« Mademoiselle ? »  Maze sortit brusquement de ses pensées en réalisant que la jeune femme derrière le comptoir était en train d’essayer d’attirer son attention. Vu son froncement de sourcils, elle soupçonnait que ce ne soit pas la première fois qu’elle essayait de l’interpeler. « Vous prendrez quoi ? » La britannique réalisa que cela faisait bien 10 minutes qu’elle regardait fixement les panneaux au-dessus du comptoir présentant les différentes boissons proposées. Pourtant, elle aurait pu fermer les yeux durant tout ce temps, cela l’aurait menée au même résultat. Elle n’avait strictement aucune idée de ce qu’elle pouvait bien prendre et son choix se posa finalement complètement au hasard sur la première boisson qui lui sauta aux yeux. « Excusez-moi…Un Peach Citrus Green Tea en Grande s’il vous plait. » Puis elle énonça docilement son nom, sans toutefois l’épeler. Elle osait encore espérer que les quatre lettres de son prénom ne prêteraient pas à confusion. Puis elle repartit dans de grandes considérations en attendant sa commande. Ces derniers temps, la jeune femme ne savait plus comment occuper ses journées. Rester dans sa chambre d’hôtel avait ses limites ; même si elle n’avait pas le cœur à faire une quelconque activité, sortir avait le mérite de lui faire prendre l’air et de lui aérer l’esprit. Toutefois, ces rares moments signifiaient également qu’elle n’était pas devant une série Netflix qui, même si cela restait un loisir peu productif, avait le mérite de l’empêcher de se perdre dans de sombres idées. Or présentement, elle avait le temps de songer tout à loisir à quel point sa vie ne ressemblait à rien. Certes, après de longs mois, elle avait fini par prendre la décision de revenir à Brisbane suite à son traumatisme. Elle ne savait pas si cela avait été le meilleur choix qu’elle ait fait, mais ce choix avait néanmoins le mérite d’exister. Et cela n’était pas rien si l’on considérait le fait qu’elle avait vécu ces derniers mois dans un état d’apathie totale. Mais en attendant, elle ne pouvait constater que les faits concrets de son retour : elle n’avait pas de logement, ni d’emploi, pas d’activités à pratiquer, et elle limitait ses contacts avec l’extérieur et les personnes au strict minimum. Elle ne voyait pas bien comment se sortir de ce cercle vicieux dans lequel elle s’était embourbée ; et à vrai dire elle n’était même pas certaine d’avoir la force et la volonté d’en sortir pour le moment. Attrapant sa commande, elle alla s’installer à une table et sortit son téléphone, scrollant indéfiniment sur des pages d’informations auxquelles elle ne prêtait pas réellement attention. Son cerveau était trop occupé à essayer de se remémorer un temps où sa vie à Brisbane lui semblait accomplie. Que devait-elle donc faire pour tenter de retrouver un peu de la Maze d’avant ? Elle aurait donné cher pour le savoir. Son regard avait lâché l’écran de son téléphone pour vagabonder à travers le café, lui ramenant doucement en mémoire le dernier souvenir qu’elle avait de cet endroit. Sans qu’elle ne s’en rende réellement compte, un léger sourire avait étiré ses lèvres. La dernière fois qu’elle était venue ici, c’était avec Evelyn suite à leurs retrouvailles sur la plage. Après avoir longuement discuté, elles avaient décidé de prolonger leurs retrouvailles autour d’un café. Maze l’avait toujours appréciée et elle était l’une des premières à lui avoir ouvert une voie royale vers le domaine de l’événementiel. Son expérience professionnelle avec Evelyn restait l’un de ses meilleurs souvenirs et, depuis, elle n’avait jamais pu s’empêcher de la voir à la fois comme une mentor mais aussi comme une sœur qui avait su la tirer de quelques mauvais pas professionnels et la guider. Leurs contacts s’étaient espacés jusqu’à ce qu’elles se perdent finalement plus ou moins de vue, mais cela avait finalement contribué à rendre leurs retrouvailles à Brisbane plus extraordinaires encore. La britannique ne put s’empêcher de grimacer en songeant qu’avec son histoire d’enlèvement et son retour soudain à Londres, elle avait une nouvelle fois laissé Evelyn dans le flou et dans un parfait silence radio. Pour sa défense, elle n’avait pas donné de nouvelles à grand monde durant tout ce temps, mais elle voyait mal comment réengager un quelconque contact avec cette femme qu’elle admirait tant. A se demander s’il arrivait au karma et au destin de bien faire leur travail de temps en temps. La brune posa distraitement son regard sur une jeune femme qui était en train de passer commande. Cette dernière lui tournait le dos mais cela lui suffisait pour analyser cette silhouette élancée et cette classe qui semblait naturellement émaner d’elle. Maze fronça les sourcils…ça ne pouvait quand même pas être… ? Avant même d’avoir le temps de réfléchir, elle s’était levée de sa chaise et avait lancé un « Evelyn ? » à son attention. Il avait fallu qu’elle s’exprime un peu plus fort que la moyenne pour se faire entendre par-dessus le brouhaha ambiant et sa table n’était par ailleurs pas juste à côté du comptoir où se situait la jeune femme. Ça n’était que maintenant qu’elle était debout et que plusieurs paires d’yeux s’étaient posées sur elle qu’elle réalisa que la discrétion n’avait pas été de mise. Et surtout, qu’elle aurait l’air bien stupide si la jeune femme ne l’entendait pas ou, tout simplement, si elle s’était complètement trompée sur son identité. Les chances étaient tout de même infimes pour que le destin décide à ce moment précis de faire son travail. Qu’était-elle censée faire si ce n’était pas le cas ? Se rasseoir à sa place et continuer de siroter sa boisson l’air de rien, comme si de rien n’était ? Son entrain d’antan semblait l’avoir quittée, en revanche sa spontanéité et son sens du ridicule lui collaient toujours autant à la peau.

Spoiler:

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Le téléphone fiché à l'oreille, Evelyn fronça les sourcils "Ce n'était pas ce qui était convenu." fit-elle à Lucia qui se tenait à l'autre bout de l'appareil. L'organisation du mariage de Mike et Kate Sanders prenait souvent des allures de casse-tête que les deux collègues tentaient de résoudre par tous les moyens. Elles y passaient un temps considérable, sans pour autant délaisser leurs autres sollicitations, seulement l'énergie qu'elles mettaient à ce que tout soit parfait pour ce mariage en particulier les forçait souvent à s'entretenir de longues minutes, et ce plusieurs fois dans la journée, afin de rester certaines d'être sur la même longueur d'ondes au sujet de détails tels que la couleur des chemins de table ou le glossaire des fleurs qu'elles utiliseraient pour garnir lieu de culte et salle de réception. Evie y tenait beaucoup à ce dialogue perpétuel entre elle et son assistante, soucieuse qu'elle garde un souvenir impérissable de ce premier contrat dans lequel elle s'était investie corps et âme. Il y en aurait d'autres évidemment, et c'était déjà le cas d'ailleurs, l'activité de l'agence de la fille Pearson ne cessant de grimper surtout en cette période médiane entre l'automne et le printemps où les demandes en mariage relevaient visiblement du cadeau parfait pour se réchauffer pendant l'imminent et doux hiver australien, mais celui de Mike et Kate avait été déterminant pour mieux confirmer le choix de la jeune Whitemore de s'engager sur cette voie professionnelle à laquelle elle n'avait jamais cru pouvoir prétendre : c'était son mariage. Evelyn la rassurait souvent sur ses capacités, agissant comme une marraine bienveillante qui n'hésiterait pas à la réceptionner en cas de chute soudaine, toujours parée à l'éventualité de faire de ses potentielles erreurs des leçons formatrices qu'elles devaient considérer comme des étapes à franchir et non comme des échecs. Vraiment, elle se plaisait de plus en plus dans ce rôle de mentor, se découvrant elle aussi des capacités insoupçonnées. Qui l'aurait cru, elle qui pendant toutes ces années à accueillir stagiaires et saisonniers avait toujours cru qu'entre Neal et elle, celui qui était le plus pédagogue, c'était lui "Je passe prendre notre shot de caféine et on en rediscute quand je serai de retour à l'agence." décida-t-elle, slalomant sur le trottoir sur lequel elle s'engagea, histoire d'éviter la collision avec qui que ce soit – pas cette fois, elle s'en passerait, merci bien "J'ai du mal à t'entendre, ce sera plus confortable là-bas. Je te prends ton remontant habituel ?" lui demanda-t-elle en poussant la porte du Starbucks qu'enfin elle rejoignit en quelques enjambées énergiques, le regard déterminé à atteindre son objectif de mettre la main sur ce qui lui remettrait les idées en place pour poursuivre plus sereinement cette matinée déjà bien chargée. Une confirmation de la part de son assistante lui fit couper la communication et s'insérer discrètement au bout de la file d'attente. D'une main légère, elle replaça une mèche de cheveux derrière son épaule, distribuant sourires polis et signes de tête cordiaux aux clients qui croisaient son regard, avant de replonger le sien sur l'écran éclairé de son téléphone. Elle s'y perdit juste quelques secondes, le temps de traiter en un temps record les différentes notifications qui lui étaient parvenues lors de son court appel avec Lucia ; un laps de temps suffisant pour qu'elle soit véritablement surprise à l'entente de son prénom scandé dans tout l'établissement.
