Il a peur Yelahiah. Il ne sait plus où il en est. Il a rencontre quelqu'un, il a rencontré Chloe à l'hôpital, et il n'arrête plus de penser à elle. C'est terrifiant, il ne s'est rien passé entre eux pourtant, mais il ne peut pas s'en empêcher. Il ne sait plus quoi faire, mais il a promis à Lola d'être honnête. Et il ne peut pas rester avec elle alors qu'il a une autre fille en tête. Ca fait quasiment deux ans qu'ils sont ensemble. Et il va certainement faire l'erreur de sa vie en mettant fin à cette relation, mais il ne s'en rendra pas compte tout de suite, il ne s'en est toujours pas rendu compte aujourd'hui d'ailleurs. 


Il lui a dit de venir chez lui, c'est peut-être pas une bonne idée. Mais il n'a jamais fait ça, comment il est censé s'y prendre. Il ne voulait pas faire ça par texto. Parce que, même si il ne s'en rend pas compte, il l'aime la petite blonde. C'est difficile, mais il n'a pas le choix. Il ne veut pas lui mentir, il a pas le droit. Elle entre en trombe, elle se balade dans la cuisine, elle a ramené à manger et sa respiration se coupe. Il ne s'avance pas vers elle pour aller l'embrasser. Il doit être pâle, avoir l'air inquiet. Il va lui faire du mal, il le sait. Et si en temps normal ça aurait été insignifiant pour lui, là, c'est en rapport avec Lola. Donc ça n'a rien d'insignifiant. Il doit vraiment lui parler, ce n'était pas une énième blague dramatique. 


Il se tait tant qu'elle bouge encore dans tous les sens, qu'est-ce qu'il doit dire ? Il ne sait même pas pourquoi sa décision a été prise aussi rapidement. Il y a Chloe, certes, mais c'est aussi certainement parce que Lola est devenue une constante dans sa vie, parce qu'il l'aime vraiment, parce qu'il est tombé amoureux et qu'il ne se sent peut-être pas prêt pour tout ça. Il a besoin de voir plus, de se concentrer sur son métier, et sur toutes les opportunités qui vont se présenter à lui. Il en cherche des tas des excuses. Mais la plus véridique c'est certainement la peur. "Lola je…"   honnête, il doit être honnête. "J'ai rencontré quelqu'un." et c'est qu'une toute petite partie de la vérité. "Je suis désolé…"

Préparez les champignons. Passez-les rapidement sous un filet d'eau, essuyez-les et détaillez-les en gros morceaux. Lola allait suivre pas à pas la recette, et ça allait être un succès dont ils se souviendraient jusqu'à la fin des temps. Après, il y avait le beurre, et l'ail, et le persil. Elle se remonta les manches, se lava les mains, et se mit à laver les champignons, lorsqu'elle entendit la voix de Yele derrière elle la ramener très brutalement à la réalité : "Lola, je..."

Elle posa la passoire à côté de l'évier, mais ne se retourna pas. Laissa ses mains sous l'eau tiède. Un contact avec la réalité. Le monde en-dehors de la voix de Yele. Il était hors de question qu'elle entende, qu'elle écoute. Quelque chose n'allait pas dans sa voix. "J'ai rencontré quelqu'un." Alors, non. Pas du tout. Ce n'était pas ça. Ce n'était pas ce qui allait se passer. Après avoir lavé les champignons, il fallait les essuyer et les découper, c'était ça qui devait se produire. Pas ça. Pas la voix de Yele qui ajoutait : "Je suis désolé…"

Lola essuya ses mains sur un torchon. Elle avait l'impression de se déplacer au ralenti. Elle avait du mal à respirer. Ses yeux clignaient furieusement pour aucune raison. Elle acquiesça. Se tourna vers Yele, mais il ne la regardait pas, ses yeux la fuyaient, et elle fit pareil, elle cacha son regard sur le sol. "Tu- Elle- Il s'est passé quelque chose ou... ?" Elle fit un geste pour qu'il comprenne qu'elle voulait sortir de la cuisine. Elle ne voulait pas le toucher. Et en même temps elle ne voulait que ça.

