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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyLun 4 Mai 2020 - 15:25


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crédits gif et code fiche/ (tumblr & malibu) ✰ w/ @Olivia Marshall

Concilier vie quotidienne et spiritualité avait toujours été une épreuve pour Yasmine. Elle s'y obstinait pourtant, plus têtue qu'il n'y paraissait en la matière, depuis qu'elle était en âge de comprendre combien la foi pouvait aider à structurer les individus, qu'importe celle qu'ils honoraient en leur âme et conscience. Chaque fin de mois du Ramadan, elle ressortait plus apaisée, ça aussi c'était un acquis qu'elle avait gagné avec les années, forte de l'expérience qu'elle avait passé à ressentir tout et son contraire. Quand elle y songeait, celui de l'an dernier avait été une exception. La manière dont tout s'était terminé lui laissait d'ailleurs un goût amer persistant dans la bouche lorsqu'elle se rappelait la paume de la main de sa mère s'abattant sur sa joue avec une violence qu'elle ne lui avait jamais connue ; aussi, elle tenait à ce que cette fois-là, tout se passe relativement pour le mieux. Après tout, l'introspection était de mise dans cette période, et le pardon était une vertu qu'elle avait toujours eue, cadeau reçu grâce à l'éducation qui avait fait d'elle celle qu'elle était aujourd'hui.
Alors ça avait beau être difficile, elle s'efforçait de faire ce qu'elle pouvait pour respecter les consignes qu'elle connaissait depuis toute petite – observatrice d'abord, adepte par la suite –, soucieuse de faire tout son possible pour honorer les coutumes religieuses de ses parents, d'elle-même aussi par la force des choses. Mais effectivement, ça demandait une volonté de caractère qu'elle n'était pas sûre d'avoir cette année, prise en plusieurs états d'âmes, oscillants entre bonheur et morosité.
Le bonheur, elle le devait à Edge. Si elle avait expliqué en large et en travers les tenants et les aboutissants du jeûne dans lequel elle s'était lancée au photographe, ne s'offusquant pas des questions qu'il lui avait posé en retour, au contraire plutôt rassurée qu'il le fasse au lieu d'interpréter à sa guise les préceptes qu'elle souhaitait respecter, il n'était pas moins tortueux pour elle de se faire à la distance sécuritaire imposée par ses croyances dans cette longue période de prières et d'abnégation. L'évolution de leur relation était toute neuve, elle était aussi étourdissante, chaque jour un peu plus fort que le précédent lorsqu'elle se trouvait avec lui. Cette relation, elle était aussi nécessaire à ses yeux que la tradition qu'elle tachait de suivre cette année encore. Elle ne voulait délaisser ni l'un ni l'autre… mais dans le fond de son petit cœur battant la chamade à la simple apparition du jeune homme, sa préférence lui était toujours adressée, et tant pis pour la culpabilité. Elle aurait bien le temps de s'en laver au cours de ses prières puisque de toute manière, elle ne faisait rien de condamnable.
La morosité, elle l'attribuait à son travail ; à la décision qu'elle avait prise de bientôt quitter l'hôpital St-Vincent et à la concrétisation d'un futur si incertain finalement, qu'elle pensait mettre à profit ce mois particulier pour mieux y réfléchir. Yasmine voulait établir la liste de ce qui la mènerait enfin à se lancer, et à annoncer à Saït qu'elle comptait s'en aller. Mais pour se lancer dans quoi exactement ? Elle avait parlé de sa décision à Norah, sa réaction l'avait rendue plus hésitante que jamais… elle savait cependant qu'elle avait besoin de partir et aucun débat n'avait besoin d'en découler. Yasmine le ferait, point final.

Le mois du Ramadan était propice à la générosité, et elle l'avait toujours accordée aux autres, n'était-il pas temps pour elle de s'autoriser un peu de lest ? Ce fût cette pensée qui lui frôla l'esprit quand elle attrapa son sac et son téléphone pour, avec détermination, sortir de sa Jeep. Elle plissa les yeux face à la forte réverbération du soleil – qui se coucherait bientôt, merci pour la soif qui la tenaillait depuis le début de l'après-midi – sur les murs extérieurs de la station de police. Elle le contourna d'un pas devenu incertain sur le moment, se disant qu'elle passerait rapidement saluer son frère une fois qu'elle aurait rejoint Edge. Suivant les recommandations de ce dernier qu'elle avait reçues par texto, ils avaient convenus de se rejoindre ici. Plus précisément, dans une annexe du commissariat qui accueillait les réunions bénévoles d'aide aux familles des victimes auxquels participait régulièrement le jeune homme.
Ses pas se firent brusquement plus déterminés, influencés par les voix qu'elle percevait du corridor qu'elle rejoignit discrètement, puis qu'elle traversa sans plus de cérémonie, confortée dans son idée d'être sur la bonne voie pour retrouver Edgerton. Elle poussa tout aussi doucement la porte de la salle où se tenait la réunion du jour, se faufilant à l'arrière pour patienter jusqu'à ce que le tout soit terminé. Son regard se posa instinctivement sur Edge qu'elle salua d'un doigt planté sur sa propre bouche pour lui indiquer qu'elle ne ferait aucun bruit. Et puis doucement, la diversité des profils qui se présentaient à elle lui fit péniblement détourner le regard, tandis qu'elle glissait son sac entre ses pieds.
Yasmine appuya le bas de ses reins contre une table dressée pour la collation post-réunion qui ne tarderait pas arriver – comme en témoignait le mouvement qui se propagea soudainement dans l'assemblée. A distance, Edgerton lui indiqua qu'il n'en avait plus que pour une minute. Elle opina pour lui faire comprendre qu'elle lui laissait tout le temps du monde. Elle avait très rarement eu l'occasion de le voir évoluer dans cet univers-là, et peut-être qu'en y pensant, ça lui fit quelque chose qu'il la laisse ainsi pénétrer dans cette partie de sa vie de laquelle il l'avait tenue à distance autrefois. Elle resta là un instant à faire ce qu'elle savait faire de mieux : observer en silence. Elle ne se laissa pas distraire par l'odeur sucrée des donuts sur lesquels elle n'avait pas osé poser les yeux en arrivant. Seulement, ils avaient beaucoup de succès comme le prouvait l'enthousiasme de ceux qui s'approchèrent de la table pour en piocher un ou deux. En revanche, et progressivement comme le soulagement qu'elle sentait émaner de ceux qui avaient assisté à la réunion, elle se laissa happer par les traits reconnaissables d'Olivia. Yasmine la dévisagea une seconde de trop.
Et subitement, elle se retourna vers la table. Rempoignant de nouveau son sac pour l'enfiler à son épaule, elle papillonna des yeux en retenant une profonde inspiration. Mais son geste précédent fût sans doute un peu trop brusque, et aussitôt elle s'en mordit les doigts. Un gobelet plein laissé à l'abandon vacilla pour étaler tout son contenu sur la surface de la table qu'elle se hâta d'éponger avec des serviettes en papier après avoir fermé les yeux. Se fustigeant mentalement, sans jurer cependant, elle se pencha sur la table pour réparer les dégâts qu'elle avait causé dans sa précipitation d'échapper au regard d'Olivia. Concentrée sur sa tâche, elle ne put s'empêcher de se trouver insupportable d'avoir été incapable de gérer sa surprise à l'instant où elle avait croisé le regard de la brune que, sincèrement, elle ne s'était pas du tout attendue à trouver ici.
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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyJeu 7 Mai 2020 - 23:43


Olivia Marshall & @Yasmine Khadji ✻✻✻ Les bras croisés contre ma poitrine, le dos raide contre le dossier de la chaise, je me surprenais à espérer être capable de fermer les yeux et m’évader, m’endormir presque, bercée par les ronronnements des distributeurs automatiques au fond de la pièce et les bruits étouffés de la circulation extérieure. En cette journée d’automne presque estivale, la climatisation était sûrement en marche sans que cela ne m’empêche pour autant de ressentir l’indolence inhérente à la moiteur ambiante d’une pièce close et occupée par une dizaine de personnes. J’aurais souhaité m’assoupir, oui, m’éveiller lorsque tout cela serait terminé, mais ici, assise sur cette chaise inconfortable, les os grinçant à chaque fois que je daignais esquisser le moindre mouvement, cela se révélait impossible, provoquant en moi un léger sentiment d’agacement pourtant injustifié. Je n’étais pas là pour cela. Alors pourquoi, Liv ? Ma main distraite vint emmêler mes cheveux au sommet de ma tête avant de retrouver sa place, nonchalante, se perdant au creux de mon coude alors que je rabattais mes bras contre moi, une nouvelle fois. Mes yeux balayaient les visages autour de moi sans véritablement les voir, sans véritablement les regarder. Les murs étaient gris, les visages aussi, burinés par le manque et le deuil que nous avions tous en commun, la misère de la solitude. Je pouvais discerner les longues peines des pertes récentes. Je les avais reconnues dans l’allure de chacun et je finis par détourner le regard de nouveau. La lumière naturelle ne filtrait dans la pièce que grâce aux longues fenêtres en hauteur, habillées de barreaux comme de nombreuses autres dans cette partie reculée du commissariat. L’air alourdi par la peine et la fébrilité ressentie se chargeait de filtrer et ternir les sourires vagues et encourageants que le reste du groupe ne cessait de vouloir accorder au dernier ayant osé prendre la parole. J’avais cessé, dans le fond, de les écouter réellement. J’entendais leur voix s’élever une par une, mais les mots s’échouaient à mes oreilles et l’abattement accompagnant chacun d’entre eux me dissuadait de me concentrer sur leur contenu. Je les entendais sans les écouter. Je voulais quitter cette pièce terne sans avoir à me souvenir de chacune de leur peine se rajoutant à la mienne, brûlant mes rétines car les images se dévoilaient derrière leurs récits. Bientôt mon tour viendrait. Mon tour venait toujours. Et je me demandais, à chaque fois, ce qu’il était possible pour moi de dévoiler, de révéler, d’accepter partager. Étais-je capable de m’éclipser ainsi, laissant mon costume jouer seul sur cette scène improvisée ? Le laisser se mettre en scène, divertir l’assistance en pensant à autre chose, exposer les émotions sans avoir à les subir plus tard, la solitude retrouvée ? Cela me paraissait impossible.

