| | | (#)Dim 17 Mai 2020 - 21:49 | |
| La sono tambourinait à ses oreilles. Un vacarme incessant qui lui semblait dénué de toute mélodie. Boum, boum, boum. Pourtant Scarlett oscillait sur la piste, un pied après l'autre, juchée sur des talons qui lui donnaient une allure presque gracile. Le verre qu'elle empoignait avec avidité dansait par-dessus sa tête, arrosant ses voisins qui, après quelques jurons proférés, s'en allaient profiter de leur soirée un peu plus loin. Elle bousculait, chahutait, et balbutiait parfois quelques paroles incompréhensibles à ceux qui avaient le malheur de croiser son regard un peu trop longtemps. L'alcool glissait le long de son gosier. Elle sentait sa chaleur l'enivrer, et se délectait de son trajet jusqu'au fond de ses entrailles. Tout le monde avait arrêté de compter les verres à ce stade, et elle-même avait perdu le fil de sa conscience. Elle n'était qu'une masse imbibée qui se déplaçait là où ses jambes voulaient bien la porter. Pas même une femme, ni une amie. Juste un corps sans âme déterminé à l'idée d'oublier. De sa main libre elle s'empara de son portable. Les lignes floues des messages embuaient sa vision. Elles tanguaient comme la lumière autour d'elle. Des pointillés défilant devant ses yeux sans le moindre sens. Éblouie, elle recula un peu trop brutalement et se heurta au mur, sur lequel elle glissa jusqu'à se recroqueviller. Son verra se brisa au sol. Elle sentait le liquide s'infiltrer sous sa robe, incapable de s'en défaire. Paralysée et muette, elle leva les yeux vers une fille qui tentait visiblement de lui venir en aide. Cette dernière lui subtilisa son portable, et Scarlett essaya de répliquer en se faisant vainement basculer en avant. « EH MON PORTABLE SALE CONNE ! Elle m'a volé mon PORTABLE ! » vociféra-t-elle, tandis que la fille, visiblement pas hostile, tapotait sur l'écran tactile avant de porter l'appareil à son oreille. « Bonsoir Jill. Je ne sais pas qui vous êtes mais vous avez une amie au Electric Playground qui est dans un sale état. Vous feriez mieux de venir la chercher avant qu'elle fasse un coma éthylique ou qu'elle se fasse tabasser par une meuf jalouse. » dicta-t-elle avant de s'agenouiller pour remettre son portable dans la pochette de Scar. La brune divaguait déjà, sa tête trop lourde lui intimant de s'écraser lourdement au sol pour ne plus jamais décoller. Scarlett aurait pu jurer n'avoir fermé les yeux que 5 secondes quand elle aperçut la silhouette de Jill fendre la foule pour se diriger vers elle. Elle n'avait pas la même dégaine débauchée que d'habitude, ni la même démarche saccadée que lorsqu'elles rentraient de leurs soirées, alors que l'aube pointait déjà à l'horizon et dessinait des lignes colorées dans le ciel paisible de Brisbane. Et de toute façon, elle n'était qu'une vague forme familière. La seule qui semblait lui prêter attention, tandis que le monde continuait de tourner inlassablement autour d'elle. Si vite que la nausée s'empara d'elle. Elle pivota machinalement la tête pour dégobiller au pied d'une table. Dans un sens comme dans l'autre l'alcool brûlait, et avait failli lui arracher une larme incontrôlée. Libérée d'un poids, Scarlett releva la tête. « A la tienne mon amie ! La nausée c'est bien la seule chose qui nous rapproche en ce moment. » avait-elle dit en frottant sa bouche d'un revers de son poignet. « Tu manges pour deux, et moi je bois pour deux en ce moment. » renchérit-elle en se gaussant, de toute évidence fière de ses blagues.
