Eirean est en ville. Mon ex femme qui est resté à Galway est à Brisbane chez sa tante. Et elle n'est pas venue seule. Pourquoi n'a-t-elle pas pu venir accompagné de son nouveau copain ? Ou sa copine même ? Pourquoi n'a-t-elle pas pu faire tout ce chemin pour adopter un chien ici car elle est tombé amoureuse de sa photo sur le net ? J'aurais été heureux de la revoir. Peu importe les circonstances. Mais pas comme ça, pas dans ces conditions là. Car si elle a décidé de venir en Australie c'est pour me présenter son fils. NOTRE fils. Moi qui n'ai JAMAIS voulu avoir d'enfants, qui ait TOUJOURS insisté pour que nous nous protégions, je me suis retrouver comme un con lorsqu'Alice m'a parlé de sa rencontre avec Eirean et Elliot. J'étais en plein déni lorsque je suis reparti de l'hôpital, me disant qu'elle a du confondre quelque chose ou je ne sais quoi...jusqu'à ce que je ne reçoive l'appel tant redouté de mon ex femme. Nous avons parlé pendant plusieurs minutes, elle m'a avoué qu'Elliot est bien le fruit de notre ancien amour et j'ai été claire et catégorique : je ne veux pas le rencontrer. La discussion s'est fini en prise de tête et j'ai fini par raccrocher.

Pendant plusieurs minutes voire heures j'ai tourné en rond dans ma chambre, je suis passé de l'anxiété à l'angoisse paralysante, puis de la colère à l'incompréhension avant de quitter la maison. Il doit être 23h30 alors que je marche d'un pas décidé vers la rue dans laquelle habite Loan. Je sais qu'il est encore réveillé, sans doute doit-il être au téléphone avec Clément ou je ne sais quoi, dans tous les cas il n'est sûrement pas encore au lit.

Arrivé chez lui, je passe sur le côté et grimpe les marches très rapidement, bien décidé d'entrer en trombe chez mon meilleur ami. Mais, arrivé à la porte de son studio, je m'immobilise soudainement, prit d'une brusque et violente hésitation. Depuis notre mésaventure Indonésienne, Loan et moi avons mit pas mal de distance entre nous, lui comme moi. Qu'en sera-t-il maintenant ? Acceptera-t-il de ma voir ?

Me disant qu'il est et restera toujours mon meilleur ami et que ce n'est pas non plus la première fois que nous avons décidé de nous distancier l'un de l'autre, je décide de prendre mon courage à deux mains et toque fermement à la porte. Là je n'attends que quelque secondes avant qu'elle ne s'ouvre sur Loan. Les lèvres pincées je l'observe, le suppliant silencieusement du regard de me laisser entrer. Me comprenant sans doute, il fait un pas sur le côté et je pénètre dans la pièce.

 «Je ...j'ai... » que je bégaye alors que je me stoppe face au mur, la respiration courte avant de me tourner vers Loan  «Je sais pas quoi faire. Je sais pas quoi te dire et je sais même pas pourquoi je suis ici. Je ... » je me passe une main tremblante dans mes cheveux  «je sas pas non plus par quoi commencer. Je ... » je me pince l'arrête du nez et ferme les yeux, prenant une profonde inspiration  « Tu ...tu te rappelle d'Eirean, mon ex femme ? L'Irlandaise avec laquelle je me suis marié en 2017 ? » je déglutis et relève mon regard sur Loan  « Elle est en ville.» je sens mon cœur qui s'accélère  «avec son ...notre ... » je pince les lèvres  « fils» ma respiration se fait plus saccadée et se bloque de plus en plus dans ma gorge  «Je suis père Loan. J'ai un putain de gamin. Je ... » je secoue la tête et me détourne à nouveau, commençant à marcher de long en large  «C'est pas possible. Je peux pas ! Non c'est pas possible » m'arrêtant, je me penche en avant, m'appuyant sur mes genoux en espérant pouvoir respirer plus facilement et librement, refusant d'avoir une crise d'angoisse face à Loan.

