Il avait vu les vagues, et en soit c'était tout ce dont il avait besoin.
Il avait besoin d'air, de vide, de silence. Il avait besoin de crier, besoin de pleurer aussi, sûrement. Il avait besoin de bien des choses Jack, une immensité de besoins et d'envies qu'il se coupait comme il se coupait de tout, depuis la cure. La cure qui n'avait pas marché, sans surprise aucune, l'ironie du sort voulant que la neige elle, fonctionnait parfaitement, annihilerait ses sens comme avant. Il avait résisté ce soir pourtant et il le sentait encore, dans sa poche, le sachet qui ne pesait rien en soit mais qui supportait tout le poids du monde aux yeux d'Epstein le raté. Epstein le guitariste pour une soirée de plus, Epstein l'isolé pour une foule de moins, lui qui arrive pas à regarder en face les autres et leur bonheur tant le sien se compte en quelques grammes de cocaïne qu'il s'interdit comme si ça allait changer quoi que ce soit. Il sera pas meilleur s'il ne snife pas, il sera pas sauvé s'il évite cette fois - parce qu'il y en aura d'autres. Y'en aura des dizaines d'autres encore et il titubera tout autant le gars, il sait faire que ça. Tomber pour mieux se relever ; et tomber encore, éternellement à terre.
Tu n'aurais pas des cigarettes ? « Des? »
Et pourtant il nargue le bâtard, il laisse un sourire en coin orner ses lèvres quand on lui envoie une distraction inopinée, ou du moins ce qui s'en rapproche le plus, le mieux. Elle est belle dans la lumière d'un croissant de lune qui n'a rien d'autre à faire ici que d'ajouter un peu plus de drame à une scène revue et rejouée. Lui qui dégaine son paquet de clopes, qui le lui tend d'office comme si ça allait régler tous ses problèmes à elle, à l'instar de tous ses problèmes à lui. Conneries. « Journée difficile? » il n'a pas vu sa robe blanche et il n'est psas très logique le canadien, il fait aucune équation et si vous lui demandez, probablement qu'il n'en aurait rien à faire qu'elle soit la reine de la soirée ou la préposée aux flûtes de champagne. Flûte qu'elle tient entre ses doigts graciles d'ailleurs, lui qui est au whisky (volé), la bouteille calée dans le sable contre ses pieds nus, son pantalon remonté lâchement sur ses mollets. Il n'a pas encore trop bu et il est parfaitement conscient de tout Jack, probablement trop sûrement. Ses doigts tremblent, il les occupe de la plus évidente des façons.
« T'as rien dit pour le briquet, mais je suis un gars poli, j'anticipe. » il anticipe rien du tout quand il s'allume une nouvelle clope lui-même, lui tend son briquet pour s'y concentrer et calmer ses phalanges, la laissant faire pour la sienne. À la première bouffée de nicotine il relaxe un peu mieux par contre, c'est déjà ça.
Dernière édition par Jack Epstein le Dim 31 Mai 2020 - 23:46, édité 1 fois
Bien joué le temps qu'elle fasse comme si elle était chez elle, lui, il regrette à peine de ne pas être chez lui. Il regrette à peine le Canada, il regrette à peine Jude, s'en veut violemment. Il est con et il est lourd et il devrait avoir du mal à vivre Jack, quand il quitte son pays pour un autre. Et pourtant ce n'est que là qu'il respire mieux le canadien, là qu'il s'autorise à échouer encore et toujours. Il n'a pas encore échoué, ce soir. Qu’est-ce qui te rend nerveux ?
Elle est fine la brune. Elle est fine et lui il rage, intérieurement, son masque impassible de long fleuve tranquille qui cache tout le reste sans que même les plus scintillants reflets de lune ne dévoilent pas à quel point il s'en veut qu'elle ait remarqué. Il va céder. « La dernière danse. » ils dérivent et ils dévient, son sourire narquois et son ton moqueur. Il espère qu'elle rebondisse et qu'ils changent de sujet de conversation aussi. Si elle en rajoute, il dira que c'est ce qui stresse les musiciens, qu'ils ont éternellement peur de rater une note et de bousiller les derniers moments de doux avant que le couple de la soirée ne s'envole vers leur nouvelle vie. La vérité en est toute autre et ils n'en ont rien à foutre vraiment. Le rail de coke par contre, lui, il y pense, lui, il en a quelque chose à faire. Vous n'êtes pas un invité lambda non ? bingo - elle arrive à voir la distance qu'il met. Assez ironique maintenant qu'il la rejoint sur le sable, qu'il sent sa silhouette à elle à quelques centimètres à peine de la sienne à lui. « Toi non plus. » ça sort comme ça vient, un compliment sûrement, un truc du genre.
