, il n’avait pas franchement parlé de la suite. « T’es souvent fatigué… » Et ce n’est pas un reproche, loin de là. Juste un conjoint et un futur papa qui s’inquiète bien trop parfois. Je n’ai pas bien le temps de l’interroger sur sa santé physique que Jill se remet à bouder telle une enfant. Au moins, cela a pour effet, de complètement me faire oublier notre dispute et la distance qui s’était imposé entre nous. Je ne peux pas tout simplement la laisser bouder alors qu’elle est en train de pleurer sans trop savoir pourquoi. « Je suis en train de pleurer, je suis pas coiffée, et les seuls vêtements qui me vont, c'est les tiens. Magnifique ouais. Et je déteste ces foutues hormones. » Et c’est plus fort que moi, un rire m’échappe. Je retiens ma respiration quelques secondes craignant que cela fasse redoubler les pleurs, mais elle continue à fixer son ventre qui dépasse du tee-shirt. « Babe… » Je viens caresser sa joue tendrement. « Moi, je l’aime beaucoup ton bidou. » Et il n’y aucun mensonge là-dedans, bien au contraire. Je le trouve magnifique avec ses rondeurs de femme enceinte. Et je ne manque pas de venir embrasser son ventre alors qu’elle se plaint des jumeaux. « Tes enfants sont pas faciles à gérer. » Une nouvelle fois, j’explose de rire. « Ah donc quand ils sont chiant c’est directement MES enfants ? » C’est bon à savoir au moins. Et alors que j’allais retourner dans la cuisine pour lui proposer un petit déjeuner, Jill m’attrape les mains pour les poser sur son ventre. Elle dirige ma main à un endroit précis et soudainement, je sens un coup. Un tout petit coup, mais un coup quand même. C’est la première fois et je reste complètement figé sur place. Je suis tellement surpris que je crois que c’est moi qui finis par avoir les larmes aux yeux. « Hey bébé… » Je reçois un nouveau petit coup et mon regard finis par croiser celui de Jill. Je viens l’embrasser tendrement alors que ma main ne bouge pas de son ventre arrondi. « Ça fait bizarre. » que je concède en souriant un peu. Je prends Jill dans mes bras et prends le temps de lui offrir ce câlin qu’elle réclame en silence depuis des jours. « Je t’aime. » Parce qu’il fallait le dire après tout ce qui a bien pu se passer.

« Je veux de la glace aussi, de la glace et des chips. Même sur la nourriture, ils sont pas d'accord les monstres. » Et elle a le don de changer de sujet Jill. De me donner la nausée aussi. « On va peut-être éviter la glace à 8h du matin babe. » Je sais qu’elle ne contrôle pas vraiment ce qui lui fait envie sur l’instant, mais le médecin avait bien dit qu’elle devait faire attention à ce qu’elle mange. « J’allais faire des œufs avec des fruits un peu. Ou tu veux des crêpes ? » Je ne compte pas aller bosser alors j’ai le temps de lui préparer tout ce qui lui fait envie. Je prends une gorgée de ma tasse de café en lui laissant le temps de réfléchir à ce qu’elle veut. Je crois qu’elle va changer d’avis toutes les deux minutes alors je me prépare à toutes les éventualités. « Et si tu veux, je peux aller te chercher quelques vêtements. Si tu préfères te reposer. » Je commence à sortir quelques ingrédients. « Puis j’aimerais bien qu’on prenne rendez-vous avec ton médecin, c’est pas vraiment normal que tu sois fatigué tout le temps comme ça. »

Jill n'est pas vraiment dans son assiette ce matin. Elle est encore étonnée de à quel point son humeur peut rapidement changer. Alors elle fait un pas vers Bailey, elle va vers lui en première parce qu'elle sait qu'il n'avait pas totalement tort. Elle sait qu'elle a réagit trop fort avec sa sœur, mais elle est comme ça Jill. Et ce n'est pas à 30 ans qu'elle va changer du tout au tout. Et il est là aussi Bailey, et elle pourrait se demander pourquoi il n'est pas déjà parti au travail, pourquoi il reste alors qu'il est certainement déjà en retard. "Le médecin a dit que c'était normal." mais elle est vraiment tout le temps épuisée. Et c'est peut-être parce qu'elle continue de travailler au DBD quand elle en a l'occasion. Parce qu'il y a des journées qu'elle passe à bouger dans tous les sens comme si rien n'était en train de grandir dans son ventre. Il rit et elle ne lui en veut même pas. Elle pouffe un peu de rire en réalisant ce qu'elle raconte, et en se rendant compte de comment elle parle et comment elle réagit. "Je suis ridicule"  et elle secoue la tête alors que les mains de Bailey se baladent sur son ventre. 

"Exactement. À partir de maintenant, dès qu'ils sont insupportables c'est uniquement les tiens." Elle hoche la tête en se concentrant sur les mouvements qu'elle sent déjà dans son ventre. Des mouvements que Bailey peut sentir lui aussi maintenant. Il est surpris, il parle à son ventre et ça ne lui paraît même plus bizarre maintenant. Ils sont là, vraiment là en train de grandir et de se faire une place sous son nombril et dans leurs vies. "Et toi y'a que ta main qu'ils frappent. Imagine moi, quand je les sens remuer à l'intérieur." Elle sourit. Elle a arrêté de pleurer et elle respire un peu mieux. Elle avait juste besoin de retrouver son mari, de retrouver cette proximité et cette complicité qui lui manquait tant. Elle s'accroche à son cou et il lui dit qu'il l'aime. Il va réussir à la faire pleurer de nouveau si il continue comme ça. "J'aime pas quand on se fait la gueule comme ça" autrement dis, il lui a manqué, mais ça, il le sait déjà. 

