C’est un énorme sourire sur les lèvres que tu avais été chercher Morgane à l’école. La journée avait été productive et tu t’en félicitais. Ton manager t’avait décroché un casting pour une nouvelle marque et tu avais passé l’entretien aujourd’hui. Les castings avaient toujours quelque chose d’un peu spécial. Celui-là était plutôt restreint, apparemment les créateurs avaient déjà fait une présélection et vous vous retrouviez en petit comité. Cela n’empêchait pas que seule deux d’entre vous pouvaient décrocher le job. Tu avais donc tout donné et ta détermination avait payé car on venait de t’annoncer que tu allais participer à la campagne de cette marque de sous-vêtements. Avec les différents refus que tu avais essuyés ces derniers temps, c’était une victoire que tu allais apprécier et savourer. Tu sais très bien que cela arrive à tout le monde d’avoir des moments de creux dans sa carrière mais toi, cela ne t’était jamais arrivé et tu n’aimais pas du tout ça. Tu avais toujours été occupée, enchaînant un projet après l’autre que ce soit avant ta grossesse ou quand tu avais remis le pied à l’étrier quand Morgane avait fêté ses un an. Alors que tu attendais que ta fille sorte de l’école, tu avais du mal à croire qu’elle venait de fêter ses cinq ans. Le temps passait décidément trop vite … Tu avais l’impression que c’était hier que tu la ramenais à la maison logée dans tes bras, qu’elle avait besoin de toi pour la moindre petite chose. Aujourd’hui, Morgane gagnait tous les jours en indépendance et même si cela te rendait fière, c’était un lien qui se brisait peu à peu. Quand Morgane passa le portail de l’école, tu ouvrais tes bras pour qu’elle puisse s’y jeter dedans. C’était dans des moments comme celui-ci que tu étais certaine de ne regretter aucun de tes choix de vie.

La fin de l’après-midi et le début de la soirée se passa plutôt calmement. Morgane passa une heure à continuer un projet qu’elle avait commencé à l’école. C’était un projet artistique et elle avait sorti tous ses feutres, crayons de couleurs et paillettes. Tu n’avais pas réellement réussi à comprendre mais tu la laissais faire comme elle l’entendait. Tu t’étais assise en face d’elle, la regardant travailler et en profitant pour répondre à des emails et des sms en provenance du boulot. Ce soir, Helena doit venir passer la soirée à la maison pour vous permettre de rattraper un peu le temps perdu. Tu n’as pas vu la brunette depuis un petit moment et cela te manque. Morgane avait été ravie de savoir que ton amie viendrait manger avec vous voilà pourquoi elle ne rechigna pas autant que d’habitude quand tu l’entraînais dans la salle de bain pour qu’elle se douche et qu’elle nettoie surtout le feutre qu’elle avait sur les mains. Pendant que Morgane enfilait son pyjama avec les personnages de La Reine des Neiges, tu pris une douche rapide de ton côté et tu enfilais un jean et un t-shirt. Tu ne savais pas ce que la soirée vous réservait, vous n’aviez rien décidé à l’avance à part que vous feriez une soirée tranquille chez toi, une soirée entre filles comme vous aimiez les appeler à la période de votre adolescence. A peine habillée, Morgane se jeta sur toi pour que tu lui fasses une belle coiffure et tu fis de ton mieux pour lui faire deux tresses avant qu’elle ne parte s’installer au piano pour jouer le dernier air que ta soeur lui avait appris. Toi, tu allais dans la cuisine pour commencer à préparer à manger.  Tu n’allais pas faire très compliqué, tu allais préparer des pâtes très certainement. Helena savait que tu n’étais pas une chef étoilée, elle te le pardonnerait. Tu mis donc de l’eau à chauffer et tu préparais une salade quand la sonnette retentit. Morgane ne semblait pas l’avoir entendue, concentrée sur ses airs de piano. Tu t’essuyais les mains et alla ouvrir la porte derrière laquelle se trouvait Helena : « Salut toi ! » Lui dis-tu en la prenant dans tes bras pour la saluer. Tu la laissais entrer, rien ne serait de rester trois heures sur le pas de la porte. « Comment tu vas ? » Lui demandas-tu alors que vous vous dirigiez vers la cuisine ouverte de laquelle vous pouviez voir le salon et Morgane qui avait arrêté de jouer et s’était retournée pour voir qu’Helena était arrivée. La petite fille se mit à courir dans la direction de ton amie pour la prendre dans ses bras et la saluer. « On t’attendait avec impatience comme tu peux le voir ! » Lui dis-tu avec un clin d’oeil alors que Morgane lui parlait déjà de son projet pour l’école.

