| | | (#)Sam 9 Mai 2020 - 17:42 | |
| Toutes les toilettes de bars se ressemblaient. Des dédicaces au feutre sur les murs, insultes, mots d’amour ; on apprenait que Cindy était une salope et Jeremy un mauvais coup -qui qu’ils furent. Il y avait des dessins de pénis esseulés, de Jésus qui baisse son pantalon, des doigts d’honneur, des coeurs brisés. C’était tout un art de remplir le vide entre deux autocollants promotionnels pour des groupes de musique locaux qui tentaient désespérément de percer. La grande classe, le macaron dans les WC. Très vendeur. Et, ironiquement, le propriétaire de l’établissement s’obstinait à re-imprimer le même panneau à l’entrée : “merci de laisser des toilettes dans l’état dans lequel vous les avez trouvées”. Noté, Patrick. Lou essuya ses mains fraîchement lavées sur son jean et déverrouilla le loquet pour la personne suivante. Les litres de bière avaient fait leur chemin jusqu’aux vessies de ces dames et la queue s’allongeait de minute en minute. Bien sûr, il en avait dans le lot qui ne cherchaient qu’un endroit privé pour s’empoudrer le nez. La Ruche avait fait de l’ombre aux autres dealers qui campaient ce bar auparavant ; désormais, c’était Jet que l’on trouvait le plus souvent ici, à refourguer la came à haute toxicité du gang. Loin de faire une inspection surprise, Lou n’était pas présente pour le travail ; elle avait commencé la soirée avec sa troupe de théâtre après la représentation du jour, et l’heure avançant, le groupe se divisait petit à petit entre ceux qui la poursuivaient en club, ceux qui resteraient là, et ceux qui rentraient chez eux retrouver mari, femme, enfants. La jeune femme avait repéré Jeremiah dans la foule et, après avoir souhaité une bonne fin de soirée à ses collègues -puis effectué une courte vidange, elle avait décidé de le rejoindre. Il était important, à ses yeux, qu’elle ne se résume pas qu’à une cheffe pour ses troupes. L’autorité pouvait forcer le respect, mais pas nécessairement la loyauté, et sans cette donnée l’australienne savait qu’elle ne ferait pas long feu. Mais Jet et elle, cela remontait à bien des années. Pour cela, il était certainement l’un de ceux en qui elle pensait pouvoir avoir confiance sans méfiance. “Les affaires sont bonnes ce soir ?” demanda-t-elle après s’être frayé une chemin entre les clients jusqu’à arriver derrière son dos. Elle lui adressa un large sourire, et une tape sur l’épaule, tandis qu’elle se faisait une place à côté de lui au bord du comptoir. “Allez, décroche pour aujourd’hui, c’est un ordre de ta patronne.” Autrement dit, cela n’était pas négociable. “Ta nouvelle mission : boire avec moi.” ajouta-t-elle avec un clin d’oeil. Ils avaient du temps à rattraper, elle et lui, et Lou estimait que le moment était parfaitement choisi. Jet n’était certainement pas en retard sur ses ventes et pouvait probablement s’accorder une soirée de pause. C’était un homme fiable, aux yeux de la jeune femme. Du moins, depuis qu’ils avaient débuté cette collaboration, jamais n’avait-elle eu à se plaindre de lui -et tout ce qu’elle espérait, c’était que les choses continueraient ainsi. Elle avait besoin de ce genre d’éléments auprès d’elle, et pour dire vrai, elle était particulièrement ravie de travailler main dans la main avec lui. Fut un temps, elle était sa cliente ; les choses étaient bien différentes désormais. D’un geste, elle demanda une pinte au barman. Puis le temps que celle-ci ne lui parvienne, elle se tourna vers Jeremiah ; “Alors, t’étais passé où ces derniers jours ?” demanda-t-elle en référence à sa récente absence en ville. Lou n’était pas du genre à réclamer des comptes concernant les allées et venues des dealers de la Ruche ; elle estimait que c’était en faisant confiance en premier que l’on inspirait les autres à s’en montrer digne. La mauvaise graine y verrait une opportunité de trahir, mais Lou croyait dur comme fer qu’il était plus volontiers dans la nature humaine de faire en sorte de ne pas décevoir une personne vous accordant son aveugle confiance. “Paraît que t’as pris la route pour faire les scènes ouvertes du coin.” |
| | | | (#)Mar 12 Mai 2020 - 16:46 | |
| Les affaires sont bonnes ce soir, je vends bien, je suis toujours efficace. J’aime bien ce bar, y’a toujours des jeunes assez con pour payer ma cam plus cher parce que je leur dis que c’est de meilleure qualité. Et je vends un peu plus depuis quelques jours, plus que ce que je devrais pour préparer ma tournée. Je ne serai pas en ville pendant tout un mois, alors que je comble déjà le retard que je pourrais prendre. Même si je vais certainement ramener quelques sachets sur le trajet avec moi, histoire de pas perdre la main.
Je fais mon boulot, et je reconnais la voix de Lou qui vient se poser à côté de moi. “Quand c’est moi qui ai les sachets en main les affaires sont toujours bonnes.” Un clin d’oeil dirigé vers elle alors que je continue de chercher des groupes susceptiblent de prendre tout ce qu’il me reste. “T’es venue tester la marchandise ou me surveiller ?” Je sais qu’elle me fait confiance, on a jamais eu de problèmes et je compte pas en créer ce soir. Mais on se connait depuis un bout de temps avec Lou, alors je sais qu’elle me connait et que je peux la taquiner comme je le fais toujours.
“Ooooh je dois décrocher.” Et mes derniers sachets restent au fond de ma poche, je crois que je vais écouter ma patronne. “J’aime bien ce boulot aussi.” Et je me dirige déjà vers le bar avec Lou, je crois qu’on va passer une bonne soirée. Je commande une bière, elle commande ce qu’elle veut je ne m’en préoccupe pas vraiment. Et on va pouvoir parler un peu, j’ai l’impression que je ne l’ai pas vu depuis une éternité. On s’était déjà pas vu depuis un bout de temps quand elle m’a parlé de son plan, quand elle m’a dit qu’elle me voulait comme dealeur, et que j’ai accepté. Lou, c’est pas le genre de personne à qui j’aurais envoyé un message pour proposer d’aller prendre un thé. Elle était une cliente quand j’étais encore jeune dealeur, et aujourd’hui c’est ma patronne. Les choses changent vite vous voyez.
