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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyDim 17 Mai 2020 - 4:07

On l'entend de loin, le casino. On entend les machines qui tintent, on entend résonner la nuit qui est si illuminée qu'elle fait office de jour. Les notes crient et les conversations vrillent, les jetons pleuvent et les roulettes sonnent.

Elle les compte les cartes, même si elle ne les voit pas Ariane, les entend à peine. Elle compte celles qu'elle imagine être jouées aux tables de poker, de blackjack. À toutes les tables de l'hôtel même les plus VIP, celles auxquelles elle n'aurait jamais eu droit si elle n'était pas avec lui. Elle est drôle, l'ironie, quand elle est installée au fond d'un couloir lambda avec lui, et que les tables s'éparpillent sur des étages qu'elle ne connaît même pas, s'y attarde guère ; anonymes.

Sa chambre à lui est à droite, la sienne à elle est à gauche. Elle ne se rappelle même plus - le plus volontairement du monde - pourquoi ils en sont venus à jouer de rôles approximatif tirés d'un vieux western de combat, l'un l'autre à son bout de couloir, à toiser, bleu contre bleu et les sourires qui s'agencent. Elle allait à la réception pour une question qui n'en a que le nom, il allait apparemment remplir son sceau à la machine à glaçons. Le sceau d'ailleurs, qui trône entre eux deux maintenant. Il les nargue, il reflète les lueurs de jaune et d'or des chandeliers couvrant un plafond trop guindé s'étalant sur de longs mètres au-dessus de leurs têtes à une poignée de millimètres l'une de l'autre. Il reflète les Converse d'Ariane qui jurent avec le luxe qui tapisse les murs autour d'eux, le parquet vernis au sol. Il reflète le sourire en coin qu'arbore Saül, qu'elle entraperçoit dans l'angle. Ses prunelles n'en finissent plus de dériver vers le profil de celui qui est apparu de nulle part pour la ramener avec lui.

« La glace, elle va fondre. » elle pouffe presque Parker, ses doigts qui s'égarent dans ses mèches emmêlées par le vol, par la douche bouillante qu'elle a prise ensuite. Sa nuque brûle des courbatures accumulées à tenter de chercher la parfaite position, l'angle idéal pour qu'il cesse de râler avant la première escale, pour qu'elle puisse tout faire et surtout rager à la deuxième.

L'eau perle sur le métal suggérant qu'en effet, la glace va fondre. Le bout de ses baskets tape la mesure alors qu'elle appuie un peu plus sa tête sur le mur derrière elle, laissant ainsi glisser son regard vers un Saül aux cernes presque aussi bleues que ses costumes hors de prix. Il les a troqués pour un pull et un jeans, aujourd'hui.

Ils attendent et ils ne savent pas quoi.
Ils trouveront une excuse, si on leur demande, ils en ont une liste pleine qui se remplit au fil des secondes devenant minutes, flirtant avec des heures.
La nuit est jeune de toute façon, elle commence à peine.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyDim 17 Mai 2020 - 5:10

« La glace, elle va fondre. » « Ta faute. »

Les mains déjà froides de l'italien s'y plongent, dans le seau, pour en extirper un glaçon qu'il jette sur Ariane. La nuit est jeune, lui dormirait presque debout s'il n'était pas tenu éveillé par tout ça.
Ça, le rythme de la nuit à laquelle ils prennent part à leur manière.
Ça, la bataille silencieuse lancée par Ariane.
Ça, la guerre perdue pour la chambre porte-de-gauche. Un peu marxiste sur les bords, l'italien.

Sa faute si la glace fond, que lui laisse ses yeux reposer dans les siens à elle. « Quoi ? », qu'il lance dans le silence du couloir - lui n'entend que ça, le silence du couloir, quand tout sonne perte et gain d'argent - quand c'est lui qui l'observe, depuis quelques minutes. Elle est belle, Ariane, avec ses mèches de feu qui lui fondent - aussi - sur le visage. « La glace ne fondrait pas si j'étais rentré dans ma chambre de droite pour boire mon champagne seul. » Pas de perte de temps inutile, pas de sitting avec Ariane, pas cette sensation étrange qui monte dans sa colonne - ce doit être la fatigue. Lui aussi se brise la nuque pour la regarder dans les yeux, quand ses épaules lui supplient d'aller trouver un lit et vite, n'importe lequel, n'importe où même si ce doit être du côté droit.

Pour une fois, Saül n'a pas enfilé de complet guindé, qu'il a délaissé pour une tenue plus décontractée. Parfois, comme un vieux réflexe, l'homme d'affaires porte à sa gorge une main pressée d'y resserrer le nœud de cravate inexistant, un attribut qu'il a laissé dans la chambre. L'alliance, aussi : elle dort dans le coffre de la chambre, bien à l'écart du bruit et des regards. La montre, en revanche, trône toujours à son poignet gauche, fidèle à son tic-tac régulier et rassurant.

Le regard de Saül doit probablement être un peu brumeux à cause du vol, malgré la longue sieste passée à pousser la tête de Ariane de la sienne. « Demain on échange de chambre. » C'est la fatigue, qui le pousse à se comporter comme un enfant. Rien que la fatigue.

L'excuse donnée au monde, ce sont des vacances - oui, encore. Saül n'a pas pris de vacances depuis des années. Elise les a toujours pris à sa place : c'est un juste retour des choses. Son téléphone est éteint, de toute façon. Cette fois-ci, pour éviter les erreurs d'il y a - ce qui lui semble être - une éternité. Ce connard de Mark Malone prendra en charge les affaires le temps que Saül se décide à rentrer.

Pour l'heure, ses yeux se posent sur la montre, avant qu'ils ne retrouvent le regard bleuté de Ariane. « C'est la ville dans laquelle on ne devrait pas s'arrêter de jouer et regarde où tu nous mènes. », qu'il accuse encore, à voix basse. Les voisins les tueront probablement, s'ils sortent de leur chambre. Rien de tout ça n'a d'importance. « Comment tu vas faire, sans les habits que tu as laissé à ton amoureux de la tournée ? » Le sourire de Saül grandit encore. A son tour de s'orienter vers une mauvaise pente, le regard rendu brillant - par le seau doré, ce n'est rien d'autre que le seau doré et le mauvais éclairage et la fatigue et et et

« Je dois te prêter mes chemises ? »
La fatigue, juste la fatigue.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyDim 17 Mai 2020 - 6:08

Elle essuie du revers de la paume sa joue glacée, les éclats d'eau qu'il y a laissés auxquels elle répond d'un roulement d'yeux, condescendante de pacotille. La seconde d'après, elle songe à lui renvoyer la pareille, le sceau en entier tiens. Finalement il l'arrête en plein vol. « La glace ne fondrait pas si j'étais rentré dans ma chambre de droite pour boire mon champagne seul. »

Pauvre garçon dévié du droit chemin, quand Ariane n'en finit plus de sourire, quand elle se replace au point où elle croirait presque avoir trouvé l'arche parfaite pour ne pas avoir l'impression que sa nuque restera coincée ainsi pour une vie et une autre. « Tu manques une soirée in-croy-able à t'entendre. » c'est lui qui a l'âge des torticolis et pas elle ; elle se note de le lui souligner au fil de la nuit. Il est quelle heure, là? Qu'elle l'oublie.

Et qu'elle oublie le numéro de sa porte. Qu'elle oublie le jour qu'il est. Qu'elle oublie comment elle a laissé Brisbane derrière ; qu'elle oublie les motifs d'être ici au détriment d'être là-bas. Leur autre part vaut des dizaines d'ailleurs. « Demain on échange de chambre. » « Même pas en rêve ; je suis sûre que ta vue est à chier. » Ariane ne précise même pas qu'elle n'a pas besoin de voir - elle juge, toujours. La sienne de vue sera éternellement meilleure, la sienne de chambre aussi. Lui voler la gauche a un vif goût de victoire, réussite qu'elle attribue strictement à son côté du couloir et à rien d'autre.