As-tu vraiment envie d’être là ? Je me souvenais de cette question à laquelle j’avais dû faire face quelques mois plus tôt lorsque, pour la énième fois, je m’étais contentée de me taire. Je m’étais penchée en arrière, soulevant de quelques centimètres les pieds de ma chaise et haussant les épaules d’un air faussement étonné. La question m'avait effleurée, un instant, si quiconque avait déjà entendu quelqu’un assumer avoir envie de rester entre ces murs grisâtres et propres, sentant le produit à vitre, le café trop sucré et les histoires tragiques. Je m’étais retenue de la poser, par miracle, les laissant m’inventer des réponses bien plus pertinentes que les miennes. Envie. De quoi avais-je envie ? J’ai envie de rentrer chez moi mais je ne peux pas. Alors je restais car je ne dormais plus, jamais totalement, et ce malgré les médicaments et l’épuisement général. Mon sommeil ressemblait à une transition avant que tout ne recommence, inlassablement, jour après jour. J’avais envie de rentrer chez moi car je n’étais pas faite pour être enfermée mais je restais, oui, car lorsque je venais ici, lorsque je n’écoutais pas mais que je voyais, lorsque je me rendais compte que ma pénitence était celle de nombreux autres, alors je dormais. Je m’endormais, toujours, la nuit d’après. Et j’avais cessé de me demander pourquoi, leur en voulais lorsqu’eux ne se gênaient pas. La parole comme exutoire psychologique me paraissait illusoire, je les libérais ainsi de l’obligation de demeurer là, figés, forcés d’écouter mon discours morne et semblable aux leurs. Je n’irais pas mieux, à la fin. Quoiqu’ils fassent, quoiqu’ils disent, ils n’avaient pas la capacité de me guérir car mon cœur tout entier rejetait la guérison. Le grincement discret de la porte me tira lentement de mes pensées et je décelais, dans les changements d’intonation de l’homme à mes côtés, qu’il en était de même pour lui. Je l’entendis faire l’effort de ne pas lâcher le fil déjà fragile de ses confessions, parvenant tant bien que mal à lancer quelques mots, pris au hasard comme des ingrédients au creux des mains d’un cuisinier dépassé. Le chagrin, l’incompréhension, la rancœur. Qu’il les prenne tous, ces ingrédients, qu’il les manie à sa façon, qu’il nous les lance au visage en espérant s’en débarrasser, ils l’avaient tous fait avant lui. Je ne m’étonnais pas de les entendre de nouveau d’entre ses lèvres mais sa présence, elle, sa présence me surprenait sans que je n’en laisse rien paraître.

J’observais ses cheveux attachés soigneusement en une longue queue de cheval, son visage souriant vaguement à l’attention d’une personne que je ne cherchais pas à identifier et son regard doux et indulgent, toujours, alors qu’elle trouvait un appui non loin de l’entrée. J’inclinai la tête lentement, cessant de lui prêter la moindre attention, incertaine quant à ce que sa présence semblait capable de manifester en moi, la surprise passée. Ici aussi, alors. Ici aussi … Je levai un regard vers la personne à mes côtés, tentant maladroitement d’attirer mon attention, de me prévenir et je fermais le poing sur mes réflexions, comprenant qu’il s’agissait de mon tour. Bien sûr que ça l’était, mon tour. Bien sûr qu’ils me réservaient le dernier à présent, anticipant ce que je m’apprêtais à faire comme toujours, alors que je percevais déjà les attitudes de départ, les membres se relâcher, les attentions s’éparpiller. Je hochai la tête par réflexe, clignant des paupières pour souligner ma lassitude et fis un geste évasif vers la sortie sans prononcer le moindre mot. Ils comprendraient. Je n’avais rien à partager, toujours rien. Ils comprenaient si bien que les chaises raclaient déjà sur le sol plastifié et j’observai une main se poser sur mon avant-bras d’un geste réconfortant alors que plusieurs silhouettes se dirigeaient déjà vers les rafraichissements, leur démarche dotée d’un soulagement biaisé. Je réprimai un soupir et croisai finalement le regard de Yasmine, décelant la surprise dans le sien l’espace d’un instant, avant qu’elle ne s’échappe du mien presqu’aussitôt. Mes paupières se plissèrent légèrement, accentuant la sévérité de mon regard que je n’étais pas certaine de ressentir, pas encore, puisque je déclarais déjà forfait au sein d’une bataille absurde que je ne pensais pas vouloir mener de nouveau, rassemblant le peu d’affaires en ma possession avant de me lever à mon tour. Ces quelques secondes suffirent à l’accident, à la gêne, à l’empressement de réparer des dégâts, ceux qu’elle n’avait pas prévu, ceux dont elle ne voulait jamais être responsable, ceux qu’elle essayait tout de même de rattraper, de camoufler, de soigner. Le soupir m’échappa cette fois-ci, léger, imperceptible et je continuai d’avancer, plus lentement peut-être, lui laissant le temps de calmer ses sens en alerte, laissant mes doigts glisser dans l’emmanchure de mon sac à la recherche de mes cigarettes, introuvables. À la place, ce fut autour d’une bouteille d’eau sur la table qu’ils s’enroulèrent sans y penser alors que je l’écartais des mouvements hâtifs de Yasmine sans prendre la peine de la regarder. « Je savais que je n’aurais pas dû le laisser là. » laissai-je tout de même échapper à son encontre, désignant d’un geste de tête vague le verre échoué au milieu de la table. Et je les prononçais pour cela, ces mots. Parce que je les entendais se perdre aussitôt entre les conversations alentours, elles qui étaient dénuées de tout jugement, de toute rancœur, elles qui oscillaient à présent entre la reconnaissance d’avoir été entendues et le soulagement d’être enfin libérées.





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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyJeu 14 Mai 2020 - 14:23


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Rester concentrée sur sa tâche, ce fût ce que Yasmine se somma de faire. Elle avait toujours été bonne pour agir dans ce genre de situations. Réparer les dégâts sans y réfléchir, la mine sérieuse et les gestes précis, elle était faite pour l'urgence, c'était ce que lui avait souvent dit ses tuteurs durant ses stages d'étudiante. Ça l'avait contrainte à changer son fusil d'épaule, ses rêves de pédiatrie devenant peu à peu moins évidents tant elle avait pris goût à la dose d'adrénaline qu'elle avait ressenti lors de ses premières interventions sur le vif, portée par la précipitation d'agir méthodiquement et efficacement. On en devenait très vite dépendant, de cette subite montée de trop de choses à la fois qui malgré la fatigue parfois, permettait de rester debout et alerte, attirée par la perspective d'une autre montée aussi puissante, aussi étourdissante. Ils en plaisantaient souvent entre eux, les soignants, de leur fâcheuse tendance à en demander toujours plus, se trouvant des travers d'addicts à leur métier quand ils avaient l'impression que ce n'était pas assez. Elle n'avait pas fait exception à la règle, y trouvant le frisson nécessaire pour lui permettre de supporter des choses compliquées, se raccrochant à l'action d'aider son prochain pour éviter de s'attarder sur ce qui la taraudait. Mais le temps lui était compté, tout comme celui qu'elle passerait désormais dans les couloirs du service qui l'avait fait mûrir trop vite et duquel elle s'extirperait bientôt, trop épuisée moralement pour continuer.
A l'époque, on la pensait trop émotive pour faire ses classes dans un tel service. Yasmine avait prouvé qu'elle était la plus à même pourtant, usant de sa sensibilité pour faire son travail avec une expertise manifeste, peu impressionnée par le flux constant de patients, de tristesse, de sang. Réagir à l'urgence, c'était tout un protocole à suivre, aussi il lui avait donné les armes pour se faire respecter sans qu'elle n'eût jamais à dégainer trop violemment, trop peu portée sur l'agressivité pour en imposer ; elle faisait son travail, c'était tout. Il fallait rester ouvert à l'éventualité que tout et son contraire pouvait arriver et se laisser dicter la marche à suivre par l'adrénaline – encore elle – qui, une fois la situation prise en charge, s'insinuait lentement dans l'organisme ; et comme avec certaines drogues dures, la descente était parfois difficile, elle l'avait expérimenté à de maintes reprises, recroquevillée dans un coin du vestiaire des infirmières, la tête entre les genoux, la poitrine si douloureuse à cause des battements de son cœur et le rythme de sa respiration entrecoupée. C'était devenu trop, elle ne voulait plus vivre ça. Sans doute avaient-ils eu raison, ceux qui s'étaient gaussées qu'une femme comme elle puisse choisir les urgences pour exercer parce qu'en effet, après près de dix années et un voyage humanitaire, elle trouvait tout ça trop pénible à supporter.
Ça le serait là aussi, elle pouvait déjà l'anticiper tandis qu'elle se hâtait de recouvrer toute sa capacité à ne pas laisser les choses s'envenimer, penchée sur la table qui se retrouva souillée par le verre qu'elle avait renversé. La nappe s'imbiba graduellement d'un liquide orangé qu'elle suivit d'un regard concerné, les mains s'affairant avec dextérité pour en stopper la progression lente, mais sûre. Comme avec le sang, un point de compression lui permis d'endiguer le tout alors que sur ses doigts rétractés sur les serviettes en papier qu'elle avait utilisé comme seul recours à ses mouvements précipités, elle sentait le liquide froid lui provoquer un léger frisson ; où était-ce le regard d'Olivia qu'elle sentait peser entre ses omoplates ?
Un réflexe instinctif, et Yasmine tourna la tête sur sa gauche pour vérifier où en était Edge – son ancre, la preuve qu'elle ne risquait pas grand-chose à ce moment-là si ce n'était replonger dans des sentiments douloureux ; elle ne pouvait pas se permettre de les laisser l'envahir à ce moment-là. Elle ne le trouva pas, et peut-être qu'une vague de panique déferla dans ses yeux verts lorsqu'elle s'en aperçut, les pupilles vacillant de part et d'autre de la vaste pièce… jusqu'à ce qu'elle se réduise à prendre une grande inspiration et à retourner à son sauvetage, bien décidée à ne pas laisser sa dernière conversation avec l'inspectrice la blesser encore une fois.
Sa voix rauque atteignit son oreille. Yasmine ne répondit pas sur le moment. Concentrée sur la boule humide des serviettes en papier qu'elle rassembla dans l'idée d'aller les jeter, elle resta muette. Olivia lui avait reproché d'avoir insisté, elle lui avait reproché d'être trop emphatique, elle lui avait reproché tant de choses à la seconde qu'y repenser aujourd'hui lui laissait un goût d'injustice sur sa langue parcheminée par la déshydratation éphémère du jeûne qu'elle respectait… qu'était-elle sensée lui dire aujourd'hui sans que ça ne se retourne contre elle à la fin ? Elle avait assez donné pour accepter encore une fois de tendre le bâton. Pire que la liste des reproches faits par la jeune femme, c'était celui sous-entendu à ses mauvaises intentions qui lui avait fait le plus de mal ; ça ne lui était jamais arrivée, qu'on remette en doute ses actions, si bien qu'elle s'était mise à douter d'elle-même, retournant chaque fait énoncé par la jeune femme dans son esprit, se torturant des heures durant sur ce qui les liait. Quand bien même son amour propre souffrait du peu de considération qu'elle s'accordait, elle avait fini par admettre, le cœur au bord des yeux, que l'inspectrice avait été beaucoup trop dure avec elle.