Elle a faim, encore. Et elle veut faire des mélanges improbables, ça ne l'étonne même plus maintenant. De la glace et des chips au petit-déjeuner, très équilibré comme repas. Elle grogne en jetant sa tête en arrière quand il lui dit que ce n'est pas une bonne idée. Contrarier une femme enceinte n'en est pas une non plus apparemment. Elle fronce les sourcils, mais il propose d'autres choses à manger et ses yeux s'arrondissent. "Des crêpes !"  elle hoche encore la tête en tournant la tête. "Faut en faire des salés et des sucrés alors !" elle pose un baisé sur ses lèvres avant de s'asseoir sur le comptoir. "Nooooooon reste là" elle attrape sa main et le tire vers elle de nouveau. Jill enceinte est un vrai pot de colle. Et elle fronce les sourcils en voyant l'heure. "Mais tu vas pas travailler ?" s'il te plaît dis non. Elle capte son regard, il s'inquiète Bailey, il s'inquiète toujours, presque plus qu'elle.     "Ils ont dit que c'était normal. Et on a rendez-vous pour découvrir le sexe dans quelques semaines je te rappelle." c'est encore un rendez-vous important, et elle sera sûrement angoissée Jill."et je crois que je vais aller te voler un jogging parce que ce jean ne fermera pas."  

« Je suis ridicule. » Et c'est moi qui secoue la tête cette fois-ci. Je vois bien que toutes ces hormones la travaillent. Je vois bien qu'elle n'a de cesse de ressasser notre dispute et celle de sa sœur, mais également toutes les questions sur notre futur de parents. Elle rumine et elle voudrait ne jamais cesser d'être active alors elle se fatigue Jill. « Tu es pas ridicule. » dis-je en souriant. « Juste... Très enceinte ? » Et peut-être aussi que les hormones et le traitement qu'elle prend ne font pas vraiment bon ménage, mais les crises sont presque absentes, et même si elle râle à chaque fois, on finit toujours par aller au rendez-vous prescrit par son médecin. Alors même sous l'emprise des hormones, elle reste celle que j'aime. Et plus le temps passe, plus on découvre ce que c'est une vie normale.

« Exactement. À partir de maintenant, dès qu'ils sont insupportables, c'est uniquement les tiens. » Autrement dit, lorsqu'ils seront nés et que ce sera la crise de larmes, subitement, ils seront mes enfants et pas les siens. Je sens que je vais souvent l'entendre cette réplique-là. Je n'ai pas vraiment le temps de répliquer, parce que les petits se manifestent et pour la première fois, je sens un de leurs coups. C'est une sensation vraiment bizarre. Un mélange de joie et d'appréhension. Ils sont bel et bien là et ils le font savoir maintenant. C'était déjà devenu bien plus concret après l'échographie et en voyant le ventre de Jill s'arrondir, mais ce petit coup, c'est une étape supplémentaire. Un frisson d'émotions qui me laisse clouer sur place. J'apprécie le moment pleinement. Jusqu'à la remarque de Jill qui me fait rire aux éclats. En quelques secondes, elle est devenue grognon, avant de réclamer un câlin et de se coller à moi comme si j'allais disparaître. « J'aime pas quand on se fait la gueule comme ça. » Un sourire se dessine sur mes lèvres alors que je la serre un peu plus contre moi. « Personne n'est parti... Je compte ça comme un progrès. » Certes, l'ambiance à la maison n'était pas la meilleure, mais au moins, on est resté ensemble sans envenimer la chose.

En deux secondes, une fois encore, l'humeur de la brunette change du tout au tout. Désormais, elle a faim et de la pire chose qui soit pour un petit-déjeuner. Je ne peux retenir la grimace de dégoût qui s'en vient tout en tentant de lui proposer une alternative. On frôle la catastrophe et à tout instant, je m'attends à la voir repartir en pleurant, mais la seconde d'après un immense sourire se dessine sur mes lèvres. Et dire que je vais devoir suivre ce looping pour encore six mois. « On dirait Noah là. » que je lui avoue alors qu'elle sautille sur place et tente tant bien que mal de monter sur le comptoir. Elle adore faire ça, mais autant dire que son ventre ne lui permet plus la même aisance et je me mords la lèvre pour ne pas rire alors qu'elle finit par se caler comme elle le souhaitait. « Mais tu vas pas travailler ? » - « Non. » J'ai pas franchement envie de voir mon frère et rien ne requiert ma présence au studio aujourd'hui, alors autant resté à la maison. « Je me mettrais dans mon bureau une heure ou deux pour régler un truc, mais je reste à la maison. » Et je sais qu'elle va finir par s'assoupir à un moment dans l'après-midi alors j'aurais le temps de travailler à ce moment-là.

Elle ne veut pas me lâcher, Jill, elle garde ses bras autour de mon cou et son air de gamine boudeuse. « Tu sais que si tu veux manger va falloir me lâcher. » que je lui dis en riant avant de venir embrasser ses lèvres. Elle boude, bien sûr qu'elle boude, mais elle relâche son étreinte et je commence à m'activer pour lui préparer son petit-déjeuner. Crêpes, ce sera. Heureusement que Noah adore ça et que j'ai pu m'entraîner en faire pendant des années. Je sors les œufs, le lait et la farine alors que Jill se remet à râler sur son jean et part en direction de la chambre. Lorsqu'elle revient avec un jogging à moi qui semble presque trop petit pour elle, je me retiens de rire. Je suis plus grand qu'elle, mais pas forcément trop épais, elle n’a pas assez de place pour caler son ventre. « T'es sûr que tu veux pas que j'aille t'acheter quelques fringues ? » J'aime vivre dangereusement, il faut croire. Je me concentre sur ma préparation et tente de lui changer les idées. « Tu veux qu'on pari? » Je sors une casserole et commence à verser la pâte dedans. « Si on va avoir des filles ou des garçons? » J'ai envie de jouer un peu.