Elle me demande où j’étais ces derniers jours, elle ne vient vraiment pas pour parler boulot et je souris en buvant une longue gorgée de bière. Je la laisse continuer de parler parce que je sens qu’elle n’a pas fini sa phrase. “Ouais je fais quelques concerts le soir” Et il m’arrive de faire plus de 2 heures de route pour rejoindre une salle bondée de gens qui viennent pour m’écouter. “J’ai signé avec un label.” Il fallait que je lui en parle de toute façon. “Je suis un peu plus occupé mais je compte pas te laisser tomber.” Parce que je ne sais pas si ça va continuer, si je vais vraiment pouvoir finir par vivre de la musique, et parce que j’ai toujours dealé et toujours aimé le faire en réalité. “Je pars en tournée dans quelques jours, je fais la première partie d’un artiste. Ca dure un mois.” Et je sais qu’elle m’écoute et qu’elle me comprend Lou, parce qu’elle aussi elle aime l’univers de la musique.
@Lou Aberline |
| | | | (#)Sam 16 Mai 2020 - 0:01 | |
| La musique était forte, les bavardages bruyants ; pour s’entendre parler, il ne fallait pas hésiter à en rajouter une couche par dessus le brouhaha ambiant. Lou faisait donc en sorte de parler haut et fort, ce qui n’était pas un problème pour ses cordes vocales échauffées par la représentation de ce soir. La scène, elle ne l’avait quitté que deux heures auparavant. Et elle était infatigable, la petite brune. Malgré un spectacle dans les pattes, elle restait éveillée tard tous les soirs pour assurer sa propre part des ventes. Elle arpentait les bars auxquels elle était habituée, les clubs, les motels. Infatigable ou habituée à être perpétuellement fatiguée, telle était la nuance sur laquelle Lou n’avait pas encore mis le doigt. Au moins, les heures de sommeil manquantes ne se lisaient ni sur ses yeux, ni dans ses sourires. Aborder Jeremiah lui avait d’ailleurs donné un regain d’énergie ; elle était bien trop enthousiasmée à l’idée d’avoir enfin un moment avec lui. “Ni l’un, ni l’autre.” qu’elle lui assura tandis que le brun s’interrogeait sur l’objet de sa venue. L’australienne n’avait pas l’intention de jouer à la patronne avec lui, pas à cet instant. Elle était venue en amie, en vieille connaissance avide d’apprendre tout ce qu’il y avait à savoir sur Jet, sa vie, son oeuvre -une bière à la main, bien entendu. La mousse chatouillait sa lèvre supérieure alors qu’elle écoutait attentivement le dealer lui expliquer le récent avancement -le bond- dans sa carrière musicale. Le label, la première partie, la tournée. Le premier chapitre d’une success story, d’après elle. “Ouah. C’est pas rien.” souffla-t-elle, un brin à court de mots, pour une fois. Il était trop rare qu’une conversation ne tourne pas banalement autour d’éternels quoi de neuf -rien et toi. Elle ne s’était pas attendu à autant d’informations en une poignée de phrases. “Je bois à ton succès alors.” fit-elle en levant le coude bien volontiers. Lou était sincèrement ravie pour lui. Elle, elle n’avait jamais eu l’ambition de faire quoi que ce soit de sa passion pour la musique -rien de plus que ce qu’elle faisait déjà avec les Street Cats. Signer dans un label, partir en tournée… C’était bien trop sérieux, et trop d’engagements pour la jeune femme qu’elle était au moment de se projeter dans l’avenir. Désormais, elle prenait la tête de son propre gang et se lançait dans un monde plus vaste et plus impitoyable que celui de la musique. Peut-être était-elle passée à côté d’une autre vie, une carrière plus tranquille. Peut-être aurait-elle eu du succès avec sa voix douce, ronde, lascive. Elle ne s’était pas donné la chance de le découvrir. “Je savais que tu jouais, mais pas que c’était sérieux à ce point à tes yeux.” fit-elle remarquer à Jet. La jeune femme avait le souvenir de son dealer avec sa guitare sur le dos, mélomane certes, mais dont elle ne soupçonnait pas les rêves de planches et de projecteurs. Un hobby, comme elle. Des rêveurs en quête de gloire, il en battait le pavé des centaines par jour. Peu étaient les heureux élus. Lou lui souhaitait de réussir, d’atteindre ses objectifs, de s’arracher à ce qu’il avait toujours connu jusqu’à présent. Faire mieux qu’elle, faire mieux qu’eux tous. “Pense à moi quand tu te feras des amis célèbres, ça aime la poudre dans le milieu.” Elle lui donna un coup de coude, le regard complice. Jeremiah avait eu l’égard de lui assurer que ces nouveaux projets ne changeraient pas son engagement auprès de la Ruche, et bien que Lou en fut rassurée, il ne lui avait initialement pas frôlé l’esprit de s’en inquiéter. Au pire, le brun coupait les ponts avec le milieu et il l’aurait mérité. Au mieux, c’était une foule d’opportunités qui s’ouvraient à eux. |
| | | | (#)Lun 18 Mai 2020 - 18:56 | |
| Contre toute attente je croise Lou alors que je travaille. J’étais sur le point d’avoir tout vendu quand elle me dit d’arrêter de bosser pour aller prendre un verre. “Je peux pas dire non à ma patronne préférée.” Mon sourire s’agrandit et les sachets sont glissés dans ma poche. Elle ne vient pas pour parler boulot alors autant passer une bonne soirée comme les vieilles connaissances qu’on est. Rapidement on est tous les deux assis au bar et je commande un nouveau verre, ce n’est pas le premier de la soirée ça fait déjà quelque temps que je suis là. Mes je trinque avec la brune, je ne sais pas quand est ce que c’était la dernière fois qu’on a pris du temps pour sortir ensemble.
