Le monde estudiantin suivait ses propres règles en se calquant sur la réalité de la société. Finalement tous les échelons étaient représentaient. Pour Simon il s’agissait de toujours graviter autours des plus hautes sphères qu’importaient les situations. C’était sa doxa depuis la middle school et cela ne s’arrêterait de toute évidence que lorsqu’il quitterait le monde des études. Le jeune homme était engagé sur de très nombreux fronts. Bien que la politique n’ait pas été sa vocation première il avait cela dans le sang. Il suffisait de voir son implication dans sa promotion mais également dans la vie universitaire. Entendre le nom Adams était fréquent lorsqu’un évènement d’assez grande ampleur était organisé. L’avantage d’être un membre honoraire du conseil des élèves depuis plusieurs années. Tel père tel fils comme on disait.
Un grand gala de charité avait été organisé à Bayside et réunissait une partie de l’aristocratie et de la bourgeoisie étudiante. Bien entendu, c’était une raison charitable qui était invoquée. Les fonds seraient intégralement reversés à diverses associations préalablement choisies. La place était payante et comprenait un forfait à différent degré pour subvenir à quelques besoins d'appétences et autres. Plus vous étiez prêt à dépenser plus vous aurez d’avantages ou comment simplement recréer une mini hiérarchie sociale. Une une billetterie en ligne avait été mise en place. Pour les retardataires ou les frileux du net, il était possible d’obtenir son billet d’entrée en se rendant dans l’un des stands qui avaient été installés à cet effet. Simon avait dû y faire quelques tours de garde. Tout avait été minutieusement préparé. Les lieux déjà. Une salle des fêtes louée au frais de l’université. Un thème ? Pas vraiment, ambiance chic autant dire que c’était large. Des plats avaient été préparés pour tous les goûts. La plupart était des encas et bien évidement, il y en avait pour tous les goûts ainsi que pour les végétariens et végans. Toutefois quelques mets nécessitaient assiettes et des couverts. Pour une fois, il n’y avait pas eu vraiment de problèmes dans la planification de l’évènement et tout s’était bien déroulé.
Tout aller pour le mieux et aucun signe ne semblait venir gâcher le ciel azur de l’esprit du cadet Adams. Jusqu’à cette discussion avec son père il y a quelques jours. Cela l’avait estomaqué. Une telle proposition, maintenant. C’était autant un corne d’abondance qu’un affreux supplice. Une opportunité ou une chute. Il avait du mal à encaisser l’information. Il ne savait pas vraiment quoi faire ni ou se placer. Ces derniers jours sa conduite avait été plus éparse. Bien qu’il arrivait à dissimuler ses émois, le poids de la fatigue lui avait faire quelques bavures. Rien de bien trop grave, mais suffisamment pour parfois se faire remarquer. L’unique avantage de la situation avait été qu’à l’avant veille du gala il avait pu trouver rapidement le sommeil tant il était épuisé. Il en avait presque raté son réveil le lendemain.
Tel événement demandait d’être accompagné. Simon n’avait pas connu ces derniers mois d’histoire ou même de tensions amoureuses particulières. C’est une traversée du désert. A vrai dire il n’avait pas spécialement songer à avoir une personne qui sous le coude. Puis finalement, par la force des choses, il avait décidé de proposer à Sixtine Smith de l’accompagnait, en tant qu’amie bien entendu. Les deux se connaissaient depuis plusieurs années. Fut un temps où les Smith et les Adams entretenaient de très bonnes relations. Puis Camil, son frère, avait décidé de s’éloigner sans raison apparente de Grant, le patriarche Adams. Ce dernier ne lui avait pas pardonné et les relations entres les deux familles étaient glaciales. Toutefois cet incident au lieu de creuser un abîme entre Sixtine et Simon les avait rapproché. Bien entendu chacun était partie dans l’optique de réussir à glaner des informations sur l’autre. Ils ne se l’étaient pas avouer mais c’était évident. Une rivalité était intrinsèque à leur relation. Mais ironiquement c’est cela qui les avait fait se rapprocher. Cet événement tragique avait finalement permis de sceller une inavouable amitié solide et durable.
L’enfant prodige s’était fait beau. Pantalon et veste blanche pour chemise noir. Un peu de parfum et ses cheveux étaient parfaitement coiffés, pour le moment du moins. Il savait bien que sa tignasse rebelle allait faire des siennes. Bien évidemment il ne pouvait pas passer chercher Sixtine. Cela aurait été un acte hérésiarque. Ils s’étaient retrouvés devant les lieux. Elle avait presque failli être en retard, il lui fit remarquer sur le ton de l’humour : J’ai faillis attendre. Ils n’avaient pas passés toutes la soirée ensemble, toutefois ils avaient échangé quelques danses. Après tout, qu’avaient-ils à craindre l’un de l’autre ? Plusieurs événements mineurs et jeux marquèrent la soirée. Celle-ci se termina aux alentours de deux heures et demie du matin.
Bien évidemment pour éviter tout accident de la route, des bungalows avaient été loués pour l’occasion. Par un jeu de hasard total, Sixtine et lui s’étaient retrouvés à devoir partager le même logement. Toutes les chambres non-mixtes étaient prises et les plus grands bungalows également. Résultats ils se retrouvaient dans un bungalow de petite taille, certainement moins de 18 m carré. Alors qu’ils se trouvaient devant la porte Simon lui dit avec un léger sourire : Il semblerait qu’on ait pas vraiment le choix. Il n’était pas vraiment gêné par cela, et il préférait largement être avec Sixtine qu’une personne inconnue.
C’était un trois pièces. La porte d’entrée ouvrait sur la pièce de vie. Une table entourée de deux chaises trônait au centre. Un petit coin cuisine était disponible, inutilisable puisqu’ils n’avaient rien. Il y avait une petite banquette de bois avec deux très légers coussins mais difficile de dormir dessus. La salle de bain était minuscule et les toilettes étaient dedans. Enfin il restait la chambre où se trouvait un lit double et une armoire.
Dis-moi, est-ce que cela te dérange si l’on dort dans le même lit ? La banquette de bois ne m’a pas l’air vraiment accueillante. Le ton était emprunt d’une certaine fatigue et si elle refusait il n’insisterait pas. Ce n’était pas son genre. Il se résignerait simplement à faire une nuitée blanche. Ce n’est pas comme si il n’y était pas habitué non plus. Elle accepta. Il la remercia. Il n’avait pas vraiment de souci à dormir avec une personne de sexe opposée. Enfin pas trop. Il laissa Sixtine se changer en premier, puis allait dans la salle de bain pour mettre un jogging et un t-shirt, tenue plus confortable pour dormir. Il la rejoignit dans le lit de la chambre. Elle s’endormit en premier. Il se laissa bercer par sa respiration et trouva bien rapidement le sommeil.
Il ne savait pas combien de temps s’était écoulé, mais il faisait encore bien sombre quand le cadet Adams fut réveillé par les bruits de respirations saccadées de son amie. Puis sans prévenir elle poussa un cri tonitruant. Affolait de cela il tentait de la questionner :
Sixtine ? Sixtine ?! elle est agitée. Il tente de lui tapoter sur l’épaule, elle se débat. La scène est curieuse et il ne comprend pas tout. Il allume la petite lampe de chevet. La Smith s'agite de plus en plus. Il tente de la redresser, et se prend quelques coups au visage et dans les côtes plus ou moins violents. Il parvient à la blottir contre lui en l’enlaçant tout en évitant de lui faire mal. Elle gesticule encore un temps, plusieurs minutes. Il desserre son emprise petit à petit. D’une voix qui se voulait rassurante : Calme-toi tout va bien. On est en sécurité ici. Il essayait d’avoir une diction douce et clair. Il passait sa main gauche dans son dos et faisait avec un mouvement circulaire. Souffle lentement. Oui voilà comme cela, c’est parfait. Cela va aller. Simon passait sa main dans son dos pour la rassurer. Lui aussi avait le souffle lent. Il n’y a rien de grave, ne t’inquiètes pas. Elle était bouillante. Il restait là, sans poser de question, juste à tenter d’être là en espérant que sa présence suffise à la calmer.
"Change will not come if we wait for it. We are the one we've been waiting for. We are the change that we seek". Sixtine avait toujours admiré Barack Obama, et encore plus sa manière d'être si convaincant lors de ses discours. Il avait l'art, comme d'autres avant lui, de tourner les mots de manière à ce que l'on se sente immédiatement transporté avec lui, comme en plein vol vers un futur meilleur, sans que quelqu'aucune entrave ne puisse véritablement être un soucis. Bon, ses petits numéros d'homme voulant se la jouer "jeun's" était un peu de trop, parfois, aux yeux de la blonde. L'Amérique, cependant, fonctionnait ainsi: par le show, par la démesure, par les piques dans les débats politiques; il arrivait même que les candidats aux présidentielles se clashent, se prenant pour de quelconques gamins du Bronx. A ce niveau, l'Australie était plus posée, moins dans le m'as-tu-vu. Dans tous les cas, la puissance des mots de l'ancien président des Etats-Unis d'Amérique n'en était pas diminuée, et le souvenir de cette citation revint de plein fouet à la mémoire de Sixtine alors que celle-ci veillait au grain. Tout devait être prêt, chaque chose à sa place, rien ne pouvait déroger à la règle du perfectionnisme Smithien qu'incarnait à merveille la blonde. En plus de son emploi du temps bien chargé, composé de son alternance à la mairie de Brisbane, ses études, ses nombreux loisirs sportifs et artistiques, et sa vie estudiantine au sens large, la demoiselle faisait effectivement partie du conseil des élèves depuis deux ans déjà.
Elle y incarnait le rôle de responsable événementiel, alors autant dire que le gala, c'était son job avant d'être celui de qui que ce soit d'autre. Bien sûr, à elle seule, et ce malgré toute la détermination du monde, la blondinette n'aurait pas pu fournir; il n'empêche. Elle avait été force de proposition pour de nombreux nouveaux éléments de ce gala annuel. Le changement de prestataire pour la billetterie en ligne, tout d'abord. Sixtine avait constitué une liste de trois concurrents à celui utilisé les autres années, avec leurs qualités et défauts respectifs. Grâce à cela, le conseil avait pu gagner en efficacité et même en économies sur ce poste de dépense. Pour titiller la fibre écolo' de nombreux étudiants, elle avait soumis l'éventualité de mettre en place, dans le prix du billet payé (en fonction de son forfait), une donation pour l'ONG WWF-Australia, destinée à être reversée au combat pour la préservation de la barrière de corail, qui se mourrait un peu plus chaque jour passant. Ce don compris dans le prix du billet avait une triple efficacité: il comblait les appétences écologiques de Sixtine, mais surtout il permettait de diffuser une bonne image à l'ensemble de la communauté étudiante et finalement, de nombreux étudiants pouvaient se donner bonne conscience en reversant quelques dizaines de dollars chacun, en échange de quoi ils pouvaient bien boire leurs cocktails par le biais de pailles en plastiques sans se sentir le moins coupables du monde. L'hypocrisie avait encore de beaux jours devant elle. Après avoir été force de proposition, l'étudiante en troisième année de la double licence droit-communication avait aussi été le moteur d'action. Pas plus efficace qu'elle pour remuer les fesses des membres les plus fainéants du Conseil. Sa technique ? Oh, ceci ne se révèle pas au grand jour, voyons. Disons juste qu'elle adaptait sa tactique en fonction de chacun, et que cela pouvait aller du simple rappel, à la discussion sérieuse, et s'il le fallait, au harcèlement et à la menace d'exclusion du Conseil. Tout cela dans la subtilité et en délicatesse, s'il-vous-plaît. Rien de mieux que d'insinuer qu'un nouvel élève, très motivé et compétent, sorti d'une famille très renommée dans X secteur, était intéressé par un poste pour faire réagir l'actuel propriétaire de celui-ci.
Bref, à quatorze heures, la blonde effectuait les dernières vérifications. Des coupes pas assez propres par ici - si, il y a des traces de calcaire - une composition florale avec une fleur fanée à remplacer par là, des prestataires à féliciter et d'autres à presser, les grands pontes de la fac à remercier une fois de plus au détour d'un couloir pour leur confiance... Finalement, à dix-sept heures, la blonde put enfin se permettre de rentrer chez elle pour se préparer. Elle déposa un bisou sur la joue de Camil, qui bossait dans leur salon, et lui piqua un peu de beurre de cacahuètes, à même la cuillère que son frère avait déjà mis à sa bouche. La blonde s'en fichait bien, tant qu'il s'agissait de lui. Et le soupir de fin du monde qu'il lâcha en la voyant faire ne la freina pas pour autant dans l'accomplissement de son acte gourmand. Une fois sa douche prise, ses cheveux séchés et sublimés, elle se rendit dans sa chambre, enfila les sous-vêtements qu'elle avait pré-selectionnés et fit coulisser la porte pour entrer dans son dressing personnel. Une fois de plus, elle se pâma de satisfaction en voyant la robe qu'elle avait acheté pour cette soirée si particulière. Elle revoyait encore la tête de son frère, quand elle l'avait traîné avec elle pour des essayages, et qu'elle avait trouvé CETTE robe. Il n'avait pu s'empêcher de la trouver superbe dans cette tenue, mais par principe, avait quand même marmonné un "trop décolleté".
Délicatement, elle la retira de son portant, et l'enfila.. Puis courut en une myriade de petits pas pour rejoindre son frère. Camiiil, tu peux fermer ma robe ? C'est dans le dos, j'y arrive pas... En moins de temps qu'il fallait pour le dire, elle était fin prête, maquillée, apprêtée, soignée, la to-tale. Son portable sonna; son taxi l'attendait. Camil s'était proposé pour la déposer, frère adorable qu'il était, mais sa petite soeur avait décliné l'invitation. Elle le savait très occupé, toujours plus le temps passant, et elle n'était plus une enfant. En plus, voir le benjamin des Adams l'attendre comme sa cavalière n'aurait peut-être pas été du meilleur effet aux yeux de son frère... Non pas qu'il ignore que sa petite blonde côtoie Simon, elle ne le lui avait en rien caché. Après tout, ils évoluaient dans plus ou moins les mêmes cercles d'influences, étaient d'âges rapprochés et étudiaient la même fac. Seulement, les savoir au bras l'un de l'autre pour la soirée aurait peut-être refroidi l'aîné des Smith, et l'aurait détourné de son travail pour la soirée. Afin d'éviter ces tracas, Sixtine avait donc décidé de se débrouiller seule pour se rendre au gala. La blonde attrapa au vol un sac dans lequel elle avait fourré ses affaires pour la nuit à venir, embrassa à nouveau son frère, et disparut dans une volée étincelante aux nuances bleu-nuit.
Sixtine :
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La jeune fille pianota quelques SMS sur son portable pendant le trajet, prit un selfie pour le poster sur Instagram, et la voilà déjà arrivée. Moins de dix secondes de marche et elle se retrouva devant Simon. Elle ricana à sa salutation bien peu conventionnelle, et lui répondit d'un air aussi sincère que rieur: Un gentleman remarquerait le soin que j'ai apporté à ma tenue, plutôt que mon unique minute d'avance sur l'heure précise. Sixtine glissa son bras sous celui de son cavalier, et le suivit jusqu'au lieu des festivités. La soirée se passa exceptionnellement bien, et les deux membres du Conseil passèrent autant de temps avec leurs propres amis qu'à danser ensemble. C'était parfait. Le tout passa en un éclair, et déjà, le brun et la blonde se retrouvaient à l'intérieur du petit bungalow qui serait leur chambre pour cette nuit là. Non pas que Sixtine soit incapable de rentrer, elle n'avait rien bu de plus qu'une coupe de champagne, pendant la soirée. Cependant, elle se devait de rester jusqu'au lendemain, en tant que membre du Conseil; la matinée suivante serait sûrement l'occasion d'un premier debriefing autour d'un brunch. Les deux amis découvrirent l'intérieur, qui se révéla ne pas être une suite grand luxe, mais qu'importe. Après avoir passé plus de huit heures en talons, Smith junior ne rêvait que de se coucher. Aucun problème. Ils pouvaient bien dormir dans le même lit, pour ce que ça changerait à sa vie ! Elle n'était pas du genre timide, ni prude. Privilège de Dame, elle fut la première à s'accaparer la salle de bain, mais veilla à ne pas trop y traîner, prenant une douche rapide, enfilant un pyjama très simple, shorty en coton et débardeur. Elle accrocha précautionneusement sa robe en hauteur après l'avoir remise dans sa house originelle et sur le cintre allant avec, puis elle laissa la place à Simon. Morphée fut rapide à s'immiscer entre eux, et bientôt, Sixtine dormait pour un loir. Du moins, c'est ce qu'elle aurait souhaité, et elle était plutôt bien partie, rejoignant le pays des rêves.