Des justifications, elle en avait des tas, ça ne lui donnait pas le droit les assener tels des poings destructeurs sur celle qui avait tenté de l'aider. En la voyant ici, Yasmine comprit encore un peu plus qu'alors qu'elle l'avait toujours pensé, soupçonnant Olivia de ne pas vouloir se faire accompagner dans son deuil compliqué, elle avait seulement refusé que ce soit elle qui le fasse. Un nouveau coup, ainsi qu'une certitude qui s'ancra en elle, et qui aurait pu lui faire tourner les talons pour ne plus jamais avoir à affronter ce regard froid. Seulement, Yasmine ne serait pas elle-même si elle n'essayait pas d'arrondir les angles. Et puis, c'était le Ramadan. Commisération et bienveillance, c'était ce que Fatima lui répétait sans cesse pour tenir le mois entier.
Un autre regard dans la pièce, toujours à la recherche d'Edgerton qu'on ne pouvait pas manquer. Une pensée qui lui fit comprendre qu'il avait momentanément quitté la pièce ; un soupir, puis Yasmine dit enfin à la jeune femme "C'est rien, c'était un accident." Une notion qui revenait souvent dans leurs conversations, et qui lui fit brièvement lever la tête sans pour autant faire preuve de la sensiblerie qui était la sienne – juste parce que ses mains étaient pleines des serviettes imbibées, y laissant une pellicule collante sur ses paumes qui embaumaient le jus bon marché.
Soudain, elle se détourna, ne lui accordant pas de regard au préalable, pour se diriger vers une corbeille dans laquelle elle largua ses serviettes. L'option n'était pas indigne, la porte n'était qu'à quelques pas. C'était simple : elle retrouverait Edge et ils partiraient pour vaquer à leurs occupations de soirée, laissant derrière eux ce qui avaient occupé leur journée respective… mais ce fût plus fort qu'elle. Les mains souillées, elle les leva devant elle pour ne rien contaminer du sucre qui s'y était agglutiné, et pivota sur ses talons. Se décalant d'un pas vers la droite pour laisser passer un homme, son regard se posa de nouveau sur Olivia à qui elle dit simplement – un assentiment dont elle n'aurait cure et qu'elle se hâterait de désavouer sans doute. Mais Yasmine aimait avoir sa conscience pour elle, n'en déplaise à l'inspectrice "C'est bien que tu sois là."
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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyMar 19 Mai 2020 - 1:14


Olivia Marshall & @Yasmine Khadji ✻✻✻ J’avais passé suffisamment de temps entre ces murs pour savoir qu’ils n’étaient pas capables de se fendiller tels une noix, malgré les craquements sinistres des regrets, de la douleur et des désillusions pourtant régulièrement à l’assaut de leurs fondations fragiles. Ils demeuraient droits et insensibles, inconscients de ce qui se tramait en leur sein, apathiques pour ne pas ployer l’échine, eux aussi. Ils me le prouvaient de nouveau face aux souffles de la nouvelle venue pourtant lourds d’affres et de séquelles que j’avais moi-même causées. Dont j’avais été la première responsable, il y avait plusieurs semaines de cela. Quant à mes effluves, mes troubles, mes remords, car il y en avait, ils y étaient habitués et je les imaginais glisser leurs regards indifférents sur mon âme d’émérite car ils savaient que je me ralliais déjà à eux, étouffant moi-même ce qui pouvait faire faillir pour leur faciliter la tâche. Je l’avais vue s’arrêter soudainement en croisant mon regard. J’avais vu l’éclat brillant de ses yeux à cet instant-ci, comme si ma présence n’avait eu aucun sens, comme s’il lui avait fallu du temps, un temps nécessaire pour l’appréhender, y croire afin de mieux pouvoir me contrecarrer. Je le lui laissais alors, dégageant d’un mouvement d’épaules lent et mesuré mes cheveux de l’anse du sac que je vins arranger en bandoulière contre moi, sachant dans le fond que ce temps ne suffirait pas, de mon côté. Que l’allure ne m’épargnerait de rien car ma présence en ce lieu en disait suffisamment, en disait trop à mon goût mais que je n’y pouvais rien à présent. Yasmine était là et ne comprendrait que trop vite les raisons de ma présence également. Je me rapprochais pourtant, acceptant cet état de fait, songeuse également, et étrangement, du signe que cela pouvait constituer : moi qui n’aurais jamais pu faire le premier pas, moi qui ne serais jamais allée la retrouver de nouveau sur son lieu de travail, moi qui n’avais désormais plus le choix que de faire la bonne chose. Ou celle qui se profilait lentement dans mon esprit, tout du moins, abaissant les barrières de mon ego avec difficulté mais persévérance. L’évidence ambrait le visage de la jeune femme néanmoins, celui qu’elle m’avait autrefois adressé avenant et familier et qu’elle refusait désormais de lever vers moi. À raison, compte tenu des reproches que je lui avais formulés la fois précédente. Je me demandais s’il s’agissait là d’un refus de m’affronter de nouveau ou mieux, d'une indifférence, un réel manque d’intérêt de sa part.

Elle m’avait déjà tout dit après tout et je lui avais tout refusé. Nous nous étions déjà tout dit. Et nous n’aimions pas dès lors avoir à nous retrouver de nouveau face à face mais peut-être était-ce nécessaire. Peut-être me restait-il quelque chose, finalement, à lui confesser. Quelque chose à reprendre. Toutes les choses à vrai dire ayant échappé à mon mutisme si longtemps gardé, si longtemps préservé. La surprise passée, sa présence ici ne paraissait plus me laisser d’autres choix. Simple, trop simple peut-être, comme une énigme à laquelle elle me laissait réfléchir entre deux mouvements empressés de sa part. Et si je fis l’effort de tourner la tête pour la regarder, les paupières plissées, ce fut en toute logique qu'elle s’abstint de le faire en retour. « C'est rien, c'était un accident. » Mon approche, aussi légère aurait-elle pu l'être, ne fut accueillie que par ces quelques mots, aussi impersonnels que les miens et qu’elle ne chercha même pas à atténuer en vue de son regard olive s’assombrissant soudainement vers un gris étrange, un gris n’ayant jamais fait partie de ses palettes habituelles, un gris auquel je devenais habituée désormais. Chez elle, comme chez les autres. Je connaissais cette collision de sentiments contradictoires, m’agitant, me réveillant, me poursuivant, ne me laissant d’autres choix que de les combattre afin de les réduire à la neutralité, celle que je pouvais affronter. Celle à laquelle j’avais tenté de la résumer également pour ne pas avoir à me souvenir. Et c'était à Yasmine désormais de désirer agir ainsi également, s’éloignant vers la sortie à quelques mètres de là. Je pouvais la comprendre. Elle pouvait partir si elle le désirait, elle pouvait me refuser son temps, son attention, son écoute ou pire, sa compréhension. N’était-ce pas ce que je lui avais demandé ? Pourtant, je l’observais hésiter, se tourner de nouveau dans ma direction, et je demeurais silencieuse, soucieuse de la laisser exprimer ce qu’elle n’avait plus été en état de revendiquer la fois d’avant, décidant par avance que je n’y objecterai aucune contradiction cette fois-ci. « C'est bien que tu sois là. » Mais Yasmine brisait les codes. Ou laissait son indulgence le faire à sa place. Celle qui savait si bien s’exprimer, dans son regard, dans ses gestes, dans chacun de ses comportements. Celle que je lui avais reproché avec tant de vigueur. Celle qu’elle n’hésitait pas à replacer devant moi, comme une provocation dont elle n’avait pas conscience ou qu’elle n’avait pas l’air de vouloir abandonner, pour moi. Je me contentai alors de hausser les épaules, laissant mon regard parcourir la pièce austère et animée. « C’est l’avis général. » admis-je sans ironie aucune. Celle-ci n’aurait eu aucun intérêt en ce lieu. Qui aurais-je pu tromper, de toute façon ? J’étais là. Et ce simple fait se chargeait de s’exprimer à ma place, de mettre à mal mon détachement, le rendant forcé, feint, factice. Peu importe si je prenais place sur cette chaise en gardant mes lèvres closes. Peu importe si j’écoutais les témoignages en comptant secrètement les secondes, ces dernières ne faisant que se consumer tristement comme le feu, la flamme et la cendre au bout de mes doigts. Peu importe puisque je revenais, ensuite.

C’était peut-être bien, oui, puisque j’étais devant elle, n’ayant pas encore tourné les talons comme je l’avais déjà fait à de nombreuses reprises en la croisant aux urgences de son hôpital. « Je vais faire vite. » commençai-je en m’approchant d’un pas, longeant la table pour venir m’asseoir distraitement contre le rebord face à elle, rejoignant mes mains entre elles, m’autorisant à attraper son regard avec précaution, comme toujours depuis deux ans, l’intransigeance en moins néanmoins. « Parce que tu n’as pas forcément envie de m’écouter et que tu as l’air d’attendre quelqu’un. » J’avais remarqué son regard parcourir la salle, l’espoir dans ce dernier, comme si une excuse était nécessaire pour qu’elle s’en aille, qu’elle se défile. Elle n’en avait pas besoin. Je ne désirais rien lui prendre d’autre que ces quelques secondes. « Et parce que ce n’est pas agréable pour moi non plus. » ajoutai-je par soucis d’honnêteté, plissant les yeux une seconde, à la recherche des mots qui le seraient le moins : pénibles. Douloureux à s’échapper de ma gorge habituée depuis trop longtemps à retenir ce qui était susceptible de me mettre à découvert. « Je regrette la manière dont les choses se sont passées l’autre jour. » Une de mes mains vint se perdre de nouveau dans mes cheveux, les emmêlant au sommet de ma tête avant d’atténuer : « Peut-être que tu n’as pas besoin de l’entendre, que tu t’es détachée de tout ça depuis et tu aurais bien fait d’ailleurs. » C’était la seule chose à faire, toujours. Cela ne me surprendrait pas alors, d’avoir été le cadet de ses soucis, d’avoir été la seule finalement, à regretter, à me remémorer mes mots s’étant révélés presque aussi forts que ce qui se jouait en moi, continuellement. « Parce que tout ça … sont des choses qui me concernent, moi. Des choses avec lesquelles je devrais être la seule à me battre et la façon dont je les ai déchargées sur toi était injuste. » Je ne cillai toujours pas, m’arrêtant ainsi, sachant que les torts étaient reconnus, à leur façon, mais que les excuses n’avaient toujours pas été formulées. J’anticipais pourtant le repli potentiel de Yasmine, son envie de se raidir ou de s’éloigner, elle l’avait déjà presque fait. J’étais encline à défier mon orgueil pour m'y plier mais rien n'était aussi facile.  Rien ne l'était jamais plus. « J’en suis désolée. » laissai-je finalement échapper, d’une voix mêlant sans peine la plus profonde sincérité à la plus concise sobriété. Encore autre chose mais rien ne me vint. C’est tout. Mes mains venant s’apposer sur mes cuisses fléchies, comme pour ponctuer mes paroles après quelques secondes, me relevant de ma position semi-assise pour lui signifier mon départ. Rien de plus honnête que cela. Rien qui ne paraîtrait forcé non plus, ou que je n’étais pas certaine de pouvoir assumer, ensuite. Ça n’arrivera plus. Qu’en savais-je ? Mon deuil était impulsif et acerbe. Je ne cessais de le percevoir comme cette marée n’en finissant plus de surprendre mon cœur. Tantôt haute. Tantôt basse. Et je n’étais pas désolée, non, à chaque fois que cette houle prenait dans ses remous un autre que moi, mais je l’avais été pour elle. Malgré toute l’ambivalence que ces remords éveillaient en moi.





