Et pourtant il refuse. Son "Non.” qui arrête tout, qui immobilise tout, qui calme tout aussi, surtout. Je pense que c'est à ce moment-là que mes doigts se sont enserrés un peu plus autour de la capuche de son hoodie, hoodie que je ne reconnais pas, que je tente de trouver dans ma mémoire de toutes les forces qu'il me reste. Je l'associe à des souvenirs même faux, surtout inventés, je lui trouve une place et lui dessine une vie, tout pour ne pas penser à mes lèvres qui ont pris en otage les siennes et à tout ce que ça signifie.

Noah crie de joie et se gave déjà de sucre, et si chaque terminaison de mon corps sait que le temps alloué est écoulé, que c'est maintenant ou jamais le moment de me dégager, mes jointures en sont blanches tant elles s'agrippent, tant elles le gardent proche une petite seconde de plus, puis une autre, et encore une infinité supplémentaire. “Au moins on sait de qui il tient.” « Le pauvre. » s'il se moque je me moque aussi, s'il rit, je ris aussi. C'est la fin ou du moins ça devrait l'être, mais j'implore une extension, j'implore plus que des adieux, tout sauf un autre au revoir. J'ai pris l'autorisation là où jamais je n'aurais dû, je l'ai acculé au pied du mur sans qu'il ne cède, bien plus fort et bien plus solide que je ne le serai jamais. Il reste impassible Auden, même si je tremble, même si mon souffle est saccadé, même s'il est encore temps pour lui de se retirer du jeu. On a bientôt fini de jouer de toute façon, on entame la prolongation.

“J’ai un loft à Spring Hill. Tu détesterais.” je détesterais parce que c'est pas Bayside, mais parce que Bayside appartient à un monde d'avants lequel je n'oserai jamais en mentionner un mot. Elle était belle la vie, dans sa maison au bord de l'océan. Elle était compliquée et elle nous a fait rager un nombre incalculable de fois - on a eu mal là, on s'est fait mal aussi, mais jamais comme ça. “Noah peut venir si tu veux. Si il veut.” c'est probablement pour ça qu'on n'arrive pas à se lâcher à l'instant où le moindre contact a été précipité. Personne d'autre que nous deux ne peut recoller les morceaux, personne d'autre que ceux qui les connaissent par coeur ces maudits morceaux ne peuvent les ramasser. « Merci. » que je finirai par souffler, une minute plus tard ou une heure je sais pas, je sais plus. Le temps que mes lèvres trouvent sa mâchoire, le temps qu'elles l'embrassent là où tout est si contracté, là où tout est ma faute encore, blessure à panser.

Dannie et Noah ont eu le temps de sortir tout le matériel d'aquarelle et celui de pastels avec quand on finit par les rejoindre. Il y a de la glace à la vanille et à la fraise partout et surtout sur les traces de mon fils, fils que j'attrape par la taille avec toute la délicatesse du monde pour m'abaisser à sa hauteur. Lui chuchoter à l'oreille le plan du soir, lui intimant de garder le secret en échange de la dernière bouchée de pizza pour laquelle il salive déjà même si ses joues sont tartinées de crème glacée et de confiture - confiture que je ne l'ai jamais même vu engloutir depuis qu'on est arrivés à la galerie. Les seuls adieux déchirants qui auront lieu aujourd'hui sont ceux entre le chien de Dannie - renommé officiellement Chaton par un Noah fier de sa blague - et mon fils qui je jure me donne presque envie de négocier un détour au refuge du quartier pour lui adopter un animal dans un énième moment de faiblesse. Auden connaît la ville par coeur, maintenant, sans demander la moindre indication en grognant, en rageant contre moi ou contre son GPS. Jadis, il était un italien catapulté dans une ville qu'il semblait détester de toute son âme une journée pour l'adorer la suivante. Dannie ne dit rien, quand il offre de me raccompagner, se chargeant simplement d'embrasser une seconde de plus le front barbouillé de peinture de Noah comme elle le fait à chaque fois depuis qu'elle sait elle aussi, qu'il est malade et que rien mais absolument rien n'augure quelque chose de bon.