Une main. Une horrible main s'extirpa des ténèbres, pour venir se poser sur la gorge nue de la blonde et la serrer lentement, mais toujours plus fort. Des yeux brillants dans l'obscurité, la dévorant du regard. Une présence sombre, effroyable. La blonde était en pleine crise de terreur nocturne. Mmmh.... Mmmh... Mhh !! Elle commença à gémir, ce qui pour elle était un cri. Hmm.. aah... Aaah ! Elle réussit à crier, ce qui dans sa tête, équivalait à un hurlement strident. Pourtant, elle ne parvenait pas à s'extirper de ce cauchemar éveillé. Il était de plus en plus rare, avec l'âge, qu'elle subisse ce phénomène; et les quelques fois où ça lui arrivait encore, Camil était dans les parages, et volait à son secours. Il savait comment la réveiller, comment la sortir de sa propre prison cauchemardesque. Ce soir, il n'était pas là. Il faisait froid, il faisait chaud. Le monde tournait, menaçant et écrasant. Quelque chose, une voix peut-être, une lumière, tentait de se frayer un chemin jusqu'à la conscience de la blonde, mais elle était loin, bien trop loin. Puis, le son, les paroles apaisantes réussirent à l'atteindre, et son souffle commença à s'apaiser, même si c'était encore l'apocalypse en elle. Lentement.. Encore... Doucement...
Soudainement, un soubresaut violent s'empara du corps de Sixtine, et dans un dernier hoquet de stupeur, elle se réveilla. Elle aurait voulut se redresser d'un bond, sous le choc, la peur et l'adrénaline de sa terreur nocturne; mais elle constata alors que des bras l'entouraient, et qu'elle avait le visage caché contre le torse de quelqu'un. Que .. Simon ? demanda-t-elle, encore un peu hagarde de son état de semi-conscience si horrifiant. Qu'est-ce-qu'il..
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Dernière édition par Sixtine Smith le Mer 6 Mai 2020 - 1:06, édité 1 fois
Les circonstances étaient lunaires aux yeux du jeune Adams. Lui-même ne comprenait certainement pas le tiers de l'entièreté de la situation. Il agissait bien plus par prescience que par raison. La pâmoison provoquée par l’alcool, bien que se ne soit plus un appréciable siroteur de spiritueux, et le réveil brutal rendait ses actions bien plus impulsives que raisonnées. Parsemez le tout de la pesanteur de l’éreintement et vous étiez sûr d’obtenir des réactions quand temps ordinaire Simon n’aurait pas réalisé aussi promptement. L’on narrait souvent qu’il fallait agir avec raison, le cas présent nécessitait tout l’inverse. C’était finalement bien plus de l’instinct qu’autre chose. Ses yeux n’ayant pas encore réussit à s’adapter à la faible lumière de la lampe de chevet, il était pratiquement aveugle à la situation. Il comprenait simplement qu’il y avait détresse chez Sixtine.
Lorsqu’il tenta de l’étreindre dans l’objectif de l’apaiser, il sentit les impétueux battements du coeur de la nymphette traversaient son corps d’une extrémité à l’autre. Les premiers temps, elle se mouva avec violence. Ses tambourinement étaient rapides et saccadés. A l’inverse le cadet Adams tentait de garder un rythme cardiaque stable et temporisateur. Parler de transe serait certainement exagérée pour décrire la situation, toutefois dans l’allègre frénésie de l’instant, il eut l’impression que leur corps ne faisait qu’un. Il avait l’intime conviction qu’il arriverait à alléger l’esprit de son amie en conservant un sentiment de quiétude. Lorsqu’il sentit que les battements de Sixtine ralentissait, il commença à parler posément. Il fallait qu’il arrive à faire quelque chose. Absolument. L’inverse n’était pas envisageable. Il n’y songeait même pas. Il ne pouvait pas. C’était littéralement un plongeon dans l’inconnu, un barathre qui s’ouvrait devant lui. Il ne savait pas ce qu’il faisait, ce qu’il ressentait. Il ne pouvait pas s’appuyer sur ses sens traditionnels. Une chimère lui aurait certainement parue plus réaliste. Pour quelqu’un qui essayait de toujours garder la bride sur le déroulement des choses, c’était véritablement effrayant. Puis finalement dans un dernier soubresaut elle parvint à articuler le prénom de celui qui la tenait.
Il fallut quelques secondes avant que Simon ne comprenne l’information qu’il avait entendu et qu’il réagisse. Il répondit machinalement : Sixtine… comme s’il était en train lui-même de recouvrer ses esprits. Avec douceur il desserra son étau. Il chercha à croiser le regard de la Smith malgré la faible luminosité de la pièce. Lorsque leurs prunelles se croisèrent, il comprit qu’elle était totalement réveillée et tout à coup, la situation lui paraissait bien incommode. Il ne savait plus vraiment comment se positionner. En somme il était autant perdu qu’elle.
Ce...ce… ce n’est pas ce que tu crois. Il bégayait. Il n’avait aucune idée de ce qu’elle croyait et il ne savait même pas si elle avait conscience de ce qui s’était déroulé avant. Il sortait de sa torpeur, et se ressaisit. Ce n’était certainement pas le moment de perdre pied, assurément pas. Il ne fallait pas laisser la situation plus ambiguë qu’elle ne l’était déjà. Il décida de mettre une légère distance entre elle et lui et tenta de contenir son incompréhension de la situation en la dissimulant derrière un aplomb branlant. Le ton était un peu plus assuré, il pouvait difficilement l’être moins.
Je ne saurai pas vraiment t’expliquer ce qui s’est passé. Tu t’es mise à respirer... il cherchait ses mots… de manière irrégulière. Puis tu as commencé à crier puis t’agiter. C’est à ce moment qu’il sentit un picotement sur le bas de joue gauche juste au dessus de son menton. En passant sa main il y sentit une rugosité indiquant qu’il avait reçu un bon coup. Certainement les ongles de Sixtine étaient passés par là. Il poursuivait son récit. Par peur, j’ai pensé que la meilleure option était de t'immobiliser , en essayant d’éviter de lui faire mal mais Simon ne le disait pas. Par ailleurs une légère rougeur venait clairsemé son teint surement car il se sentait pataud. Il se redressait un peu mieux sur le lit.
Je suis content que cela soit passé. Désolé. Il ne savait pas pourquoi il s’excusait mais il faisait, là aussi c’était un réflexe. A ce moment précis, il n’avait pas la moindre idée que la jeune femme pouvait souffrir d’un trouble du sommeil ou bien de terreur nocturne. A vrai dire il ne se posait pas vraiment la question de l’origine de cette crise. Dans son esprit il s’agissait d’un simple cauchemar. J’avais l’impression que tu te battais contre quelqu’un, de toute évidence moi. Il pouffait légèrement pour tenter de détendre un peu l’atmosphère pesante.
Dis-moi si tu as besoin de quelque chose ou si tu veux que j’aille te chercher de l’eau. Il se rattrapait, enfin si tu te sens de le faire toute seule, tu peux. Il ne savait pas vraiment comment se placer. C’était la première fois qu’il voyait Sixtine dans un moment de faiblesse. Il ne savait pas comme elle allait réagir mais il savait que si les places étaient inversées, il refuserait de l’aide. Les deux partagaient d’importantes ambitions et leur image respective n’avait jamais était écornée en public. Même dans la sphère privée, ils évitaient de montrer leur vulnérabilité. Par fierté oui, mais il y avait plus derrière cela, du moins chez Simon c’était certains.
La jeune fille fixait celui qui avait tenté d'être son garde-fou de ses yeux bleu saphir, alors qu'elle revenait peu à peu à elle-même. Elle se sentait désorientée, peu à l'aise, et surtout, ne comprenait pas ce qu'elle pouvait bien faire dans les bras d'un Simon qui semblait lui aussi confus. Les secondes passant, elle se concentra sur ses ressentis plutôt que sur ce que ses pupilles lui permettaient de voir. Malheureusement, la vue était parfois trop restrictive pour appréhender son environnement, aussi fallait-il savoir se focaliser sur ses autres sensations. En ce qui concernait sa mémoire, elle n'avait pas le moindre souvenir d'un cauchemar. Elle le remarqua alors; son coeur tambourinait dans sa poitrine; pas exactement à mille à l'heure, mais pas si loin non plus. Il cognait fort dans sa poitrine, ne semblant demander qu'à la quitter, à s'échapper. Ses battements résonnaient, passaient par toutes les fibres de son être, remontaient jusqu'à son cerveau où ils devenaient un écho malvenu. La jeune femme constata, en s'y attardant une seconde, que ses mains agrippaient le tee-shirt de Simon, comme si sa vie en dépendait; en tirant un peu, elle aurait presque pu en arracher quelques fils. Elle le lâcha rapidement, ayant l'impression d'avoir reçu une impulsion électrique lorsqu'elle avait réalisé l'étrangeté de cette position. Les liens somme toute logique commencèrent à se tisser dans son cerveau de moins en moins embrumé, et les connexions neuronales lui permirent de réaliser.
Oh. Tout s'expliqua en un instant. Aucune trace de cauchemar, un Simon tirant une tête de trois pieds de long, qui commençait à s'excuser en long, en large et en travers, des palpitations de son muscle cardiaque commençant juste à s'apaiser, une position totalement absurde... Une terreur nocturne. Voilà bien quelques mois que ça ne lui était pas arrivé, et franchement, ça ne survenait pas dans le meilleur contexte, là. Bien que Simon soit un ami qu'elle pouvait qualifier de plutôt proche et en qui elle avait une confiance assez poussée, malgré les oppositions politiques du patriarche Adams et de l'aîné des Smith, elle n'appréciait pas du tout ce qui venait de survenir en sa présence. Pas. du. tout. Déjà car la blonde était une personne particulièrement fière et indépendante, il s'agissait d'un fait reconnu autant dans sa sphère professionnelle qu'à la fac ou dans un cadre plus privé. C'était certes monnaie commune dans le monde où ils gravitaient, le fait de cacher ses faiblesses, d'éviter de paraître fragile, de tout faire pour sembler prêt à affronter n'importe quelle situation. Pourtant, cette façade était encore plus épaisse chez Sixtine, dont la joie de vivre quotidienne, son dynamisme incroyable et sa détermination ajoutaient à ses manières de princesse et de dirigeante. Elle entendit, réellement pour la première fois depuis qu'il avait commencé à parler, les paroles de Simon: Par peur, j’ai pensé que la meilleure option était de t'immobiliser. Il s'était un peu reculé lui aussi, ayant réalisé que leur proximité n'était plus de mise. Parce que tu croyais vraiment que tes trois centimètres de plus que moi suffiraient à retenir ma force incroyable ? Demanda la jeune femme, désormais pleinement revenue à elle, en haussant un sourcil sarcastique. Une plaisanterie totalement ironique, quand on sait que près de vingt centimètres séparaient les deux comparses. Pour faire une telle sortie, elle ne pouvait qu'aller bien. La blonde soupira et s'étira le bas du corps en poussant au maximum ses pieds contre une plateforme imaginaire. Brr, quelle détestait cette sensation d'être toute engourdie après ce genre d'épisode !
Elle était en train de se redresser dans le lit pour s'asseoir lorsque Simon s'excusa. Pourquoi tu t'excuses ? demanda la jeune femme d'un ton étonné. Drôle de garçon que celui-ci, il ne manquerait jamais de la surprendre. Certaines, à la place de Sixtine, se seraient même excusées d'avoir réveillé leur compagnon; elle ne le ferait pas, après tout, elle n'y pouvait rien si une crise l'avait prise. Tu as fait de ton mieux alors que je cauchemardais.Une vérité toute simple, mais qui méritait d'être rappelée. Par la même occasion, elle avait pu en profiter pour définir sa crise de simple mauvais rêve. Elle ne comptait pas divulguer ce genre de problème à Simon. Ils avaient beau très bien s'entendre, elle n'était pas du genre à s'étendre sur ses problèmes, et encore moins à vouloir prendre le risque qu'on la plaigne. La blonde ramena une mèche de cheveux dorés derrière son oreille. Merci. Ses sourcils, eux, se froncèrent lorsque le benjamin Adams lui dit qu'il semblerait qu'elle se battait contre quelqu'un dans son rêve, et probablement lui, du coup. Merde. Lui avait-elle fait mal ? De ce que Camil lui avait raconté, elle pouvait autant être totalement statique que remuante, voire même violente pendant ses terreurs nocturnes. Aussitôt, la jeune fille se pencha sur le côté pour chopper son téléphone portable, qu'elle avait déposé sur la table de nuit près de son oreiller. Elle en alluma la fonctionnalité "lampe", réglant l'intensité pour qu'elle ne soit tout de même pas trop vive, puis elle la darda sur Simon, l'inspectant sans autre forme de procès. Oups... dit-elle simplement en voyant la belle griffure dont elle l'avait affublé. Cela allait du rebord de sa mâchoire, côté droit, jusque sous son menton, à la jonction avec la gorge. Quelques gouttes de sang en perlaient même. Je ne t'ai pas loupé ! commenta la blonde, hésitant entre culpabilité et hilarité. Mais Sixtine n'était pas honteuse, jamais. Alors elle préféra en rire. Si un jour j'adopte mon chat, je ne lui achèterai pas de griffoir. Il semblerait que ta peau fasse très bien l'affaire. Un minimum désolée pour lui, tout de même, elle se pencha à nouveau vers le rebord du lit. Cette fois, elle chercha son sac à dos, qui contenait toutes ses affaires de toilette et de rechange. Elle le tira jusqu'à elle et le posa entre ses jambes croisées en tailleur. Au bout de quelques secondes, elle en tira des mouchoirs en papier. Elle en prit un, et se rapprocha de Simon. Ne bouge pas. Doucement, elle tamponna la blessure de guerre du brave soldat, qui ne demanda que peu de soin au final, ce n'était pas une hémorragie, non plus. Se posa alors une autre question, dans l'esprit rationnel de Sixtine. Hum... Comment tu vas justifier ça ? Car aucun doute que la plaie mettrait plusieurs jours à cicatriser, et près de deux semaines à totalement disparaître. Dès qu'ils sortiraient de ce bungalow, il serait reluqué et les questions fuseraient, de leurs camarades de fac occupant les autres maisonnettes comme de sa famille, probablement, quand il serait rentré chez lui.
Elle haussa les épaules quand il proposa d'aller lui chercher de l'eau. Ça va, ce n'était qu'un cauchemar. Je vais même aller prendre l'air sur la petite terrasse.Tu viens ? Les étoiles brillaient dans le ciel, la lune était pleine, et surtout, les alentours déserts. Son portable indiquait quatre heures trente du matin. Autant dire que les autres ne s'éveilleraient pas de sitôt. Heureusement, le temps était clément, ce qui lui permit de rester en petite tenue même à l'extérieur. En passant, elle se servit un verre d'eau, et en proposa un à Simon. Elle s'assit sur l'un des deux poufs mis à disposition. Malgré ce sommeil bien peu reposant dans les faits, elle se sentait plutôt bien. Le gala a vraiment été une réussite, commenta la demoiselle. On peut être fiers de nous. Ton père sera content de toi, pensa Sixtine, tout comme Camil me félicitera.