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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyJeu 28 Mai 2020 - 11:12


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Elle ne pouvait pas s'en empêcher. Ce n'était pas si courant que ça, plutôt du genre à battre en retraite pour ne pas attirer l'attention, mal à l'aise sous les regards et les sollicitations directes, néanmoins il y avait des fois où Yasmine savait se placer au-devant du danger dans l'espoir vain de mettre un terme aux hostilités. Encore une preuve qu'au fond, elle n'était pas si fragile que les apparences le laissaient sous-entendre, elle qui évoluait avec son cœur en bandoulière et ses émotions mises à la disposition de tous. Bien sûr, elle ne se prenait pas pour plus diplomate qu'elle ne l'était, mais elle se savait un tantinet douée pour user de sa douceur naturelle et faire tampon, toute prête à accumuler l'électricité environnante pour désarmer et apaiser. Et dire qu'elle se pensait maladroite pour gérer les conflits – ceux dans lesquels elle était directement impliquée peut-être, il n'y avait qu'à voir comment elle avait géré celui qui l'avait séparé d'Edge pendant plusieurs semaines, mais aussi celui, plus récent, qui avait pris forme entre elle et Norah. Pourtant, n'était-elle pas celle qu'on appelait au secours en intervention quand il s'agissait de calmer des patients récalcitrants, les enfants inconsolables, ou les parents ivres de chagrin ? Elle savait trouver les mots justes et le bon ton, puisant dans les leçons avec lesquelles ses parents l'avaient serinée toute sa vie durant en lui rappelant que les éclats de voix et la violence étaient contreproductives et malsaines – ça n'apporte que de l'eau croupie au moulin de la colère, une expression qui l'avait beaucoup fait rire toute petite, son imagination trop fertile pour ne pas la laisser vagabonder face au lyrisme notoire de Fatima. Elle avait longtemps aspiré à être aussi douce qu'Amjad, lui qui était plus en retrait que son épouse, et qui représentait l'image même de la sérénité qu'on ne pouvait que respecter… c'était sur cette image qu'elle se basait pour venir à bout des frictions, glanant dans ce qu'elle connaissait de l'amour propre des hommes pour aplanir les malentendus et faire amende honorable.
Mais Olivia exécrait cette facette d'elle. Alors, postée à distance de la porte de la salle, Yasmine se contraint soudain au silence, laissant tout juste un assentiment percer l'épaisseur de l'air qui pesait sur leurs épaules. Elle ne dirait rien de plus. Elle n'en avait pas le droit. Pas après ce que l'inspectrice lui avait fait entendre la dernière fois. Ce n'était pas facile, elle sentait déjà l'envie pressante d'ajouter de quoi potentiellement apaiser le cœur de la jeune femme pour lui faire comprendre que, si elle lui avait fait du mal de son côté, elle ne lui en tenait pas rigueur – malgré le sentiment d'injustice prégnant, malgré la colère qu'elle avait ressenti à son égard pour s'être permise de remettre ses intentions en doute. Elle s'abstint avec entêtement, les mains toujours levées devant elle pour ne rien toucher, refusant de souiller quoi que ce soit d'autre que cette table qu'elle avait nettoyée précipitamment.

Laisser partir, laisser tomber, laisser couler… ce n'était pas une notion évidente pour l'infirmière, elle était du genre obstinée. Volontaire ou pas, son incapacité à tourner le dos était pourtant bien réelle et elle lui portait de plus en plus préjudice. En vérité, ça revenait à tendre constamment le bâton pour se faire battre, lui donnant des allures de masochiste qui se cachait timidement derrière la bonté qu'on lui avait inculquée. Il ne lui semblait pas nourrir ce travers cependant, elle était juste comme ça, à vouloir faire de son mieux pour que l'histoire se termine bien. Naïve, elle l'était sans doute un peu, mais c'était tout à son honneur de croire que chaque problème avait une solution adéquate et que rien n'était immuable. Sauf que dans le cas d'Olivia, c'était bien différent. Elle avait perdu plus qu'une pièce du puzzle qui constituait sa vie, et quoi que Yasmine serait prête à faire pour l'aider à vivre avec cette idée, il resterait toujours un vide immense qu'elle ne réussirait jamais à combler. Elle n'était pas assez vaniteuse pour avoir ne serait-ce qu'espérer en avoir la pouvoir… pour autant, lui tendre la main après ce qu'elles avaient vécu, toutes les deux à des niveaux différents, ça lui était apparu comme l'évidence-même. Elle avait fait la même chose avec Jacob, et lui avait accepté de se reposer un temps sur les derniers souvenirs de June qu'ils partageaient.
Yasmine faillit pivoter sur ses talons, ne voyant pas l'utilité de rester ici à contempler le vide de ses propres pensées. Mais ses pieds restèrent ancrés au sol, et la voix d'Olivia qui s'éleva à nouveau les cimenta sans qu'elle ne puisse intervenir. Toute de suite, elle baissa les mains, signe de reddition – trop rapide, certainement. C'était en ça qu'elle était si mauvaise pour le conflit ; elle ne durait pas dans l'affrontement, elle capitulait toujours.
"Il doit être occupé. T'as toute mon attention." lui répondit-elle sans même y réfléchir, lançant tout de même un regard par-dessus son épaule pour vérifier si Edgerton n'avait pas refait son apparition. Ce n'était pas le cas, mais elle l'aurait bien voulu. Pas pour échapper à la conversation qui se profilait, simplement pour l'avoir près d'elle et mieux supporter ce qu'elle sentait arriver de toute part. Ce serait plus supportable avec une main dans la sienne. Car là, ça ne serait pas agréable, Olivia avait raison "On est d'accord là-dessus." se permit-elle d'intervenir dans un murmure, rebondissant sur le concept d'injustice soulevé par la jeune femme qu'elle n'avait pas interrompue jusqu'alors, l'écoutant et l'observant avec une attention réelle. Les lèvres pincées, elle joignit ses mains collantes entre elles, puis fit peser son poing fragile contre son abdomen qui se contracta en se laissant happer par la pause qu'elle instaura peu après. Qu'était-elle sensée lui répondre en retour ? "Tu m'as fait entendre ta colère, je dis pas que t'as eu raison de le faire comme tu l'as fait, mais ça a eu le mérite de remettre les choses à leur place. J'ai compris." Compris qu'elle n'avait pas besoin de cette main qu'elle lui tendait constamment, compris qu'elle représentait tout ce qu'elle espérait oublier pour estomper la douleur lancinante qu'elle avait dans le cœur. Elle laissa ses propos s'amenuir, espérant paraître assez neutre. Un très léger sourire remonta l'une de ses pommettes cependant quand elle songea à ce qu'elle avançait sur l'éventualité que ce qui s'était passé entre elles n'avaient sans doute pas eu d'incidence sur son quotidien récent. Olivia se trompait. Lourdement. Yasmine voulait qu'elle le sache. Elle ajouta "Quel genre de personne je serais si je m'endormais sur tout ça en espérant avoir le sommeil assez profond pour oublier ?" Elle était humaine, elle le lui avait déjà dit. Un rappel qu'elle ravala ce coup-ci, trop fatiguée de se justifier constamment d'être celle qu'elle était.
Yasmine avait toujours cru qu'Olivia avait une bonne opinion d'elle – ou alors l'espérait-t-elle sincèrement, puisqu'elle de son côté avait assez de sympathie pour elle pour la placer dans la catégorie des gens bien. Mais là encore, elle avait compris qu'à partir du moment où la promesse qu'elle lui avait faite s'était rompue, l'acharnement du Destin étant trop fort pour qu'elle s'y tienne, elle avait perdu le privilège d'être bien considérée. Et c'était douloureux. L'une de ses mains poisseuses venant trouver la base de sa queue de cheval qu'elle replaça par habitude, Yasmine détourna le regard, cherchant dans le vide la marche à suivre désormais ; lorsque les excuses d'Olivia s'élevèrent, et qu'elle tourna à nouveau la tête dans sa direction "Moi aussi." C'était tout, effectivement. Vraiment ? Olivia se préparant à se lever du coin de table qu'elle avait investi pour lui faire face à distance, Yasmine opéra un léger pas en avant pour la retenir "Liv, deux minutes." Elle cligna des yeux, les faisant légèrement vaciller pour s'arrêter sur un point à hauteur de sa vision en ajoutant, les sourcils très légèrement froncés "Je connais ton avis sur la question, mais si un jour tu ressens le besoin de parler calmement de tout ça…" Sa phrase resta en suspens. Elle ne lui ferait pas l'affront d'expliciter. Yasmine marqua une pause et puis après une longue minute, elle remonta le regard pour affronter le sien en reprenant doucement "Si tu le ressens jamais, ce sera pas grave. Je sais que tu me considéreras toujours aussi mal que depuis ce soir-là, et je vais apprendre à le supporter. Juste…" Juste, quoi ? Elle ne termina pas sa phrase, se contentant de la promesse précipitée qu'elle se fit à elle-même de ne pas insister, plus jamais, et de simplement lui dire "Merci de t'être excusée."
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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyJeu 18 Juin 2020 - 1:22


