Qu'avait-elle fait encore ? Le texto de Marius était laconique, mais Scarlett le connaissait trop peu pour savoir si ce point final était juste une marque de son austérité, ou s'il était annonciateur de quelconques remontrances. Il n'avait fait que l'informer de son désir de passer au café au début de son service, et comme toujours Scarlett avait commencé à imaginer le pire. Pour commencer, depuis quand connaissait-il ses horaires de travail ? C'était aussi inhabituel qu'effrayant. Elle ignorait si son frère lui faisait peur parce qu'elle avait senti leur relation prendre un nouveau tournant, ou si c'était justement parce qu'elle avait des choses à se reprocher. Depuis le fiasco du rendez-vous qu'elle avait si mal arrangé entre Charlotte et lui, la brune avait habilement esquivé le sujet avec les deux principales victimes. A quel moment Charlotte était-elle si susceptible ? Et quelle amie était-elle donc pour espérer un seul instant que Scarlett avait cru à leur possible compatibilité, alors qu'elle se plaignait avec récurrence depuis des années de la distance physique et morale qui la séparait de son aîné ? Elle devait cependant admettre avoir été la première surprise lorsque son frère avait accepté l'invitation et, pour tout dire, n'avait pas su elle-même se dépêtrer de ce qu'elle savait être une mauvaise blague. Marius lui avait fait confiance, et elle avait trahi cette confiance pour se divertir d'un traquenard qui n'avait fait rire qu'elle. Charlotte était repartie humiliée – genre cette pouffiasse avait un semblant de dignité – et son frère avait frôlé le viol. Frôlé seulement, parce que sa prétendue petite-amie avait volé à son secours. Passé le choc, Scarlett avait décidé de ronger son frein et de garder cette information pour elle au cas où Marius viendrait un jour l'accuser d'avoir sous-estimé ses goûts en matière de femmes. Si elle avait bien retenu une chose, c'était que sa galanterie excessive le rendait particulièrement apathique, et qu'il avait de la chance d'être un homme dans un monde où le consentement tenait de l'interprétation de signaux insignifiants. D'ailleurs, Scar avait à peine passé la porte du DBD que les regards lubriques de deux vieux garçons s'étaient tournés vers elle. Enfin, vers ses seins plus particulièrement, qu'elle avait bien niché au creux de son décolleté, et dont les formes épousaient à merveille son soutien-gorge. Elle avait hésité à en mettre – c'était sa principale cause féministe – mais Matt avait insisté pour lui éviter davantage de déconvenues. Scar avait vite capitulé parce que, malgré tout l'amour qu'elle portait à son patron, il n'avait de toute évidence pas les bons organes génitaux pour comprendre pourquoi ses conseils, quoique foncièrement bienveillants, étaient liberticides. « Tu veux quoi ? Une empreinte dédicacée de mon téton ? » maugréa-t-elle en fronçant le nez. Il avait aussitôt détourné les yeux, mais son sixième sens lui soufflait toujours quand on lui reluquait le derrière sur son passage. Elle devait avouer que ce n'était pas déplaisant, mais elle préférait encore être rémunérée pour ce genre de privilèges. Matt n'était pas derrière le comptoir. Il était peut-être avec Jill pour lui expliquer pour la millième fois que sa grossesse n'était pas une raison suffisante pour piquer dans les assiettes des clients. Puis il y avait eu tellement de nouveaux ces derniers mois que Scarlett avait perdu le fil. L'entreprise prenait du galon, et si c'était une fierté qu'elle partageait avec son ami, elle avait parfois quelques crises de nostalgie en se remémorant leurs modestes débuts. Elle s'installa donc derrière l'énorme bloc de bois qui leur servait de comptoir, et se lança dans la confection rituelle d'un Irish Coffee. Sans la chantilly. Et sans le sucre. Puis tout compte fait, sans le café. Marius débarquerait bientôt. Il était trop ponctuel pour la faire attendre, et elle avait trop hâte de le questionner sur sa mystérieuse héroïne.

Après ce rendez-vous désastreux organisé par Scarlett, il était nécessaire que tu mettes les choses au clair avec ta soeur. Qu’elle considère que tu devais sortir plus souvent, que tu devais prendre des risques, c’était une chose. Mais tu n’aimais pas les surprises et découvrir que tu avais un rendez-vous avec une demoiselle inconnue alors que tu pensais passer la soirée avec ta soeur, c’était une surprise que tu n’avais pas du tout appréciée. Tu avais laissé Beth t’organiser ce genre de rendez-vous par le passé et même si tu ne les appréciais pas, tu ne disais pas non à chaque fois pour ne pas lui faire de la peine. C’était sa manière à elle de prendre soin de toi. Mais avec Beth, tu étais au moins à peu près sûr que les jeunes femmes en face de toi se tiendraient correctement. Les jeunes femmes choisis par Beth étaient le même genre de femmes que ta mère cherchait à te présenter dès qu’elle en trouvait l’occasion. Avec Scarlett, c’était une autre histoire. Tu ne savais pas exactement ce qui était passé par la tête de ta soeur quand elle avait décidé de t’arranger ce rendez-vous avec Charlotte. En soi, tu n’avais rien à reprocher à la jeune femme mais elle ne s’approchait même pas du style de femme qui t’intéressait. Même pas de loin. Cela n’était pas vraiment étonnant, Scarlett et toi vous n’aviez jamais abordé le sujet de votre vie amoureuse et tu n’avais jamais discuté avec elle des potentielles personnes qui pouvaient t’intéresser. Il y avait eu Evelyn mais c’était une exception et tu lui en avais confié le moins possible. La soirée au Canvas ne s’était pas mal terminée, au contraire même mais ce n’était pas le problème dans cette affaire. Le problème était que ta soeur s’octroie le droit de t’organiser ce type de surprise, sans te prévenir à l’avance et avec une jeune femme qui n’était même pas proche de ce qui pourrait te plaire. Même en ne te connaissant pas très bien, Scarlett ne pouvait pas autant se tromper non ? En tout cas, tu comptais bien mettre les choses au clair avec ta petite soeur pour éviter ce type de désagrément dans le futur. Heureusement que Colleen était venue à ton secours, tu te serais trouvé bien bête si cela n’avait pas été le cas. Pour que Scarlett ne puisse pas échapper à cette discussion, tu lui avais dit que tu passerais à la fin de son service. Comment savais-tu à quelle heure elle terminait son service ? Tu ne connaissais aucun des proches de ta soeur et tu n’allais pas appeler Tommy pour récupérer cette information, encore fallait-il qu’il l’ait. Tu avais donc appelé le café et demandé à parler à Matt, celui qui gérait l’affaire comme te l’avait dit Scarlett. Tu t’étais présenté comme le frère de la jeune femme et lui avais demandé quand elle finissait son service le lendemain. Il t’avait donné l’information sans trop de problèmes, tu ne doutais pas qu’il sera certainement par là à vérifier que son employée ne risquait rien mais ce n’était pas gênant. La journée était passée rapidement et une fois ton dernier cours terminé, tu étais monté dans la voiture pour te rendre au Death before Decaf. Tu arrivais à trouver une place dans les rues aux alentours et tu te garais avant de prendre la direction du café. Le lieu était bien choisi car il te tardait de pouvoir commander un café pour affronter la discussion qui se préparait. Ce sera aussi un bon moyen de voir Scarlett dans son élément, elle qui refusait encore et toujours l’idée de Beth en ne voulant pas continuer ses études. A tes yeux, c’était un combat que Beth devait abandonner, tout le monde n’était pas heureux en faisant des études et n’avait pas une meilleure vie ensuite, ce n’était pas vrai. Poussant la porte de l’établissement, tu n’eus aucun mal à repérer Scarlett qui se trouvait derrière le comptoir à préparer une boisson. Un regard autour de toi te suffit pour comprendre que ce café était un café qui marchait plutôt bien et c’était tant mieux. T’approchant de ta soeur, tu lui dis : « Bonjour Scarlett. » Tu ne te défaisais pas facilement de la formalité que tu mettais dans tes propos parce que tu n’étais pas assez proche de Scarlett pour tenter une autre salutation, pas à tes yeux en tout cas. « Je veux bien un café si tu as et si tu as des trucs à finir je peux t’attendre sans souci. » Dis-tu en sortant ton portefeuille pour régler le café. Tu ne savais pas réellement comment commencer cette conversation mais le temps que ta soeur finisse ce qu’elle avait à faire, tu trouveras sans doute de l’inspiration.


