Si l’on te donnait le choix entre être réveillée par Morgane qui te saute dessus ou le réveil, tu ne sais toujours pas choisir. Rien que l’idée de devoir te réveiller un dimanche te donne envie d’avoir une de ces maisons où tu peux fermer les volets électriques et passer la journée dans le noir à dormir tranquillement. Mais ta maison n’est pas équipée de tels outils et de toute manière ta fille se ferait un plaisir de venir te sortir du lit. Tu ne peux pas lui en vouloir d’être excitée. Une de ses amies l’avait invitée à la plage de Brisbane pour aller ramasser des déchets. La ville organisait plusieurs actions ce mois-ci et même si ramasser des déchets ne te disait rien du tout, tu pouvais comprendre l’enthousiasme de ta fille vu qu’elle allait surtout passer du temps avec son amie. Et vu son obsession pour le recyclage et les déchets, cela ne te surprenait pas de la part de Morgane. Tu avais appelé les parents de la petite fille en question et ils t’avaient assuré que ce n’était pas un problème pour eux de s’occuper de Morgane. Tu pouvais la laisser et la récupérer ensuite sans aucun problème. Ayant déjà rencontré ces gens plusieurs fois à la sortie de l’école, tu n’étais pas très inquiète. Tu envoyais donc Morgane s’habiller pendant que tu prenais une douche et que tu enfilais un jean et un t-shirt. Tu laissais tes cheveux en cascade sur les épaules avant de te maquiller légèrement et d’attraper tes lunettes de soleil. L’été était certes terminé à Brisbane mais le soleil était toujours là. Quand tu entrais dans la chambre de ta fille, tu fus ravie de la voir en short et en t-shirt. Elle n’allait pas avoir froid et tu y veilleras en lui mettant une petite veste. Vous prenez le temps de petit-déjeuner avant de monter dans la voiture en direction de la plage. Pour une heure si matinale un dimanche, il y avait déjà une activité assez importante. Une fois sorties de la voiture, tu attrapes Morgane par la main et une fois sur le trottoir, tu lui imposes un rituel qu’elle commence à connaître et qui est la crème solaire. Tu prends le temps de l’étaler sur ses bras, ses jambes et son visage avant de lui enfiler la casquette qu’elle avait à la main. Une fois prête, vous partez en direction de la tente où commence toutes les activités de nettoyage. C’est sur le chemin que Morgane t’arrête et pointe du doigt une jeune femme assise quelques mètres plus loin : « Maman ! Tu m’avais pas dit que Danika s’était fait mal ! » Tu suis le doigt de Morgane et en effet, tu aperçois ton amie avec des béquilles assise à la table d’un café ambulant installé ici pour l’occasion. « Je ne le savais pas. Viens, tu vas être en retard. » Dis-tu en tirant la main de ta fille qui ne se fit pas prier. La famille de l’amie de Morgane y est déjà et tu les salues avant de discuter un peu avec eux et de les remercier. Vous convenez que tu récupèreras Morgane dans deux heures au même endroit et après un bisou à ta fille, tu les laisses partir.
Tes lunettes de soleil sur le bout de ton nez, tu allais chercher un café avant de prendre la direction de la table où se trouvait Danika. Depuis votre soirée sur la plage, tu n’avais eu aucune nouvelle et tu n’avais pas voulu en prendre. La présente d’une attelle sur ton genou et de béquilles à ses côtés, te convainquirent de faire ce premier pas même si tu n’en avais pas vraiment envie. Vous aviez été trop loin, vous vous étiez laissé portées par des émotions qui n’aurait pas dû vous amener à ce moment et même si tu en avais honte, il t’arrivait d’y repenser de temps en temps, quand tu laissais ton esprit vagabonder. Il ne se passera jamais rien avec Danika, rien de sérieux en tout cas et tu n’as pas besoin qu’elle te le dise. Mais elle a réveillé en toi cet amour du corps féminin que tu avais oublié ces dernières années et que tu as envie de retrouver. Ce que tu n’arrives pas à lui pardonner, c’est de s’être enfuie, de t’avoir coupée de toute décision. Elle n’a pensé qu’à elle et le manque de respect qui en avait découlé, c’était ça qui t’avait fait le plus mal. « Hey. » Finis-tu par dire en t’installant sur une chaise à côté d’elle. Il n’y a que vous sur les quelques tables devant le camion. La plupart des gens prennent leur boisson à en porter ou n’en prennent pas. « Qu’est-ce qui t’est arrivé ? » Finis-tu par demander pour ne pas laisser le silence s’installer. Tu gardes tes lunettes sur le bout de ton nez et tu restes le plus éloigné possible. Non, tu ne veux pas faire de faux pas, pas aujourd’hui.