Olivia Marshall & @Yasmine Khadji ✻✻✻ Mon père s’était pourtant chargé de m’inculquer cette leçon dès ma plus tendre enfance : prends sur toi, Olivia, personne ne le fera à ta place. Et pendant longtemps, je l’avais cru. Je l’avais écouté, pensant que personne ne m’aimait suffisamment, en effet, pour le faire. Lui le premier. Ou pas assez, pas autant que ma mère, pas autant que son épouse qu’il voyait disparaître sous ses yeux, désespérant que l’amour qu’il lui dédiait pourtant entièrement ne suffise à la ranimer. Je m’en étais accommodée durant mon enfance, tirant ces conclusions amères dans mon esprit malmené comme des flèches empoisonnées et plantées au creux de mon cœur. Et si Jacob était arrivé ensuite, s'il était parvenu à les extraire une à une, patiemment, délicatement, secrètement ; l’accident avait eu lieu et tout me semblait à refaire aujourd’hui. Je m’imaginais de retour au centre même d’une bataille que je préférais mener seule même si l’on m’en voulait de m’y complaire, désormais. Je ne le faisais pas que pour moi, néanmoins, incapable de le leur faire comprendre. Car si je pensais le reste du monde incapable de comprendre véritablement ce que je ressentais de l’avoir perdue, je ne leur souhaitais pas non plus. Je ne souhaitais cela à personne. J’avais tenté, alors, de préserver Yasmine également, de la prévenir silencieusement de ne plus m’approcher, l’observant se soustraire à mes conseils, à la raison semblant pourtant d’ordinaire guider le moindre de ses gestes. Son insistance ayant eu raison de ma patience, effritant les barrières si difficilement érigées autour de moi, j’avais finalement laissé la colère parler à ma place, celle-là même accentuant tous les défauts primaires siégeant sur le trône de mon esprit. C’était elle qui m’avait accompagnée lors de notre dernière conversation. Elle qui m’abandonnait à présent que le plus dur restait à faire : faire face au gâchis et au déséquilibre. Rattraper les dégâts que nous avions causé et espérer que ceux-ci soient moindres, toujours, chez les autres. « On est d'accord là-dessus. » La voix de Yasmine résonnait dans ma tête comme un écho lointain, ponctuant le silence inconfortable envahissant mon univers et je me contentai d’inspirer légèrement, acquiescement suffisant à son désir d’appuyer mes paroles. Suffisant, Liv ? Le seul que je pouvais lui donner, le seul que je pouvais lui accorder alors que je cherchais en moi les forces nécessaires pour poursuivre. « Tu m'as fait entendre ta colère, je dis pas que t'as eu raison de le faire comme tu l'as fait, mais ça a eu le mérite de remettre les choses à leur place. J'ai compris. » Au moins y en avait-il une d’entre nous. Je ne comprenais plus grand-chose de mon côté, traversée par des humeurs contraires et éreintantes, ici bravache et fière, désireuse d’oublier la douleur ; là écartelée par la douceur de certains souvenirs, écorchée par les coups de boutoir d’une mémoire révolue. Je ne comprenais pas, non, ce dont j’avais besoin ou si quelque chose, un jour, parviendrait réellement à rendre cette nouvelle réalité acceptable. Je ne comprenais pas celle que j’étais devenue, celle que je lui avais présentée la fois d’avant, celle qu’elle semblait excuser de son côté, empreinte d’une clairvoyance inexplicable.

« Quel genre de personne je serais si je m'endormais sur tout ça en espérant avoir le sommeil assez profond pour oublier ? » Le sourire vague n’étira pas mes lèvres mais je sentis son ébauche dénuée de couleur s’esquisser pourtant derrière mes paupières alors que je haussai les épaules. « Le genre chanceux. » Et mes mots vinrent résonner entre nous avec une légèreté presque factice car ne témoignant qu’à moitié de l’entière vérité qu’ils exprimaient. Elle ne l’était pas donc, chanceuse, et semblait vouloir me le faire entendre alors que j’ignorais quoi faire de cette confession. Je craignais qu’une question, quelle qu’elle soit, ne paraisse déplacée à ses yeux comme les siennes avaient su me pousser dans mes retranchements, quelques semaines plus tôt. Je me taisais alors, me contentant de présenter mes excuses car il s’agissait là de la chose à faire, n’attendant pas d’elle qu’elle les accepte, simplement qu’elle les entende. « Moi aussi. » Mais Yasmine n’était pas de ce genre-là, à se taire lorsque l’on venait lui parler, à replier son bras contre elle lorsqu’une main semblait être tendue dans sa direction. Je le savais et n’aurais pas dû être surprise de sa capacité à recevoir et à redonner aussitôt, sans réticence, sans résistance. Je n’aurais pas dû, non, mais ne pus m’en empêcher sans en laisser transparaître le moindre signe pour autant, me redressant déjà pour ne pas m’attarder, comme promis. « Liv, deux minutes. » Je suspendis mes gestes, incertaine une seconde avant de concéder à me retourner dans sa direction, affrontant le regard qu’elle refusait pourtant de m’accorder dans son entièreté, un peu en-delà, ou en-dessous de ses cils allongés. Je la sentais se faire violence pour insister, quelque chose la retenant, trop effarouchée peut-être par le souvenir des blessures que je lui avais infligées et que j’aurais préféré ne pas avoir à effleurer. Elle persistait pourtant et je craignais de n’avoir d’autre choix à présent que celui d’accepter ses attaques sans faillir, celles qu’elle avait eu le temps nécessaire d’aiguiser pour se défendre. « Je connais ton avis sur la question, mais si un jour tu ressens le besoin de parler calmement de tout ça… » Je fronçais les sourcils d’une manière imperceptible sans doute, ou peut-être pas alors que je ne pouvais faire autrement que lui laisser la tâche d’interpréter ce mouvement sur mon visage comme un signe d’incompréhension plus que d’irritation cette fois-ci. Il n’était pas aisé de briser la cuirasse me servant de bouclier et, lorsque l’on parvenait à y infliger des fissures, rares étaient ceux qui ne finissaient pas eux-mêmes par en souffrir. Yasmine le savait désormais et en avait fait les frais ; elle n’abandonnait pas pourtant. « Si tu le ressens jamais, ce sera pas grave. Je sais que tu me considéreras toujours aussi mal que depuis ce soir-là, et je vais apprendre à le supporter. Juste… » Juste quoi ? Rien, espérais-je. Rien d’autre que cela, n’étant déjà pas certaine de ce qu’il me fallait répondre à présent. Je la trouvais étonnante, sans pouvoir le lui avouer, ne pouvant empêcher mon esprit de comparer la jeune femme présente face à moi à la jeune infirmière qu’elle avait été, au chevet de ma fille. Elle paraissait sensitive mais pas fragile, ingénue et pourtant pas naïve. Ses qualités ne m’avaient pas aidé à surmonter l’indicible deux ans plus tôt. Elles continuaient aujourd’hui de me plonger dans un désarroi désarmant, m’obligeant à réaliser mon inaptitude à les embrasser à leur juste valeur, mon incapacité à m’en doter moi-même.

« Merci de t'être excusée. » Je restai silencieuse un instant, hochant lentement et brièvement la tête comme si tout cela était normal, comme si cela ne m’avait pas demandé plus d’efforts que je ne le laissais paraître, comme si je ne cherchais pas en moi celui de rebondir à présent sur l’erreur qu’elle avait faite et qui ne m’avait pas échappée. L’erreur que j’aurais pu laisser glisser car cela aurait été plus facile. Je ne m’y résignais pas pourtant, hésitant entre la sincérité et le paraître, entre la vérité et la préservation, avant de basculer vers les premiers car l’inverse aurait été injuste ; ce mot encore. « Je ne te considère pas mal, tu sais. » Parce que cela me semblait important de la reprendre, de le préciser. Je soupirai légèrement avant de raccrocher ma main droite à l’anse de mon sac en bandoulière contre ma poitrine. « Ce n’était certainement pas le cas, avant. Ça ne l’est pas non plus, depuis. » Depuis. Ce soir-là. Nous en revenions à cela, à ce qui ne pouvait être dit véritablement, à ce qui demeurait en suspens pourtant au-dessus de nous, à chaque fois que je la recroisais. « Je t’ai suffisamment vu travailler et t’occuper de tes patients pour savoir que … » J’inspirai avec peine car une partie de moi semblait lutter pour ne pas avoir à continuer, l’autre se chargeant de la faire taire avec difficulté. « Que tu as fait ce que tu pouvais. » me forçai-je finalement à poursuivre, choisissant les termes qui, l’espérais-je, rattraperaient ce que j’avais pourtant suggéré avec acerbité l’autre jour sans trahir ce que je ressentais au fond de moi. « Les mots ont dépassé ma pensée parce que le savoir ne rend rien de tout ça plus facile, c’est tout. » Autour de nous, les conversations persistaient alors que la réunion tardait à toucher à sa fin. Je me demandais si, comme moi, elle parvenait à ressentir les regards fuyants posés tout de même à la dérobée sur nos deux silhouettes. « Et si tu as l’impression que tout le monde nous regarde, c’est parce que je n’ai jamais autant parlé par ici que maintenant. » Malgré les mois de présence et la patience de chacun, je ne desserrai que très rarement les lèvres, souvent pour des banalités le cas contraire. « Ce que je veux dire, c’est que ce n’est pas qu’avec toi que je semble avoir perdu toutes mes manières. » laissai-je finalement échapper avec l’ironie habituelle que je me réservais, celle qu’elle dut déceler sans l’aide d’un sourire de ma part néanmoins. Mais cela ne devrait pas être difficile, mes manières me paraissaient être un euphémisme joliment choisi. « Tu es l’une des rares à vouloir voir au-delà, ceci dit. » Et cela ne sonnait pas comme un reproche cette fois-ci, une reconnaissance peut-être de la volonté qui semblait l’animer et dont elle ne se déparait pas malgré les difficultés.






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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyJeu 2 Juil 2020 - 14:57


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Si elle n'avait pas été si délicatement acharnée dans la résolution de situations inextricables, Yasmine serait passée à côté d'un nombre incalculables de merveilleuses rencontres. Sans doute que ça la rendait agaçante au possible, d'être tellement pétrie de bonnes intentions qu'elle ne satisfaisait pas d'être tenue à distance, seulement ça faisait partie intégrante de sa personnalité de constamment essayer - de faire mieux, de comprendre, d'aller plus loin, et ce dans tous les domaines pour lesquels elle se sentait suffisamment armée. Il y avait toujours tant de choses à creuser, et ça chez chacun d'entre nous, aussi elle estimait que c'était la moindre des choses que de se donner les moyens d'apprendre à connaître, de saisir toutes les subtilités d'une personnalité, et qu'importe laquelle. Une seule fois, et une fois seulement, elle avait fait l'erreur de ne pas vouloir observer par-delà la clôture sur laquelle on l'avait à peine autorisée à grimper, et elle n'avait fait que le regretter depuis. Sa première relation avec Edge s'était basée sur un désir commun de ne jamais aller plus loin que ce que la décence émotionnelle les autorisait à envisager, effrayés par tout et son contraire, souffrants l'un et l'autre d'entailles trop profondes pour accepter de les faire soigner par autrui. Elle aussi avait joué la carte du bouclier pour ne pas le laisser atteindre la partie d'elle qu'elle préférait enfouir tout au fond de son cœur, blessée par les épreuves subies bien avant de le rencontrer. Ça avait été une erreur qu'elle s'était promise de ne plus jamais commettre, ne s'étant pas reconnue dans l'idée de refuser de partager quoi que ce soit d'autre que des banalités avec lui. Les choses avaient bien changées, et aujourd'hui ça lui paraissait si improbable de ne pas avoir cherché à le connaître davantage quand alors, à l'instant même où elle s'entretenait avec Olivia, elle était rendue à un stade où elle voulait absolument tout connaître de la personne qu'il était – les bons comme les mauvais côtés. Toutefois, elle avait pleinement conscience que si elle n'avait pas insisté après son admission à l'hôpital, si elle n'avait pas contré ses tentatives de la repousser encore un peu plus, ils en seraient restés au même point que trois ans plus tôt. Et leur histoire actuelle aurait été étouffée dans l'œuf, exactement comme la précédente.
Alors chacun jugeait sa détermination comme il l'entendait, mais Yasmine avait de plus en plus tendance à penser qu'au lieu d'être un défaut, elle n'était rien d'autre que tout le contraire ; une qualité qu'elle maîtrisait de plus en plus et avec laquelle elle se sentait suffisamment à l'aise pour entendre qu'elle l'avait pour elle et qu'elle en était plutôt fière, qui plus est.
Evidemment, les choses avec Olivia étaient différentes. Que partageaient-elle au fond, si ce n'était une relation cordiale et un drame ? Pas grand-chose finalement, à part peut-être quelques fous rires autour d'un muffin partagé entre deux patients pour l'une, et deux interrogatoires pour l'autre. Pourtant, Yasmine l'avait côtoyée assez pour reconnaître chez elle un changement radical depuis la perte de June, et c'était bien normal. La chaleur qu'elle lui avait toujours trouvée, ses yeux teintés d'une bienveillance réconfortante qu'elle savait mettre au profit des victimes qu'elle interrogeait à quelques occasions… tout ça avait permuté pour se transformer en un souffle glacé dont elle l'avait enrubanné dès lors que sa raison de vivre s'était envolée. Elle lui en voulait, charmée par le chant de la rancœur qu'elle avait laissé s'infiltrer dans son cœur trop fragile pour contrer les attaques que personne n'avait essayé d'éviter à sa place, que tout le monde avait laissé se fomenter pour qu'elle ne s'en relève jamais, s'avouant vaincue face à l'inacceptable. Mais Olivia était forte, Yasmine l'avait toujours devinée, impressionnée par sa posture de femme de poigne et d'inspectrice chevronnée. Alors au lieu de la laisser mariner dans son deuil, et lui laisser entendre que sa vie ne serait plus que ça désormais, tacher de l'accompagner pour qu'elle ne se sente pas plus seule qu'elle ne pensait sans doute l'être, elle estimait que c'était à sa portée.