@Loan Severide

Assis par terre au beau milieu de mon salon, j’observe les différents papiers et plans qui m’entoure. Depuis que Clément à récupérer le premier rôle, j’ai beaucoup plus de temps libre et je pense de plus en plus à ce projet qui me trotte en tête depuis des années. En avoir parlé avec mon petit ami a réanimé de vieilles idées que je pensais enterrer pour de bons. En réalité, tout cela devient de plus en plus concret. Je suis plus âgé et j’ai bien plus conscience de ce qui peut être réalisé ou non. Le défi principal est de trouver les fonds bien entendu, mais également un lieu qui rendrait le projet bien plus réel. Je sais déjà ce que je veux et ce que je voudrais absolument éviter, mais ce n’est pas simple. Alors, ce soir, je prends le temps d’étaler un peu sous mes yeux toutes les recherches que je ne cesse d’accumuler. Il serait temps de monter un dossier bien plus concret.

Perdu dans mes pensées, je sursaute complètement, j’entends toquer à la porte. Un coup d’œil à ma montre me fait réaliser qu’il est bien plus tard que ce que je pensais. Sans réfléchir, plus longtemps, je vais ouvrir la porte, à demi persuadé d’y trouver Clément de l’autre côté. Ma surprise est d’autant plus réelle lorsque je me retrouve nez à nez avec Martin. Je m’apprête à le saluer, mais me coupe complètement dans mon élan. Quelque chose ne va pas. Il commence à déblatérer à la vitesse de la lumière Martin. Il va tellement vite que je ne suis pas réellement sûr de comprendre ce qui est en train de se passer. Je hoche bêtement de la tête lorsqu’il évoque Eirean, je me souviens d’elle oui. Mais cela m’étonnerait que la jeune femme soit responsable de son état. Je n’ai pas le temps d’y penser plus longtemps que Martin lâche sa bombe. Il a un fils. Je voudrais le questionner, mais ce serait tout simplement pire. En quelques secondes, sa respiration redouble de vitesse et il commence à me faire peur lorsqu’il se penche en avant. « Wow okay… » Je me rapproche de lui et doucement l’aide à se relever pour l’entraîner à l’intérieur de la maison. Je l’emmène dans le salon et l’aide à s’asseoir dans le canapé. Je le force un peu à garder sa tête entre ses jambes, je ne voudrais pas qu’il tourne de l’œil. « Respire Martin. » On va d’abord se concentrer là-dessus. On pensera à la paternité plus tard. Il faut qu’il se calme. Je lui laisse de l’espace, ne m’impose pas trop tout en restant assis à ses pieds pour qu’il puisse sentir ma présence. « Je suis là. » Même si notre dernier voyage a été éprouvant pour notre amitié. Il est mon meilleur ami et je suis heureux de savoir qu’il a pensé à venir ici. Je vois qu’il s’est un peu calme et propose que l’on reprenne à zéro. « Tu veux me raconter ? »

La panique me submerge telle une lame de fond. Me prenant à la gorge, bloquant la fonction première de mes poumons et enserrant ma cage thoracique, je suffoque, j'ai l'impression de me noyer sous le tourbillon de pensées et sentiments qui tourmentent mon esprit. Penché en avant, je ne reprend conscience de la présence de Loan seulement lorsque celui-ci s'approche de moi et m'entraîne à l'intérieur de la maison. Sans réellement savoir comment ni pourquoi, je me retrouve assis, les coudes appuyés sur mes genoux et Loan assit à mes pieds. C'est sans doute sa simple présence et le fait qu'il me laisse assez d'espace tout en restant présent qui me permet de revenir à la réalité.

Une fois que j'ai retrouvé le contrôle sur mes poumons je parviens à mes calmer à coup de grandes et profondes inspirations. Soupirant, je me passe une main tremblante sur le visage puis me redresse et me recule contre le dossier, les yeux fermés.  «Y a … y a pas grand chose à dire » soufflais-je en rouvrant les yeux, posant quelques instants mon regard sur le plafond avant de me redresser  «J'en sais pas plus, je ...je sais juste que j'en veux pas » je pince les lèvres et déglutis  «J'ai jamais voulu d'enfants, c'était clair et net depuis le début. Cette décision est prise depuis que j'ai 18 ans, tu le sais aussi bien que moi » combien de fois n'avons-nous pas parler de notre avenir familiale. Si au début c'était un choix plus par dépit car j'étais, à l'époque, persuadé que je ne trouverais jamais la femme idéale pour procréer, ça s'est très rapidement en principe grâce à mes idéaux et mon âme de militant écologiste.