« C'est la ville dans laquelle on ne devrait pas s'arrêter de jouer et regarde où tu nous mènes. » le couloir qu'ils investissent, un peu pour rien, certainement pour tout. « On vient juste d'arriver, calme ton problème de jeu mon gars. » son sourire à lui n'a de fin que son sourire à elle, leurs murmures se chevauchent. Les deux intrus scotchés l'un à l'autre sans même se toucher du bout des doigts, entre deux mondes qu'ils ont décidé d'aménager un temps comme le leur.

« Comment tu vas faire, sans les habits que tu as laissé à ton amoureux de la tournée ? »
« Saül. »
« Je dois te prêter mes chemises ? »
« Tes pulls sont mieux. » sa main dévie et dérive, à son tour à elle de tirer le tissu de ses vêtements, le coton qu'elle triture, qu'elle pèse et tâte. De toute façon, il ne l'a pas dans sa valise, sa chemise préférée. Elle trône dans un souvenir aménagé rien que pour elle, sur un autre continent et un autre fuseau horaire. De l'autre côté de l'océan ils se réveillent tous alors qu'eux deux ne rêvent que de dormir. Pourtant, personne ne ferme l'oeil - elle comme lui, à s'en assécher les rétines, à se défier d'un combat de regards que personne ne perdra. Ensemble, ils ne font que gagner.

Parlant de gagner, justement. « T'as l'air épuisé t'arriverais pas à te concentrer et faudrait que je gagne pour deux. » ils ont tout le temps du monde pour les colliers, pour les pierres précieuses, pour les victoires à eux et les défaites des autres. Elle n'a pas demandé quand ils partaient comme elle n'aurait même pas demandé de base où ils allaient. Elle l'a appris à la dure Ariane, que poser des questions ne signifiait pas de vouloir entendre leur réponse.

Son index remonte, il vise les cernes de l'italien, ne touche pas une seule parcelle de peau quand bien même elle s'en approche au point de sentir le bout de ses cils s'il lui fait l'affront de casser le staring contest en clignant des paupières. « C'est pour ça, qu'il est indispensable, le jet privé. » pour qu'il puisse dormir dans son propre siège à lui, pour qu'il n'ait pas des sécurités et énièmes douanes interminables à passer, pour qu'il puisse choisir l'heure du départ mais surtout l'heure d'arrivée. Lui, que lui, pas elle. Elle s'isole de l'équation pour toutes les raisons du monde ; « On partirait où, après? » quand la seconde d'après elle s'inclut à nouveau, pour une raison et une seule.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyLun 18 Mai 2020 - 1:54

« Tu manques une soirée in-croy-able à t'entendre. »
« Tu n'as pas idée. Tu as vu tout ce que je sacrifie- » pour t- « -juste pour qu'au final tu te montres ingrate ? »

Il leur faut échanger de chambre, c'est la solution à toutes les guerres pour lesquelles ils préparent des armes depuis quelques longues minutes. La lumière crue du couloir brûle les yeux de Saül. Pour ça, il lui en voudra jusqu'à la fin de ses jours - jusqu'à ce qu'il oublie, du moins. « Même pas en rêve ; je suis sûre que ta vue est à chier. » En secouant la tête, l'italien ricane, soupire, prépare une autre repartie à lui lancer mais rien ne vient. Elle s'en fiche, de la vue. Elle veut juste le côté gauche, juste comme d'habitude. Pourtant, il se sont dit tacitement qu'elles n'avaient pas lieu d'être - pas maintenant, jamais, même si ailleurs est un univers qui répond à des lois différentes - les habitudes. Voilà pourquoi, sûrement, ils en reviennent encore aux petites batailles intestines dont ils ne se lassent pas. Encore un jeu duquel Saül est addict sans même essayer d'y travailler.

« On vient juste d'arriver, calme ton problème de jeu mon gars. » Parfaite transition vers quelque chose d'un peu plus superficiel et qui lui donne à lever les yeux au ciel et à soupirer, encore. Même à elle il ne confira pas ses besoins compulsifs de se trouver devant une table de poker plusieurs fois par semaine - moins, quand elle n'a pas été là. Que les temps étaient durs, qu'elles ont été mises à rude épreuve, sa patience et sa fièvre du jeu. « Je n'ai pas de problème de jeu. », qu'il marmonne quand même pour la forme, dans l'espoir de mettre les choses au clair quand la phrase aura probablement l'effet inverse.

« Saül. »
Ariane.
« Tes pulls sont mieux. »
« Tu haïrais mes pulls. » Elle trouverait qu'ils grattent, qu'ils piquent, que les couleurs sont fades, qu'ils sont trop chers pour un tissu qui n'en vaut pas la peine, elle trouverait trop de choses à redire quand bien même les portera - les porterait-elle à merveille. Saül suit des yeux cette main qui part à la dérive, crève d'en embrasser la peau, se contente d'y accrocher ses pupilles avant de les laisser remonter vers les yeux bleus de Ariane. Malgré le contact, ses yeux ne dérivent plus. « T'as l'air épuisé t'arriverais pas à te concentrer et faudrait que je gagne pour deux. » « Tu sais que tu ne peux pas faire ça. » Non, elle ne peut pas, du moins tente-t-il de s'en convaincre sans oublier de sourire, pour camoufler combien la pique lui coûte, combien il parlait pour lui, le joueur aux poings liés depuis trop de temps maintenant. La frénésie ne le prend pas, pourtant. Le couloir est accueillant. De nouveau, il est bon de tout remettre sur le dos de la fatigue, qui tire effectivement les yeux de l'italien et accentue les petites pattes d'oie qui marque le contour de ses paupières.

Les prunelles de Saül sont toujours fermement plantés dans celle d'Ariane, quand elle bouge encore. Le quarantenaire refuse de perdre la bataille de regard dans laquelle ils se sont lancés, même si elle signifie que d'ici quelques heures, il aura probablement gagné un torticolis - et la victoire, aussi, détail parmi tant d'autres. « C'est pour ça, qu'il est indispensable, le jet privé. » Là dessus, il lâche un rire un vrai, le plus sonore depuis des lustres. « Je le savais, que tu n'avais accepté de venir que pour la perspective de pouvoir un jour monter dans cet avion. » Il suffirait de fouiller dans l'historique de Saül pour voir qu'il a déjà poussé les recherches, qu'il connaît par cœur les prix du marché et ce qu'il sait déjà parfaitement ce qu'il achèterait si l'occasion venait à se présenter.

« On partirait où, après? »
« Ariane. », qu'il souffle dans un sourire. Pour une fois, ce mot là ne sonne pas comme une remontrance. « On vient d'arriver. Je t'ennuie tant que ça ? » Une perche tendue pour un grand "oui". C'est que, les escapades aussi, pourraient devenir des habitudes - si elles n'en sont pas déjà. Merde. « Tu avais l'air contente que je vienne te chercher, pourtant. », qu'il nargue, appuyant son index contre l'épaule de Ariane par à-coups au nombre infini. Quand sa main s'arrête, suspendue dans les airs, il n'a toujours pas lâché Ariane des yeux. La bataille ne prend fin que lorsque l'un d'entre eux rend les armes, c'est la règle. « Ou c'est Auden et Ginny, qui t'ennuient ? » Les voilà les coupables désignés, eux qui débordent d'amour et semble libres, si libres. C'est qu'il les envierait, l'aîné - préfère mourir que de l'avouer, pourtant.