Jill ne sait pas si ce sont les hormones ou les bébés qui la fatigue le plus. Mais tout ça, ça fait trop de choses d'un coup. Alors oui elle de met à pleurer pour un rien dans la cuisine, et elle se trouve ridicule au milieu de cette cuisine. Elle baisse la tête sur son ventre alors que Bailey est toujours proche d'elle parce qu'elle n'a pas encore décidé de le décoller. "Je sais pas comment je vais tenir si ils continuent de grandir aussi vite."  elle souffle, c'est certainement ça qui l'épuise aussi. 

Jill continue de parler mais elle reste accrochée au cou de son mari. Il lui a manqué, beaucoup trop. Alors elle en profite tant qu'ils sont tous les deux réconciliés. "Tu crois qu'on arrive à être des adultes des fois ?"  elle se recule un peu en le regardant, faussement étonnée avant de rire tout contre son cou. "Par contre interdiction de devenir des vieux cons insupportables" elle hoche la tête avant d'essayer de s'asseoir sur le comptoir. Elle y arrive après plusieurs tentatives, et elle remarque que Bailey se retient un peu de rire. "Pas le droit de te moquer."  ca sonnerait presque comme une menace. "On est peut-être la même personne" elle aime qu'on la compare à son neveu. Mais elle espère bien qu'il ne lui ressemble pas totalement. Quand il dit qu'il ne travaillera pas son sourire s'agrandit, ils vont pouvoir passer la journée tous les deux et elle est ravie. "Je te laisserai tranquille pendant 2h promis." ou peut-être pas, mais pour l'instant elle se dit surtout qu'elle va finir par s'endormir et faire une sieste comme souvent dans l'après-midi. 

Quand il lui dit qu'elle doit le lâcher pour manger, elle enlève rapidement ses mains de son cou. "Ok"   et elle attend qu'il tourne dans la cuisine pour trouver tout ce dont il a besoin. Elle monte se changer, et, bientôt, elle ne rentrera même plus dans les affaires de Bailey. Elle retourne dans la cuisine, bien plus à l'aise que quelques minutes auparavant. "On pourrait en acheter sur internet, j'ai pas envie qu'on sorte aujourd'hui." elle ressort sa moue boudeuse, celle qui le fait craquer à chaque fois. Elle passe dans son dos avant de déposer des baisé dans son cou, sur ses épaules… avant de se rasseoir à côté de lui.  "autant profiter de ta journée de congé" un clin d'oeil avant de voler un morceau de fromage posé à côté du frigo, elle trouve un verre de jus de fruit aussi, et bien évidemment, il faut qu'elle le renverse partout sur son tee-shirt. Elle grogne en nettoyant ses mains, et elle n'a pas vraiment envie de monter les escaliers de nouveau. "Tu me donnes le tien ?" ses yeux papillonnent alors qu'elle met le tee-shirt dans la machine à laver. Elle s'arrête quand elle entend le mot pari, il sait comment capter son attention. Elle attend la suite. "Je pari sur 2 garçons." et elle attend son avis. "On pari quoi ?"

« Je sais pas comment je vais tenir s'ils continuent de grandir aussi vite. » « Tout va bien se passer. » que je tente de la rassurer même si je ne suis sûr de rien. C’est vrai que son ventre à doubler de volume en l’espace de quelques semaines et je vois bien qu’elle se plaint un peu plus souvent alors que ça n’a jamais été son genre. Elle a fait la moitié du chemin et je suis persuadé que les choses vont commencer à se calmer même si désormais elle sent les petits s’agiter. « Il faut que tu te reposes. » Mais ça c’est pas gagner quand la future maman s’appelle Jill McGrath.

« Tu crois qu'on arrive à être des adultes des fois ? » Je hoche la tête doucement. « Il faut croire. » Et mes lèvres retrouvent les siennes un instant. Elle plaisante, mais pour moi cela compte comme un véritable progrès dans notre relation. « Par contre interdiction de devenir des vieux cons insupportables. » Cette fois, je ne peux retenir un éclat de rire. Jill dans toute sa splendeur. « D’une on est pas vieux. » Je refuse de penser à mon anniversaire qui approche bien trop dangereusement à mon goût. « Et de deux, on a toujours été un peu con, alors ça équilibre non ? » Parce que pendant des années, on s’est fait du mal en étant parfaitement conscient de la situation. Ça compte comme être con, non ? Mais on avance, on évolue et c’est le plus important. « On sera juste des parents insupportables. » Parce que je compte bien pourrir mes enfants de câlins et de bisous même lorsqu’ils seront trop grand pour cela. Et je serais le père un peu chiant qui veux être le copain de ses gosses, celui qui se mêle un peu trop de tout. Être celui que je me suis jamais réellement autorisé d’être avec Noah.