@Scarlett Warren  

La culpabilité était l'adage de ceux qui agissaient avant de réfléchir. Scarlett était trop impulsive pour se donner le luxe de la réflexion, et plus encore pour se permettre de tourner sa langue dans sa bouche. C'était en tout cas la seule excuse qu'elle avait trouvée pour avoir usé des tactiques usées de Beth qui, contrairement à elle, faisait preuve d'une intense considération pour tendre des pièges à sa famille. Plus elle y repensait, et plus Scar regrettait son improvisation d'entremetteuse, qu'elle trouvait tristement similaire aux vanités de leur mère. Elle n'était personne pour décider des choix de vie de ses frères et sœurs. C'était un combat qu'elle menait tous les jours pour justifier les siens, et elle espérait foncièrement que Marius ne verrait pas sa tentative un peu grossière comme autre chose qu'une blague de mauvais goût. Une blague que Beth lui récitait depuis des décennies sans la moindre once d'humour, quand elle lui organisait des entretiens d'embauche à l'improviste ou qu'elle lui faisait miroiter un après-midi avec Moïra dans le seul but de de l'inciter à fêter son anniversaire, pour le bien de leur famille. Scar aurait beaucoup de mal à l'admettre, mais elle avait compris l'espace d'un instant pourquoi sa sœur s'échinait à lui vendre la supériorité de ses propres ambitions. Et avec un peu de recul, elle se sentait aussi illégitime dans son désir impérieux de vouloir combler le vide sentimental de ses frères - qu'elle était finalement peut-être la seule à considérer comme une entrave à leur bonheur - que Beth ne l'était pour la persuader à poursuivre des études. Peut-être que Marius et Tommy n'avaient pas plus besoin d'amour qu'elle n'avait besoin de prétention dans sa carrière. Et peut-être que pour s'entendre les Warren devaient commencer par s'écouter. Elle noya bien vite ses remords dans un doigt de whisky, avant de se préparer le café qui motiverait ses premières heures de travail. Lucia s'activait en salle, et elle lui adressa un sourire compatissant, quoique légèrement forcé. L'alcool coulait encore dans son gosier quand leurs regards s'étaient croisés, et elle avait manqué s'étouffer pour avoir été prise en flagrant délit d'imposture. Heureusement Marius avait poussé la porte du bar à ce moment, et ses yeux hagards s'étaient posés rapidement sur sa sœur, si parfaite dans son illusion de s'affairer derrière le comptoir. Il avait l'air aussi à l'aise qu'une nonne dans un bordel, guindé dans sa veste de costume cintrée alors que le reste de la clientèle arborait des allures dépareillées. Mèches colorées, bas résille et piercing au nez lui feraient peut-être réaliser l'apparence banale de Scarlett quand leur mère lui reprochait d'être trop effrontée dans ses choix vestimentaires. Son frère n'était pas plus en retard qu'elle était en avance. Il ne devait pas s'habituer à la voir si ponctuelle, et c'était d'ailleurs une remarque que Matt aurait pu lui faire s'il avait été dans les parages. Il aurait sans doute marqué ce jour dans les annales du café, ou aurait exigé dans son immense mansuétude qu'on lui accorde une ovation pour cet exploit inespéré. Scar était bien contente d'être la seule au courant. Elle gratifia son frère du sourire courtois auquel il s'attendait certainement de la part d'une serveuse, tandis qu'il s'installait nerveusement au bar. Elle l'avait senti sur le qui-vive, prêt à prendre congés à tout moment. Comme tous ces aristocrates qui se massaient au comptoir le midi avec la conviction que leur accoutrement les hissait au-dessus des autres, et qui engloutissaient leurs café expresso d'une traite pour retourner à leurs affaires totalement dispensables. « Bonjour Marius. » répondit-elle un brin solennelle, plus pour souligner avec exagération comme les civilités étaient accessoires quand on avait partagé le même sein que pour faire montre de politesse. Il y avait tant de choses qui n'allaient pas dans son introduction, mais elle était sur la sellette, et se contenta alors d'une seule remarque. « Tu peux ranger ton argent. » décréta-t-elle en se tournant pour dénicher une tasse sur l'étagère. « Par contre on t'a mal informé, je commence mon service dans 15 minutes. Tu me verras rarement ici pour le premier shift. Je préfère servir de l'alcool à des abrutis à peine majeurs que des cafés aux hipsters du quartier. » Mais ça personne n'avait pris la peine de s'en instruire dans la famille. Même une serveuse pouvait se montrer exigeante. Elle installa la tasse sous l'énorme cafetière à grains, et se concentra à nouveau sur Marius pendant que la machine s'agitait. « Mais bienvenue au DBD ! C'est plutôt punk la journée, mais à partir de 19h la clientèle se diversifie. »