« Partout où il n'y aurait pas de ville. » Partout où il n'y aurait personne, eux et juste eux. Adieu aux spectateurs, vous ne manquerez à absolument personne. « De la campagne. J'ai envie de grands espaces. » Les villes, il en a assez. Elles sont embêtantes, pleines de téléphones qui ne cessent de sonner et de pensées obsédantes, d'affaires à conclure et de rappels de la vie. « Un endroit où il n'y a pas trop de vent. Je déteste le vent. » Il a assez à faire avec les orages et les tornades du moment, Saül. Sa vision périphérique remarque quelque chose, dans la nuque d'Ariane. Une étiquette, vers laquelle il fait courir ses doigts juste pour avoir le privilège de la rentrer sous son tee-shirt. Les peaux se frôlent, assez pour que Saül se brûle les doigts en sentant le contraste froid-chaud. Un contraste qui lui a toujours plu, trop. Dangereusement trop.

« Je veux les terres, pas l'océan. » Je veux, pas je voudrais.
Qu'est-ce que tu veux, toi, Ariane, en abandonnant le conditionnel ?
Il y a une bouteille dans la chambre de droite qu'ils pourraient boire dans la chambre de gauche. C'est plus prudent de rester au centre, dans ce couloir là, le terrain neutre.
« Ce n'est pas ce que veulent les auteurs ? De la tranquillité, pour écrire ? » Pour écrire, entre autres. Les livres suivants aussi, serviront de fausse monnaie d'échange pour tous les demains et les ailleurs.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyLun 18 Mai 2020 - 5:14

« Tu n'as pas idée. Tu as vu tout ce que je sacrifie juste pour qu'au final tu te montres ingrate ? »
« Personne te retient. » reste.

Les couteaux volent bas, à ras les murs qu'ils ont effrontément décidés de prendre pour acquis comme s'il s'agissait de leur propre salon de thé, leur chambre à confidences. « Je n'ai pas de problème de jeu. » elle a piqué et il a répondu, elle ne dira rien non plus. C'est pas ses affaires et elle serait bien mal placée pour juger la rousse, elle qui ne sait jamais vraiment quand s'arrêter, elle qui ne veut jamais vraiment cesser non plus. Elle flirte toujours avec la prochaine carte, avec la prochaine mise, elle risque gros et brûle à chaque fois les deux bouts de la chandelle. « Si tu le dis. » si elle a remarqué, si elle l'a remarqué, c'est qu'ils sont pareils. Pour ça, que pour ça. Certainement pas pour le reste.

« Tu haïrais mes pulls. » « Tu haïrais qu'ils m'aillent aussi bien à moi. » pas mieux ; comme tout le reste. Elle prend pour acquis qu'elle gagne là aussi Ariane. C'est facile dans sa tête, de compiler les victoires quand elles sont aussi minimes, quand elles n'impliquent pas d'énièmes élans de rage sous la pluie. Ils jouent autant ensemble que l'un contre l'autre, pourtant elle se sent tout sauf seule dans leur couloir délaissé, pour le plus grand bien de la scène inégale qu'ils sont en train de jouer. Ils savent pas ce qu'ils sont eux deux, ils ne (re)mettront probablement jamais de mots dessus pour cause de l'avoir déjà fait, et d'en être revenus à ça, à pire qu'au début. « Tu sais que tu ne peux pas faire ça. » « Peux, veux ; la ligne est mince. » et ils se le prouvent à chaque regard soutenu, à chaque sourire qui en ranime un autre. Ils s'aiment et ils sont foutus.

Le mur est froid, sa peau contraste. Y'a son rire à lui qui perce le couloir, les autres sons s'y perdent et elle l'entend le reproche qui remonte, le sourire aux lèvres. « Je le savais, que tu n'avais accepté de venir que pour la perspective de pouvoir un jour monter dans cet avion. » techniquement, elle n’a jamais officiellement accepté. C’est l’officieux qui compte, toujours lui. « Me blâme pas de rêver. » il peut pas la blâmer de se rattacher aux détails, à l'hublot qu'elle aura jamais, celui qu'elle a sacrifié à Paris en redressant le menton, les épaules avec, grande et stoïque, un peu cassée mais pas plus qu'à l'habitude. À ça elle s'habitue, parce qu'ainsi elle se rappelle aisément que chaque nuit est potentiellement la dernière. C'est plus facile, c'est elle qui l'a demandé de base, c'est elle qui devrait l'assumer maintenant au lieu de simplement faire comme si.  

On partirait où, après?
« Ariane. »
Saül.

« On vient d'arriver. Je t'ennuie tant que ça ? Tu avais l'air contente que je vienne te chercher, pourtant. » elle roule des yeux, il voit tout, elle fait exprès pour. Se satisfaisant de son expression suffisante, y'a son doigt à lui qui vient s'égarer contre elle quand elle les regretterait quasiment les pulls à haïr. Eux qui formeraient une bien meilleure barrière au contact qu'ils se proscrivent férocement, meilleure barrière que son vulgaire t-shirt qui date de deux jours et deux vols - et une demie tournée. « Ou c'est Auden et Ginny, qui t'ennuient ? » c'est à elle de rire, c'est son tour et elle le prend, laissant sa tête rebondir doucement par trois fois sur le mur glacé où elle se repose la seconde d'après. Ses yeux n'ont même plus envie de dériver des iris de Saül et elle s'enrage elle-même. « Ils sont lourds, avoue. »

Il finit par répondre l'italien, et c'est con, ils l'avaient presque échappée belle. Elle allait presque se tirer, elle allait presque rentrer dans sa chambre et le laisser avec le sceau d'eau maintenant, l'eau sur laquelle elle se concentre un temps. « Partout où il n'y aurait pas de ville. » plutôt, elle se replace, redresse une épaule, se donne presque l'impression d'être confortable quand la crampe qui se loge le long de sa colonne vertébrale agresse sa hanche maintenant. Connerie.  « De la campagne. J'ai envie de grands espaces. » si elle quitte ses prunelles, c'est simplement pour narguer ses chaussures, pour se moquer comme l'ingrate qu'elle est censée personnifier à la perfection encore et toujours. « Faudra sacrifier tes souliers cirés et tes costumes trop cintrés. » elle reprend sa place au creux de son bleu à lui, s'y complait comme une pauvre conne bien trop naïve pour ne pas s'haïr la seconde d'après. « Un endroit où il n'y a pas trop de vent. Je déteste le vent. » « Ah voilà, princesse précieuse est de retour. » il porte très mal les robes et elle rage Ariane, elle enrage. D'être à l'autre bout du monde avec lui et de pas pouvoir faire autre chose que de jouer les potiches de couloir à le fixer, à le détailler, à enregistrer chaque détail comme si elle tentait de se convaincre que c'étaient les derniers. Il fait juste replacer sa putain d'étiquette contre sa nuque et elle en a des frissons l'idiote. Dans une poignée de secondes elle va finir par l'embrasser et c'est là où elle va vraiment tout haïr Ariane. En attendant, sa hargne de concentre sur ses talons qui battent la mesure contre le plancher le moins confortable de l'histoire de l'humanité. Être amis c'est à chier.

