Une nouvelle journée s'étendait de tout son long sur Brisbane, noyant la ville sous des rayons trop lumineux pour moi. Je portais ces lunettes de soleil quasiment non-stop depuis mon arrivée dans cette ville. Le capitaine de division avait décidé de me cantonner au commissariat, pour prendre la température des dossiers disait-il. Tu parles de prendre la température. Moi ce que j'aimais, c'était l'action, l'intervention avec les armes, l'adrénaline qui montait. Heureusement, il m'avait promis que ça ne durerait pas, je l'espérais. Dans le cas contraire, je préférerai encore prendre le risque de retourner à Perth pour jouer au chat et à la souris avec Elena et Rogerio. Cela devait faire trois fois que je lisais ce dossier concernant un gang de racketteurs qui faisait raquer des commerçants en échange de leur "protection". Le dossier était épais, mais à part qu'il s'agissait de méthode héritée des yakuza japonais, rien d'autre n'était très concluant, les différents témoins étaient extrêmement réticents à parler.
Génial, voilà un dossier qui patine déjà...on repassera sur l'efficacité...
Mais la bonne nouvelle se matérialisa par l'affichage de l'aiguille de ma montre. Midi, l'heure de la miam! Il y avait beaucoup de choix dans la région mais rien ne valait le retour aux bases ; un bon Mc Do, cancérigène à souhait et dont la moindre frite vous coûtait quinze minutes de votre foutue vie. Je quittai la vieille maison victorienne en brique couleur clair pour me lancer dans les rues propres et colorées du centre-ville. Y avait pas à dire, ça me changeait de ce trou où j'étais né. Toowoomba...déjà, celui qui lui a trouvé le nom avait certainement abusé de la fumette, ensuite, il n'y avait pas grand chose à y faire...mais repenser au cinéma de mon bled natal me fit songer à cette adolescente avec laquelle j'avais tout fait et que j'avais laissé partir.
Nan Jayden, nan, ne pense pas à elle, ça sert à rien...
Je ne pouvais pas m'empêcher de l'imaginer, quelque part, avec son diplôme universitaire, à occuper un poste prestigieux, avec des tonnes de responsabilités et à sortir avec un mec bourré de dollars, pensées qui se nouèrent dans mon ventre, au point de m'en faire grimacer. A cette allure là, je n'allais même pas pouvoir manger ce McDo. Le plus proche était à cinq minutes en voiture, de quoi me permettre d'y aller, de passer au drive et de revenir pour m'emmerder le reste de l'après-midi en attendant un peu d'action. Ma Holden était confortable, et mon trajet se passa comme prévu. Comme toujours, le prince de l'organisation, c'était qui? c'était bibi. Et là...
-Evidemment, y a une file de tarés, et tout ces emmerdeurs ont eu la même idée que moi, bouffer un hamburger à deux dollars, au drive-in en plus!
Bon, pas le choix, va falloir se garer pour manger en intérieur, j'ai pas fait toute la route pour faire demi-tour maintenant. Je me gare sur ce parking étrangement vide. Comme dans tous les Mc Donalds du monde, de belles bornes blanches m'attendent à l'entrée pour que je passe ma commande. Mes doigts glissent avec dextérité sur l'écran, à croire que les enfants manipulaient des smartphones tout jeune jusqu'à être prêt à tomber dans la prison de la malbouffe. Alors, un grand coca...histoire de sacrifier ses dents sur l'autel du saint sucre...une frite moyenne, parce qu'il faut pas abuser non plus...une sauce barbecue, une ketchup...et en guise de plat principal...humm...allez, va pour un Double Quarter Pounder au bon boeuf bien de chez nous. Petit passage au bancontact, prise de la borne et plus qu'à se trouver une table pour attendre le service à table. Là, dans un coin de mur, un chouette coin pour manger et surfer sur son téléphone tranquillement. Il faut absolument que je télécharge ces foutus épisodes sur Netflix avant de rentrer au commissariat, y a un wi-fi merdique dans ces bureaux et j'ai pas envie de jouer aux cartes avec mon collègue, Carter, qui aura encore renversé la moitié la moitié de son fromage sur les figures de carreaux. La file aux bornes est peu importante, je commence à me demander s'ils ne faisaient pas une promo cachée sur le drive-in, comment expliquer qu'ils soient tous là bas? Les minutes passent et le premier épisode de la saison deux de Sex Education est enfin downloadé.
Allez, suivant, y en a encore un paquet à télécharger, l'aprèm va être longue. Mais où j'ai foutu mon chargeur moi?.
Une petite semaine maintenant que Claire avait repris le boulot après son petit trip à Sydney en compagnie de Zep. Elle n'en revenait toujours pas de qu'il s'était passé là bas et était réellement sur un petit nuage. Malgré tout elle n'en avait encore parlé à personne, elle devait déjà réaliser elle-même ce qu'il se passait pour dire d'en parler et elle avait peur que tout ne soit qu'un rêve éveillé. Malgré qu'elle en avait marre de son boulot au McDo, elle était encore plus souriante qu'à l'habitude car oui Claire sourit même quand ça ne va pas, les clients n'ont pas à subir ce qui se passe dans sa vie. Bien entendu, quand il le faut, elle sait aussi remettre les gens à leurs places. Faut avouer que certains clients sont affreux et donnent une envie de meurtre certaine. Aujourd'hui, il n'y a pas énormément de monde à l'intérieur, à croire que le monde préfère le drive. Cela peut se comprendre vu le temps magnifique qu'il fait encore à cette époque de l'année. Même si l'automne est présent, il fait encore très bon, un des avantages de vivre de ce côté du globe certainement. Alors qu'elle est derrière sa caisse, elle voit le petit clignotant qui lui indique une commande passée par la borne. Naturellement elle va préparer tout ce qu'il faut et dit en cuisine ce dont elle a besoin. Pendant que le burger cuit, elle fait les frites et préparent le plateau. Le temps de faire ça et le burger arrive, elle le rajoute sur ledit plateau et sort de derrière sa caisse. Son regard se porte sur la salle pour essayer de voir qui a pris cette commande. Elle ne voit qu'une seule personne sans rien devant elle donc se dit que cela doit être elle. La blondinette avance, toujours avec le sourire et arrive donc devant cette fameuse table où le jeune homme a l'air bie occupé avec son ordinateur portable. Beaucoup viennent ici pour profiter du wifi gratuit et ils ont bien raison, après tout il suffit d'une petite commande pour pouvoir le faire. Voulant montrer sa présence sans trop surprendre la personne, elle se racle gorge pour ensuite prendre la parole. « Voici votre com ... « La personne devant elle relève la tête et d'un coup Claire n'arrive plus à prononcer un seul mot, aucun son ne sort d'entre ses lèvres. C'est comme si d'un coup, elle était paralysée. Malgré tout, elle pose le plateau et s'éloigne doucement sentant ses mains tremblées, ses jambes ont presque du mal à la porter. Son regard se pose sur un de ses collègues « Je prends ma pause « Dit-elle rapidement avant de sortir du fast-food. Heureusement qu'il n'y a pas de monde et qu'elle peut se permettre de prendre un pause imprévue, elle aurait été incapable de servir une autre personne de suite. Une fois dehors, elle se pose contre le mur à côté de la porte d'entrée et souffle doucement. Elle n'arrive pas à y croire ... Mais qu'est ce qu'il fout là ?! La personne qu'elle venait de servir n'était pas n'importe qui mais bel et bien Jayden, son meilleur ami, enfin son ancien meilleur ami vu qu'il a mis un terme à leur amitié en faisant le mort. Claire avait tout imaginé quand il avait fait ça, même qu'il était mort et qu'on ne lui aurait rien dit. Alors le revoir après autant d'années lui fait un choc. Son coeur se tort dans sa poitrine, elle ne sait pas quoi penser, ni quoi ressentir. Dans un sens, elle a juste envie de lui coller son poing au milieu de la figure et dans l'autre, elle est tout de même heureuse de savoir qu'il va bien. Néanmoins, le mal a été fait ... Il lui a fait mal en arrêtant de lui donner des nouvelles sans aucune raison valable. Elle en a pleuré des nuits entière ... Si elle ne s'était pas fait de nouveaux amis ici, elle ne sait pas comment elle s'en serait sorti. C'est d'ailleurs, peu après ça qu'elle a rencontré Zep. Bien qu'il n'ait jamais remplacé Jayden, car personne n'est remplaçable, il a été là et est devenu un de ses meilleurs amis, un confident et sans lui elle serait peut-être dans un trou ou je ne sais quoi. Car même si cela ne paraît énorme à première vue, perdre Jayden a été à l'époque, la pire expérience de Claire. Il était son pilier, celui avec qui elle voulait tout faire, tout essayer. C'était lui et pas un autre et pourtant ... Plein de pensées envahissent son esprit, elle se perd même. Elle a besoin de se calmer, du coup, elle attrape une cigarette dans sa poche et la porte à ses lèvres. Claire ne fume pas souvent mais là, elle en a besoin.