Elle tourna la tête à droite puis à gauche, les yeux légèrement écarquillés. Et puis elle finit par s'autoriser un tour sur elle-même, ses talons hauts marquant la cadence de cette danse improvisée dans un claquement doux et régulier ; un tour qui resta incomplet puisque ses yeux bruns rencontrèrent ceux de "Bambi ?" chuchota-t-elle en se ranimant alors, se redressant tout de go en clignant des yeux dans une parfaite représentation surjouée de l'étonnement – à trop côtoyer Lara, elle commençait à lui ravir le privilège d'être la drama queen de la famille. Elle laissa son tour au client qui attendait derrière elle, s'approchant d'un pas étonnamment incertain de la table de la jeune femme dont l'apparition soudaine la laissa coite. La bouche entrouverte, les mains écartées de part et d'autre de sa silhouette, Evie ne sut quoi dire lorsqu'elle se retrouva devant sa table.
Est-ce qu'elle s'était contrariée de ne plus recevoir des nouvelles de Maze ? Pas tellement. Elles avaient toujours fonctionné de cette façon, chacune menant sa vie de son côté jusqu'à ce que le besoin de reprendre contact se faisait ressentir ; qui plus est, elle gardait un souvenir attendri de la dernière fois qu'elles s'étaient vues, des retrouvailles durant lesquelles la jolie brune lui avait paru épanouie et pleine d'entrain à gérer sa vie avec la petite touche de folie qu'elle lui connaissait. Elles s'étaient peut-être promis à chacune de prendre plus régulièrement des nouvelles l'une de l'autre, la vie n'était pas toujours linéaire, aussi ne s'était-elle pas formalisée du nouveau silence qui s'était étirée entre elles depuis.
S'arrêtant devant sa table, aucun son ne dépassa le seuil de ses lèvres jusqu'à ce qu'elle se décide à lui dire, les mains toujours écartées, l'une tenant son téléphone, l'autre doucement secouée par le mouvement de ses doigts qui frémissaient d'excitation de la revoir après tout ce temps "Je pensais que tu avais quitté la ville, ne me demande pas pourquoi." dit-elle dans un léger rire ; et ce rire lui donna le courage nécessaire pour contourner la table, comme une impulsion  à laquelle elle répondit volontiers, ravie du tournant que prenait sa matinée. Elle savait que Maze avait toujours été plus portée sur les contacts physiques qu'elle ne l'avait toujours été. C'était peut-être le seul défaut de la brunette finalement, de sauter au cou de tout le monde pour exprimer sa joie… la sienne était réelle à ce moment, tellement qu'elle se permit de contrer l'une de ses propres règles pour la prendre dans ses bras et la serrer très momentanément contre elle. Trois secondes suffisaient, décréta-t-elle avant de se reculer, d'empocher expressément son téléphone et de remonter son sac sur son épaule, pour lui prendre le visage entre ses deux paumes. Elle plongea aussitôt ses yeux dans les siens et y décela… rien de tout ce qu'elle avait déjà eu l'occasion d'y lire autrefois, l'obscurité de ses prunelles lui paraissant curieusement plus marquée qu'à une certaine époque où il lui suffisait d'entrer dans une pièce pour l'illuminer avec son aura chaleureuse et ses références douteuses. Immédiatement, Evelyn lui demanda, l'air plus grave qu'elle ne l'imaginait "Maze… tout va bien ?"

Cette silhouette, elle la reconnaîtrait entre mille. Et pourtant, l’idée qu’elle puisse croiser par hasard Evelyn dans ce café lui semblait complètement saugrenue. Heureusement, sa spontanéité avait pris le pas sur son cerveau qui se questionnait encore et le nom de l’entrepreneuse avait franchi ses lèvres avant qu’elle n’ait eu le temps de réellement s’en rendre compte. Les quelques secondes qui avaient suivi étaient digne d’un film. Le suspens qui avait suivi son interpellation, le coup d’œil à droite puis à gauche de la jeune femme qui cherchait qui avait bien pu l’appeler. Maze n’avait pas pu apercevoir son visage avant qu’elle n’effectue un demi-tour sur elle-même. Durant ces quelques secondes qui lui avaient paru interminables, le regard de la britannique était resté braqué sur elle, curieuse de découvrir quelle serait l’issue de cette énigme. Bambi. Il n’avait qu’Evelyn qui l’appelait ainsi et Maze n’aurait accordé ce privilège à personne d’autre qu’elle. En découvrant les traits familiers de la jeune femme, un sourire s’afficha immédiatement au coin de ses lèvres sans même qu’elle ne s’en rende compte. Le simple fait de l’apercevoir avait déjà le don de lui remettre du baume au cœur à l’époque, et elle était contente de constater que cela était toujours le cas aujourd’hui. Elle était à deux doigts de se pincer le bras pour vérifier qu’elle n’était pas en train de rêver tellement la sensation d’être passée dans une dimension parallèle en une fraction de seconde lui collait à la peau. Tout cela lui paraissait complètement surréaliste mais si elle était en train de rêver, elle était prête à payer cher pour que personne ne la réveille pour l’instant. La vision d’Evelyn s’approchant d’elle continuait de corroborer sa théorie d’une faille spatio-temporelle qui s’était ouverte sur elle. Son ancienne mentor aurait avancé au ralenti et les cheveux virevoltant lentement au vent -tant était qu’il y ait pu y avoir du vent à l’intérieur d’un Starbucks- que cela ne l’aurait pas étonnée outre mesure. En détournant les yeux l’espace de quelques secondes, elle ne parvint pas à retenir un léger rire étouffé lorsqu’Evie fit mention d’un possible départ de Brisbane. Elle ne savait pas exactement si elle devait apprécier l’ironie de la situation ou si cela venait simplement confirmer la conviction qu’elle avait acquise plusieurs années auparavant : les deux femmes avaient réussi à construire un lien, une connexion indéfectible qui les dépassaient. Cette fois-ci et pour la première fois depuis de longs mois, Maze choisit de positiver et de se concentrer sur cette deuxième possibilité. Elle releva la tête pour aller plonger son regard dans celui d’Evelyn, sans se départir du sourire que son apparition avait fait apparaître sur son visage. « C’est le cas. J’étais à Londres ces derniers mois et je viens à peine de revenir sur Brisbane. Tu ne m’avais jamais parlé de tes dons de voyance…Est-ce que je dois te surnommer Sorcière Pearson à présent ? » Elle avait dit ça avec humour et bienveillance. Ça n’était pas tous les jours qu’elle s’autorisait à faire ce genre de trait d’esprit. Comme si revoir Evelyn permettait à la Maze qu’elle était encore quelques mois auparavant de refaire surface, de sortir la tête de l’eau. En revanche, elle s’était bien gardée d’expliquer les raisons de son retour à Londres. Égoïstement, elle avait envie de profiter de sa présence comme à l’époque, sans que cela ne soit altéré par tout ce qu’elle avait vécu depuis leur dernière rencontre. Cela lui semblait compliqué à appliquer dans les faits étant donné l’image morose qu’elle devait laisser transparaître malgré elle, mais elle pouvait malgré tout essayer de sauver les apparences autant que possible. Elle répondit bien volontiers à son étreinte, chose surprenante étant donné que la brune était récalcitrante à tout contact humain depuis sa mésaventure. Elle restait loin de sa famille, des gens qu’elle aimait, et ne faisait que de rares exceptions. Evelyn en était une et son contact avait quelque chose de réconfortant et de grisant à la fois. Elle sentit un trop plein d’émotions l’envahir brusquement ; ses yeux n’étaient pas loin de se mettre à rougir et elle savait que si cela durait trop longtemps, les larmes feraient bien rapidement leur apparition. Aussi fut-elle silencieusement reconnaissante à Evelyn d’être une personne moins tactile qu’elle et de ne pas faire s’éterniser cette étreinte. Cela ne l’empêcha pas pour autant d’apprécier son geste à la hauteur de ce qu’il représentait : ça n’était pas tous les jours qu’Evelyn Pearson vous prenait spontanément dans ses bras. Son défi pour refouler toutes les émotions qu’elle ressentait s’accentua davantage encore quand la jeune femme prit son visage entre ses mains pour l’observer. Maze se pinça les lèvres en une grimace gênée, comme si cela pouvait l’aider à camoufler comme par magie ce qui devait se lire sur les traits de son visage pour les personnes averties. Et son interlocutrice était résolument une personne avertie qui la connaissait trop bien. A sa question, son sourire s’accentua un peu plus alors qu’elle dégageait doucement son visage de ses paumes. Même après des mois de silence radio, Evelyn parvenait encore à rester son ange gardien, rendant les apparences de plus en plus difficiles à sauver pour la britannique. Essayant de reprendre contenance et se laissant 5 secondes dont elle avait grandement besoin pour reprendre le contrôle de sa voix qui, elle le savait, serait tremblante si elle parlait immédiatement, Maze désigna de la main la chaise en face de la sienne pour inviter Evelyn à prendre place. Se rasseyant elle-même à sa place, elle fit spontanément glisser sa boisson vers elle en réalisant qu’elle l’avait interrompue au moment où elle s’apprêtait à prendre sa commande. Elle se racla la gorge avant d’enfin oser prendre la parole, en priant de toutes ses forces pour que sa voix ne lui fasse pas faux bond. « Je sais que ça n’est pas un café…mais je te promets que c’est pas mal du tout ! » Elle-même n’y avait pas encore touché, trop concentrée dans la contemplation de la salle, à se remémorer et à regretter sa vie passée. Et elle essayait à présent de se décider sur la conduite à adopter : était-elle censée esquiver la question d’Evelyn ou y répondre honnêtement ? Elle décida finalement de botter à moitié en touche. « C’est une période un peu compliquée pour moi en ce moment mais ça va…Ça finira bien par passer j’imagine. » Elle l’espérait en tout cas de tout son cœur car la période avait commencé de longs mois auparavant et s’éternisait un peu trop à son goût. Il ne tenait qu’à elle de faire en sorte d’aller mieux et de passer à autre chose après tout, mais elle n’avait pas encore trouvé la force nécessaire pour agir ainsi. Elle secoua légèrement sa tête de gauche à droite pour chasser ses pensées et se reconcentrer sur Evelyn, son sourire s’accentuant un peu plus : « Mais ce qui m’intéresse, c’est surtout de savoir comment toi tu vas ? » Elle avait été à deux doigts de rajouter "après tout ce temps" et était parvenue à s’abstenir in extremis. Ça n’était pas la peine de remuer le couteau dans la plaie au sujet du temps qui s’était écoulé depuis la dernière fois que Maze avait donné ou pris des nouvelles.  