@Jill McGrath-Fitzgerald |
| | | | (#)Dim 24 Mai 2020 - 17:13 | |
| C’est le milieu de la nuit. Et le téléphone de Jill se met à sonner, elle répond. Elle a appris que quand le téléphone sonne en pleine nuit c’est souvent des urgences. Elle s’assoie sur le bord du lit et se passe la main sur le visage. Elle dort depuis quelques heures déjà, et Bailey est sur le côté, encore endormi. Tant mieux. Scarlett, mais la voix à l’autre bout du fil n’est pas celle de son amie alors elle se concentre. Electric Playground. Elle n’a même pas besoin de taper l’adresse, et en moins de 10 minutes elle est habillée, a les clefs de sa voiture en main et sort pour pouvoir rejoindre la boîte. Elle a laissé un mot à Bailey au cas où il finisse par se réveiller, et elle est partie dans la foulée.
Les minutes passent, et, après s’être garée, elle la voit Scarlett. Assise, toute seule, dans un sale état. Mais elle l’a déjà vu dans un bien pire état que ça, donc elle est presque rassurée Jill. Elle se penche, un sourire aux lèvres. Ce n’est pas elle qui va juger les actes de son amie d’enfance. Mais elle se rend compte que ça fait bien trop longtemps qu’elle ne l’a pas vu. Le soleil commence à se lever et Jill aide son amie à se lever. Et pour la première fois, elle ne l’accompagne pas dans sa débauche et elle soupire un peu Jill. Elle est loin cette vie là, elle pourrait presque lui manquer des fois. Mais elle doit penser aux bébés. Et Scarlett vomit, c’était prévisible. “T’as décidé de dévaliser le bar ou de battre un record de shots avec quelqu’un de plus fort que toi ?” Elle sourit, elle taquine Jill parce que c’est toujours comme ça qu’elles ont fonctionné. Et elle la sent la rancoeur dans la voix de Scarlett, la vie de Jill a changé du tout au tout. “Je pense que t’as plus la nausée que moi.” Elles ont toute une histoire, une amitié qui ne peut pas s’effacer seulement à cause d’une grossesse ou d’un mariage. “Pour deux seulement ?” Jill mange pour trois mais elle ne va pas donner l’information à Scarlett tout de suite, elle ne se souviendra sûrement plus de rien le lendemain de toute manière. “Tu te ramollis ma vieille.” Elle pouffe de rire Jill en attrapant la main de la brune. “On sort ou tu comptes camper ici ?”
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| | | | (#)Mar 2 Juin 2020 - 23:41 | |
| La bile était aussi amère que la pilule qu'elle avait dû avaler. Scarlett aurait été bien hypocrite de croire qu'elle avait une quelconque influence sur la vie de ses proches quand elle reprochait cette intrusion à Beth chaque fois qu'elle tentait de lui dicter une carrière. La situation était pourtant bien différente, car au-delà de son manque de légitimité concernant les choix des McGrath, c'était avant tout le fait de ne pas avoir été consultée qui lui avait donné la nausée. Il n'avait fallu que quelques mois à Jill et Matt pour la remiser à sa place de spectatrice d'une famille dont elle ne faisait évidemment pas partie. Une poignée de décisions soudaines, et voilà qu'elle était évincée. Des décisions qu'ils avaient tacitement juré de ne jamais prendre pour le bien d'une liberté dans laquelle ils se complaisaient ensemble. Juste trois âmes émancipées et insouciantes. Sans leur soutien, elle n'était plus qu'une trentenaire immature incapable de se prendre en main. La perspective de donner raison à sa sœur ou pire, à ses parents, était insoutenable. En un claquement de doigt, elle n'était plus que l'épave qu'on l'avait toujours accusée d'être. Et elle était bien déterminée à honorer ce rôle. Avaient-ils seulement cru, tous autant qu'ils étaient, qu'elle avait jamais été incontrôlable ? Tout était contrôlé. De son caractère impulsif à ses fins de mois fauchés, tout était délibéré. Une impulsion contradictoire dictée par toutes les consignes qu'on lui avait matraquées. Un besoin impérieux de s'affranchir d'un avenir soigneusement tracé pour elle. Son existence minable, elle l'avait choisie. Elle la chérissait même. Parce qu'elle avait toujours été accompagnée. Mais ce n'était que du vent. Une chimère derrière laquelle elle était la seule à courir désormais, tandis que les autres - ces lâches - décidaient un par un de se nicher dans leurs petites cases conventionnelles. Cette pensée la révulsait bien plus que la quantité déraisonnable d'alcool qu'elle avait ingurgitée. Elle vomissait sur leurs principes. Intérieurement elle bouillonnait de rage. De déception. Les incertitudes se bousculaient dans sa tête, aussi floues que ses ambitions piétinées. La mascarade tournait en boucle au rythme de sermons bafoués. Tous ces conseils qu'elle avait considérés comme des ordres résonnaient sans cesse dans un coin de son crâne. Et voilà que Jill débarquait pour la remettre debout. C'était peut-être ça l'instinct maternelle. Si on lui avait dit un jour que Jill serait la plus réfléchie des deux, elle aurait ri à gorge déployée. Elle ne reconnaissait plus son amie. Tout ce qu'elle voyait, c'était un corps fertile dans lequel elle avait délibérément choisi de planter la graine d'une seconde vie. Personne ne faisait des enfants sans enterrer le passé. Et Scarlett était du passé. Le fantôme un peu trop bruyant d'une vie à laquelle Jill avait renoncé. C'était sans compter sur ce ton miséricordieux. Lui faisait-elle pitié ? Scar aurait préféré l'entendre la sermonner plutôt que de subir ses évidentes tentatives de diversion. « Me dis pas quoi faire okay ? » bafouilla-t-elle en repoussant sa main, tout en essayant de se redresser sur ses jambes branlantes. « Si tu veux savoir la vérité, j'essaye de me rattraper pour ce que j'ai pas pu boire à ton mariage. Vu que j'étais pas invitée. » tacla-t-elle la tête baissée, trop concentrée sur son équilibre pour fixer autre chose que le sol où gisait sa dignité. Elle savait pertinemment que personne n'avait été invité à ce mariage. Que ce n'était rien d'autre qu'un coup de tête de plus, comme tous ceux qui avaient jalonné la vie de son amie. Mais Jill était d'humeur conciliante, et Scarlett n'était pas prête à céder sur le terrain de sa rancœur. Elle avait trop bu pour être autre chose qu'une version encore plus honnête d'elle-même. « Y'a tellement de choses à fêter en ce moment. Le mariage de Matt. Ton mariage. Ta grossesse éclair... » lista-t-elle en comptant laborieusement sur ses doigts. « Pfiou, tout ça ! » s'exclama-t-elle en mimant une explosion théâtrale qui la propulsa deux pas en arrière. Elle manqua de tomber à nouveau, et s'accrocha tant bien que mal au col d'un jeune homme qui la repoussa violemment. « Je suis à ma place ici. Toi pourquoi t'es là d'abord ? T'as pas des devoirs conjugaux ? » |
| | | | (#)Dim 14 Juin 2020 - 2:52 | |
| Jill a du mal à trouver Scarlett les premières secondes. Elle cherche dans quelques coins avant de la retrouver assise dans un coin du bar. Elle lui fait de la peine, elle est seule et c’était exactement le genre de soirée qu’elles faisaient toutes les deux il y a encore quelques mois. Mais elle ne lui montre pas qu’elle s’inquiète, elles n’ont jamais fonctionné comme ça les deux jeunes femmes. Alors Jill tente de rester sur le ton de l’humour, elle ne compte pas quitter ce bar sans son amie et Scarlett est bien placée pour savoir que Jill est du genre obstinée. Mais elle le prend mal Scarlett, elle est paumée, autant que Jill l’est en réalité. Jill restera sûrement la plus paumée des deux. Elle la repousse en arrière et Jill secoue la tête en la laissant se lever toute seule. Elle titube, mais elle ne l’aide pas. Elle sait se gérer la brune, ce n’est pas la première fois qu’elle est dans un état aussi pitoyable et certainement pas la dernière. “Arrête tes conneries Scarlett, y’avait personne et tu le sais très bien.” Jill fronce les sourcils, elle le sait qu’elle lui en veut même si elles n’ont pas eu le temps d’en parler directement depuis tout ce temps. “Bon t’as décidé de râler, vas y râle. Mais t’attends pas à ce que je sois gentille à dire Amen à tout ce que tu dis.” Elle peut être patiente Jill, mais elle déteste que son amie de toujours lui en veuille pour ça. “Et donc tu fêtes tout ça toute seule ?” Jill hausse un sourcil, est ce que Scarlett se rend compte à quel point ce qu’elle raconte est à côté de la plaque ? Jill soupire en la regardant tanguer de tous les côtés.