Sur mon écran, la flèche indiquant la progression du téléchargement passait du rouge au gris à des rythmes réguliers, au fur et à mesure que je stockais les octets dans ma machine. J'attendais patiemment, fixant ces allers et retours de couleurs en partie destiné à faire passer passer le temps. Heureusement, il fallait admettre que la connexion ici était bonne. Si McDo cherchait à vous assassiner avec sa nourriture semi-chimique, il fallait leur laisser qu'ils s'appliquaient à vous offrir les meilleures conditions d'empoisonnement possibles et tout le confort adéquat à l'explosion de votre IMC. De ma place, j'observais une infime portion de la vie des gens ; un couple qui semble amoureux qui se partage un ravier de frites, un grand-père dont la petite fille lui explique la composition de son menu ou encore un homme d'affaires qui mange rapidement, avalant des semi continents de pain, le téléphone vissé à l'oreille. J'avais toujours trouvé intéressant d'observer tout cela de loin, de voir ces détails de vie auxquels personnes ne faisaient attention, principalement par égoïsme. Certains vivaient des instants qui resteraient gravés en eux, d'autres, un repas qu'ils auraient oublié dans trente minutes. C'était certainement une déformation professionnelle, et l'espace d'un instant, à travers leurs mimiques et leurs expressions, j'entrais dans leur vie, avant d'en disparaître quand je détournais le regard.
Un léger clignotement sur l'écran m'indique la fin de mon téléchargement, en bas, à droite, je vois que j'ai reçu un mail. Déplacement rapide de ma main sur le pavé tactile pour cliquer dessus, l'écran Outlook s'ouvre. Encore une foutue circulaire qu'on me fait suivre. Combien de fois je vais devoir leur demander de me retirer de leur foutue liste? Je suis pas agent constatateur moi, je dresse pas des PV comme un pion. Qu'est ce que j'en ai carrer de la politique criminelle en cas de saisie de véhicule pour défaut d'assurance?
Bande de cons.
Je venais de commencer une réponse incendiaire pour leur dire ma façon de penser quand un raclement de gorge m'extirpa de ma concentration.
-Voici votre com...
-Merc...
Comme d'habitude, je ne prête pas attention à la petite main qui sert à table, je réponds quasiment en même temps et par automatisme de la politesse. Pourtant, quelque chose cloche, ma réponse a été trop longue par rapport à la sienne, je lève les yeux, mon mouvement est rapide, s'arrête devant un visage qui me fait l'effet d'une giffle au visage. Huit années de séparation se rencontrent dans un regard. Ces quelques syllabes, ces quelques sons qui viennent de me faire louper un battement de coeur, je reste sans voix. Un instant, je regarde mon plateau sans réagir, dans ma tête, l'écran de mon esprit affiche une surface noire, c'est "Error 404 - File not found'. Je n'arrive pas à remettre le visage et la voix en même temps, je n'arrive pas à les fusionner sans me sentir au bord de l'hyperventilation. Je me penche pour essayer de la revoir mais je ne vois que sa silhouette alors qu'elle passe près d'un de ses collègues de l'autre côté du comptoir.
Non...j'ai du rêver...c'est pas possible, il y a plus de deux millions et demies de personnes dans cette ville, tu vas pas me faire croire ça...
Pourtant, nous venions de vivre les deux secondes les plus longues de notre vie, un instant perdu sur une ligne du temps, où le passé vient percuter le présent comme un train qui entre en gare. Cette voix, je l'ai rêvée, je l'ai entendue des milliers de fois dans ma tête ces huit dernières années. Le temps avait effacé les tonalités les plus aiguës, raboté les graves...mais la tessiture était la même...et ce visage, ces traits que je pouvais dessiner les yeux fermés tant je les avais vu, ils n'avaient presque pas changés, un peu plus marqués, plus mystérieux, emprunts d'une ombre qui la rendait un peu plus ténébreuse. Je dois me forcer pour étouffer un fou rire alors qu'un frisson parcourt mon échine. Je sens que je bouillonne, qu'une nervosité indescriptible s'est emparée de moi. Je prends ma tête dans mes mains.
C'était vraiment Claire? Ici? Serveuse dans un McDo? Non...il n'existe pas de hasard, c'est des conneries. Elle est mon rêve et ma hantise, j'aspire à la revoir tout comme je crains des retrouvailles. Huit années étaient passés, si peu et si longues, que pourrions encore nous raconter?
Je tapote nerveusement sur la table, mes gestes deviennent impatients, cette situation me bouffe, j'hésite, je ne suis même plus certain que c'était bien elle, c'était tellement impossible de la voir ici.
Bordel, allez, ça coûte rien de vérifier.
Le bâtiment est petit, si elle n'est pas dans l'arrière cuisine, elle doit être à l'extérieur. Je laisse tout en plan et Je prends le pari de faire le tour du bâtiment . Le parking est toujours aussi vide, et il ne me faut que quelques dizaines de secondes pour arriver près de la porte d'entrée principale. Elle est là, appuyée contre le mur, une cigarette à la main. L'image d'une adolescente souriante et espiègle se superpose à la silhouette d'une jeune femme que le temps n'a fait qu'embellir. Lorsque nous nous sommes perdus de vue, il y a huit ans, je trouvais que Claire était magnifique, désormais, elle avait quelque chose en plus, une expression sur le visage, qui, si elle avait effacé son insouciance, la rendait d'autant plus attirante. C'était elle, plus aucun doute, mon coeur le hurlait, ma respiration devenait rapide, et la paume de mes mains devenait moite alors que je sentais mon plus grand espoir et ma plus grande crainte se dresser simultanément devant moi.
Plus qu'à fermer les yeux pour ne pas me laisser happer par des choses qui me dépasseraient. A voir son comportement, sa manière de se tenir, nul doute que l'accueil ne serait pas chaleureux. Je ne sais pas si j'aurais du l'ignorer, rester à ma table et faire comme si je ne l'avais pas reconnue. J'avais traversé le pays pour échapper à ce moment et par un terrible concours de circonstance, nous nous retrouvions ici, alors que nous aurions pu vivre une vie entière à Brisbane sans jamais nous croiser.
Bon...quand il faut, il faut.
Je m'approche, le plus silencieusement possible, par la gauche alors qu'elle a la tête tournée dans l'autre sens. Elle semble aussi tendue que moi, je commence à me dire que sortir était une mauvaise idée. A mon tour, je m'appuie contre le mur tout en respectant une distance de sécurité, après tout, je ne savais pas comment réagirait la Claire du présent. Je lève les yeux vers ce ciel clair, qui me rappelle ce temps de septembre où les relations s'étiolent jusqu'à se déchirer. Un léger vent balaie quelques feuilles sur le parking, entraînant avec lui les odeurs de la ville. Je laisse s'écouler un certain temps, quelques très longues secondes avant de parler d'une voix que je veux le plus neutre possible.