Ils se dirigèrent vers la chambre, et elle avait l'impression d'être une automate. Elle s'assit au milieu du lit, les bras autour des genoux, en position de repli. Elle n'arrivait pas à comprendre la scène, le moment. Tout était flou.

@Yelahiah Blythe

Il ne bouge plus, il se retrouve perdu entre des sentiments et ce qu'il doit faire. Il doit le faire pour son boulot, pour son futur, pour ne pas lui faire plus de mal avec le temps qui passe. Comme si il ne s'autorisait pas à vivre le bonheur d'une relation plus longtemps. Il a besoin de tester de nouvelles choses certainement, il faut bien qu'il trouve des explications rationnelles à cette rupture. En dehors de la peur, du fait que ce soit trop vrai et trop fort. Et pourtant, Lola et lui, c'était parfait. Au fond, il ne trouvera certainement jamais personne d'aussi compatible. Il s'en rendrait compte si il réfléchissait un peu plus, si il ne prenait pas cette décision sur un coup de tête. 

Il crache le morceau, sans préparer le terrain. Et elle l'évite Lola, elle cherche à s'éloigner elle évite son regard. Pourquoi et comment ils en sont arrivés là ? Pourquoi il fait ça ? Mais il est borné Yelahiah, et il a pris sa décision. Et il choisit la mauvaise fille. Il choisit celle qui va lui briser le cœur au lieu de choisir celle avec qui il avait le plus beau des avenirs. Stupide Yelahiah. 

"Non il s'est rien passé."  il ne s'assoit pas à côté d'elle, il ne la prend pas dans ses bras comme il l'aurait fait en temps normal, et si il était capable de comprendre ce qu'il se passait à cet endroit précis, il le dirait que son cœur se déchire. Mais c'est la bonne décision, c'est celle qui est rationnelle, c'est celle de la raison. "Je t'ai toujours promis d'être honnête." et c'est ce qu'il fait. Et il ne l'oubliera sûrement jamais cette image, cette sensation non plus. Il commet une des plus grosse erreur de sa vie, et c'est peut-être le seul à ne rien voir. 

Si on mettait le feu trop fort, les flammes trop hautes et intenses, le plat brûlait. Tout était carbonisé. Il ne restait rien.
Au fond, Lola et Yele, c'était une recette ratée.

Elle serrait ses genoux si fort que tout lui faisait mal. C'était mieux que la douleur soit dans le corps plutôt qu'au creux de la poitrine où c'était aigu, lancinant. Si on avait demandé à Lola de compter jusqu'à dix, elle n'y serait probablement pas arrivée. Une migraine montait à toute vitesse, et elle savait que cette fois elle ne demanderait pas d'aspirine, car si Yele faisait le geste habituel, elle s'effondrerait. Leurs habitudes. Leur façon de se lever, leur façon de se coucher. Leur façon de dormir. Leur façon de caler la respiration de l'un sur l'autre. Leur façon d'être ensemble.

Avec Yele, Lola n'était pas passée par la case papillons dans le ventre et feux d'artifices. C'était un coup d'un soir, puis d'un autre, puis d'un autre, et il y avait eu de l'amitié, de l'humour, de la complicité, et puis c'était devenu officiel, et ils avaient passé tout leur temps ensemble, et ça faisait tellement de mois maintenant qu'ils étaient inséparables, et Lola pensait enfin avoir trouvé sa personne, son être humain, pas au sens des romans à l'eau de rose, pas au sens d'âme soeur, mais au sens de quelqu'un qui est toujours avec vous, à qui on doit tout et rien à la fois, un partenaire de crime et de survie.

"Non il s'est rien passé."
"Je t'ai toujours promis d'être honnête."

Les mots arrivaient de si loin, comme s'ils traversaient l'anti-matière entre deux vaisseaux dans l'espace, comme s'ils bondissaient sans gravité sur la Lune et se répercutaient dans des cratères. Ils arrivaient à l'oreille de Lola fânés, éteints.