 « Qu'est-ce que je vais faire Loan ?» demandais-je finalement en relevant mon regard sur lui  « J'me vois absolument pas dans le rôle d'un père, j'ai aucune idée de comment ça fonctionne, de ce qu'un père doit faire et je ...» je secoue la tête et me tait en me massant les paupières  «je veux pas le voir, je veux pas LES voir, je ... » j'abaisse légèrement ma main pour la poser devant ma bouche et déglutis à nouveau avec plus de difficultés.  « je sais pas quoi faire … On s'est pourtant protéger tout le temps, à chaque acte, elle prenait en plus aussi. Comment est-ce que ça a pu arriver … ?»

@Loan Severide

Je connais Martin depuis toujours et je ne l’ai vu dans cet état qu’une seule et unique fois : lors du décès de ses parents. Depuis, il a toujours tout fait pour masquer ses émotions. Pourtant, ce soir, il semble qu’il n’est plus la force de retenir quoique ce soit et cela m’inquiète. Je comprends dans son charabia qu’Eirean est revenue avec une énorme surprise dans ses bagages : un enfant. Leurs enfants. Je calcule rapidement et si je ne me trompe pas, le petit doit être âgé que quelques mois tout au plus. Sacré surprise… Il ne gère absolument pas Martin et je le force à mettre sa tête entre ses genoux pour qu’il puisse retrouver un semblant de respiration normale. Ne voulant pas le brusquer, connaissant ses réactions par cœur, je lui laisse de l’espace sans pour autant sortir de son champ de vision. Juste le temps qu’il se calme.

Et lorsqu’il semble enfin retrouver ses esprits, c’est pour repartir de plus belle dans un dialogue de sourds. Je le laisse parler, ce n’est pas le moment de lui couper la parole, il a besoin d’extérioriser tout cela. Il insiste encore sur le fait qu’il n’a jamais voulu d’enfant. Je me souviens de très bien de tout ça. Martin refuse d’avoir des enfants depuis qu’on est jeune, d’abord parce qu’il ne croyait pas vraiment en l’amour, puis de plus en plus en rapport a ses convictions écologiques. Au départ, je ne le comprenais pas vraiment. Aujourd’hui, je serais presque d’accord avec lui, accueillir un enfant dans ce monde de fou semble complètement dingue. Mais il est là cet enfant et lui, il n’a rien demander à personne. Il panique, Martin et je viens enrouler mes doigts autour de sa cheville pour l’ancrer dans le moment alors qu’il me demande ce qu’il va bien pouvoir faire. Il me questionne même sur la contraception et autant dire que côté féminin je n’y connais absolument rien, je n’ai jamais vraiment eu à me soucier de ce genre de chose. « C’est jamais fiable à 100%... » que je dis dans un murmure presque trop faible. Je ne veux pas qu’il s’énerve, pas maintenant. Pourtant, il va falloir que je réponde à ses questions, il va falloir que je l’aide. « Eirean aurait dû te prévenir. » que j’affirme sèchement. Elle lui impose cela alors qu’elle le connaissait si bien, Martin. « Mais… Il est là ce petit… Tu arriverais à vivre avec l’idée que ton fils est quelque part dans ce monde et que tu ne sache rien de lui ? » Il n’a probablement pas pris assez de recul pour envisager cela. Il ne veut pas d’enfants Martin, mais je sais qu’il a souffert de l’absence de ses parents. « Tu devrais prendre le temps de digérer l’information. » Avant de prendre une décision définitive.