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"Je te dirais que ce n'est pas le pire nom d'oiseau qu'on me donne. Celui-ci à le mérite d'être original au moins, fais-en bon usage." répondit-elle du tac-au-tac, l'œil frisant sous l'émotion certaine qu'elle ressentait face à l'apparition soudaine de la brunette, révélant ainsi que, sous la boutade apparente concernant ce nouveau surnom qu'elle lui trouva, se cachait une bien triste réalité sur laquelle elle avait cessé de s'appesantir il y avait bien des années. Il n'était pas question de s'apitoyer sur son sort ici, bien au contraire ; il s'agissait de savourer les bonnes surprises qu'il nous réservait parfois. Revoir Maze par surprise, c'était le genre de petits imprévus auxquels elle était toute prête à s'habituer, elle qui était pourtant si portée sur le contrôle intempestif de tout ce qui constituait son quotidien pour ne pas tomber sur le malheur de se voir ravir le privilège de mener sa vie comme elle l'entendait. Ravie encore plus que sous le choc de tomber sur elle aujourd'hui, elle reprit "Tu as essayé de contacter Neal quand tu étais là-bas ? Il ne m'a parlé de rien." se risqua-t-elle à lui demander lorsque que Bambi fit mention de Londres et du séjour qu'elle y avait passé, justifiant un peu mieux sa disparition du paysage Australien. S'arrêter un instant sur la potentielle reprise de contacts de son ancien assistant et de sa stagiaire, qui à l'époque s'entendaient tout aussi bien, la plongea dans une légère appréhension induite par les conversations espacées qu'elle entretenait avec le jeune homme désormais. Il n'avait pas l'habitude de lui cacher ce genre de choses, faisant partie de ceux qui lui faisaient état de tout ce qui pourrait la faire sourire, ou même envisager de lui rendre visite. L'entente était toujours au beau fixe, mais l'amertume de Neal à ne pas comprendre l'égoïsme notoire de son ex-patronne quand elle lui demandait de venir le rejoindre avait fini par creuser une distance désagréable entre eux. Tant est si bien que de son côté, Evie évitait de plus en plus de lui téléphoner. Pourtant, il lui manquait terriblement, et ça lui brisait le cœur… comme autant de petites choses qu'ils avaient partagé en tant qu'associés, mais pas seulement. En ce moment, elle aurait bien eu besoin de lui, de sa présence rassurante et de ce flegme qu'il n'avait à envier à aucun membre de la famille Royale de son pays d'origine.

Elle se recentra brusquement, secouant la tête en chassant une longue mèche de cheveux de son visage d'un coup d'épaule mesuré, celui de Maze entre les mains. Appelons ça du sixième sens, mais ce qui se dégageait de la jeune femme avait été altéré. Cette certitude s'ancra dans son for intérieur à l'instant où elle avait posé son regard sur elle. Toutes les deux n'avaient jamais été proches au point de pouvoir deviner vraiment ce que l'autre pensait, gardant une distance de sécurité qui venait surtout d'Evie et de son incapacité à s'ouvrir émotionnellement. Néanmoins, il y avait entre elles quelque chose qui leur permettait de faire un point rapide sur leur état d'esprit mutuel ; celui de Bambi n'était pas bon. Elle était jolie comme un cœur, aussi pimpante que lui permettait sa jeunesse et son teint café au lait, restait cependant que le cœur n'y était pas – il battait bas dans sa poitrine, amenuisant les effets de langage qu'elle utilisait pour faire sourire et charmer sans le vouloir véritablement, boute-en-train pétillant et attachant qu'elle était. Ça se lisait dans ses yeux qu'elle détourna aussitôt, se défaisant du doux étau formé par les mains d'Evelyn qui la regarda s'asseoir avant de l'imiter.
Sa mine devint aussi concernée que l'interrogation qu'elle avait laissée échapper lorsqu'elle lui avait ouvertement demandée comment elle allait. S'asseyant face à la jeune femme, elle glissa l'anse de son sac à main sur le cadre de sa chaise pour mieux avoir les mains libres. Elle finit par les occuper en entourant la boisson que Maze lui tendit et qu'elle ne boirait pas, mais qui était un bon accessoire pour qu'elle continue à paraître aussi maîtresse d'elle-même ; ce qu'elle était assurément "Tu veux en parler ?" lui proposa-t-elle d'emblée, la tête légèrement inclinée sur le côté, à l'observer tranquillement sous la barrière épaisse de ses cils savamment allongés par le mascara. Elle se mordit brièvement la lèvre, puis elle ajouta "J'ai du temps devant moi tu sais." Ce qui n'était pas tout à fait vrai au demeurant, un fait qui n'échapperait pas à la jeune femme qui connaissait la façon de fonctionner d'Evie – elle avait toujours quelque chose à faire. Aussi, elle se corrigea immédiatement pour que Bambi ne soit pas tentée de refuser sa proposition de s'épancher plus longuement sur ce qui semblait la tarauder. Une porte ouverte, voilà ce qu'elle lui offrait "Même si je ne l'avais pas, tu sais que tu fais partie des petites privilégiées pour qui je n'hésiterais pas une seule seconde à bousculer mon planning." Le mariage de Mike et Kate Sanders pouvait bien attendre quelques minutes de plus.
Elle marqua une pause inutile, raffermissant son observation en posant son regard brun sur le profil de la jeune femme. Elle connaissait ce besoin évident de sauver les apparences, et alors qu'elle avait révélé ne pas être dans une période facile, elle s'obstinait à sourire. L'inquiétude se dessina sur le visage d'Evelyn qui doucement lui demanda "Tu veux quelque chose à grignoter ?" Encore un peu plus, l'impression qu'elle avait que la jeune femme voulait échapper aux questions franches et directes, lui fit marquer un léger temps de réflexion. Elle n'était pas insistante, elle ne le serait jamais… si l'envie de Maze était de ne pas s'épancher tout de suite, elle le respecterait. Même si ça voulait dire qu'elle devrait prendre sur elle et disserter sur sa propre vie afin de l'apaiser, le temps qu'elle reprenne ses repères et se souvienne que si elle pouvait compter sur quelqu'un dans cette pièce, c'était bien sur elle. Elle ouvrit un peu plus grand les yeux, prenant une inspiration en se préparant mentalement à lui répondre à son tour "Il s'est passé peu de choses depuis la dernière fois qu'on s'est vues, toi et moi. Mais je suis fière de t'annoncer que j'ai trouvé une assistante géniale et que l'agence fonctionne bien… mieux que ce à quoi je m'attendais en m'installant ici." Elle ne le prenait pas comme ça, toute fière d'être aussi dévouée à son travail qu'elle était. Mais dans le fond, elle s'apercevait de plus en plus que chaque fois qu'elle retombait sur des figures de son passé qui lui demandaient comment les choses allaient pour elle, la seule chose dont elle discutait, c'était de son métier. Il n'y avait pas de place pour la vie privée chez Evelyn Frances Pearson, tout le monde le savait et s'en désolait, pointant du doigt toutes ses qualités. Pourtant, elle en aurait eu des choses à dire et à avouer – à confesser, ce terme était plus approprié. A quoi bon épiloguer sur cette histoire qui s'était terminée comme elle avait commencée ?