Avoir un enfant t’avait faite grandir. Tu avais compris au fil des années que des fois, il fallait prendre sur soi et faire le premier pas. C’était ce que tu venais de faire en apercevant Danika sur cette terrasse en haut de la plage. L’ancienne Jess n’aurait même pas envisagé aller la saluer, peu importe qu’elle se soit fait mal. Ce n’était pas toi qui avais fui, ce n’était pas toi qui n’avais pas appelé, ce n’était pas toi qui vous avait manqué de respect à toutes les deux. Oui les tords étaient partagés mais tu étais prête à discuter de la situation pour qu’elle s’arrange ce qui n’était apparemment pas le cas de ton amie. Tu ne savais pas ce qui s’était passé dans sa vie ces derniers temps et vu l’état dans lequel elle était avant que tu ne l’entraînes à cette soirée, tu n’étais pas vraiment optimiste. Mais tu avais refusé de l’appeler, tu avais été trop bafouée par le rejet que tu avais ressenti quand elle t’avait laissée sur la plage, tes vêtements encore trempés et le bas-ventre encore brûlant de désir. Ce n’était pas toujours à toi de faire un pas en avant et de prendre sur toi, tu avais aussi le droit d’être blessée. Tu savais que Morgane serait curieuse de savoir si tu avais parlé à ton amie quand tu la récupèreras et tu pourras au moins lui dire que oui ce qui la satisfera certainement et l’empêchera de poser beaucoup plus de questions. Tu sais que la conversation va tourner court avant qu’elle ne commence quand Danika te répond : « Salut. » Même derrière ses lunettes de soleil, tu sens que son regard est fuyant. Le ton froid qu’elle utilise, tu le connais aussi mais c’est la première fois qu’elle l’utilise avec toi et c’était peut-être ça le pire finalement. Malgré toutes ces années d’amitié, tu n’as pas le droit à un meilleur traitement que ces connais qui croisent sa route. Tu ne réponds pas, préférant lui demander comment elle s’est blessée. Si tu as cette information, tu es certaine d’être tranquille avec Morgane. « Un combat. Avec Keith. Ca a dérapé. Mais c’est pas grave, dans un mois je n’aurais plus d’attèle. Un peu de rééducation et ça sera comme neuf. » Tu la regardes avec de grands yeux écarquillés. Keith ? Ce même Keith à qui elle ne parlait plus depuis des années ? Non, ce n’était pas possible … Et pourtant … Tu te souvenais d’avoir entendu parler de lui souvent, très souvent. Et tu t’étais demandée s’il n’était pas un peu plus pour ton amie que le simple frère qu’elle prétendait qu’il était. Mais elle t’avait toujours assuré que non et ils avaient fini par ne plus se parler alors tu avais pensé que c’était la fin de l’histoire. Quand à sa blessure, tu espérais vraiment que cela s’arrangera complètement mais ce n’était pas la première blessure de la jolie brune. « On parle bien du Keith à qui tu n’as pas parlé depuis des années ? Le Keith qui était comme ton frère n’est-ce pas ? » Du moins c’était ce qu’elle t’avait raconté encore et encore quand tu posais la question. Peut-être que les choses étaient différentes aujourd’hui, qu’ils s’étaient revus depuis un moment et que tu n’en savais rien. Plus rien ne te surprendrait en vérité. Du moins rien ne te surprendrait au sujet de Keith. Ce qui te surprit fut la question que Danika te posa et le ton qu’elle utilisa pour le faire : « Qu’est-ce que tu fais ici ? Prise d’une envie de nettoyer la plage ? » Ce fut comme se prendre une claque en pleine figure. Tu n’avais aucun mal à assumer que tu n’étais pas la première à venir nettoyer des plages et à participer à des dizaines de bonnes actions. Mais tu ne méritais ni ce ton, ni ce traitement. Si faire un pas vers Danika devait signifier se prendre ce genre de remarques dans la figure, tu n’en voulais pas. Tu ravalais des larmes avant de lui dire : « Pas que cela soit tes affaires mais Morgane a voulu accompagner son amie pour nettoyer la plage avec sa famille. Je n’ai fait que l’accompagner. » Récupérant le café que tu avais posé sur la table, tu en pris une gorgée avant de dire : « J’aimerais te dire que ce fut un plaisir mais ce n’est pas le cas. » Tu te lèves et avant de quitter Danika, tu lui dis : « Le jour où tu seras prête à assumer et à en parler, tu m’appelles. Je ne pense pas mériter ce genre de traitement. » Tu en avais assez de te faire marcher dessus et d’être la bonne amie, celle qui pense aux autres avant de penser à toi. Tu n’attends pas de réponse de sa part et tu prends la direction du parking sur lequel est garé ta voiture. Tu as certainement le temps de faire un petit tour en ville pour faire une ou deux courses et chasser Danika de ton esprit.
Assise aux côtés de Danika, tu te demandais comment vous aviez pu en arriver là et surtout pourquoi tu avais pris la peine de venir voir la jeune femme. Il était clair qu’elle n’avait aucune envie de te parler vu qu’elle n’avait pas pris la peine de t’appeler depuis votre soirée sur la plage. Des fois, tu te demandais pourquoi tu continuais à te faire mal de cette manière. Le ton que Danika utilisait pour t’adresser la parole te donnait toutes les indications que tu avais besoin. Le fait que la jeune femme s’arrange pour que chacune de ses réponses ne fasse que quelques mots et le ton qu’elle utilisait ne te donnaient envie que d’une chose, c’était de baisser les bras. Lorsqu’elle te parla de sa blessure, Danika mentionna Keith, cet homme que tu pensais sorti de sa vie pour de bon vu que cela faisait sept ou huit ans que tu n’avais pas entendu son nom. « Ouais le Keith d’Helena. » Enfin si, tu l’avais entendu son nom vu qu’il était sorti avec Helena mais tu ne l’avais pas entendu dans la bouche de Danika. D’ailleurs, tu te souvenais qu’à l’époque, Helena n’avait pas compris pourquoi Danika refusait soudainement de lui parler. Cela avait été l’occasion pour toi de questionner de nouveau ton amie sur ses sentiments envers Keith mais elle t’avait assurée que la fin de son amitié avec Helena n’avait rien à voir avec le jeune homme et était dû à autre chose. A quoi ? Personne ne savait le dire, même pas Helena de ce que tu avais compris. Refusant d’approcher ce sujet épineux, tu ne lui répondis pas. De toute manière, ce n’était pas tes affaires et il était évident que Danika ne se confiera pas à toi dans tous les cas.