Et elle me demande pourquoi j’étais absent certains soirs. Alors je lui explique tout, je n’ai rien à lui cacher je sais que Lou est une personne compréhensive. Je peux lui faire confiance et c’est pareil de son côté. Il vaut mieux dans ce genre de milieu. Je souris, on boit à mon succès. “Pour l’instant c’est que le début, je préfère pas trop m’avancer.” Parce que tout est beau, tout est parfait, mais on sait jamais. C’est le genre de carrière qui peut s’arrêter d’un jour à l’autre, et je n’ai pas envie de ça, alors je donne tout. Elle s’intéresse vraiment Lou et ça me fait sourire, j’aime parler musique, et on pourrait faire ça toute la soirée. “Je pensais pas que ça le serait un jour.” Je n’avais jamais eu d’occasion avant, et je préférais rester dans mes habitudes et le confort de la routine. Mais un jour, j’ai décidé d’envoyer mes démos, et ça a marché. “Mais j’ai toujours chanté alors j’ai tenté ma chance et ça a payé.” Je souris parce que ma vie prend une tournure qui me plaît depuis quelques semaines. Elle ne prend rien mal Lou et c’est ce qui est rassurant avec une patronne comme elle. Beaucoup ne m’aurait pas soutenu ou m’aurait demandé de choisir, alors que elle non. C’est pour ça que j’ai vraiment pas envie de la laisser tomber. “Je pourrais toujours te ramener à mon bras pendant certaines soirées mondaines pour que tu te fasses des contacts. Dans la drogue ou la musique d’ailleurs.” Je hoche la tête, c’est un monde de la nuit, un monde d’excès dans lequel je vais continuer d’évoluer. “Tu chantes toujours ?”
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| | | | (#)Sam 23 Mai 2020 - 2:22 | |
| Ce n’était que le début pour Jet, mais c’était quelque chose quand même. Le genre d’expériences dont les grand-parents raffolent bassiner leurs petits-enfants. Mais il ne sautait pas au plafond, il n’envoyait pas de plans sur la comète à espérer deux, cinq, dix albums et une carrière jusqu’à mourir sur scène, non. “Je comprends.” Le monde de la musique était volatile. Un jour dans le coup, le lendemain hors des bacs. Le rêve pouvait prendre fin en un claquement de doigts et faire l’effet d’une baffe en plein visage. Alors Jet appréciait sa chance avec sagesse et parcimonie -une chose dont Lou aurait douté être capable si elle avait été à sa place. Elle se connaissait, elle n’avait que peu de limites et aucun sens pour la tempérance. Lorsqu’elle était tombée dans la drogue, elle voulait tout essayer tout de suite. La patience lui faisait défaut, mais à la tête de la Ruche, elle apprenait peu à peu à réfléchir avant d’agir. Cette partie de dames contre Mitchell demandait de la stratégie, et Lou se surprenait à planifier ses coups sur le long terme. Il n’était pas question de précipiter et bâcler sa vengeance ; le plat n’était pas encore assez froid. A dire vrai, elle pouvait facilement se rêver au bras de Jeremiah durant certaines soirées, à glisser des pochons entre les mains de stars actuelles et en devenir. Fidéliser une clientèle pareille serait une opportunité en or. “J’aime beaucoup cette idée.” admit-elle, pas peu flattée que le brun envisage l’avenir sans la laisser sur le bas côté et même en lui permettant de profiter de ses avantages. C’était dans leur intérêt commun, mais Jet n’avait pas la moindre obligation envers Lou. Contre toute attente, il savait simplement se montrer attentionné. La jeune femme ne s’imaginait pas profiter de contacts dans la musique afin de tenter d’y faire carrière à son tour. Elle n’estimait pas avoir le talent, d’une part, ni le mental, de l’autre. Et puis, ce n’était pas son ambition, tout simplement. “Ouais, toujours.” elle répondit à Jeremiah qui se tenait au courant de sa pratique du chant. Un sujet doux et amer à la fois pour une Lou qui voyait petit à petit se tourner la page de son petit groupe de scènes de bars. “Mais je pense qu’avec les Street Cats, on est sur la fin. L’ambiance a tourné au vinaigre et le coeur n’y est plus vraiment.” Cela ne serait pas arrivé si Anwar avait capable de la garder dans son pantalon plutôt que de mettre la meilleure amie de la brune, et leur fan de la première heure, enceinte. Rien ne répugnait Lou autant que de les imaginer ensemble au lit. Elle n’avait pas rencontré leur fille, qui était née entre temps, et elle n’en avait pas l’intention. De plus, les nouvelles activités de l’australienne n’allaient pas de concert avec la présence rapprochée d’un policier dans son entourage. “Mon boulot au théâtre me permet de chanter, j’aurais toujours ça.” reprit-elle en haussant les épaules avec optimisme. Le rythme de la vie dans la troupe lui convenait, Lou n’avait jamais été un spécimen diurne. Sa journée ne commençait réellement qu’après le spectacle. “Tu devrais passer le voir le show un de ces jours, ça te plairait.” |
| | | | (#)Lun 1 Juin 2020 - 1:41 | |
| Ca c’est ce que j’aime dans l’idée de travailler avec Lou. N’importe quel autre patron aurait certainement paniqué, il ou elle aurait voulu me dissuader de faire ce que j’aime, mais pas Lou. Elle me fait confiance et ça me fait sourire. C’est rare les gens qui m’accordent même un tout petit peu de confiance. Et ça renforce ce lien, ça renforce mon envie de continuer avec la ruche et avec Lou. Je ne comptais déjà pas l’abandonner, et là, je sais que je ferai tout pour combiner les deux tant que je le peux. Ca va nous donner de nouveaux clients, et on pourra même s’étendre plus loin que Brisbane. Je souris en hochant la tête, elle n’a pas besoin de plus de réponse. On se comprend et c’est largement suffisant.