Son loft à Spring Hill est immense. Il est presque vide, aussi. Il sent la peinture fraîche, et mes yeux dérivent, ils devraient pas mais ils le font quand même. Il est parti en vitesse ce matin ou du moins la dernière fois où il est venu, quand dans son sillage je repère un bordel qui ne lui ressemble absolument pas, que je ne commente pas non plus. Pas le droit, encore et toujours. « woAAAAH, elle est cool la vue. » qu'il commente, Noah, filant vers les immenses baies vitrées qui donnent sur une partie de la ville que je n'ai jamais pu observer d'ici. On se moquait des gens à Spring Hill du temps de l'Académie, les bourgeois et autres fils de riches qui payaient des loyers exubérants pour de tous petits studios simplement pour se vanter de leur adresse. Il est loin ce temps-là, aussi, quand maintenant personne ne tarit d'éloges sur la carrière d'Auden, lui qui est entré dans la cour des grands depuis des années déjà. Lui qui y a toujours eu sa place sans jamais en douter, sans que j'en doute non plus. Bayside était mieux, mais apparemment Spring Hill c'est lui, aujourd'hui.

« Je reviens. » c'est un prétexte, d'aller à la salle de bain. C'est un prétexte lâche et il le sait aussi bien que moi, quand j'ai juste besoin d'une minute pour respirer, juste une, toute petite. Après on pourra commander toutes les pizzas qu'ils veulent. Après, on pourra regarder tous les épisodes de T'choupi qui existent et même les spin offs. Après, on pourra reprendre là où on aurait jamais rien dû arrêter. Après.

Noah court de partout et touche à tous les objets comme s’il était chez lui et j’aurais sûrement râlé si qui que ce soit d’autre avait eu la même attitude mais de sa part je suis simplement soulagé que ce soit le cas. Il s’extasie de la vue, il s’extasie de la table en verre du salon dans laquelle il peut voir à travers et y laisser les traces de ses empreintes, il s’extasie des meubles luisants car encore neufs, même si j’ai cet appartement depuis des années déjà. Il sourit et au moins c’est déjà ça de pris, alors que je sais que même lui va mal mais qu’il fait au mieux et qu’il se bat comme un champion. Je ne le savais pas hier mais maintenant je ne peux pas penser à autre chose.

Si j’aurais pu craindre l’arrivée impromptue d’Helena à Bayside cela ne sera jamais le cas ici, moi qui ais sûrement dû oublier de spécifier que j’avais un second appartement quelque part en ville. « Je reviens. » Le sourire que j’affichais en observant son fils déambuler disparaît quand c’est elle que je regarde finalement s’éloigner. Elle repart à la vitesse de l’éclair, elle tâtonne entre les portes qu’elle ne connaît pas et je la regarde faire pendant un temps avant de souffler longuement. Mon attention revient sur Noah à qui je confie mon téléphone et lui demande de choisir la photo de pizza la plus cool qui soit pour qu’on puisse la commander en plein d’exemplaires d’ici cinq minutes. Cinq minutes c’est le temps que je vais prendre pour enfin parler à Ginny alors qu’il me semble évident que je ne peux pas la laisser seule dans un moment pareil. Lui est devenu le chef de la mission pizza, il est aussi chargé de m’installer cinq jeux de motos sur mon téléphone et dix virus allant avec. Tant que ça le tient occupé alors tout me va. “Je reviens.” Ma main ébouriffe ses cheveux et lui donnent une raison de me détester et de penser à comment me le faire payer alors que je renonce déjà à lui donner l’ordre de ne pas mettre ses pieds sur le canapé, lui qui a déjà les mêmes habitudes que sa mère.

Mes pas à moi se faufilent jusqu’à la salle de bain, je toque à peine, ouvre doucement, prends toutes les précautions du monde. “Ton fils va nous commander une pizza aux bonbons d’ici cinq minutes.” C’est ma manière à moi de m’annoncer, elle le sait mieux que personne. Son visage mouillé n’arrive pas à cacher ses yeux rouges, je prends le temps de tourner le loquet de la porte pour la verrouiller avant d’attraper une serviette. Mon coeur est serré et ma respiration n’est plus ; jamais je ne pourrai m’habituer à la voir ainsi. Pourtant une partie de moi préfère que ce soit ici et maintenant, avec moi, plutôt qu’un jour où elle sera tout simplement arrivée à bout de ses forces et qu’elle n’y arrivera plus. Elle sait qu’ici elle sera en sécurité tout comme elle sait que tant que je resterai là je ne laisserai rien de mal lui arriver. Elle a promis de ne plus repartir, je promets de ne plus la laisser faire.