Elle lâcha le gobelet que Maze lui avait confié pour glisser ses deux mains sous la table, et les posa sur ses propres genoux qu'elle joignit en souriant, se risquant à de nouveau l'interroger avec une pointe d'excitation un peu surjouée "Et alors qu'est-ce que tu fichais à Londres ? Le suspens est insoutenable, j'ai besoin d'avoir des détails."

La brune sourit tristement à la remarque d’Evelyn. Elle n’imaginait malheureusement que trop bien le genre de surnoms auxquels elle avait dû être confrontée par le passé et que des ignorants utilisaient certainement encore aujourd’hui bien trop souvent. « Tu sais quoi ? Pour la peine je vais plutôt en chercher un vraiment digne de ce nom. Je commence le brainstorming dès maintenant et je reviens vers toi dès que j’ai trouvé quelque chose qui en vaille la peine. » L’élégance, la finesse et la classe d’Evelyn, ainsi que certainement un léger côté chauvin pour son pays d’origine et sa monarchie lui donnait spontanément l’envie de la surnommer Duchesse, si ce n’était même Her Royal Highness. Mais son côté sérivore quant à lui, lui soufflait plutôt de choisir quelque chose comme…Little Miss Vixen. Un surnom qui venait de sortir des tréfonds de sa mémoire, en référence à une vieille série qu’elle avait regardée à l’époque de son adolescence, et qu’elle rattachait à une personnalité très attractive, forte, mais aussi à la pointe du bon goût vestimentaire. Toutefois la brune allait plutôt brainstormer encore un peu avant de tenter ce genre de propositions qui, bien que connaissant sa tendance aux extrapolations en tous genres, risquaient certainement d’être considérées comme un peu exagérées aux yeux d’Evelyn malgré tout. Tout en rangeant cette idée dans un coin de sa tête pour revenir à la situation présente, elle ne put retenir un léger soupir à l’évocation de Neal. Cela n’avait bien évidemment pas été son intention, mais Evelyn venait de lui rappeler une nouvelle personne avec qui elle n’était pas restée en contact ces derniers mois. Elle savait qu’elle n’avait jamais fait beaucoup d’efforts pour entretenir correctement son carnet d’adresses, mais elle se rendait compte que les semaines qui venaient de s’écouler avaient été pires que tout sur ce plan là. On ne pouvait qualifier son comportement que de silence radio le plus total. Pour tout le monde. Elle afficha une moue gênée avant de répondre : « C’est normal qu’il ne t’ait parlé de rien, je ne l’ai pas contacté. Pour tout te dire, j’avais besoin de me tenir un peu à l’écart de…heu… » De quoi exactement ? Elle ne le savait pas. Elle avait construit sa bulle d’isolation, sa soupape de décompression pour finalement ne parvenir qu’à s’enfermer un peu plus dans un cercle vicieux pour son moral. « …du monde. » Cela n’allait certainement pas aller dans son sens pour éluder ce genre de questions et faire croire à Evelyn qu’elle n’allait pas si mal que ça, mais elle n’avait pas eu le temps de trouver une excuse digne de ce nom pouvant faire illusion. « Tu as eu de ses nouvelles récemment ? » Elle n’avait pas essayé de changer de conversation ; elle s’intéressait sincèrement à ce qui pouvait se passer dans la vie de son ancienne équipe. Se retrouver à parler de Neal avec Evelyn lui rappelait bien évidemment le stage qu’elle avait eu l’opportunité de faire auprès d’eux. Cette expérience avait été pour elle à la fois extrêmement formatrice mais aussi mémorablement drôle et elle se sentit emportée une nouvelle fois par un élan de nostalgie qui, au lieu de lui faire monter les larmes aux yeux cette fois-ci, vint plutôt la sortir quelque peu de la torpeur dans laquelle elle s’était enfoncée ces derniers temps. Cette torpeur, est-ce qu’elle avait envie d’en parler justement ? C’était une excellente question. Est-ce qu’elle était prête à en parler en était une autre. Elle n’avait pas répondu tout de suite et avait vaguement reporté son attention sur la table, objet ô combien passionnant à observer. Toutefois, elle ne put s’empêcher de relever son regard accompagné d’un haussement de sourcil interrogateur et d’un léger sourire en coin lorsqu’Evelyn lui fit part du temps qu’elle avait devant elle. Maze était d’ailleurs déjà prête à remettre cette information en cause quand elle se reprit très rapidement d’elle-même pour avancer des propos qui la touchèrent un peu plus encore. Son sourire se fit plus tendre. Elle imaginait bien ce à quoi devait ressembler l’emploi du temps de son ancienne mentor actuellement et elle appréciait à sa juste valeur qu’elle lui accorde de son temps, et ce de manière totalement imprévue par-dessus le marché. « Et je t’en remercie sincèrement. » Même si elle sentait déjà poindre la culpabilité à l’idée de la dévier d’un planning précis auquel la jolie brune avait l’habitude de se tenir. Mais égoïstement, elle était aussi contente de la retrouver et de pouvoir profiter de sa présence. Maze secoua la tête pour répondre par la négative à son invitation à manger quelque chose. Elle ne se laissait pas dépérir, mais elle avait l’estomac plutôt noué la plupart du temps. « Je n’ai pas très faim. En revanche ça me ferait plaisir de t’inviter un soir prochain. » Encore fallait-il que personne n’ait décidé de se marier un soir prochain justement pour qu’elle puisse subtiliser l’entrepreneure à ses clients. Evelyn vint d’ailleurs lui confirmer que son entreprise fonctionnait très bien et ses lèvres s’étirèrent en un sourire plus grand que ce qu’elle n’avait été capable d’afficher jusqu’à présent. « Sérieusement ? Je suis vraiment ravie pour toi ! En même temps, avec tes prouesses organisationnelles et ton sens du contact, je n’en attendais pas moins de toi et de ton activité fleurissante ! Et toi et ton assistante arrivez à faire face à toutes les demandes ? » Sa propre vie personnelle était absolument inexistante ces temps-ci et elle ne cherchait pas à changer ce statut. Elle n’était même pas certaine de vouloir un jour se marier mais ce qui était certain à ses yeux, c’était que si l’occasion venait à se présenter, elle savait depuis de nombreuses années maintenant à qui elle confierait l’organisation de son mariage les yeux fermés. Le fait que le petit empire de sa mentor ne cesse de s’étendre n’était qu’un juste retour des choses et elle espérait que les mariages organisés par Evelyn Pearson deviendraient petit à petit une institution auprès des locaux et ailleurs. Si tant est que cela ne fut pas déjà le cas.
Maze marqua une nouvelle pause à la dernière question qui venait de lui être posée. Elle s’était pincée mécaniquement les lèvres, en cherchant la réponse la plus adaptée. Elle n’avait pas l’intention de s’épancher maladroitement sur ses problèmes auprès d’Evelyn alors qu’elle venait tout juste de la retrouver. Peut-être y arriverait-elle plus tard. Mais elle n’avait pas non plus l’intention de lui mentir complètement, ce qui n’était de toutes façons pas une option envisageable étant donné qu’elle avait détecté au premier coup d’œil que quelque chose ne collait pas chez la britannique. Maze prit donc une profonde inspiration avant de lancer : « Disons qu’il y a quelques mois, j’ai vécu une Masturbating monkey’s situation assez importante. Ça m’a pas mal retournée et j’ai eu besoin de rentrer chez moi quelques temps. Et malheureusement je n’ai pas grand chose d’intéressant à raconter sur ce retour au pays, si ce n’est que j’ai passé la plus grande partie de mes journées à étudier le catalogue Netflix. » Une nouvelle moue apparut sur son visage ; on avait vu plus passionnant comme occupation. Maze secoua rapidement la tête comme pour éluder tout cela avant d’ajouter : « Enfin bref, me voilà de retour à Brisbane, un peu perdue, sans travail, et à tourner en rond mais au fond…c’est aussi chez moi ici. Donc je suis contente d’être de retour. » Le timide sourire qui s’afficha sur son visage en observant Evelyn vint indiciblement ajouter un "et de te retrouver" à la fin de sa phrase. Lancée dans ses explications et veillant à taire les informations qu’elle n’était pas encore prête à communiquer, elle se rendit compte maladroitement et un peu tard qu’elle venait par la même occasion d’avouer qu’elle n’avait plus de travail actuellement. Ça n’était pas la pire chose qui aurait pu lui échapper, mais elle espérait de tout cœur ne pas inquiéter Evelyn davantage encore avec cet aveu. En revenant à Brisbane, elle n’avait pas eu le courage de retourner auprès de son ancien employeur alors que c’était justement là que ses mésaventures avaient commencé. Et depuis, elle tournait en rond en ne sachant trop quoi faire de sa vie.