Elle avait beau l'avoir repoussé dans le passé, l'entendre s'excuser lui donner l'entrain nécessaire pour lui faire comprendre que, qu'importe le temps qu'elle mettrait, elle ne la laisserait jamais tomber. Ses paroles furent prononcées dans ce sens d'ailleurs, et alors qu'elle s'apprêtait à tourner les talons pour se laver les mains et rejoindre Edge, elle eut la surprise d'entendre la voix d'Olivia se répercuter doucement dans l'espace qui les séparait. Resserrant à nouveau l'élastique de sa queue de cheval haute, sans doute pour se donner une contenance sans en avoir l'air, Yasmine resta de marbre le temps d'un très court instant. Elle se doutait de combien c'était compliqué pour l'inspectrice de revenir sur ce qu'elle avait laissé échapper lors de leur dernière conversation, et l'effort qu'elle executait dans l'idée de quoi… de faire amende honorable ? C'était peut-être ça. Mais elle, elle préférait le voir comme une véritable intention de sa part de la laisser atteindre une partie d'elle qu'elle avait préféré garder recluse au cours de ces dernières années ; la maman au cœur et à l'âme fragmentés en de maintes et de maintes pépites éparpillées sur un sol en perpétuel mouvement, et sur lequel elle avait beau s'agenouiller pour les rassembler, ça en devenait tout bonnement impossible d'être assez efficace pour tous les collecter pour les recoller, dans l'espoir de redonner vie à celle qu'elle avait été.
Elle avait été blessée, elle ne pouvait pas le nier. Sauf que Yasmine ne pouvait en aucun cas lui en tenir rigueur ; tout comme elle, ça n'avait pas été le cas avant, quand elle avait quitté l'étage qu'elles avaient rejointes ensemble pour la soustraire à son émotion, ça ne serait sûrement pas le cas maintenant, alors qu'elle rongeait son frein pour partager avec elle un état d'esprit qui là encore, ne la surprenait pas, mais qu'elle était assez délicate pour ne pas juger. Car au fond, elle avait tous les droits d'agir comme elle le faisait.
A demi-tournée vers la jeune femme, Yasmine la regarda un instant, et puis constatant avec un léger temps de retard l'attention qu'on leur portait, elle fit pivoter son regard d'un vert cristallin pour attribuer à chaque curieux une œillade bienveillante, mais chargée d'une autorité qu'elle n'avait pas à envier à sa mère. Sa mère qui, d'ailleurs, n'aurait très probablement pas validé les paroles qu'elle prononça alors, ses pupilles trouvant ceux de la jeune femme qu'elle gratifia avec une voix basse, pleine de compassion et de gratitude.
"J'ai entendu dire que c'était un peu surfait de toute façon, les manières." Elle tenta un sourire timide, vite rattrapé par sa reprise de paroles et la manière dont elle se positionna pour lui faire face à nouveau "Je suis sans doute un peu trop obstinée." avoua-t-elle, contrainte et forcée d'admettre qu'en effet, elle l'était. Une grande inspiration, et elle enchaîna avec la volonté de ceux qui savent que le temps leur est compté. Une main gentiment abattue dans le vide séparant leur deux silhouettes menues, Yasmine fixa son regard en direction de celle d'Olivia "Et je sais qu'en dehors des moments qu'on a partagé avant tout ça, j'ai pas le droit d'attendre de toi que tu me considères comme une option valable pour soulager le poids que tu portes. On est pas vraiment amies, toi et moi, je le sais… mais j'aimerais que tu comprennes que…" Elle prit une autre, mais toute petite, inspiration en même temps qu'elle fit vriller un léger regard derrière elle pour vérifier que personne ne les écoutait vraiment. Elle baissa les paupières un bref instant, laissant ses cils démaquillés fendre l'air tandis qu'elle recentrait ses pensées pour ne pas être tentée de se laisser submerger par ses propres émotions ; pas cette fois, elle faisait des progrès de ce côté-là. Enfin, elle reprit en léger décalé "J'étais là, et je peux l'être encore si t'en as besoin." Toujours un peu précipitamment, mais sans manquer de sincérité bien au contraire, elle continua "Ça n'a pas de date butoir, et je m'estime pas aussi douée que tous ceux qui sont là pour t'aider avec des méthodes testées et approuvées, mais…" Elle affirma le regard qu'elle posa sur la jeune femme, penchant la tête qu'elle opinait doucement en même temps, quand elle conclut, les yeux plongés à distance dans les siens "Moi je m'en fiche des manières, Olivia."
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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyVen 10 Juil 2020 - 18:47


Olivia Marshall & @Yasmine Khadji ✻✻✻ Les ressentiments n’avaient pas été immédiats, pas envers elle. Les semaines étaient passées et je me souvenais encore comme s’il s’agissait d’hier de ce regard qu’elle m’avait rendue cette nuit-là, à l’hôpital, imaginant ce qu’elle devait apercevoir du sien : mon visage et mes yeux vides, délavés, désertés de toute trace de vie, de haine, de jugement ou d’espoir. Mes yeux au sein desquels, pendant plusieurs heures après l’annonce de sa mort, n’était-il plus possible de trouver quoique ce soit. Le reste était survenu plus tard, bien plus tard lorsqu’il avait fallu ressentir quelque chose, autre chose que ce chagrin insubmersible. Quoique ce soit, qu’importe s’il avait fallu pour cela laisser la colère surgir et s’établir. Elle était déjà là de toute évidence, la graine ayant déjà germé et attendant que je l’y autorise pour déployer enfin sa fleur aux sombres feuilles, engloutissant ce qui me restait de lumière pour le digérer nonchalamment, prête à croître et s’expandre en s’en prenant également à celle des autres gravitant autour de moi avec autant de calme et d’impassibilité. Ce ne fut qu’à cet instant-ci que Yasmine réapparut dans mon champ de vision, la vacuité abandonnée dans mon regard. Qu’à cet instant-ci qu’elle était devenue, malgré elle et pour moi, cette provocation insupportable, portant sur ses traits cette faute impardonnable que je lui reprochais à elle comme à tous les autres. À elle particulièrement puisqu’elle était là. Combien de temps encore pour lui pardonner ce simple état de fait ? Combien de temps pour accepter que sa présence aux premières loges de l’effondrement de mon monde ne justifiait pas l’austérité déployée à son égard ? Il m’était impossible de le dire avec certitude mais le simple fait de m’interroger à ce sujet semblait être un pas dans une direction inenvisageable quelques mois plus tôt. Nombre de mes proches avaient été blessés, plus nombreux encore ceux que je ne considérais pas intimes, mais sans doute m’épuisais-je toute seule à agir de cette façon. Sans doute m’abîmais-je à vouloir me préserver de ce que je ne voulais pas affronter, les doigts aujourd’hui fatigués et forcés de se desserrer après avoir été contraints de s’agripper si longtemps aux parois d’une rancœur brûlantes et glissantes, les bras commençant à retomber lentement, inertes. Peut-être, oui. Ou peut-être était-ce ce dialogue frugalement renoué avec mon mari qui me poussait dans mes retranchements, atténuant mes pires aspects comme il l’avait toujours fait, l’occasion pour lui d’y parvenir ôtée par la distance que je nous étais imposée, celle qu’il luttait pour abolir. Peu importe, semblait souffler Yasmine d’un sourire timide, témoin de son inclination à accepter mes excuses sans avoir besoin de leur justification. « J'ai entendu dire que c'était un peu surfait de toute façon, les manières. » Ces mots lui coûtaient probablement, plus qu’elle ne le laissait paraître. Plus que les miens survenant sans attendre n’auraient dû le faire. « Tu n’as jamais l’air d’en manquer pourtant. » Je demeurais impassible en les prononçant, les vapeurs du café s’élevant des tasses voisines comme uniques responsables de l’amertume séparant nos deux silhouettes. Mes inflexions de voix en étaient dépourvues quoiqu’elle en pense, me laissant simplement aller à énoncer une vérité qu’elle ne pourrait nier et que je ne m’expliquais pas.