La serviette se pose le plus délicatement du monde sur les parties de son visage, je garde une main posée près de son cou pour m’assurer de la précision des gestes, comme si je jouais ma vie. Mes lèvres sur son front font office de bisous magique et si jamais ça a son importance, j’y mets réellement tout mon coeur pour tenter de soigner ses maux et tourments. L’instant d’après, sa main se mêle à la mienne et je l’invite à faire quelques pas de plus en direction de la baignoire qui est de toute façon bien trop grande pour une seule personne. Cette fois-ci il n’y aura pas d’eau brûlante mais l’intention y est, elle sait tout comme moi que les circonstances ont changées. J’y entre le premier, la laisse ensuite libre de m’écraser une côte ou dix et de m’aplatir la cuisse et tous mes organes en même temps. Elle fait ça mieux que personne, tout comme elle est la seule à pouvoir faire de cet appartement chez moi parce que si elle est au plus mal, je n’ai pourtant jamais été aussi bien depuis des années, simplement parce qu’elle est là. C’est finalement sans un mot que mes bras l’entourent et mes doigts se glissent distraitement dans les mêmes mèches de cheveux que je replace sans cesse. Je tente un sourire, j’espère seulement arriver à quelque chose alors que je n’ai jamais rien voulu d’autre que son bonheur le plus complet. “Tu peux rester autant que tu veux.” Même si elle ne demandait qu’une nuit, je sais que ce n’est pas ce qu’elle voulait. Ce n’est en tout cas pas ce que je voulais moi et tant que je ne serai pas certain qu’elle se porte réellement mieux, l’eau de la baignoire sera coincée à sa température maximale.

J'ai juste besoin de faire une pause. J'ai juste besoin que tout arrête le temps que je reprenne mon souffle, le temps que j'arrive à respirer correctement à nouveau. Et je m'en veux, je m'en veux à un point encore rarement atteint de lui imposer ça en plus du reste. De lui imposer mes faiblesses et de lui imposer tout le reste, quand il ne mérite absolument pas d'être catapulté dans tout ça, autant que je mérite encore moins qu'il me supporte à travers le reste. J'ai perdu mon droit de lui demander une telle chose en le laissant partir de Londres sans nous, et pourtant c'est bel et bien dans sa salle de bain que je me réfugie, lâche et ingrate, le visage humide d'un robinet qui coule sans subtilité aucune, les larmes que je m'autorise une seconde une seule.

“Ton fils va nous commander une pizza aux bonbons d’ici cinq minutes.”
« 5 minutes, t'es généreux. »

Le revers de mes paumes essuie distraitement les preuves, avant qu'Auden ne s'en charge sans prononcer le moindre mot en attrapant une serviette que je n'avais même pas vue pour finir le travail. Mes yeux se ferment d'instinct à la seconde où ses lèvres se posent sur mon front, et je me l'autorise, une unique fois, le soupir de soulagement de le sentir aussi proche quand il a été bien trop loin pendant si longtemps. J'ai besoin de lui et je l'assume de plus en plus, j'ai besoin de ses forces quand les miennes me manquent, et il le comprend d'office quand il m'entraîne dans notre safe zone d'une ancienne vie, son immense baignoire contre laquelle ma silhouette arrive à trouver sa place aux côtés de la sienne en quelques secondes - et à peine de coups de coude et de genou au passage. “Tu peux rester autant que tu veux.” j'inspire à nouveau, fragile petite Ginny qui perd pied, pathétique poupée cassée. Personne ne m'a vue ainsi depuis longtemps et je me fais la promesse de ne plus jamais laisser personne le voir, personne sauf lui. « Juste le temps que ça aille mieux. » rien n'ira mieux, rien ne se calmera, rien ne se placera et rien ne s'améliorera. Mais si je le répète assez souvent et assez fort, j'y croirai un jour, j'imagine.

Mes paupières sont lourdes, de l'autre côté de la porte on entend Noah qui babille, qui continue de vivre quand pendant une poignée de minutes j'ai imploré le plus lâchement du monde une pause une seule. Mes doigts se referment doucement contre ceux d'Auden, mon souffle s'est adapté au sien le temps de reprendre un air d'aller normal, et ça ira, il faut que ça aille. « Demain je vais aller t'acheter des bombes pour le bain. T'en as pas, et c'est un crime. » que je finis par murmurer, avant d'expirer profondément, ma paume libre qui passe à travers les mèches qu'il se bat pour replacer depuis une longue minute déjà. Demain me donne l'impression d'être meilleur même s'il finira sûrement par être pire, mais lorsque mon nez se perd contre sa nuque et que mes lèvres s'y éparpillent une bribe d'instant seulement, je m'en convaincs un peu plus.