« Je veux les terres, pas l'océan. »
« Impérialiste. »
« Ce n'est pas ce que veulent les auteurs ? De la tranquillité, pour écrire ? »
« Du vin aussi, ils veulent du vin pour écrire. »

Et elle veut du vin aussi, pour gagner sa tranquillité. Qui décide de passer la nuit à parler dans un couloir dévoilé quand ils auraient très bien pu investir une chambre ou l'autre? Ils sont pas des animaux et ils peuvent très bien se contrôler, ils sont des adultes et merde il arrêtera jamais de sourire et merde elle arrêtera jamais d'admirer. « C'est qu'une tactique de plus pour m'acheter ça, je vois clair dans ton jeu Mass. » elle sort les cartes de fond de paquet, quand elle fait un doublé entre son nom d'avant et la pire contraction à laquelle elle peut penser dans l'instant quand elle pense surtout à tout ce qu'il faut pas. « Tes terres, ta tranquillité. » tes vacances, tes règles. Elle les suit à la lettre, pourtant, elle qui d’ordinaire déteste qu'on lui dise quoi faire. Les bonnes habitudes en sont de mauvaises. « Mes terres à moi seront meilleures, plus grandes. » elle soupire, bien plus pour elle que pour lui, l'air venant se casser sur l'épaule de Saül qu'elle heurte volontairement de la sienne, provocatrice de pacotille. « Laisse-moi écrire deux autres livres, Sophie se chargera des détails, et on en reparlera quand on sera voisins. » un futur contre son conditionnel.

On partirait où, après?
On part où, après?
« T'es déjà allé en Islande? »

Sûrement pas. Ça voudrait dire qu'il aurait dû troquer ses cravates et ses chevalières pour un sac à dos de randonnée et des espadrilles à crampons. « Y'a les terres et l'océan là-bas. » elle fait une liste qui sert à rien mais ça lui sert à elle, c'est la direction qu'elle prend, quand sa jambe prend la direction de celle de l'italien, qu'elle snobe d'un pied le sceau glacé pour poursuivre son attaque en bafouant ses souliers cirés de ses baskets percées à elle. « Mais tes grands espaces ils sont noyés de vent. Que veux-tu, tu peux pas tout avoir. » peux, veux ; la ligne est mince. Y'en a plus de ligne, aussi, quand elle allonge ses jambes sur les siennes, quand elle envahit son espace mais qu'au moins, elle l'embrasse pas. Pas déjà.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyMar 19 Mai 2020 - 2:43

« Tu haïrais qu'ils m'aillent aussi bien à moi. » Comme beaucoup de choses. La liste devient longue, à force, entre les chemises et la montre.
« Tu t'en plaindrais, te montrerais ingrate. » Comme tout le temps, comme d'habitude.

Le couloir est tranquille, baigné de silence. Il coupe les bruits qui viennent de l'extérieur, étouffe la musique et casse l'ambiance qui émane des rues. Les bâtiments sont lumineux - presque plus lumineux encore - qu'en plein jour. Le couloir est aseptisé, propre, aux couleurs crème. Tout ici devrait ne pas éblouir l’œil, et permet à Saül de se concentrer sur d'autres détails. Les cheveux de Ariane tranchent largement avec l'épuré des murs. Saül voudrait y glisser les doigts, y laisser prendre ses chevalières, les envahir d'or et de chair. « Peux, veux ; la ligne est mince. » « On ne va pas par là. », qu'il rétorque plus bas. On ne va plus par là. Lui voudrait s'y jeter, par là - la drama queen.

C'est un petit miracle qu'elle soit ici, qu'elle n'ait pas refusé de mettre les pieds dans l'avion. Elle aurait pu demander à ce qu'il la dépose chez elle, elle aurait pu feindre la fatigue après cette tournée éprouvante. Le jet privé n'est toujours pas acheté, après tout, et dieu seul sait que les avions et le public qui les fréquente peuvent s'avérer être une source détestable d’interactions sociales non désirées. « Me blâme pas de rêver. » Lui aussi, en rêve. En rêve seulement ?

Saül aurait pu rester à Brisbane, finalement, plutôt que de rester seul à Vegas, à piquer Auden et Ginny de ses répliques cinglantes. C'est plus drôle quand Ariane est là pour y répliquer. Auden est trop occupé à penser à son ailleurs à lui. Peut-être que Ariane aussi, s'ennuie avec eux. Peut-être qu'ils auraient dû prendre un hôtel différent, ou carrément une ville différente. Serait-elle venue, Ariane, si ça n'avait pas été Vegas ? S'ils n'étaient pas justement dans la capitale de leur royaume de la nuit ? « Ils sont lourds, avoue. » « Ils sont lourds. », qu'il concède sans peine dans un hochement de tête, sans la lâcher des yeux pour autant. Il y a une bataille sans récompense - sinon le loisir de pouvoir la narguer jusqu'à la fin des temps - à la clef, quand bien même la mène-t-il sans poser de questions. C'est bien, ainsi, un juste retour des choses. Le jour ne leur a pas réussi, la dernière fois. Ou justement : leur a trop réussi. C'est mieux de retourner sur un terrain qu'ils connaissent, sur lequel ils sont stables - presque.

Presque, sauf quand ils évoquent déjà le prochain ailleurs, tâtant les limites à grands renforts de conditionnel. Il s'applique, Saül, à ne pas déborder du cadre qui leur a coûté cher la dernière fois. Elle a perdu, Ariane, quand elle l'a quitté des yeux pour se moquer de ses chaussures. « Faudra sacrifier tes souliers cirés et tes costumes trop cintrés. » « Tu feras attention, quand tu fronces les sourcils comme ça, tu as une jolie ride du lion qui se forme. » Elle a un visage parfait, Ariane. Expressif, à la peau veloutée, laquelle il n'a plus le droit - ne se donne plus le droit - d'approcher. Quand il lève un index, paume ouverte et doigts écartés, pour lui désigner cette ride qu'elle n'a même pas un peu, ce n'est que pour frôler - à peine - la peau de son visage. La seconde d'après, sa main à retrouvé le couvert de l'une de ses poches. Sa ride du lion à lui est bien marquée, trace de ses bouderies quotidiennes et des râleries dont Ariane a déjà eu de longs extraits. Mais repartons sur les voyages, la thématique est étrangement plus sécurisante que les marques du temps qui passe. « Ah voilà, princesse précieuse est de retour. » Le regard de l'italien se fait réprobateur et oh, le voilà le bel exemple de son froncement de sourcil qui lui creuse les traits et rendrait presque son visage méchant, s'il avait arrêté de sourire.

« Impérialiste. » Elle envahit son espace, c'est elle l'impérialiste qui lui vole du terrain un peu plus à chaque instant.
« Du vin aussi, ils veulent du vin pour écrire. »
« Ça, c'est une excuse. D'accord pour les terres et le vin. » L'endroit le fait déjà rêver. Pourquoi Saül donne-t-il un d'accord, quand ils ont abandonné le conditionnel ?

« C'est qu'une tactique de plus pour m'acheter ça, je vois clair dans ton jeu Mass. » « Oh je n'ai pas besoin de ça pour t'acheter, tu le sais très bien. », qu'il souffle en adoucissant un peu le ton. Elle sait, c'est ça le pire. Il n'y a pas de cuisine, ici. Pas de quoi faire un tiramisu, donc. Saül pourrait l'acheter avec des jours de plus, quand bien même la terminologie est-elle probablement bannie pour un long moment encore. « Tes terres, ta tranquillité. » Saül s'en fiche, d'être tranquille, au final. Elle s'est exclue du on irait où, après ? rien qu'en employant le tu, alors lui n'en veut plus. « Mes terres à moi seront meilleures, plus grandes. » Le contact lui donne à secouer la tête - ou à sourire, encore, c'est comme on préfère. « Les grandes terres, souvent, ça ne vaut rien du tout. Quelques hectares au bon endroit, en revanche... » Il ne penserait pas au profit si elle ne s'était pas exclue du partage. Elle l'a cherché. « Laisse-moi écrire deux autres livres, Sophie se chargera des détails, et on en reparlera quand on sera voisins. » « Le temps que tu écrives ces livres, j'aurai déjà eu le temps d'acheter trois propriétés comme celle que tu convoites tant. », qu'il nargue encore. « Et on ne sera pas voisins. » C'est dit sur le plus moqueur de tous les tons, celui qui déborde de "tu dis vraiment n'importe quoi" et qui lui donne encore à froncer les sourcils en secouant la tête. Non, Saül ne veut pas d'elle pour voisine.