-Tu me rappelles quelqu'un...une adolescente que j'ai bien connu, elle était vraiment quelqu'un de proche, quelqu'un qui comptait pour moi. Je crois qu'en grandissant, elle t'aurait ressemblé, à part qu'elle, elle aurait été souriante avec les clients, et qu'elle ne fumait pas, jamais ça ne lui serait venu à l'idée.
De la poche de ma veste, je sors un chewing gum et me lance dans un déballage consciencieux de ce magnifique dérivé du pétrole.
Ce n'est pas possible, ça ne peut pas être lui ... Et pourtant Claire n'était pas folle, elle l'avait bel et bien reconnu. Ce visage, jamais elle ne pourrait l'oublier ! Ils avaient passés bien trop de temps ensemble pour qu'il ne soit plus qu'un vague souvenir. Mais merde, dans une si grande ville, c'est dans ce McDo qu'il a dû venir ... A croire que la vie était contre elle ces derniers mois, enfin pas à tout niveau heureusement. Si tout avait été différent, elle aurait été heureuse de le revoir, elle lui aurait même sauté dans les bras mais là ... Non ! Ce qu'elle ressent, elle n'arrive même pas le décrire tellement elle lui en veut. Il était son meilleur ami, son pilier, son tout ... Et il lui avait carrément briser le coeur. Il avait été le tout premier à déchirer son coeur en deux le jour où il avait arrêté de lui répondre pourtant elle avait tenter maintes et maintes fois de lui écrire, de lui téléphoner mais sans succès. Au bout d'un moment, elle s'est rendue à l'évidence qu'il l'avait rayée de sa vie et qu'elle devait se faire une raison. Elle avait donc continué sa vie à Brisbane en se faisant de nouveaux amis, elle était même tombée amoureuse mais là encore son coeur avait été brisé ... Maintenant, pour qu'elle le donne encore à un quelqu'un, ce sera difficile, elle n'a plus aucune confiance en la gente masculine à part peut-être Zep. Mais Zep, il est différent, c'est son ami, il n'y a pas d'ambiguité entre eux, du moins pas qu'elle sache. Car oui Claire est le genre de filles à ne pas voir quand un garçon veut quelque chose de plus et même quand c'est elle, elle le cache et le nie pour être certaine que la souffrance ne viendra pas frapper à sa porte et ça depuis Jayden. Avant elle n'était pas comme ça, pas du tout même, elle était du genre à sourire à tout le monde, à vouloir se lier d'amitié avec le plus de monde possible. C'est sûrement pour ça qu'elle était fort appréciée au lycée, de beaux souvenirs tout de même. Mais c'est le passé et le passé est loin, très loin maintenant. Alors qu'elle est toujours posée contre ce mur fumant sa cigarette, elle ne le voit pas sortir à son tour et se poser un peu plus loin. Ce n'est qu'au son de sa voix qu'elle fait tilt. Un soupir sort d'entre ses lèvres, elle tourne légèrement son visage pour s'assurer que c'est bien lui. Même si elle n'en doute pas, elle ne connaît que trop bien cette voix. Combien de fois, elle n'a pas écouté son répondeur juste pour se dire qu'il n'était pas vraiment parti, qu'il ne l'avait pas réellement abandonné.
- A part que cette adolescente n'existe plus que dans de lointain souvenirs. Une personne lui a un jour brisé le coeur en s'effaçant de sa vie sans aucune raison. Alors oui, elle a grandit mais en changeant ... Et c'est sûrement mieux comme ça.
Si elle disait cela, c'était pour bien lui faire comprendre que si elle avait changé, c'était en partie de sa faute. Elle s'ouvrait moins, elle était plus méfiante. Maintenant, elle s'était tout de même fait rapidement des amis dans le coin mais à part avec Zep, elle n'avait plus donné sa confiance si facilement, elle ne pouvait plus. La peur de se faire encore rejeter était bien trop présente. Elle roula des yeux à la vue de son foutu chewing gum ...
- Je préfère que tu le manges et que tu t'étouffes avec par la même occasion !
En disant cela, elle tira une nouvelle bouffée sur sa cigarette. Il croyait quoi sérieusement ? Qu'elle allait l'accueillir les bras ouverts et faire comme si rien ne s'était passé. Impossible. Claire était gentille même de trop mais elle n'était plus aussi naïve qu'avant. Elle n'était juste plus une adolescente. Cependant même si elle était amère avec lui, une part d'elle souffrait toujours et cette blessure bien enfuie venait tout juste de s'ouvrir à nouveau avec sa présence. Si seulement, elle avait fait quelque chose pour mériter son silence, elle aurait compris mais non, rien, elle n'avait rien fait qui justifiait un tel comportement et c'est sûrement ce qui faisait le plus mal. Jamais, de son côté, elle n'aurait pu mettre autant d'années d'amitié, de complicité ... au placard comme si rien ne s'était passé, non c' était juste impensable pour elle. Malgré qu'elle avait refait sa vie, elle n'avait jamais oublié Jayden, elle l'avait juste placé dans un coin de son coeur et de sa tête et avait fermé la porte ...
Je ne sais dire ce qui me fit frissonner à ce moment là ; si c'était la dureté qu'elle voulut mettre dans ses mots ou sa voix, que j'avais si longtemps aspiré à réentendre. Ce fut une désagréable décharge qui courut le long de ma colonne vertébrale. Le ton était donné, plein d'amertume, de reproches et peut-être de rancoeur. Bien sûr j'y avais songé, songé pendant ces années à ce que seraient des retrouvailles avec Claire, surtout depuis que nos nouvelles s'étaient espacées jusqu'à devenir inexistantes. J'ai bien compris l'allusion, quand elle dit qu'on lui a brisé le coeur. Evidemment, je sais que c'est de moi qu'elle parle, qu'elle m'a mit sur le dos le fait de l'avoir abandonné sans raison. Je ne dirai pas qu'elle a tort, que j'ai cessé de donner des nouvelles, mais la raison, est plus compliquée que "sans raison". Croit-elle que ca a été simple pour moi? de la voir partir, de chercher à combler ce vide à l'autre bout du pays, me noyer dans un boulot dont je ne lui parlais pas pour ne pas l'inquiéter avant de finir par vendre mon âme pour un peu de paix? J'aimerais le lui dire, tout lui dire, mais je ne peux pas. Au-delà du fait qu'il en va de ma sécurité, je sais que ce n'est pas le moment, une guerre d'arguments n'allait qu'entraîner des morts. Je ne voulais pas que cela se passe comme ça, que Claire se suicide à petit feu avec la cigarette, où qu'elle me regarde avec cet espèce de mépris en roulant des yeux.
- Je préfère que tu le manges et que tu t'étouffes avec par la même occasion !
Je peux pas empêcher un rictus ironique de s'emparer de mes lèvres en laissant retomber ma main qui tenait mon paquet de chewing-gum. J'avais tendu la main, un geste cliché, certes, mais c'était aussi une manière de voir ce qu'il allait se passer...ou pas. Au moins, elle avait annoncé la couleur. Je regarde une voiture au loin, un modèle rouge qui tourne au coin de la rue avant de laisser passer un piéton. J'espère pouvoir cacher ce qui traverse mon regard alors qu'inconsciemment, je remonte mon col pour être certain de bien protéger la marque à mon cou. Il y a tant de choses que je voudrais pouvoir lui dire, et si peu que je puisse exprimer.
-Tu as raison, on change tous en grandissant. Je n'aurais cependant jamais pensé te retrouver ici, à servir dans un fast food...Claire.