Jill finis par me libérer pour que je commence à lui préparer son petit-déjeuner. « On pourrait en acheter sur internet, j'ai pas envie qu'on sorte aujourd'hui. » « Alors on reste à la maison. » Je veux pas la contrarier et encore moins la traîné de force dans les magasins. Elle trouvera bien quelques trucs sur Internet avant de trouver le courage d’aller faire les boutiques. En attendant, j’ai une belle collection de jogging qu’elle peut toujours emprunter le temps qu’elle reste à la maison. Et alors, que je finis de préparer la pâte et sors les différentes casseroles, Jill viens piquer dans les ingrédients. J’ai à peine fini la première crêpe qu’elle renverse un verre de jus de fruit sur son haut. « Tu me donnes le tien ? » Au vu de son regard, je ferais mieux de ne pas dire non. Je soupire et me recule pour retirer mon tee-shirt et lui donner. « Donc je reste à poil, c’est ça ? » Vu comme ses hormones sont en ébullition en ce moment, je m’attends à tout venant de sa part. Je reprends malgré toute la préparation de notre déjeuner. « Tu peux commencer à manger. » Je sais qu’on n'atteindra jamais la table alors autant improviser un pique-nique directement dans la cuisine. « Je parie sur 2 garçons. » « Je dis une fille et un garçon. » Je ne sais pas pourquoi, mais depuis le jour où l’on a appris attendre des jumeaux, je m’imagine avec une fille et un garçon. « Je sais pas, je disais juste ça comme ça, pour voir ce que tu pensais. » Je hausse les épaules et retourne une nouvelle crêpe. « Mais on peut parier un truc si tu veux. »

Au final, Jill s’est enfilé plus de la moitié des crêpes à elle toute seule et j’ai eu le droit à quelques bouts par-ci, par-là. « T’es devenue un ogre. » que je plaisante alors que je commence à faire la vaisselle détestant lorsque quelque chose traîne dans la cuisine. « Tu veux faire quoi aujourd’hui alors ? »

Jill se remet doucement de ses émotions, elle a arrêté de pleurer et elle reste accroché à Bailey tant qu'il reste dans la maison. "Je sais, mais c'est difficile de pas bouger de la journée." elle est du genre hyper active Jill, mais elle le sait qu'elle se fatigue facilement maintenant. Rien que descendre et remonter les escaliers devient un effort considérable. 

Et l'ambiance est légère de nouveau, alors elle en profite tant que ses hormones ne prennent pas le dessus. Jill rit dans son cou alors qu'elle dit qu'ils arrivent à devenir des adultes. Et l'humour est de retour, elle est là la complicité, la relation qu'elle aime tant depuis toujours. "Mmmmmh t'es plus si jeune que ça papi" et elle rit de plus belle, elle le sait qu'il essaie d'oublier l'anniversaire qui l'attend dans quelques jours. Alors que Jill bosse sur ses idées de cadeaux depuis des semaines déjà. Mais ça, il n'en sait rien. "Ok ca équilibre" Et elle hoche la tête, c'est vrai qu'ils ont toujours été un peu con. "On la joue good cop bad cop ?" c'est des discussions qu'ils vont devoir aborder. L'éducation, les prénoms, et tout un tas de trucs qu'ils essaient encore de repousser un peu. 

Elle lui demande de rester à la maison, et est ravie qu'il accepte. Ils vont pouvoir traîner une bonne partie de la journée entre la cuisine et le salon. Bien évidemment, il faut qu'elle renverse du jus de fruit partout sur son tee-shirt, enfin, le tee-shirt qu'elle a volé à Bailey. Et elle en profite pour voler celui qu'il a sur lui, il ne lui refuse rien et de nouveau ça l'amuse beaucoup. "Soit c'est toi soit c'est moi." c'est vrai qu'elle aurait pu se balader comme ça toute la journée "T'es bien mieux sans tee shirt en plus." elle sourit, un air taquin sur le visage. Elle doit calmer ses hormones. Elle n'attend pas son approbation pour pour attraper une crêpe. Et puis une autre. Et un nouveau bout de fromage, et tout ce qui lui passe sous la main en réalité. "On pourrait dire que…. Celui qui perd fait à manger pendant une semaine… ou non attends… celui qui perd donne sa liste de prénom en premier quand on décide de les dévoiler ?"  ses yeux s'arrondissent en attendant son avis. 

"Eh pas de jugement, on est trois là dedans je te rappelle."  elle montre son corps en entier alors qu'elle descend du comptoir. "Faut que je te dise quelque chose."  avant de décider quoi que ce soit elle doit lui parler de son entrevue avec Sébastian. Elle ne peut pas cacher ça à Bailey.  "J'ai vu Sebastian, il sait que je suis enceinte."

« Mmmmmh t'es plus si jeune que ça papi » « Eh tu l’as épousé le papi ! » Et que l’on note cela quelque part, je plaisante sur mon âge. C’est assez rare. Je ne suis pas du genre névrosé à attendre avec panique le cap fatidique des quarante ans. Dans le fond, je m’en fiche un peu, mais parfois, je regarde Jill et je me dis que l’on a six ans d’écart et que c’est peut-être un peu trop. J’en sais rien. Je fabule dans mon coin, c’est mon côté anxieux qui ressort parfois. Mais quand je l’entends me taquiner comme cela, je sais qu’en réalité rien de tout cela n’es un problème. Cela en est encore moins un, lorsqu’elle s’imagine mère à mes côtés. On ne parle jamais vraiment de la suite, on a abordé vaguement le sujet de l’accouchement et de l’après direct, mais jamais encore on, c’est poser pour parler éducation. Celle de nos parents ne nous convient pas, mais il est où le juste milieu dans tout cela ? Et déjà les termes qu’elle emploi me font grimacer même si l’expression est connue et que je ne devrais pas réellement m’en soucier. « Y aura pas de bon et de méchant. » Je ne veux pas de ça. Toute mon enfant, j’ai été terrorisé par mon père, alors que ma mère m’adorait et je ne veux pas de cela pour nos enfants. « Enfin… Si pour eux, y aura forcément un moment où je serais le piiiiiire père du monde, parce que j’ai dit non pour un truc alors que toi t’avais dit oui avant et tout ça. » Et je m’emballe encore, je crois, mais c’est important dans le fond. « Mais je… Je veux pas que mes enfants aient peur de moi. » Et ça je ne l’avais encore jamais exprimé aussi clairement alors que c’est quelque chose qui me tient bien trop souvent éveiller la nuit depuis que le test à tourner au positif.