La goûte d’eau qui vint faire déborder le vase arriva quand ton amie te demanda ce que tu venais faire sur cette plage. Ce n’est pas la question qui te surprit mais son ton. Tu en avais assez de jouer à la bonne copine, celle sur laquelle on pouvait marcher sans se soucier de ce qui lui arrivait. Tu décidais donc de reprendre la situation en main et de quitter cette plage pour laisser Danika tranquille une bonne fois pour toute, tu avais compris le message. Avant de tourner les talons, tu vis que tes paroles avaient secoué Danika. C’était déjà mieux que rien si elle se rendait compte qu’elle avait déconné. Ton café à la main, tu te dirigeais d’un pas décidé vers ta voiture que tu avais garée sur le parking quand tu entendis Danika t’appeler : « Jessian ! » Tu n’as pas envie de te retourner, tu n’as pas envie de te prendre encore une remarque en pleine figure, tu en as assez. Mais soudain, tu sursautes et te retourne par réflexe alors que tu sens une main se fermer sur ton poignet. « Attend. Reste. Ne pars pas. » Tu t’arrêtais, remarquant que Danika n’avait pas ses béquilles ce qui n’était pas raisonnable. Et puis tu t’en voulus de penser à ça et à son bien-être alors qu’elle n’avait pas pensé à tes sentiments et ce que tu ressentais une seule fois depuis votre soirée sur la plage. « Je sais que tu ne mérites pas ça. Je… On peut boire un café, on peut discuter. » Danika voulait discuter ? Elle en était certaine ? Parce qu’elle ne t’était pas apparue comme prête à le faire quelques minutes plus tôt. Tu hésitais, cela devait se voir sur ton visage car Danika finit par te dire : « J’aurais dû t’appeler. » Tu plongeais ton regard dans le sien pendant quelques secondes, ne bougeant pas. Il fallait que tu décides si tu étais prête à lui laisser une chance de s’expliquer maintenant. Poussant un soupir, tu lui dis : « Tu aurais dû en effet. » Lui tendant ton bras, tu ajoutais : « Retourne t’asseoir avant que tu n’aggraves ton cas. On ne te donne pas des béquilles pour faire joli. » Ne pus-tu t’empêcher de la sermonner. C’était la mère qui dormait en toi, tu ne pouvais pas t’empêcher de t’inquiéter et de faire remarquer à Danika quand elle était déraisonnable. Vous retourniez vous installer autour de la table que vous aviez quittée. Une fois chacune sur votre chaise, tu poussais tes lunettes de soleil sur ta tête avant de demander à ton amie : « Pourquoi tu t’es enfuie comme une voleuse ? Je … On aurait pu parler de tout ça de suite et éviter de laisser pourrir la situation. » Votre plongeon dans l’eau fraîche vous avait permis de perdre la plus grosse partie de l’alcool qui courait dans vos veines.
Entendre Danika te rattraper, c’était un soulagement. Tu avais senti ton coeur se serrer en la laissant ainsi en plan mais tu ne pouvais pas la forcer à parler de cette soirée et tu ne pouvais pas la forcer à te parler non plus. Si elle avait envie de jouer le détachement et l’ignorance, tu pouvais y jouer aussi. Dans cette histoire, tu n’avais pas envie de te reprocher quoi que ce soit. Tu avais été voir Danika pour la sortir de chez elle et t’assurer qu’elle allait bien. Certes, vous aviez été trop loin mais tu ne l’avais pas forcée. Tu l’aurais laissée filer si elle te l’avait demandé. Sentir sa main agripper ton poignet aurait dû t’énerver mais à la place, tu retins un sourire. Tu n’avais pas envie de perdre l’amitié de Danika, de mettre toute votre histoire derrière vous juste parce que l’alcool et votre bêtise vous avait amenées à aller trop loin. En même temps, tu ne pouvais pas nier que cela avait été très agréable mais ça, tu le garderas pour toi. Une fois toutes les deux l’une en face de l’autre, tu ne peux t’empêcher de sermonner un peu Danika sur le fait qu’elle allait aggraver la situation de son genou si elle continuait à marcher sans béquilles. Tu la raccompagnais donc bras dessus bras dessous jusqu’à la chaise où elle était assise précédemment. Vu de l’extérieur, personne ne pouvait se douter que vous étiez en train de vous disputer quelques minutes plus tôt. Décidant de ne pas tourner autour du pot plus longtemps, tu lui demandais pourquoi elle s’était enfuie ainsi. « Je ne sais pas si t’as remarqué, mais je ne suis pas la plus douée pour gérer ce genre de situation. Je n’aime pas perdre le contrôle Jess..Et la dernière fois j’ai perdu le contrôle. » Tu vis ton amie s’interrompre et tu lui laissais la possibilité de continuer mais elle ne le fit pas. La dernière fois qu’elle avait perdu le contrôle, que s’était-il passé ? Tu étais curieuse et intriguée de savoir comment ces deux histoires pouvaient se rapprocher. Tu repris place en face d’elle une fois que tu étais certaine qu’elle était bien installée. Cette fois, elle ne pouvait pas fuir, tu ne lui en laisseras pas l’occasion. « Qu’est-ce qui s’est passé la dernière fois que tu as perdu le contrôle ? » Décidas-tu de lui demander patiemment. De ton côté, tu avais l’habitude de perdre le contrôle. Tu