Ca y est, j'ai prononcé son nom à haute voix. De tous ceux que j'ai pu dire ces huit dernières années, c'est celui là, son prénom, qui fait le plus mal. Je sais que quelque part, je souffre, mais je ne le lui dirai pas. Je ne suis pas comme ça, pas maintenant, pas ici.
-Ca fait longtemps que tu travailles ici?
Je n'ai pas besoin d'entendre ses réponses pour sentir la tension qui l'habite, ma présence semble l'exaspérer, j'en suis bien conscient. Peut-être aurait-il été plus raisonnable de battre en retraite, de laisser cette rencontre dans la catégorie des "mauvais endroits au mauvais moments" et que le temps effacera. D'ici quelques semaines, elle oubliera peut-être même jusqu'à cette rencontre et se souviendra de moi, tel que je l'étais à dix-huit ans. Je mentirai si je niais que c'est ce que mon instinct me demandait de faire, les dégâts étaient trop grands pour tenter d'en tracer les contours, de mesurer la profondeur des cicatrices. Malgré ça, je ne pouvais oublier toutes ces fois où j'avais, de mémoire, dessiné ses traits dans ma tête, où j'avais repensé à tous ces instants où, comme un spectateur, j'avais pu voir nos deux adolescences alors que, penchés par les fenêtres de nos chambres, nous discutions, des rêves pleins les yeux. J'aurais voulu le dire que c'est à elle que j'avais pensé quand, au sein du cartel de Rogerio, j'avais été obligé de...qu'il avait été hanté par ses images et que c'était elle qui lui avait permis de ne pas sombrer.
-C'est le hasard Claire, si je suis ici, que nous parlons, ce n'est pas moi qui l'ai décidé. Je n'ai pas demandé à réapparaître comme ça.
Je me décolle du mur. Je peux abattre une dernière carte, pour tenter de voir si je suis capable de provoquer une réaction quelconque. Quelque part, je m'étais déjà résolu au moment où j'avais réalisé ce que je ressentais pour elle. Notre amitié s'était terminée le jour où j'avais appuyé sur la touche "Enter" de ma dernière réponse, de ces derniers mots que j'avais tapé à l'écran pour elle. J'avais cherché à m'échapper dans un boulot dangereux qui m'avait donné ce que je voulais, comme tout adulte, il me fallait assumer désormais.
-Ne désespère pas. Je mange et d'ici vingt minutes, je disparaîtrai. Tu n'auras plus à te soucier de moi et tu pourras continuer ta vie comme avant. Si tu as des choses, à me dire, je suppose que c'est maintenant ou jamais.
Parfois, il faut savoir se mettre en première ligne, même si je savais qu'ici, je venais de me placer en face du canon d'une sulfateuse.
De la rancoeur voilà tout ce que Claire sait lui montrer actuellement. Elle se sait dur dans ses paroles mais elle ne les regrette pas. Il a l'audace de venir lui parler comme de si rien n'était et ça elle ne le supporte pas. A sa place, elle se serait au moins excuser non ? Cela aurait été le minimum mais lui il est là à lui proposer un chewing gum car elle fume. Rhaaa quel con ! Claire rage intérieurement et pas qu'un peu mais cela ne saurait tarder à sortir. Pendant 8 huit, elle a tout gardé pour elle, elle n'a d'ailleurs jamais parlé de lui à ses amis actuels. Mais ça, c'est Claire toujours à ne rien dire quand quelque chose ne va pas. Elle n'aime pas s'apitoyer sur son sort et du coup, elle se dit que si elle parle de ses problèmes, c'est se plaindre et que ses amis ont autre chose à faire que d'écouter ses petits soucis personnels. Alors qu'au fond d'elle, elle sait très bien qu'ils auraient été présents et que jamais elle ne les aurait ennuyer, c'est juste qu'en parler, aurait rendu la chose encore plus réelle et ça aurait plus mal ... Alors qu'elle vient de le remballer, elle n'a qu'une envie virer ce petit sourire ironique de son visage, il fait vraiment tout pour l'agacer.
- Ce que tu penses ne m'importe plus Jayden ! Et tu ne sais rien de ma vie alors je te prierai de ne pas juger.
Comme si elle allait lui dévoiler que la raison était la musique. D'ailleurs s'il la connaissait si bien que cela, il aurait du ne serait-ce que d'y penser. Bien entendu qu'elle avait son diplôme de littérature en poche. Si elle ne travaillait pas dans sa branche, elle avait ses raisons simplement. Quand il lui demanda si elle bossait là depuis longtemps, elle haussa les épaules pour seule réponse. Qu'est ce que cela pouvait bien lui faire après tout et puis il connaissait la réponse. A moins que même à son arrivée à Brisbane, il n'ait pas pris le temps de lire ses tout derniers messages ... Oui c'était sûrement ça !
Donc il était là par hasard. Elle se demandait si c'était pire ou pas qu'il soit là et sans avoir eu l'envie de la revoir, de s'expliquer. Elle ferma les yeux quelques secondes essayant de contrôler la colère qui l'animait. Malgré elle, elle eut un petit rire jaune, rire qui voulait dire que cette déclaration en rajoutait une couche.
- J'avoue que j'aurais du me douter que ce n'est pas après tout ce temps que tu serais venu me voir.
Sa cigarette étant finie, elle écrasa le mégot contre le mur et jeta celui-ci dans la poubelle. Tellement sur les nerfs, elle en aurait bien fumer une autre de suite mais non, elle n'avait pas l'habitude et ça risquerait de la rendre malade.
- Mais bien sur Jayden. Pars, fuis comme tu l'as fait ! Tu sais quoi ?! Je ne suis même pas étonnée que tu veuilles encore le faire. Tu n'as pas eu le cran de venir me voir pendant 8 longues années, de m'expliquer pourquoi tu m'as exclu de ta vie comme une grosse merde ! La preuve si t'es ici, tu l'as dit toi-même c'est le pur hasard. A croire que je n'ai jamais été rien dans ta vie. J'aurais pensé que toutes ces années ensemble auraient signifié quelque chose pour toi mais je me suis trompée sur toi ... T'es comme tout les autres, un lâche ou peut-être même pire car après tout tu m'as fait croire que je comptais pour toi pendant toute notre enfance et notre adolescence, t'es juste un hypocrite en fait. Mon départ t'aura au moins servi à te débarrasser de moi !
Méchante, peut-être, sûrement même mais elle en avait besoin. Elle avait ce besoin de tout lâcher une bonne fois ! Elle avait eu mal, très mal, et le revoir venait de rouvrir cette blessure qu'elle avait enfuie au fond d'elle. De toute façon que ce soit en amitié ou en amour, on arrive toujours à l'abandonner un jour ... Le coeur de Claire va finir par se fermer à double tour ...
Je ne m'étais pas trompé, elle allait me foutre une raclée verbale.
Contrairement à ce que Claire pouvait penser, j'avais souvent songé à nos retrouvailles, à elle et moi. A chaque fois, le scénario était le même, ces huit années, ce trou durant lequel nos relations s'étaient distendues, à chaque fois, ce fossé faisait le plus de dégâts. Comment pouvait-on rattraper huit ans... Je l'avais imaginée en colère, folle de rage, blasée, me collant même des paires de claques, mais ce que je voyais devant moi...me rendait noir de rage, tout en me brisant le coeur. J'avais eu beau me préparer, rien n'aurait pu réellement me permettre de faire face au venin qu'elle me lançait vicieusement aux oreilles. Elle avait été tout pour moi, mon dernier rempart, la bouée sur laquelle je m'étais accroché alors que j'allais me faire descendre, et l'entendre me cracher ma lâcheté à la figure, c'était plus dur que tout ce qu'elle avait pu me dire durant les dix-huit premières années de notre vie. Mes poings s'étaient fermés, mes phalanges s'étaient serrées, prêtes à frapper le mur ou tout autre chose à portée de main, mais je n'avais jamais été violent directement face à Claire, et je refusais de le faire. Elle avait toujours été mon fusible, mon disrupteur, et sans elle, beaucoup de mes réussites n'auraient jamais eu lieu. Qu'importe les insultes ou tout ce qu'elle me balancerait, je devais rester stoïque, user de mon entraînement dans la police pour garder le contrôle de moi-même, malgré que ça n'ait jamais été mon point fort. Je m'étais attendu à la volée de bois vert, mais j'avais sous-estimé l'importance de porter un gilet pare-balle. Résultat, malgré le sourire sardonique que j'essayais de maintenir sans virer à la grimace, chacun de ses mots me heurtait comme une porte en pleine figure.