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{it's fine. i'm just having an allergic reaction to the universe}
crédits gif et code fiche/ (blakehelps & malibu) ✰ w/ @Maze Crawley

Une courte pause s'étira dans l'espace qui la séparait de Maze. Encore un instant à garder sa rhétorique pour elle lorsqu'enfin, Evelyn opina cérémonieusement du chef "Hum, je vois." fit-elle en toute simplicité, la voix s'amenuisant peu à peu, soumise à l'incertitude qui s'insinua doucement dans ses pensées immédiates. Qu'est-ce qui pouvait bien pousser quelqu'un à vouloir se couper du monde ? Elle avait bien quelques idées, ses propres raisons lui traversant l'esprit à l'instant où elle plongea dans ses souvenirs pour mettre le doigt sur celles de Bambi. Mais une chose était certaine, ce n'était pas d'elle dont il s'agissait. Cette réflexion, elle se la fit très rapidement pour mieux sortir de ses pensées.
Se recentrant immédiatement, Evie la regarda. Maze, elle l'avait connue ouverte sur le monde justement, assoiffée d'apprendre davantage pour peaufiner son glossaire de références parfois savoureuses, très souvent douteuses, mais qui faisaient son charme et surtout, sa bonhommie médicamenteuse. Capable de faire avaler n'importe quelle pilule avec un sourire tout en fossettes et un humour impeccable, Bambi était une vraie cure de vitamines qui, à l'époque londonienne, avait fait souffler un vent de fraîcheur sur l'agence Pearson.
Qu'en était-il aujourd'hui ? Où était passée la franche volonté de la jeune femme à se démarquer de sa génération en prenant la vie du bon côté et en ne se laissant pas démoraliser par le poids qu'on faisait peser sur leurs épaules ? Une expression d'inquiétude profonde aurait pu passer sur son visage si elle n'avait pas été aussi soucieuse de rester digne face à la brunette qui peinait, le comprit-elle aussitôt, à s'ouvrir sur le sujet. Les derniers mois avaient dû être pénibles pour elle. Quelle était la cause de tout ça ? Evelyn ne se sentait pas en droit de lui faire passer un interrogatoire en bon et due forme pour mettre le doigt sur ce qu'elle cachait – qui plus est, elle n'avait pas envie de remuer le couteau dans la plaie qui, lui semblait-il à ce moment-là, paraissait à peine être cicatrisée.
Alors, pour l'instant du moins, Neal était le bon sujet pour amortir les préoccupations qu'elle nourrissait à l'égard de Maze. Ça tombait plutôt bien, faire mine que tout allait bien entre eux était une discipline qu'elle maîtrisait à la perfection "Toujours. Nos conversations sont un peu moins régulières. Je continue à secrètement espérer qu'il vienne me rejoindre un jour où l'autre." De la part d'Evie, se mettre des œillères n'était pas chose courante. En ce qui concernait Neal et son potentiel débarquement dans la ville de son enfance, elle n'hésitait pas à se raconter des histoires cependant. Le verbaliser l'aiderait probablement à se faire une raison… elle l'avait déjà fait quelques fois, mais pas face à quelqu'un qui avait connaissance du lien si fort qui l'unissait à son ancien assistant. Bambi serait la plus à même de comprendre – et puis si elle voulait lui tirer les vers du nez, faire preuve de plus d'honnêteté à propos de tout ça, c'était de bonne guerre. De ce fait, elle finit par laisser échapper, et ce avec un léger soupir "Il m'a dit qu'il ne viendrait jamais. Je ne pensais pas le vivre aussi mal… et peut-être que je lui en veux un peu, mais je sens qu'il m'en veut aussi." Elle détourna les yeux pour le poser sur le haut du gobelet qu'elle repoussa pour finir par croiser les bras sur le bord de la table. Un sourire triste vint remonter ses joues blushées, subtilement redessinées par un maquillage parfait. Un haussement d'épaules vint compléter le tout "On se parle peu en vérité. Pardon pour le mensonge, c'est juste difficile à admettre." s'excusa-t-elle platement, arborant la mine d'une petite fille prise avec la main dans le pot de confiture ; une main qu'elle abattit en geste leste devant son nez comme pour chasser une nuée de moucherons récalcitrants "Laissons tout ça de côté, tu veux bien ? C'est toi qui importe." tonna-t-elle avec délicatesse, reportant toute son attention sur la jeune femme qu'elle questionna, agrémentant le tout d'une proposition de collation qu'elle refusa pour davantage s'étendre et mettre fin au suspens entourant son séjour à Londres.

Le faux enthousiasme dont avait usé Evelyn s'éteignit pour de bon. Cette fois-là, elle ne put cacher son inquiétude. Non, quelque chose n'allait définitivement pas chez Maze Crawley. A nouveau, elle se demanda quel genre de mésaventure elle avait pu connaître pour se laisser autant atteindre. Elles ne se connaissaient peut-être pas en large et en travers, cependant elle savait que rien ne pouvait démoraliser autant Bambi. Elle était l'illustration même de la chute de cheval formatrice. Ainsi, rien ne pouvait être assez humiliant pour la contraindre à battre en retraite, rien n'était assez effrayant pour la faire se recroqueviller sur elle-même, rien n'était assez drôle pour l'empêcher de renchérir avec son humour anglais… alors quoi ? Qui lui avait fait du mal ? Qui avait osé ?
Le visage de l'organisatrice de mariage se ferma. Un instant suffisamment long pour l'observer lui suffit à remarquer les traces de fatigue qui s'étendaient sur le visage de poupée de son ancienne stagiaire. Bambi, que t'est-il arrivée, se demanda-t-elle en pinçant les lèvres tandis que sa tête se pencha sur le côté avec tendresse, les yeux débordants d'une compassion sincère qu'un très léger sourire vint fendre pour rendre encore plus doux encore.
"Neal apprécierait que tu rendes hommage à son génie humoristique." intervint-elle, se souvenant par la même occasion combien le jeune homme était doué pour rendre les situations délicates plus gérables – tout comme Maze. D'ailleurs, lui, il aurait sans doute trouvé une solution au problème de la jeune brune, la questionnant sans relâche avec dérision pour qu'elle cesse de parler en devinettes, et mettre enfin le doigt sur ce qui la tourmentait autant… Evie n'avait pas ce talent-là. Elle n'avait pas envie de mettre mal à l'aise la jeune femme. Si elle ne voulait pas être plus précise, elle ne la forcerait pas… mais peut-être, songea-t-elle en dernière minute, c'était ce qu'elle cherchait ? Qu'elle creuse plus profond pour se confier pour de bon ?
Elle se redressa sur son siège, ses longs doigts se tendant quand elle posa ses mains à plat sur la table "Ma cousine – Lara, on en parlera une autre fois – dirait que le catalogue Netflix mériterait de faire partie intégrante d'un programme universitaire. Tu t'entendrais bien avec elle." laissa-t-elle échapper comme vaine tentative de réconforter Maze, la voix de Lara faisant écho dans son esprit quand elle la trouvait pour la énième fois de la semaine à visionner Dirty Dancing qu'elle connaissait pourtant par cœur, au point d'anticiper tous les dialogues, la bouche débordant de ses snacks préférés "Hey, Maze…" Pas de Bambi cette fois – les choses étaient sérieuses. Sentant l'embarras de Maze à propos de son inactivité de ces derniers temps, elle avança une main qu'elle stoppa au centre de la table pour la lui proposer, paume ouverte, histoire qu'elle la saisisse si elle ressentait le besoin ; il n'y avait bien qu'avec elle qu'elle s'autorisait ce genre de contacts "Je ne sais pas ce qui t'est arrivée, je sens seulement que tu n'es pas prête à en parler. Ça viendra. Aujourd'hui, demain, peu importe." Elle laissa un court temps filer avant de reprendre, son regard cherchant celui de son interlocutrice et s'y accrochant une fois qu'elle le trouva pour de bon "Quand tu seras prête, je serai là quoi qu'il en soit." Elle opina une nouvelle fois, affirmant sa proposition que les paroles de la jeune femme rendit plus prompte encore "Tu ne travailles pas ?" lui demanda-t-elle comme confirmation tout en laissant son dos retrouver le confort de son siège dans lequel elle se rassit convenablement, la main qu'elle avait tendue à Maze harponnant sa propre oreille pour remettre en place sa boucle pendant que ses paupières se plissèrent lentement "Je comptais partir en embauche pour grossir un peu le rang de mes employés et ne plus avoir à faire appel à des intérimaires. Maintenant que je suis bien installée, je peux me permettre de rendre les choses plus concrètes et d'avoir une équipe solide que je n'aurais pas besoin de renouveler constamment." Elle avait déjà commencé avec Lucia, mais ce n'était pas assez ; elle ne voulait pas se bâtir un empire, elle laissait ça à sa mère. Mais avoir une équipe, une vraie, lui enlèverait assurément une épine de devoir constamment faire des démarches fastidieuses…
Laissant flotter sa voix dans l'air, ses paupières retrouvèrent leur taille originelle, laissant briller la lueur qui venait de naître dans son regard chocolat qu'elle plongea dans celui de Bambi "Tu sais j'aurais besoin de quelqu'un qui sache aussi bien gérer les masturbating monkey’s situations que toi…" Maze n'avait été que stagiaire à l'époque ; pour autant elle connaissait le monde de l'évènementiel comme personne, en ayant fait sa spécialité suite au chemin qu'elle avait emprunté. Evelyn n'ajouta rien d'autre… mais ses yeux malicieux toujours dirigés sur Maze parlaient pour elle.