« T'es déjà allé en Islande? » « Jamais. », qu'il concède, le ton de nouveau curieux. Saül n'a jamais traîné nul part, s'est toujours empressé de poser ses valises de droite à gauche - mais surtout à droite, pour l'instant - vite vite vite. Jamais il n'a vraiment pris le temps de visiter ou de faire autre chose que des meetings ennuyeux avec des gens qu'il a toujours méprisé.

« Y'a les terres et l'océan là-bas. » Qu'est-ce que tu fais, Ariane. Quand elle se rapproche, que lui joue l'étonné derrière une expression qui trahit tout ce qu'il pense presque à voix-haute. « Ha oui ? » Bien sûr que oui, triple imbécile d'idiot fini. « Mais tes grands espaces ils sont noyés de vent. Que veux-tu, tu peux pas tout avoir. » « C'est décevant. » Et presque le seau devient-il superflu quand Ariane passe ses jambes par dessus celle de l'italien. On mettra le tout sur le confort; et la main gauche de Saül par dessus le tissu qui les couvre aussi. Ça et la fatigue. « Mais tu as raison, dans la vie il faut faire des choix, mh ? » "Tu as raison" est une combinaison que l'on entendra plus jamais de sa bouche, pas plus qu'il ne reviendra sur ce qui le pousse à écarter le seau, encore entre eux. Le seau file à droite, les oubliettes. Il est rempli d'eau, de toute façon. Et l'océan qui les séparait autrefois n'a plus lieu d'être. Saül a éteint son téléphone en même temps qu'il a posé le pied à Vegas.

« Tu veux que j'achète en Islande ? Mais est-ce qu'ils ont du bon vin, même, en Islande ? » Est-ce qu'ils ont de quoi nourrir ton inspiration et mes envies de tranquillité, hors de la tempête ? La tempête n'est pas encore passée. Ici, ils sont tout juste dans son œil, là où les vents sont les plus calmes. Si les prunelles de l'italien quittent celles de Ariane, ce n'est que pour détailler le reste de son visage. Il n'en a plus été aussi proche depuis Paris, depuis avant. Les habitudes ont la vie très dure, celle là lui avait un peu manqué. Celle là lui tord le ventre et lui serre la trachée.

Quand il a détaché sa main gauche de l'une des jambes de Ariane, ce n'est que pour mieux la remplacer par la droite. Ses doigts glacés tâtes les mèches encore humides qui encerclent le visage de la trentenaire. Ses doigts glacés prennent leur temps, impriment, se souviennent, chassent et appellent des souvenirs de l'autre bout du monde.

« Tu as raison. » Encore ? « Je suis sacrément impérialiste. » A son tour d'envahir son territoire à elle, de sceller une alliance qui a survécu à ces semaines trop longues. Il a perdu le combat de regard, Saül, en même temps qu'il échoue sa bouche contre celle de Ariane dans le silence parfait du couloir. Il lui donne raison, encore, quand il soupire contre la peau de la française, niche quelques baisers juste sur la ligne de sa mâchoire, sans se presser. Trois, seulement, bien répartis le long de sa peau, pas indécents ni glissés contre la peau de son cou. Le chemin inverse est si facile, même les yeux à demi-clos. Là aussi, la faute aux habitudes et aux non-dits - aux dits, aussi, un peu. Aux dits qu'il ne se risquera pas à redire encore, Saül, pas au risque de se piquer encore aux réalités du monde extérieur qui les attend probablement, après le couloir.
Après l'océan.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyMar 19 Mai 2020 - 18:55

« Ils sont lourds. » ils le sont et ils portent tous les maux du monde dans l'instant. Ils l'énervent Ariane, quand ils menacent de tourner le coin du couloir à chaque seconde, dégoulinants d'un amour qu'elle méprise presque autant que la distance pathétique qu'ils s'imposent, elle et lui. La distance qui lui apparaît bien plus grande en centimètres qu'en océans.

Elle n'a pas perdu en dégageant ses yeux des siens non - pour ça, faudrait qu'elle ait eu envie de jouer, envie qu'elle reprend au vol quand il nargue. « Tu feras attention, quand tu fronces les sourcils comme ça, tu as une jolie ride du lion qui se forme. » c'est lui l'ingrat avec son doigt qui n'a pas d'affaire, c'est lui qui tente de prendre une place qu'elle maîtrise à la perfection et qu'elle ne lui lèguera pas de sitôt. C'est facile, quand ils reprennent ces rôles-là, quand ils laissent les insensés ailleurs, à être trop raisonnable- ment chiants - en l'instant. « Tu feras attention, quand tu parles comme ça j'ai une jolie envie de te casser les dents qui se forme. » elle ne se souvient plus à quel moment elle a commencé à sourire autant Ariane, et probablement que le mieux serait qu'elle se contente d'attaquer à nouveau ses souliers des siens pour que ça passe. Ça passe pas. Rien de tout ça ne passe, rien de tout ça ne l'ennuie. Alors elle râle et elle rage, au moins, elle en a le droit.

« Ça, c'est une excuse. D'accord pour les terres et le vin. »
« Le vin d'abord, les terres ensuite. »
« Oh je n'ai pas besoin de ça pour t'acheter, tu le sais très bien. »
« Tu crois vraiment ça, toi? »

Son sourcil se hausse, sa nuque se replace, son corps entier veut se tirer, mais elle reste là, ancrée au sol et ancrée à lui. C'est d'un ridicule et pourtant ça continue. Ça continue quand elle fabule et se retire du plan, le lui lègue comme le reste, parce qu'entre pouvoir et vouloir il a fait son choix et elle tangue à faire de même. D'ici là, faut juste qu'elle arrête de pincer la peau de son poignet à chaque impulsion qu'elle rattrape, sa main qui se meurt d'aller dégager ses mèches de jeune premier - pas si jeune mais éternellement premier - qui tombent pas assez à son goût. Il a le pull décontracté et la tête bien trop guindée ça passe pas, ça passe plus. Ça devrait. « Les grandes terres, souvent, ça ne vaut rien du tout. Quelques hectares au bon endroit, en revanche... » « Laisse-moi écrire deux autres livres, Sophie se chargera des détails, et on en reparlera quand on sera voisins. » « Le temps que tu écrives ces livres, j'aurai déjà eu le temps d'acheter trois propriétés comme celle que tu convoites tant. Et on ne sera pas voisins. » son rire est sec, le sien tout autant. « Oh si, on sera voisins. Et tu pourras t'étouffer avec le sucre que t'arriveras jamais à m'emprunter. » et la voilà qui reprend son dû, qui reprend sa place dans un tableau hypothétique qui même s'il n'existera jamais vaut bien mieux que tout le reste. À quel moment ont-ils décidé qu'ils recommenceraient plutôt que de s'arrêter?

L'Islande, c'est loin. C'est loin d'ici et du foutu couloir inhabité par l'univers entier mais pas par eux, leur royaume inopiné. C'est loin des deux lourds de service qui peuvent les surprendre à tout moment, c'est l'équivalent d'une île déserte de glace et de feu, de terres et de vents. Et ça lui fait envie, à l'idiote qui n'arrête pas de le détailler comme si ça allait calmer ses envies. « Jamais. » « Tu manques quelque chose. » elle y est allée, y'a des années. Elle y est allée et elle ne lui en dira rien. Qu'il le voit de ses yeux, si c'est ça qu'il veut. Elle a fini de fabuler.