Elle voulait me faire mal, je le savais. Et le pire, parce que c'était elle...elle y arrivait. Jamais sa voix, que j'aimais tant, que j'avais chérie si fort dans mes nuits les plus noires, jamais je n'avais imaginé qu'elle pourrait me poignarder à chaque mot qu'elle prononcerait, que chaque syllabe articulée avec mépris aurait l'effet d'une lame de rasoir sur mon coeur. Mais si la rancoeur guidait ses paroles, la peine qu'elle m'infligeait éveillait ma colère, nourrissait le feu qui grandissait dans mes veines, qui me bouffait littéralement. Aussi discrètement que possible, j'essayais de maintenir ma respiration la plus calme possible, tout dans son attitude m'irritait, m'offusquait, j'aurais voulu pouvoir tout lui dire, mais c'était impossible. Pourquoi se montrait-elle aussi injuste ? J'avais disparu oui, mais je n'avais pas...pas quoi au juste? Finalement, ma patience fut à bout et je me décollai du mur que je squattais encore quelques secondes auparavant.
-Tu sais quoi? Tu as raison, je ne suis qu'un lâche. Je ne sais même pas pourquoi je ne suis pas resté assis à manger mon repas plutôt qu'à venir ici pour t'écouter me traiter de connard. Je ne peux pas te juger ? Ok, bien Mais n'oublie pas que tu sais rien non plus de ma vie, mais toi, tu te permets de me juger, de me dire que JE t'ai abandonnée ? Mais tu plaisantes là ? Non mais sérieux, je rêve.
Je tends déjà un doigt accusateur vers elle, j'abaisse ma main pour éviter de faire des gestes qui pourraient inconsciemment envenimer la situation. Je me tourne sur le côté dans un geste d'agacement. A cet instant, j'ai peur, peur que tout soit définitif.
-Eh oui, bien sûr, j'en ai jamais rien eu à faire de toi. Tu n'étais rien pour moi. Absolument rien. T'es certaine que ce serait pas plutôt le contraire ? Tu étais la populaire Claire Michaelson et moi, je n'étais que ce bagarreur paumé qui passait sa vie en colle...ahahah, c'est certain que ça faisait pas joli sur ta carte de visite hein ? Cotoyer un mec comme moi ! Et maintenant tu dis quoi? Que j'ai fuis? Alors que j'ai passé mon adolescence à courir derrière toi ? A crever dans ton ombre à protéger notre amitié ? Tu as une idée de combien de beignes j'ai prises pour toi ? pendant que tu profitais de ta popularité, pendant qu'on me faisait comprendre que je n'étais qu'un poids mort pour toi ?
Sur mon visage, mon expression ironique a disparu, laissant apparaître la colère qui m'anime, je sens le sang qui bat à mes tempes. Je sais que c'est injuste de lui reprocher mon propre comportement, ma propre peur de la perdre qui m'a fait agir comme une brute à l'époque, mais je n'arrive plus à arrêter le flot de mes paroles. Je suis occupé à transformer mon chewing-gum en charpies.
-Je n'en ai jamais, mais jamais rien eu à foutre ta putain de fac, tu sais ça ? Tu t'es seulement déjà demandée pourquoi j'avais essayé de l'intégrer ? hein ? Tu crois que ça m'amusait d'aller dans une fac où je serai passé pour le gros débile pas capable de faire autre chose que courir derrière un ballon, ah ben oui, Jayden la ballerine s'amuse au milieu des grosses têtes, youhouuuu. Qui c'est le toutou à Claire? Va chercher la balle...Est-ce que tu as la moindre idée du pourquoi j'ai pas essayé d'aller ailleurs que dans cette fac bien précise ? J'en aurai eu l'occasion, et même dix fois mais encore faut-il que je te rappelle que c'est à cause d'une personne dont je n'ai rien à cirer que je ne l'ai pas fait, ah ah ah, la bonne blague. Alors...venir me dire que tu n'as rien représenté pour moi...je t'interdis de le dire. Je veux bien écouter tout ce que tu as à me reprocher...mais ça, je ne l'accepterai pas.
Je respire profondément, je suis presque hors d'haleine tant ma colère me demande de l'énergie pour que je la canalise. Je ne veux pas céder à quelque chose qui ruinerait le peu qui peut encore être sauvé. Ma dernière phrase, je l'ai prononcée comme une menace, je ne pouvais accepter qu'elle puisse dire qu'elle n'avait rien été pour moi, bien au contraire, et encore maintenant, c'était encore pire.
-Si tu savais à quel point j'ai haï nos parents...je les voyais là, à rire, à faire des barbecues ensemble comme si de rien n'était alors que moi, moi...j'étais seul. Je ne pouvais pas poser le regard quelque part sans voir ton ombre, je ne pouvais pas aller au cinéma sans me rappeler de nos films, je ne pouvais pas regarder le ciel sans voir cette fenêtre fermée de l'autre côté de la barrière. Alors je les ai haïs, ces gens qui disaient que tout allait bien. Je suis parti oui, j'ai laissé ce putain de bled paumé derrière moi pour oublier que TU m'avais laissé derrière. J'ai passé ma vie à essayer de rester à ta hauteur, et la seule fois où je n'ai pas su, tu ne t'es même pas retournée.
Comment faire, lorsqu'on ne peut rien dire, qu'elle avait été sa seule faiblesse ? Lorsque je m'étais infiltré, j'avais été sous surveillance constante, portable y compris, ma couverture était parfaite, à une exception près, une faille dans l'armure...ces messages que Claire m'envoyait. Si je les avais ne fut ce que lu, cela se serait su, le cartel aurait vu la brèche et s'y serait engouffré pour obtenir un moyen de pression, un levier pour me tenir à carreau...et si à l'époque, j'avais répondu, il n'aurait pas été certain que Claire soit en sécurité aujourd'hui. Mais tout ça, évidemment, impossible de le lui dire, ce serait avouer des choses qu'elle n'avait pas besoin de savoir et dont, à l'heure actuelle, elle en n'aurait rien à faire. Supprimer ces messages non lus, cela avait été la chose la plus abominable que mon boulot avait pu me demander. J'ai dû faire des choses atroces pour gagner la confiance des Marquez, mais rien n'équivalait à cette impression de m'arracher le coeur lorsque je devais faire cette combinaison de touches qui supprimait les nouveaux messages.
-Tu crois que je n'ai pas eu envie de revenir ? que je n'ai pas voulu te revoir ? que...raaaaaaaaaah à quoi bon, ce que je pense ne t'importe quand même plus.
Contre ma hanche, à droite, je sens le holster de mon arme de service, le poids de mon pistolet pèse délicieusement et je sais déjà que j'allais passer l'après-midi au stand de tir pour vider autant de chargeurs que possible juste pour passer mes nerfs.