De tous les hommes qui se trouvent sur cette terre, il a fallut que ça tombe sur moi. Je sais bien qu'il y a un nombre incalculable d'humain qui rêverait d'être à ma place, mais alors pourquoi le destin a-t-il décidé de me choisir moi ? Pourquoi pas un de ceux qui rêvent d'avoir un enfant ? Je n'en ais jamais voulu et je n'en voudrais sans doute jamais. Mais alors pourquoi moi ? Pourquoi maintenant alors que je suis entrain de refaire ma vie ici, à Brisbane ? Pourquoi est-elle obligé de venir jusqu'ici ?

Je souffle, je soupire, j'essaie de me reprendre et retrouver l'ancrage nécessaire dans la réalité. Mais c'est tellement plus simple à dire qu'à faire. Heureusement que mon meilleur ami est là et que son cerveau est fonctionnel, lui. Sans Loan je serais encore plus perdu, mais avec lui je retrouve un semblant de stabilité alors que les questions rhétoriques s'enchaînent à une vitesse incroyable. J'aimerais tant avoir des réponses concrètes, mais je sais parfaitement que je n'en aurait pas et celles de Loan ne sont basée que sur des théories.

Quelle est ma position sur le fait de savoir que j'ai un fils quelque part dans le monde et que je ne verrais jamais ? N'aurais-je pas de regret à un moment donné ?  « J'en sais rien Loan» soufflais-je d'une petite voix, secouant la tête. D'habitude je sais parfaitement ce que je veux, j'ai un avis bien tranché sur mes idées, mais là, je n'ai absolument rien de concret à offrir à dire à mon meilleur ami.  «Il a rien demandé Elliot... » prononcer le prénom du petit à haute voix me fait prendre totalement conscience de la chose.

 «Tu ...tu crois que c'est égoïste ? Ma façon de penser ? » demandais-je doucement, incertain  «Il y a tant de gens sur terre qui rêvent d'avoir un enfant, mais qui n'y arrivent pas et qui rêveraient d'être à ma place mais je ... » je secoue la tête  «il est là maintenant et tu sais aussi bien que moi que je donnerais n'importe quoi pour revoir mon père ... » je me recule contre le dossier du canapé  «Je peux avoir un verre d'eau ? Ou peut-être que t'as un truc un peu plus fort ? »

@Loan Severide

Il est désemparé, Martin et le voir dans cet état m'inquiète réellement. Je connais ses convictions et il est si dur de lui faire changer d'avis là-dessus. Pourtant, ce n'est pas comme s'il allait pouvoir revenir en arrière. Il est là ce bébé et il n'a strictement rien demander à personne. Je n'arrive pas à imaginer Martin, pleinement conscient de sa paternité et refusant de reconnaître l'enfant. Il a tellement souffert du manque de ses parents. Au fond de moi, je suis persuadé qu'il va finir par le regretter s'il ne prend pas les bonnes décisions dès aujourd'hui. Pour autant, je ne veux pas forcer la conversation. Je tente, en douceur, de lui offrir un champ de possibilités, sans jamais rien lui imposer. La décision doit venir de lui et en aucun cas ne doit être influencé par ce que je pense ou ce que le reste du monde pourrait bien penser de tout cela.

Eliott. L'entendre murmurer le prénom de ce petit garçon me serre le cœur. C'est pire lorsque mon meilleur ami me demande si sa réaction est égoïste. Je secoue la tête pour dire non, incapable de trouver les bons moments. « S'il y a bien quelqu'un d'égoïste dans toute cette histoire, c'est Eirean. » Comment a-t-elle pu poursuivre sa grossesse sans jamais en informer Martin ? Elle l'aimait non ? Elle le connaissait mieux que personne surtout. Comment peut-elle revenir comme une fleur avec un bébé dans les bras ? Je suis en colère après elle, mais ce n'est pas le moment d'adresser tout cela. Je dois me concentrer sur Martin qui me réclame un verre d'eau. « Bouge pas. » Je file à la cuisine lui chercher un verre d'eau et une bière. « Commence par ça. » Le verre d'eau d'abord, parce qu'il est encore drôlement pâle. Je viens m'asseoir à ses côtés et soupire quelque peu. Je voudrais l'aider, mais je me sens incapable de lui apporter les bonnes réponses. « Il faut que tu prennes le temps de penser à tout cela. » il le sait déjà, mais juste lui rappeler qu'il a le temps. Il est là ce bébé après tout. « Peut-être demander à voir Eirean seule, elle a probablement une explication à t'apporter. » J'ose l'espérer en tout cas.