Jill lance le regard le plus noir qu’elle a en banque au type qui vient de repousser Scarlett en arrière. Qu’est ce qu’il fout ? Mais elle se reconcentre vite sur son amie avant de croiser les mains sur sa poitrine. “Allez on bouge, on va dehors. Je t’entendrai mieux quand tu voudras me gueuler dessus.” Jill la tire par le bras sans qu’elle ne puisse vraiment donner son avis et elles se retrouvent toutes les deux dehors en un temps record. “Allez, balance, tu me fatigues à tourner autour du pôt. Qu’est ce qui a ?” Scarlett est bourrée, donc Jill sait qu’elle sera encore plus honnête, qu’elle se lâchera encore plus et qu’elle lui balancera tout ce qu’elle a à lui dire. “Je suis là parce que je suis venue te chercher, j’allais pas te laisser crever au milieu du bar.” Jill grogne, elle sera toujours là pour la brune, quoi qu’il puisse se passer dans leurs vies respectives. Elle secoue la tête, elle ne relèvera pas le passage sur les devoirs conjugaux même si ses dents se sont serrées quand elle ne lâchait pas le regard de la jeune femme.
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| | | | (#)Ven 10 Juil 2020 - 12:28 | |
| La confrontation était sa passion, et l'alcool n'arrangeait en rien la violence de ses paroles. Ses gestes étaient saccadés et brutaux, comme les ressentiments que lui inspiraient les récentes digressions des McGrath. Digression était un euphémisme, d'ailleurs. Certains chemins étaient sans retour. Des enfants, ce n'était pas une erreur de parcours. Ce n'était jamais un accident. C'était le choix délibéré – quoique pas toujours réfléchi – d'une autre vie. Elle avait besoin de ce conflit avec Jill, ne serait-ce que pour justifier la fin de leur amitié, ou du moins sa conviction que leurs rapport seraient transformés à jamais. Le mariage, elle s'y était résignée. Mais son indulgence avait été mise à l'épreuve, et elle savait sa réaction trop égoïste pour être manifestée autrement que par l'alcool. Elle aurait au moins cette excuse quand Jill se défendrait de vivre comme elle l'entendait, sans se faire pour une fois l'avocat du diable. Sa tactique fonctionnait. Elle entendait l'irritation grandissante dans la voix de son amie, forcée de sauter du lit pour lui venir en aide alors qu'elle n'en avait pas besoin de son point de vue. Scar aurait pu sourire si elle n'était pas si esclave de ses agissements. Si ses paroles étaient foncièrement intimées par la peur de perdre ses proches, ses mouvements étaient quant à eux totalement incontrôlés. « Mais dis surtout pas amen à tout ce que je raconte. De toute façon les dés sont jetés. » avait-elle maugréé sous la musique qui continuait de faire vibrer le reste de la foule. Pour elle c'était terminé. Cette liberté abusive avait pris fin sans préavis. Elle n'avait même pas 9 mois pour s'y faire, mais avait dû consentir le temps de quelques aveux. « Avec qui tu veux que je le fête ? Vous êtes tous en train de roucouler et de refaire la déco de vos chambres nuptiales. » Peut-être qu'il y avait un peu d'aigreur dans cette affirmation. Peut-être aussi une once de jalousie. Scar n'enviait pas la vie de couple dans laquelle Jill s'était emprisonnée. Elle était juste un peu possessive, et frustrée de constater qu'on lui avait volé leurs moments les plus intimes. Désormais, elles devaient repenser leur amitié. Et si Jill ne la trouvait plus si attrayante maintenant qu'elle ne partageait plus les mêmes centres d'intérêt ? Scarlett eut à peine le temps de mettre un pied devant l'autre qu'elle fut propulsée à l'extérieur. Il faisait encore chaud, pourtant elle sentait le vent lui ébouriffer les cheveux. Jill se tenait devant elle, bras croisés comme une grande sœur prête à en découdre. Elle prenait son rôle très à cœur, et Scar était sans doute la mieux placée pour éprouver sa patience. « Comme si j'allais crever avec quelques verres. » répondit-elle pour gagner du temps, le dos de sa main posé sur son front alourdi. Quelques fumeurs s'activaient à l'entrée, mais le silence était