"Mais s'il s'est rien passé, peut-être que...", sa voix se brisait, son visage se métamorphosait sous le coup de la tristesse, "peut-être qu'en fait c'est rien, c'est un coup de coeur, un fantasme, tu sais, un truc qui passe, un...", et les larmes coulaient sur ses joues, parce qu'elle se sentait tellement impuissante, elle connaissait Yele mieux que personne et il ne revenait pas sur ses décisions, il avait fait un choix, et quoi qu'elle dise il serait implacable, et c'était si douloureux, car comment accepter de ne pas s'endormir avec lui, de ne pas rester ici ce soir-là, de ne plus être deux ?

"Peut-être que tu peux te donner du temps, peut-être c'est rien, et après tu me diras ah, en fait, c'était rien, et on reste ensemble jusque là, parce que c'est...", arrête, Lola, arrête. Elle se passa la main sur le visage. Elle se calma un instant, assez pour dire : "Je suis désolée, tu me dis la vérité et je retourne le truc complètement, c'est juste que je ne sais pas comment me lever et partir." Mais cette image la déstabilisa tellement qu'elle fondit en larmes de nouveau, et posa sa tête sur ses genoux. Retrouver un centre de gravité. Se retrouver. Il allait falloir qu'elle se calme pour réussir à partir.

@Yelahiah Blythe

Elle est recroquevillée sur elle-même. Et lui ne sait toujours pas faire. Il hésite, mais il a besoin d'espace. Il a besoin de mettre tout son temps dans son boulot, il ne peut pas avoir de distraction partout. Vas y, continues d'essayer de trouver des raisons aussi absurdes les unes que les autres. Il déteste être là, il aurait peut-être dû choisir l'option texto. L'option viens on reste ami. L'option ne pas la quitter pour des conneries aussi ca aurait pu être la bonne. Mais il est borné, il est persuadé qu'il ne peut faire que ça. Et ça, ça brise le cœur de tout le monde. Le sien aussi, sans même qu'il ne soit capable de se rendre compte de quoi que ce soit. Il pensait peut-être que ça n'aurait pas tant d'impact que ça, que Lola serait du même avis, mais il ne voulait pas la voir pleurer, il ne voulait pas la détruire. Ce moment est affreux, pour elle comme pour lui. 

Elle essaie de trouver des solutions la jeune blonde, elle y croit de toutes ses forces. Et il aurait voulu pouvoir s'accrocher à ça, pouvoir y croire autant qu'elle le voudrait. Et ca le terrifie de ne pas en être capable, de voir à quel point il peut lui faire du mal avec seulement une phrase. Elle ne peut pas s'accrocher autant, pas à lui, c'est trop dangereux pour elle. Et il est beau ce "nous" pourtant, il est inespéré, il est inattendu, et pourtant il ne trouvera jamais mieux, jamais aussi investie que Lola dans sa vie. Très peu de gens le comprennent, et elle fait partie de ses exceptions. D'une personne qui aura toujours une place particulière, d'une fille à part qui aura toujours une partie de lui. 

Il aimerait parler mais il en est incapable. Et il se rapproche malgré lui parce qu'elle va mal, parce qu'il va mal aussi mais que lui ne sait pas vraiment montrer ce genre d'émotions. Elle pleure, mais lui ne pleure pas, il ne pleure jamais Yelahiah. Il préfère être rongé par sa tristesse plutôt que de la montrer. Et c'est lui le méchant dans l'histoire, c'est lui qui lui dit que c'est fini. Pour les raisons les plus absurdes qu'il aurait pu trouver. 