Heureusement, Jill ne tient pas en place et déjà elle s’agite pour me changer les idées, pour ne pas me laisser sombrer avec mes pensées. Je m’affaire tout aussi rapidement qu’elle pour lui servir son déjeuner avant que sous une impulsion hormonale elle en vienne à me mordre le bras. Il y a un incident de tee-shirt, un échange incongru dans la cuisine et je finis par être bien trop dévêtu alors que ma femme me dévisage comme si j’étais soudainement devenu un bout de viande frétillant. « T'es bien mieux sans tee shirt en plus. » Le message est passé et un rire m’échappe avant que je vienne l’embrasser. « Ça va, tu veux bien me garder encore un peu ? » Je n’ai jamais été du genre à avoir un corps d’athlète, j’ai toujours été mince et je m’entretiens en courant de temps en temps, mais rien de bien plus. Et pourtant, je fais le malin en tentant de rentrer le bide et de montrer mes abdos. Avant qu’un peu d’huile ne jaillisse de la casserole et vient me brûler l’avant-bras. « Merde. »

On parie sur le sexe de nos enfants comme s’il s’agissait d’un match de foot et Jill évoque une fois encore la fameuse liste des prénoms. « Okay va pour la liste des prénoms. » Je sais qu’elle a vraiment envie que l’on parle de tout cela, mais on, c’était juré d’attendre de savoir. « Tu vas adorer ceux que j’ai trouvés. » Bien entendu, que je la taquine alors qu’elle continue de s’enfiler les crêpes au fur et à mesure que je les enchaîne. J’ai le temps d’attraper quelques miettes au passage et ma femme me sort sa nouvelle excuse préférée : elle porte la vie, elle a le droit de vider notre frigo. Je lui accorde ce point et viens embrasser son épaule.

J’étais en train de ranger les ustensiles lorsqu’elle se prononce de manière bien trop solennelle. « Faut que je te dise quelque chose. » J’ai peur. « J'ai vu Sebastian, il sait que je suis enceinte. » J’en lâche la spatule que j’avais à la main. Sebastian est au courant. Et dire que cette journée commençait si bien. Déjà, mille et un scénario se jouent en arrière-plan de mon esprit. Il est au courant et forcément qu’il va le dire à notre père. Et forcément qu’il va s’en servir contre moi, contre nous, pour nous atteindre. Il est au courant alors que je refusais qu’il le soit. « Il va tout gâcher. » Je ne pense qu’à cela et je m’éloigne un peu de Jill. Je ne voulais pas. On allait bien, on avait fini de se faire la tête pour un rien. « Il a dit quoi ? » Et tout s’accélère de nouveau. « Tu lui as dit quoi ? » Je remarque son alliance à sa main. Il est au courant de ça aussi alors. Il est au courant de tout. Et je n’avais pas vraiment prévu ça, je vivais dans notre bulle, je voulais rester comme cela. Et la machine s’emballe.

”Uniquement pour l’argent.” Elle joue et elle rit, pour une fois il plaisante sur son âge alors autant en profiter. Il le sait qu’elle rigole, et qu’elle l’a juste épousé parce qu’elle l’aime. Et ils parlent d’éducation, il va falloir qu’ils en parlent sérieusement un jour. Mais ils ont du temps pas vrai ? Ils ont encore un peu de temps avant de penser à tout ça. Ils le feront après la prochaine échographie, quand il connaitront les sexes des bébés. C’est là que ça va devenir vraiment réel. Là que Jill va certainement se rendre compte que dans quelques mois ils seront 4. Elle utilise une expression connue et Bailey est presque en train de paniquer à l’idée de devenir comme son père. “De toute façon, si il devait y avoir un bad cop, je suis sûre que ce serait moi.” Parce qu’elle imagine déjà Bailey être le papa poule qui dit oui à absolument tout. Mais elle rit, elle reste sur le ton de la taquinerie, peut-être qu’elle ne se sent pas encore prête pour aborder le sujet. “Y’a aucune raison qu’il aient peur de toi. Tu vas être un bon père j’en suis sûre.” Elle le dit et elle le répète, mais elle ne doute absolument pas de lui. Elle doute uniquement d’elle.

En quelques minutes Jill a mis son tee-shirt à laver et a eu l’occasion de voler celui que Bailey portait. “Ouais ça va t’es plutôt bien conservé je peux te garder encore un peu.” Elle lui fait un clin d’oeil en continuant de grignoter tout ce qui lui passe sous la main. De l’huile brûlante arrive sur l’avant-bras de Bailey et Jill fronce les sourcils avant de le tirer vers le lavabo pour faire couler de l’eau froide sur la brûlure. “Cette cuisine ne veut pas notre bien ce matin.” Et elle pouffe de rire en cherchant de la crème dans les placards. Et ils parient, celui qui perd devra donner sa liste de prénom en premier. “Tu m’as l’air bien confiant” Elle en a trouvé quelques uns elle aussi, sans trop y réfléchir. Elle a des noms de garçon et des noms de fille. Peu, mais elle a fait l’effort de chercher.