Chez les Warren, chacun vit sa vie séparée des autres. Vous aviez chacun votre métier et chacun votre entourage et ces derniers ne se croisaient pas ou très peu. Les gens de ton entourage qui connaissaient ta fratrie étaient des gens que tu avais rencontré en grandissant et qui avaient eu l’occasion de les rencontrer mais toutes les personnes que tu avais rencontrées depuis, tu les avais tenues loin de ta famille. C’était une manière pour toi de te protéger après qu’Alice soit partie avec Tommy. Et cela expliquait en partie que tu n’ait jamais mis les pieds sur le lieu de travail de ta soeur. C’était étrange pour toi de te retrouver dans ce café et d’avoir ta soeur de l’autre côté du comptoir. C’était comme si tu rentrais dans son monde pour la première fois de ta vie. Le choix de carrière de Scarlett était un sujet souvent discuté avec tes parents presque autant que le fait que vous soyez tous célibataires et pas sur le chemin de produire des petits-enfants. Pour avoir accompagné ta mère à l’église une fois le mois dernier, tu avais très bien compris pourquoi elle était autant insistante. Ses amies passaient leur temps à parader leurs petits-enfants à la sortie de la messe et cela mettait ta mère en colère de ne pas pouvoir faire partie du club. Malheureusement pour elle, ce n’était pas le genre de considération qui allait vous pousser à fonder une famille et avoir des enfants. L’établissement dans lequel tu te trouvais était spacieux et agréable. Tu avais tes habitudes dans un petit café près de chez toi, celui-ci était trop loin pour que tu y viennes régulièrement mais le nom te disait quelque chose, Jacob t’en avait déjà parlé. Tu vis quelques regards se tourner sur ton passage et tu te doutais que cela avait à voir avec ta tenue qui était bien trop habillée pour cette circonstance. Pourtant, tu ne considérais pas t’habiller de manière particulièrement habillée pour aller travailler. Tu aurais même dit être dans une tenue décontractée mais cela n’était pas l’avis des autres clients et il n’était pas difficile de comprendre pourquoi. Scarlett se trouvait derrière le comptoir et tu t’approchais pour la saluer et commander un café. « Bonjour Marius. Tu peux ranger ton argent. Par contre on t'a mal informé, je commence mon service dans 15 minutes. Tu me verras rarement ici pour le premier shift. Je préfère servir de l'alcool à des abrutis à peine majeurs que des cafés aux hipsters du quartier. » Tu fronçais légèrement les sourcils en guise de surprise. Cet endroit se transformait en bar à la fin de la journée ? Tu avais un peu du mal à y croire mais pourquoi pas ? Le fait que Scarlett n’était pas libre très longtemps faisait qu’il allait falloir aller droit au but le plus possible. Qu’elle préfère servir de l’alcool à des cafés ne te surprenait pas le moins du monde mais tu ne commentais pas surtout qu’elle était en train de te servir le tient. « Mais bienvenue au DBD ! C'est plutôt punk la journée, mais à partir de 19h la clientèle se diversifie. » Tu hoches la tête mais ton regard ne la quitte pas alors qu’elle manipule la machine comme une professionnelle. C’est étrange pour toi de voir Scarlett à l’oeuvre. Pas que tu ne la voyais pas travailler mais tu n’avais jamais vraiment imaginé ta soeur au travail auparavant. « Le café se transforme en bar après 19h ? » Lui demandas-tu curieux de ce concept un peu étrange à tes yeux pendant que Scarlett finissait de préparer ton café. En étant sur le lieu de travail de Scarlett, tu avais l’impression d’être sur des sables mouvants. Tu n’étais pas à l’aise et cela devait se sentir mais tu faisais le maximum pour ne pas dire de bêtises ou quelque chose qui pourrait blesser Scarlett sans le vouloir. Car ce n’était pas ce que tu voulais même si tu comptais bien lui faire comprendre qu’elle avait été trop loin. Scarlett posa le café prêt sur le comptoir : « Merci beaucoup. » Lui dis-tu avec un petit sourire avant de dire : « Si tu commences dans 15 minutes, autant ne pas traîner alors. » Tu pris une petite gorgée de ton café qui était très bon. « Il faut qu’on parle de la surprise que tu m’as réservée avec Charlotte. Qu’est-ce qui t’est passé par la tête ? » Lui demandas-tu vraiment curieux de connaître sa réponse. Parce que très franchement, tu ne comprenais pas comment Scarlett avait pu penser que c’était une bonne idée. Est-ce qu’elle aimerait que tu lui réserves le même genre de surprise avec des amis à toi ? Probablement pas …


@Scarlett Warren

On leur avait appris à être courtois, mais avec une mère comme la leur ils auraient été bien aimables de faire preuve de tact. Cette dernière prenait rarement des pincettes quand il était question de sa famille, et Scarlett pouvait au moins se défendre de n'être que le produit de son éducation imparfaite. C'était bien le seul trait qu'elle admettait partager avec elle, quoiqu'elle se gardait bien de l'afficher en sa présence. En plus de son opiniâtreté et de sa tolérance partielle, qu'elle mettait à rude épreuve lors de leurs débats virulents. Les avis n'étaient jamais unanimes chez les Warren, si ce n'était leur haine commune pour les familles qui savaient mieux soigner les apparences. Les parents les détestaient parce qu'elles soulignaient les failles de leur apprentissage, et les enfants parce qu'elles ne faisaient qu'attiser le besoin impérieux de les élever socialement. Scar se souvenait de cette famille si pieuse qui avait longtemps côtoyé les mêmes bancs de l'église, et qu'ils avaient dévisagé tous les dimanches avec un mélange de rivalité et d'envie. Les Warren étaient finalement bien plus unis dans leurs travers que dans leurs ambitions, et étaient indétrônables pour se déchirer. Derrière son comptoir, Scarlett se sentait pousser des ailes. Elle était là pour servir Marius, et pourtant les positions semblaient inversées. Comme si en refusant son argent elle s'était défait d'un sentiment de servitude, et avait affirmé son statut. Le dos tourné, elle avait gonflé la poitrine, devinant derrière elle le regard gêné de son frère. Ce n'était pas plus un service qu'elle lui rendait qu'un moyen de se dédouaner de la conversation qui allait inévitablement suivre. Scarlett avait beau être bornée, sa mauvaise foi avait des limites. Et aussi fertile que fut son imagination, elle n'avait fabriqué aucune excuse pour expliquer l'indécence de son geste. Elle tenta tout de même de noyer le poisson dans le descriptif un peu condescendant de sa mission, qui sembla laisser son frère sans voix. Derrière le mépris que la jeune femme faisait mine de ressentir vis-à-vis des ses aînés se dissimulait la même admiration que celle que Marius dévoilait dans son silence. Il avait fini par répondre un peu interloqué, et Scar se demanda s'il avait juste mis du temps pour digérer les informations ou s'il avait voulu s'assurer qu'elle n'avait rien versé d'anormal dans son café. « Si on joue sur les mots c'est un café tout le temps, parce que rien ne t'empêche de venir boire un café à 23h30. C'est juste bizarre. » admit-elle en hochant les épaules, incapable de comprendre ces gens qui s'obstinaient à ingurgiter de la caféine avant de se coucher. Si elle devait un jour devenir vieille et réglée comme une horloge, elle préférait encore instaurer le rituel d'un petit shot de rhum avant d'aller au lit. Selon les savants de la médecine qui grouillaient sur internet c'était même plutôt bon pour la santé. Lorsque la machine s'arrêta de gronder, Scarlett déposa gracieusement la tasse devant son frère en le gratifiant d'un sourire contenu. Elle s'empara ensuite d'une nouvelle tasse pour elle, tandis que Marius s'activait déjà à mettre les pieds dans le plat. Il la surprenait de jour en jour, car elle n'aurait jamais parié sur sa franchise alors qu'il s'appliquait nerveusement à la contenter depuis des semaines. Scar tâcha de ne rien faire paraître, alors qu'elle plaçait sa tasse sous les buses. Si elle voulait garder son autorité elle se devait d'être réactive. « Il m'est rien passé par la tête à vrai dire. Franchement je ne pensais pas qu'elle allait accepter, mais elle a dû te stalker dans les registres de l'université. » dit-elle un peu insouciante, comme si Marius était assez présomptueux pour comprendre que sa photo aurait pu motiver n'importe laquelle de ses amies à bafouer leurs principes. « Je suis désolée Marius, je pensais pas que ça allait te vexer à ce point. C'était pas très sensible de ma part. » Ses excuses étaient sincères, même si elle ne comprenait foncièrement toujours pas pourquoi son frère s'obstinait à s'investir émotionnellement dans la moindre rencontre. Ce rendez-vous ne l'engageait à rien, et il n'avait tenu qu'à lui de rabrouer Charlotte dès le départ. « Enfin, j'ai compris maintenant. Si tu m'avais dit que tu voyais déjà quelqu'un ça se serait peut-être passé autrement. »