Les négociations n'en ont même plus l'air, quand ses yeux font tout pour ne pas scruter la montre qu'elle sent se poser de tout son poids, la main et le poignet et le bras avec, sur ses jambes. « Mais tu as raison, dans la vie il faut faire des choix, mh ? » « J'ai raison pour bien des choses, pas juste pour ça. » mais elle a pas raison de rester là. Elle a pas raison de le regarder comme ça, elle a pas raison de presser de l'arrière des talons pour le ramener à elle, et elle a encore moins raison de grogner quand il reste immobile. « Tu veux que j'achète en Islande ? Mais est-ce qu'ils ont du bon vin, même, en Islande ? » demande-lui directement, pauvre bâtard. Demande-lui de suivre pour vrai au lieu de passer par 4 chemins et 40 autres, demande-lui et assume qu'elle dise oui. « Tu voudrais acheter, en Islande? Le vin c'est pas un problème, ça s'importe. Sinon leur schnapps est pas si mal. » et arrête, toi. Arrête de faire l'ignare doublée d'une chieuse de compétition comme si t'en crevais pas d'envie avec ton vin à mille balles juste en frais de transport, et ton schnapps pas buvable qui rendrait des gens aveugles.

Ses mots à elle qui volent et ses gestes à lui qui se décalent, le sceau avec. « Tu as raison. » « Encore? » « Je suis sacrément impérialiste. »

Y'a sa paume qu'elle pose sur son torse par simple soucis de rébellion de bac à sable, quand Saül s'affaire à poser ses lèvres sur les siennes. Elle le repousserait Ariane, elle irait dans un sens parce qu'il est logiquement allé dans l'autre et elle en rirait à gorge déployée la fourbe, avant que ses doigts ne s'enserrent au tissu du pull sorti de nulle part de l'Italien. Le pull qu'elle connaît pas, qu'elle déteste moins que les autres parce qu'il s'agrippe bien, parce que la seconde d'après elle l'attire vers elle sans qu'il ne cède à ses doigts empressés, ses lèvres qui le sont toutes autant. Des traits glacés barbouillent sa peau, ses traits bouillants à elle s'égarent sur les bras de Saül, sa nuque qui n'en sort pas indemne maintenant qu'il s'attaque à sa mâchoire sans laisser la moindre parcelle d'épiderme en reste.

Je suis sacrément impérialiste. « Et sacrément con. » qu'elle reproche, entre deux rires, entre deux baisers fiévreux par sa faute à lui maintenant, tout est à cause de lui et surtout ça. « Ton idée d'être potes, c'est de la merde. » à elle de dériver, à elle de jouer de nouveau, ses lèvres qui glissent de la commissure des siennes jusqu'à la naissance de sa mandibule, remontant jusqu'à son oreille d'un souffle d'un seul. « C'est ta faute et c'est chiant et sérieusement, le sceau, il est chiant lui aussi. » le sceau qu'elle pousse dramatiquement d'un pied, qui décharge son contenu sur le plancher ciré, plancher glissant à portée. Elle, elle passe une jambe par-dessus les siennes, se retrouve installée face à lui et sur lui et certainement pas à lui laisser la moindre marge de manoeuvre. La faute qui lui est donnée quand c'est elle qui avait ouvertement exigé de tout arrêter. Elle s'en souvient volontairement plus des règles, elle déteste tricher mais c'est ce qu'elle fait de mieux, à colorier hors des lignes, et à l'embrasser hors des limites qu'ils se sont stupidement imposées.

***

Ce serait mentir de dire qu'elle ne s'en réjouit pas Ariane, elle ne se ferait même pas chier de le nier si vous lui demandiez. Le ticket gagnant bien enfoui dans son sac à main qui s'agence parfaitement à la robe qu'elle a ajoutée à sa garde-robe simpliste, elle se balade dans la salle à baie vitrée. Aire ouverte qu'ils ont trouvée au détour d'une chambre de poker et d'une autre de black jack, celles qu'ils ont noyées de leur victoire comme eux se noyaient de champagne, les clichés ambulants qui ont retrouvé les vraies bonnes habitudes, celles des débuts. Celles d'avant Paris, celles d'avant les orages, celles d'avant les règles de merde aussi. Règles qu'elle nie toujours, la rousse, sa main attrapant le poignet - la montre, toujours la montre - d'un Saül qui dévie à sa hauteur quand elle finissait de faire un tour du propriétaire, de valider où vraiment ils venaient de s'incruster.

La vue sur la ville est incroyable tout en haut du ARIA - et bien sûr qu'ils ont choisi de rester pour ça. Autour, y'a une soirée à laquelle elle n'a absolument pas portée attention, la simple raison pour laquelle ils sont montés restait d'exhiber tout ce qu'ils avaient bien pu gagner, voler, dérober, confisquer et autres synonymes à la crème - aheum - des joueurs qui s'agglutinent autour d'eux. Elle l'embrasse Saül, elle met ça sur la victoire et certainement pas sur le reste, glissant ses doigts dans la poche intérieure de sa veste rien que pour confirmer qu'il tient encore son dû à elle qui n'entrait pas dans son sac, en plus de son dû à lui. « Ils savent pas vivre en plus de pas savoir jouer - y'a aucune fraise, au buffet. » y'a même pas de buffet, au final. Y'a que ses yeux à elle qui s'accrochent avec convoitise aux siens à lui, une seconde avant de filer dans une direction lambda qui sert à rien, qui la fait rire au moins.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyMar 26 Mai 2020 - 4:32

Pas l'idée du siècle, d'investir le couloir vide - ou si, l'idée du siècle, tout dépend de l'angle d'où on prend la chose, et Saül a d'ailleurs un avis très tranché sur la question - si tard, entre les chambres de gauche et de droite. Le couloir, c'est le terrain neutre, la terre des possibles-impossibles, ceux qui n'ont leur place nul part et qui, donc, doivent se faire une place partout. « Le vin d'abord, les terres ensuite. » C'est encore une histoire de territoire, donc. « L'inverse. » Juste pour la forme, parce que tout pourrait aller ensemble. « Tu crois vraiment ça, toi? » « Non je ne crois rien, je sais. » que Saül insiste, en usant de son ton d'arrogant jusqu'à la corde. Il y avait longtemps - trente minutes tout au plus - qu'il ne l'avait pas sorti, celui-là.

On pourrait prédire tous les moments où Saül aurait eu envie d'un énième prétexte pour rapprocher encore sa peau de celle de Ariane rien qu'en guettant un peu ses yeux. Ses yeux qui, de toute façon, semblent avoir désappris à mentir. Ressortir l'excuse de la fatigue aussi, rentre dans le compte des mensonges absolument odieux qui méritent une jolie place dans un panthéon spécialement dédiés pour ces cas de figure. « Oh si, on sera voisins. Et tu pourras t'étouffer avec le sucre que t'arriveras jamais à m'emprunter. » Voisins, voisins, voisins. C'est un terme pourri, Saül trouve qu'elle insiste trop dessus. Elle monte la clôture en même temps qu'elle appuie sur les deux syllabes du mot "voisins". L'image renvoyée est horrible, et pour une fois, l'italien sent que c'est elle l'austère et qu'il est le déraisonnable. « Tu pourras t'étouffer avec mon tiramisu au cyanure que je ferai spécialement pour la fête des voisins. » Saül déteste les fêtes de voisins. S'il avait pu, il aurait probablement roulé les cookies - il déteste les cookies, aussi - préparés à l'occasion de son emménagement en Australie pour ses voisins, justement, dans de la mort aux rats.