C’était toujours un plaisir d’avoir Helena chez toi. La jolie brune était un rayon de soleil qui te permettait d’oublier tout le reste quand ça n’allait pas. Tu avais de la chance de l’avoir dans ton entourage et Morgane l’adorait donc cela t’arrangeait. « Hey ! Ça va et toi ? » Tu hochais la tête car il était rare que tu n’ailles pas bien, c’était rare mais pas impossible. Aujourd’hui était un bon jour toutefois. « Je vais très bien, ça me fait plaisir de te voir ! » Dis-tu à l’attention de ton amie. Il fallait que vous travailliez à ne plus rester éloignées aussi longtemps. Retournant dans la cuisine, tu laissais Helena et Morgane se retrouver elles aussi. Tu ne fus pas surprise de voir les cadeaux qu’Helena sortit de son sac et sous ton regard appuyé, ta fille veilla bien à remercier la jeune femme avant d’aller essayer les bulles sur la terrasse. « Tu n’aurais pas dû … Mais merci ! » Ta fille était bien assez gâtée mais tu ne voulais pas refuser à ton amie le plaisir de la gâter de temps en temps. Tu comptais bien veiller à ce que Morgane ne prenne pas trop ses aises avec ce genre de pratiques. « Hé ouais, je suis la meilleure ! Que veux-tu ? Mais t’inquiète, je ne t’ai pas oublié ! » Helena était une championne pour penser à tout et tu n’hésitais pas à regarder dans le sac qu’elle ouvrit rien que pour toi. En effet, vous n’alliez pas vous ennuyer toutes les deux ce soir … « Tu penses toujours à tout toi ! Me tarde de pouvoir ouvrir la vodka. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. Tout vient à point à qui sait attendre cependant et d’abord, il était important de vous nourrir. Tu rappelais Morgane à l’intérieur et tu la laissais rire avec Helena de tes talents passables en cuisine : « Hum, ça sent bon ! Alors, qu’est-ce que ta maman nous a cuisiné ? Je te parie que ce sont … des pâtes ! » Tu levais les yeux au ciel. Morgane ne pouvait pas se permettre de beaucoup en rire, elle adorait ça en réalité et était bien contente que tu lui en prépares. « Soit heureuse que je n’ai rien tenté d’autres, tu aurais pu passer la soirée à vomir dans la salle de bain. » Dis-tu à Helena pour la taquiner. Tu n’étais pas un désastre à ce point, en général tu te débrouillais correctement mais tu n’avais pas envie de passer ta soirée derrière les fourneaux ce soir. Tu laissais Helena et Morgane mettre la table alors qu’Helena te demandait : « Et comment ça va, le boulot ? » Tu haussais les épaules car s’il y avait bien un domaine où ce n’était pas la joie en ce moment, c’était bien le boulot. Mais ce n’était pas catastrophique non plus donc tu ne voulais alarmer personne. « Ça pourrait aller mieux. Les contrats sont moins nombreux et plus difficiles à décrocher, j’espère juste que c’est une mauvaise passe. » Dis-tu. Ta plus grande peur était que cette passe n’en soit pas une et qu’elle se poursuive encore de longs mois et que la situation ne fasse qu’empirer. Tu n’en étais pas là mais tu te battais tous les jours pour en sortir. « Et toi ? Tout se passe bien ? » Lui retournas-tu la question alors que vous vous installiez à table pour manger. Vous profitiez toutes les trois du repas et tu laissais Morgane tirer Helena au piano pendant que tu faisais la vaisselle avant de les rejoindre puis d’aller coucher ta fille. Une fois que tu eus fermé la porte de sa chambre, tu rejoignis Helena qui avait commencé à installer le salon. « Papotage ou DVD ? Tu me laisseras te maquiller ou tu es encore traumatisée de la dernière fois ? Je ne suis pas l’une de tes maquilleuses qui bosse sur tes shootings ou tes défilés, mais avoue qu’on avait bien rigolé ! » Tu secouais la tête en laissant échapper un petit rire. Tu allais dans la cuisine chercher deux verres avant de lui dire : « Je vais voir, je n’ai pas encore décidé si j’avais envie de te laisser une nouvelle chance. » Le sourire amusé sur tes lèvres contredisais tes paroles cependant. « Commençons par papoter et un DVD alors. Quoi de neuf dans la vie d’Helena Horowitz ? » Demandas-tu amusée à ton amie alors que tu servais deux verres de vodka que tu mélanges avec un soft.