Alors que tu attendais ton café derrière le comptoir, tu te rendis compte que Scarlett était la soeur avec qui tu ne t’étais jamais réellement disputé, à laquelle tu n’avais rien eu à reprocher. Oh il y avait eu quelques remarques de temps en temps mais finalement, bien peu. Parce que construire une relation avec Tommy avait été si difficile et s’était avéré par la suite impossible, tu n’avais jamais vraiment essayé avec Scarlett, laissant ton frère jouer le rôle du grand frère. Deux duos qui se côtoyaient dans une même famille avec Beth qui voulait absolument que vous deveniez un quatuor bien accordé et jouant la même partition. Tu ne savais pas comment Beth, si raisonnée et raisonnable pouvait encore se bercer d’une telle illusion. Au mieux, les choses pouvaient s’arranger entre vous, s’aplanir peut-être si vous faisiez tous des efforts mais vous ne seriez jamais le quatuor que Beth attendait de vous. Toi, cela faisait des années que tu l’avais accepté, tu espérais que ta soeur ne serait pas trop déçue quand elle le comprendra. Mettre un pied dans ce café, c’était mettre un pied dans la vie de Scarlett, chose que tu n’avais jamais pris le temps de faire, même quand tu avais voulu recréer du lien entre vous. Les erreurs sur ton parcours de grand frère étaient nombreuses et tu n’auras certainement jamais le temps ou l’occasion de les réparer. Tu fais au mieux toutefois, il s’avère juste que ton mieux n’est souvent pas suffisant. « Si on joue sur les mots c'est un café tout le temps, parce que rien ne t'empêche de venir boire un café à 23h30. C'est juste bizarre. » Comprenant que le fonctionnement de cet établissement était un peu particulier, tu ne cherchais pas à en savoir plus. Si tu avais besoin d’informations, tu en parleras à Jacob qui vient très régulièrement par ici. Et si le café se transforme en bar le soir, tu comprends d’ailleurs pourquoi cet établissement lui plaît autant. Tu n’es de toute manière pas venu voir ta soeur pour lui parler de son lieu de travail. Même si tu es content de le découvrir, ce n’est pas la raison de ta visite et vous le savez tous les deux. D’habitude, c’est Scarlett qui va droit au but, qui te coupe dans tes tentatives de tourner autour du pot. Mais cette fois, tu n’as pas envie de le faire. Tu as besoin que Scarlett comprenne qu’elle ne peut pas se permettre ce genre de choses et que tu vas l’accepter sans rien dire. Ta franchise la surprend ce qui ne t’étonne pas. Tu ne sais pas comment va se passer cette conversation car tu n’as jamais eu à en avoir de très sérieuses avec Scarlett, la plupart du temps vous échangiez que quelques mots. « Il m'est rien passé par la tête à vrai dire. Franchement je ne pensais pas qu'elle allait accepter, mais elle a dû te stalker dans les registres de l'université. » Tu scrutais le visage de ta soeur et elle semblait sincère dans ses paroles. Tu voulais la croire, tu n’allais pas avoir le choix mais tu espérais qu’elle n’avait vraiment pas eu l’intention de te blesser ou de te jouer un mauvais tour. « Je suis désolée Marius, je pensais pas que ça allait te vexer à ce point. C'était pas très sensible de ma part. Enfin, j'ai compris maintenant. Si tu m'avais dit que tu voyais déjà quelqu'un ça se serait peut-être passé autrement. » Tu n’étais pas vexé à proprement parlé, tu étais plutôt déçu. Que Scarlett pense que tu avais besoin de quelqu’un dans ta vie ne te surprenait pas. Elle n’était pas la seule dans ton entourage et elle pourra monter un club avec Beth si elle le souhaite. C’est plutôt la manière dont elle a amené cette rencontre qui te dérange. Tu pensais la voir elle ce soir-là et c’était Charlotte qui était arrivée. En plus d’être surpris de ce changement de programme, il avait vite été clair qu’elle n’était pas du tout le genre de femme qui t’attirait. Elle était très belle, c’était indéniable mais la beauté n’était pas ton critère principal. Surtout que tu avais senti qu’elle espérait bien conclure la soirée dans un lit ce que tu te refusais de faire par principe. « Je n’aime pas les surprises. Je pensais passer la soirée avec toi ce jour-là et je suis tombé de haut quand je me suis rendu compte que ce n’était pas le cas. » Dis-tu en prenant une gorgée du café que Scarlett avait déposé devant toi. « Beth m’a déjà organisé des dizaines de rendez-vous de ce genre avec des amies à elle et même si je préfèrerai qu’elle ne les organise pas, je préfère savoir dans quoi je me lance. » C’était plus la mauvaise surprise le problème que la surprise en elle-même. « Et je sais que l’on ne se connaît pas très bien mais si l’envie te prend de recommencer tu devrais dire à tes copines que je ne les ramènerai pas chez moi en fin de soirée. » Tu n’avais jamais eu ce genre de discussion avec Scarlett et tu te rendis compte qu’elle ne t’avait certainement jamais vu avec une femme et ne savait pas comment tu agissais dans ces situations. « Je ne vois personne. Colleen est une connaissance qui est venue à mon secours et je lui dois une fière chandelle. » Tu n’as aucun mal à te souvenir de la panique qui s’était emparée de toi quand Charlotte avait commencé à laisser son pied remonter contre ta jambe sous la table. Colleen était tombée à point nommée. Rien qu’en pensant au reste de la soirée, tes joues s’empourprèrent légèrement mais tu disais la vérité, Colleen n’était pas ta petite-amie mais tu espérais pouvoir continuer d’apprendre à la connaître parce que pour la première fois depuis longtemps, une femme t’intriguait.