aimais boire de l’alcool, à une époque, tu aimais même te droguer et tu ne comptais plus le nombre de matins où tu t’étais réveillée à un endroit en ignorant comment tu y étais arrivée. Tu avais conscience que ce n’était pas responsable de ta part mais tu avais été jeune et bête. Désormais tu étais un tout petit peu plus responsable. « Ca aurait pas dû arriver. C’était une connerie. » Plongeant ton regard dans celui de Danika, tu compris qu’elle ne parlait pas forcément de votre étreinte dans l’eau mais peut-être de quelque chose de plus large. Tu ne pouvais pas nier être légèrement blessée à ces paroles mais tu essayais de ne pas le montrer. Tu savais que cette conversation n’allait pas forcément être simple et tu avais eu raison. « C’est quoi que tu qualifies de connerie exactement ? De m’avoir laissé entrer ? D’avoir trop bu ? De t’être laissée aller dans mes bras ? De quoi est-ce que l’on parle ? » Pour ne pas dire de conneries, c’était essentiel que tu saches de quoi vous étiez en train de parler. Et si Danika était plus précise, cela te permettra peut-être d’être moins blessée par ses paroles également par le suite. Il y avait également le sujet de Keith que tu comptais bien aborder mais pas encore, ce n’était pas le moment de le faire. Mais tu ne l’oubliais pas parce que si à l’époque tu avais été à l’autre bout du monde et trop loin pour poser des questions, cette fois, tu ne l’étais pas et tu pouvais voir que quelque chose s’était passé.
Tu avais toujours fait partie de ces gens qui voyaient toujours le meilleur dans l’autre, de ces gens qui n’avaient pas envie de baisser les bras juste parce que c’était un peu difficile. Si tu avais été de ces gens-là, jamais tu n’aurais percé dans le mannequinat car tu n’aurais pas supporté les nombreuses portes fermées et les réflexions à la douzaine que tu avais reçues au fil des années. C’était drôle d’entendre ton entourage te dire que tu étais magnifique et que tout le monde devrait t’embaucher quand les professionnels du secteur aimaient te rappeler que même si tu étais mignonne, tu étais remplaçable. Et ces derniers temps, c’était une réalité qui avait pris tout son sens … Mais avec Danika, tu avais refusé de baisser les bras. D’abord quand son père était décédé, tu avais voulu être là pour elle et les rejets de ton amie ne t’avait pas complètement arrêtée. Et puis plusieurs mois après, tu avais voulu lui faire redécouvrir les plaisirs de la vie, celui de faire la fête, de s’amuser et de ne plus penser à tout ce qui l’entrainait dans une spirale destructrice … Ton plan avait rencontré une petite bosse et tout ne s’était pas déroulé comme prévu. L’alcool qui avait coulé dans votre sang, votre soif d’irresponsabilité vous avait amenées à dépasser une ligne rouge que vous n’aviez jamais envisagée auparavant. Tu ne le regrettais pas de ton côté, le plaisir qui t’avait envahi ce soir là alors que vos corps se rencontraient dans l’eau froide de l’océan était encore gravé dans ton esprit mais tu avais bien compris que Danika avait paniqué. Cependant, tu n’étais pas certaine qu’elle ait paniqué parce que vous aviez franchi cette ligne, du moins pas seulement pour cela. Mais les quelques fois où tu avais essayé de lui tendre la main pour en discuter, tu avais été accueillie par du silence. Tu avais donc arrêté, blessée. Mais aujourd’hui, bien qu’à contre-coeur, Danika semblait prête à te parler. Tu veillais à ce qu’elle soit bien installée pour ne pas se blesser un peu plus au genou avant de poser tes questions. Son malaise était certain mais il était temps que vous mettiez les choses à plat si vous vouliez espérer pouvoir dépasser cet épisode. « Tout je dirais.. Si je ne t’avais pas laissée entrer, le reste ne serait pas arrivé. Parfois je me dis que c’est juste plus simple de prendre mes distances en ce moment. Avec tout le monde. » Tu regardais Danika commencer à fumer sa cigarette alors que tu réfléchissais à ses paroles. Garder tout le monde à distance … Eviter de blesser et d’être blessé … Tu comprenais comment cela pouvait apparaître comme rassurant pour ton amie mais les choses ne fonctionnaient pas ainsi dans la vie. On ne pouvait pas la traverser seul, pas quand elle comptait pour tout un tas de personnes qui n’avaient pas envi qu’elle se renferme sur elle-même. « C’est pas que j’ai pas aimé le reste Jess. C’est juste que c’est toi. Et on se connait depuis trop longtemps…Et la dernière fois que j’ai fait ça, ça m’est revenu à la gueule et j’ai perdu une amitié que j’aurais préféré de ne pas perdre. » Hum … Intéressant … Alors Danika avait déjà couché avec un ami qu’elle avait ensuite perdu … Tu repensais à tout ce que ton amie avait pu te confier au fil des années et la réponse à ta question s’imposa avec une clarté qui te surprit. Bien sûr qu’elle était en train de parler de Keith. Ses yeux s’étaient plissés exactement de la même manière que tout à l’heure quand elle l’avait mentionné. Tu ne pus