Il raison Loan lorsqu'il dit que la seule personne égoïste ici c'est Eirean. Je ne sais sincèrement pas ce que je ferais si je la vois. Serais-je du genre à lui parler tranquillement ou perdrais-je mon sang froid ? Peut-être l'engueulerais-je et lui dirais-je à quel point elle a merdé. Ou peut-être accepterais-je ses explications et toute cette situation. Je n'ai absolument aucune idée de ce que je vais faire, je sais juste que là, maintenant, je refuse catégoriquement l'arrivé d'un bébé dans ma vie.  « Elle le savait pourtant... elle le savait que je ne voulais pas d'enfants. Elle l'avait comprit et l'avait accepté. J'ai moi aussi accepté son désir d'en avoir en la libérant des chaînes du mariage. Elle … elle aurait pu refaire sa vie avec quelqu'un d'autre ou je ...je sais pas, m'en parler dès le début. Je ...j'aurais pas pu l'obliger à avorter mais j'aurais au moins pu lui dire de ne pas me contacter ou ... » je me prend le visage en main et soupire de désespoir  «...j'en sais rien. Je sais pas ce qu'on aurait fait. Je ... »

Je fini par demander une verre d'eau à Loan qui s'exécute rapide. C'est une main tremblante qui vient se refermer avec une certaine difficulté sur le verre avant que je ne le porte à mes lèvres et que je ne le vide d'une traite.  « Oui. Je … je vais y réfléchir» soufflais-je alors que Loan me dit qu'il faut que je me prenne le temps de penser à tout ça. Il suggère aussi que je propose à Eirean de la voir, seul, sans son gamin ce que j'approuve d'un hochement de tête  « Je ...Ce ...ça peut être pas mal ...» dis-je en me penchant en avant pour poser le verre sur la table avant d'attraper la bière.

Ou plutôt essayer. Après que mes doigts se soient refermés une fois dans le vide, ceux-ci agrippent la bouteille mais sans force. Et c'est, lorsque je souhaite la porter à mes lèvres, qu'elle m'échappe tout simplement, s'éclatant au sol et répandant son contenu sur le tapis mais aussi le carrelage du salon.  «Merde ! » m'exclamais-je subitement en me redressant subitement  «Désolé, désolé, désolé » me confondais-je en excuse alors que je ferme plusieurs fois mon poing  «Je suis vraiment trop con  » je soupire et me penche en avant pour commencer à ramasser les débris  «C'est de la bonne bière en plus quoi » que je tente l'humour alors que dans le fond je suis juste désespérer d'être aussi maladroit ces derniers jours.

Il se répète Martin, mais la révélation de l’existence de ce bébé le bouleverse complètement. Il me dit des choses que je savais déjà, mais je le laisse parler, il en a clairement besoin. Son mariage s’était terminé parce que leurs envies d’avenir étaient bien trop opposées. Cela avait été une séparation intelligente et réfléchis. Aujourd’hui, il faut croire qu’Eirean ne connaissait pas si bien cela celui qui a si longtemps partager sa vie. Elle voulait être mère et personne ne peut lui en vouloir d’avoir mené à bien cette grossesse, mais pourquoi revenir maintenant alors que le petit est né ? Alors qu’elle sait parfaitement que rien ne changera entre elle et Martin. Si je me pose toutes ces questions, je n’ose imaginer tout ce qui est en train de tourner dans la tête de mon meilleur ami. Je tente d’être présent sans jamais m’imposer, c’est important.

Pour le moment, je voudrais qu’il se calme un peu parce qu’il est clairement sous tension et ce n’est pas bon que cela dure. Un verre d’eau ne changera pas tout, mais cela lui permettra de souffler un coup pour remettre ses idées en ordre et calmer cette crise sous-jacente. Pour une fois, il entend les idées que je propose et ne les rejette pas en bloc. Il serait nécessaire qu’il se retrouve face à face avec Eirean pour discuter de tout cela, sans que le bébé soit dans les parages. Il pourra alors prendre une décision un peu plus réfléchie et censé que sur l’instant. « Respire Martin. » Je sens bien qu’il est encore tellement sous tension et je n’aime pas trop cela.