Le caractère de Claire était doux à la normal, elle n'était pas méchante loin de là mais il ne fallait pas la pousser à bout non plus où là, on ne la reconnaissait plus. Et c'est ce qu'était occupé de faire Jayden, il la poussait dans ses plus profonds retranchements. Elle avait déjà imaginé le revoir, que ça clashe mais certainement pas à ce point. Il était occupé de remettre la faute sur elle alors qu'elle n'avait rien fait dans cette histoire, bien au contraire. Malgré ses non réponses, elle avait continué de lui écrire, de comprendre jusqu'au moment où elle s'était résignée. Jusqu'au moment où elle s'était rendue à l'évidence qu'elle ne faisait plus partie de sa vie, que leur amitié était morte et cela peut-être même avant son départ. La blonde se tourne vers lui et n'a pas peur de lui faire face.
- En effet, t'aurais peut-être du rester à ta place, je t'ai pas demandé de me suivre ! Je ne sais peut-être car rien de ta vie mais tu l'as voulu alors ne t'aventures pas sur ce chemin Jayden !
Elle n'en revenait pas qu'il ose balancer ça comme si c'était elle qui avait coupé les ponts. Il se prenait pour qui là en fait ? Elle était dur avec lui certes, mais c'était mérité. Elle en avait bavé de son absence mais ça elle n'allait certainement pas lui dire. Entre temps, elle avait souffert beaucoup plus et pour d'autres raisons dont il n'a pas à savoir.
- Le contraire ?! Mais bordel comment tu oses hein ? Comment ?! Je me suis toujours foutue de cette popularité et tu le savais plus que personne. C'est avec toi que je passais mon temps non ?! Donc tu m'as couru après ? Et bien j'en apprends des choses ! T'es encore pire que je pensais alors ! Car de mon côté, t'étais mon putain de meilleur ami, mon pilier, le seul qui comptait réellement parmi tout ce petit monde autour de moi. Tu crois que je t'ai jamais défendu ? Tout le temps même ! Je leur avais clairement dit que s'il ne t'acceptait qu'il n'avait qu'à rester où ils étaient mais bien sur là encore je suis la méchante ! T'en as encore d'autre dans le genre ?
Il pouvait être en colère de la réaction de Claire à son retour mais pas lui reprocher leur adolescence. Elle avait toujours été une amie sincère avec lui et ça même quand il faisait le con. Elle ne l'a jamais laissé tombé et ce qu'il dit lui fait mal, un mal de chien même mais hors de question encore une fois de le montrer. Claire veut jouer la forte bien qu'elle le fasse un peu trop ces derniers mois, elle va réellement finir par sombrer ...
- La fac ... Voilà autre chose ! Est ce que tu m'en as parlé seulement ? Non pas une seule fois ! La communication tu connais Jayden ? Car ça aurait arrangé pas mal de choses ! Le toutou ..
Là c'était la phrase de trop, elle n'allait plus savoir se contenir ! Elle se posa devant lui et lui claqua une gifle comme elle n'en avait jamais donné avant, si bien qu'elle se fit mal à la main. Est ce qu'elle regrettait son geste ? Non car il avait été trop loin. Elle le voyait sous un autre jour, ce n'était plus le Jayden qu'elle avait connu. Tout le monde change mais à ce point vraiment ... Non, ce n'est pas possible ou alors c'est que cette personne a été hypocrite tout le long et rien que d'y penser, elle sent une pointe à son coeur. Merde qu'est ce qu'elle avait fait au ciel pour que tout lui tombe dessus en seulement quelques mois. Il avait beau continuer de parler, elle ne l'écoutait quasi plus. Les mots allaient et venaient mais sans plus, elle avait compris qu'il en voulait à leurs parents respectifs, qu'il avait alors fait sa vie car soit disant elle lui manquait ... Peut-être mais ce n'était pas une raison pour être aussi méchant.
- Je ne t'ai pas laissé derrière Jayden ... Tu aurais pu venir et faire ce qui te plaisait ici mais tu as fait ton choix alors ne me remets pas ça dessus ... Et peu importe le mal est fait
Ces dernières paroles étaient beaucoup plus calmes ... Comme si l'ouragan était passé mais non. C'est juste que Claire n'en peut plus, elle a trop supporté ces derniers temps et elle est occupée de s'effondrer mentalement. La seule chose, pour le moment, qui la raccroche un petit peu est le contrat qu'ils vont peut-être signer avec Zep.
Elle lui fait face, son regard, habituellement si doux, me paraît aussi glacé que la banquise du grand nord. J'aperçois cet éclat dans son regard quand sa langue se heurte au mot "toutou". Un principe physique parle d'action et de réaction, Claire met le dicton en pratique, le mot se fracasse contre la barrière de ses lèvres et sa main part. Peut-être aurais-je pu tenter de l'esquiver...dans le fond, j'avais été formé pour ça, mais une partie de moi sait que je la mérite. La claque résonne presque dans le parking vide, et certainement dans ma tête. Je recule d'un simple pas, un seul pas, c'est peu et beaucoup à la fois, parce que des coups, j'en ai pris pas mal, mais rares étaient ceux qui m'avaient fait reculés. Claire y a mis toute son âme, toute sa colère et sa rage. Je sens ma mâchoire qui craque alors que je fais jouer mes muscles maxillaires. Une douleur s'étend de ma joue jusqu'au sommet de ma tête. Je ferme les yeux pour contrer ce qui se cache à cet instant dans mon regard, une violence sans borne que j'avais depuis ma jeunesse et que trois ans d'infiltration ont mise en avant. Je ne veux pas céder, pas contre Claire, pas contre celle qui est tout pour moi, même si je l'ai réalisé avec huit ans de décalage. Les jointures de mes doigts ont viré au blanc et je sens les décharges électriques qui veulent me pousser à laisser libre court à ma fureur. Ses paroles font mal, si mal...elle remet en doute ce que j'avais fait pour elle, me fait passer pour un monstre. Comment une fille aussi mignonne pouvait-elle utiliser des mots comme des hachoirs ? Et en dessous, c'est mon coeur, mon âme qu'elle réduit en miettes. Claire ne réalise pas qu'elle est en train de me mettre en pièces, de détruire ce qui m'a permis de ne pas complètement sombrer ni dans la mélancolie ni dans l'ultra-violence. Alors que je ne m'y étais pas préparé, je sens que je vacille, mon esprit dérape vers des idées qui me dépassent, vers des images que je ne veux pas voir. Je sens en elle une tristesse comme je n'en avais encore jamais vu. Bien sûr, elle avait souvent été déçue de moi, m'en avait voulu, mais là, quelque part, je pouvais sentir que j'avais été trop loin. Elle me reprochait bien des choses, et moi aussi...pourtant, nous étions plus proches que tout à cette époque, si proches que malgré cette longue absence, je pouvais encore sentir quand elle saignait, quand elle cachait sa peine derrière un mur de colère. J'avais appris à ne plus le craindre et le temps m'avait fait oublier que je pouvais lui faire du mal malgré moi. Ses dernières paroles, dénuées de l'intensité qu'elle avait auparavant le frappent par leur distance, elle a décroché, abandonné quelque chose en route.
Le mal est fait...
Les quatre derniers mots sonnent plusieurs fois dans ma tête, en boucle. J'ai soudainement chaud, je comprends qu'à cet instant, notre amitié est morte. Que j'aurais dû faire amende honorable, espérer son pardon pour tenter de rattraper un peu de ces huit années où nous nous sommes perdus, où chacun de nous deux a perdu son pilier.
-Décidemment...tu as raison...j'aurais dû, rester à ma place, laisser une chance à cette incertitude...maintenant, je suppose que tout est dit...ou presque...
Sans la prévenir, et avec la force nécessaire dont on apprend à se servir dans les forces d'interventions, j'attrape la main gauche de Claire, dégaine mon Glock de service avec ma main droite, le colle dans la main de mon "amie" et, la maintenant fermement, je l'oblige à monter l'arme jusqu'à ma tempe, mes doigts serrés contre les siens, l'empêchant de quitter la coque composite de la crosse. Fallait pas demander le spectacle que ce serait pour une personne extérieure qui observerait la scène. Mes yeux brillent d'une lueur étrange, presque effrayante alors que le canon froid de ma propre arme appuie contre ma peau. Je serre encore plus ma prise sur ses doigts.