t’empêcher de lui faire remarquer : « Donc pour ne pas perdre mon amitié tu t’es dit que la manière de procéder c’était d’ignorer mes appels et de ne plus me parler ? » Parce qu’à tes yeux, le seul moyen de remédier à tout cela, c’était d’en parler pour décider toutes les deux où vous en étiez et ce que vous vouliez faire de ce qui s’était passé. Danika devait assez bien te connaître pour savoir que tu n’attendais pas d’elle des promesses intenables et que ce que vous aviez fait sur la plage ne signifiait pas plus que ce que vous décideriez d’en faire. « Cela peut sans doute te paraître rassurant de garder tout le monde à distance mais tu peux pas vivre comme ça Dani. » Lui dis-tu en posant ta main sur la sienne. Ce n’était pas ce que son père aurait voulu mais ça, tu te retins bien de le lui faire remarquer. « Moi tout ce que je veux c’est que tu commences à guérir tu sais ? » Dis-tu en haussant les épaules avant d’ajouter : « Et je suis désolée que tu aies perdu Keith après avoir couché avec lui. Tu aurais dû m’expliquer à l’époque que tu ne perdais pas qu’un ami … » Danika pouvait te dire ce qu’elle voulait, la vérité était d’une clarté limpide aujourd’hui. Tu avais eu raison d’insister, Danika avait eu des sentiments pour Keith et en avait peut-être toujours d’ailleurs.
Les paroles et les gestes de Danika n’étaient pas vraiment coordonnés. Mais elle t’avait rattrapée alors que tu t’échappais et c’était tout ce qui t’avait fallu pour comprendre qu’elle n’était pas aussi froide et rigide qu’elle te l’avait laissé entendre. Toutefois, il fallait que tu lui fasses remarquer que ce n’était pas facile pour toi de comprendre ce qui se passait. « Ouais dit comme ça, je reconnais que ce n’était pas la meilleure des idées. » Tu savais que le comportement de Danika n’était pas totalement rationnel. Tu avais vu à quel point elle intériorisait tout un tas de choses, la manière dont elle se persuadait de vérités qui n’étaient vraies que dans son esprit. Le minuscule sourire qui était apparut sur ses lèvres fut faux et de courte durée. Tu préférais qu’elle ne sourit pas plutôt qu’elle essaie de sourire ainsi. Tu l’écoutes parler et tes paroles se veulent rassurantes en retour mais tu vois que ce n’est pas le cas, du moins pas vraiment. Tu aimerais que Danika puisse s’ouvrir, qu’elle comprenne qu’elle n’avait pas à faire face à toutes ces épreuves toute seule. « Je sais… » Ton but n’est pas de l’accabler et son murmure ne te rassure pas beaucoup sur la suite. Tu fais de ton mieux pour être là pour ton amie le plus souvent possible mais si elle repousse tout le monde comme elle le fait avec toi, il arrivera un moment où les gens ne feront plus d’efforts et où elle se retrouvera réellement seule. Et tu doutais que c’était ce qu’elle recherchait même si elle ne le réalisait pas encore. Les paroles de Danika sur votre soirée te fit comprendre qu’il n’y avait pas que cette soirée qui s’était passée ainsi. Il t’aura fallu des années et des années pour que cette confession arrive à demi-mots sur les lèvres de ton amie. Cela te paraissait évident aujourd’hui et le : « Quoi ? » de Danika n’était pas très convainquant. Elle était peut-être surprise que tu aies fait le lien mais elle ne pouvait pas continuer à nier ses sentiments pour Ketih qui étaient déjà évidents à l’époque. Elle t’avait assuré qu’il n’en était rien alors tu avais arrêté d’insister car tu voyais que cela l’agaçait. Tu te demandais pourquoi elle l’avait toujours nié car tu n’aurais rien fait de cette information, tu étais à l’autre bout du monde à l’époque. Tu vis le moment où Dani se résigna et te dit : « Je te l’ai pas dit parce que je ne suis même pas sûre qu’à l’époque je l’acceptais moi-même. Et après…après ça ne servait plus à rien à part remuer le couteau dans la plaie… Et puis après il était avec Helena et je me disais juste que j’allais passer à autre chose… » Tu levais un sourcil à ces paroles car … cela voulait-il dire qu’elle n’était pas passée à autre chose ? Que ses sentiments pour Keith étaient toujours là ? Tu allais lui poser la question quand elle ajouta : « De toute façon ça n’a pas d’importance…Il ne m’a jamais vu comme ça. Il me l’a très bien fait comprendre. » Tu grimaçais en entendant cela. Tu connaissais très peu Ketih. Tu l’avais croisé à plusieurs reprises mais tu ne le connaissais pas vraiment. Ce qui était un peu un comble vu son lien avec Danika et vu qu’il avait été le copain d’Helena. Mais l’occasion ne s’était jamais présentée et puis il avait disparu de la vie de tes deux amies. Il semblait de retour dans la vie de Danika vu qu’il l’avait blessée au genou. « Tu … Tu es sûre et certaine que c’est sans espoir ? » Parce que si Keith lui avait fait comprendre que c’était sans espoir à l’époque, cela pouvait avoir changé maintenant. S’il avait prononcé ces paroles dernièrement, la situation était toute autre. En plus d’avoir perdu son père, Danika serait en train de se faire