Ailleurs se profile déjà pour leur demain qui n'arrivera jamais - n'est-ce pas ? - mais qui n'est déjà plus teinté de conditionnel. « Tu manques quelque chose. » Un lourd "tu n'as qu'à m'y emmener" est retenu de justesse au bord des lèvres de l'italien, qui se contente d'un haussement d'épaules, vaincu. « Peut-être. » Mieux, quand on revient sur le conditionnel, que Saül lâche de nouveau Ariane des yeux pour perdre son regard ailleurs. Il y a déjà trop de raisons de filer, de rejoindre la chambre de droite. Les joueurs de poker devraient en rester là, leur tour n'est pas encore venu, ne devrait jamais venir. « J'ai raison pour bien des choses, pas juste pour ça. » « On ne va pas par là. », qu'il répète encore, sur un ton qui vacille un peu. Il est facile de sentir qu'un peu - beaucoup - de lui a déjà cédé, que cette manche là est perdante - gagnante - quand il bouge à peine, juste pour ne pas laisser à Ariane le plaisir d'avoir trop raison. Définitivement, ils foncent par là quand la suite est pire. « Tu voudrais acheter, en Islande? Le vin c'est pas un problème, ça s'importe. Sinon leur schnapps est pas si mal. » « Importer ? Tu ne penses pas à la planète. », qu'il râle tout bas, le sourire moqueur d'autant plus accroché aux lèvres. C'est à leur planète à eux, que Saül réfléchit tout bas, quand il se rapproche encore et que le dernier obstacle cède.

« Tu as raison. »
« Encore? »
Tais-toi, Ariane.

Un peu de soulagement détend les épaules de l'italien lorsque Ariane abonde dans son sens, quand le chaud-froid ne revient plus par vagues mais juste dans un énorme tsunami; quand elle le laisse dériver, rien qu'un peu, sur la peau de sa mâchoire dont il ne se lasse pas.

« Et sacrément con. »
« Ingrate. » Un baiser de plus.
« Ton idée d'être potes, c'est de la merde. »
« Tu n'as qu'à arrêter d'en parler. » Un autre. « Supprime le mot "voisins" de ton vocabulaire, aussi. »
« C'est ta faute et c'est chiant et sérieusement, le sceau, il est chiant lui aussi. »

C'est mieux quand ils se taisent ensemble, quand ils arrêtent progressivement de se renvoyer la balle entre deux baisers. C'est ce genre de silence là que Saül préfère, entrecoupé du bruit du tissu sur leur peau, ce silence fiévreux qu'il accueille, les mains conquérantes. Ce silence là qui tait l'autre, celui d'avant les amis dans le couloir. L'autre était froid.
Celui là est vivant.

*

Le verre de Saül - le verre d'Ariane, par extension - est vide, quand il déambule distraitement dans cette salle qui bruisse de monde. Ariane contemple la ville, quand il vient la rejoindre, quand elle attrape au passage tout ce qui marque le temps qu'il passe avec elle. Ça, il ne l'a pas quitté.

Le bras de l'italien s'enroule autour de la taille de l'auteure, quand elle scelle encore leur drôle de retour aux habitudes. Ce soir, il n'y a qu'eux. Les yeux des inconnus sont aveugles : personne ne murmure, personne ne s'intéresse. « Ils savent pas vivre en plus de pas savoir jouer - y'a aucune fraise, au buffet. » Saül n'a pas besoin de laisser dériver son regard pour savoir combien cet endroit est ennuyeux, lorsqu'ils n'ont plus rien à y faire. L'absence de collier de perles s'avère amère, décevante. Au moins, le champagne est agréable. L'italien termine son verre, laisse glisser ses yeux où ceux d'Ariane ont élu domicile. Il y a un couple qui se dispute, là-bas. Ils affichent de grands sourires, mais Saül sait reconnaître ces parades là pour s'y être trop usé la patience ces vingt dernières années. Dans un soupir, le quarantenaire repose ses yeux sur Ariane. « Ne bouge pas. » Ne me dis pas quoi faire ? Allez, dis-le.

La dernière fois, c'était elle la voleuse de bouteille. Quand Saül se détache d'Ariane pour aller mettre la main sur leur récompense du soir, il se sent déjà mal à l'aise dans l'inversion des rôles. Sa main retrouve celle d'Ariane juste quand il trouve la cage d'escaliers qui mène au toit. On croirait retourner dans la cage d'escaliers du restaurant, après le presque vol de la montre, avant la route. Cette fois-ci, ils ne descendent pas l'un après l'autre : ils montent ensemble.

L'air est frais, après l'issue de secours. Pas aussi frais que la bouteille qui lui gèle les doigts. Les lumières de la ville brûlent les yeux de l'italien encore plus que le soleil ne sait le faire en plein jour. C'est un terrain qu'ils connaissent, la nuit. Un terrain tout à eux, l'époque des suites, de l'immeuble d'en face. La porte sur l'autre monde se ferme, quand Saül s'est assuré qu'ils ne pourraient pas rester enfermés dehors. Sa main gauche est fermement arrimée à celle de Ariane et cette fois-ci, il n'y a plus l'anneau froid pour faire obstacle au contact de leur peau.

« C'est calme. Ça me rappelle les quais. » C'est différent, pourtant, pas vrai ? Paris était un autre temps, un autre ailleurs. Pourtant, celui-là aussi est voué à disparaître, au final. Il faudra revenir au monde, inlassablement. Recommencer les mêmes sortes de "à demain", ceux qu'ils détestent ensemble. « Je ne veux pas que ça soit pareil. » Le regard de Saül quitte la ville, se pose à nouveau dans celui de Ariane. « Dis moi que ça ne sera pas pareil. » Dis moi qu'il y a un risque en écho, quand il se plante mieux devant la trentenaire, quand il se penche encore pour lui voler un autre baiser.

« Je voudrais qu'on rentre sans garder les demains ailleurs. » Ou qu'on ne rentre pas ? Voudrais, parce que le monde des adultes le retient encore. Parce qu'il y a toute cette histoire de famille, qu'on envoie pas balader vingt ans et toute une vie solidement bâtie pour des demains hypothétiques. Ou peut-être que si ?
« Que tu bannisses vraiment le mot "voisins". » Et lui le mot "amis", même si c'était son idée à lui blablabla qui a décrété ça, déjà ? On le voit bien, le sourire qui reprend une place de choix sur le visage de l'italien, quand il vole encore les mots de Ariane.
« Ton idée d'être voisins, c'est de la merde. » Trouve autre chose. Leur idée de tourner environ deux siècles autour du pot aussi, c'est de la merde.

« Trouve autre chose. J'ai quelque chose à te prêter. » Un ultime quelque chose, quand elle a conquis tout le reste.
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Message(#)heart skips eight beats at once ▲ willer EmptyMar 26 Mai 2020 - 15:33

Elle lui a légué la flûte entre une gorgée et une autre, occupée à glisser distraitement ses doigts sur les rebords de bois vernis qui longent les baies vitrées. Du matériel froid elle passe à la peau de Saül qui est toute autant glacée lorsqu'il revient dans son périmètre. Les jeux de coups d'oeil à la dérobée apparemment les ennuyaient, quand ils finissent toujours par évoluer à quelques centimètres à peine l'un de l'autre. Ils en ont assez de juste regarder, les voilà qui décident que toucher aussi, c'est un droit acquis. Elle remonte une main contre son torse, il love la sienne contre ses hanches, leurs lèvres se mêlent, et ils brûlent les limites quand elle réalise qu'elle sourit encore Ariane. Qu'il sourit lui aussi.  