Maze voyait bien qu’Evelyn se posait des questions sur son cas. A force de ne pas vouloir trop en dire pour ne pas l’inquiéter, elle craignait de plus en plus de provoquer l’exact opposé. Peut-être serait-il plus facile de tout lui raconter dans le fond, d’arracher le pansement une bonne fois pour toute et d’en finir avec tout ce suspens non désiré. Mais une petite voix lui soufflait que cette sorte de mensonge par omission était la seule chose qui lui permettait encore de garder un minimum de contenance. Evelyn la connaissait trop bien, elle savait lire et analyser ses réactions. Et si Maze lui racontait maintenant ses mésaventures, elle prenait aussi le risque de s’effondrer instantanément en face de cette femme pour qui elle éprouvait le plus grand respect mêlé à une tendresse infinie. La britannique ne se montrait clairement pas sous son meilleur jour actuellement, mais elle savait qu’elle pouvait encore laisser transparaitre bien pire que cela si elle ne se contrôlait pas, et c’était bien la dernière chose qu’elle désirait. Le sujet de Neal était le bienvenu pour la sortir de toutes ses interrogations et préoccupations auxquelles elle ne trouverait de toutes façons pas de réponses aujourd’hui, faute de volonté. Maze acquiesça doucement en écoutant attentivement ce qu’Evelyn était en train de lui dire sur Neal. L’époque de son stage au sein de l’équipe de choc qu’elle avait eu l’opportunité de former avec Evelyn et Neal lui semblait si proche et si loin à la fois. Elle se souvenait toujours très vivement de leurs aventures, des catastrophes qu’ils avaient évitées de justesse, des trésors d’imagination qu’ils avaient été capables de déployer tous ensemble, des très beaux moments qu’ils avaient permis de créer pour des mariés mais aussi de ceux qu’ils avaient partagés entre eux. Une pointe de nostalgie se fit sentir instantanément dans sa poitrine. Elle avait bien du mal à réaliser que tout cela s’était passé plusieurs années auparavant. On ne pouvait pas aller jusqu’à dire qu’il s’agissait là d’une autre vie, d’une vie passée, mais la distance géographique et les silences de plus en plus longs qui s’étaient installés entre eux avaient fini par avoir raison de leur proximité, toutefois sans jamais venir ternir les souvenirs qu’elle avait de cette époque. Mais il subsistait encore cette sorte de magie avec Evelyn. Cette caractéristique assez rare et que Maze ne rencontrait qu’avec des personnes qu’elle pouvait compter sur les doigts d’une seule main : même si elles ne s’étaient pas vues depuis longtemps, cela ne les empêchait pas de reprendre là où elles avaient laissé les choses, comme si de rien n’était. Sa relation avec Evelyn semblait demeurer intacte, jamais endommagée par le temps qui passait. Et elle aurait aimé qu’il en soit de même avec Neal mais leur dynamique, bien que très fonctionnelle, avait toujours été différente de celle qu’elle entretenait avec sa mentor. Aussi s’était-elle écartée de lui petit à petit, à contre cœur et sans le vouloir, simplement parce qu’ils ne partageaient plus leur quotidien à présent. Et alors qu’Evelyn se confiait un peu plus, elle découvrir tristement que sa relation avec Neal en avait également pâti. Elle comprenait fort bien son mensonge, d’autant plus qu’elle se sentait dans une situation bien similaire actuellement ou le mensonge semblait bien plus facile et acceptable qu’une vérité triste et crue. Toutefois, avant qu’Evelyn ne change une nouvelle fois de sujet, elle se permit de lui lancer un timide sourire et d’ajouter : « Ça me rend sincèrement triste ce que tu me dis là. Ça va paraître incroyablement cliché mais il ne faut jamais dire jamais, non ? J’ai l’impression que s’il y a bien quelqu’un à qui cette maxime peut s’appliquer, c’est Neal. Il n’est pas la personne la plus…constante, dirais-je, en ce qui concerne des décisions fermes et définitives. » Et même si ses deux anciens partenaires de crime s’en voulaient mutuellement, elle espérait qu’ils arrivent à mettre leurs différents de côté pour s’écouter. Leur attachement si fort l’un envers l’autre jouait d’ailleurs certainement un rôle déterminant dans cette tension qui régnait entre eux. Et même si Neal ne venait jamais…mais s’il devait avoir raison sur ce point-là, elle espérait de tout son cœur que cela ne nuirait en rien à de futures virées londoniennes en trio, en souvenir du bon vieux temps. Cette vie lui paraissait bien loin, trop loin, à présent et elle aurait donné cher aujourd’hui pour la retrouver ne serait-ce que l’espace de quelques jours. Peut-être que cela n’aurait fait qu’illusion auprès de tous les problèmes qu’elle rencontrait actuellement, mais elle était prête à tout pour ce genre de moments salvateurs, même éphémères. Elle luttait difficilement pour se concentrer sur le présent et rester dans l’instant. Mais l’identité de son interlocutrice actuelle l’y aidait toutefois grandement et la britannique restait attentive à chacune de ses paroles. Lara ? Evelyn lui avait-elle déjà parlé de cette cousine ? Etait-elle sur Brisbane à présent ? Un million de questions lui traversèrent soudainement l’esprit, mais les poser tout de go maintenant n’était peut-être pas la meilleure solution. Elle aurait toujours le temps de se renseigner à ce sujet progressivement et sans la bombarder de questions, ce qui aurait cependant eu le mérite de ressembler à la Maze qu’elle était avant, jamais dans la demi-mesure. « Ta cousine ? » Elle avait laissé cette simple question lui échapper ; on ne la changerait pas. « Je suis totalement d’accord avec cette façon de voir les choses. Et je rêverais que ce soit une compétence que l’on puisse fièrement mettre en avant sur un CV. » Elle y avait déjà songé, tout comme elle avait déjà rêvé de pouvoir expliquer à des recruteurs que sa culture générale n’était pas fameuse mais qu’elle connaissait en revanche un nombre indécent de noms de célébrités internationales. Et n’était-ce pas en quelque sorte de la culture également ? Une culture qui prenait une place infinie dans son cerveau et dont elle n’avait que très rarement l’utilité mais une culture malgré tout. Son regard s’était fixé sur le centre de la table avec un sourire en coin, amusée par l’existence de cette cousine dont elle partageait clairement la façon de penser. Son sourire disparut et son regard fit la navette entre le visage et la main tendue d’Evelyn avant de venir se fixer sur ses lèvres quand celle-ci l’interpella d’un ton résolument plus sérieux. Ses épaules s’affaissèrent de quelques centimètres. Elle avait l’impression d’avoir retenu sa respiration en l’écoutant, finissant par laisser un soupir lui échapper. Timidement, elle s’empara de la main tendue d’Evelyn, sans plus oser la regarder dans les yeux cette fois-ci. « Je suis désolée, je me rends bien compte que je ne suis pas moi-même mais…ça viendra. Merci. » Elle exerça une légère pression sur sa main, comme pour appuyer un peu plus ses propos avant d’ajouter : « Vraiment. Je suis contente d’être là avec toi. » Elle n’était pas encore prête à partager ses problèmes mais elle était soulagée par les mots qu’Evelyn venait de prononcer. Elle avait l’impression que cela avait en quelque sorte mis fin à un tabou qui régnait dans la conversation à cause des non-dits que laissait planer Maze bien malgré elle. Et elle serait certainement prête à se confier à Evelyn dans un futur proche mais pour l’instant elle préférait simplement et égoïstement profiter de sa présence. En rendant la liberté à sa main, elle se rendit compte qu’elle venait très clairement de donner des informations sur l’état de son statut professionnel actuel, ce qui eut pour réaction de dessiner une légère grimace gênée sur son visage. La subtilité et la maîtrise de ses pensées ne faisaient toujours pas partie intégrante de son caractère visiblement. Relevant doucement son visage vers Evelyn, les sourcils froncés et quelques rides d’inquiétude se formant sur son front, elle écoutait religieusement ses paroles. « Je, heu… » On l’avait résolument connue plus loquace. Sa voix semblait à nouveau s’être bloquée en chemin, incroyablement touchée par les mots qu’elle venait d’entendre. Ses traits s’étaient détendus quelque peu mais elle était tiraillée entre se sentir incroyablement reconnaissante de pouvoir compter sur une personne comme Evelyn qui semblait toujours prête à l’aider d’une manière ou d’une autre, et la volonté de ne pas être un poids supplémentaire attaché à sa cheville. Cette proposition était peut-être enfin ce qu’elle cherchait depuis son retour à Brisbane, un moyen de se relever difficilement des blessures qui lui avaient été infligées. Mais son esprit lui semblait tant perdu dans le brouillard qu’elle n’arrivait pas à faire la part des choses et à analyser si elle serait effectivement capable d’être fonctionnelle et efficace au sein de l’équipe de l’entrepreneure. Et la dernière chose qu’elle souhaitait actuellement, c’était de la décevoir. Alors que Maze cherchait comment tourner cela de manière diplomate et acceptable, elle décida finalement qu’il était temps de mettre fin aux non-dits qu’elle accumulait. Elle n’allait pas avancer si elle ne disait pas les choses clairement et comme elle le ressentait. Ces quelques secondes de réflexion lui avaient permis de récupérer l’usage normal de sa voix : « Je ne crois pas que tu puisses imaginer à quel point ta proposition me touche. Et si je n’écoutais que mon cœur, autant te dire que je te demanderais déjà où je peux signer….mais je me rends aussi compte que je suis… » Qu’était-elle exactement ? Difficile de mettre des mots dessus. « défectueuse ?Je ne sais pas. Tu vois bien l’état dans lequel je suis actuellement. J’ai vraiment pas envie de t’imposer ça, et j’ai peur que ça entache mes compétences professionnelles. » Le domaine de l’événementiel n’avait plus aucun secret pour elle, et elle avait adoré ses expériences passées. Mais elle n’avait pas retravaillé depuis ses mésaventures et elle avait peur d’être un véritable boulet au sein d’une équipe. Comment disait-on exactement ? Il faut remettre le pied à l’étrier ? La britannique allait certainement avoir besoin de quelques coups de pieds aux fesses pour l’aider à cela.