briser le coeur par un homme qui comptait beaucoup pour elle. Tu espérais très sincèrement que ce serait la première hypothèse mais rien n’était sûr. « Je comprends que tu n’aies rien dit, ce n’est pas toujours facile d’accepter ce que l’on ressent. » Tu te voulais rassurante, tu essayais de faire comprendre à Danika qu’elle ne te devait rien. Si elle n’avait pas voulu t’en parler, c’était son droit. Tu aurais préféré qu’elle le fasse pour pouvoir l’aider à faire face à la situation mais elle avait tout à fait le droit de ne pas le faire. « Et toi pourquoi ? Pourquoi tu l’as laissé arriver ce qui s’est passé sur la plage Jess ? » Danika n’était pas la seule fautive dans l’histoire. Tu avais une grande part de responsabilité dans ce qui s’était passé. C’est toi qui aurais dû dire stop, c’est toi qui menais les rênes de cette soirée alors tu aurais dû faire mieux. Tu pourrais lui soutenir que c’était l’alcool mais vous saviez toutes les deux que ce n’était pas que ça. Il allait falloir que tu avoues quelque chose que tu n’avais pas envie d’avouer. Passant une main dans tes cheveux, tu pris une grande inspiration avant de dire : « Cela va peut-être te surprendre mais je suis bien plus seule que tu ne le penses. J’avais … Cela fait bien trop longtemps que personne n’avait manifesté ce genre d’attraction envers moi et je … Je sais que j’aurais dû tout arrêter mais l’alcool aidant, j’avais besoin de perdre pied. » Tu n’en étais pas fière mais c’était la vérité. « J’en ai assez d’être la mère parfaite d’une petite fille de cinq ans. Tout le monde ne voit plus que la mère mais oublie la femme. Oh on me regarde, c’est certain, les regards eux sont toujours là mais désormais ils ne sont plus que ça, des regards. » Ce n’était pas une invitation à ce que tous les pervers de Brisbane viennent te toucher mais être mère avait changé la donne pour toi et le fait de ne plus vivre avec Abel renforçait souvent ce sentiment de solitude que tu ressentais.
Keith était un sujet épineux. Le fait que Danika n’ait jamais voulu admettre ses sentiments à haute voix, qu’elle ait refusé de parler de cet homme qui avait une place si importante dans sa vie du jour au lendemain, cela prouvait à quel point c’était un sujet qu’il fallait prendre avec des pincettes. Tu ne savais pas quoi penser du fait que Keith soit lié à la blessure au genou de ton amie mais tu n’arrivais pas à l’imaginer la blesser volontairement. Pas physiquement en tout cas. Par contre, il semblait l’avoir blessée émotionnellement et dernièrement vu qu’ils s’étaient revus ces derniers temps. Tu avais du mal à imaginer ce que ces retrouvailles avaient pu donner vu l’état de ton amie depuis le deuil de son père. Et vu ce qu’elle te racontait, il semblait que les choses ne se soient pas très bien passées. Ne connaissant pas toute la situation, tu te retrouvais à lui demander si elle était certaine qu’il n’y avait plus d’espoir, qu’il ne partagerait jamais ses sentiments. Des sentiments qu’elle semblait encore ressentir avec force de son côté. « Honnêtement on est à un point où je ne sais même plus si j’ai envie qu’il revienne. On se connait depuis tellement longtemps. Pourtant parfois j’ai l’impression d’avoir un inconnu en face de moi. » Dans les paroles de Danika, tu avais l’impression de retrouver ce sentiment d’échec et de lassitude que tu avais ressenti envers Abel quand tu avais pris la décision de divorcer. Contrairement à ton amie, tu ne le connaissais pas depuis longtemps mais depuis un an et demi. Et pourtant, tu avais compris que l’amour que vous vous portiez n’était pas suffisant. Tu l’aimais comme tu n’avais jamais aimé personne auparavant et tu savais que lui aussi partageait ce constat. Votre relation n’avait rien perdu de la passion qui vous animait à vos débuts mais cela ne suffisait plus. La naissance de Morgane, cette grossesse que tu avais passée dans le doute et la solitude avait tout changé. Prendre la décision de le quitter avait été très difficile, presque impensable au début mais c’était la bonne décision malgré tout. « Des fois, même si c’est dur à accepter, dire au revoir à ceux que l’on aime est la meilleure chose à faire pour moi. » Tu poses ta main sur celle de Danika parce que ce n’est peut-être pas les paroles qu’elle a envie d’entendre et pourtant, tu es incapable d’en prononcer d’autres. « J’ai eu à faire ce choix, c’est le plus difficile que j’ai eu à faire de ma vie mais il s’est avéré être également le meilleur. » Tu n’allais pas mentir, divorcer d’Abel et rentrer en Australie avait été difficile à faire et à accepter. Pourtant, s’il fallait le refaire, tu le referais. Parce qu’Abel et toi vous n’étiez pas réellement prêts pour cette vie qui vous faisait rêver. Vos rêves étaient ailleurs, dans le mannequinat et la musique, dans vos réalisations personnelles. Et aujourd’hui, vous construisiez petit à petit une relation bien plus forte que celle que vous aviez eue pendant votre mariage.