-Puisque je dois rester à ma place, pourquoi tu m'aiderais pas, hein? Pourquoi tu ne finirais pas ce que beaucoup ont commencé? Là...tu le sens ton index, tu n'as qu'à appuyer...
Par notre position, je suis plus proche d'elle que je ne l'ai jamais été depuis toutes ces années. Je souris avec une expression carnassière et tout à coup, me met à hurler.
-PRESSE CETTE FOUTUE DETENTE!! VA Y...METS MOI CETTE PUTAIN DE BALLE DANS LA TETE!!! C'est pas difficile, il suffit de vouloir le faire. ALLEZ CLAIRE!!!!!
Je respire rapidement, l'adrénaline coule dans mes veines, me rappelant tant de moments difficiles, la peur, la chaleur, la certitude qu'on va mourir. Pour la première fois, je mets littéralement ma vie entre les mains de Claire. Puis, mon regard se calme, se fait un peu plus doux alors que je me laisse emporter dans ces yeux que j'ai tant observé des années durant. Je trouve le vieux réflexe que j'avais, de me noyer dans son regard. Je maintiens toujours sa main alors que je parle, appuyant plus fortement le canon sur ma peau.
-Claire...je...je suis désolé...c'est juste que...
Ma voix est à deux doigts de se briser, je lui évite cette humiliation de peu avant de reprendre, baissant les yeux vers son cou, que j'avais embrassé lors de la nuit du bal de promo...tout me semblait encore si vivant.
-Tu m'as...tu m'as tellement manqué, je ne savais pas comment...comment faire...je ne pouvais pas...j'aurais traversé le monde pour toi, j'aurais été jusqu'aux enfers si nécessaire.
Je relève les yeux vers elle, esquisse un sourire triste.
-J'ai souffert à chacun de tes messages...incapable de trouver les mots...et puis, je n'avais plus la force...plus la force de te répondre...plus la force de parcourir le monde, ni même traverser ce putain de pays...alors, si tu veux me rendre un dernier service, en souvenir de notre enfance...Claire...me laisse pas crever comme un chien, appuie sur cette gâchette, permets moi au moins de mourir de la main de celle qui a le plus compté pour moi.
Ce n'est plus tenable cette situation, Claire est à bout de force mentalement. Elle n'en peut plus d'être la gentille petite fille parfaite. Elle l'a toujours été auprès de ses parents, ses amis ce qui lui a valu sa fameuse popularité au lycée et ensuite en arrivant ici. Mais là, c'était de trop. Alors oui, elle avait giflé Jayden en montrant pour une fois la haine qu'elle avait envers lui de l'avoir fait souffrir, de l'avoir laissé alors qu'elle n'avait rien fait pour. Il était allé trop loin en lui reprochant ce que lui seul avait fait. Certes, elle ne savait pas ce qu'il avait enduré mais elle n'aurait pas mieux demandé que de le savoir en temps réel. Ses dernières paroles sont plus las, plus plates comme si elle venait de lui donner ses dernières forces et c'est un peu le cas. Pourtant, elle avait rêvé de revoir son « meilleur ami « de pouvoir enfin le serrer dans ses bras, de lui dire qu'il lui avait manqué, d'essayer de rattraper le temps perdu ... Cependant, elle avait l'impression d'être face à un total inconnu. La personne se tenant là ne ressemblait en rien au Jayden qu'elle avait connu toute sa vie pour dire. Elle hausse les épaules à sa phrase. Que pouvait-elle dire de plus ?! Rien ... Le mal était fait comme elle l'avait dit. Si seulement, il avait pris la peine ne serait-ce que de s'excuser, tout aurait sûrement pris une autre tournure mais là ... Alors que la blondinette pensait de plus en plus à retourner bosser, car il le fallait bien surtout, elle sentit sa main être saisie par celle de Jayden. Jusque là, rien d'anormal sauf qu'il vient de lui coller une arme dans la main.
- Qu'est ce que tu fous Jayden ?!
La peur et la panique prennent possession du corps de Claire. Elle ne sait pas ce qu'il lui prend, il pète un plomb là. Elle l'a déjà vu dans de sales états mais jamais ô grand jamais de la sorte. Sa main tremble alors qu'il maintient sa main pour que l'arme soit posée contre sa tempe. Et là il commence à parler, à dire des choses qui font froid dans le dos. Claire a peur, tellement peur.
- Arrête bordel ! T'es devenu malade ou quoi ? Lâche moi Jayden ! Lâche moi putain !
Les yeux de la blonde s'embrument de larmes, elle panique, elle ne sait pas quoi faire. Si elle bouge, elle a bien trop peur que le coup de feu parte. Bordel, elle méritait pas ça tout de même.
- Je t'en supplie Jayden, lâche moi, laisse moi partir ... Désolée si je t'ai blessé mais laisse moi.
Claire ne sait plus quel Dieu prier pour que cela s'arrête. Et bien entendu, il n'y a personne sur ce putain de parking pour lui venir en aide. Elle essaye de respirer calmement, de ne faire aucun geste brusque. Elle pourrait essayer de retirer sa main mais il a bien trop de force pour elle et ce serait dangereux. Elle l'écoute parler, elle comprend qu'il a mal mais ce n'est pas une raison pour en arriver là, non du tout. Elle a eu mal aussi de son absence mais jamais elle n'aurait été jusque là.
- Jayden ... Calme toi d'accord ... On a tout les deux souffert mais c'est le passé maintenant. Ressaissis toi je t'en prie. Je ne tirerais pas et tu le sais très bien. Alors tu vas lâcher ma main, envoyer cette arme bien loin et te calmer.
A part essayer de lui parler calmement, elle ne voyait pas d'autres solutions. Qu'est ce qu'elle aimerait que quelqu'un se pointe pile à ce moment là et la sauve. C'est triste à dire mais Jayden a besoin d'aide, vraiment. Elle ne sait pas ce qu'il lui est arrivé pendant ces 8 dernières années mais il n'est plus l'homme qu'elle a connu, plus du tout ... Elle en a peur même et pas qu'un peu.
Les sons sont étouffés, je n'entends plus qu'un bourdonnement sourd qui accapare mes oreilles. Il fait chaud, si chaud, je sens mon rythme cardiaque tourner à plein régime. Mes yeux, qui se sont perdus dans ceux de Claire voient les larmes qui paraissent y briller. Sur son visage, c'est une expression d'incompréhension qui passe, je regarde Claire comme si je venais de réaliser ce que je faisais, je relâche légèrement ma prise sur la main de la jolie blonde. Elle a peur, peur de moi, peur de ce que je suis devenu. Comment huit années pouvaient m'avoir transformé en monstre à ses yeux...
-Tu sais Claire...je savais que tu ne tirerais pas...tu es trop gentille pour ça...même si à tes yeux, je suis un connard depuis huit ans, tu as toujours eu bon fond...même avec ma vie entre tes mains, tu n'as pas tiré...
Doucement, ma prise sur la main de Claire, mes gestes deviennent doux alors que je descends le Glock, le retire de la main de la jeune femme pour la remettre dans le holster de ma hanche. Mais pourtant, je ne lâche pas la main de la serveuse. Je la regarde, en silence, lui tenant la main comme si c'était le bien le plus précieux que je n'aurais jamais. J'aime tellement ses traits, si fins et pourtant si expressifs, la couleur de sa peau, l'expression tranquille de ses yeux me manque. Je m'en veux comme pas possible, je sais que rien ne pourra récupérer ce que je viens de faire, elle ne m'a pas compris, elle n'a pas compris que je préférais risquer de mourir plutôt que de la perdre, elle ne voit que de la folie...Elena Marquez avait réussi à me modifier assez pour me comporter comme l'un des leurs...j'avais peur que Claire ne puisse plus jamais me comprendre.