(c) DΛNDELION
Dernière édition par Sixtine Smith le Mer 6 Mai 2020 - 1:06, édité 1 fois
Les premiers mots de Sixtine confirmèrent bel et bien qu’elle avait reprit le contrôle de la situation. C’était mieux ainsi, oui. Il retrouvait la personne qu’il connaissait bien. La combattante aguerrie, celle qui ne mâchait pas ses mots, toujours prête à désarçonner son interlocuteur lorsque le moment ne lui plaisait pas. Elle avait un sacré caractère à l’instar du brun. Les joutes orales entre les deux étaient épisodiques. Cette fois-ci il décidait de ne pas pas y répondre. Il était trop grand pour rétorquer à cette petite pique, dans tous les sens du terme d’ailleurs. Heureusement que la nymphette avait un gabarit modeste sinon la situation aurait était bien plus difficile à gérer. Celui qui ne prenait pas garde à l’énergie que pouvait déployer Sixtine risquait bien de se retrouver confus. Plus c’est petit et plus cela a un côté vicieux comme Simon aimait le dire pour la taquiner. Il n’en restait pas moins qu’il fallait se méfier de l’eau qui dort. Elle et lui vivaient dans un monde où une chute méphistophélique pouvait si rapidement arriver. Afin de continuer à briller dans le firmament il fallait se prémunir en ayant quelques tours dans son sac tout en maintenant une image semblable à un idéal de vie à atteindre.
C’était idiot mais d’une certaine manière Simon enviait l’image que renvoyait Sixtine ou plutôt la légèreté avec laquelle elle arrivait à la transmettre à autrui. Pour lui c’était désormais plus compliqué d’accomplir cette tâche et cela ne risquait pas d’aller en s’améliorant. Ces dernières années il avait traçait sa route en pensant que tout irait toujours en ligne droite. Et là, il se retrouvait à un carrefour et il ne savait pas quelle direction prendre. Revenir en arrière était impossible, il avait trop sacrifié de sa personne et de temps que jamais il ne pourrait rattraper. Il avait toujours eu cette mauvaise tendance à se poser trop de questions. A peine en avait-il élucidé une que plusieurs se peignaient déjà dans esprit. Rien que le fait d’avoir identifier avec certitude un doute provoquait en lui des émois contradictoires. Ses appréhensions, à l’instar de l’effet de l’air sur certains métaux, l’oxydaient. Il devrait en parler, mais il ne le faisait pas. Cela serait faire un aveu de faiblesse et il ne voulait pas s’autoriser tel errement. Certainement l’orgueil et la fierté avait un rôle à jouer dedans ce comportement mais il y avait plus que cela. C’était la crainte qu’une brique de la fondation ne tombe et ne provoque la déliquescence de la masure.
La Smith lui demanda pourquoi il s’excusait. Oui pourquoi ? C’était une interrogation fondée. Trop. Il n’allait certainement pas répondre qu’il demander pardon de l’avoir vu dans un état aussi… pittoresque disons. Il n’aimerait pas qu’on le lui fasse remarquer, alors il n’allait certainement pas être son bourreau sur ce point là. Comme lui, elle montrait en permanence une représentation d’une personne indépendante et forte. C’était vrai. Bien qu’ils se côtoyaient déjà depuis plusieurs années et que le cadet Adams l’estimait assez pour placer sa confiance en elle, jamais elle n’avait failli devant lui. L’inverse était tout aussi véridique. Il y avait un esprit de compétition mais de nature différente que celui qu’entretenait Simon avec Ash. Dans leur cas, il s’agissait d’une surenchère de virilité mal-placée, un jeu de brute et de vacheries. Présentement, avec Sixtine, c’était plus subtil et plus… politique. Pour rien. C’est tout ce que ses lèvres pouvaient émettrent.
Elle tentait de le rassurer en disant qu’il avait de son mieux. Etait-ce assez ? Dans le fond peut-être pas. Dans la forme oui. Elle le remercia. Il lui répondit promptement : Pas de quoi. Il enchaîna sur le fait qu’elle semblait se battre. Il l’observa se pencher pour chercher quelque chose. Il discerna que c’était son téléphone. Bien qu’elle eu la décence de régler l’intensité de puissance du flash, les pupilles de Simon se dillatèrent. Elle confirma l’impression de son toucher. La blonde avait laissé une trace de leur altercation nocturne. Elle disait qu’elle ne l’avait pas loupé. Oui je confirme disait-il en faisant un hochement de la tête. Heureusement que tu es un petit gabarit, sinon imagine la blessure de guerre que cela aurait été. C’était une petite pointe d’humour. Ce qui était bien avec Sixtine, c’est qu’elle ne faisait pas tout une histoire d’un rien et ne ressentait pas le besoin de se perdre dans de plates et vides excuses. Elle renchérit par de l’humour d’ailleurs en comparant le cadet Adams à un griffoir. Dois-je donc en conclure que je serais enfin le bienvenue chez toi ? Il lui tirait légèrement la langue. Actuellement c’était impossible. Peut-être que l’étudiante en avait parlé à son ainé de la relation amicale qu’elle entretenait avec Simon. Pour ce dernier c’était hors de question d’aborder tel sujet avec son père. Cela équivaudrait à recevoir certaines remontrances et il savait qu’il n’aurait pas la force d’aller contre Grant. Elle amena son sac sur le lit et s’installe frontalement par rapport à lui. Le dernier année ajouta : Je réclame un droit de regard sur le nom du chat, c’est le minimum si je lui sert d’arbre je pense. Il gloussait avant de reprendre un air plus sérieux. Elle passa un mouchoir sur la partie légèrement ensanglantée de la plaie. Un léger picotement parcoura le visage de Simon.
Elle lui demandait comment-il allait justifier cela. Facile, on a trouvé un chat sauvage dans le bungalow, face à cette démiurge créature, je pris mon courage à deux mains et je tenta de le chasser avec tendresse des lieux. La créature du malin tenta vainement de résister mais elle fut vaincue et dût nous laisser la place. Toutefois elle réussit à blesser le très héroïque chevalier. Fanfaron lui ? Légèrement. Je trouve cela crédible, non ? Il arriverait bien à dénicher quelque chose de plus réaliste. Le mieux serait certainement de répondre qu’il ne savait pas comment cela était arrivé. Sur un ton plus diligent, il lui demandait si elle avait besoin de quelque chose. Apparement non, le contraire l’aurait éberlué. Elle lui proposa de sortir, il la suivit.
La voûte céleste était embrasée par une myriade d’astres nitescents. La lunaison n’était pas loin de son apogée étincelant l’obscurité de la nuit d’une amiteuse clarté. L’embrun marin dominé le domaine olfactif. Le déplacement des deux étudiants sur la terrasse de bois faisait craquer le plancher. Pas un bruit aux alentours. Tout le monde semblait s’être décidé à être sage, sauf eux. Elle se servit un verre d'eau et en proposa un à Simon, il accepta. Chacun s'asseyait sur l’un des pouffes disponibles.
En effet, l’on peut dire que la soirée a été un franc succès, son regard se portait sur l’horizon, c’est rare que l’on s’en sorte aussi bien vu le monde qu’il y avait. L’on va pouvoir souffler quelques jours maintenant. Il prit une gorgée d’eau. On m’a dit que tu avais fais du zèle ces derniers jours d’ailleurs, contrairement à lui qui était… plutôt là physiquement mais mentalement ailleurs. Il resta indécis quelques instants avant de poser la question.
Cela t’arrives souvent ce genre d’évènements nocturnes ou était-ce simplement mon altière présence qui te dérangeait ? Le ton était mi-ironique, mi-sérieux. Il riait légèrement. Je veux dire, cela serait pas étonnant vu la pression que tu as dû te mettre pour que tout soit parfait que cela finisse par ressortir maintenant. Tu sais, non elle ne le savait pas vraiment il ne lui avait jamais dit aussi frontalement, je souffre parfois d’insomnie. Elle pouvait s'en douter à la taille des cernes que Simon pouvait occasionnellement afficher bien qu’il utilisait épisodiquement de l’anti-cernes. Elle avait d’ailleurs peut-être pu lui faire des remarques sur son manque sommeil à plusieurs reprises, ce n’était pas le genre de détails qu’il retenait. D’autant plus qu’on a pas tous été très efficace sur la ligne finale, moi compris. Un moyen de diluer sa culpabilité dans la faute du groupe. Donc si tu veux en parler je suis là. Je peux te raconter mes mortifications nocturnes aussi si tu veux. Elles sont suffisamment importantes pour que le café devienne un somnifère chez moi. Il badinait de bon coeur.
La blonde sourit lorsque Simon la tacla sur son supposé "petit gabarit". Ah, il voulait glisser sur cette pente-là ? Quoi qu'elle l'avait cherché en premier lieu, mais qu'importe. Les joutes verbales, toujours piquantes mais jamais méchantes, étaient partie intégrante de leur relation. Ça amenait toujours un petit plus: un regard choqué - le plus souvent faussement, en mode tragi-comique, mais parfois sincèrement outré - assez régulièrement, un rictus complice et narquois le plus souvent, et même une prolifération de menace les plus absurdes les unes que les autres tellement leur exécution serait grotesque. La dernière en date invoquait un obscur contrat obligeant l'un des deux à servir de porteur à l'autre pour une matinée entière. Lequel se devait de traîner l'autre d'un bout à l'autre de la fac ? Aucune idée, c'était déjà du passé. Pas besoin d'être grande pour parvenir à ses fins. Il suffit juste d'avoir de bons ongles. Ou de bonnes griffes, en ce qui la concernait, au vu des marques qu'elle avait laissé sur la peau du benjamin Adams. Elle ricana franchement lorsqu'il demanda s'il serait enfin autorisé à passer le seuil de son loft. En réalité, jusque-là, mieux ne valait pas que Camil le voit chez eux, raison évidente pour laquelle le brun n'était pas venu chercher la blonde de sa soirée chez elle. Les rapports entre les aînés des deux familles, plutôt polaires que tropicaux, n'incitaient pas les plus jeunes à s'afficher comme de bons amis en leur présence. Pourtant, en y réfléchissant bien, Sixtine se dit que si elle le souhaitait vraiment, elle pourrait le faire accepter à son grand frère. Quitte à devoir crier un peu, faire une bouille de chaton battu; ah non, de bébé Sixtine larmoyante, ça marchait encore mieux ou véritablement tempêter contre lui, qu'importe. Elle finissait toujours par obtenir ce qu'elle désirait, et encore plus si en réalité, elle était dans son bon droit. Camil n'avait jamais su lui refuser quoi que ce soit, et elle faisait aussi en sorte de vivre en bonne harmonie avec lui, et donc de ne pas exiger tout et n'importe quoi de sa part. La preuve, elle ne l'avait pas obligé à porter de ceinture de chasteté lors de son emménagement à Brisbane, et ne posait pas plus de questions que ça lorsqu'elle retrouvait une petite culotte tombée sous le canapé. Si ce n'était pas être d'une adorable prévenance, ça ! Alors, faire entrer Simon chez eux relevait plus d'un challenge, d'un défi que d'une pièce à la Roméo et Juliette. Elle le lui concéda à demi-mots, d'ailleurs. Si tu es prêt à lui avouer que je suis la coupable de ton horrible scarification au visage, il te tolérera, j'imagine. Avec l'humiliation toute relative que ça impliquait pour le jeune homme, évidemment. En conclusion, pour qu'un jour il soit toléré chez les Smith, tout dépendrait de la volonté que la blonde y mettrait. Souhaitait-elle seulement que cela arrive ? Disons que ce n'était pas le centre de ses préoccupations, mais que le cas échéant, elle y réfléchirait. Peut-être. Va pour un droit de regard. Je t'accorde, dans ma grande bonté, même le veto sur une seule de mes propositions. Pour le reste, je serai la seule décisionnaire.
Elle l'observa un instant, alors qu'elle se rapprochait de lui pour appliquer le mouchoir sur les sillons rouge vif qu'elle avait apposé sur lui. Une pensée lui traversa l'esprit. Malgré leurs caractères bien trempés, leurs ambitions actuelles et à venir, l'instinct de compétition qui en découlait, la prudence et le jeu de dupes qui se tenait entre eux, et tout le reste, Simon n'en était pas moins... gentil. Ce qui n'était pas toujours très courant, dans les milieux qu'ils étaient tenus de fréquenter. Qu'est-ce-qui lui faisait penser ça ? Rien de particulier. Une intuition. N'empêche que ça ne suffirait pas pour qu'elle se confie si facilement à lui; elle gardait sa fierté, bien placée dans la hiérarchie de ses caractéristiques comportementales. J'ai entendu dire que dans certaines tribus, mordre ou griffer quelqu'un revient à s'en attribuer la propriété, ajouta-t-elle d'un ton narquois, ses yeux pétillants d'amusement dans la nuit. Elle se mit à genoux sur les draps et tamponna la mâchoire de Simon. En quelques gestes rapides mais pas moins délicats, elle fit en sorte qu'il ne risque pas de tâcher plus les draps. Non pas qu'elle se préoccupe véritablement de la literie. Cependant, s'ils étaient amenés à se rendormir d'ici quelques minutes, autant que la place soit aussi impeccable que faire se peut. Et voilà. Tu devrais t'en remettre, conclut-elle, rieuse. Elle écouta ensuite l'histoire fantastique de son collègue, le laissant se déchaîner - et la transporter par la même occasion - dans un univers où les chats ne seraient que des engeances démoniaques, prêtes à tout pour asservir l'univers. Sixtine éclata d'un rire conquis lorsqu'il conclut son épopée en lui demandant si tout cela était cohérent. Totalement; c'est même trop modeste. Tu devrais énoncer des "hordes incontrôlables de chats-garous", ce serait plus proche de la réalité.
Ils se retrouvèrent quelques minutes après sur la terrasse. Après un court instant de silence, chacun prenant le temps de contempler les étoiles, Sixtine lança dans le vent une phrase bilan de la soirée de charité, qui avait été, il faut le dire, une réussite sur tous les points. Les étudiants avaient été plus que nombreux à venir; les plus aisés avaient tous réservé le plus gros billets, et les moins bien lotis avaient tout de même fait l'effort de se payer une place, rien que pour avoir la chance de voir en fin de soirée un petit concert privé pour les participants au gala de "The Veronicas". Les soeurs jumelles formant ce duo musical, originaires de Brisbane, avaient accepté de venir jouer à moindre frais, ce qui avait assuré la popularité du gala, et donc, sa rentabilité finale. Une pure idée de génie qu'ils avaient eu après une séance de brainstorming du Conseil. Satisfaite, Sixtine sirota quelques gorgées de l'eau cristalline en écoutant le brun lui répondre. Elle accepta le subtil compliment d'un simple sourire. Le zèle, c'est toute mon existence. Il fallait bien avouer que la jeune fille ne s'arrêtait jamais; s'il devait arriver qu'elle soit libre de toute activité professionnelle, estudiantine ou associative, alors elle partait faire du sport, allait taquiner son frère, écoutait les actualités pour rester informée de manière convenable, allait faire du shopping, sortait avec ses amis... Heureusement que la grande majorité de ses nuits était plus réparatrice que celle-ci.