Les semaines avaient passé et vos emplois du temps respectifs avaient fait que vous n’aviez pas pu vous voir avant ce soir. « Moi aussi ! Tu m’as sacrément manqué ! » Tu souris à ton amie, c’était toujours un plaisir de la voir avec sa bonne humeur et sa joie de vivre. Alors que tu préparais le repas de ce soir qui allait consister à manger des pâtes, Helena prit de tes nouvelles et tu en fis de même. Tu lui avouais que les contrats ne se bousculaient pas en ce moment mais que sinon tout allait bien. Tu lui demandais à ton tour comment se passait son travail : « Au boulot ça va oui. J’aime bien aider mes jeunes à trouver une formation, leur redonner le goût à l’école. La plupart n’ont même plus de cadre du tout, leurs parents sont totalement désintéressés ou absents, ils se lèvent tous les jours à midi, passent leur vie sur l’ordinateur à discuter avec des inconnus, et ne mettent même plus le nez dehors. Je leur impose des rencontres en groupe régulières, ils bossent sur des projets ensemble, et rencontrent des intervenants dans divers domaines pour trouver le métier qui pourrait les intéresser. C’est chouette. Tu es d’accord, non, Morgane ? L’école c’est trop cool, non ? » Tu avais de la chance avec ta fille, cette dernière semblait aimer le temps qu’elle passait à l’école. Tu savais que cela n’était pas automatique pour tous les enfants mais tu avais fait en sorte que ta fille ait la meilleure image possible de l’école avant de commencer à y aller et quand elle y avait été, tout s’était bien passé. Même si tu n’avais pas été une grande fanatique du temps scolaire, tu avais mené des études supérieures pour rassurer tes parents et tu commençais à espérer que Morgane en ferait de même, l’idée de la savoir dans un métier incertain ne te faisait pas vraiment plaisir. Helena était de son côté complètement investie dans son travail et les jeunes dont elle s’occupait avaient de la chance de l’avoir. « C’est bien s’ils arrivent à se trouver de nouveau une voie et c’est encore mieux si cela te plaît ! » Depuis que tu la connaissais, Helena avait enchaîné les jobs, en trouver un qui la motivait et qu’elle voulait continuer à exercer était inattendu. Les pâtes étant prêtes, vous preniez le temps de manger toutes les trois, parlant de tout et de rien avant qu’il ne soit temps d’aller coucher Morgane. Vous prîtes un peu de temps au piano avant cela et puis tu la couchais ensuite. Elle n’était pas ravie de savoir que tu allais continuer la soirée avec Helena sans elle mais ta fille savait que l’heure de son coucher n’était pas négociable.