Il nettoie les ustensiles alors que Jill n’a même pas pu passer la crème sur son bras. Et elle parle de Sébastian, parce qu’elle doit lui dire qu’elle l’a vu. Elle ne peut pas lui cacher ce genre de choses. Ils doivent avoir confiance l’un en l’autre même si elle sait que le sujet de son frère est délicat. Il lâche la spatule qu’il tenait entre ses mains et s’éloigne un peu plus. C’est dans ses moments là où elle se dit qu’elle aurait dû garder ça pour elle. Elle l’attrape par la main pour l’emmener vers le canapé et s’empresse de passer la pommade sur son bras déjà bien trop rouge à son goût. “Il gâchera rien du tout ou il aura à faire à moi.” Il ne sera pas odieux, il l’a dit. Et elle le croit. “Il savait qu’on était marié, et il m’a félicité pour la grossesse.” Est ce qu’elle doit parler du fait qu’il veut être le parrain d’un des bébés ? Peut-être pas. Pas tout de suite en tout cas. Elle le voit dans ses yeux qu’il ne contrôle plus ce qu’il se passe dans sa tête. Et sa dernière question la désarçonne un peu. Elle se braque, comme si elle avait pu dire quelque chose contre eux, alors qu’elle essaie toujours d’apaiser les tensions entre eux, et ça, c’est étonnant venant de Jill. “Qu’est ce que tu veux que je lui dise ?” Elle fronce les sourcils, à 5 mois de grossesse elle ne pouvait pas lui faire croire qu’elle avait un peu trop mangé. Elle n’a même pas eu besoin de lui dire d’ailleurs, il a deviné tout seul. “Je lui ai dit que c’était des jumeaux.” Elle la résume vite la longue conversation qu’ils ont eu à l’aquarium, mais ils parlent des bébés là, et les bébés ne risquent rien. Sébastian tient trop à sa famille et à son nom pour les détruire eux.

« De toute façon, s’il devait y avoir un bad cop, je suis sûre que ce serait moi. » Je secoue la tête n’étant absolument pas d’accord avec ce qu’elle avance. « Personne ne sera le bad cop. » Enfin… Pas de manière continue. On le sera forcément à un moment, je veux dire quel adolescent n’a jamais haï ses parents ? Mais personne ne sera le bad cop constamment, pas dans ma famille, je le refuse. « Y’a aucune raison qu’ils aient peur de toi. Tu vas être un bon père, j’en suis sûre. » Et elle touche un point encore sensible Jill. « J’en doute encore, parfois. » Je me vois père. Je l’imagine plus autrement désormais qu’ils sont bien là tous les deux, qu’ils commencent à se montrer et à bouger, mais parfois, il reste encore des doutes. Parfois, je me demande si je serais réellement à la hauteur. Parfois, j’ai bien trop peur de devenir comme mon père. Parfois, je flippe, mais c’est rien. Cela fait probablement parti du processus.

On ne s’attarde pas là-dessus, je lui promets de passer la journée en sa compagnie et on profite. Ces derniers temps, on arrive de plus en plus à prendre du temps pour nous. C’est ce qui manquait cruellement à nos débuts. Alors, Jill en profite pour me coller, pour me piquer mon tee-shirt aussi et mes crêpes. Elle plaisante, je réplique. On se chamaille sur un ton enfantin et cela fait du bien. J’avais peur lorsque l’on est revenu de Bali, que tout soit allé trop vite, que l’on ne trouve jamais vraiment notre rythme. Il y a eu des échecs, des larmes et des cris, mais nous sommes toujours là et toujours plus fort. Depuis notre retour de Londres, notre complicité ne cesse de grandir et parfois, j’ai la sensation de retrouver ce sentiment de légèreté que je passais mon temps a chercher auprès d’elle il y a de cela des années. « Je t’aime. » Il est glissé comme ça, par surprise, entre deux baisers, deux crêpes et un peu de fromage. Dans la simplicité de notre cuisine. Et la seconde d’après je me fais attaquer par une goutte d’huile alors que je préparais la dernière crêpe. Elle rit, Jill, mais déjà elle s’affaire pour soigner la brûlure tout en pariant sur nos enfants et en tentant de m’extorquer ma liste de prénoms. « Tu m’as l’air bien confiant » « J’espère qu’on va pas se battre là-dessus. » Elle a son caractère et j’ai le mien. Cette conversation sera longue, je n’en ai aucun doute.

Tout allait bien ce matin et Jill finis par évoquer une rencontre avec Sebastian. Mon frère est au courant de notre mariage, il est au courant de sa grossesse. Et rien ne va plus soudainement. Mais elle ne me laisse pas m’écrouler, Jill, elle m’entraîne au salon et telle une maman, viens badigeonner mon bras d’une crème grasse. Elle gère la situation. « Il gâchera rien du tout ou il aura à faire à moi. » « C’est Sebastian, il gâche toujours tout. » Toute ma vie, il est venu gâcher ce que je tentais d’entreprendre. Et déjà, je me demande ce que mon frère pense de tout cela et surtout pourquoi il ne m’a absolument rien dit. Il doit attendre quelque chose, c’est forcé. Et je panique. Alors je parle, je pose les premières questions qui me viennent en tête et je fais mal. « Qu’est-ce que tu veux que je lui dise ? » « J’en sais rien ! » Je réponds abruptement parce que je panique. Elle lui a dit que c’était des jumeaux. Elle a un goût amer cette révélation. « Depuis quand on fait des confidences à Sebastian ? » Je voudrais ne pas être aussi virulent, mais il s’agit de mon frère. Je ne voulais pas qu’il soit au courant. Je voulais garder cela pour nous. Mais elle lui a parlé Jill et elle semble si sereine, alors que je me demande simplement ce qui va me tomber sur le coin de la tête. Les menaces que je vais devoir subir à la seconde où il va tout raconter à notre père. « S’il le dit à mon père, il va me le faire payer. » Elle le sait, Jill. Elle sait que mon paternel rêve de me voir à nouveau avec Ginny, qu’il attend que le contrat se remette en place. Et j’ai peur. « Je voulais pas qu’il sache… » que je murmure dans un ton las.