Le brun revint alors à la charge sur cet épisode pour le moins agité du sommeil de Sixtine. Celle-ci aurait pu s'en agacer, s'il n'avait pas mis ça sur le compte de la pression liée à l'organisation du gala. Plus encore, il lui confia, pas à demi-mots mais d'une manière très simple et honnête, qu'il subissait parfois le désagrément d'insomnies. Si elle n'avait pas été confortablement installée dans son pouf, la blonde en serait tombée à la renverse. D'ailleurs, elle dut faire tous les efforts du monde pour ne pas laisser voir son trouble - et ne pas s'étouffer avec une gorgée d'eau, surtout - face à cette déclaration. Comment ? Le fier Simon Adams lui confiait, à elle, être victime de ce genre de turpitudes ? Que voilà bien la surprise. La blonde fit comme s'il lui avait offert une information à peine moins banale que la couleur de ses dernières chaussures, répondant avec une pointe d'humour: Je t'avais dis de tester les glaçons sur les cernes, ça marche du tonnerre. Pourtant, elle était plus interpellée qu'elle n'en avait l'air, et ses méninges se mirent à cogiter aussi vite qu'elles le purent pour une heure aussi tardive (ou aussi matinale, au choix). Était-ce une simple stratégie de sa part pour en savoir plus sur elle, ou une réelle confession ? Il lui avouait même ne pas avoir été des plus efficaces ces derniers jours ! En attendant sur la réponse à adopter face à sa question première, Sixtine se permit de lui faire remarquer: Tu me semblais préoccupé, ces derniers-jours,.Plutôt bonne en analyse, et d'autant plus quand ça concernait ses proches et cercles restreints, la blonde n'avait pas pu louper ça. Il répondait moins vite aux messages que d'habitude, même ceux concernant l'organisation du gala; en face à face, il semblait pensif et un peu renfermé sur lui-même, moins réactif... La jeune fille avait mis ça sur le compte de la pression qu'il devait subir, car il avait un examen important pour son année de prévu d'ici deux semaines, et n'avait pas tenu à l'enfoncer plus encore. Mais là, le contexte différait totalement, et devenait plus propice aux discussions requérant un certain degré d'intimité et de repos de l'esprit.
Allez, c'était décidé. Ce soir, ils se livreraient, à coeur ouvert; ou presque. Simon semblait bien être parti pour, en tout cas. De plus, si la moindre chose de ce qu'ils se confieraient cette nuit fuitait, l'un comme l'autre saurait à quel bureau des plaintes s'adresser. En tout cas, Sixtine décida de considérer ainsi cette opportunité de resserrer un peu leur lien amical, par le biais de confidences qu'ils ne se faisaient pas habituellement. La blonde remua un peu sur son pouf, et fit en sorte d'être ainsi assise de manière à regarder directement son colocataire d'une nuit, sans avoir à tourner la tête vers lui. Elle se lança. Ce n'était pas ta présence le problème. Je n'ai pas de souci à dormir avec qui que ce soit. Et certainement pas avec toi, pensa-t-elle. Après tout, il était franchement agréable à regarder, et pas menaçant pour un sou, sans parler de leur amitié. Donc non, il ne risquait pas d'être le responsable de son état. En réalité... Je fais des terreurs nocturnes, parfois. Voilà, confession pour aveu. Insomnie pour parasomnie. Dans les deux cas, un point commun: le trouble du sommeil. Tu connais ? Elle ne lui en ferait pas une description scientifique, mais au moins pourrait-elle lui en donner une brève définition de ce qu'elle avait lu sur internet, et surtout, lui expliquer son ressenti lors de ces phases. J'imagine que tu as peu dormi ces derniers jours, vu ton état lors des réunions du Conseil, pointa-t-elle avec justesse. S'il avait été un formidable cavalier lors du gala, il n'avait pas été un organisateur au top de sa forme les jours précédents. Ils iraient graduellement. Une explication pour une autre.
Les deux se cherchaient affectueusement. C’était leur jeu à eux, ces escarmouches d’espiègleries. Il n’y en avait pas un particulièrement pour rattraper l’autre. Au contraire. Ils ne désiraient pas tant se blesser qu’à léser l’autre de pouvoir répondre. L’objectif était avant tout de savoir qui aurait le dernier mot sans se rendre ridicule. Généralement c’est bien cela qui clôturait leurs joutes, les deux étant difficilement mouchable à l’oral. Les plaisirs de la rhétorique et de la diction. Elle ne se laissa pas abattre par sa remarque sur son gabarit de poids plume et rétorqua avec ses ongles. C’est bien à l’ongle que l’on reconnaît le lion ou plutôt l’ocelote, histoire de bien insister sur la petitesse de la taille de sa camarade une fois de plus. Puis ne reconnait t’on pas le diable à ses griffes ? disait-il sur un ton à demi-songeur. La comparait-il à une diablesse ? Certainement. Elle en avait certains traits après tout. Il ne lui manquait que des petits cornes et les sabots et elle serait parfaite. Il pouffa à l'idée de l'imaginer ainsi.
Elle renchérit sur l’histoire du chat et du griffoir. Il rétorquait en exigeant presque un droit d’entrée chez elle qu’il pensait non dépendant de l'entièreté de sa volonté. Apparement il s’était fourvoyé au vu de ce Sixtine lui proposait. Etait-il réellement surpris ? Non. Le cadet Adams connaissait bien les talents de la nymphette et lorsqu’elle voulait quelque chose, la blonde était capable de soulever des montagnes, comme lui. C’était d’ailleurs assez voltairien que les deux se supportent puisqu’ils n’étaient jamais vraiment arriver à leur fin avec l’autre. Une cruelle situation d’équilibre qui perdurait encore aujourd'hui. Dès qu’une faille apparaissait dans leur fortification, elle ne conduisait qu’à un cul-de-sac. Comme s’ils faisaient exprès l’un et l’autre de s’attirer dans d’exquis traquenards. Présentement, elle souhaitait mettre en jeu l’amour propre de Simon. Je suis prêt à le faire. Il levait un sourcil, le gauche. Si tu es prête à me baiser la main devant lui en formulant de plates excuses pour cet acte barbare. De plus faudrait que j’ai une certaine garantie que tu ne te débines pas au dernier moment. Aussi farfelu soit ce défi, il y répondait. Ce n’était pas un Adams pour rien. Et il insistait bien sur la valeur l’honneur sous-entendant qu’elle pourrait le duper. Par contre je ne pense pas que cette mise en scène améliore mon image auprès de Camil. Cela risquait d’être tout le contraire tant la situation paraîtrait loufoque. De plus rien ne laissait présager quel tour utiliserait Sixtine pour retourner la situation à son avantage. Elle était particulièrement réfléchie lorsqu'il s'agissait d'éviter de s’abaisser à une action inopportune. Oui cela sentait le plan foireux à plein nez, comme ils savaient si bien les préparer. Je te remercie pour ton égard de largesse quand au patronyme du chat. Un véto c’est si inespéré. Je ne pouvais vraiment pas en attendre mieux de sa majestée. Le ton était railleur.
Elle nettoyait douceuresement sa plaie. Comme quoi elle pouvait avoir des considérations de tendresses pour autrui. Les deux avaient une image de requins qui leur collaient aux basques. Le monde universitaire était emprunt de nombreuses rumeurs toutes plus thaumaturgique les unes que les autres. Alors quand vous apparteniez au conseil des élèves, autant dire que vous vous colliez une cible dans le dos. Les places étaient limitées et le nombre de prétendants en excès. La fin de l’année scolaire signerait la perte de son poste pour le Adams. Assurément il marquerait les lieux en laissant son nom dans les registres. Puis il avait eu le privilège d’être le président d’honneur pour un mandat d’un an non-renouvelable, il y a deux ans. Dans sept mois, cela serait terminé. Il voyait bien que sa place était convoitée. Il aurait apprécié trouver une sorte d’héritier. Sixtine aurait été parfaite, mais sans surprise elle avait atteint le firmament exempt de l’aide qu’il aurait pu lui apporter. La question de l’image qu’il laisserait le taraudait pas mal. Elle le fit sortir de ses pensées par une remarque caustique. Je ne savais qu’à tes yeux j’étais un objet de convoitise. Ainsi ma magnificence aurait été remarqué par l’inébranlable Sixtine. C’était plutôt son exubérance qu’elle pouvait observait en ce moment. Peut-être appuya t’elle un peu plus à ce moment pour le faire taire, histoire qu’il arrête de raconter des bêtises. Cela piquait un peu plus qu’auparavant. Quoiqu’il en était le cadet savourer l’instant, il aimait que l’on s’occupe de lui c’était indéniable. Rieur il lui demande: Tu es sûr que je n’ai pas besoin de sutures ? Il recommença à débiter des propos burlesques. Cette fois-ci, elle allait dans son sens en renchérissant abondamment. Tu as raison c’est pas assez hollywoodien. Il manque des explosions et un gros chat-garou-dragonoïdes. Il faut toujours un boss final. Au moins l’ambiance s’était rapidement détendue et cela lui convenait parfaitement.
Ils se déplacèrent sur la petite terrasse de bois alors que le monde autours d’eux dormait encore certainement exténué des évènements qui s’étaient déroulés dans la soirée. Celle-ci s’approchait presque d’un eden tant elle fut triomphante. Parfois, il arrivait de faire tous les efforts du monde et malgré cela l’ambiance ne prenait pas. Cela n’avait pas été le cas au contraire. Les convives s’étaient prêtés au ludisme de la la fête. Elle perçut le compliment dissimulé qui se cachait dans ses propos au vu du petite sourire qu’il pouvait percevoir. Elle se vantait de son zèle. C’était là leur plus gros points communs, les deux ne s’arrêtaient jamais. La procrastination et l’oisiveté étaient leurs pires antagonistes. Chacun conciliait vie sociale, estudiante, professionnelle, associative, sportive et familiale. Même si chez le Adams, la dernière n’était pas vraiment existante mais cela s’était une autre histoire.
La curiosité lui brûlait la langue et les papilles. Il revint donc sur l’épisode précédent. Il savait qu'en posant frontalement la question à Sixtine, il ne ferait que rencontrer un mur. Le meilleur moyen pour l’abattre était simplement que lui aussi fasse une confession. Ce n’était pas tant de la manipulation qu’un simple échange de bons procédés. Finalement ils ne se connaissaient que par le prime de la perfection que l’un et l’autre essayait d’atteindre. Ils appréciaient chacun la part de lumière renvoyée par l’autre. Mais dans le fond, ils ignoraient chacun leurs parts d'ombres. Est-ce que cela signifiait que leur amitié n’était pas sincère ? Absolument pas. Aucun des deux n’avaient quémandé le besoin de se lier à l’autre. Ils étaient aux antipodes de cette optique après le divorce politique de leur famille respective. C’était quelque chose de spontané qui était né. Enfin, c’était comme cela que Simon voyait les choses. Il se demandait si parfois il n’était pas trop naïf d’ailleurs à cet égard. D’une voix enfantine en mimant un frisson il dit : Mais c’est trop froid les glaçons. La secousse de ses cheveux lui fit retomber sa mèche devant les yeux. Il souffla dessus en vain. Il s’étalait plus largement sur le pouffe en s’étirant. Il sentit ses épaules et ses doigts craquer. Il tenta de se redresser avant de finalement succomber à la paresse. Gracieux sur cent. Elle restait vague. La blonde lui fit remarquer qu’il avait paru préoccupé ces derniers temps. C’était le cas. La question serait plutôt de savoir quand est-ce que je ne le suis pas. Si tu sous-entend plus que d’habitude, tu marque un point. Il levait légèrement son bras en pointant son index vers le ciel en le secouant un peu. Il ne prenait pas la peine de s’étaler plus que cela. Il n’allait certainement pas être le seul à racontait sa vie. C’est compliqué et certainement moins intéressant que notre petite bagarre nocturne. Il cherchait en quelques sortes à l’appâter en attisant sa curiosité tout en s’appuyant sur l’ironie. Il montrerait presque un signe d’ouverture au dialogue, ce qui était aussi rare qu’une aurore boréale en Australie…
L’avantage d’être une personne plutôt renfermée c’est que les nébuleux mystères de la vie, vous les gardiez pour vous. Dès lors que vous échangiez avec autrui, il y avait un risque certain que votre secret n’en soit plus. C’est d’ailleurs bien pour cela que Simon riait des médisances sur lui, elle n’avait aucun fondement, donc aucune chance de le toucher. Il ne savait pas si Sixtine partageait certains des ses émois avec des personnes de la fac. Il supposait que non. Il l’entendit se remettre droite alors que lui était plus… étalé. Lorsqu’elle commença à narrer que le problème n’était pas lui, il se redressa aussitôt. La blonde lui avoua qu’il lui arrivait de faire des terreurs nocturnes. Ainsi, elle aussi avait des troubles du sommeil, bien que leur nature différait. Je connais vaguement oui. C’est une expression que j’ai déjà entendu sans vraiment connaître tout ce que cela implique ceci-dit. Elle lui fit remarquait qu’il n’avait pas beaucoup dormi ces dernières nuits. J’ai dormi moins que d’habitude. Dans son malheur Simon avait deux chance, la première c’est qu’il n’aimait pas dormir. C’était une perte infamante de temps, la seconde et non des moindres, c’est que dormir six heures lui suffisait amplement. En moyenne il dormait entre quatre et cinq heures. Ces derniers temps deux ou trois heures, parfois moins. Si par peu, tu veux dire faire une nuit complète de huit heure étalée sur cinq jours, je te dirais oui. Est-ce qu’il faisait partie de ces gens à carburer au café ? Pas besoin de répondre à cela. Il hésita quelques instants avant de poursuivre. Jaugeant, avec l’esprit aussi clair que celui possible pour un individu épuisé à plus de quatre heure du matin, le pour et le contre de ce qu'il s'apprêtait à dévoiler. Simon se décida à révéler le pourquoi de la situation. Une info pour une info. Il souffla un coup.
Ton frère risque de te l’apprendre rapidement, donc autant te le dire maintenant. Profites de ton privilège d’avoir cette information en avant-première. Il se frotta les yeux avec ses indexs. Comme tu le sais, les élections pour la chambre du Queensland ont lieu en novembre. Le représentant du district de Clayfield sera sans aucun doute réélu à coup sûr. Depuis sa création dans les années 70, cette terre s’était affirmée comme une bastion conservatrice bien que lors des dernières élections elle faillit être décrochée par la coalition verte-rouge. Toutefois, il n’est pas impossible qu’il rejoigne les rangs de la coalition à échelle nationale. Beaucoup de rumeurs circulent à ce sujet. Si cela devenait advenir, des élections anticipées seraient nécessaires. Mon père souhaite que j’y participe. Il se tait. Elle allait bien rapidement comprendre que s’il passait l’étape des primaires puis celle de l’investiture, alors il deviendrait l’un des plus jeunes candidats à accéder à une fonction aussi prestigieuse. C’était quelque chose d’inespéré, une véritable gloire à la hauteur des ambitions que le jeune Adams souhaitait assouvir. Alors pourquoi n’arrivait-il pas à dormir ? De prime abord cela était réjouissant. Pourtant c’était bien plus atrabilaire que ce que les apparences pouvaient laisser présager. La question était de savoir s’il se confierait ou non sur sa famille. Peut-être pas. Surtout au vu de la relation qui liait Grant et Camil. Il était hors de question qu’il devienne le talon d’achilles du paternel. Cela serait le trahir. Et il préférait porter atteinte à son intégrité physique plutôt que de devoir supporter le regard de déception que Grant pourrait lui porter. Jusqu’ici il avait été le seul à ne pas le décevoir et cela devait rester ainsi. Point. Du coup cela me met la pression de fou. Le siège est pratiquement gagné par le type, les libéraux ne feront pas défections comme en 2017. Merci la coalition nationale libérale.Alors que les sondages voyaient le district basculer lors des dernières élections, contre toute attente il était resté conservateur avec presque cinq points d’écart. Dans un an peut-être que je serais déjà en campagne, tu imagines ? Du coup je me questionne. Sixtine pouvait se douter d'un point, Simon n'était pas un vrai conservateur. Il se rapprochait bien plus des libéraux idéologiquement parlant de fait il se retrouvait sur l'aile gauche de son parti. Pour le reste elle n'en serait pas plus. Et sinon c'est quoi tes perspectives à toi bien qu'il te reste encore quelques années d'études ? Il la regardait en souriant tendrement. Comme s'il voulait lui faire oublier ce qu'il avait dit avant.