Une fois de retour en bas, tu trouvais Helena en train d’installer tout ce qu’elle avait amené dans le salon. Tu allais de ton côté chercher des verres et du jus d’orange pour accompagner la vodka qu’elle t’avait montrée tout à l’heure. « Bon, sans surprise alors, mes préférés, tu les connais : Mulan, Ariel et Pocahontas. Tu optes pour lequel ? Ou bien la Reine des Neiges, j’adore Olaf ! » Tu regardais les différents DVD brandis par ton amie avec un sourire amusé sur le visage. Tu n’avais aucune envie de voir La Reine des Neiges que tu connaissais par coeur et que Morgane regardait en boucle depuis qu’elle l’avait découvert il y a deux ans. Regardant la télévision, tu dis à ton amie : « Tu n’avais pas besoin d’amener les DVD, avec une fanatique de Disney à la maison, j’ai dû m’abonner à Disney+. » Allumant le grand écran, tu te connectais sur l’application qui mettait à disposition tous les films dont Helena venait de te parler. « Mais s’il faut en choisir un, partons sur La Petite Sirène. » Tu sélectionnais le dessin animé mais tu n’appuyais pas encore sur play. Helena semblait avoir quelque chose à dire et tu ne t’attendais pas aux mots qui sortirent de sa bouche : « J’ai revu Auden. Il est marié. » Tu ouvrais grand les yeux à la mention de cet homme. Tu avais croisé Auden une seule fois quand il était avec ton amie, le reste du temps tu le voyais en photo et tu en entendais parler par Helena. Il l’avait faite énormément souffrir en refusant de s’engager. Et aujourd’hui il était marié ? Cela n’avait strictement aucun sens … « On parle bien du même Auden qui ne voulait même pas que vous soyez en couple et qui s’est fait la malle comme un voleur ? » Lui demandas-tu un sourcil levé. Le voir rentrer de nouveau dans la vie d’Helena ne te disait rien qui vaille. « Dis-moi que tu l’as croisé et que tu ne le reverras plus. Laisse-le à sa femme vu qu’il en a trouvé une, ce sera un bon débarras ! » Tu le pensais sincèrement. Ton amie méritait bien mieux qu’un homme qui n’avait pas su l’apprécier à sa juste valeur et surtout, qui ne l’avait jamais respectée. Buvant à ton tour ton verre de vodka, Helena te questionna ensuite sur ton boulot : « Et toi du coup, c’est quoi cette histoire de contrats qui se raréfient ? » Tu hausses les épaules, incapable de réellement répondre à cette question. Tu ne savais pas pourquoi il y avait moins de contrats mais ils étaient plus difficiles à décrocher et même si vingt-huit ans c’était encore jeune, tu commençais à rentrer dans l’âge ingrat du mannequinat. « Je ne sais pas vraiment comment l’expliquer. Il y a une diminution des offres disponibles du coup c’est plus difficile de les décrocher. Je pense que ça va reprendre mais je n’en suis pas sûre. » C’était ça qui te faisait le plus peur, que la situation ne soit pas temporaire et qu’elle continue à s’aggraver. « Je suis encore jeune mais arriver à la trentaine dans mon métier, c’est arriver à un tournant. » Soit tu passes et tu peux te dire que si tout se passe bien tu es tranquille pour les cinq prochaines années, soit cela casse et tu préférais ne pas y penser. « Seul l’avenir nous dira ce qui m’attends ! » Et tu préférais pour l’instant profiter du présent et de cette soirée avec Helena.

Une fois Morgane couchée, il était temps de lancer cette soirée entre filles comme il se devait. Et la première chose à faire était de choisir le dessin animé que vous alliez regarder. Tu ne connaissais pas Helena depuis l’enfance par contre, quand tu étais avec elle, tu retombais en enfance et cela t’amusait. Les dessins animés étaient devenus ton quotidien depuis que ta fille s’était passionnée de l’univers Disney ce qui t’avait amené à t’abonner à Disney+ dès son lancement en Australie. Morgane n’avait pas arrêté de te dire merci pendant des jours. « On parle bien du même Auden qui ne voulait même pas que vous soyez en couple et qui s’est fait la malle comme un voleur ?» Tu secouais la tête face à ces paroles. C’était plutôt logique que Disney se soit lancé dans une plateforme avec tout le contenu dont ils disposaient et dont ils récupéraient petit à petit les droits. Le début du 