assourdissant en comparaison. Jill savait bien qu'elle avait bu plus que les quelques verres mentionnés, mais elle semblait déterminée à s'attaquer au fond du problème. « Ce qu'il y a, c'est que je suis la seule pauvre fille de la bande à m'accrocher à cette vie-là... » dit-elle en pointant laborieusement du doigt la boîte de nuit derrière leur dos, « alors que vous prenez tous le large. Est-ce que j'ai le droit d'être égoïste pour une fois ? Est-ce que j'ai le droit de t'en vouloir de m'avoir toujours tiré vers le bas et de me laisser là comme une merde maintenant que tu vas vivre ta nouvelle vie de mère et d'épouse exemplaire ? » Ses mots étaient durs, et certainement injustes. Jill avait au moins la sobriété pour tempérer la situation à sa place. A ce stade, Scarlett était plus en colère que triste, mais elle avait déjà dû contenir quelques sanglots. Si son amie s'entêtait à creuser, nul doute qu'elle se laisserait submerger par ses émotions. |
| | | | (#)Lun 13 Juil 2020 - 16:53 | |
| Jill n’avait pas prévu de se lever pendant la nuit pour aller chercher Scarlett. Mais elle ne l’aurait jamais laissé en pleine galère. Elle sera toujours là pour Scarlett, elle est trop importante dans sa vie, elle est là depuis toujours malgré tout ce qu’il a pu se passer dans la vie de l’une ou de l’autre. “T’as pas plus dramatique ?” Pourquoi elle pense que Jill va s’éloigner pour ne plus jamais revenir vers elle ? Jill ne sait pas quoi faire, mais elle voit que la brune a besoin de se défouler. Ca fait sûrement un moment qu’elle traîne tout ça. Pourquoi elle ne lui en a pas parlé avant ? “T’arrêtes un peu ? Je t’ai jamais interdit de m’envoyer un message ou même de passer à la maison, c’est toi qui t’éloigne toute seule.” Elle déteste que justement Scarlett s’éloigne parce qu’elle pense qu’ils l’abandonnent. Elle n’a jamais voulu ça, elle a juste essayé d’évoluer la brune.
Jill l’emmène dehors de force, elle partira avec Scarlett. Elle ne sait pas où sa meilleure amie finira la soirée, mais elle ne restera pas ici plus longtemps. Elle a besoin d’être entourée, et Jill ne laissera pas aussi facilement. Elle a souvent été la plus têtu, et ce n’est pas parce qu’elle est enceinte que ça a changé quelque chose. “Je suis pas là pour te fliquer.” Oh que si c’est ce qu’elle va faire si Scarlett continue de faire l’enfant. Elle lutte, pour ne pas retomber dans ce monde. Parce qu’il l’attire, c’est son monde à elle, qu’elle doit éviter si elle veut que les jumeaux soient en bonne santé. Elle allait parler Jill, mais elle ne coupe pas Scarlett. Les mots de son amie blessent. Elle l’a tiré vers le bas, elle l’abandonne, elle va devoir être une femme et une mère exemplaire. Elle en est incapable, elle le sait Jill. Scarlett devrait le savoir aussi. “T’as le droit d’être égoïste mais pas injuste.” Jill fronce les sourcils en croisant les bras sur sa poitrine. “Je t’ai pas abandonné, j’ai jamais voulu le faire et je compte pas le faire un jour.” C’est son amie depuis toujours, elle refuse de la perdre même si sa vie change. “Je serai jamais capable d’être exemplaire tu le sais très bien.” Elle soupire Jill, personne ne le sait à part elle. Tout le monde pense que la jeune femme va être parfaite au moment où elle aura mis au monde ses deux bébés. “J’ai pas envie qu’on se voit plus. Quoi ? Je suis enceinte donc on se vire de nos vies comme ça ?” Elle refuse catégoriquement que ce scénario soit possible. |
| | | | (#)Dim 9 Aoû 2020 - 11:17 | |