Je n'ai jamais prétendu être un ange. Joli contre que celui-ci, que la demoiselle ponctua d'une langue vilainement tirée. L'intimité de leur bungalow leur permettait de se détendre plus facilement, de s'autoriser mimiques et comportements qu'ils n'adopteraient jamais "à l'extérieur", devant une masse compacte et confuse d'étudiants, de professeurs. Tous autant de connaissances sympathiques que de probables rivaux, voire d'ennemis clairement affichés. Savoir tirer son épingle du jeu pouvait se faire en suivant plusieurs principes. Assez inconsciemment, Sixtine avait inventé sa propre liste. Le premier commandement, le plus importants de tous: la prudence. Que certains auraient pu qualifier de méfiance tellement la jeune femme prenait garde à ses arrières. Les avis des autres lui importaient peu; en cas d'erreur, de mégarde, de méprise voire de faute, elle serait la première impactée. Alors seule sa propre opinion comptait. Deuxième commandement: la force. Pas physique, que l'on s'entende; quoi qu'il fallait savoir adopter une certaine posture pour mieux rayonner. Non, on aurait aussi pu coller à ce principe-là les adjectifs d’inflexibilité, d'impassibilité, de dynamisme, d'une certaine férocité et de compétence à la fois. D'où sa deuxième position dans la liste de Sixtine: il combinait à lui seul plusieurs éléments essentiels à la réussite. Enfin, troisième commandement et pas des moindres: le travail. Le travail, le travail et encore le travail. Sur ses cours, dans le cadre professionnel, en tant que bénévole, sur elle-même. Le zèle comme moteur de la réussite, comme l'élément clef permettant de développer l'une des bases du second principe, la compétence. Bref, la blonde avait sa propre vision des choses, et avant tout de meilleure manière d'arriver à ses fins.
Sixtine esquissa une moue assez étonnée lorsque son comparse lui dit qu'il serait prêt à avouer à l'aîné des Smith que c'était sa petite soeur, plus petite, jeune et frêle que lui qui était parvenue à lui infliger cette égratignure. Moue assez symptomatique, avec un oeil plissé, le menton légèrement relevé, les épaules un peu en arrière: elle ne le croyait pas. Pas du tout. Et elle avait bien raison, car moins de quelques secondes plus tard, le brun exigea qu'en contrepartie, elle lui baise la main en signe de culpabilité et lui présente ses plus plates excuses, le tout devant Camil. La situation énoncée était tellement ubuesque qu'un éclat de rire perça à travers l'obscurité nocturne. Déjà, même si ça devait arrivé dans ces circonstances, elle trouverait un moyen d'en réchapper au dernier instant, de duper Simon ou même mieux, d'en ressortir gagnante. De toute façon, c'était trop loufoque pour même penser que ça aurait la moindre probabilité d'arriver. Impossible. N'empêche que cette chimère était comique à envisager. Ne pas améliorer ton image auprès de Camil ? Je crois que tu ne réalises pas bien, Adams. Il n'étaient pas rare que les deux amis s'invectivent d'un amusement sarcastique par leurs noms de famille. Cela leur rappelait autant leurs différences, leur situation inconfortable et totalement improbable aux yeux de leurs proches, que le fait qu'ils s'en jouaient totalement. Elle tendit un bras vers Simon, et posa le bout de son doigt au milieu de ses pectoraux, dans une attitude faussement menaçante. Tu rentrerais chez toi dans un colis Mondial Relay. Si Camil est dans un bon jour, il aura prit soin de mettre un joli papier cadeau autour, car il aime les choses bien faites. Sixtine ricana; l'image était sans nulle doute exagérée, mais sur l'idée, c'était honnête. Simon le savait d'ailleurs, pour avoir connu l'ambitieux américain, de la fastueuse époque où lui et son père s'entendaient bien, multipliant les rencontres et réunions diverses. Camil avait toujours été incroyablement protecteur envers sa benjamine, au moins autant qu'elle lui était dévouée. Un parfait exemple de piété familiale, et pour une fois dans leur monde politique de faux-semblants, il s'agissait d'une réalité totalement authentique. En parlant de familiarités, son interlocuteur se permit de la surnommer "Votre Majesté". La jeune femme soupira d'un air de fin du monde. On avait dit "Votre Altesse Impériale". Un royaume ne serait même pas assez grand pour me servir de dressing.
Ah, voici que leurs egos démesurés se rencontraient à nouveau. Le brun se permit de la narguer, comme quoi au final, même elle, l'imperturbable et tyrannique Sixtine, avait été touchée par son charme incroyable. Déjà, elle commença par presser un peu plus le mouchoir contre la griffure qu'elle avait elle-même octroyée au dandy qui lui faisait face, histoire qu'il se taise. Ou pas, car c'est ce qu'elle préférait, c'était leur manière de se chercher des poux et de se pousser dans leurs retranchements. Cette appréciation ne l'empêchait pas d'accomplir de mini-vengeances pour autant, la preuve. D'un ton (trop) neutre, elle déclara en toute simplicité: Je ne vois pas de quoi tu parles. Va plutôt voir du côté de ton fanclub, tu veux ? Oui, oui, tout à fait. Au sein de la fac se trouvait un petit - enfin, selon la définition de la blonde, mais il comptait clairement plus de cinquante donzelles en réalité - groupe qui adulait le benjamin Adams, et dont chaque membre espérait clairement mettre le grappin dessus. Au moins pour une nuit dans leurs plus beaux espoirs, et pourquoi pas pour la vie dans leurs rêves les plus fous. Souvent, il s'agissait d'étudiantes issues de la classe moyenne, sans aucune idée des difficultés auxquelles étaient confrontés les "élites" de ce monde. Elles se casseraient les dents dessus, sans aucun doute. Pauvres filles naïves et idiotes. Elles ne tiendraient pas trois mois si elles devaient véritablement vivre au rythme et aux conventions imposés par les règles de la haute société. La jeune femme rit devant l'inquiétude feinte de Simon. Oh, j'ai peur que ça ne soit plus grave qu'il n'y paraisse. J'espère que tu m'as couchée sur ton testament.
Après les rires vinrent les confessions; la discussion prit alors un tournant radicalement plus sérieux. L'un comme l'autre avouaient éprouver des difficultés autour du monde de Morphée, soit pour le rejoindre, soit pour s'y sentir à son aise. Dans les deux cas, ça ne pouvait pas être agréable. Simon déclara connaître de loin le terme employé par son amie, les terreurs nocturnes. De son côté, il lui confirma dormir généralement peu, et encore moins ces derniers temps. Mon petit doigt me dit que le gala n'était pas la source réelle de tes insomnies, devina Sixtine en fronçant un peu les sourcils, interrogative. Pourtant, il en fallait pour mettre sous pression le brun, qui n'avait quasiment connu que ça de sa vie entière au vu de sa prestigieuse famille, et qui s'était tout à fait adapter à cet état de fait. Ainsi, il encaissait le stress bien mieux que d'autres. Si la blonde était méthodique et très organisée, ce qui lui permettait de hiérarchiser problématiques à résoudre et priorités à gérer, lui réfléchissait bien plus. Pour autant, il n'en était pas moins efficace, et parvenait même à trouver des idées que la jeune femme n'aurait jamais eu, ce qui suscitait son admiration à vrai dire. Mais chut, ne dites rien. Ses chevilles ne lui permettront pas de passer à nouveau la porte du bungalow, sinon. En tout cas, leur échange prenait une direction aussi étonnante qu'agréable: la demoiselle n'était pas la seule à étaler ses problèmes, et même, ils semblaient presque moins imposants que ceux de Simon. Tenant tout de même à donner le change, autant par souci d'équité que pour que l'étudiant en dernière année ne se referme pas de lui-même, Sixtine expliqua un peu plus son propre ressenti. Les terreurs nocturnes... Elles portent bien leur nom. Elles peuvent varier, d'une fois à l'autre. Aujourd'hui, j'ai été remuante, mais il m'est arrivé d'être totalement statique, à un point où ça pouvait sembler inquiétant d'ailleurs. Quand ça m'arrive j'ai... J'ai l'impression que l'on me veut du mal. Des ombres indistinctes m'observent, s'approchent. Parfois, elles prennent forme. C'est assez terrible. La blonde n'en dit pas plus, alors qu'elle aurait pu. La sensation qu'une de ces apparitions horrifiques l'étrangle, ou la maintienne par les chevilles et les poignets. Qu'un souffle nauséabond venait jusqu'à son visage. Que parfois même, son cerveau lui faisait croire que ces formes criaient, hurlaient, pleuraient. Tout cela, cependant, Sixtine n'était pas prête à le dire. Alors elle se tut, considérant qu'elle en avait bien assez parlé.
La suite fut en revanche une véritable surprise. Déjà, rien que par ses premiers mots, Simon capta immédiatement l'attention de sa cadette. Pour qu'il aborde aussi directement le sujet "Camil" en termes politiques, c'est que quelque chose se préparait. Clairement, l'étudiante n'était pas prête, et ne put que rester suspendue aux lèvres de son colocataire. La blonde en serait tombée à la renverse. Elle laissa son comparse parler, débiter ce qu'il avait en tête - et sur le coeur aussi - dans un silence religieux, ne se permettant de lui répondre que lorsque de vrais temps de pause dans son discours le lui permettaient. Alors, son père souhaitait qu'il se présente... C'est... incroyable. Souffla Sixtine, totalement abasourdie. Elle réfléchit une seconde, se remémorant les infos qu'elle avait glané autant auprès de Camil que sur internet et dans les différents médias à sa disposition. Tu serais, quoi... le 7e ou 8e plus jeune représentant de l'Histoire du pays, si tu étais élu ! Il s'agirait d'une ascension phénoménale pour Simon, quoi que pas si étonnante que ça dans un paysage politique où le pouvoir restait souvent aux mains des mêmes familles, quitte à les élargir un peu. Il s'agissait d'une nouvelle incroyable, et il ne faisait aucun doute que Sixtine en parlerait à son frère dès que possible, ça l'intéresserait forcément. Elle hésita une milli-seconde à ce sujet, d'ailleurs. Les frictions entre les aînés Adams et Smith causeraient-ils du tort à Simon lorsqu'il se présentera, si elle effectuait cette démarche de l'annoncer à son aîné avant que ça ne soit officiel ? Elle en conclut que non. Bien que du même sang, et du même lignage politique, père et fils étaient différents, autant dans leurs comportements individuels que dans leurs opinions. Ce serait même une chance de voir un autre Adams émerger sur la scène politique, de l'avis de la blondinette. Quoi qu'il en soit, de toute façon, sa fidélité allait à Camil, encore et toujours. C'est généreux de ta part de m'en parler, le remercia la jeune femme à demi-mots, mine de rien touchée par la confiance de son comparse. Elle leva les yeux vers lui alors qu'il se projetait dans l'avenir, dans la future année de campagne. Tu auras mon soutien, énonça-t-elle comme si ça allait de soi, alors qu'il était certain que son frère comme Granth hurleraient s'ils l'avaient entendue à l'instant. Sixtine n'avait pas d'influence particulière en termes politiques, pas d'autre que celle de "soeur de Camil Smith" et donc par voie de fait, jusqu'à récemment, "assistante du directeur du cabinet du maire" de Brisbane. Ce qu'elle était toujours, mais plus celle de son aîné, celui-ci ayant posé sa démission un mois plus tôt. En revanche, elle avait un pouvoir de persuasion certain auprès des cercles qu'ils fréquentaient, ceux de leurs âges notamment. Pourtant, et même si elle pouvait le faire, elle ne pensait pas spécialement à ça par ces quelques mots. Elle dessinait plutôt les contours d'un soutien moral, ce qu'elle savait que Simon n'avait pas forcément, chez lui, bien qu'il n'en parle qu'exceptionnellement, et à demi-mots.
Lorsque Simon ramena la discussion sur elle, la blonde haussa les épaules. Il me reste encore six mois pour terminer ma double licence droit-communication. J'ai tellement d'opportunités que je ne sais même plus ou donner de la tête. Pourtant, être indécise ne lui ressemblait pas. Là, elle avait le choix entre plusieurs voies bien distinctes, et qui demanderaient entre deux à quatre ans d'études supplémentaires, au besoin. Alors forcément, le choix à prendre était délicat. Soit je poursuis dans le droit pur et dur, pour ensuite devenir magistrate, avocate ou notaire. Ou bien je me lance dans une filière mélangeant droit et commerce pour devenir par la suite gestionnaire de patrimoine. Troisième option, me spécialiser dans la communication tout en gardant des options juridiques, pour me lancer un jour dans l'événementiel de luxe. Elle soupira, se sentant réellement perdue, pour une fois.
Certes elle n’affirmait pas être un ange mais son image renvoyait spécifiquement le contraire. C’était un mal nécessaire. Il fallait être honnête. La conversation entre les deux êtres n’auraient jamais eu lieu s’ils étaient en public. Lentement mais sûrement, leurs rugueuses écailles arboraient d’épines laissaient place à la douceur d’une peau de soie. Lentement, ils dévoilaient leur esprit à nu, sans remparts ou autres formes de protections. Un véritable acte d’apostat pour Simon et certainement également pour Sixtine. La nébulosité ambiante incarnait le zéphyr qui libérait le lieu de la brumaille noctambule. L’harassement des deux n’étaient pas non plus extrinsèque de la situation actuelle. Finalement, Nyx leur offrait un cocon fermant l’instant aux yeux du monde. C’était autant rassurant que terrifiant. Il persifla simplement à la réponse de son amie sur son angélisme.
Simon se flattait de pouvoir observer la réaction de surprise de Sixtine lorsqu’il lui annonça qu’il était prêt à mettre son honneur de côté. Cela ne dura que quelque instant et il regratta que la luminosité de la pièce soit aussi faible. La blonde comprit bien rapidement qu’il y avait traquenard dessous. Est-ce qu’il pouvait accepter qu’elle le surpasse dans un domaine ? Cela l’ennuierait mais il fallait rendre les lauriers à César. Il se demandait d’ailleurs ce qu’aurait été leur relation s’ils avaient été dans une promotion similaire la même année. Est-ce que leur amitié aurait été la même ? Surement que non. Mais auraient-ils pu se supporter au vu de leur caractère ? Les deux aspiraient à contrôler la ruche après tout. Pas en étant les plus populaires non, quoique, mais en apparaissant comme étant les meilleurs. Pour le patricien, hors de question de s’abaisser à se faire déclasser. Il avait un honneur familial à défendre et une fierté proéminente. Sa philosophie de vie était somme toute simple avec autrui : un bien pour un bien, un mal pour un mal. L’éclat de rire de Sixtine transperça le voile de la nuitée. Elle insista sur le nom de famille de Simon, "Adams", rappelant tout l’ambiguité et la dangerosité de leur relation. Ce qui ne pouvait rendre les choses que plus trépidantes encore. Il sentit son doigt se poser sur ses pectoraux. Un léger frisson lui parcoura l’échine. Simon n’était pas vraiment une personne tactile d’ordinaire ou il le faisait paraître faussement. Il s’était habitué par la force des choses à se faire tirer les joues par une de ses amies car elles les trouvaient bien élastiques. Dans le cas présent, Sixtine le faisait bien plus par provcation qu’autre chose. Moh, je suis certains qu’il le ferait pour la petite ficelle du cadeau. Puis j’imagine que Mademoiselle Smith aura l’obligeance de mettre une petite carte d’excuse au moins. Il ricanait. Il est vrai que le cadet Adams ne s’était jamais vraiment poser la question de savoir comment réagirait Camil s’il venait à découvrir l’amitié entre elle et lui. Mais cela serait certainement moins pire que si Grant l'apprenait. Oui bien moins, il n’y avait aucune chance. Puis le mondial relay me parait bien mieux que le compacteur à ordure disait-il sur un ton faussement niais. Outre les pression qu’exerçait le père sur son fils pour entretenir une colère contre Camil, ce qui ne marchait pas vraiment d’ailleurs, c’était bien plus la jalousie du lien fraternel qu’il entretenait avec sa soeur qui animait les braises de la méfiance de Simon. Consciament ? Non ou du moins pas totalement. Certainement que le noeud se résolverait de lui-même si un jour le jeune homme parvenait à s’extraire de son malsain carcan familial.