21ème siècle lançait la bataille des plateformes et les prochaines offres de bouquet concerneront les plateformes et pas les chaînes de télévision. Ou peut-être un mélange. Tu étais prête à lancer le dessin animé mais tu vis qu’Helena avait quelque chose sur le coeur alors tu lui laissais la possibilité de se confier. Ce qu’elle fit en te parlant de retrouvailles avec Auden. Dire que tu étais surprise était un euphémisme, tu ne pensais pas qu’Helena le croiserait de nouveau. « Oui oui, je ne le reverrai plus. Mais le fait de le revoir m’a fait beaucoup plus mal que je ne le pensais … Le fait que je n’ai jamais eu d’explications sur les raisons de la rupture, joue sans doute, c’est évident, mais … Il a tout ce que j’ai toujours voulu avoir, Jess, et que lui n’avait jamais voulu. Et moi ? J’en suis toujours au même point. J’enchaîne toujours les boulots, je vis toujours dans le même petit appartement, et je suis toujours célibataire, faisant de temps en temps de nouvelles erreurs de jugement sur des hommes. Il s’est écoulé 4 ans, et je n’ai pas progressé … Ca, ça fait mal. » Tu pouvais comprendre que cela soit très frustrant pour Helena et qu’elle vive cela comme un échec. Auden l’avait traitée comme un mouchoir jetable et ça, tu ne pourras jamais le lui pardonner. Qu’il se soit trouvé une femme et une famille, cela le regarde mais il n’a pas le droit de venir s’en vanter à Helena. Posant ta main sur le bras de ton amie, tu lui dis : « Tu ne dois pas le voir comme un échec Helena. Ce n’est pas facile de construire une relation avec quelqu’un et d’ensuite construire une famille. Pour avoir fait les deux en moins de deux ans, je te promets qu’il vaut mieux prendre son temps. Ce n’est pas une compétition. Ta chance viendra, j’en suis persuadée et Auden pourra aller se faire foutre. » Tu t’en fichais de ne pas être très polie, tu ne supportais pas cet homme. Tu ne comprenais pas comment Helena pouvait attirer autant les mauvais garçons. C’était sans doute son besoin de voir le bien dans chaque personne. Toi tu n’avais pas ce problème. Mais tu ne cherchais pas à te caser spécialement non plus. Tu confiais ensuite à Helena les problèmes que tu traversais au boulot avec les contrats qui se raréfiaient : « Toi aussi, tu en as besoin. Tu es une femme magnifique, avec un corps absolument sublime. Ils seraient bêtes de ne pas continuer à t’engager ! Je crois en toi. » Un petit sourire amusé se dessina sur tes lèvres. Tu savais que tu étais toujours une belle femme mais ce n’est pas toujours suffisant dans ton métier. Tu refusais de baisser les bras cependant, pas quand tu n’avais pas tout essayé. « Tu sais que je serais toujours là pour toi si tu as besoin, pas vrai ? » Tu ne pus t’empêcher de prendre ton amie dans tes bras après avoir pris une nouvelle gorgée de ton verre. « Je sais Helena, merci. C’est pareil pour moi. » Lui dis-tu sincèrement. N’ayant rien à ajouter sur le sujet de ton boulot, tu lançais le dessin animé. Après plusieurs minutes à regarder l’écran, Helena te demanda : « POngles ? Coiffure ? Maquillage ? On peut le faire en continuant à regarder, on connaît la suite ! » Regardant tout ce qu’Helena avait amené, tu pointais du doigt les vernis à ongles : « Moi je commencerais bien par les ongles qu’est-ce que tu en dis ? Une couleur de prédilection ? »

Il était difficile pour toi de voir les choses du point de vue d’Helena. Tout ce qu’Helena voulait, tu l’avais déjà vécu. Le mariage, les enfants, tu avais déjà donné à ce niveau-là. Contrairement à ton ami, tu n’avais pas attendu longtemps pour t’assurer qu’Abel était le bon, tu pensais qu’il l’était et tu n’avais pas voulu en douter. Tu n’avais aucune raison d’en douter à l’époque. Mais la vie en avait voulu autrement et désormais, au lieu de chercher une relation stable dans laquelle t’installer pour les prochaines années et continuer à construire une famille, c’était tout l’inverse que tu cherchais. Tu n’étais pas contre une histoire si tu tombais amoureuse mais tu refusais de te laisser guider par ce désir là. Tu avais envie de profiter tant que tu pouvais, tant que la trentaine n’était pas