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"C'est une jolie façon de dire qu'il est atrocement faible." renchérit Evelyn avec humour, mais surtout avec beaucoup de tendresse. Maze avait raison toutefois, Neal avait beau avoir un nombre incalculable de qualités qui avaient toutes trouvées grâce auprès de son ancienne patronne, il changeait parfois d'avis comme il changeait de chemise. C'est-à-dire souvent, histoire de cultiver le charme que laissait entrevoir ses mignonnes petites fossettes, ses grands yeux chaleureux et son accent qu'elle avait fini par copier par mimétisme inconscient tant ils passaient du temps tous les deux. Il n'était pas juste le bras-droit rêvé, il était un homme qui avait su à force de bienveillance et d'un peu d'insistance, qu'elle aurait pu lui reprocher avec le temps, forcé l'armure épaisse qu'elle s'était elle-même forgée en débarquant sur le sol Anglais. Après des années de solitude, il lui avait fallu un entretien pour fissurer sa détermination à ne s'attacher à personne ; il lui avait fait réaliser que ce n'était pas une vie de s'y enfermer par peur de se voir ravir la présence d'autrui – s'en étaient suivies sept longues années, et quelques aventures qu'ils étaient les seules à connaître et qu'ils avaient préféré qualifier comme telle. Ça leur plaisait de cette manière, de terminer dans les bras l'un de l'autre après des semaines de travail acharné sur un mariage parfait, sachant très bien qu'à partir du moment où ils mettraient une étiquette sur le lien qui les liait en dehors du travail, les choses changeraient indubitablement.
La vérité, c'était qu'Evie l'avait aimé, et qu'elle l'aimerait probablement toute sa vie, couvant des regrets que sa relation avortée avec Owen avait ancré dans son cœur comme autant de souvenirs qu'elle avait préféré refouler pour ne jamais admettre que Neal, lui, était ce qui ressemblait le plus à l'homme de sa vie. C'était ainsi. Maintenant, ils s'enfermaient dans un silence inconfortable parce qu'ils n'étaient pas armés pour affronter la réalité des choses, parce qu'ils étaient effrayés aussi ; de tout gâcher en rendant le tout trop concret tandis qu'ils s'étaient jurés de ne jamais en faire toute une histoire. Pourtant c'était la leur, et elle restait inachevée.
De nouveau, elle chercha à échapper à ses pensées sur le sujet et se concentra sur sa main que Maze avait saisie. Trop contrariée pour s'épancher sur ses déboires sentimentaux, elle dissémina des détails sur son existence actuelle, mentionnant Lara qui, elle en était persuadée, pourrait s'entendre à merveille avec la jeune femme. Elles avaient cette même énergie ; celle des individus qui cachaient leur souffrance derrière de jolis sourires. C'était réconfortant, de trouver des similitudes entre les deux jeunes femmes, mais ça ne la rassura pas pour autant, bien qu'elle tenta de faire tout comme en répondant à la brunette :
"Ce serait un point positif, tu sais… du genre à prouver ta détermination à mener à bien un projet. Un léger sourire, et elle continua avec sagesse "Après tout, il en faut de la motivation pour terminer toute une saison de 22 épisodes en une journée. C'est presque du sport." Elle essayait, Evelyn, de garder sa façon de s'exprimer avec Bambi sans donner l'impression de se questionner trop fort sur ce qui la tourmentait. Car elle en était certaine désormais, affirmant son attention, toute tournée sur le visage marqué de la jeune femme : elle n'allait pas bien.

Elle de son côté, elle n'avait pas la prétention de pouvoir rallumer la lueur chaleureuse qu'elle lui avait connue dans le passé, mais elle estimait que lui proposer son épaule pour s'épancher était la moindre des choses. Elle non plus n'était pas qu'une employée. Tout comme Neal, elle avait su amener à Evie une valeur qui lui manquait cruellement : le lâcher prise. Elle qui avait besoin de tout contrôler pour se sentir en paix, elle s'était aperçue, en observant Maze évoluer au sein de l'agence Pearson, qu'il y avait du bon dans l'idée de se laisser surprendre. Ainsi elle lui devait des fous rires, des discussions pas très sérieuses, si prenantes cependant, qu'elle s'en souvenait encore aujourd'hui, mais aussi d'interminables débats sur l'importance de glisser du Michael Bublé dans toutes les playlists des jeunes mariés dont ils s'occupaient ; de bons souvenirs, elles en partageaient tellement, que d'une certaine façon, c'était ce qui leur permettait d'entretenir cette relation – qu'importe qu'elles ne sachent pas grand-chose l'une de l'autre finalement, elles avaient été assez proches pour savoir ce qui faisait sourire l'autre. Si Neal avait été présent à ce moment-là, il aurait dit qu'il n'y avait rien de plus important que ça.
Il n'était pas question de sourire cette fois-là. Le dos retrouvant le dossier de sa chaise, la main de Maze quittant la sienne, Evelyn le comprit en se lançant dans une opération officielle pour sauver Bambi. A vrai dire, ça lui vint naturellement, apprenant qu'elle n'avait aucune activité à laquelle se raccrocher en ce moment. Un espoir dansa dans ses pupilles rétrécit par la concentration, quand soudain elle fût soumise à la réaction de Maze. Ses paroles étaient engageantes sur la forme… mais dans le fond, elle pressentit un retournement de situation qui la fit incliner la visage très doucement sur le côté alors qu'elle prononçait un "Mais ?" pouvant témoigner d'une certaine impatience, qui n'était pourtant qu'un encouragement à l'encontre de la jeune femme qu'elle couva d'un regard fixe, empli de douceur.
Sitôt, elle se redressa "Tu n'es pas défectueuse, Maze." la reprit-elle avec la même intention dans le ton, ne supportant pas qu'elle puisse user d'un vocabulaire aussi dur pour se désigner. Sans le vouloir vraiment, elle fronça les sourcils, mais son expression resta la même : bienveillante, elle ajouta "On a tous une image précise de la vie qu'on aimerait mener. Il y a des chanceux qui peuvent prétendre avoir atteint les buts qu'ils se sont fixés, et d’autres qui rencontrent des difficultés." Elle s'obstina à soutenir son regard, continuant sur sa lancée "Mais c'est interchangeable en vérité. Rien n'est jamais parfait… et c'est normal." Convaincue par ce qu'elle avançait, elle compléta un peu plus bas, toujours les yeux plongés à distance dans ceux de Bambi "Tu n'es pas défectueuse." Et peut-être qu'en le prononçant avec autant de détermination, elle essayait quelque part de se convaincre qu'elle non plus, elle ne l'était pas.