@Scarlett Warren

Difficile d'avoir des attentes envers un inconnu. Car c'était bien ce que Marius était à ses yeux, malgré leurs récentes tentatives de rapprochement. Ils agissaient pourtant tous les deux comme s'ils avaient le droit à la déception. Comme si leur lien était assez étroit pour légitimer une quelconque désillusion. La vérité était qu'ils avançaient à tâtons, s'apprivoisaient progressivement, et se heurtaient en toute logique aux obstacles qui se dressaient entre leurs caractères opposés. Si Scarlett n'était pas si certaine d'avoir entrevu un semblant de relation entre eux, elle lui aurait simplement argué qu'à défaut de réussir elle avait essayé. Que seuls ceux qui ne faisaient rien ne se trompaient jamais. Elle ravala pourtant sa fierté, consciente d'avoir outrepassé les limites de ce que son frère considérait comme convenable, et aussi qu'aucune justification ne serait à la hauteur de sa trahison. Elle était même plutôt satisfaite de constater que Marius pouvait parfois faire preuve d'autorité. Il avait certes perdu ce privilège depuis longtemps au sein de la fratrie – privilège dont Beth s'était emparée pour s'autoproclamer reine de sagesse – mais c'était une attitude à laquelle on la confrontait rarement. Malgré sa grande gueule, Scarlett savait parfois la fermer. Personne n'avait juste eu l'audace de la recadrer depuis longtemps. Elle n'était pas vraiment d'accord avec tout ce qu'il racontait, mais lui laissait le soin de lui exposer son point de vue avec toute la diligence dont elle était capable. Difficile cependant de ne pas rouler des yeux quand il prétendait être déçu d'avoir manqué une soirée avec elle, ou quand il la comparait avec raison à leur sœur, cette fine entremetteuse qui refusait pourtant catégoriquement qu'on lui mette quelqu'un dans les pattes. Évidemment qu'elle avait déjà tenté avant elle, avec des collègues proches sans doute pour réaliser son rêve de mêler sa famille à sa vie professionnelle. Il était quand même bien culotté, de faire mine de s'insurger d'une occasion manquée de dîner avec elle alors qu'il en avait manqué bien d'autres avant. Combien de repas de Noël avait-il dédaigné pour son propre loisir ? Combien d'anniversaires avait-il négligé pour ne pas interrompre l'élan de sa vie mondaine ? Il ne pouvait pas s'insurger de si peu, et sous-estimait tellement la perspicacité de sa sœur qu'elle aurait pu s'en offenser. « Une connaissance ? Je sais qu'on dit que les Français sont un peu frivoles mais je crois pas qu'ils se mettent en selle avec des connaissances. Ou alors tu me mens, et c'est juste mes copines que tu n'as pas envie de ramener dans ton lit. » rétorqua-t-elle sans même prendre la peine de baisser d'un ton. Scarlett avait déjà perçu la gêne lorsque son frère avait dû mentionner sa dite connaissance. Elle était en trop bonne position pour s'empêcher de le l'opposer à ses contradictions. « Tu croyais vraiment que Charlotte allait omettre les détails ? Elle était tellement humiliée qu'elle m'a presque récité vos dialogues mots pour mots. Alors bon, admettons que cette femme n'est qu'une connaissance. Peut-être que tu n'as pas passé une si mauvaise soirée sans moi finalement. » conclut-elle en sirotant le café qu'elle avait récupéré sous la machine, son petit doigt érigé en signe de suffisance. « Promis je ne te ferai plus de surprises. Et entre nous Marius, je ne vais pas te jeter la pierre si tu refuses de présenter tes connaissances à la famille. Personne d'assez censé n'irait s'introduire dans la famille sans l'impératif d'un mariage ou l'annonce d'une grossesse. Moi en tout cas j'aurais repoussé l'échéance jusqu'au bout. » Et elle était aussi tout à fait consciente de la confiance bafouée que Tommy n'était pas prêt de racheter à ses yeux.