« Je suis sans doute un peu trop obstinée. » Un rire bref et silencieux s’échappa d’entre mes lèvres cette fois-ci alors que je lui lançais un regard suffisamment explicite pour ne nécessiter aucun autre renchérissement. Un peu trop, oui. Elle m’avait surprise à chacune de ses nouvelles tentatives, agacée à chacune de ses approches, ébranlée en me laissant entendre, dans le timbre de sa voix, ce déterminisme et cette note d’espoir que je ne désirais voir qu’accablée et réduite en poussière. J’avais préféré le faire moi-même la dernière fois, pour ne plus avoir à y faire face. « Et je sais qu'en dehors des moments qu'on a partagé avant tout ça, j'ai pas le droit d'attendre de toi que tu me considères comme une option valable pour soulager le poids que tu portes. On est pas vraiment amies, toi et moi, je le sais… mais j'aimerais que tu comprennes que… » Mes prunelles capturèrent la lumière avant de se laisser porter par la chevelure ténébreuse de la jeune infirmière, celle qui ne reflétait pas le fond de son âme alors que je l’observais hésiter en cherchant ses mots, ceux qui ne feraient de mal ni à elle ni à moi car tout dans son être semblait être dirigé vers ce seul élan : la préservation de chacun. « J'étais là, et je peux l'être encore si t'en as besoin. » Pourquoi ? Je commençais à comprendre que cette interrogation n’obtiendrait pas réponse de sa part. Parce qu’elle était comme ça. Parce qu’elle ne semblait pas savoir comment faire autrement, comment s’éloigner, comment accepter que les quantités d’images désordonnées de ce qui nous avait rapprochées et qu’elle ne qualifiait pas, à raison, d’amitié ne s’échappent de notre mémoire, résignées à ne devenir qu’un arrière-plan incertain de ce qui avait été et ce qui devait demeurer désormais dans l’ombre. Je ne m’expliquais pas de mon côté mon incapacité à la laisser s’approcher lorsque, dans mon esprit pragmatique, je pensais à mes frères d’armes et aux liens tissés entre nous dès notre premier pas sur un sol étranger, aux différences gommées pour affronter l’ennemi commun devenu le nôtre. J’avais vécu ma plus grande guerre avec Yasmine, et pourtant. Mon plus grand combat duquel je ne m’étais pas relevée, peut-être était-ce pour cela. « Ça n'a pas de date butoir, et je m'estime pas aussi douée que tous ceux qui sont là pour t'aider avec des méthodes testées et approuvées, mais… » Elle poursuivait, les mots se hâtant à ses lèvres comme pour ne pas perdre le fil ou le courage, comme pour ne pas laisser mon silence lui fournir la réponse qu’elle ne voulait pas entendre une nouvelle fois, celle que je ne lui assénais pourtant pas encore, étrangement.

Elle paraissait s’en rendre compte et considérer cela comme une amélioration certes minime mais qu’elle ne comptait pas laisser échapper, plongeant son regard dans le mien et prenant toutes les précautions dont elle était capable pour reprendre son souffle imperceptiblement. « Moi je m'en fiche des manières, Olivia. » Et je la sentis, sa sincérité logée dans chacun de ses mots, ceux qu’elle ne prononçait pas comme beaucoup d’autres, pour se donner bonne conscience, s’affranchir du destin, se voilant les yeux pour finalement n’en penser aucun. « Ne parle pas trop vite. » laissais-je échapper en un rictus si bref qu’un léger vent parvenant de l’extérieur suffit à l’abattre et le flétrir la seconde d’après. Car la sincérité ne protégeait de rien, avais-je envie de lui souffler, le faible éclairage de la pièce climatisée n’effaçant en rien la part d’ombre insaisissable entachant ma peau. J’observais Yasmine se persuader d’avoir en elle suffisamment de miséricorde pour accepter le fardeau du monde mais le mien l’avait ému aux larmes la dernière fois que je m’en étais délestée sur ses épaules. J’inspirai lentement en me redressant, ancrant mes pieds dans le sol alors que j’abandonnai l’appui de la table derrière moi. « Mais les méthodes testées et approuvées, comme tu dis, n’ont pas l’air d’avoir le moindre effet sur moi. » Contrairement à elle, je n’abaissai pas le volume de ma voix pour énoncer ce qui était de toute façon évident pour chacune des personnes s’attardant encore dans la pièce. « Tu pourras le dire à la personne que tu es venue rejoindre, quelle qu’elle soit. Rien de pire que ce que je leur aurais déjà fait comprendre. » Je haussai les épaules légèrement, l’ironie toujours présente au fond de ma voix pour lui répondre, moins écorchante que les fois d’avant. J’y pensais à peine mais mes doigts, eux, s’égarèrent par habitude dans l’échancrure de mon sac, y dénichant finalement les cigarettes tant espérées, celles reléguées au second plan tout à l’heure pour réparer mes torts. Ces derniers ne le seraient jamais totalement mais au moins n’en avais-je pas causé de nouveau. Mon regard s’attarda un instant autour de nous comme pour deviner, finalement, cette personne qu’elle n’avait pas rejointe pour m’entendre, pour faire un pas dans ma direction, un qui méritait réponse sans que je ne parvienne pour autant à expulser du fond de ma gorge ce qui y logeait depuis trop de temps. « Peut-être un jour. » finis-je par lui souffler en tirant une cigarette de son étui pour la maintenir entre deux doigts. Je hochai lentement la tête en la regardant, confirmant que ce que j’avais déjà laissé entendre à de nombreux autres sans jamais en penser un mot. Peut-être l’exception était-elle là. Peut-être, comme seule nuance intelligible et sincère pour ne pas céder au non, fidèle allier.






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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyVen 17 Juil 2020 - 18:14


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{imperfect circle}
crédits gif et code fiche/ (tumblr & malibu) ✰ w/ @Olivia Marshall

Une tension relative se déchargea du côté de Yasmine, retombant d'un coup et lui laissant l'impression brusque d'être complètement vidée. La faim la tenaillait, la soif surtout, mais l'idée d'être interdite d'y succomber l'aidait à relativiser – les prochains jours seraient encore plus compliqués cependant, c'était toujours le cas. Ca ne l'empêcha pas de rester campée à la place qu'elle avait rejointe depuis quelques longues minutes déjà, et qui lui offrait une vue imprenable sur la neutralité désarmante des expressions du visage de son interlocutrice qu'elle regarda directement, ignorant les curieux qu'elle avait réprimandé d'un regard bref, mais éloquent.
"Ma mère serait très fière de te l'entendre dire. Elle s'est beaucoup investie à ce sujet." Combien de fois Fatima Khadji s'était échinée à apprendre les bonnes manières à ses enfants ? Ca dépassait le stade du bonjour, madame, merci monsieur, elle avait nourri une crainte profonde à l'idée qu'on puisse reprocher à ses deux enfants d'être mal élevés. Sans nul doute à cause de la condition d'immigrés qu'ils avaient avec Amjad et qui les empêchaient d'être considérés, par certains du moins, comme des êtres assez civilisés pour faire un bon bout de chemin en Australie ; ce qu'ils avaient fait pourtant, réussissant à s'intégrer sans dénoter. Alors parfois, elle en avait trop fait, Fatima, beaucoup trop, en cherchant à donner à son fils et sa fille une éducation sans faux plis, quitte à paraître un peu stricte aux yeux des occidentaux. Mais on leur reprochait déjà d'être de la mauvaise ethnie, on leur reprochait déjà d'être de la mauvaise religion : elle n'avait pas envie qu'on leur reproche en plus d'être impolis. Sur ce point, elle n'avait jamais eu de souci à se faire, puisque Sohan et Yasmine étaient aussi bien élevés qu'ils étaient bienveillants, et ça leur venait aussi naturellement que le sourire qui ornait constamment leur visage au teint trop caramel pour certains de leurs voisins.
Mentionner sa mère dans cette conversation, ce n'était pas anodin. C'était une réflexion qui, au fil des années, avait pris des airs de running joke dans le cercle restreint du clan Khadji-Davis-Jaafari : Yasmine n'était qu'une version moins haute en couleurs de Fatima. Plus posée, plus mesurée, elle avait toute les mimiques de sa mère néanmoins, en plus de quelques traits physiques qui la flattaient beaucoup quand on lui soufflait qu'elles se ressemblaient tant elle la trouvait belle – la plus belle des mamans, en toute objectivité. Elle lui ressemblait, c'était vrai, de la racine de ses longs cheveux bruns, à la couleur translucide de ses yeux vert, en passant par les subtils grains changeant qui recouvraient ses joues bronzées… mais elle avait hérité du tempérament d'Amjad, ça aussi tout le monde le savait.
Mais quelque part, elle ne savait pas vraiment de qui elle tenait son obstination à tendre la main, puisque ses deux parents jouissaient de cette capacité extraordinaire à donner de leur personne pour apaiser autrui. En d'autres termes, ça là, ce qu'elle était prête à donner à Olivia sans rien attendre en retour, ça faisait partie de l'éducation qu'elle avait reçue. Alors se sentait-elle coupable d'en user chaque jour de sa vie ? Quand elle y songeait de cette manière, absolument pas. Yasmine ne faisait que faire honneur aux valeurs de ses parents et tant pis au fond si on la trouvait agaçante à ce propos. Quand elle pensait à la fierté qui réchauffait son cœur lorsqu'elle voyait ses parents agir comme ils l'avaient toujours fait, avec bonté, elle se trouvait particulièrement chanceuse d'avoir, elle aussi, acquit cette capacité.

Olivia en ferait donc ce qu'elle voudrait, c'était elle qui avait les cartes en mains désormais. Yasmine avait le sentiment d'avoir fait ce qu'il fallait ; un peu trop sans aucun doute, mais elle décida qu'elle ne s'excuserait pas cette fois, il fallait qu'elle apprenne à accepter qu'en effet, elle était comme ça. Tandis qu'un sourire fendait très légèrement son visage, les yeux toujours posés sur celui d'Olivia, elle lui répondit "Il appréciera sûrement que ce soit toi qui lui dise. Je fais pas un bon intermédiaire, et c'est son domaine, pas le mien." Edge l'avait autorisé à outrepasser les limites de son univers, mais elle n'était pas du genre à en profiter sournoisement pour faire valoir des conseils sur la meilleure manière de réussir à percer le mystère Olivia Marshall. S'il était ici, c'était qu'il savait ce qu'il faisait, et qu'il le faisait bien. Et puis Liv lui donnerait probablement la marche à suivre de façon plus aguerrie que la sienne alors non, elle ne dirait rien au jeune homme.
L'espace d'un instant, elle fût tentée de lui donner le même conseil qu'elle avait donné à Jacob, il y avait quelques années de ça : laisser le temps au temps, c'était une maxime qui fonctionnait pour à peu près tout, sauf qu'elle ravala tout ça, opinant seulement du chef en entendant Olivia l'éconduire avec plus de délicatesse qu'autrefois. Yasmine apprécia, et sauta sur l'occasion "Je vais bientôt quitter l'hôpital. Je démissionne." reprit-elle, s'activant pour, de ses mains poisseuses, ouvrir son sac à main dans lequel elle plongea les doigts pour y dénicher un bloc-notes en petit format. Dans la rainure, un stylo à bille qu'elle décapuchonna avec les dents pendant que son regard était brièvement happé par le signe de tête qu'Edgerton fit dans sa direction pour lui demander si elle en avait encore pour longtemps. Yasmine lui répondit par un signe négatif de la tête, lui faisant comprendre qu'elle n'en avait plus que pour quelques secondes, alors que la bille de son stylo trouva le papier qu'elle noircit de chiffres penchés, son écriture de gauchère rendant la lecture imminente de ce petit billet sans doute un peu compliquée de prime abord – elle finit par plus s'appliquer, arrondissant les angles cursifs de son écriture, la pression de son stylo souffrant légèrement de son manque de stabilité. Elle ne s'en inquiéta pas plus que ça finalement, déchirant enfin le papier qu'elle tendit à Olivia qui s'apprêtait déjà à aller soulager les quelques secondes qu'elles avaient passé à se fixer à distance, sans aucune animosité mais avec une intensité certaine "On aura plus l'occasion de se croiser là-bas, alors tiens." compléta-t-elle, insistant avec un léger mouvement de la main pour qu'elle prenne ce qu'elle lui tendait "Mon adresse et mon numéro de téléphone, au cas où le jour dont tu parles arrive plus tôt que prévu." Peut-être, ça voulait tout et rien dire à la fois. Mais de nouveau, elle se dit que c'était elle qui avait les cartes en mains à ce moment-là, et qu'à défaut de pouvoir lui forcer la main plus qu'elle ne l'avait déjà fait, lui donner la possibilité de la contacter entrait dans une espèce de continuité. Mais de ça aussi, Olivia en ferait ce qu'elle voudrait.
Yasmine rangea son stylo, et ferma son sac pour mieux le rehausser sur son épaule. Il n'y avait rien à faire, rien à dire de plus. Toutefois, elle prit un instant pour lui dire, la tête vacillant au rythme de sa voix posée, suffisamment élevée pour qu'Olivia, et Olivia seule, puisse l'entendre "Je vais pas rester bien longtemps sans activité, mais si t'as envie de partager un muffin sur ton temps libre…" En souvenir d'une époque révolue ? Quelque chose comme ça. En attendant, elle repensant rapidement à la dernière réponse de la jeune femme, et tandis qu'un sourire, plus grand celui-là et qu'elle tenta de ne pas faire paraître inconvenant en baissant la tête, animait son visage, elle ajouta "Peut-être ? C'est ça ?"
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Message(#)(olivia & yasmine) imperfect circle EmptyVen 24 Juil 2020 - 23:36