Jill sourit et tente de le rassurer. Ils paniquent autant l’un que l’autre de cette situation. Mais Jill le gère un peu mieux, alors elle en profite pour être là pour son mari. Ils ont eu de mauvais parents, Jill ne veut pas reproduire le schéma. Elle ne veut pas être une mère qui juge tout constamment, celle qui est sur le dos de ses enfants sans arrêt. C’est ce qu’elle pense pour le moment même si c’est flou. Elle n’a pas vraiment prévu d’en parler là, il auront toute cette discussion. Après la prochaine échographie. Ils l’ont dit, ils ne parlent pas de prénom, pas de parrains marraines, tant qu’ils ne connaissent pas le sexe des bébés. “Ok pas de bad cop constant.” Il a peur d’être comme son père, et elle le comprend tellement. Il ne voit pas à quel point il est diamétralement opposé. Et Jill essaie de le rassurer, autant qu’elle le peut. “On discutera ok ? Ca va aller, on va apprendre et on va évoluer.” Elle essaie de s’en convaincre aussi, ils vont y arriver. Ils n’ont plus le choix de toute manière. Ils sont là, bien présent. Elle les sent bouger et Bailey aussi maintenant.

Ils se taquinent dans la cuisine, et l’ambiance est de nouveau bien plus légère. Il lui dit qu'il l'aime et les lèvres de Jill se posent sur celle de Bailey. Si seulement ça pouvait toujours être comme ça. Jill mange pour 10 personnes à peu près avant que Bailey ne se brûle le bras. Elle rit un peu mais il faut soigner tout ça. Elle souffle un peu en vérifiant que ce ne soit pas trop grave. Il se retrouve sans tee-shirt et elle elle en a un nouveau, encore celui de Bailey. Elle ne rentre que dans ceux-là de toute manière. Oui il va falloir qu’elle commande sur internet, et même ça, elle est fatiguée rien que de l’imaginer. “On a de la marge on peut en donner plusieurs.” Mais peut-être que la discussion sera mouvementée. C’est une décision importante pour eux et pour les enfants. Les prénoms se portent à vie, et Jill sait à quel point c’est compliqué de vivre avec des prénoms que l’on aime pas.

Et elle aborde le sujet Sébastian alors qu’elle emmène Bailey vers le canapé. La relation est tendue entre les deux frères Jill, elle ne le sait que trop bien. Elle a souvent entendu les versions de l’un puis de l’autre. Mais elle ne se met pas au milieu, elle les laisse faire parce qu’elle a déjà bien trop de choses à gérer avec sa propre famille. “Il gâchera rien.” Parce qu’elle lui a demandé, parce qu’ils en ont parlé et qu’elle s’autorise à croire ce qu’il lui a dit. Il s’énerve Bailey, il panique encore un peu plus et elle soupire Jill. Elle a voulu être sincère, elle aurait peut-être dû se taire et les laisser faire entre eux. “Tu crois quoi ? Je le connais Bailey, j’irai pas lui raconter des trucs pour lui donner des armes contre nous.” Il les trouve déjà tout seul. Et le jour où il aura envie de les utiliser il le fera et personne ne pourra l’en empêcher. “Ton père finira par être au courant, si c’est pas Sébastian ou toi qui en parle ce sera quelqu’un d’autre. Mais on va devoir gérer avec ça et tu le sais.” Jill secoue un peu la tête, ils vont devoir assumer, ils ne pourront pas cacher les bébés pendant longtemps, et ils doivent faire avec la famille qu’ils ont. “Regarde” elle lui montre son ventre. “Tu comptais me cacher dans la maison jusqu’à l’accouchement ?” Et elle pose la crème sur le canapé. “Je préférais qu’il l’apprenne de toi ou de moi plutôt que de quelqu’un d’autre. Tu sais qu’il sait toujours tout de toute manière.”  

Tout se passait bien, on avait enfin fini de se faire la tête et pour la première fois depuis quelques jours, la complicité était de retour. Jusqu’à ce que Jill mentionne le prénom de mon frère. Jusqu’à ce qu’elle m’apprenne qu’elle avait passé un moment avec lui et qu’il était au courant de tout. Et je perds pied. C’était utopique que de penser avoir un temps d’avance sur Sebastian, mais tant qu’il ne venait pas m’en parler, je voulais me convaincre qu’il n’était, en réalité, au courant de rien. Il tient probablement encore ses carnets Sebastian où il retranscrit la vie de tous ceux qui l’entoure pour mieux s’en servir contre eux un jour où l’autre. Il doit probablement avoir un carnet entier dédié à ma personne et c’est bien ce qui m’effraye le plus. Je n’ai pas peur de mon frère, c’est bien un sentiment révolu. La seule chose qui me terrorise, c’est qu’il est resté le pantin de notre père. C’est lui qui tire les ficelles et lui qui a pour objectif de reformer mon couple avec Ginny. Il ne pense qu’à cela mon paternel, parce que les McGrath doivent lui répéter sans cesse que je suis le fautif. Bailey n’est que déception depuis sa naissance après tout. « Il gâchera rien. » Elle est si sûre d’elle, Jill. Parfois, j’oublie qu’elle a toujours été amie avec Sebastian. À croire que l’on ressemble plus qu’on ne pourrait l’imaginer. Elle se retrouve entre deux frères, je me retrouve entre deux sœurs. Même si la situation et les enjeux appartiennent à deux mondes bien différents. Ginny n’a jamais voulu réduire en miette sa sœur.