« Ne bouge pas. » et il s'échappe le lâche, elle grogne, mord sa lippe, roule des yeux. La chorégraphie est de nouveau parfaitement maîtrisée, faute de l'avoir répétée des dizaines de fois depuis une poignée d'heures déjà. « Tu gaspilles ta salive. » parce qu'il sait ce qu'elle va répondre, il sait qu'elle va suivre aussi. Il sait qu'elle restera ambiante à hausser du sourcil quand il dérange dans son empressement quelques verres, verres qui tintent sous sa silhouette désarticulée qui passe par-dessus le bar. Elle ne dit rien et pouffe à peine, il semble être au bord de l'agonie à choisir quelles bulles les suivront dans leur fuite d'aujourd'hui. Ses prunelles à elle, elles ne font que le scruter dans toute son entreprise. À sa place, elle aurait simplement piqué la première bouteille du bord, sans un regard à qui que ce soit, sans même réfléchir, l'ingrate. Et pourtant il agit comme si la salle, comme si le bar, comme si le monde lui appartenait Saül, et c'est bien ce qui garde bien ancrée la lueur d'intérêt dans son regard, à Ariane. Il est inquisiteur, territorial, il envahit un nouvel ailleurs quand leur ici a vite plafonné.

La porte du toit grince lourdement derrière eux, elle sent ses mèches qui s'envolent alors qu'elle les rattrape de sa main libre, presqu'exaspérée. Ses prunelles dérivent par-delà la ville, l'horizon capte son attention un temps. Elle les compte un par un les immeubles d'en face, elle les voit tous et les scrute, alors qu'il erre autour d'elle, qu'elle tire ses doigts et presse sa paume quand son bras s'allonge un peu trop, suggérant qu'il vogue ailleurs. Elle le ramène à elle Ariane, elle est suffocante une seconde, pour le repousser la suivante, hilare. Lui, il pense, elle, elle admire. « C'est calme. Ça me rappelle les quais. » « Comment vont tes orteils? » maligne, elle fait crisser ses escarpins qu'elle songe à retirer, elle qui déteste être haut perchée. L'arme du crime qui le fera râler comme là-bas, quand ils ne râlaient que pour des détails. Quand même ils les aimaient, les détails.

« Je ne veux pas que ça soit pareil. » sa silhouette se cambre maintenant qu'elle s'affaire à délasser l'une de ses sangles, pied nu l'un à la suite de l'autre. « Dis moi que ça ne sera pas pareil. » si elle se distrait une seconde, la suivante se dédie à réchauffer ses lèvres des siennes. Il a toujours été bien plus dramatique qu'elle et elle s'en moquerait, elle le ridiculiserait d'un nouvel éclat de rire si elle ne luttait pas pour garder son visage à sa hauteur, foutue pointe des pieds qu'elle déteste mais qui lui donne l'impression d'être elle de nouveau, pas une autre poupée hors de prix qu'on exhibe comme toutes celles qui évoluent tristement à l'étage d'en-dessous. « C'est pareil, comme ça? » ses mains s'égarent et ses lèvres avec, elle embrasse chaque parcelle sur laquelle ses baisers s'éparpillent sans même regarder si elle dérive sur ses joues, sa mâchoire, ses lèvres. « Et comme ça, ça y ressemble? » un énième murmure à son oreille maintenant qu'elle le presse contre l'une des rambardes, ses doigts noués derrière sa nuque. Saül reprend vite le contrôle des baisers qu'elle lui avait, la fourbe, déjà cédé.

C'est pas pareil parce qu'ils n'ont pas l'air d'adieux leurs baisers, ce soir.
C'est pas pareil parce qu'ils se sont envolés à l'autre bout du monde sans avoir eu besoin d'échafauder aucun autre alibi que quelques ta gueule Auden qui s'accompagnent de sourires en coin désormais.
C'est pas pareil parce qu'il n'y a pas son alliance à lui qui se prend dans ses mèches flamboyantes à elle.
C'est pas pareil, ça ne l'est jamais, ils se réinventent et ils testent tous les rôles.
Ça par contre, c'est pareil. Qu'ils n'assument pas le rôle qu'ils veulent en commun.
Mais elle n'ajoutera rien, sa langue bien moins piquante quand elle chasse la sienne.

« Je voudrais qu'on rentre sans garder les demains ailleurs. » ses paumes ont décidé d'investir ses épaules, ses bras, l'une qui finit par flirter avec la bouteille de champagne glacé qu'ils ont apparemment jusqu'à maintenant oubliée. « On vient à peine de recommencer à gagner, je t'ennuie déjà? » elle la lui arrache des mains, amusée, embrasse une énième fois ses lèvres rosies par leur cette nuit ici. « Que tu bannisses vraiment le mot "voisins". » « Et toi le mot "amis". » le bouchon de liège saute, rebondit non loin des escarpins rouge carmin abandonnés, les premières gouttes sucrent ses doigts et coulent au sol. « Ton idée d'être voisins, c'est de la merde. » elle porte la bouteille à ses lèvres à lui, l'espiègle de bac à sable qui ne se satisfera probablement jamais de l'image impeccable qu'il tente toujours de tenir elle qui ne vit que pour lui faire enfreindre toutes les règles, les unes après les autres. Ses cheveux d'ailleurs, trop rangés, qu'elle ébouriffe d'un nouveau rire. Sa cravate avec laquelle elle flirte aussi, le noeud qui lâche sous son index sournois.  « Au moins j'ai été créative sur ce coup-là. » à elle de boire à même le goulot, d'essuyer du revers de sa paume son menton où du champagne s'est noyé. « Trouve autre chose. J'ai quelque chose à te prêter. »

Son intérêt quitte la ville, quitte le panorama d'hôtels et de néons, de rochers et de désert, pour laisser ses iris se planter dans ceux de l'italien qui semble avoir tout dit, même s'il reste encore tant à dire. « Tu veux beaucoup trop, pour que j'ai juste en échange un quelque chose de prêté. » qu'elle nargue, l'insolente, quand elle sait très bien de quel quelque chose il parle. Ses prunelles la trahissent, elle jette un bref coup d'oeil à son poignet. Ils misent tout et tout le temps lorsqu'ils ont les bonnes cartes entre les mains, mais elle est fatiguée de traîner les mêmes jetons. Il le sait autant qu'elle que Paris ne leur a pas bien fait, que le retour a été abjecte. Elle n'aurait jamais pensé qu'il le ramènerait de lui-même, et ça, c'est tout à son honneur.

« T'as droit à un "je veux", un seul. » qu'elle finira par murmurer contre ses lèvres. Ariane qui sait très bien ce qu'elle veut entendre, qui ose au point de se convaincre qu'elle sait ce que Saül va dire. Elle s'invente des réponses et des scénarios la gamine, tenant parfaitement son air de défi, le champagne faisant le reste du travail en masquant les preuves d'une gorgée et d'une autre ensuite. Qu'il dise la chambre de gauche, qu'il dise la bouteille, qu'il dise elle, ici, maintenant, et plus jamais nulle part. Mais qu'il dise quelque chose. « Choisis bien. » elle ne choisira pas pour lui, ni ici, ni maintenant, ni jamais. « Et me demande pas de te dire ce que moi je veux, avant. Tu sais très bien la réponse. » il sait, ce qu'elle veut.

Il sait ce qu'elle ne lui demandera jamais. Il sait et elle enrage qu'il sache. Elle enragera encore plus s'il veut la même chose qu'elle, elle enragera au point de lui laisser tout avoir, de baisser toutes ses gardes. Elle n'a plus aucune barrière avec lui depuis longtemps, de toute façon. « Ici on peut être ce qu'on veut. » un dernier murmure, sûrement qu'elle a peur au fond, celle qui parle fort et qui brusque tout.
Sûrement qu'elle a peur qu'ils n'assument pas le rôle qu'ils veulent en commun, aussi, surtout.
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