Je place même l’idée de l’emmener avec moi de temps pour la faire travailler un peu. C’est pas parce qu’elle gère le business qu’elle ne peut pas s’amuser un peu elle aussi. Je bois dans mon verre en me tournant vers elle. “On se tient au courant alors.” Mais l’idée me plaît aussi, ça pourrait être amusant de tenter de vendre des tonnes de sachets à des gens bien plus riches qu’on ne le sera jamais. “Faudra être classe !” Le peu de soirées que j’ai faite, j’ai dû porter des costumes. Et c’est vraiment pas agréable je vous assure. Elle chante toujours, et j’ai déjà bien envie de la ramener sur la scène pour faire un duo rapidement, mais je me retiens encore un peu. Ca pourrait arriver pendant la soirée, je finis souvent par prendre une guitare et improviser des concerts. Oui, je fais même des concerts quand je suis pas payé, c’est pour dire à quel point j’aime la musique. Elle me parle des street cats et ça me fait froncer les sourcils, elle n’a pas besoin d’un groupe. Si j’ai de bons souvenirs elle a une belle voix, elle pourrait juste chanter seule pour le plaisir. “T’as pas besoin de groupe.” Elle est certainement attachée à eux mais on parle musique, pas amitié. Elle travaille au théâtre, ça je l’avais oublié. “Tu pourrais toujours chanter avec moi dans un bar si tu t’ennuies.” Je ris, j’accepterais vraiment si elle disait que ça l’intéressait. Et elle me parle d’un show, je hoche la tête en finissant mon verre un peu trop rapidement. “Tu m’invites ?” Mon sourire s’agrandit alors que je suis tourné vers elle. “Si j’ai le droit à une place VIP je viendrai.”
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| | | | (#)Sam 6 Juin 2020 - 23:58 | |
| “Je sais être classe !” qu’elle s’exclama, faisant mine de s’offusquer de la mise en garde de Jeremiah. Elle n’en avait plus l’air depuis longtemps, mais Lou venait d’une famille bien assez aisée pour une avoir une définition de la classe allant bien au-delà du logo Lacoste sur un survêtement. Elle n’avait jamais aimé trop bien s’habiller, cela lui donnait l’impression de jouer à la poupée ; la jeune femme aimait les trous ici et là, les habits trop grands ou trop petits, les choses un peu trashy, usées jusqu’à la moelle, la fripe hérité de grand-maman, tout ce qui avait l’air sale même à peine sorti du lave-linge. Cependant, elle s’était mise à se vêtir tel qu’elle souhaitait être perçue désormais, et une partie de ses gains s’était envolé en shopping pour refaire sa garde-robe de cheffe. Du classe, elle en possédait désormais, et plus qu’un ensemble pour la messe. “Tu n’as pas encore pu le voir, mais j’ai plein de robes qui feraient l’affaire pour me rendre digne du futur grand Jeremiah Etish.” elle lui assura, n’ayant pas l’intention de lui faire honte le jour où il l’inviterait à une soirée de son label -car c’était un date, et Lou espérait désormais que le brun tiendrait parole en pensant à elle rien qu’une fois.
Son monde de la musique à elle, c’était les scènes de bar qu’elle arpentait avec les Street Cats. Une route dont ils arrivaient bientôt au bout -chose qu’ils savaient tous, mais qu’ils ne s’avouaient pas encore. Si Jet était certain que Lou s’en sortirait parfaitement en solo, elle en était moins certaine. Elle n’avait pas bon goût seule, elle n’avait toujours brillé que grâce aux autres et jamais par elle-même. Elle le pensait pas avoir ce qu’il fallait pour ça. “Peut-être, mais j’aime pas être seule sur scène.” qu’elle se justifia en haussant les épaules. Il lui restait donc le théâtre pour chanter en compagnie d’une troupe -et du public. Cela lui convenait parfaitement, mais dans le doute, Jeremiah proposa un duo de temps à autre. “Tu n’as pas peur que je te fasse de l'ombre ?” plaisanta-t-elle. Cependant, elle notait l’idée dans un coin de sa tête, se disant qu’il serait sûrement plaisant de partager ce genre de moments avec lui lorsqu’ils voulaient s’échapper de la sphère illégale de leurs affaires communes -et lorsqu’elle aurait envie d’autre chose que de danser le Time Warp. Le spectacle du Rocky Horror avait beau être relativement populaire en terme de réputation de bouche à oreille, cela restait un univers de niche dédié aux cinéphiles et adeptes de burlesque. Ce n’était pas une production façon Broadway, et cela ne rapportait pas beaucoup ni aux acteurs, ni au théâtre. C’était un brin cheap, et cela faisait son charme. “Ca et une visite privée dans les loges, si tu veux.” promis la jeune femme si Jemeriah venait la voir sur scène. Quoi qu’il n’existait pas de places VIP et que les loges ressemblaient à des cagibis. “Mon supporter numéro un est forcé de me faire faux bond en ce moment.” ajouta-t-elle avec un sourire triste en songeant à Finnley. Elle jouait à l’infirmière sur le peu de temps libre qu’il lui restait entre la Ruche et le théâtre -et pas de la manière qu’elle aurait préféré.
Son regard se leva vers Jet, qui ne semblait pas saisir ses derniers mots. Lou réalisa alors qu’il y avait des chances pour qu’il ne soit pas au courant du sort de Finn. Celui-ci était trop fier pour faire le tour de son répertoire et informer les gens de son état, lui qui refusait même de l’aide pour retrouver du travail. Lou, elle, préférait garder cela secret. C’était un échec à ses yeux, une preuve qu’elle ne pouvait pas assurer la sécurité de ses proches malgré tout le mal qu’elle se donnait. “Je sais pas si ça t’intéresse, mais vu que toi et Finn avez l’air d’être plutôt potes…” En réalité, elle n’avait pas la moindre idée de la nature du lien entre Jet et le rouquin, mais à les voir ensemble la dernière fois, ils n’étaient pas à leur première beuverie ensemble. “Il s’est fait passer à tabac, y’a quelques jours. Il sort tout juste de l’hosto. Je suis certaine que le Club est derrière ça.” Certaine était un euphémisme. C’était une évidence. Un message, une mise en garde. On essayait de lui faire peur à nouveau. Mais Lou ne comptait plus craindre l’ombre de Mitchell tapie dans un coin.