Ce n’était pas parce que tu voulais à tout pris créer des liens avec Scarlett que tu allais tout accepter. Peut-être que c’était une bonne chose que tu lui fasses comprendre qu’elle avait dépassé les bornes car cela permettait aux lignes qui se dessinaient autour de vous deux de prendre forme. Tu ne savais pas quelles avaient été les intentions de ta soeur mais tu espérais qu’elles n’avaient pas été mauvaises. Si Scarlett ne te portait pas un amour inconditionné, tu ne pensais pas qu’elle te porte un ressentiment qui justifierait ce genre de traitement. C’était plutôt de l’indifférence qui avait maquillé vos relations dès le départ. Peut-être que c’était une manière pour Scarlett de te montrer que tu comptais pour elle ? Tu n’en savais rien et au final, cela n’avait pas d’importance. Tu avais décidé de ne pas questionner les raisons de ta soeur, tu voulais juste qu’elle comprenne qu’elle avait mal fait. Et le fait qu’elle ne t’interrompe pas alors que tu la sermonnais était le testament qu’elle avait conscience de n’avoir peut-être pas si bien agi que cela. « Une connaissance ? Je sais qu'on dit que les Français sont un peu frivoles mais je crois pas qu'ils se mettent en selle avec des connaissances. Ou alors tu me mens, et c'est juste mes copines que tu n'as pas envie de ramener dans ton lit. » Tu te retins de lever les yeux au ciel parce que ce n’était pas la bonne réaction mais tu ne pus t’empêcher de sentir le rouge te monter légèrement aux joues alors que quelques regards se tournèrent vers vous. Pourquoi n’étais-tu pas surpris que Scarlett n’ait aucun problème à parler haut et fort de ta vie sexuelle au milieu d’un café ? Une vie sexuelle qu’elle semblait penser bien plus remplie qu’elle n’était déjà. Ce n’était pas le fait que Charlotte soit une amie de ta soeur le problème, c’était tout autre chose. Ce que tu devais faire comprendre à Scarlett c’était que ce n’était pas à elle que tu mentais mais c’était à Charlotte. « Tu croyais vraiment que Charlotte allait omettre les détails ? Elle était tellement humiliée qu'elle m'a presque récité vos dialogues mots pour mots. Alors bon, admettons que cette femme n'est qu'une connaissance. Peut-être que tu n'as pas passé une si mauvaise soirée sans moi finalement. » Non, tu avais même passé une excellente soirée en compagnie de Colleen à ta plus grande surprise. Une soirée où tu avais retrouvé une partie de toi enfouie depuis longtemps alors que Colleen s’était montrée sous un angle également. Mais là n’était vraiment pas la question. « Je ne suis pas étonné que Charlotte t’ait donné les détails, je suis étonnée que tu les aies retenus par contre. » Lui dis-tu un sourire en coin sur les lèvres. Parce que tu doutais que ce soit la chose la plus intéressante à retenir dans la vie de Scarlett en ce moment. Et si c’était le cas, il faudrait peut-être que tu te poses des questions sur la vie de ta soeur. « Ce n’est pas à toi que je mens, c’est à Charlotte que l’on a menti. Colleen est venue me sauver et quoi de mieux pour faire fuir ton amie que de lui dire que j’étais déjà pris ? » Dis-tu en haussant les épaules. C’était peut-être cruel mais pas plus à tes yeux que Charlotte qui avait assumé à peine entrée dans ce bar qu’elle finirait dans ton lit. « Je n’ai pas dit que j’avais passé une mauvaise soirée mais Colleen est véritablement une connaissance. » Tu te retins de rajouter que c’était une connaissance avec le potentiel d’être plus maintenant que son numéro de téléphone était dans ton portable. Tu ne comptais pas la laisser te filer entre les doigts comme l’avait fait Evelyn. « Et pour ta gouverne, je n’ai rien contre tes amies en particulier, je n’ouvre pas mon lit à la première venue. » Dire que tu n’étais pas adepte des coups d’un soir était un euphémisme, tu pourrais presque devenir membre d’un club d’abstinence … Scarlett n’avait pas fini te de livrer ses réflexions toutefois. « Promis je ne te ferai plus de surprises. Et entre nous Marius, je ne vais pas te jeter la pierre si tu refuses de présenter tes connaissances à la famille. Personne d'assez censé n'irait s'introduire dans la famille sans l'impératif d'un mariage ou l'annonce d'une grossesse. Moi en tout cas j'aurais repoussé l'échéance jusqu'au bout. » L’idée de présenter Colleen à ta famille te fit presque recracher la gorgée que tu venais de prendre. Cela ne t’avait même pas traversé l’esprit car Colleen n’était vraiment rien d’autre qu’une connaissance mais si les choses changeaient, ce sera certainement un passage obligatoire à un moment donné. « Je sais pas, arrêter d’avoir maman sur le dos pour me forcer à rencontrer Béatrice et Maris-Charlotte, c’est pas non plus totalement négligeable. » Lui dis-tu à moitié pour rire et à moitié très sérieux. « Si un jour cette connaissance comme tu le dis devient plus que cela, je finirai par vous la présenter. En habitant à Brisbane je n’ai pas trop le choix. » Et contrairement à Scarlett, tu voyais toujours vos parents assez régulièrement. « Est-ce que je dois en déduire qu’il faudra que j’attende que tu aies un enfant pour rencontrer ton conjoint ? » Oui, tu avais déjà éliminé le mariage pour ta petite soeur, encore un préjugé mais que tu sentais plutôt correct pour le coup.


@Scarlett Warren

Contre toute attente, Scarlett n'avait pas eu besoin de Marius et de sa morale languissante pour admettre ses torts. Elle l'avait volontiers laissé se délecter de cette autorité inédite, mais il aurait été bien mal avisé de tirer sur la corde trop longtemps. Pourquoi fallait-il toujours que ses frères et sœurs profitent outrageusement de leur gloire, jusqu'à la pousser dans ses retranchements ? Pourquoi ne pas simplement accepter ses modestes excuses et tourner la page, plutôt que lui donner une raison supplémentaire de se sentir coupable ? Marius n'avait pas voulu être condescendant, mais chaque minute qu'ils passaient ensemble les rapprochait de leur prochain désaccord. « Je suis serveuse Marius, bien-sûr que je sais retenir les choses. » avait-elle rétorqué un peu sur la défensive. Avait-il seulement réalisé à quel point sa remarque transpirait le mépris ? Comme tous ces faits que leur mère énonçait un peu innocemment, mais toujours avec une pointe de dédain. De toute évidence Beth et Marius avaient hérité de son arrogance, même s'ils étaient trop imbus d'eux-mêmes pour s'en rendre compte. Scar n'avait pas envie d'endosser la responsabilité de leur prochain conflit, aussi ne s'était-elle pas trop appesantie sur le sujet ô combien controversé de ses choix professionnels. « Les lits c'est surfait. » déclarait-elle aussitôt terminée l'explication inutile et pourtant attendue de son frère. Elle s'en fichait bien qu'il lui mente, et encore plus qu'il se donne en spectacle pour éviter d'avoir lui-même à rembarrer cette affamée de Charlotte. Il faisait bien ce qu'il voulait de sa vie sexuelle – ou asexuelle d'ailleurs –, tant qu'il ne venait pas lui donner des leçons sur la frivolité de la sienne. « En vrai peu m'importe Marius. Tu peux aussi bien jouer au Scrabble qu'au docteur avec... Colleen, c'est tes affaires. Après si tu as envie de m'en parler j'en serais ravie, mais tu es assez grand pour faire ta vie. Je dis juste que les choses se seraient passées autrement si j'avais su, c'est tout. » Et comment que ça l'intéressait. Beth avait toujours été trop prude à ce sujet pour lui faire la moindre confidence, mais Scarlett était trop dévergondée pour le trouver inapproprié en famille. Aux yeux des femmes Warren cela faisait sans doute d'elle une catin. Mais elle trouvait au contraire que c'était une belle revanche sur l'inégalité des sexes. Trop concentrée sur son frère, elle ignorait impunément les gestes pourtant grandiloquents que Deklan faisait à l'autre bout de la salle. Son service avait commencé, mais elle n'était pas prête à mettre un terme à cette discussion sans réitérer son soutien à Marius. « Et ce sera un plaisir de la rencontrer. » dit-elle en terminant d'une traite le fond de sa tasse de café. « J'espère pas, sinon tu risquerais pas de le rencontrer. » plaisanta-t-elle avec un fond de vérité. Elle savait la vie capricieuse, mais à son âge Scarlett était incapable de s'imaginer mère de famille. Sans doute un autre sujet que Beth trouverait digne d'une psychanalyse. « Soyons sérieux, quelles sont les chances que les parents acceptent mes relations ? Même sans connaître mes goûts tu peux bien te douter qu'ils risquent de déplaire à maman. » Un nouveau sujet de discorde pour animer les quelques repas familiaux. C'était bien une ressource dont les Warren ne manqueraient jamais.