Olivia Marshall & @Yasmine Khadji ✻✻✻ Elle portait donc en bandoulière l’héritage de sa mère et je ne pus m’empêcher de plisser les yeux une seconde, sincèrement amusée par la fierté qu’elle semblait ressentir à la seule évocation de sa génitrice. Étaient-ce les préceptes de sa mère également que je lisais sur son visage bronzé aux traits doux quoique tirés ? Était-ce d’elle qu’elle tirait son envie manifestement plus grande que sa raison d’apposer son regard sur toutes les blessures semblant se présenter à elle, l’espoir en elle que ses mains ne se transforment miraculeusement en ailes bienveillantes capables d’emporter toutes douleurs au loin, les laissant se dissoudre dans la nuit ? Je ne le pensais pas, les leçons de notre enfance connaissaient leurs limites et l’aura bienfaitrice de Yasmine semblait davantage relever d’une vocation peinant à s’assouvir que d’une éducation tournée vers son prochain, tout aussi remarquable celle-ci pusse-t-elle être. Je m’abstins de tout commentaire supplémentaire, songeant avec une sombre ironie à quel point les méthodes d’éducation Khadji-Marshall avaient semblé différer. Mon père, toujours dévoué à me rappeler la nécessité de garder l’indulgence de nos sentiments pour ceux de notre sang, notre considération pour ceux de notre rang, avait eu du mal à appliquer le premier précepte, s’était tenu au second et n’avait ainsi, et a priori, aucune once de similarité avec les valeurs prêchées par Yasmine ou ses parents. J’avais longtemps pensé m’être détachée de lui dès que l’occasion m’avait été permise, m’engageant dans les rangs de l’armée pour ne plus avoir à souffrir dans les siens mais peut-être était-il parvenu, les années passant et sur certains points, à m’influencer plus que de raison. La politesse, quoiqu’il en soit, ne faisait plus partie de mes préoccupations premières depuis un certain temps et je ne demeurais pas face à Yasmine depuis de nombreuses minutes à présent pour l'honorer, elle s’en doutait. Les aiguilles tiquaient constamment dans mon esprit comme une amère berceuse, ne faisant que me rendre plus minutieuse, plus dépendante. Combien de temps avant la prochaine cigarette ? Je savais, je me résignais même au fait qu’il s’agirait là de la raison pour laquelle j’allais finir par couper court à cet échange, les excuses dues formulées, une parcelle de ma rancœur renversée sur la table au même titre que le verre, une quantité encore de souvenirs et de réflexions déplacées toujours pesante sur mon cœur mais résignée à y rester car personne n’avait à les entendre, faute de mérite, de responsabilité ou de légitimité.

« Il appréciera sûrement que ce soit toi qui lui dise. Je fais pas un bon intermédiaire, et c'est son domaine, pas le mien. » En y faisant attention, Yasmine aurait pu penser surprendre un sourire ou un doux rictus s’en approchant étirer mes lèvres, la possibilité qu’elle le confonde et statue finalement sur l’effet d’un jeu de lumière ou de plissements tressaillant aux commissures de mes yeux demeurait grande cependant alors que je secouais légèrement la tête. Je plaisantais, n’attendais rien d’elle comme avais-je déjà tenté de lui faire comprendre à de multiples reprises, n’attendais certainement pas qu’elle défende à ma place une cause que je n’avais aucun mal à proclamer mienne. Mon regard suivit distraitement le sien jusqu’à la silhouette masculine à plusieurs mètres de nous sur laquelle elle n’avait pu s’empêcher de s’arrêter en l’évoquant et je plissai les yeux en reconnaissant les traits peut-être familiers de l’homme en question avant de les poser de nouveau, sans animosité aucune, sur son visage. « C’est le domaine de personne, Yasmine. » répliquai-je sobrement et en haussant les épaules. Je l’avais côtoyée jeune pourtant, la mort, l'uniforme sur le dos, les terrains minés et les balles fusant au-dessus de nos têtes plus mortelles encore que le soleil de plomb écrasant nos casques de carbone. Je la côtoyais encore quotidiennement puisqu’il s’agissait là du cœur même des homicides, la mort régnant comme la plus banale des occurrences, la seule inévitable. Nous savions tous pourtant, présents en ce lieu-ci précisément, au sortir d’un groupe de parole car la mort avait touché au plus près un jour, s’abattant juste à côté mais nous entraînant dans la chute, qu’elle ne nous appartenait pas. « C’est ça qui explique l’existence de ce genre de groupe. » L’espoir de trouver une réponse, une explication supposée alléger lorsqu’il nous suffisait de prendre du recul pour nous apercevoir que, si réconfort devait-il y avoir, celui-ci ne se trouverait pas auprès de ceux partageant les mêmes tourments, la même absence. Ce n’était le domaine de personne, non. Si bien que, fatigués d’entendre ceux qui n’y connaissaient rien se vanter du contraire, nous finissions par nous tourner vers ces groupes-ci où personne ne s’avancerait plus jamais à s’ériger expert, où tout le monde s’autorisait enfin à s’abandonner car tout le monde, ici, savait. Ça leur arrivait aussi ; ces quelques mots capables de briser en quelques soupirs la carapace de faux-semblants que nous nous employions tous à bâtir autour de nos esprits, nous prouvant que nos efforts pour rester dignes et debout pouvaient être réduits à néant en un coup de vent et qu’il n’y avait qu’ici que nous lui permettions de souffler sur nos mondes.

« Je vais bientôt quitter l'hôpital. Je démissionne. » Je ne suspendis pas mon geste, permettant à mes doigts d’extirper une cigarette du paquet sans manifester le moindre étonnement, mon regard s’attardant simplement sur le visage de la jeune infirmière alors qu’elle prononçait ces mots de la plus désinvolte des manières. « Tu démissionnes. » repris-je simplement d’une voix posée, la répétition ne permettant en aucune façon de donner sens à ce qu’elle annonçait. Je n’en cherchais pas néanmoins, me contentant de l’observer s’agiter avec mesure alors qu’elle ne semblait pas sur le point de développer outre mesure. Cela ne me regardait pas et aurais-je aimé me rendre compte que cela ne m’interpellait pas davantage, force était de constater que l’inverse se produisit sans que je n’en manifeste le moindre signe : bien trop d’années s’étaient écoulées durant lesquelles n’avais-je eu l’occasion d’apercevoir Yasmine qu’au détour d’un de ces couloirs blancs ou au chevet de l’un de ses patients pour que cela ne me surprenne pas. « On aura plus l'occasion de se croiser là-bas, alors tiens. » Et je me dépréciais pour cela, car j'aurais aimé ne pas lui accorder ce pouvoir, mais peut-être ressentis-je également une pointe de soulagement, un poids infime mais tout de même existant s’ôter de ma poitrine alors que je prenais en compte les informations : on aura plus l’occasion de se croiser là-bas. Là-bas demeurerait cet endroit réprouvé ; mais son visage, au moins, n’aurait plus à y être associé, amenant avec lui son lot de souvenirs auxquels je ne voulais pas faire face et que je m’acharnais à rejeter comme si le simple fait de remarquer sa présence en ce lieu était susceptible de me brûler les rétines. Je me saisis sans y penser du bout de papier qu’elle me tendit, le glissant entre mon pouce et mon index, la cigarette maintenue en équilibre entre les deux suivants. « Mon adresse et mon numéro de téléphone, au cas où le jour dont tu parles arrive plus tôt que prévu. » insista-t-elle avec douceur, me forçant alors à y jeter un coup d’œil jusque-là absent. Je hochai la tête lentement et arquai un sourcil en la regardant, prête à ironiser de nouveau : « Curieuse manière d’occuper tes journées, j’ai une dizaine d’autres idées plus marrantes à te proposer si tu ne sais pas comment profiter de ton temps libre. » Plus marrantes que l’optique de s’infliger un appel de la part d’une femme n’ayant fait que la repousser et lui ayant reproché la disparition de l’être le plus cher à ses yeux la dernière fois qu’elles s’étaient vues, cela ne devait pas être compliqué à trouver, n’est-ce pas ? « Je vais pas rester bien longtemps sans activité, mais si t'as envie de partager un muffin sur ton temps libre… » Nos prunelles de jade se croisèrent alors que je pliai le papier sans y penser. « Peut-être ? C'est ça ? » De cet échange naquit invariablement un sourire vague et peu complice, existant tout de même et semblant presque répondre au sien, expression d’une compréhension partagée tout du moins, une anéantie jusqu’à peu, une nous permettant de nous entendre de nouveau. « C’est ça. » Je levai le papier plié entre mes deux doigts, l’agitai une fraction de seconde avant de le glisser dans la poche arrière de mon jean, lui assurant ainsi sans un mot qu’il finirait ici, non pas dans la première corbeille croisée à la sortie de la salle. Sortie que je rejoignais enfin, non sans un dernier hochement de tête bref dans sa direction, la cigarette m’attirant enfin à l’extérieur, levant les yeux sur le ciel ouaté alors que l’allumette guidée jusqu’au tison me laissait enfin respirer son parfum d’agonie.





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