| Les ressentiments étaient trop tenaces pour céder à la raison. Submergés par l'alcool, ils s'écoulaient comme un flot constant et incontrôlé de vérités. Si les mots de Scarlett étaient durs, injustes et sans doute exagérés, ils s'abreuvaient tout de même d'une émotion authentique qu'elle se sentait légitime à exprimer à cet instant. Au fond elle était consciente que Jill n'avait jamais été motivée par la charité. Rien ne l'obligeait à être ici, et c'était sans doute la raison pour laquelle elle se permettait d'être si franche avec elle. Autant pour mettre un terme à leur amitié dans ses propres conditions que pour la mettre à l'épreuve une dernière fois. Une fois mère, elle n'aurait plus le temps ni l'énergie de tempérer ses caprices. Les mots restaient coincés quelque part entre sa tête et le fond de sa gorge. Elle détestait cette voix qu'elle prenait pour se justifier d'être encore lucide alors qu'elle ne maîtrisait plus rien. Cette discussion était clairement déséquilibrée, mais elle était trop orgueilleuse pour admettre que Jill avait raison. Qu'elle s'éloignait toute seule, parce qu'elle avait le sentiment d'avoir perdu sa place. Parce qu'elle avait eu besoin de mettre de l'ordre dans sa vie aussi, et que Jill avait longtemps été un frein à ses yeux. Un frein qu'elle chérissait pourtant, et qu'elle utilisait comme excuse. Jill n'était en effet pas plus une mauvaise fréquentation que le parfait prétexte pour se contenter de ses modestes succès. Leur relation avait-elle toujours été aussi malsaine ? Peut-être que maintenant qu'elle avait décidé de s'affranchir de cette règle, Scarlett serait forcée de se sortir de sa galère au risque de devenir la seule responsable de son inertie. Elle ria un peu jaune, même si au fond elle n'avait aucun argument pour contrer son amie. Jill était juste assez compatissante pour lui laisser l'impression d'avoir le dessus. L'air frais lui faisait du bien. Inconsciemment, les deux femmes avaient entrepris de marcher vers une destination inconnue. Jill savait sans doute où elles allaient. Ou elle ne faisait que la suivre. Scar l'écoutait tout en luttant contre l'instabilité de ses déplacements. Sa répartie était rassurante, et jamais culpabilisante. Elle avait trop peu d'estime pour elle-même dans ces moments de discernement. Scarlett n'y croyait pourtant qu'à moitié, empêtrée dans ses conspirations complotistes. Jill l'avait dit elle-même, elle n'aurait qu'à être l'instigatrice de leurs moments de complicité. Mais était-ce toujours de l'amitié, quand les efforts n'étaient pas partagés ? « Tu dis ça pour me rassurer Jill, mais est-ce que tu y crois vraiment ? » dit-elle après avoir pris une grande inspiration pour contrer le hoquet qu'elle sentait poindre au fond de sa poitrine. « Je suis trop toxique pour des enfants. Bientôt tu seras trop occupée pour te soucier de moi. Beth a raison, je suis en roue libre. Ma vie est un gros bordel, et le pire c'est que je fais croire à tout le monde que c'est un choix. » La conclusion était douloureuse. Et la perspective de vivre dans un monde éloignée de son amie l'était encore plus. Pour une fois que Jill était disposée à la ramasser à la petite cuillère et non l'inverse. « Je suis un déchet. » acheva-t-elle en arrêtant sa marche, la tête baissée vers le sol. Se sentant attirée sur le bitume, elle s'accroupit et logea sa tête entre ses genoux. Les larmes de sa soudaine clairvoyance coulaient déjà le long de ses joues. |
| | | | (#)Jeu 10 Sep 2020 - 18:33 | |
| Son ventre prend bien trop de place et la gêne pour sortir Scarlett du bourbier dans lequel elle s’est fourrée. Jill tente de la rattraper quand elle perd l’équilibre mais ça ne marche pas à chaque fois. Elle lève les yeux au ciel, et regretterait presque de ne pas pouvoir être dans le même état que son amie de toujours. C’est peut-être pour ça qu’elle s’éloigne du bar finalement, pour ne pas être trop tentée par l’interdit et par l’alcool qui coule à flot devant ses yeux. Elle ne doit pas penser à l’alcool, ni à toute la drogue qui peut bien circuler par ici. Elle ferme les yeux, éloigne la brune et reste à ses côtés alors qu’elle se met à parler dans la rue. Elle a des tas de choses à dire à Jill, des choses qu’elle garde pour elle depuis quelque temps déjà apparemment. Elle serre un peu les dents, mais elle la laisse parler. Elle n’a pas envie de s’engueuler avec elle quand elle voit à quel point Scarlett a l’air terrifiée et perdue dans sa vie. Jill en est au même point que son amie, mais elle ne le laisse pas paraître encore.