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| | | | (#)Ven 26 Juin 2020 - 2:33 | |
| “Je suis sûr que certains pourraient payer pour voir ça !” Je ris, je m’amuse à l’emmerder parce que je la connais depuis un bout de temps Lou. On s’est perdu de vue pendant des années et ça m’a fait plaisir de la retrouver. Elle a grandi la gamine qui cherchait à se défoncer. Il n’y a pas de relation de supériorité, elle est cool comme patronne Lou. Alors je reste tranquille, je ne fais pas de conneries. J’en ai pas fait jusque là en tout cas. “Faudra que je pense à aller chercher un vrai beau costume quand je t’inviterai alors !” J’envoie un clin d’oeil à ma patronne avant de boire une gorgée dans mon verre. Des costumes, je vais vraiment devoir en acheter. Quelle horreur.
On parle musique, je sais qu’on partage cette passion tous les deux. Alors elle comprend quand je lui parle de tournée. Elle ne bloquera pas, elle ne me demandera pas de choisir non plus et c’est assez rassurant. Mon sourcil se hausse, elle a toujours eu de la répartie et ça m’amuse. “On a qu’à tenter en verra qui fait de l’ombre à qui.” Je ne chante que très rarement avec des gens, mais je pourrais toujours faire une exception pour ma patronne. “Et si tu veux pas être seule je peux toujours jouer la musique.” Guitare, violon, piano… Je peux faire tout ce dont elle a besoin. Ca sonnerait presque comme un défi. A elle de voir si elle est du genre à les réaliser ou non. “Je me sens privilégié.” Je pose ma main sur mon coeur, faussement ému. Je sais que dans les bars on a rarement des loges, on a pas grand chose de plus qu’une scène en réalité mais la situation peut être amusante alors elle sait que j’accepterai Lou. Je fronce les sourcils, de qui elle parle quand elle parle de son supporter numéro un ? Je réfléchis, mais j’attends qu’elle continue.
Et là je serre les dents. J’aime pas les premiers mots qu’elle est en train de prononcer. Je sens que la suite ne va pas me plaire mais j’attends patiemment en resserrant mes mains autour du verre devant moi. Je ne connais pas toutes les histoires qui entourent le Club et la Ruche. Il y a toute une partie de la vie de Lou que j’ignore et que je n’ai pas cherché à connaître. Mais Finn n’a rien à voir avec ça. J’ai une furieuse envie d’aller casser des membres en me rendant dans ce putain de club. “T’as des noms ?” Elle sait que si elle les donne je ne pourrais pas rester là sans rien faire. Mais pour une fois, je réfléchis. Il vaut peut-être mieux la jouer en finesse, ne pas foncer dans le tas de cette manière même si j’en ai très envie. “Tu comptes faire quoi ?” Par contre si elle me dit rien je risque de vraiment aller casser la gueule de toutes les personnes qui trainent autour du club.
Moi aussi j’ai une annonce à lui faire, ça ne va pas lui plaire. C’était peut-être une semaine de merde finalement. “Y’a quelques jours j’ai récupéré une cliente d’une fille que je connaissais.” Je me racle la gorge en déverrouillant mon téléphone, on a le numéro de la fameuse Victoire. “Elle s’est mise à hurler et elle a attiré les flics, c’était le début de la soirée j’ai dû tout jeter pour pas me faire choper.” Je suis toujours autant enragé contre cette fille que je n’ai pas retrouvé depuis. “Y’en avait pour beaucoup.” Alors, qu’est ce qu’on fait Lou ?
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| | | | (#)Mer 5 Aoû 2020 - 0:53 | |
| Oh, certains avaient déjà payé pour voir Lou dans une jolie robe, et d’autres sans robe du tout. Elle n’en était pas fière et elle ne partageait jamais cette expérience. Ce n’était pas une voie qu’elle avait emprunté par choix, à l’époque. Souvent, trouver le bon client lui épargnait une nuit à la belle étoile. Mais tout ceci était loin derrière elle désormais. Durant ces jours sombres, jamais n’aurait-elle pensé qu’elle s’en sortirait si bien. Qu’elle jouerait dans un théâtre pour gagner sa vie, à côté de l'expansion de son propre petit empire de la drogue. Qu’elle aurait un appartement, et un petit ami avec qui le partager. Un petit ami à mettre en danger. L’australienne senti Jet se tendre, se crisper tout à coup. Elle savait que lui et Finnley étaient amis, mais dans le fond, l’impact de cette attaque allait au delà de l’individualité ; c’était à la Ruche entière que le message s’adressait. Une menace, une manière de leur rappeler qui faisait la loi et ce qu’ils devaient craindre. Un avertissement, un coup de semonce dont le résultat serait à l’inverse de la fuite ; il suffisait de voir le regard de Jeremiah, ses lèvres pincées de colère, pour comprendre que l’affront ne passerait pas. “Non, rien du tout, admit-elle lorsqu’il lui demanda si elle avait des noms en vue de cibler les représailles. Mais ça ne peut être qu’eux.” Probablement un de ces duos de gros bras qui étaient envoyés pour ce genre de besogne afin que d’autres ne se salissent pas les mains. Des têtes vides qui ne faisaient qu’appliquer les ordres. Au final, qui s’était chargé de tabasser Finnley n’avait pas d’importance, et le commanditaire était évident. Alors pour rappliquer, un panel d’options s’offraient à la Ruche. Cependant, la crainte de l’escalade de la violence ravisait Lou. “Je peux pas laisser ça interférer dans ma tête, souffla-t-elle, malgré sa folle envie de faire brûler un entrepôt ou deux, de leur rendre un dealer avec les jambes cassées ou mieux, juste une main dans une boîte. Ils cherchent clairement à me déstabiliser et me faire péter un plomb. Je peux pas leur donner cette satisfaction. Il faut que je garde mon sang froid, et que tout continue comme prévu.” Tout était une question de perspective ; qui était réellement menacé ? Qui devait avoir peur ? Ce degré de violence de la part du Club montrait bien que la Ruche ne passait pas inaperçue. Le Club se sentait menacé. Le Club avait peur. Et cela était suffisant pour que Lou opte pour la patience. Si le gang avait déjà essuyé son lot de revers malgré sa récente création, rien n'avait vraiment su ralentir sa croissance.