Elle l'avait longtemps cru, se croyant sous le joug d'une force supérieure qui l'avait prise en grippe dès sa naissance, et qui lui faisait payer ses défauts en la malmenant autant. Penser de cette manière, c'était plus confortable que d'admettre que c'était la vie qui voulait ça, que les histoires dépeintes comme le modèle à suivre pour vivre une existence douce et prospère n'étaient qu'un tissu de mensonge. Non, elles n'étaient pas défectueuses, ni l'une ni l'autre. Elle prit une légère inspiration qui fit trembloter indistinctement ses lèvres, rompant brièvement le contact visuel avec la jeune femme pour brièvement poser son regard sur ses propres mains qu'elle déplia sur le bord de la table "Ma proposition tiendra toujours dans le temps. Je ne plaisantais pas quand je t'ai dit que celui qu'il te faut pour faire la paix avec ce qui te tourmente n'a pas d'importance pour moi, et que je serai là." Elle releva la tête, le menton droit "Ça vaut aussi pour ça. Que ce soit aujourd'hui ou demain, tu auras toujours une place réservée dans mon équipe." Elle tenait à être limpide sur ce sujet, aussi ajouta-t-elle "La proposition a été faite, c'est à toi de décider quand tu te sentiras prête, je ne te forcerai jamais la main." Une pause rapide, et elle lui demanda "Mais Maze ? Promets-moi quelque chose." lui faisant face de l'autre côté de la table, Evie laissa percer une légère émotion quand elle conclut, les sourcils affaissés, et la tête opinant à mesure qu'elle déroulait la faveur à laquelle elle songeait "Ne t'enfonces pas dans tes secrets, d'accord ?"

La remarque d’Evelyn parvint à lui arracher un sourire. Elle n’avait pas vu les choses de cette façon mais cela pouvait en effet être une manière de les envisager. Si Maze était encore bien loin de la vérité, elle avait malgré tout toujours su que sa mentor et Neal étaient très proches l’un de l’autre. Tout comme elle l’avait été d’eux lorsqu’elle avait rejoint leur équipe. Au final, ils avaient tous trois très rapidement arrêté d’être des collègues pour se transformer en une véritable famille. Et comme toute famille, la leur avait ses défauts et ses dérapages. Mais le lien qui existait entre eux semblaient indéfectible et résistait à tout ce qui leur arrivait, ainsi qu’à la distance qui les avait séparés les uns des autres. Maze était persuadée qu’Evelyn et Neal finiraient par se retrouver, tout comme elles s’étaient toutes deux retrouvées une nouvelle fois. Le destin faisait parfois bien les choses et, même si elle n’était pas capable d’appliquer cette croyance à son propre cas actuellement, elle voulait plus que jamais y croire pour ces deux membres de la famille qu’elle avait choisie.
Elle esquissa un timide mais sincère sourire amusé quand Evie fit mention de sa capacité toute particulière à enchaîner les épisodes d’une série sans ciller. Surtout quand ladite série était pleine de rebondissements, de suspens et de personnages attachants que les scénaristes s’amusaient à écorcher de temps à autre pour jouer avec les émotions de leurs téléspectateurs. Il fallait sans aucun doute de la motivation pour enchaîner ce genre d’épisodes, mais aussi une bonne dose de self control pour ne pas s’énerver seule devant sa télévision -ce que Maze ne parvenait malheureusement pas toujours à faire-, et avoir les nerfs bien accrochés pour supporter la vision de son personnage favori se faisant malmener. Elles en rigolaient mais, à tout bien y réfléchir, cela mériterait peut-être effectivement de figurer sur un CV étant donné toutes les soft skills qui étaient mises à contribution.
Même si cela n’était pas flagrant, la simple présence d’Evelyn suffisait à apaiser profondément Maze. Tout comme la conversation avait le don d’écarter quelque peu les problèmes ancrés dans sa tête et qu’elle ne cessait de tourner dans tous les sens et de ressasser. Elle n’allait pas avancer et aller mieux si elle restait seule et, même si elle ne l’admettait pas encore complètement, elle commençait à se rendre compte que les rencontres qu’elle faisait et les connaissances qu’elles retrouvaient lui permettait petit à petit de se relever de tout ce qu’elle avait traversé. Il allait falloir qu’elle cesse de tourner en rond pour enfin accepter les mains qu’on lui tendait. Toutefois, sa reconstruction ne devait pas se faire au détriment des autres, surtout pas des gens auxquels elle tenait tout particulièrement. La proposition d’Evelyn tombait à point nommé et lui réchauffait le cœur tout comme elle avait instantanément tranquillisé son esprit, mais elle doutait encore trop d’elle et de ses compétences. Elle ne savait pas ce que le fait de reprendre le travail pourrait provoquer en elle. Serait-elle capable de mettre de côté ses idées noires pour être véritablement efficace sur le terrain ? Elle refusait de coûter de l’argent à Evelyn sans lui permettre un quelconque retour sur investissement. C’était aussi cela qu’elle entendait quand elle disait qu’elle se sentait défectueuse, les traits de son visage se faisant un peu plus tristes encore à cette idée. Le regard fuyant, elle trouva la force de relever son visage pour regarder Evelyn lorsque celle-ci reprit la parole, visiblement en désaccord avec elle. Sans même s’en rendre compte, Maze hocha instinctivement la tête en l’écoutant lui expliquer que tout le monde affrontait des épreuves avant d’atteindre leur but. « Perhaps the Earth was made round so that we would not see too far down the road. We set out on journeys full of hopes and expectations, but when we arrive, the destination never ends up looking exactly the way we had hoped it would. » La citation lui avait échappé avant même qu’elle ne réalise ce qu’elle était en train de faire. Elle l’avait entendue quelques jours auparavant dans un film et elle lui était instantanément revenue en mémoire à la suite des propos d’Evelyn. Ça n’était que maintenant qu’elle avait mis toutes ces informations bout à bout qu’elle en comprenait véritablement le sens. Elle ne pouvait pas s’attendre à ce que le chemin vers sa reconstruction soit linéaire et sans embuche. Tout comme elle ne pouvait pas s’attendre à ce que ce même chemin se fasse tout seul. Elle pouvait continuer d’avoir ses rêves et ses espoirs, mais elle devait aussi laisser venir les choses sans se torturer. Peut-être qu’Evelyn avait raison. Peut-être n’était-elle pas défectueuse. Ou si elle l’était, rien ne l’empêchait d’essayer de découvrir ce qui l’attendait au bout du chemin pour remédier à cela. Elle n’allait pas rester défectueuse indéfiniment. Et si elle devait laisser le destin jouer son rôle, il était malgré tout certain qu’il allait également falloir qu’elle y mette du sien pour aller mieux. Elle était entourée de gens prêts à lui faire confiance et à la soutenir pour l’aider. No questions asked. Evelyn n’avait pas cherché à absolument comprendre ce qui s’était produit dans sa vie pour la mettre dans cet état, elle avait simplement et purement à cœur de l’aider. A cette idée, Maze se redressa quelque peu, instinctivement, comme si son corps traduisait physiquement ce petit coup de boost qu’elle venait de ressentir. La proposition de son ancienne mentor de rejoindre son équipe l’avait surprise, mais elle l’avait également immédiatement séduite. Et Maze savait mieux que personne qu’il était important de suivre ses premières impressions. Présentement, elle ressentait un certain nombre d’émotions contraires et ambiguës et avait à la fois envie de pleurer toutes les larmes de son corps, mais aussi de serrer une nouvelle fois la brune dans ses bras. « Je sais pas si tu réalises à quel point ça me fait du bien d’entendre ça. » Et c’était le cas. Cela faisait bien longtemps qu’elle n’avait pas ressenti cette chaleur réconfortante qui parcourait son corps actuellement. « Je crois qu’il y a très peu de choses qui me feraient plus plaisir que d’avoir l’occasion de retravailler pour et avec toi. Je te promets d’y réfléchir sérieusement. » Son regard divagua une nouvelle fois sur sa boisson alors qu’elle réfléchissait à tout cela. Cela ne faisait aucun doute pour elle : son cœur lui criait d’accepter la proposition d’Evelyn. Mais son cerveau laissait encore le doute subsister quant au fait qu’elle soit en mesure d’être véritablement efficace dans son travail. Et elle ne voulait pas décevoir Evelyn. Il allait donc falloir que son cerveau et son cœur parlementent pour se mettre d’accord. Son regard se reposa avec curiosité sur son interlocutrice lorsqu’elle l’interpella pour lui faire promettre quelque chose. Elle sentit une boule se former au creux de son estomac en entendant la promesse qu’elle attendait d’elle. S’enfoncer dans ses secrets, c’était effectivement ce qu’elle s’était appliquée à faire ces dernières semaines, et cela ne l’avait menée strictement nul part. Il était peut-être temps de changer de stratégie. Et s’il y avait bien une personne à laquelle elle voulait pouvoir se confier plus que tout, c’était Evelyn. Elle prit donc son courage à deux mains et sembla réunir toute son énergie pour réussir à articuler : « Je te le promets. » Et elle allait tout faire pour tenir cette promesse.