De nouveau, leur égo s’entrechoquèrent. C’était quelque chose de plus réguliers qui permettait de rendre moins exceptionnel la situation singulière dans laquelle Simon se trouvait. Taratata, il plaçait son doigt devant ses propres lèvres. Il ne peut y avoir qu’un empereur et c’est moi. Vous n’êtes point ma femme très chère. Mais dans les largesses qui incombent à ma fonction, je suis prêt à tolérer que vous vous déclariez impératrice en votre… duché. Une manière de reprendre la main comme une autre de manière pompeuse certes. Cela fonctionnait, elle se montrait un peu moins douceâtre pour nettoyer la plaie du brun. D’un air faussement étonné il dit. J’ai un fanclub moi ? Et comment es-tu au courant de cela ? Avec un léger rictus et un regard plein de malice il terminait. Dis-donc ne ferais-tu pas des recherches sur ma personne? Le rire était gai. Il avait fait de même de son côté donc cela ne l’étonnait guère. Le début de leur relation n’avait été qu’un jeu de dupes. Il ne l’oubliait pas et elle non plus d’ailleurs. Et dire que cela avait était le terreau de la germination d’une trop rare sincérité. Comme quoi, parfois moins par moins faisaient effectivement plus. Il était vrai que Simon jouissait d’une plus grande cote de popularité que sa consoeur chez la gente opposée. Est-ce qu’il en avait quelque chose à faire. Pas le moins du monde. A une époque, il s’était amusé de cela. Particulièrement au début de sa vie universitaire. Puis il s’en était bien vite lassé. D’une part car il ne prenait aucun plaisir, d’autre part car il fallait mieux stopper la chose avant que des ennuis n’arrivent. Il n’éprouvait ni fierté ni honte à avoir était dans différent lits en une semaine. Vaine recherche de l’amour qui ne trouva pas satisfaction. Puis ces individues étaient bien souvent trop ennuyeuses. Aucun intérêt. La plupart ne savaient de toutes façons dans quoi elles s’embarquaient.
Finalement, les deux parvinrent à s’échapper de la petite masure en passant par le portes suffisamment grandes pour laisser passer leurs prétentions. Comme quoi. Les deux échangeaient sur leur difficulté à s’endormir. C’était plus sérieux, plus à coeur ouvert. Dans l’immensité de la nuit astrale, il pouvait se permettre ce genre d’écart de conduite. Une erreur ou un bienfait ? Ils ne pourraient certainement pas le savoir de suite. C’était deux bivalves qui s’ouvraient lentement. Finalement, ils laissaient transparaître plus que d’ordinaire ce qu’ils jugeaient comme laid. Les doutes, les faiblesses, les omissions. Pourtant, la situation n’était pas aussi dantesque que ce que l’esprit du cadet aurait pu imaginer. Au contraire, elle était affriolante. Après tout certains bivalves conservaient des perles en eux. Le brun se sentait spécifiquement bien. Il écoutait avec une grande attention l’explication du mal dont souffrait la blonde. Il sentait bien qu’elle ne lui racontait pas tout mais elle faisait, tout comme lui, un effort. C’était louable et il n’irait pas plus loin. Peut-être qu’ils en reparlerons un jour, peut-être jamais. Il apparaissait toutefois évident que ce problème la taraudait bien plus qu’elle ne pouvait le prétendre. Il aurait pu la remercier de sa confession mais cela aurait pu être interprété comme un signe de pitié. Il n’y en avait pas entre eux, elle n’avait nullement sa place ici. Lui était le digne héritier d’une puissance et ancienne famille patricienne qui devait perpétuer la gloire familiale tel le phénix renaissant de ses cendres. Elle, elle venait d’une famille modeste qui avaient réussi à rejoindre la cour des grands. La moindre erreur pourrait conduire non seulement à sa chute mais également y entraîner son frère. Seule le prisme de la perfection pouvait leur assurer la pérennité nécessaire pour assouvir leurs ambitions. En gage de remerciement, il lui offrait la raison de son inquiétude dernière. Une preuve de confiance ? Oui. Il aurait difficilement pu faire mieux.
La nymphette l’écouta avec attention et ne cherche pas vraiment à le couper. Mais la nouvelle l’affecta aussi. Elle ajoutait la précision que lui-même connaissait. En effet, je ferais partie des plus jeunes élus à occuper un poste de représentant de district dan une chambre territoriale si je décroche l'investiture. Cela incarnait véritablement une plateforme, puisqu’il pourrait possiblement se lancer à échelle nationale dans les années qui suivent et ainsi faire partie du cercle restreint des élus de moins de trente ans à siéger dans l’office parlementaire suprême d’Australie. C’était véritablement une immense chance. Toutefois, cette possibilité n’était permise que parce qu’il portait le nom Adams et pas autre chose. Il se doutait qu’elle en parlerait à Camil, il n’était pas dupe. Mais dans une semaine le monde politique connaîtrait les dessins de Grant pour son fils. Elle lui annonça que le brun aurait son soutien. Cela le fit légèrement rire. Il allait planter dans son regard dans le sien du moins autant que ce que les ténèbres de nuitée permettaient de le faire. Puis il détourna la discussion de nouveau, sans répondre à son désir d’être un soutien. Ce n’était pas vraiment surprenant. Puis cela lui éviterait également qu’elle ne pose la question sur les raisons de ses insomnies.
Il écouta avec le plus grand sérieux les choix qui se posaient à son amie. Son soupir à la fin lui fit presque mal au coeur. Je vois que la fière argonaute semble ne plus savoir ou mener son navire. Bienvenue au club. Il lui fit machinalement un coucou de la main. J’entends bien tes projets, mais j’ai l’impression que tu ne cherches pas à te projeter plus loin. A savoir où tu te vois dans dix ans. Certes on ne sait pas quelle opportunité la vie peut nous offrir, mais finalement c’est comme une histoire. Il pouffait lui même des élucubrations qu’il sortait. Quand tu construis une histoire le personnage a besoin d’un point A pour atteindre le point X. L’objectif n’est pas tant de rester sur l’objectif que l’on s’est fixé que de réussir à trouver un fil d’ariane pour ne pas se perdre dans les dédales de l’existence. C’est car il courrait après une chimère politique qu’il pouvait plausiblement supportait le fait d’un parachutage car son nom lui permettait. Son égo allait être sérieusement remis en question mais cela offrait une opportunité en or de rapidement s’élever dans les jalons politiques. Donc il devrait subir cette humiliation. C’est curieux, et ce n’est pas un reproche. Mais pour une personne qui s’accroche à subir les affres de la quête de perfection, tu sembles ne pas vraiment savoir pourquoi tu fais cela. C’était direct, peut-être trop, il tentait d'amortir la chose. Par exemple, je cours après des chimères de grandeurs car je cherche la reconnaissance d’autrui. Des mots simples et pourtant, cela aurait dû totalement lui tordre les intestins de le dire. Pourtant, et sans aucune raison qu’il n’arrivait à discerner, il en parlait. Comme s’il parvenait à s’enfuir de la cage dorée dans laquelle il s’était lui-même enfermé tout ce temps. Cela serait extrêmement éphémère mais avait le mérite d’exister, là maintenant. C’était même une bouffée d’air frais amenant la douce perlée matinale qui venait de dessécher le rance visage de Simon. Certes encore une fois, il ne racontait pas tout, mais y en avait-il vraiment besoin ? Finalement la question que je me pose c’est de savoir pourquoi tu affrontes les turpitudes de notre monde ? C’était mieux dit ainsi, d’autant plus qu’au vu de la réponse qu’il avait apporté à sa question il n’allait pas la juger. Lui-même parlait de chimère, ce qui montrait bien le détachement qu’il avait par rapport à sa propre stupidité qu’il était fier de pavaner. Elle faisait partie de lui et il l’acceptait pleinement ou presque car cela le rassurait.
La carte d'excuses va de soi, pouffa de rire la jeune femme devant l'absurdité de leurs chimères. Elle nota le ton révérencieux et moqueur du mademoiselle Smith, qu'elle avait bien mérité ceci dit. On a un certain standing à tenir, affirma Sixtine lorsque son comparse lui avoua qu'il préférait le Mondial Relay au compacteur à ordures. Ils continuèrent sur leurs affabulations toutes plus loufoques les unes que les autres, mais cela ne gênait ni l'un ni l'autre. Les moments de pause totale comme ceux-ci étaient les bienvenus dans leur quotidien à mille à l'heure où il fallait pourtant savoir prendre le temps de peser ses mots. D'ailleurs, même là, ils conservaient une certaine tenue, et faisaient preuve de retenue. Pas un mot véritablement plus haut que l'autre, certainement pas de jurons ou de vulgarités; mais cela était devenu une seconde nature pour la blonde, au point qu'elle ne se rendait même plus vraiment compte que son comportement était calqué sur la norme sociale imposée. Elle ricana lorsque Simon se positionna comme empereur, et rétorqua du tac au tac: Vous êtes trop bon, Monseigneur. Je ne puis que vous conseiller de vous remémorer le cas d'Aliénor d'Aquitaine, et d'en tirer vos conclusions. Cette femme française du XII siècle, puissante duchesse d'Aquitaine, avait été mariée au roi de France de l'époque. Les conflits internes au couple et leur manière radicalement différente de vivre et d'exercer le pouvoir les menèrent au divorce. D'un côté, la sobriété et même le côté dévot Louis VII, de tradition d'Oïl; de l'autre, le caractère frivole et exubérant de son épouse, de coutume d'Oc. Si ça s'était arrêté à leur simple désunion, il n'y aurait pas eu de réel problème. Le souci ? Aliénor se maria à Henri II, duc de Normandie... Et accessoirement roi d'Angleterre. Ainsi débutèrent réellement les prétentions de la couronne anglaise sur les terres françaises, et de là apparurent les lointains prémices de la guerre de Cent Ans, dont la France pâtit bien plus que l'île voisine contre qui elle s'était engagée. La référence de Sixtine, bien que sous couvert d'humour, n'était donc pas à prendre à la légère. Elle savait que Simon la connaîtrait, au vu de son immense culture générale et de son statut. Il pourrait y faire un simple parallèle, et tiendrait compte du rappel : aujourd'hui, ils s'entendaient bien, très bien même. Mais à la moindre trahison, ce serait la défection. D'un côté comme de l'autre d'ailleurs, la blonde n'en doutait pas. Et au final, au vu des leçons que l'on peut tirer de l'Histoire - et bien qu'ils soient tous deux minuscules en comparaison de celle-ci - mieux valait rester alliés que devenir ennemis.
Oups; en aurait-elle trop dit ? Aussitôt, Simon la suspecta de le surveiller. Effectivement, c'est bien ce qu'elle avait fait, lors de sa première année à la fac. Elle essayait de regrouper des informations sur lui, pour déjà le cerner en tant que personne, mais aussi pour essayer de débusquer ses faiblesses, connaître ses centres d'intérêts, avoir une idée de ses plus grandes forces. Le benjamin des Adams, parmi les matières qu'il étudiait, était particulièrement bon en rhétorique orale. Un vrai démagogue, il saurait soulever des foules avec un peu d'entraînement. Il était aussi très bon sur la connaissance des rouages politiques du pays et sur leur analyse; rien de bien étonnant sur ce point, au vu du contexte familial qu'était le sien. Enfin, il semblait avoir un véritable don pour le droit constitutionnel et les relations internationales, parmi les matières enseignées. Sans compter ses compétences de base: excellente capacité de rédaction, caractère travailleur, pointilleux et exigeant. Bref, toutes les bases pour être un excellent politicien. Raisons de plus qu'aurait eu la benjamine Smith pour se méfier d'autant plus. Et pourtant, le temps allant, ils n'avaient pu s'empêcher de se rapprocher. Trop semblables pour ne pas s'entendre, assez différents pour ne pas marcher sur les plates-bandes de l'un et de l'autre. Merci leur différence d'âge, notamment; ça ne semblait être rien, mais dans les cercles d'influence se constituant au sein de la fac, il s'agissait d'un détail d'importance. En tout cas, Sixtine ne comptait pas lui avouer l'avoir clairement espionné de bien des manières, quand bien même il n'était pas dupe. Il avait fait de même de toute façon, à ne pas en douter. Là aussi, pourtant, il ne le dirait pas plus qu'il le confesserait si la jeune femme le mettait devant cette vérité. Il s'agissait là de toute la complexité de leur relation. La blonde haussa les épaules. Ce n'est pas un secret; il suffit de les croiser dans les couloir pour les entendre piailler ton nom. L'air railleur, elle le fixa et surjoua les actions de ses fangirls: Oooh, Simon ! Par-ci, par-là ! SimoOoon... Particulièrement agaçante ? Non, pas du tout. Juste une petite emmerdeuse dans l'âme, et elle l'assumait totalement.
L'insinuation qu'il fit quant à son poste potentiel d'élu à la chambre des représentants ne passa pas sous le radar sixtinien. Elle avait parfaitement compris où il voulait en venir. Ainsi, il visait aussi haut, et probablement comptait-il atteindre ce stade avant ses trente ans, tant qu'à faire. Voilà un objectif respectable et ambitieux; la jeune femme esquissa un sourire, et leva son verre comme si elle portait un toast. A ta réussite, alors, et elle but d'une traite le reste de l'eau. La blonde s'amusait à mimer des gestes qu'elle ne produisait jamais habituellement: ainsi, elle n'avait jamais bu un verre d'alcool "cul sec". D'ailleurs, elle ne touchait que très peu aux boissons de ce type, leur préférant des alternatives sans le moindre degré noté sur l'étiquette. Ainsi, la blonde n'avait jamais été saoule. Les raisons étaient plus nombreuses qu'on aurait pu le croire. Bien évidemment, et il s'agissait de celle que la plupart des gens devineraient, c'était le fait de ne pas vouloir perdre la moindre parcelle de contrôle sur elle-même et sur son environnement. Cette explication convenait tout à fait au personnage qu'elle incarnait après tout. En réalité, le fondement du comportement de Sixtine était bien plus important encore et intime que cela, ce qui expliquait que personne ne sache pourquoi elle buvait si peu. On la prenait juste pour une coincée sur ce point, et elle s'en tapait bien; que les gens pensent ce qu'ils veulent. Elle n'était pas prête à lâcher le morceau sur la véritable raison de son abstention: sa santé. A part Camil et Grace, personne n'avait connaissance de sa maladie. Il lui arrivait d'être absente en cours, mais la justification médicale ne venait qu'aux oreilles de l'administration, qui était tenue au secret sur ce point. Ainsi, professeurs comme élèves savaient que les disparitions de Sixtine ne méritaient pas sanction, mais n'avaient aucune idée du pourquoi, ni du comment. Là aussi, ça enflait pas mal le nombre de rumeurs à son compte; là aussi, elle n'en avait cure.