« La septième. » qu'il lâche, de sa voix rauque, de longues minutes de silence plus tard. Alors que seuls les inspirations et le crépitement de leurs cigarettes en commun ont occupé la discussion. Ils ont besoin d'air tous les deux, ils ont besoin de souffler un peu. « C'est toujours d'elle qu'il faut se méfier. » du menton, il pointe les vagues qui remontent vers eux, jamais assez pour noyer leurs orteils nus, mais suffisamment pour qu'à chaque ondée il la sente se raidir dans l'appréhension de finir trempée. « On en est à trois là. » et elle monte l'adérnaline. Elle monte doucement.
Elle dérobe le whisky et il n'en fait pas de cas Jack, il a bien d'autres soucis avec lesquels lutter. Plus petits, plus indicibles, plus camouflés aussi. Le sachet pèse un poids plume, comme elle, pourtant il est le plus lourd des fardeaux au fond de la poche de son veston qu'il jette désormais sur les épaules de la brune. Il le fait sans accuser le geste, sans regarder, il le fait bien plus naturellement qu'on aurait pu penser quand elle parle d'une autre et qu'il se noie dans ses mots bien plus que dans leurs significations. Un jour il lui dira peut-être, que Jude n'était pas au centre de ses pensées ce soir-là. Un jour, il lui dira sûrement que plus elle parle et que plus elle reste, l'inconnue au menton recouvert d'un whisky volé on ne sait plus par qui, mieux il va. C'est idiot et c'est naïf et c'est tout ce qu'il lui reste à Jack, faire la conversation avec la brune qui rigole toute seule d'une rire de gamine. À la seconde où elle part il partira lui aussi, la neige au nez et le coeur brisé. Vaut mieux qu'il sorte ses meilleurs arguments qu'il pense. Déjà à sec.
Puis, les vagues viennent se casser sur leurs pieds, puis, il est sauvé. Oh l'ironie.
T’es un musicien ! Tu fais parti de ce groupe là… « "Ce groupe-là" c'est un bon nom en vrai, on aurait dû y penser. » qu'il pouffe, de sa voix rauque, fatiguée. Elle le fait rire et c'est bien assez lui qui en perd le compte alors qu'il dégage ses prunelles des vagues pour retrouver son profil à elle, que la lune couve comme tous ses autres secrets. Elle sait qui il est mais lui il ignore l'inverse, pourtant il ne pose pas de questions, il tergiverse. Il lui imagine une seconde une vie puis une seconde une suivante, il ne lui demandera rien déjà qu'elle fait tout. Déjà qu'elle ne bouge pas, qu'elle reste, et que c'est tout ce dont il a égoïstement besoin.
Les éléments les rattrapent quand l'eau les attaque, la bouteille part à la dérive et elle s'enthousiasme, elle panique, la fillette aux joues rosies par ses rires et aux prunelles brillantes qui s'y accordent. « Va la chercher, tu fais quoi? T'as peur? » il ricane et il rigole, les pattes d'oie se dessinant au coin de ses yeux ne le rendent que plus espiègle encore. « Si tu y va pas va falloir que j'y aille, et j'ai pas envie. Elle a l'air glacée. » il s'en fout que l'eau soit gelée, il s'en fout, parce qu'envers et contre tout il ressentira ça, au moins. Le froid, contre tout le reste. Et il anticipe Epstein, qu'elle ne veuille pas se mouiller ; qui voudrait?
Un coké qui ne veut plus l'être, apparemment.
Quand tout fringué il file à l'eau, il file à la recherche d'une bouteille à la dérive et perdue à jamais, bouteille qu'il cherchera sur un mètre et un autre, l'eau lui glaçant le menton désormais.
Reviens !!! jamais. Il est investi de la plus stupide des missions, celle d'aller se perdre dans les vagues, celle de recevoir à la gueule le plus d'ondes glacées possible. Celle de ressentir quelque chose, n'importe quoi, quand son corps s'est mis en berne à cause d'une tentative aussi stupide qu'irresponsable d'hypothermie. Vaut mieux qu'il ne ressente rien le canadien, vaut mieux qu'il reste bien en berne au beau milieu de cet océan qu'il aime tant. Ainsi au moins, il ne pense pas à la neige qui poindrait au bout de son nez. À la place, il l'a troquée pour des doigts d'iceberg et un regard de banquise.