Spoiler:

Comment faire comprendre à Scarlett qu’elle avait été trop loin sans la blesser ? Il était là ton dilemme. Tu avais été surpris qu’elle s’excuse presque immédiatement de ce qui s’était passé avec Charlotte. Tu ne savais pas exactement ce que Scarlett avait cherché et si cette rencontre avait été un moyen de tester votre relation d’une manière un peu étrange. Avec Scarlett, tu t’attendais à tout. Tu avouais sans mal que Scarlett, tout comme Tommy, était une personne que tu avais du mal à comprendre. Comment est-ce que vos parents avaient pu créer des êtres aussi différents alors qu’ils vous avaient tous éduqués de la même manière ? Tu n’en savais rien mais tu n’avais jamais compris tes deux cadets, une incompréhension qu’ils avaient interprétée comme du mépris à leur égard très certainement. Tout comme ta remarque sur le fait que tu étais surpris que Scarlett ait retenu les détails de ton entrevue avec Charlotte. « Je suis serveuse Marius, bien-sûr que je sais retenir les choses. » Il fut un temps où tu aurais essayé de t’expliquer mais tu abandonnais l’idée. Cela ne servait à rien de s’acharner, tu ne ferais que t’enfoncer un peu plus, blessant ta soeur sans t’en rendre compte. « Les lits c'est surfait. » Encore une fois, tu laissais cette remarque filer sans l’attraper. Tu savais que tu étais plutôt un traditionaliste pour tout ce qui touchait au sexe. Tu n’avais jamais été un très grand aventurier à ce niveau-là, n’en ayant jamais ressenti le besoin mais cela ne t’étonnait pas que ta soeur te fasse ce genre de remarque. Tu aurais sans doute dû être offensé, pourtant, tu ne l’étais pas du tout. « En vrai peu m'importe Marius. Tu peux aussi bien jouer au Scrabble qu'au docteur avec... Colleen, c'est tes affaires. Après si tu as envie de m'en parler j'en serais ravie, mais tu es assez grand pour faire ta vie. Je dis juste que les choses se seraient passées autrement si j'avais su, c'est tout. » Tu avais envie de nier, de dire que tu lui en aurais parlé s’il y avait eu quelque chose mais cela aurait été un mensonge. Ce n’était pas un manque de confiance en Scarlett, cela n’avait rien à voir. C’était tout simplement que tu ne te confiais pas sur ce genre de sujets, pas facilement. Il y avait une vérité cependant, c’était que tu ne saurais pas quoi confier à qui que ce soit sur ta relation avec Colleen car pour l’instant, il n’y avait rien à en dire. Vous vous étiez vus quelques fois, vous aviez flirté lors de votre dernière rencontre au Canvas mais rien de plus que cela. Peut-être que c’était tout ce qu’il y aurait jamais entre vous, peut-être pas. Mais pour l’instant tu étais incapable de le dire. « Si un jour il se passe quelque chose avec Colleen, je repasserai prendre un café pour t’en parler. Mais ne te fait pas des idées, je ne pense pas que tu trouveras cela très passionnant. » Tu ne savais pas ce que Scarlett pensait que tu pouvais lui confier mais tu ne rentreras jamais dans des détails intimes ou trop personnels. Encore une fois, ce n’était pas un manque de confiance, c’était simplement que tu ne confierais cela à personne parce que ça ne regarderait que Colleen et toi s’il se passait entre vous quelque chose un jour. A part les quelques informations que tu avais réussi à récupérer sur Colleen, la vérité était que tu ne savais pas grand chose sur la jeune femme, pas encore du moins. « Et ce sera un plaisir de la rencontrer. » Tu pris une nouvelle gorgée sur les lèvres, essayant d’imaginer Scarlett en train de rencontre Colleen. Etrangement, tu imaginais Colleen tenir la route face à l’ouragan que pourrait être ta soeur. « J'espère pas, sinon tu risquerais pas de le rencontrer. Soyons sérieux, quelles sont les chances que les parents acceptent mes relations ? Même sans connaître mes goûts tu peux bien te douter qu'ils risquent de déplaire à maman. » Tu ne connaissais effectivement pas les goûts de ta soeur mais tu savais qu’elle avait raison. En même temps, les goûts de votre mère étaient assez réduits. Plutôt racistes, elle voulait que vous finissiez avec de beaux australiens blancs, des gens qui prenaient la religion au sérieux, qui voulaient fonder des familles, le genre de personnes que tu ne fréquentais pas vraiment alors pour ta soeur, cela devait être pire … « Vu les goûts qu’ils ont, ils n’accepteront aucune de nos relations. Colleen est divorcée et a une fille de dix-huit ans. Si un jour elle devient assez importante pour que je la présente à maman, je n’ai pas encore réussi à décider si elle la toisera du regard pour ses fautes passées ou si elle la prendra dans ses bras pour la remercier de me sortir de ma solitude. » Dis-tu en poussant un soupir exaspéré. Votre mère n’avait jamais accepté que tu sois seul, jamais. « Mais nous ne vivons pas pour eux. Ce n’est pas eux qui choisissent, que ça leur plaise ou non. Et puis te connaissant, c’est pas maintenant que tu vas chercher leur aval n’est-ce pas ? » Scarlett accordait bien plus de crédit à l’avis de Tommy à ce sujet que vos parents très certainement.