Quelques secondes après, il fait tomber sa bière qui s’explose sur le sol. Le liquide s’écoule déjà sur le tapis et entre les rainures du carrelage tandis que Martin ne cesse de s’excuser. « Eh eh c’est rien. » Mais déjà, il se baisse pour récupérer les bouts de verre, mais ces mains tremblent tellement que j’enroule mes doigts autour de ses poignets. « Laisse-moi faire Martin, tu vas te couper. » Je déteste le voir dans cet état et le force un peu à s’asseoir dans le fond du canapé. Je pars à la cuisine chercher un peu d’essuie tout et une éponge pour réparer un peu les dégâts. « C’est vraiment rien, j’en ai d’autres. » que je tente de le rassurer en souriant. Je nettoie grossièrement et laisse le tout sur la table basse pour plonger mon regard dans celui de Martin qui semble trembler encore. « Tu veux sortir ? Regarder un film ? » N’importe quoi qui pourra lui changer les idées, je crois que c’est important. « Ce soir, on te change les idées et demain tu y verras un peu plus clair et on en reparlera. »

Je sais que je radote, je sais que je ne cesse de dire encore et encore la même chose, mais en même temps c'est tellement le bordel dans ma tête. Comment voulez-vous que ce ne soit pas le cas lorsque je parle ? Je me répète, je panique. Je panique, je me répète. C'est un cercle vicieux qui ne semble pas vouloir s'arrêter tant que je n'aurais pas trouver la solution à tout ce mal. Et la solution est loin, très loin d'être trouvée.

Alors, afin d'arrêter de parler et pour essayer de contrôler mes flots de pensées, j'essaie de m'occuper avec une bière. Mais je remarque bien rapidement que ma main gauche semble vouloir n'en faire qu'à sa tête et la bouteille m'échappe pour aller s'écraser au sol. Me confondant en excuse, je me baisse dans l'optique de l'aider mais Loan m'oblige à me reculer contre le dossier du canapé, ce que je fais sans résistance. Prenant une profonde inspiration, je fini par fermer à nouveau les yeux et me passe une main sur le visage soupirant, alors que Loan revient de la cuisine pour essuyer grossièrement le massacre de la bouteille de bière.

 «J'ai pas envie de sortir, non » secouais-je la tête avant de rouvrir les yeux et porter mon attention sur Loan  « Mais je veux bien regarder un film» précisais-je avant de poser mon regard sur ma main, me massant légèrement le poignet. Je me prends quelques instants pour détendre mes épaules et ma nuque avant de reprendre la parole  «On peut regarder Harry Potter ? » demandais-je  « J'ai pas envie d'un film où il faut trop réfléchir mais je ne veux pas non d'un film trop nul donc ...ça te dis ?» je me passe les mains sur les cuisses et humecte mes lèvres en regardant mon meilleur ami.

Gratifiant le jeune danseur d'un doux sourire lorsqu'il approuve mon idée, j'hoche la tête et fini par me relever  «Je passe d'abord aux toilettes  » dis-je simplement en me dirigeant d'un pas fort peu assuré vers les sanitaires.

@Loan Severide

Je n’ai pas le temps de comprendre ce qu’il se passe que la bière de Martin se retrouve briser sur le sol. Je mets ça sur le compte des émotions, il a passé une sale journée. Puis il est têtu mon ami et je veux pas qu’il se coupe, pas vraiment envie de jouer au infirmier ce soir ou pire l’emmener à l’hôpital. Non, on va se passer de tout ça. Je me charge du nettoyage et demande à Martin de s’éloigner. « Reste tranquille un peu. » C’est beaucoup demander, mais il a besoin de se calmer, vraiment. Je l’ai jamais vu aussi agiter et plus les minutes passent, plus je m’inquiète pour lui.