Il ne peut pas finir la phrase de la jeune femme, il essaie de ne pas l'écouter, de ne pas flancher. Il essuie ses larmes aussi tant qu'elles ne sont pas trop nombreuses. Peut-être qu'elle va le rejeter, peut-être qu'elle va s'énerver. Si elle était énervée tout serait bien plus simple. Pas maintenant Lola, c'était pas le bon moment, c'est pas le bon timing, il n'est pas prêt pour tout ça, il aurait aimé l'être pour elle. Mais il ne peut pas, et il ne la blessera pas plus que ce qu'il fait là. Du temps Lola, c'est ça. Du temps pendant lequel il sombrera dans la chaos, pendant qu'elle elle se reconstruira comme elle le peut. Et peut-être qu'ils se retrouveront, au bon moment, au bon timing. Quand Yele ne sera plus seulement qu'un con arrogant et égoïste. "Je suis vraiment désolé Lola." il peut essayer de donner plus de détails, ces raisons qu'il a trouvé pour justifier ses actes. "C'est moi, c'est seulement moi. Et y'ale boulot, et je veux pas te faire du mal si il se passe quelque chose avec cette fille. Et j'ai besoin de me concentrer à 100% sur le boulot…" tais toi Yele, ferme la. "T'es pas obligé de partir tout de suite, et on peut rester ami." non vraiment ferme la Yele, n'aggrave pas ton cas, fais pas pire que ce que t'as déjà fait. 

"Je suis vraiment désolé Lola."

Arrête, Yele. Arrête. Dis pas ça. Dis pas des mots qui viennent confirmer que c'est fini. Tu peux encore t'arrêter. Tu peux encore changer d'avis. Je suis là. Je suis sur ton lit. C'est presque notre lit. On y a passé tellement de temps.

"C'est moi, c'est seulement moi. Et y'a le boulot, et je veux pas te faire du mal si il se passe quelque chose avec cette fille. Et j'ai besoin de me concentrer à 100% sur le boulot…"

Mais je t'ai aidé à réviser, et je ne suis pas un obstacle à ton travail, je ne me permettrais jamais d'être un obstacle, je ne suis pas un obstacle, est-ce que je suis un obstacle, je ne veux pas être un obstacle, on peut trouver des solutions, il y a des solutions, je peux venir moins souvent, c'est parce qu'on se voit trop souvent, c'est sûrement ça, on n'aurait pas dû se voir le lundi et le mardi et le mercredi et le jeudi et le vendredi et le samedi et le dimanche, on aurait dû instaurer un rythme plus raisonnable, on aurait dû se contenir, se limiter.

Yele essuyait les larmes de Lola, et elle gardait son visage suffisamment surélevé, posé sur les genoux, juste pour sentir sa main sur ses joues, et elle sentait à quel point c'était ridicule, mais ce contact, c'était le dernier qu'ils auraient.

C'est qui cette fille ? Elle te rend heureux ? Elle s'appelle comment ? Tu l'as rencontrée où ? Est-ce qu'elle t'aime ?

La respiration de Lola se faisait difficile, et elle repoussa faiblement la main de Yele pour se redresser, se relever, s'éloigner du lit qui n'était plus le sien.

"T'es pas obligé de partir tout de suite, et on peut rester amis."

Lola se dirigea d'un pas chancelant vers la cuisine, où elle récupéra son sac à dos ouvert, le ferma, et le passa sur une épaule. Elle regarda les champignons dans la passoire sans comprendre ce que ça voulait dire. Quelque chose d'entamé, qui ne connaîtrait pas de fin. Elle ne verrait pas la suite. Elle ne saurait pas ce qu'il se serait passé dans un univers parallèle où ils auraient cuisiné ce risotto et où, d'ici quelques mois, un an peut-être, ils auraient parlé d'emménager ensemble, et si ça c'était bien passé, ils auraient fini par se fiancer. C'était ça qu'il y avait dans cette passoire. Et l'eau s'écoulait, et leur posssible futur aussi. Il n'y avait plus rien.

Lola se tourna vers Yele, qui la regardait sans rien dire. Elle le dévisagea. Elle voulait se rappeler chaque détail de son visage. Ne rien oublier. Elle savait que ses lèvres tremblaient un peu, mais au diable la dignité lorsqu'on a le coeur brisé. "J'aurais tellement aimé que tu me choisisses", prononça-t-elle d'une voix minuscule, et ça lui arrachait le coeur de dire ces mots, mais elle en avait besoin pour partir et guérir cela, lentement, au fil des semaines, des mois et des années où ils ne se verraient plus.

@Yelahiah Blythe