Ma blonde fronça le nez lorsque Simon insinua qu'au final, elle semblait bien peu sûre d'elle. Je préfère prendre le temps de juger les situations avant de faire mon choix, se défendit-elle, mais peut-être de manière moins convaincante qu'elle ne l'aurait voulu. En revanche, elle écouta avec attention son ami sur les projets à longs termes. Elle appréciait avoir son point de vue là-dessus, car avec l'expérience qu'il avait grâce à leurs quelques années d'écarts mais aussi par l'exemple de son entourage familial, il ne pouvait être qu'éclairé sur la question. Tu es très porté mythologie grecque, ce soir, commenta-t-elle simplement d'un ton malicieux, mais pas moins concentrée sur ce qu'il lui racontait. Un pauvre sourire s'esquissa sur ses lèvres sans qu'elle ne puisse vraiment le retenir; elle compta sur l'obscurité nocturne pour la protéger du regard indiscret de son ami. Au quotidien, son moto était "Carpe Diem", et elle l'appliquait au maximum. Pas dans le but d'avoir une vie consumériste sans aucune logique, ce qui serait totalement stupide et contre-productif. Plutôt dans le sens où elle donnait au maximum d'elle-même pour porter des projets s'étalant sur les semaines, mois à venir. Parfois sur un futur un peu plus lointain, comme la fin de ses études et son entrée intégrale dans la vie professionnelle, qu'elle avait déjà bien entamé grâce à son alternance. Pourtant, elle ne visait pas plus loin, comme venait justement de le pointer Simon.
Elle ne se l'avouerait pas elle-même, au grand jamais, alors ce serait encore moins le cas envers lui, mais... Sixtine avait peur. Elle était terrifiée, même. Comment faire de vastes projets, si on ne sait pas si l'on sera encore là dans dix ou vingt ans ? Ou, si la mort ne nous avait pas fauché, si l'on serait encore en capacité de réfléchir, de voir, de se déplacer, de ne pas être dépendant des autres ? Dans leur société élitiste où l'apparence et la compétence étaient quasiment indissociables, comment se projeter avec le syndrome qui l'atteignait ? Alors certes. Personne ne savait de quoi serait fait le lendemain, et n'importe qui pourrait se faire faucher par un chauffard demain matin. Il n'empêche. La perspective de la mort, ou du handicap, restait lointaine à l'esprit humain tant que celui-ci ne s'y retrouvait pas brutalement confronté. D'ailleurs, les philosophes comme les psychologues considéraient que, si lors de la perte d'un être cher, on pleurait son absence avec sincérité, notre esprit réagissait tout aussi fort à la perspective visible de sa propre mort. Or, Sixtine vivait avec une véritable épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les médecins lui avaient dit: la maladie dont elle était victime était sournoise et imprévisible. Certains vivaient avec jusqu'à quatre-vingts avec peu de soucis de santé, même à la fin. D'autres encaissaient beaucoup, mais tenait le coup jusqu'à un âge assez avancé. D'autres vivaient, mais étaient lourdement handicapés: plus de vision suite à de multiples opérations des yeux, débilité mentale s'instaurant à force de trifouiller le cerveau, insuffisance respiratoire due aux incursions répétées dans les poumons, jambes trop faibles pour porter leur propriétaire, fauteuil roulant devenant promesse de ceux dont la moelle épinière était trop souvent touchée... L'avenir était sombre. Cette raison créait cette dualité en elle. Cette capacité à vivre d'une manière si dynamique et positive, et pourtant, de ne pas parvenir à se projeter sur une perspective lointaine.
Pourtant, tout ça, elle ne se le disait pas à cet instant. Elle n'y pensait même pas, alors que Simon lui parlait, ou à peine. C'était juste profondément ancré en elle, tout simplement une partie de son identité. Sixtine fut plutôt étonnée que là aussi, son comparse lui avoue faire tout ce qu'il entreprenait par besoin profond de reconnaissance. Décidément, les marques de confiance et d'amitié se multipliaient, ce soir-là ! Malheureusement pour le brun en quête de réponses, cela n'irait pas aussi loin qu'il pouvait l'espérer du côté de Sixtine. En même temps, jamais il ne pourrait se douter de la profondeur de la réponse, ne pouvant même pas imaginer la maladie qui la touchait. La jeune femme secoua la main avec dédain, et répliqua d'un air à la fois amusé et carnassier : Pourquoi ? Mais c'est très simple. Parce que j'aime ça, tout simplement. Et cette réponse n'en était pas moins vraie. La blonde se sentait vraiment comme un poisson dans l'eau, parmi cette élite où il fallait sans cesse faire ses preuves et se battre. Se battre. Elle adorait ça. Tu as raison, cependant; je ne vois peut-être pas assez loin, lui concéda-t-elle. Elle aurait aimé se projeter sur certaines choses, notamment sur la campagne à venir de Camil, qui n'était pas encore dévoilée au public. La benjamine aurait pu le soutenir, persuadée qu'elle aurait pu faire une bonne porte-parole, ou alors, dans l'ombre, s'occuper de la communication. A sa grande frustration, son frère le lui refusait catégoriquement. Il ne remettait pas sa compétence en cause, ni sa détermination, et même pas son jeune âge. Il ne souhaitait pas l'exposer, c'est tout; contrairement à Grant Adams qui voulait propulser son fils au-devant de la scène. Chacun avait ses propres problématiques familiales, après tout, et ce quand bien même Sixtine adorait son frère. Il refusait même, jusque-là, de l'amener aux mondaines soirées à penchant politique auxquelles il se rendait. Désormais, il avait même trouvé une cavalière parfaite pour cela: Deborah. La blonde n'en voulait même pas à celle-ci, qui devait parfois se sentir bien mal à l'aise d'être propulsée dans un tel monde sans y avoir été préparée. Et elle savait qu'à quarante ans passés, il était bon pour l'image publique de Camil de se présenter avec une femme à son bras autre que sa petite soeur. Il n'empêchait que cela désespérait la plus jeune, qui aurait aimé participer à tout cela, et s'en voyait écartée. Pour l'instant. Camil n'avait pas fini d'entendre parler d'elle. Si on voit vraiment loin, supposa-t-elle, regardant les étoiles d'un air rêveur, je pourrais peut-être me lancer à l'internationale. Ce serait chouette. A choisir, la demoiselle était politiquement bien moins ancrée que son frère ou que Simon, et avoir une portée mondiale lui conviendrait très bien. Dans ce cas-là, même flou et lointain, ce seraient alors les filières de droit et de commerce qui seraient les plus favorables pour elle, à moins qu'elle ne se tourne elle aussi vers les sciences politiques. Elle se tourna vers Simon, curieuse et joueuse: Et toi, si tu devais m'imaginer quelque part un jour, ce serait où ?
Malgré son petit gabarit, la blonde ne manquait pas de répartie. Elle ne se débinait pas, au contraire elle persistait et signait sa bêtise. C’est en partie pour cela qu’il l’appréciait même s’il préférait, évidemment, avoir le dernier mot. Sixtine finalement, lorsqu’il la croisait au détour d’un couloir ou du bureau des élèves, c’était le petit challenge quotidien. La petite dose d’épices qui rendait les journées plus attrayantes et chaleureuses. Cela n’était pas parfois sans provoquer quelques points de frictions mais bien trop légers pour que l’un ou l’autre en tienne vraiment rigueur. Bien qu’ils soient en théorie des alliés les deux pouvaient avoir quelquefois des avis drastiquement divergent. Cela faisait des étincelles sans mettre le feu à paillasse. Bien entendu, leur jeu d’humour, leurs joutes et autres duels, se faisaient dans le cadre privé. Ils n’allaient pas risquer de s’égratigner en public où leur relation était bien plus formelle. Ils avaient chacun une image à tenir.
Le cadet Adams marqua un air de satisfaction lorsque Sixtine lui narra qu’elle mettrait bien une carte d’excuse et qu’elle pointa l’importance de son standing. Bien évidemment elle ne se laisse pas faire en rappelant le cas d’une certaine Aliénor d’Aquitaine. Cette femme avait été hissé au rang de reine de sang tant son impact changea drastiquement le cours du jeu de successions de la couronne française. Il fallait être honnête, elle avait eu une sacrée veine que tous les Capets restant soient incapable d’avoir une descendance. Son adresse politique était grande et elle avait fait basculer plus d’un tiers du territoire de jure du royaume de France du côté de l’Albion. Cependant son interférence sur la crise de succession de la couronne française a été bien plus involontaire qu’on ne pouvait le faire croire. Cela ne retirait en rien son prestige et ses talents d’instigatrices. Ses actions avaient favorisé la guerre de 100 ans, bien qu’en réalité on ne pouvait pas dire que l’époque médiévale brillait par ses temps de paix au XIV siècle et pas que du côté franco-anglais. Duchesse Smith ? Vous me confondez avec ce pécore de roi de lys. Vous me décevez. Et seriez-vous en train de lancer une menace voilée à mon encontre ? Il aurait mieux valu que vous vous compariez à l’archiduchesse Marie-Thérèse d’Autriche. Duchesse, mais Sainte-Impératrice. Une femme de talent même si elle fut battue par Frédéric II de Prusse. Par ailleurs il aurait pu lui sortir cette célèbre citation : "Les femmes sont comme les côtelettes, plus on les bat, plus elles sont tendres". La culture allemande, si poétique et douce. Il ne manquait pas d’humour à l’époque, imaginez cela aujourd’hui à l’ère de "#metoo".
Il savait qu'en parlant de surveillance, il tapait dans le mille avec la blonde. Elle avait été suffisamment discrète pour que jamais il ne puisse lui rentrer dedans pour tel sujet. Des suspicions sans preuves ne valaient rien. Autant condamner une suspect sans aucune forme de procès. Certes cela se faisait encore aujourd’hui c’était plus rare. Elle aussi devait avoir des doutes sur lui. Un vrai petit jeu d’espions et filages auquel il s’était adonné qui avait durée d'octobre jusqu’à la fin de l’été rouge. A l’époque, étant toute jeunette à l’université, il avait eu l’avantage non restraint d’avoir plus de connaissances et relations qu’elle. Aujourd’hui son influence était égale voir supérieur à la sienne. Il était en fin de vie après. Aussi brillant soit un astre, il finit toujours par s’éteindre. C’était une dégénérescence liée à la fluctuation du temps. Sixtine était en plein firmament solaire, lui en était au crépuscule. Elle n’avait pas encore tenté, ou alors il n’en avait pas souvenir, d’être le visage de l’institution du bureau des élèves. Bien que plus honorifique qu’autre chose, c’était quelque chose qui était toujours très agréable à mettre sur un CV. Bien évidemment elle joua d’hyperbole pour qualifier le grand fan club de Simon. Autant dire que c’était un cadeau empoisonné. Sur un ton sarcastique il répondit du tac au tac : Je pense surtout que tu es jalouse. Il fermait les yeux en hochant la tête de bas en haut. Sarcastique ? Oui.
L’air frais nocturne semblait délier les langues en ce début de matinée. Sixtine mima le fait de boire de l’alcool. Cela le faisait intérieurement ricaner. C’était l’une des principales différences entre les deux. Simon savait mieux se laisser aller que la benjamine. Là où lui était capable de s'enivrer, elle ne le faisait pas. Certes il s’était calmé sur la boisson de lui même et n’avait jamais finit assez mal pour avoir le besoin d’évacuer l’alcool violemment. La fois où il s’était saoulé au rhum et lui avait donné un sérieux mal de ventre au milieu de la High School lui avait amplement suffit. La Smith ne lâchait jamais prise, même en cet instant, c’était bien plus le cadet Adams qui prenait l’initiative… ce qui était véritablement exceptionnel. La différence entre les deux pouvaient peut-être se comprendre par le fait que Simon n’avait pas eu le choix de son destin finalement. Il tente de le contrôler mais ne l’a pas conquis là où son interlocutrice était une véritable Attila des temps modernes. Lui aurait toujours pour lui son nom de famille, et pas n'importe lequel. Malgré tout les déchirements de la famille, ce nom restait intact des histoires traversées alors que Dieu sait comment il aurait dû en souffrir. Il était intangible et résistait contre vent et marée. C’était un géoglyphe ancré qu’il fallait maintenir. Les Smith eux, devaient réussir justement à s’enraciner.
La suite de la soirée avait tout d’une scène dramatique shakespearienne du moins pour Simon. Bien évidemment, avec telles allégations, Sixtine se plaça sur la défensive. Il devait parer sa garde peu convaincante et montrer lui même une part de sa vulnérabilité. Il avait l’atout de l’expérience et d’une connaissance qui intrinsèquement ne pouvait se gagner qu’avec une maturation et une prise de recul. C’était là encore l’atout d’Adams qui avait fait que Sixtine n’avait pas vraiment pu le déclasser. Du point de vue de l’étudiant, s’il avait du livrer une vocifère compétition, elle l’aurait emporté. Pourquoi ? Simplement car elle n’avait pas grand chose à perdre contrairement à lui. Etait-ce exact ? De son point de vue à lui oui. C’est grâce au coudée d’avance qu’il avait réussit à tenir un statu quo sécuritaire. Toutefois en ces instants, inconsciemment, il cherchait à le rompre. A provoquer un renversement de table. C’est parce que j’ai parfois l’impression de vivre une Odyssée. Il souriait plus ouvertement que se ne le permettait Sixtine. Il poursuivait ses explications en faisant d’importantes concessions qui ne furent guère récompensées. La réponse de la blonde sonnait factice. Bien trop. Certes le facteur de la passion était important, c’était un catalyseur. Cependant sa réponse ne contenait aucune singularité. Une universalité trop bien rodée qui n’avait strictement aucun intérêt. Le désappointement fut grand, peut-être était-il même un crève-coeur. Elle ne mentait pas mais elle ne disait pas la vérité non plus. Elle s’était placée exactement là où Simon passait la plupart de sa vie. Il avait fait un pas pour en sortir. Il allait y revenir promptement et avec une grande vivacité. Son exode en dehors de la cage dorée ne durait donc pas. Etait-ce un drame ? Non. Il n’avait de toute façon pas vraiment conscience d’autre chose que sa déception à l’instant T. Il lui répondit d’ailleurs sur un ton plus rude : Évidemment que j’ai raison, enlève donc ce “peut-être”. Il termina son verre d’eau. De l’amertume il y en avait. Elle finit finalement par dire qu’elle souhaitait une portée internationale. Puis elle se tourna plus amplement vers lui en lui demandant où il se voyait lui. Il comprit intérieurement qu’il était frustré, il ne savait pas vraiment pourquoi, mais il se prêta au jeu. Son ton redevint plus douceâtre et plus humoritique.
Ai-je d’autres choix que de terminer premier ministre ? Disait-il en riant. Viser la lune pour atteindre les étoiles. Oui c’était cela son crédo. Il avait beau jouer au malin et dur, Simon s’était bâti une véritable forteresse, un krak. Peut-être même que j’aurai une vie de famille. Il fit une pause. Oui cela pourrait être sympa, une vie de famille. C’est bête mais le cliché une maison, une femme, deux marmots, un chien, un chat, un poisson rouge me colle bien à la peau. En étant député ou sénateur, cela conviendrait oui. Ce n’était pas vraiment une nouvelle, Simon cherchait la stabilité avant tout, il souhaitait une vie posée. Il n’est pas improbable d’ailleurs qu’il puisse sacrifier une partie de ses ambitions pour de la quiétude. Actuellement c’était hors de question mais plus tard qui sait. Et toi de ton côté ? Famille pas famille ? Outre ta future adoption de chaton bien entendu. Et côté amour ? Tu dois bien avoir un peu de monde qui se bouscule au portillon non ? La question était posée à dessein. Il connaissait partiellement la réponse et à vrai dire c’était plus finalement un moyen de continuer à faire la conversation sans aborder de thème vraiment sensible. Tant pis.