“Beth n’est qu’une conne qui sait pas ce qu’elle dit.” Elle ne connait pas cette Beth mais elle a déjà envie de la trucider. “J’ai pas envie de te perdre.” Elle en doute peut-être Scarlett, mais Jill est sûre d’elle. Elle ne veut pas perdre une amie qui date d’avant Londres et qui est toujours là aujourd’hui. Ses derniers mots font soupirer Jill assez fort alors que la brune s’accroupit au sol dans un état pitoyable. “Hey…” Jill se met à sa hauteur pour la prendre dans ses bras et la serrer le plus fort qu’elle le peut. “T’es pas un déchet t’es juste paumée…” Comme toujours. “On a toujours été des paumés Scar.” Elle s’autorise un petit rire, parce que ce n’est pas parce qu’elle est enceinte que Jill a trouvé un sens à sa vie.
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| | | | (#)Dim 18 Oct 2020 - 10:40 | |
| A choisir, Scar préférait encore avoir un semblant de cohérence plutôt qu'une allure soignée. Avec un peu de bonne volonté, et beaucoup de pratique, elle avait réussi à faire abstraction des vertiges auxquels l'alcool la soumettait pour se concentrer sur ses émotions, et plus particulièrement sur la manière la plus juste de les exprimer. Jill était étonnamment compréhensive et patiente. Un exercice qui la préparait déjà à ses futurs impératifs de mère. Elle demeurait cependant aussi crue et tranchante que d'ordinaire, telle l'amie protectrice qu'elle avait foncièrement toujours été. Scar étouffa un rire pour se retenir de dégobiller. A tout moment les mots qui s'échappaient de sa bouche pouvaient se transformer en régurgitation, et elle était déjà trop concentrée sur son élocution pour contenir en plus ses réflexes nauséeux. Quant à Beth, ses oreilles devaient siffler. Comme souvent lorsque sa sœur était contrariée. Si elle avait été plus attachée à sa dignité, Scar aurait tempéré les condamnations de Jill, qui n'étaient finalement rien d'autre que la manifestation un peu brutale de son soutien indéfectible. Elle appréciait moyennement la conviction avec laquelle son amie était capable d'insulter sa famille lorsque la sienne ne tenait qu'à un fil. Malgré tout ce qu'elle pensait de Ginny et de son aura toxique, ou bien des trahisons et vanités répétées de leurs fratries, Scar se gardait bien de commenter les liens malsains qui les unissaient. La gravité était plus forte que ses états d'âme, et l'attirait irrésistiblement au sol. Là où était sa place. Là où les coups qu'on portait sans arrêt à sa fierté la réduisait, tandis qu'elle continuait de feindre l'indifférence. Jill la rattrapa, et son étreinte sincère et spontanée acheva l'étranglement de ses sanglots. Ses mots d'encouragement idiots laissèrent percer un hoquet amusé entre deux larmes. Dans les méandres de leurs vies, elles ne pouvaient plus faire semblant de garder le cap. Scarlett ne pouvaient plus défendre par orgueil des choix qu'elle ne faisait pas vraiment. Et peut-être que Jill lui avouait à demi-mot que cette grossesse n'était pas le phare tant attendu dans l'obscurité de ses jours. En fait, elles étaient leur phare. « Promets-moi que tu me lâcheras pas. Que quand tu seras paumée tu m'appelleras et qu'on trouvera la solution ensemble. » dit-elle sans se redresser, mais le menton levé. Son maquillage avait coulé, et son collant filé au genou laissait apercevoir une tâche de sang coagulé. « Je peux dormir sur ton canapé ? » finit-elle par demander avec la candeur de l'ivresse maîtrisée. |
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