Parmi les aléas moins sévères du quotidien d'un gang, sacrifier une partie de la marchandise afin d'échapper à la police était certainement le plus fréquent. Rien d'inédit en somme pour la jeune femme qui avait elle-même déjà connu cette situation. Cependant, le gérer en tant que patronne était inédit. La confession de Jet lui donna envie de hurler au milieu du bar dans un premier temps, et elle préféra une grande gorgée de bière afin de faire passer l'information. “Combien ?” demanda-t-elle finalement en serrant les dents -et ses doigts autour de sa pinte suintante. Le plus souvent, il était exigé du dealer qu'il rembourse le gain perdu de la marchandise en question. Lou ne savait pas si Jet en avait les moyens et la dernière chose qu'elle souhaitait était de ternir leur relation. Serait-il pro, Jeremiah, en acceptant la sanction ? Les questionnements de tout leader s'imposaient désormais à elle. “De toute manière, valait mieux ça plutôt que tu te fasses coffrer.” elle ajouta, relativisant. Avec sa carrière qui décollait enfin, le brun faisait bien de ne prendre aucun risque, elle ne pouvait l'en blâmer. De plus, Jet était parmi ses vendeurs les plus expérimentés et, de fait, les plus efficaces. Il était primordial qu'il vole sous les radars. “Pourquoi elle s’est mise à hurler ?” demanda finalement Lou. L'histoire de l'australien était vague, et en son fort intérieur, elle espérait que dans les détails se trouveraient des circonstances atténuantes.
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| | | | (#)Mar 29 Sep 2020 - 19:01 | |
| Je ne savais pas que quelqu’un avait tabassé Finnley. Je rage, je serre les dents, et si elle m’avait donné un nom je me serais moi-même occupé de leurs cas. Finn n’a rien à voir là-dedans, et c’est à ce moment là qu’on pourrait reprocher à Lou de s’être attachée à quelqu’un. Elle le met en danger, et elle continue de le faire tant qu’elle se montrera avec lui. Il est fragile Finn, et je me demande comment on va pouvoir faire pour le protéger. “Comment tu comptes faire pour que ça ne lui arrive plus ?” Je pourrais me faire tabasser moi, parce qu’ils auraient une raison de le faire. Mais il faut croire que le club n’est composé que le lâches et de faibles. Ils mériteraient tous de brûler dans leur planque. Si seulement je savais où c’était. “Je peux pas laisser ça interférer dans ma tête, ils cherchent clairement à me déstabiliser et me faire péter un plomb. Je peux pas leur donner cette satisfaction. Il faut que je garde mon sang froid, et que tout continue comme prévu.” Elle doit s’habituer à cette vie là, mais est ce qu’elle en a vraiment les épaules le jeune femme ? “Si tu fais rien ils frapperont plus fort.” Et je doute qu’elle est envie de tomber sur le corps de son petit ami sans vie au beau milieu de son appartement. Mais ce n’est pas moi le chef, je n’ai pas de décision à prendre, et c’est assez frustrant des fois.
Et il faut que je parle à Lou de ce qu’il s’est passé avec cette folle furieuse dans le bar. Pour un sachet de beuh j’ai perdu des dizaines de milliers de dollars dans les toilettes de la boîte parce qu’elle n’est pas capable de gérer ses émotions et de la fermer. “Combien ?” “75000 je dirais.” Et le montant fait mal, parce que c’était tout ce que j’avais pris pour la semaine. Elle pouvait pas venir me faire chier un autre jour que le lundi ? Je la déteste à un point inimaginable. “De toute manière, valait mieux ça plutôt que tu te fasses coffrer.” Je fronce les sourcils, ravi qu’elle ne remette pas immédiatement toute la faute sur moi. C’est dans ces moments là que je suis heureux d’avoir choisi la Ruche comme gang. Il va falloir rembourser tout ça, mais on va pouvoir y réfléchir ensemble. En tout cas je l’espère. “Heureusement que j’avais rien pris.” Parce que, des fois, je peux être aussi défoncé que mes clients. Mais ça fait déjà quelques temps que je n’ai pas consommé, grâce à mon ascension dans la musique et ma place dans le gang certainement.
“Pourquoi elle s’est mise à hurler ?” Je hausse les épaules, je ne m’en rappelle pas vraiment. Ce dont je me rappelle c’est que je n’ai rien fait de mal et que c’est elle la cinglée dans cette histoire. “Elle avait l’air totalement flippé, comme si elle avait jamais fait d’échange de sa vie.” Et pourtant elle avait aussi l’air bien accro à ce qu’elle voulait m’acheter. “C’est une tarée qui sait pas se gérer, on devrait pas faire de vente à ce genre de fille hystérique.” Parce qu’à cause d’elle on a presque perdu 100 000 dollars, et je sais déjà que Lou ne laissera pas passer ça.
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| | | | (#)Sam 17 Oct 2020 - 15:11 | |
| Elle voulait opter pour la calme et la patience. Jet était d’avis de répondre à la provocation du Club à la mesure de l’affront. “Si tu fais rien ils frapperont plus fort.” soulignait-il, et il n’avait peut-être pas tort. Pourtant Lou était sûre d’elle, croyait dur comme fer en son pressentiment ; si elle laissait les affects personnels interférer dans tout ceci, cette bataille deviendrait rapidement hors de contrôle et ils ne seraient rapidement plus en mesure de rappliquer. “Si je ne fais rien, ils vont croire qu’ils ont gagné et ils vont baisser leur garde.” renchérissait-elle. La jeune femme n’était pourtant pas connue pour son sens de la modération et aurait couru mettre le feu au restaurant des Strange pas plus tard que la vieille afin de se venger. Mais elle devait apprendre à réfléchir avant d’agir, à ne pas se laisser emporter par ses émotions et sa spontanéité. Elle devait faire mieux que ça désormais, voir plus large, penser au long terme. C’était le seul moyen pour que la Ruche perdure, grossisse, et continue son ascension. Le seul moyen pour elle de prouver sa place. Elle repensait à sa dernière conversation avec Mitchell, lui qui voyait tout ceci comme un jeu, au fond. Elle l’entendait encore lui dire qu’elle devrait se salir les mains et mettre en première ligne ceux auxquels elle tenait. Qu’elle allait devoir se battre et faire des choix.