Maintenant que Danika t’avait donné son ressenti sur ce qui s’était passé entre vous, elle t’avait retourné la question. Après tout, c’était toi qui étais censée être la régulatrice de cette soirée et il n’en avait rien été. Tu aurais pu inventer des excuses mais tu savais qu’elles sonneraient bien faux dans cette conversation. Alors, les yeux rivés sur la table, tu avouais à Danika te sentir plus seule que tu n’aimais le reconnaître. Dès que les gens savaient que tu avais une fille, tu perdais soudainement l’intérêt des gens qui t’entouraient et tu devenais cette mère parfaite dans leur esprit. Tu n’étais pas une sainte, il t’arrivait de coucher avec des hommes et des femmes mais cela n’effaçait pas la solitude dans laquelle ta vie de maman te poussait par moment. La main de Danika vint cette fois prendre la tienne ce qui te fait relever les yeux. « Je suis désolée. Je savais pas que ça te pesait autant. J’aurais dû le voir avant. » Tu ne cherchais ni la pitié de ton amie, ni à la faire culpabiliser. Tu t‘arrangeais pour que cela se voit peu et que personne ne le remarque vraiment. C’était à toi de te débrouiller avec tout ça. « Si ça peut te rassurer je peux t’assurer qu’on oublie bien vite la mère quand on a la femme sous ses doigts. » Tu laissais échapper un petit rire à ces paroles mais un rire plus triste qu’autre chose. Tu n’aimais pas douter, tu détestais ça même mais en ce moment, tu n’avais l’impression de faire que ça. Les paroles de Danika étaient rassurantes mais cela n’empêchait pas que tu n’aurais jamais dû laisser la situation en arriver là où elle en était arrivée. « T’excuses pas, tu ne pouvais pas le voir. Je … C’est pas vraiment quelque chose dont je suis fière. » Vu comment tu fuyais son regard et tu cherchais à te cacher, cela ne devait pas vraiment beaucoup la surprendre. Tu aimerais pouvoir tout le temps tout gérer mais tu restais un être humain et cela était impossible, des fois, tu craquais toi aussi. « J’avais besoin de perdre pied aussi. Je crois que c’est la première soirée où j’y ai pas pensé. Où ça m’a pas traversé l’esprit, j’étais juste bien, on dansait et enfin ça allait. C’est complètement con, je sais qu’il faudra bien un jour que je passe à autre chose. Mais cette soirée là ça allait bien, je n’étais plus triste, je n’y ai pas pensé et ça m’a fait flipper. L’idée de passer à autre chose, d’aller mieux, ça me fait presque autant peur que l’idée d’être toujours aussi triste. » Un sourire sincère se dessina sur tes lèvres parce que ce soir-là, ton but avait été atteint. Tu avais réussi à faire oublier à Danika tout le reste à part le fait de s’amuser. Elle n’avait pas pensé à son deuil, elle n’avait pas pensé à Keith et rien que pour ça, tu ne pourras pas regretter cette soirée. Tu n’avais pas envisagé que cette idée lui ferait peur toutefois. « Mission accomplie. » Lui dis-tu doucement avant de poser tes doigts sous son menton et de lui relever la tête. « Tu as le droit d’avoir peur, tu as le droit de ne pas savoir où tu vas, de faire des erreurs. C’est normal d’être perdue mais tu n’as pas à avancer toute seule. » Si elle laissait ses proches prendre un peu soin d’elle, il serait sans doute plus facile pour elle d’envisager la suite. « Pour des raisons différentes on a toutes les deux merdé ce soir-là mais je refuse que cela mette un terme à notre amitié. Alors on laisse ça derrière nous, on l’efface pas mais on accepte que c’était une expérience qui nous a rapprochée et pas éloignée. » Ça, il n’y avait que vous qui pouviez le décider. Tu n’étais pas assez naïve pour penser que vous pouviez juste oublier et passer à autre chose. Alors il allait falloir apprendre à vivre avec.