Je finis par proposer un programme pour notre soirée, histoire que l’on ne reste pas là, à ressasser sa paternité. Il a besoin de se changer les idées et je suis là pour ça. Il n’hésite pas longtemps pour proposer que l’on se regarde un film et surtout pour que ce soit Harry Potter. Il ne perd pas le nord au moins. « Harry Potter ça me va. » Qui pourrait bien refuser ce genre de programme. « Je vais aller te chercher une autre bière. » Parce que je reste persuader que ça pourrait lui faire du bien, mais on va éviter de la casser cette fois.

On se lève en même temps avec Martin, il prend la direction du couloir tandis que je pars dans la cuisine. Je sors deux bières et de quoi faire un peu de snack. De retour dans le salon, je cherche dans ma collection de DVD pour trouver les Harry Potter. Je laisserais Martin choisir le volet qu’il préfère regarder, après tout, on les connaît tellement par cœur que l’on n’est pas obliger de commencer par le premier. Je m’installe dans le canapé et attends que le brun revienne. Les minutes s’écoulent et Martin ne revient toujours pas. Je commence à trouver cela bizarre et décide d’aller voir ce qu’il fabrique. « Martin ? » Pas de réponse… Okay, là je commence à paniquer un peu. Je frappe à la porte de la salle de bain. « Martin, ça va ? » J’entends quelque chose, mais ne comprends rien. Je frappe à nouveau et pose ma main sur la poignée de la porte. « Je vais entrer. » que je préviens avant d’ouvrir la porte pour trouver mon meilleur ami assis sur le rebord de la baignoire, le regard dans le vide. « Qu’est-ce qui se passe ? »

C'est quand même assez hallucinant comme notre vie peut basculer d'une minute à l'autre. Mon parcours professionnel m'a déjà mit sur le chemin de bien des gens qui ont vu leur vie changer du tout au tout et prendre un virage duquel ils se seraient bien passé. Un accident, une maladie nouvelle ou de longue date, un stress régulier, peu importe les raisons qui les aient poussé à devoir me consulter, toutes ces personnes m'ont permis de relativiser sincèrement sur ma propre vie. Au final, celle-ci était plutôt cool malgré tout. Malgré le décès de mes parents en 2001 puis de mon binôme en 2017, je n'ai jamais eu à me plaindre de ma vie car j'étais en bonne santé.

Et pourtant l'annonce d'Eirean comme quoi Eliott était aussi mon enfant a chamboulé m'a vie en même pas une minute. Est-ce ainsi que se sente les personnes à qui ont diagnostique un cancer ? J'ai bien l'impression que oui. Ma réaction est, au final, la même : la panique et la rage, l'incompréhension aussi, les remises en questions. Bref, toutes phases de l'acceptation par lesquelles ont doit obligatoirement passer.

Fort heureusement, je ne suis pas seul et Loan est là, avec moi. Malgré nos différents qui nous ont séparés ces dernières semaines, il m'a ouvert la porte et m'a prêter ses bras pour m'aider à me calmer et à reprendre quelque peu mes esprits. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans lui et ses mots rassurant. Même s'il pense être maladroit, même si ses paroles font autant sens que mes pensées, il est là et c'est tout ce qui compte. Alors, lorsqu'il me propose de regarder un film avec moi aujourd'hui, j'accepte sans grande hésitation et, sans perdre le nord, je propose qu'on se fasse un ou plusieurs Harry Potter, en fonction de nos envies de la soirée.

En attendant qu'il prépare les DVD et qu'il aille chercher une nouvelle bière, je me dirige vers les toilettes. Et c'est là que tout se gâte à nouveau. J'ai l'impression de me traîner plus qu'autre chose, la distance séparant le salon et les sanitaires me semblant tellement plus longues et difficiles que d'habitude. Mettant tout cela sur le stress qui retombe subitement, je ne me pose pas forcément plus de questions que ça. Ce n'est que lorsque, debout devant le lavabo de la salle de bain, mes jambes se dérobent brusquement sous moi que je me dis que quelque chose n'est pas normal.

Je parviens, en panique, à me rattraper au meuble et me laisse tomber sur le rebord de la baignoire. Une main poser sur ma cuisse gauche, l'autre se refermant sur mon t-shirt, j'essaie de lutter contre une respiration laborieuse, alors que je remarque de plus en plus la sensation bizarre des doigts sur ma jambe.