Elle est sereine Jill alors que je suis déjà en train d’imaginer le pire. Les scénarios défilent dans un coin de ma tête et le résultat reste toujours le même : je perds tout ce pourquoi, j’ai travaillé depuis des années. On pourrait penser que ce n’est rien, que ma famille est bien plus importante que cela, et c’est le cas, mais pourtant, je ne peux me résoudre à tout perdre. C’est quelque chose qui me bouffe de l’intérieur depuis l’installation définitive de Sebastian en ville. Je ne l’ai jamais vraiment montré, je ne voulais pas inquiéter Jill. Aujourd’hui, je me fais rattraper par mes angoisses. « Regarde. Tu comptais me cacher dans la maison jusqu’à l’accouchement ? » Et je le regarde son ventre arrondi qui renferme les deux choses les plus précieuses au monde. Je le regarde et je pense à ce que Sebastian serait capable de faire tant, il déteste les enfants et se fout royalement des relations humaines. Bien sûr qu’il est toujours au courant de tout, mais pour une fois dans ma vie, je voulais vivre cela sans lui. « J’ai pas honte de ce qu’on est en train de construire. » C’est la première chose que je tenais à lui dire. Je ne la cache pas parce que j’ai honte ou parce que l’on vit encore dans le secret. C’est un temps révolu tout ça. « Mais pour une fois dans notre relation, on était en train de vivre cela rien que tous les deux. » Pour une fois, personne n’est venu donner son avis, personne n’est venu se mettre entre nous. « On est heureux, Jill. On se chamaille un peu d’accord, mais… Je sais pas pour toi, mais moi je me suis jamais senti aussi bien, aussi épanoui et… » Je peine à trouver mes mots. C’est toujours comme ça quand il s’agit de parler de mes émotions. « J’aime que l’on soit de nouveau aussi complice malgré tout ce qu’on a vécu et tout ce qui aurait dû nous séparer pour de bon. » Et la liste est encore longue. « J’aime le fait que l’on arrive enfin à se parler sans que ça tourne en rupture ou a ce jeu malsain de celui qui fera le plus de mal à l’autre. J’aime que tu veuilles constamment des câlins même si c’est tes hormones qui parlent. J’aime me réveiller à côté de toi le matin en sachant que tu partiras plus. J’aime te voir jouer avec ton alliance quand tu réfléchis et me rappeler que je porte la même et que ça veut dire quelque chose à propos de nous. » Et je m’emballe. Et je tourne en rond. Et je tente du mieux que je peux de tout dire après ces jours à se bouder et mon frère qui revient en force au milieu de tout cela. « Oui, Sebastian, est toujours au courant de tout, mais cette fois, il aura aucune place dans notre histoire. » C’est fini cette époque. « Je voulais juste vivre ça uniquement avec toi. »

Elle prend un risque en parlant de Sébastian. Elle le sait mais elle ne veut pas mentir à Bailey. Elle ne lui donne pas de détails, juste la partie la plus importante de la conversation. La partie qui l’intéressera lui aussi parce qu’elle parle de leurs bébés. Mais elle se braque un peu Jill. Elle ne veut pas qu’il s’inquiète, elle ne veut pas se cacher non plus. Leurs parents finiront par être au courant un jour ou l’autre, mais ils seront heureux quand même. Ils seront là pour ces bébés quand même. Quoi qu’il puisse se passer, ils seront liés à jamais par ces deux petits êtres qui grandissent à vue d’oeil.

Elle essaie de lui faire comprendre que Sébastian ne fera rien, il ne détruira pas les bébés, il ne la détruira pas elle non plus. Alors elle reste aussi calme qu’elle le peut, elle reste assise devant Bailey en attendant qu’il se calme un peu. Et elle ne s’attendait pas à ce qu’il lui dise autant de choses. Il ne s’arrête plus de parler et elle s’en veut qu’il se sente obligé de justifier quoi que ce soit. Alors elle se rapproche pour le prendre dans ses bras. Et elle pose ses mains sur ses joues pour capter son regard. “On est toujours que tous les deux.” Et personne ne pourra se mettre entre pour détruire tout ce qu’ils ont pu construire. Il lui liste tout ce qu’il aime, et pourquoi il voulait garder ça plus ou moins secret. Elle le laisse parler en laissant courir ses doigts sur sa joue. Elle a les larmes aux yeux, foutues hormones encore. Déjà qu’elle avait du mal à gérer ses émotions en temps normal, les hormones les multiplient à chaque seconde. Elle respire et continue de capter son regard. “Moi aussi j’aime qu’on soit comme ça, et j’ai pas envie que ça change.” Ils ont attendu 10 ans avant de pouvoir vivre comme ils l'entendent. Elle ne reviendra pas sur le sujet Sébastian, pas ce soir. Elle pose sa tête sur son épaule et ils s’allongent tous les deux sur le canapé. Et ces soirées lui avaient terriblement manqué. “On reste uniquement toi et moi.” Parce qu’ils ne doivent plus inclure personne dans leur couple et leurs histoires. Jamais.