Jack !! il éclate de rire, le con, le bâtard, l'imbécile. En un seul et unique mot elle l'a ramené ici quand lui-même rêvait d'aller ailleurs, de partir loin, le plus loin possible. Elle n'est que curieuse curiosité la brunette, et lorsqu'il fait volteface pour le lui hurler par-delà les flots, il remarque qu'elle a depuis longtemps quitté la rive. Elle, elle aura les lèvres bleutées bien trop vite. Elle, elle aura du mal à justifier pourquoi elle s'est élancée loin de la fête pour finir morte et gelée.
« Tu connais mon nom. » alors il quitte son dessein qui n'en a que le nom pour retourner vers elle. Il a pied mais il nage de toute façon, ça va plus vite et ça va plus loin, quand bien même ils sont maigrement nombreux les mètres qui les séparaient depuis peu. « Mais je connais pas le tien. » retour au programme principal et retour à la place la bonne, quand il passe avec vigueur son bras à lui autour de ses hanches à elle. Il ne lui donne pas trop le choix de poursuivre son bain de minuit à une heure que lui-même ignore.
Il ne sait pas si elle se débat et il n'en a absolument rien à faire. Quand il la sent trembler contre lui et qu'il en accuse le froid, le vent, les vagues. Que fait-il des notes de panique qu'il a entendues dans sa voix? « Tu triches. » et lui il est doux, le plus qu'il peut. Lorsqu'il la redépose sur le sable, qu'il passe sur ses épaules à elle frigorifiées et remontées sa veste à lui encore sèche, laissée lâche sur la côte.
Quitter l'océan était autant nécessaire que crève-coeur, aux yeux du musicien qui s'est déjà bien trop éternisé ici pour ne pas recevoir les coups d'oeil inquisiteurs des autres membres de son band à un moment fixe ou non d'une soirée qui semble elle aussi partir en amont. Il profite tout simplement, il avait envie d'air et dans sa connerie s'est rendu compte que l'inconnue aux mèches trempées et à la silhouette désormais gelée en avait tout autant besoin que lui.
C'est avec une sensibilité qu'on lui connaît bien dès qu'on porte un peu plus attention à lui qu'il s'intéresse à ce qu'elle veut et à ce qu'elle craint, l'inconnue. L'inconnue qui n'en est plus une, finalement. Appelle moi Rose « Classique. » cliché. Elles le lui font toutes, la référence qui prend en moquerie quand elles apprennent qu'il n'a jamais vu le film, lui-même bien trop nostalgique de la belle époque pour s'imposer un histoire du genre. Il en connaît les bases Jack, il est canadien après tout et y'a leur star nationale qui y est associée. Mais quand Rose s'active à ses côtés et qu'elle s'inquiète d'un tu n'as pas froid ? auquel ses lèvres bleutées vendent la réponse pour son cas à elle, Jack se prend d'un élan de chevalerie qu'il n'a pas eu depuis longtemps. Pas méchant, bien plus dissipé qu'autre chose, Epstein est tout de même un brin avenant lorsqu'il se charge de la réchauffer au mieux de ses ressources.
Ses ressources qui d'ailleurs tombent au sol comme une épée de Damocles de plus. On l'enterre ? elle se charge de la réponse avant même qu'il ne la lui donne, creusant un trou dans le sable humide à cause d'eux et à cause des vagues qui les chassent de plus belle. « En attendant la prochaine fois. » seront ses adieux à la poudre blanche qu'il se jure de venir chercher dès qu'elle aura dégagé pour retourner à sa vie qui ne semble pas lui convenir, encore moins que la sienne ne lui convient peu (pas) à lui. Et il s'applique Jack, dans le fond et dans la forme, enterrant avec patience la neige à même la plage. Chaque geste même les plus minimes qu'il maudit comme étant des mensonges envers le monde entier et surtout envers lui-même. Bien sûr qu'il s'en fera une ligne, une et dix autres, dès qu'il perdra pied. La prochaine fois c'est dit autant pour eux, mais surtout c'est acté pour lui.
« River?! » on le fait sursauter dans son dos, quand une silhouette qu'il reconnaît sans vraiment la connaître éparpille ses pas jusqu'à eux. Il se croyait bien loin de la soirée et encore plus loin de son boulot, quand il réalise que le type a sûrement appelé River maintes et maintes fois avant qu'elle ou il lui-même ne l'entende. « Je pense que ton couvre-feu est arrivé, Rose. » qu'il s'amuse, qu'il murmure à son oreille aussi, insistant sur son prénom volé et en quel cas son alibi maintenant qu'il connaît le réel.
Se levant d'un geste et prêt à obtempérer, il essuie ses paumes sur son pantalon humide et déjà abimé. Rien n'est propre là-dedans mais ça ne lui fait pas un pli. Contrairement à ses fringues qui ironiquement sont bien froissées.