Oh, il semblerait qu'elle ait touché un point sensible. Le benjamin de la prestigieuse Adams se referma comme une huître, dès lors que sa compagne de bungalow se mit à imiter le fanclub qui le poursuivait de ses ardeurs, à la fac. Timide, le jeune homme ? Sans dire qu'il soit du genre à gonfler des pectoraux, elle n'aurait pas cru le mettre mal à l'aise seulement avec cette imitation somme toute exagérée (quoi que, à peine) ; comme quoi, malgré l'amitié qui les liait depuis quelques années, ils avaient encore de quoi apprendre l'un sur l'autre. Sarcastique, il lui avait répondu qu'elle était jalouse, tout simplement. Faussement hautaine, Sixtine renifla. J'aurais de quoi me créer un harem personnel si je le voulais. Garçons, filles, beaucoup espéraient conquérir le coeur de l'insaisissable Smith. Cependant, elle attirait autant les love interests que les envies malsaines, les jalousies, les tensions. Certains, de l'élite sociale la plus profondément enracinée, voyaient les nouveaux riches comme elle et sont frère d'un mauvais oeil. Opportunistes, arrivistes, sans réelles valeurs... Tout y passait. L'étudiante n'y portait aucune attention cependant; le meilleur moyen de satisfaire ces cancans serait de se laisser atteindre par eux. En plus, elle avait bien mieux à faire que de répondre favorablement à une demande de ce type. Chacun savait que le moindre lien amoureux pouvait très vite demander beaucoup de temps, d'intérêt, d'énergie afin de le développer, le maintenir, et parfois même, pour l'enterrer. Or, ce n'était clairement pas le centre de ses préoccupations. Des amourettes, ça avait pu lui arriver, mais jamais rien de bien sérieux, ni de long d'ailleurs. Le record devait avoisiner les trois semaines, tout au plus. De quoi décourager la majeure partie de ses prétendants.
Apparemment, le moment des confessions était terminé. Le fait d'avoir essayé d'éviter les incursions trop profondes dans son intimité valurent à Sixtine de voir Simon couper court, d'une voix sèche quant à la réflexion de la jeune femme sur son avenir professionnel. Il abrégea d'une phrase ce moment trop rare, mais dont l'étudiante n'avait peut-être pas su assez profiter. Mais comment aurait-elle pu ? Hors de question de lui révéler quoi que ce soit sur son état de santé. Plus encore qu'une préoccupation que ce fait apportait sur sa vie future et les implications que cela aurait de le voir dévoilé à "la haute", elle ne tenait pas à ce que ce fait soit ébruité. Même enfant, alors qu'elle vivait au Texas, chez ses parents, dans un milieu somme toute populaire, ils naviguaient dans ce qu'on pouvait appeler la classe moyenne, elle ne s'en était jamais vantée. Même ses petites copines de classe n'étaient pas au courant, et les parents Smith avaient respecté le souhait de leur fille de ne pas voir ébruité ce syndrome. Après tout, il n'avait pas de répercussion sur son quotidien, donc pas de quoi en avertir les communautés professorales des écoles où elle évoluait, ni de raison pour en prévenir les parents de ses amis. Ainsi, les personnes connaissant sa faiblesse intrinsèque se comptaient sur les doigts d'une main: ses parents, ses frères, Grace. Cinq personnes au monde, et pas une de plus. Pour que Simon soit un jour en connaissance de ce quasi-tabou porté par la blonde, il faudrait bien plus qu'une nuit de discussion post-gala. Elle soupira, plus pour elle-même qu'autre chose. Le moment avait été sympathique, aussi étonnant qu'intimement partagé, et elle s'en souviendrait comme d'une phase sans doute nécessaire à l'équilibre de leur relation.
Ils en vinrent donc à des sujets plus bateau, moins trépidants, mais de quoi conclure la soirée dans une relative paix. Sixtine avait bien ressenti l'amertume de son colocataire lorsqu'il s'était heurté à un mur d'apparences cachant les vérités dont elle était seule maîtresse. Heureusement, il ne s'était pas braqué au point de partir, et semblait prêt à amorcer la fin de soirée - début de matinée plus précisément - sur une pente douce, moins risquée que de réelles confidences, et qui n'engageait à rien de particulier. La jeune femme se permit un rire, léger et plutôt approbateur, quant à la vie future que Simon s'imaginait. Elle le voyait effectivement plutôt bien dans ce cadre là, en bon père de famille, dans un petit train-train quotidien que seul son job politique saurait bousculer, parfois. Au final, elle y voyait là un schéma de reproduction de ce qu'il avait lui-même connu, mais avec l'espoir d'une meilleure harmonie familiale, tout simplement. Clairement, les relations entre les différents membres Adams n'étaient pas au beau fixe; le scandale sur pattes répondant au nom de "Lene" était bien connu des milieux qu'ils fréquentaient, tandis que Sixtine, par sa relation avec Simon, avait pu dessiner mentalement les contours de ce climat bancal qui régnait dans les alcôves privées de ce clan. Elle n'en savait pas beaucoup, si ce n'était que le plus jeune espérait supplanter tous les autres, pour briller aux yeux d'un père dont la vision du monde n'était pas exactement la même, au final. La blonde répondit d'un ton plutôt doux: Je t'y vois étrangement bien, en effet. Quoique j'ai encore du mal à t'imaginer avec un marmot baveux dans les bras, conclut-elle d'un ricanement qui ne se voulait pas offensant, mais soulignant une perspective qui leur était encore bien éloignée. A moins que tu ne planifies tout cela pour un futur proche ? demanda-t-elle avec une pointe d'incrédulité dans la voix. A son sens, ils étaient encore bien jeunes pour se projeter dans ce genre de plan, quand bien même il avait deux ans de plus qu'elle. D'ailleurs, elle ne se priva pas de lui faire part de ce point de vue lorsqu'il lui retourna la question. Franchement, je me dis que je n'ai que 23 ans... Le concept même de fonder une famille est encore très flou et lointain pour moi ! Elle réfléchit une seconde, et reprit: Regarde, même mon frère, à quarante ans passé, vient juste de trouver quelqu'un... Car oui, depuis le nouvel an 2020 où il avait été "surpris" en plein roulage de pelle avec Deborah Brody (ce qui était en réalité une machination savamment planifiée, dont peu étaient au courant, Sixtine faisait partie des exceptionnels élus à la chaire de la connaissance), Camil avait enfin l'étiquette "officiellement en couple". La nouvelle avait fait le tour des hautes sphères de la société brisbanaise - et des journaux, par la même occasion - en moins de quarante-huit heures. Comme quoi, les Smith, pour les deux membres qui en étaient connus en Australie, dont principalement l'aîné aux yeux du grand public, ne semblaient absolument pas pressés de fonder leur propre famille. Une nouvelle fois, en ce qui la concernait, la maladie de Sixtine entrait en ligne de compte: aurait-elle le courage de prendre le risque de transmettre son syndrome à son enfant ? Il s'agissait là d'une décision très lourde à prendre, et autant elle ne se voyait pas fonder une famille pour l'instant, autant dans un futur lointain, pourquoi pas. Mais à nouveau, cette chienne de maladie était à prendre en compte. Elle haussa les épaules, avant de conclure: Pourquoi pas, un jour. Mais clairement, je ne peux pas m'y projeter pour l'instant. Sans qu'elle le veuille, ni même qu'elle s'en rende compte, son vocabulaire l'avait trahie. "Je ne peux pas"; quel meilleur moyen de sous-entendre que toutes les clefs n'étaient pas en sa possession ? Pourtant, elle n'en fit pas cas, preuve que les mots lui avaient échappé sans qu'elle ne les réalise. Quant aux amours, c'est du pareil au même: ce n'est pas ma priorité, quoi que je n'ai rien contre en soi. Qui vivra verra. Elle se redressa, et le fixa un instant, malicieuse: Pourquoi, tu veux postuler au poste ? Le laissant planté là avec sa question rhétorique, elle s'en retourna à l'intérieur du bungalow pour déposer son verre et essayer de dormir à nouveau, pour les quelques heures qu'il leur restait avant le réveil de leurs comparses. Alors qu'elle repassait devant la porte pour rejoindre le lit, elle lui en fit part, bien qu'elle ne le discernait pas derrière le battant. Je vais tenter de dormir. Tu devrais essayer, toi aussi.
Installée confortablement à sa place, elle ne tarda finalement pas à rejoindre le pays des rêves; cette fois, ceux-ci furent plus doux, et un sourire vrai s'étira sur le visage habituellement si impassible ou sarcastique de Sixtine. Quand on dort, plus de faux-semblants, ni d'apparence, que du vrai. Alors, quoi que les barrières sur la vie privée de la blonde furent infranchissables passées une certaine limite, un fait restait remarquable. En acceptant de dormir à ses côtés, elle prenait le risque de lui révéler sa fragilité toute simple d'être humain: témoignage le plus éloquent, bien loin des mots, de sa confiance envers Simon.
La jeune femme narrait qu’elle aurait pu avoir un harem. Cela aurait pu être vrai si elle n’était pas autant coincé dans son comportement. Il est évident qu’elle était à des lieux de ce genre de comportement de débauché. A vrai dire, Simon la voyait bien plus comme une personne prude que comme quelqu'un avec une sexualité plus classique. Cela ne l’étonnerait pas d’ailleurs si elle lui disait qu’elle était encore vierge. Oui clairement, c’est plutôt l’inverse qui lui serait étonnant. Toutefois, il s’agissait peut-être simplement d’une apparence. Il se questionna sincèrement sur le fait que Sixtine puisse être bien plus débauché que lui. Après tout, lui aussi avait une vie sexuelle plus dissolu lors de ces premières années de fac et cela bien peu de monde le savait. L’enfant prodige avait enchaîné les rencontres aussi éphémères que les bombyx de nuit. Il avait eu même une ou deux fois de vilaines frayeurs. Rapidement l’hédonisme était apparu comme quelque chose aux antipodes des désirs du cadet. Trop risqué pour des plaisirs trop courts et encore, pas forcément toujours présents. Il avait connu quelques relations mais rien de bien long. Amy était l’exception et cela avait fini dans le mur. De toute façon lui même le savait il n’avait pas de temps à accorder dans les batifolages et autres.
La discussion se poursuivait sur un ton bien plus léger au grand désarroi de Simon bien que la situation n’était pas si méphitique que cela. C’est l’inverse même. Finalement, l’un et l’autre s’était ouvert à l’autre. Pas énormément, c’était très faible mais pour deux individus vivant chacun dans une tour d’ivoire, l’effort avait été remarquable. Simon restait un ambitieux, connaître sa temporaire partenaire de nuitée aurait été un triomphe. Mais il savait également pertinemment que les informations qu’il avait lancé étaient d’une moindre gravité et ne constitueraient pas une commination sur le court terme du moins. De part les relations familiales, ils restaient des némésis et rien ne garantissait que leur fidélité ne se dirigeait pas avant tout vers le pater familias. Si pour Sixtine il apparaissait évident que des failles exister dans l’image familiale des Adams, Simon savait pertinemment le fanatisme de la nymphette pour son aîné. Est-ce qu’il ne venait pas d’essayer de la manipuler ? Est-ce qu’elle n’avait pas tenté de le suggestionner ? Chaque échange était finalement marqué par l’empreinte de la suspicion. La nature même de leur relation échappait aux conventions. Les milieux aristocratiques étaient pétris de règles, néanmoins les jeunes loups respectaient rarement les procédures pour se faire une place. Parfois cela pouvait violement se retournait contre eux mais ils pouvaient aussi briller en faisant tomber une famille. Après tout, les places étaient cruellement limitées.
Elle le questionna sur la manière dont il voyait le futur. Sa réponse n’était pas originale. C’était un schéma typique de reproduction sociale. La question d’avoir des gosses le taraudait un peu. La question de transmettre un héritage culturel et intellectuel était fondamental chez lui. Il connaissait la mortalité du genre humain et il n’y échapperait pas. Le transhumanisme peu pour lui quoique l’idée de parvenir à atteindre la jouvence éternelle ne lui déplaisait pas. L’autre question importante qu’il ne se posait pas c’était de savoir s’il serait capable de leur inculquer une meilleure éducation que ce que ses parents lui avaient prodigués. Et dans le cas, où si un jour il parvient à combler son désir familial, il devenait père, cela serait extrêmement important pour éviter de répéter certains schémas. La blonde répondit qu’elle le voyait bien dans ce cadre là. Il se torda de rire lorsqu'elle lui demanda s’il prévoyait cela pour un futur proche. Ce n’est clairement pas le moment de me mettre des entraves au pied. On verra une fois que la situation sera plus un peu plus posée. Ce qui était déjà un euphémisme en soit. Non vraiment que cela se fasse dans un trois ou dix ans voire plus, je m'en fiche. On verra. Il savait que de toute façon, il devrait gagner sa liberté pour échapper à certaines pressions familiales. Le mieux serait bien évidemment un mariage par amour avec une autre patricienne mais cela resterait du miracle tant certaines émotions échappaient au carcan social. Il verrait bien de toute façon, il n’était pas spécifiquement en recherche de quoique se soit pour le moment. Il laisserait le temps le surprendre. Il devait concentrer ses efforts sur autre chose et il aurait besoin de toute son énergie au vu de la situation chaotique qui pourrait arriver.
Il écoutait avec toujours autant d’attention la réponse Sixtine. Ne t’en fais pas la notion de famille s’imposera bien rapidement à toi. Tu auras le temps de te poser la question. Elle restait encore une jeune étrangère dans l’antimonde patricien. Mais les mariages ne se faisaient généralement pas par amour. Les contes de fées ne fonctionnaient pas vraiment. Cela pouvait arriver, il y avait toujours des exceptions, mais la reproduction était péremptoire pour que le flambeau familial perdure. Les alliances matrimoniales étaient loin d’avoir disparues, c’était tout le contraire. Si les Smith poursuivaient leur ascension, et ils allaient le faire, il leur faudrait bien accepter de se plier à certaines traditions. Sinon tout leur efforts auront été vain. Mais Simon ne s’inquiétait pas vraiment sur ce point là. Comme elle le disait, et comme il le soulignait, elle restait jeune et avait encore du temps devant elle. Je te préviens je veux être le parrain du chaton par contre terminait-il sur un ton plus humoristique. Il s’agissait surtout pour lui d’un moyen d’éviter de montrer qu’il se questionnait trop sur sa dernière parole. L’utilisation du terme pouvoir l’interpella suffisamment pour éveiller sa curiosité. Trop. Mais il n’en dirait rien. Mais pour lui cela ne pouvait pas être une inadvertance. Les deux pesaient bien trop leur mot pour cela. Elle poursuivit sur ses amours. Encore une fois elle se montra très vague. Elle lui proposa de postuler au poste. Clairement cela provoqua un blocage dans le roues cérébraux du jeune homme. Il voulu tenter une répartie, mais elle se leva avant. Tant pis. Il avait pourtant bien quelques répliques en réserves.
Si elle décida à aller se coucher, lui resta un peu plus longtemps sur la terrasse. A profiter des dernières quiétudes de la nuit. A vrai dire dormir maintenant ne serait pas vraiment régénérant et il était peu probable qu’il y arrive toute de même. Cette fin de soirée avait finalement plutôt était sympa même si de part sa nature elle était curieuse. Le cadet se questionnait bien trop pour laisser morphée venir le chercher de toute façon. Sur ce qui s’était déroulait avec elle ? Oui mais pas uniquement. Finalement il se décida à la rejoindre. Elle avait déjà succombé aux plaisirs du doux sable du sommeil. Il s’installa à côté d’elle et se figea. Il s’amusait à observer le plafond. Il ne chercha guère à prendre sa montre, à aucun instant. Puis finalement comme épuisé de lui-même il succomba au sommeil alors ques les premiers rayons de lumières pénétraient déjà dans la chambre.