Lou découvrait l’ampleur de ses responsabilités de jour en jour, et tout ce qui découlait de ses ambitions. Des grandes stratégies aux moindres petites décisions ; tout avait un impact, et tout dessinait les contours de son organisation. Cela passait par les contretemps comme celui dont Jet lui faisait part. “75 000 je dirais.” avouait-il avoir jeté aux toilettes après une altercation avec une nouvelle cliente. Lou passa une main sur son visage, dépitée. Derrière ses paupières, elle revoyait la mallette pleine de billets qu’elle avait été forcée d’abandonner à la Marina le jour où elle et Joseph avaient été attaqués en pleine transaction. Et il y avait bien plus que 75 000 dollars dans la valise ce jour-là. “Ca pourrait être pire.” souffla-t-elle comme pour s’en persuader elle-même, mais même une gorgée de houblon ne fit pas vraiment passer l’autre goût amer qu’elle avait au fond de la gorge depuis les confessions de Jeremiah. “Heureusement que j’avais rien pris.” Il n’aurait manqué au tableau qu’une arrestation de son dealer et des magouilles pour le sortir de derrière les barreaux. Les connexions de Milo au sein de la police étaient cruciales pour ce genre de cas de figure.
“Elle avait l’air totalement flippé, comme si elle avait jamais fait d’échange de sa vie. C’est une tarée qui sait pas se gérer, on devrait pas faire de vente à ce genre de fille hystérique.” reprit Jet qui dépeignait fort vaguement la scène qui s’était déroulée avec la fameuse cliente. Lou demeura impassible mais doutait fortement que les explications soient si simples. Les junkies étaient de grands paranoïaques pour la plupart -et elle était bien placée pour le savoir- mais ils tenaient trop à leur dose pour ne pas s’écraser et risquer de mettre leur dealer en danger. “On est pas encore en position de refuser une vente pour le moment.” Tous les clients étaient bons à prendre, même les pires. Surtout les pires. Les déchets humains étaient prêts à se piquer n’importe quoi dans ce qu’il leur restait de veines, et ils faisaient passer le mot à vitesse grand V. Il était dans l’intérêt de la Ruche que leurs substances ne soient pas trop questionnées et que la demande grossisse. Leurs prix étaient en dessous de la moyenne du marché, ce qui les rendait attractifs, compétitifs par rapport au Club. “On est pas non plus en position de perdre ce genre de thunes non plus.” ajouta Lou. La Ruche était trop neuve, trop novice, trop fragile et instable pour risquer de pareils contretemps ; paradoxalement, c’étaient les plus récentes structures telles que la leur qui étaient le plus souvent en proie à ce genre de difficultés. C’était en les surmontant qu’ils devenaient plus solides et forts. Grossir et s’imposer permettait d’éloigner le danger. “Je ne peux pas m’occuper de ça pour le moment. Je… j’ai trop à penser.” conclut-elle avec une nouvelle gorgée de bière. La crise de panique d’une camée était en dernière ligne de sa liste de priorités pour le moment, et elle n’était pas d’humeur à s’en prendre à Jet non plus concernant le manque à gagner. A dire vrai, son esprit tournait de plus en plus autour d’une pensée ; bon sang, qu’est-ce qu’un rail lui ferait du bien pour décompresser.
“Tu sais c’est quoi le plus dur, à faire tourner ce genre de business ? Le faire en restant sobre.” fit-elle avec un sourire ironique. Trois ans qu’elle n’avait pas consommé et la jeune femme s’était juré de tenir bon coûte que coûte. Elle ne pouvait pas retomber dans ses travers et avoir l’esprit embrumé par la dope à nouveau. Cela pourrait tout saboter.
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| | | | (#)Lun 2 Nov 2020 - 16:43 | |
| Je suis le côté sanguin, et elle arrive à temporiser Lou. Je ne peux rien faire d’autre qu’écouter ce qu’elle veut faire. Je ne prendrai pas d’initiative, je ne peux pas faire un truc pareil si je veux garder ma place au sein de la ruche, si je veux garder un lien de confiance avec Lou. Alors je l'écoute, mais je déteste l’idée que Finnley aille mal pour des histoires qui ne sont pas les siennes. Il ne sait pas ce qui se trame, et c’est sûrement pour ça que ces cons du club ont décidé de s’en prendre à lui. “Si je ne fais rien, ils vont croire qu’ils ont gagné et ils vont baisser leur garde.” “Tu veux quoi alors ? Qu’on calme le jeu ? Qu’on fasse vraiment comme si de rien n’était ?” ça risque de me frustrer, de vraiment beaucoup m’énerver mais je suivrai les instructions. Je n’ai pas mon mot à dire sur ce genre de décisions, et ça aussi c’est assez frustrant.
Un sujet compliqué en cachant un autre, je suis obligé de lui parler de la perte qu’on a subit à cause de cette folle furieuse il y a quelques jours dans un bar. Je déteste les nouveaux clients, on ne sait pas si on peut leur faire confiance. C’est pour ça que je préfère avoir à faire à mes habitués, et j’en ai un tas après toutes ces années passées à Brisbane. “Ca pourrait être pire.” Il faut apparemment voir le bon côté des choses d’après la patronne. Je pince les lèvres, je ne répondrai rien. Je sais que je suis en partie fautif dans cette histoire donc il vaut mieux que je ne réponde rien. Je m’en suis sorti grâce à Lou et à tout ce qui entoure la Ruche. Je suis en train de lui expliquer tout ce qu’il a pu se passer, en arrangeant ma version bien évidemment. Même si je n’ai rien fait pour qu’elle réagisse aussi violemment. “On est pas encore en position de refuser une vente pour le moment.” “Je sais.” Je connais le métier, peut-être même plus qu’elle encore. Je passe une main sur mon visage avant de boire une longue gorgée de mon verre. On ne devait pas parler boulot, pourtant, c’est exactement ce qu’on est en train de faire. “On est pas non plus en position de perdre ce genre de thunes non plus.” “Je pouvais pas faire autrement, c’était la fin de tout si je gardais tout ça sur moi.” Elle le sait ça aussi, mais je me sens obligée de le rappeler. “Je ne peux pas m’occuper de ça pour le moment. Je… j’ai trop à penser.” “T’es pas obligée de tout poster seule sur tes épaules.” Ce n’est pas bon de se retrouver seul à la tête de ce genre d’organisation. Moi, je ne peux pas prendre cette responsabilité pour le moment, je dois bien trop me concentrer sur ma carrière de musicien pour gérer un gang.