J'avoue que je ne me rend même pas compte du temps que je passe dans la salle de bain mais suppose que ça fait plusieurs minutes déjà car lorsque je relève la visage, c'est un regard perdu que je pose sur Loan, me demandant pourquoi il est là. Ce qui se passe ?  «Je ...je sais pas ... » soufflais-je d'une petite voix, relâchant mon t-shirt  « Je...mes jambes, elles...je ...» je secoue la tête, complètement perdu dans mes pensées et mes émotions  «J'ai plus de force, je... » je me tais alors que Loan s'accroupie face à moi, posant une main sur mon genou et plongeant son regard dans le mien. Je m'y accroche, à ces iris vertes, comme je m'accrocherais à une bouée de sauvetage  « ...j'ai peur» soufflais-je finalement, tremblant, sur un ton criant de sincérité. Peur de l'avenir et de ce corps qui me joue des tours depuis plus d'une semaine, peur des décisions que je vais devoir prendre et de tout ce que celles-ci impliquent.

@Loan Severide

Je voulais laisser, à mon meilleur ami, tout l’espace dont il a besoin durant cette soirée. Je sens bien qu’il a décidé de rester ici pour ne pas être tout seul et très honnêtement, je ne compte pas le laisser partir avant demain. Je préfère garder un œil sur lui, au vu de sa respiration chaotique et son teint pâle depuis qu’il a franchi le pas de ma porte. C’est d’ailleurs, très probablement, pour cela que je m’inquiète bien plus de raison lorsque je ne le vois toujours pas revenir de la salle de bain. Il fait bien ce qu’il veut, mais ce n’est pas non plus dans ses habitudes de prendre autant de temps… J’hésite un moment avant de me décider à aller frapper à la porte. Le manque de réaction de la part de Martin fini de faire grimper mon inquiétude.

Lorsque je le trouve assis sur le rebord de la baignoire, les yeux dans le vague, la respiration hachurée et avec les mains tremblantes, je comprends que quelque chose ne va pas. Je ne l’ai jamais vu dans un tel état Martin. Il a l’air si faible, à deux doigts de tourner de l’œil. Je n’aime pas cela. Encore moins lorsqu’il se met à bégayer que ses jambes ne le portent plus. Tout de suite, mon rythme cardiaque s’accélère sous l’effet de l’inquiétude, mais je préfère me concentrer sur l’état du brun. Accroupis devant lui, je réalise qu’il est véritable perdu, probablement incapable d’expliquer concrètement ce qui est en train de se passer autant dans son esprit que dans son corps. Et ces derniers mots me font frissonner. Jamais je n’ai entendu mon meilleur ami me parler de la sorte. Ne pas flipper, prendre soin de lui avant tout. « Okay… Je vais t’aider et on va s’asseoir par terre, d’accord ? » Je ne voudrais pas qu’il s’évanouisse et que sa tête vienne frapper le bord du lavabo avant que je n’aie le temps de réagir. Alors, lentement, je l’aide à venir se laisser glisser contre la baignoire. Le dos droit, les jambes étendues devant lui, je m’installe entre comme je peux pour me rapprocher sans être trop près non plus. J’attrape une des mains de Martin et viens la poser sur son ventre, gardant la mienne au-dessus. « On va respirer doucement. » Je vrille mon regard au sien. « Fais comme moi, et essayer de pousser nos mains avec ton ventre. » J’inspire longuement en faisant le plus de bruit possible avant d’expirer avec toujours autant d’exagération pour que son esprit tout entier se concentre là-dessus. Mais il est vraiment pâle Martin. Bien trop pâle et je n’aime pas ça du tout. Il commence à me faire peur. « Tu as mal quelque part ? » que je demande doucement alors que je voie qu’il a du mal à rester concentrer. Ma main libre vient se poser sur son front, mais sa peau n’est pas plus chaude que la normal. Mes doigts glissent jusqu’à sa nuque pour garder le contact. « Je suis là, respire doucement… Ça va aller, je suis là. » Je le répète bêtement sans jamais le lâcher du regard. Il m’inquiète vraiment.