L’aveu que tu fis à Danika sur ta relation avec Abel, elle ne le releva pas et tu lui en étais très reconnaissante. Tu n’avais pas du tout envie d’évoquer l’échec qu’était ton mariage et tes paroles avaient eu l’effet escompté, Danika semblait perdue dans ses pensées. Est-ce qu’elle allait vraiment faire une croix sur Keith ? Tu n’en savais rien et seul l’avenir pourrait te le dire. Tu pressentais que ton amie était à une période de sa vie où elle devait faire des choix tout en n’étant pas dans les meilleures dispositions pour les faire. Sa relation avec Keith avait toujours été une sorte de mystère pour toi et la comprendre aujourd’hui était impossible. Il y avait des relations qui remontaient à tellement longtemps, qui avaient un tel impact sur votre vie qu’il est difficile de s’en défaire complètement. C’était ce que tu avais l’impression de vivre avec Grace depuis qu’elle était de nouveau entrée dans ta vie. Son retour n’avait pas été fracassant mais petit à petit, vous aviez retissé des liens et … Tu ne savais pas. Tu n’étais pas sûre de vouloir savoir. Pour l’instant, tu préférais te laisser porter quand tu étais en sa compagnie parce que Grace rimerait toujours pour toi avec légèreté et insouciance. Retrouver cela avec ton ancienne amante était excitant mais en même temps, tu savais au fond de toi qu’il y avait de grandes chances que cela ne mène à rien. Ce n’était pas grave en soi, tu ne t’attendais pas à de grandes déclarations de la part de la jolie brune ou quoi que ce soit de ce genre. Après tout, personne n’a dit que toute relation devait se terminer par un mariage. Tu l’avais accepté maintenant et tu avais l’impression que sans rien vous dire, vous aviez passé cet accord tacite au milieu de toutes vos interactions. Tu chassais Grace de ton esprit, ce n’était pas le moment de penser à la jeune femme. Non, pour l’instant, il était temps de confier à Danika la raison pour laquelle tu avais craqué, la raison pour laquelle tu t’étais retrouvée dans ses bras et pourquoi tu n’avais pas dit stop. Tu n’étais pas fière de l’avouer, tu avais même mis du temps à te l’avouer toi-même et pourtant, la réalité était là. Dinka s’excusa de ne pas avoir perçu ta solitude mais elle n’avait pas à s’excuser, tu n’avais rien laissé paraître de ton côté non plus parce que c’était tellement plus simple de rentrer dans le rôle de maman parfaite que l’on t’attribuait presque immédiatement. « Pourquoi tu devrais en avoir honte Jessian ? Morgane est parfaite et la plus mignonne des gamines et tu es une mère géniale, mais je comprends que t’ais pas envie d’être que ça. Ca doit pas être évident tous les jours. Mais il y aura quelqu’un qui va tomber amoureux des deux un jour. De la mère et de la femme. Et il ou elle le fera sans aucune hésitation. » L’amour, ce n’était pas vraiment ce que tu cherchais. Enfin si, bien sûr que tu avais envie de pouvoir construire une relation un jour, une relation qui n’avait rien à voir avec ce que tu avais pu connaître auparavant. Mais ce n’était pas quelque chose que tu cherchais ardemment. Tu voulais laisser les choses se faire et juste profiter. Tu ne regrettais pas tes choix passés mais retrouver ta liberté et une vie de femme indépendante avant de te relancer dans une histoire n’était peut-être pas plus mal. L’amour oui mais pas à n’importe quel prix. « Tomber amoureuse, être aimée … C’est pas spécialement que je cherche. Avant de pouvoir m’offrir à quelqu’un d’autre, j’ai besoin de me retrouver. » Et c’était ce que tu faisais en quelque sortes depuis ton retour à Brisbane. Tu avais eu des corps dans ton lit mais jamais rien de plus, jamais rien de bien sérieux. Oh tu avais eu des crushs, des coups de coeur mais tu les avais laissés filer sans regrets. Maintenant, tu serais sans doute plus prête à tenter quelque chose mais ce n’était pas une priorité. Le moment où Danika décida d’arrêter de lutter, tu le vis dans son attitude et son visage. C’était fascinant de la voir se détendre et accepter qu’elle n’arriverait pas à te faire fuir et qu’elle devrait à la place te laisser reprendre ta place d’amie, de l’aider à traverser cette période. Cette soirée que tu avais organisée avait pris une tournure inattendue mais elle avait rempli son objectif et c’était déjà ça. Toutefois, il était temps de la mettre derrière vous et de ne plus vous en soucier plus que cela. « D’accord. » Le sourire que vous échangiez suffit pour signer ce pacte tacite entre vous. « Pas d’homme ou de femme dans ta vie en ce moment du coup ? » Tu secoues la tête sans hésiter. Non, il n’y a personne dans ta vie, du moins personne de sérieux. Tu joues, tu t’amuses, tu flirtes et tu espères ne pas te brûler les ailes. Mais dans tous les cas, tu auras profité et tu ne pourras pas le regretter, ça tu en es sûre. « Non, il n’y a que Morgane dans ma vie. » Dis-tu un sourire amusé sur les lèvres. « Promis, dès que ça arrive, je te tiendrai au courant. » Ajoutas-tu car Danika faisait partie de tes plus anciennes et plus proches amies, il était évident que tu allais te tourner vers elle quand tu rencontreras des problèmes sentimentaux. Pour l’instant, tu en étais sauvée mais il ne faut jamais dire jamais. « Ca se passe comment avec Abel ? » Tu hausses les épaules car il est toujours difficile pour toi de définir ta relation avec Abel. Tu aimerais dire que tout va bien, que tu gères et qu’il n’y a rien à en dire mais c’est toujours un peu plus compliqué que ça. Passant une main dans tes cheveux, tu finis par dire : « Je sais pas, bien je suppose ? Il veut qu’on change le mode de garde, il veut voir Morgane plus souvent. » Tu étais paradoxale comme femme car même si tu voulais avoir une vie de femme plus développée, l’idée de ne plus avoir ta fille sous ton toit aussi souvent te terrorisait. « Avec Abel j’ai toujours peur de replonger. Il sera toujours ma pire drogue, celle dont le sevrage est une bataille quotidienne. » Ou du moins chaque fois que tu le voyais. Votre relation avait été passionnelle et immédiate, il suffirait d’une étincelle pour que tu sois tentée de nouveau. Ce qui était une très mauvaise idée, tu n’avais pas besoin que l’on te le dise …