“Tu sais c’est quoi le plus dur, à faire tourner ce genre de business ? Le faire en restant sobre.” Je pouffe de rire dans mon verre. “Depuis quand t’as rien touché ? C’est dommage t’étais une de mes meilleure cliente.” Je me tourne vers elle, on a apparemment changé de sujet, et c’est bien aussi de se trouver des sujets de conversation plus léger. Et, quoi de mieux que de parler du passé pour rire et se détendre un peu.
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| | | | (#)Sam 7 Nov 2020 - 15:05 | |
| Elle acquiesça d’un signe de tête résigné ; oui, ils devaient faire comme si de rien n’était, comme s’ils n’étaient pas en mesure de répondre. Pas de réplique sur un coup de tête, pas de vengeance tout court ; c’était le prix à payer pour ne pas saboter le plan bien plus grand qui se préparait en secret. Et même si cela lui brisait le coeur, de ne pas pouvoir rendre justice à Finnley, Lou se consolait en se disant que la chute de Mitchell sera leur dédommagement pour tout ce qu’il s’était passé entre temps. Il suffisait d’être patients. L’épisode avec la cliente de Jet était une frustration supplémentaire, cependant la jeune femme ne se sentait pas d’attaque à solutionner ce sujet ce soir-là. Trop de choses se bousculaient déjà dans son crâne pour qu’elle s’attarde en plus sur ce genre de contretemps. Elle savait qu’elle réagirait plus tard, qu’elle ne pouvait pas tout simplement laisser passer cette perte d’argent et ce comportement dangereux pour son associé. Mais elle trouverait la mesure adéquate à prendre plus tard, l’esprit au calme. Il lui semblait que le brouhaha ambiant du bar l’empêchait de réfléchir, de penser.
“T’es pas obligée de tout porter seule sur tes épaules.” fit Jet, et Lou lui adressa un sourire, touché qu’il se soucie de la charge que la Ruche représentait sur son mètre cinquante de chair usée. Elle aurait tant aimé avec un véritable allié, quelqu’un sur qui se reposer, se concerter. Cependant, sa conscience la martyrisait déjà bien assez vis-à-vis des moyens employés pour monter la Ruche et croître son influence, la manière dont elle embarquait tout son gang dans sa vendetta personnelle au bon gré mal gré de chaque individu, et le danger encouru par tous face à la puissance du Club. Elle ne pouvait pas imposer pareille charge, pareille culpabilité sur les épaules de quelqu’un d’autre. “J’ai pas vraiment le choix, répondit-elle. Qui d’autre serait assez fêlé pour s’attaquer à Strange à part moi ?” On le lui répétait assez souvent, que tout ceci était du suicide, qu’elle n’y arriverait pas, qu’elle n’avait aucune chance. C’était un combat supplémentaire à mener pour elle ; celui contre toutes ces voix qui résonnaient dans sa tête pour la tirer vers le bas. Oui, parfois, un rail apparaît comme le seul moyen de les faire taire un instant, un remède miracle. Cela l’avait été pendant si longtemps. Sa sobriété s’ajoutait à la liste des défis de chaque instant. “Depuis quand t’as rien touché ? C’est dommage t’étais une de mes meilleure cliente.” Elle lâcha un petit rire. “Le bon vieux temps.” Cela lui manquait. Ces années empoisonnées avaient été parmi les plus plaisantes de sa vie. Après son overdose, son monde avait basculé et plus rien n’avait été comme avant. “Ca fait trois ans. Peut-être trois ans et demi.” reprit Lou. En revanche, elle ne savait plus combien de cures avaient été nécessaires avant d’atteindre ce résultat. Elle avait toujours replongé en un claquement de doigts, aspirée par la mauvaise influence qui gravitait autour d’elle. La dernière avait été la bonne, par elle ne savait quel miracle -ou alors le savait-elle, que ce miracle avait un nom, le même qui siégeait à côté du sien sur la boîte aux lettres de l’appartement. “J’ai l’impression que ça fait une éternité, le temps est si long.” Pourtant, trois ans, ce n’était vraiment rien. C’était un début, une amorce. Tout le chemin qu’il lui restait à parcourir lui donnait le vertige ; elle préférait ne pas y songer. “Quand je suis sortie de ma dernière désintox, je m’étais vraiment lancée dans un mode de vie ultra healthy. Je ne touchais plus à l’alcool, à la malbouffe… J’ai essayé de convertir les Street Cats aux chips de légumes, je comprends pas pourquoi ça n’a pas pris.” Non, vraiment, elle ne comprenait pas. De cette phase, Lou n’avait gardé qu’une habitude ; le yoga. Les années de consommation de drogues dures avaient particulièrement attaqué son corps, et ce sport couplé à un peu de méditation l’avait réellement aidée à se remettre d’aplomb en douceur. Cela lui avait également permis de ne pas complètement perdre la tête lorsque Mitchell était à ses trousses et qu’elle s’étranglait avec sa propre paranoïa. “Ca me fait penser que j’ai la dalle.” elle ajouta après une courte introspection de son estomac. Ne venait-elle pas de se gaver de tapas avec la troupe de théâtre ? Peut-être, mais rien à faire, la bière et la contrariété des sujets précédents lui avaient ouvert l’appétit. “Y’a un food truck de tacos au bout de la rue, tu viens ?”
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