Je m'en convaincs encore lorsque le baiser dérive sur sa mâchoire, et je m'en convaincs bien plus lorsqu'il remonte effrontément sur ses lèvres. J'ai besoin de lui et je l'assume de plus en plus, j'ai besoin de ses forces quand les miennes me manquent.

« Juste le temps que ça aille mieux. » Mes doigts se resserrent autour de sa chair et j’inspire en même temps qu’elle expire. Personne ne le dira mais à ce moment précis on sait tous les deux que rien n’ira mieux avant un long, très long moment. Ce seront autant de jours, de mois et d’années pendant lesquels je lui laisserai la porte de mon appartement grande ouverte et même le jour où elle pourra de nouveau commencer à voir la lumière au bout du tunnel, ma proposition restera toujours la même. Elle a besoin d’avoir une issue de secours et moi j’ai besoin de garder l’espoir qu’un jour ou l’autre elle puisse simplement décider de venir parce qu’elle en a envie ou besoin. Absolument tout chez elle m’avait manqué, même ses milliers de défaut que j’adore détester et au delà de ça ce sont des années de travail qu’il faut désormais revoir. Sa famille s’est appliquée à détruire tout ce qu’elle avait réussi à rassembler au fil des ans, les petites touches d’espoir, de force et de courage récoltées ici et là qui commençaient à faire d’elle une femme réellement accomplie. Elle est désormais une mère brisée et pour ça aussi, jamais je ne pourrai le leur pardonner.

Nos doigts glissent les uns contre les autres tout comme le font naturellement ses lèvres contre mon cou. « Demain je vais aller t'acheter des bombes pour le bain. T'en as pas, et c'est un crime. » Les souvenirs reviennent par milliers, qu’ils soient des paroles ou des gestes, des sensations ou des sentiments qui n’ont finalement jamais été oubliés. Mes yeux luttent pour ne pas se fermer mais sont ultimement incapable de la perdre du regard, préparés à ce qu’elle s’évapore d’une seconde à l’autre. Ce n’est pas ce qu’il se passe cette fois-ci, encore moins alors que ses lèvres remontent jusqu’à les miennes. “Oh, Ginny …” Il n’y a aucune suite à ces paroles ou justement il y en a trop à vrai dire. Je voudrais rattraper bien trop d’années perdues et de choses que j’aurais dû lui dire et faire lorsque j’en avais le temps. J’ai appris à me construire sans elle et pourtant maintenant elle fait de nouveau partie de chacun de mes plans d’avenir même si la peur qu’elle glisse de nouveau entre mes doigts est toujours aussi omniprésente. Elle a promis que non, ses mots restent gravés dans mon esprit pourtant on sait désormais tous les deux que tout ce qu’il peut se passer dans notre vie n’est pas simplement de notre ressort à nous.

Je souffle et je râle, mes lèvres en viennent pourtant à emprisonner les siennes autant qu’elles les aime. Appuyé sur mes coudes, je me redresse simplement pour la tenir un peu plus près de moi maintenant que c’est possible et qu’on le peut encore. Mon souffle court se mêle au sien, mes doigts emmêlent ses mèches qu’ils ont tant essayé de discipliner, mes mots luttent pour ne pas prendre forme et rendre la situation bien plus complexe qu’elle ne l’est déjà. “On ira acheter des couvertures.” Elle est la seule à toujours s’en servir et ici je n’en avais jamais eu l’utilité jusqu’à ce qu’elle revienne. Pour autant on ira le faire ensemble, stupide idée qui ne fera qu’empirer les choses et faire de mon chez moi son chez elle aussi, maintenant qu’on ne fait que reprendre des habitudes du passé. “Reste.” Je murmure contre sa peau et ne laisse plus tout reposer sur ses simples épaules. Moi aussi je veux qu’elle reste.

“Oh, Ginny …” oh Auden.