@Scarlett Warren

La conversation était condamnée à tourner en boucle. Scarlett n'était pas moins obstinée que son frère était austère. Il lui semblait d'ailleurs que des excuses avaient déjà été formulées, et même avec toute la candeur dont elle était capable. Elle ignorait ce que Marius attendait d'elle désormais, si ce n'était un prétexte pour accaparer un temps qui ne lui était pas si précieux. Peu consciencieuse, Scar serait la dernière à se dérober à ce tête-à-tête pour se mettre au travail. C'était même une aubaine qu'elle était assez paresseuse pour utiliser à son avantage. Cela dit, au moindre mot de travers elle était prête à détaler. Ce n'était certainement pas Deklan qui allait la dissuader d'entamer son service, lui qui était censé partir depuis cinq minutes. Il continuait de la dévisager, les sourcils froncés par l'impatience, tandis que Scarlett évitait scrupuleusement un regard qu'elle devinait persistant. Certains serveurs l'accuseraient d'être dissipée, elle appelait ça la fidélisation de la clientèle. Au final, c'était son bagou qui récoltait les pourboires – et peut-être une autre paire d'atouts – et pas une efficacité irréprochable. Marius éluda avec autant de placidité que Beth le sujet de son intimité. A ce stade de puritanisme, Scarlett se demandait si cela ne relevait pas plutôt de l'ordre du complexe que de la pudeur. Tout le monde n'avait pas une vie sexuelle aussi active et informelle que la sienne, et la détresse de son frère face au caractère entreprenant de Charlotte était un exemple flagrant d'incompétence. Il sauva les meubles cependant, en lui accordant le maigre espoir d'une confidence qu'il estimait déjà sans intérêt. Au contraire, Scarlett trouvait la perspective bien plus sympa qu'une énième leçon de savoir-vivre. Elle en avait marre d'être seulement le réceptacle de leurs sermons. « Ce sera à moi d'en juger. » contredit-elle en opinant du chef, les bras croisés sous la poitrine. Elle estimait important de signifier à son frère qu'elle était tout aussi disposée à écouter les anecdotes soi-disant barbantes de sa vie privée que ses invectives à ne pas s'immiscer dedans. « Ah ouais pas mal l'historique. » renchérit-elle, soudainement curieuse d'en savoir plus sur la mystérieuse femme qui avait paralysé leur réconciliation. « Si tu veux la présenter un jour préviens-moi. J'apporterai aussi un date et elle aura l'air d'une sainte aux yeux des parents. » proposa-t-elle tout à fait sérieuse. Elle n'était plus à une déception près. C'était tout de même satisfaisant, d'entendre qu'elle n'était pas la seule victime de l'implacabilité de leur mère. « Évidemment que non, mais ça faciliterait pas les plans de Beth pour tous nous réunir autour de la même table. » Des fois Scar se demandait s'il ne serait pas moins épuisant de donner ce qu'on attendait d'elle, quitte à mentir. Trouver un homo refoulé dans un bar et l'amener aux dîners familiaux pour détourner l'attention des échecs relatifs de sa vie.« J'espère que ça marchera avec Colleen en tout cas. Il y en a bien un de nous qui a le droit à cette chance. » conclut-elle en fixant son regard dans le sien. Et dans le lot des désillusions de leur fratrie, Scarlett était tout à fait consciente que Marius n'avait pas été le moins épargné.

Un pas en avant, trois pas en arrière. Voilà ce que tu avais l’impression de vivre avec Scarlett depuis des années. Et cette conversation que tu pensais pouvoir mener sans crainte te faisait te retrouver encore une fois le cul entre deux chaises. D’un côté, tu voulais faire comprendre à Scarlett qu’elle avait été trop loin mais de l’autre, tu avais eu soin de ne pas la blesser. Ou du moins tu l’espérais. Parce que l’on t’avait souvent reprocher de blesser tes frères et soeurs, plus par maladresse que par réelle envie de faire du mal, ça tu le réservais pour Tommy les jours où vous ne pouviez réellement pas vous entendre. Colleen était un sujet sensible sans l’être vraiment en vérité. Tu sentais que tu commençais à t’attacher à la jolie brune qui croisait bien trop souvent ton chemin par hasard ces derniers temps. Mais de là à imaginer autre chose … Le chemin était encore long. De Colleen il n’y avait pas grand chose à dire à ta soeur mais ce sujet touchait celui de ton intimité, de ta vie sentimentale, un sujet que tu prenais soin de ne plus aborder avec ta famille depuis longtemps. C’était presque un réflexe et tu voyais bien que cela frustrait Scarlett. « Ce sera à moi d'en juger. » Tu serais bien incapable de dire ce qui pourrait ou non intéresser dans soeur et si ton histoire avec Colleen si un jour il y en avait une l’intéresserait. Mais il n’y avait qu’elle pour en juger et tu savais que de ton côté, la lui conter sera difficile. Autant tu étais un bon orateur quand il s’agissait de parler d’art, autant quand il s’agissait de parler de toi, tes talents de conteurs s’envolaient. Tu ne pus ensuite t’empêcher de faire remarquer à ta soeur que Colleen ne serait pas la candidate parfaite pour ta mère mais tout dépendait si ce jour-là, elle était plutôt encline à la remercier ou non. De toute manière, ce n’était pas comme si tu envisageais réellement de présenter la jeune femme un jour à ta mère, cela voudrait dire bien des choses que tu n’étais pas prêt à envisager pour l’instant. « Ah ouais pas mal l'historique. Si tu veux la présenter un jour préviens-moi. J'apporterai aussi un date et elle aura l'air d'une sainte aux yeux des parents. » Un sourire amusé se dessina sur tes lèvres à cette perspective. Tu imaginais la scène et elle te paraissait presque irréelle mais très drôle par contre. « Je garderai ça en tête. » Te contentas-tu de lui répondre un sourire amusé sur les lèvres. De toute manière, que votre mère vous donne sa bénédiction ou pas ne changeait strictement rien. Si elle refusait de te voir parce qu’elle n’aimait pas la personne que tu serais un jour amené à lui présenter, et bien le choix sera vite fait. Tu ne laisseras pas ta mère briser quelque chose qui te tiendra à coeur, briser une relation qui pourra t’être salvatrice. « Évidemment que non, mais ça faciliterait pas les plans de Beth pour tous nous réunir autour de la même table. » Cette utopie de Beth en semblait pas disparaître. Elle semblait vouloir réunir tous les Warren autour d’une table depuis des années et tu ne comprenais toujours pas comment elle n’avait pas baissé les bras mais c’était le cas. « En vérité, du moment que tu es autour de la table, tu serais surprise de ce que Beth peut supporter. » Oh elle serait agacée si la personne que ramenait Scarlett était insupportable mais malgré tout, elle se contiendrait et trouverait du positif dans tout cela. Beth, l’éternelle optimiste, la résilience incarnée. « J'espère que ça marchera avec Colleen en tout cas. Il y en a bien un de nous qui a le droit à cette chance. » Alors que Scarlett plongeait son regard dans le tient, tu ne pus t’empêcher d’y lire la sincérité de ces paroles et cela te toucha plus que tu ne pouvais le penser. Parce que dans cette famille, on se souhaitait peu souvent de bonnes choses en le pensait réellement. Haussant les épaules, tu lui dis : « Je doute que cela donne quoi que ce soit mais nous verrons bien. » Jetant un coup d’oeil à ta montre, tu te rendis compte que cela faisait un petit moment que tu étais là. Tu te levais avant de dire : « J’espère que je ne t’ai pas dérangé trop longtemps. Merci pour le café et pour la discussion. » Tu étais sincère toi aussi, tu avais apprécié cet échange malgré les quelques moments d’inconfort ressenti. « A bientôt ! » Ajoutas-tu après avoir déposé un billet dans le verre des pourboires qui n’étaient pas loin de toi. Après un dernier regard vers ta soeur, tu quittas le café, la laissant retourner travailler.


@Scarlett Warren