encore là et qu’il était encore acceptable de vivre ainsi. Pour Helena, c’était différent. Elle avait toujours voulu construire une famille, se poser mais n’avait jamais pu le faire. Maintenant qu’elle avait passé le cap de la trentaine, tu savais que cela devenait comme une obsession pour elle. « Mouais, le temps, je n’en ai plus tellement … Tu te rends compte, Jess ? J’ai 31 ans ! Je dois encore trouver un mec, prier pour que ce soit le bon, rester en couple avec lui assez longtemps pour m’en assurer, et après seulement tenter de mettre en route un enfant … C’est pas demain la veille que j’aurais un petit monstre pour jouer avec ta princesse … » Pourquoi fallait-il toujours que ce processus prenne autant de temps ? Si Helena pensait que son homme était le bon, qu’elle se lance. Attendre qu’il lui prouve le contraire ne ferait que retarder l’échéance à tes yeux. Repousser ce rêve qu’elle avait depuis des années. Tu restais néanmoins persuadée que forcer le destin n’était pas la chose à faire. « Bien sûr que tu as le temps Helena ! Essaie de ne pas te prendre la tête. Les hommes n’aiment pas rencontrer des femmes qui sont obsédées par l’idée d’avoir des enfants et construire une famille. Si tu dois tomber amoureuse, cela se fera et à ce moment-là, pourquoi attendre des années avant de se lancer ? » Avec Abel, vous aviez été trop vite. Mariés après quatre mois de relation, tu étais tombée enceinte pendant votre lune de miel et Morgane était arrivée bien trop vite tu en avais aujourd’hui conscience. Mais cela ne voulait pas dire qu’il fallait attendre des années non plus. « J’ai été trop vite avec Abel mais je n’ai jamais regretté notre mariage, je n’ai jamais regretté Morgane. La vie nous a séparés, c’est comme ça mais au moins je n’ai pas de regrets. » Dis-tu simplement en espérant aider ton ami à prendre conscience de certaines réalités. Tu ne savais pas si cela allait fonctionner mais tu voulais faire oublier à Helena sa rencontre avec Auden. Ton amie te questionna ensuite sur ton futur professionnel en te posant une question pertinente à laquelle tu ne voulais pas commencer à répondre : « Tu as un plan B ? Pas pour tout de suite, je veux dire, mais pour la suite ? Tu feras quoi, quand tu ne pourras plus être mannequin parce que tu auras … les genoux entre tes seins ? » Ton métier n’était pas un métier qui se pratiquait jusqu’à la fin d’une vie. Cela ne fonctionnait pas comme ça. Si tu étais chanceuse, tu pourras continuer à le pratiquer jusqu’à tes trente-cinq ans, peut-être un peu plus mais tu ne te fais pas d’idée, tu n’es pas si spéciale que cela. Toutefois, cela ne veut pas dire que tu as réfléchi à la suite. Ton métier c’est ta passion, il est difficile de se projeter dans autre chose. « Non, je n’ai pas de plan B. Je sais qu’il faudrait que j’en ai un mais je compte sur mes contacts. J’espère pouvoir rester dans le métier, peut-être en passant de l’autre côté de la barrière, en travaillant dans une agence mais en temps que manager ou agent. Mais je ne suis pas prête à renoncer à me retrouver derrière la caméra, pas tant que j’en ai encore l’opportunité. » Dis-tu en secouant la tête. Tu avais également un diplôme universitaire que tes parents avaient tenu à te faire décrocher mais il n’était pas venu le jour où tu te lanceras dans une carrière en communication/marketing dans une grande entreprise de la ville avec quinze ans de retard. Le dessin animé avançait tranquillement derrière vous en fond sonore. Tu le connaissais par coeur pour l’avoir vu plusieurs fois avec Helena mais surtout avec Morgane. « Va pour celui-là, une couleur discrète. Je vais laisser les paillettes pour ta fille demain si tu veux. Je proposerais bien de te coiffer en même temps, mais je crains que tes cheveux n’apprécient pas trop le vernis … » Tu laissais échapper un petit rire à ces paroles et tu tendis tes mains à la jeune femme en face de toi avant de l’accompagner dans la chanson « Sous l’océan ». Une fois la chanson terminée, tu lui dis : « Concentre-toi sur mon vernis, je te coifferai une fois qu’il aura séché. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil.