Rien fait de sens et pourtant tout est à sa place, quand mes lèvres trouvent les siennes, quand il prend le relais de l'initiative. C'est égoïste et c'est empressé, c'est nécessaire et c'en est même vital. Son coeur a depuis longtemps inspiré le mien à battre, son souffle saccadé a tout le mérite de me rappeler l'importance de respirer. Si ma silhouette tremble, c'est maintenant bien plus parce qu'elle réapprend à se laisser ressentir tout trop vite et trop fort, chacune des parcelles d'épiderme qu'il couve d'amour les unes perdues contre les autres. Je mérite pas tout ça et je le mérite encore moins lui, lui qui va mal, mal mais mieux, mal par ma faute et moi seule. Les morceaux sont éparpillés entre ici et entre là-bas, les morceaux qu'il ramasse et recolle à chaque contact, les morceaux qu'échapperaient mes doigts qui se triturent trop s'ils n'étaient pas occupés à ramener son visage, à ramener sa nuque, à ramener son corps en entier un peu plus près, un peu plus encore contre moi.

“On ira acheter des couvertures.”
« Et des vermicelles. Pour les chocolats chauds. » et pour les conversations à demi-mot qui viennent avec. Et pour les traditions qu'on a jamais assumées avant, qui sont mes seuls points d'ancrage pour espérer un maintenant. Des vermicelles de toutes les couleurs qu'il me confisquera quand je dirai trop de mots et trop de bêtises à la seconde, quand il utilisera les éclats de sucre en mille teintes de corail pour faire sa loi, son autorité avec. Il m'a tellement manqué que ma respiration s'arrête sec. « J'ai besoin de toi, je suis désolée de t'imposer ça. » j'ai passé ma vie, ma vie au complet à me faire dire par tout le monde que j'avais besoin d'un univers en entier pour m'aider à me relever, à ne pas me bousiller, quand la simple idée de dépendre de qui que ce soit me rendait plus faible, plus brisée que tout le reste. Aujourd'hui pourtant, il est le seul en qui j'ai assez confiance pour oser espérer pouvoir avoir la liberté de m'arrêter, pouvoir reprendre mon souffle pour vrai, pouvoir partager mon carnage au dépend du sien. Il sera la priorité après, il sera le seul et l'unique à qui je dédierai tout mon temps et toute mon énergie pour qu'il n'aille plus mal, plus jamais. Mais je n'y arriverai pas, à le sauver et à l'aimer assez pour qu'il s'en sorte, si je ne m'en sors pas à mon tour. “Reste.”

Je partirai plus jamais.
Je ne laisserai plus jamais personne me forcer à le faire.
Reste, qu'il a dit. Que j'ai espéré entendre quelqu'un me dire pendant si longtemps.
« Un jour on ira mieux. C'est une promesse. » et d'ici là, je reste, je bouge pas, plus jamais.

***

you know it il est encore temps de reculer blablabla lis pas ça c'est dangereux gnagnagna:

Ma respiration est silencieuse et le sommeil impossible à trouver. Mes paupières restent closes sans que cela ne mène à rien alors que mon lit ne m’a jamais paru trop grand qu’aujourd’hui. Je ne cesse que de me retourner sur moi même, incapable de trouver le calme et encore moins d’être apaisé. Les bruits de la rue occupent mon esprit, mes doigts dessinent dans le vide sur le matelas du lit. Je me raccroche à la simple idée que Noah et Ginny sont dans la pièce en face, ils y sont bien et ils y sont chez eux, autant la brune que son fils.

Mon cinéma cesse dès lors que j’en viens à reconnaître le bruit distinctif de sa marche sur le parquet grinçant malgré les années d’utilisation. Cette fois-ci mes paupières se ferment alors que rien n’a jamais paru être aussi paisible, la brune trouvant tant sa place dans mon appartement que dans ma chambre et, au delà de ça, dans mon lit à mes côtés. Sa main osseuse a sa place entre mes côtes, son menton a la sienne près de mon cou. Son corps réchauffe le mien alors qu’elle reste éternellement gelée. « Je t'aime. » Elle s’entend, là, ma lente expiration. Tout reprend là où on s’est arrêtés il y a une vie de ça, avant Londres, avant Noah, avant Ezra. Avant tout ça nous, on était déjà là. On le reste aujourd’hui encore et j’ose espérer qu’on le sera de nouveau demain.

Sous la couverture bien trop épaisse pour la saison, ma main retrouve la sienne et la réchauffe et je me retourne une ultime fois pour que ce soient aujourd’hui mes mains qui entourent les siennes. Elles glissent derrière sa tête et par dessus ses côtes pour finalement venir se loger dans son dos. Je ne lui dirai rien parce qu’elle connaît déjà la réponse et qu’elle l’a toujours su, mes lèvres en viennent simplement à se poser sur son front. Simplement nous deux, suspendus dans le temps, une fois de plus. Le monde pourra recommencer à tourner demain matin.