Faire une obsession de l’idée de fonder une famille n’était pas la meilleure manière de concrétiser ce rêve à tes yeux. Tu pouvais comprendre que ce soit une préoccupation importante pour Helena mais cela ne pouvait pas devenir le centre de sa vie, ce pour quoi elle vivait. Elle ne pouvait pas envisager chaque rencontre avec un homme et se dire qu’il était celui qui changera sa vie. S’il faut, l’homme avec qui elle fondera cette famille se trouvait déjà dans son entourage. A tes yeux, elle ferait mieux de profiter de la vie et de toutes ses opportunités, elle finira par trouver ce qu’elle cherche mais pas en le guettant comme un loup guette son gibier. Tu vis que tu ne l’avais pas convaincue toutefois et tu n’étais peut-être pas la meilleure personne pour le faire vu que tu avais déjà été mariée et tu étais déjà maman. Mais un mariage éclair et un enfant à élever quasiment seule n’était pas ce que recherchait Helena donc tu n’étais pas certaine qu’elle t’envie. La conversation se tourna ensuite vers ton boulot et les difficultés que tu rencontrais en ce moment. Ces difficultés t’amenaient à te poser certaines questions et celle qu’Helena te posa en faisait partie même si tu n’avais aucune envie d’y répondre. Tu aimais trop prendre la pause, être le centre de l’attention de la personne derrière l’objectif et jouer ce jeu dangereux qui te faisait vibrer depuis tes débuts. Non, tu n’abandonneras cela que quand tu n’auras vraiment plus le choix ou si un jour tu en as assez mais pas avant. Tu confies toutefois à Helena que tu as un peu pensé à la chose mais pas très sérieusement, plus pour te rassurer et rassurer tes parents qui n’avaient eux jamais pensés que tu serais encore en train de poser aujourd’hui. « He bien, si ça ce n’est pas un plan B, je ne sais pas ce que c’est ! Les idées sont là, tu auras largement le temps de les concrétiser. » Ce n’était pas vraiment un plan B, c’était plutôt des idées qui peut-être un jour se concrétiseraient. Si tu dois quitter le mannequinat, tu ne veux pas le quitter totalement car tu ne penses pas pouvoir être heureuse dans un de ces jobs répétitifs et inintéressants à tes yeux qui faisaient vibrer ta soeur aîné et ton père. « Ce n’est pas à l’ordre du jour mais nous verrons bien. » Ce serait beaucoup s’avancer que de présumer quoi que ce soit sur ton avenir professionnel. Même si tu avais quelques craintes, tu n’étais pas dans une situation catastrophique non plus. Helena ramena ton attention sur la tâche qu’elle effectuait soit, le vernis qu’elle étalait sur tes ongles. « Tu promets de bien attendre que le vernis ait séché correctement ? Je refuse de couper mes cheveux pour l’instant ! » Tu attrapais le shot de vodka que te tendit Helena et cette fois, tu le sentis bien passer. Il était temps de faire une petite pause à ce niveau-là pour te laisser le temps de t’habituer un peu surtout si tu devais ensuite coiffer ton amie. « Avant l’effort, le réconfort ! Il faut vite que j’applique le vernis sur tes ongles avant que je voie 20 doigts de Jess au lieu de 10 ! Et voilà ! Madame est satisfaite ? Je t’aurais bien proposé un check, mais on va attendre que tu ne risques pas de refaire la déco de ta maison avec tes ongles pour ça ! » Tu secouais la tête amusée et secouais légèrement tes mains dans l’espoir de les faire sécher plus vite. Helena avait raison, elle avait réussi son coup. Vous aviez bien fait de commencer par ça car il était évident que vos gestes devenaient un peu moins précis et plus maladroits au fil de la soirée alors que vous descendiez tranquillement la bouteille en face de vous. « Si jamais ton boulot capote, tu peux ouvrir un salon de manucure. » Lui dis-tu avec un clin d’oeil. Helena a déjà pas mal changé de job depuis que tu la connais mais celui qu’elle exerce actuellement semble lui convenir. Sur l’écran en face de vous, Ariel et Eric se font renverser de la barque sur laquelle ils ont failli partager leur premier baiser. « Ca me fait plaisir que tu sois là, j’avais besoin d’une soirée de ce genre. » Dis-tu avant de déposer un baiser sur la joue de ton amie. Tu attrapes ensuite un vernis en lui disant : « A ton tour ma chère ! » Tu n’es pas encore trop imbibée d’alcool pour cette tâche mais tu le seras bientôt, après tout, la soirée ne fait que commencer et Helena dormant chez toi, la seule limite qui existait était la limite sonore pour ne pas réveiller Morgane. Pour le reste, c’était open bar …