-Tu as raison Claire...je suis devenu dingue, dingue à l'idée que tout se termine comme ça...je...je sais bien qu'on ne peut pas rattraper huit ans, il y a tellement de choses que je ne peux pas te dire...même si je le voulais, je ne pourrais pas, sinon, tu risquerais d'être...menacée.
Je finis par lâcher sa main, un geste doux où je lui rends ces doigts que je ne pourrai plus jamais tenir. La douleur dans ma poitrine est telle que j'ai l'impression d'être sur le point de faire une crise cardiaque. J'ai envie de la serrer dans mes bras, mais je suis quasiment certain qu'elle me repousserait, ou bien, se laisserait faire par simple peur, et je ne le veux pas. Je ne veux pas d'une Claire terrorisée, d'une Claire qui a peur à l'idée que je puisse lui faire du mal. Bordel Claire, tu sais bien que jamais je ne pourrai te faire du mal.
Qui suis-je pour lui dire celà ? Elle ne me croirait certainement pas de toute façon. Je n'ai plus qu'à me résigner. J'ai voulu la revoir pendant huit ans, sans savoir comment faire, et maintenant que l'occasion s'était présentée, j'avais tout foiré en agissant avec une maladresse déconcertante. Je pousse un profond soupir alors qu'un silence étrange semble s'être installé entre nous.
-Claire...
Ma voix est faible, je n'arrive pas à hausser le ton, ou à prendre autre chose qu'un ton las, désespéré presque.
-Je sais que ce que je vais te dire ne vaudra rien pour toi mais...je suis désolé, désolé de ne pas avoir eu le courage de te rejoindre, j'ai cru que je pourrais rester loin de toi, que je n'aurais pas à être là, à assombrir ton éclat de cheerleader populaire...j'avais besoin de toi...je n'ai pas réalisé que c'était à ce point réciproque...je...je suis désolé...pour tout le mal que je t'ai fait pendant toutes ces années. Te le dire ne changera rien à ce que tu as vécu, mais je voulais que tu le saches, que tu saches que les plus belles années de ma vie ont été celles que j'ai passé avec toi. Il n'y a rien de plus faux que de croire que tu ne représentes rien pour moi...sans toi...je ne serai même pas là devant toi.
Je n'ai qu'un sourire triste à lui offrir, je tends la main vers elle, dans un geste que je sais vain et sans réel but.
-Putain, qu'est ce je déteste être minable. Et pourtant...c'est ce que je fais de mieux on dirait.
Même s'il vient de doucement se calmer, Claire reste sur ses gardes se disant qu'il peut recommencer à péter un câble d'un moment à l'autre. La confiance aveugle qu'elle avait en lui s'est totalement envolé il y a quelques minutes. Car malgré le fait qu'elle lui en voulait de son absence, elle avait toujours espéré qu'il y avait un raison valable, qu'ils pourraient se retrouver mais plus maintenant. Elle ne ressent actuellement pour lui que de la peur et un peu de tristesse de le voir dans un tel état. Enfin sa main est libérée, au moins de l'arme qu'il range. Son regard suit ses gestes avec précaution. Et c'est seulement maintenant, la peur diminuant lentement qu'elle se demande ce qu'il fout avec une putain d'arme à feu.
- Pourquoi tu as une arme ?
Demande-t-elle avec le plus de calme qu'elle puisse avoir dans ce genre de circonstances. D'ailleurs, même si elle en a envie, elle n'ose pas retirer sa main de la sienne de peur que cela déclenche une autre crise d'hystérie chez le jeune homme. Elle n'arrive pas à comprendre comment il a pu en arriver là. Elle le connaît pourtant depuis gosses et ce n'est pas lui, pas du tout. Quelque chose a du déclencher ça mais quoi. C'est alors qu'il reprend la parole, elle l'écoute, de toute façon, elle n'a pas réellement le choix.
- Menacée ...
C'est quand même un peu ce qu'il vient de lui faire vivre même si ce n'était pas son but premier. Sa main est enfin totalement libérée, elle en profite pour s'éloigner de lui de quelques pas. Il n'y a rien à faire, la peur est toujours présente. Elle a peur de la personne qu'elle devrait connaître le mieux, c'est un comble tout de même. Malgré tout, elle ne s'enfuit pas et n'appelle pas la police ou encore des renforts, cela ne servirait qu'à aggraver la situation déjà bien précaire. A l'écoute de son prénom, elle relève son visage et le regarde enfin mais tout en restant éloignée. Ce qu'il lui dit la touche tout de même, elle n'aurait pas imaginé que son simple départ pour la fac puisse l'affecter à ce point. Elle n'avait rien fait d'autre que de suivre son plan de vie et rien ne l'avait empêcher de l'accompagner et faire ce qu'il aimait surtout que Brisbane est une ville avec une tonne de possibilités.
- Si ça l'était ... Tu étais mon pilier Jayden. Tu étais le seul sur qui je pouvais réellement compté, celui qui me comprenait ... Je ne comprends pas comment tu n'as rien vu. Tu sais pourtant que tout les sourires que je donne en public sont pour la plupart truqués. Je pensais que tu me connaissais assez pour savoir tout ça ... Et ce n'est pas un reproche ... C'est juste que tu ne m'as comprise et j'ai du certainement loupé des choses de ton côté aussi ...
Elle ravala doucement de cette situation mais ne pouvait rien y changer. Elle regarda sa main tendue vers elle mais elle ne pouvait pas la prendre, c'était trop difficile avec ce qu'il venait de faire.
- Dis pas ça ... Je pense surtout que là tu as besoin d'aide ... Et je ne sais pas si je suis la personne qui saura te la donner.
Elle ne le rejetait pas complètement mais elle n'avait pas la force mentale pour le porter, pour l'aider. Mais maintenant, s'il se résignait à aller voir quelqu'un pour l'aider, elle le supporterait à sa façon. C'est mieux que rien après ce qu'il vient de lui faire subir.
J'étais fatigué, si fatigué rien qu'à observer le regard que Claire portait sur moi. Je lui faisais peur. L'ami d'enfance était devenu une sorte de monstre, une bête de foire dont elle devait se méfier. A quoi cela avait-il servi de réaliser que je l'aimais si derrière, je ne faisais que lui inspirer de la peur ou de la pitié ? La question vient presque comme sortie de nulle part, je sursaute presque en entendant sa voix. Je pose mon regard sur mon holster alors que lentement je commençais à reprendre ma composition habituelle, une attitude de flic, calme et posée.
-Je porte une arme dans le cadre de mes fonctions, Claire, je suis dans la police.
Je ne précise pas la division dans laquelle je travaille, cela n'a pas d'importance, je vois que l'arme lui fait peur, je m'assure que le pan de ma veste lui cache la vue du holster pour essayer de calmer un peu plus la tension qu'elle ressent. J'ai bien vu qu'elle a reculé de quelques pas, qu'elle se méfiera de moi. Comment lui donner tort finalement. Je l'écoute, en silence, tranquillement. Que pouvais-je faire d'autre après mon coup d'éclat.
- Dis pas ça ... Je pense surtout que là tu as besoin d'aide ... Et je ne sais pas si je suis la personne qui saura te la donner.
-Huh? De l'aide ?
La dernière phrase de Claire me sort de ma torpeur. Venait-elle de sous-entendre que j'avais besoin de me faire soigner ? Elle me prenait pour un fou ? J'aurais voulu pouvoir en rire, mais le son que je voulais trouver au fond de ma gorge n'y était pas. Juste un profond soupir résigné.
-Pourquoi tu recules Claire ? Je te fais peur à ce point ? C'est ca ?
Lentement, avec des gestes mesurés, je détache le holster en nylon de ma taille, le tient dans ma main avant de l'observer un instant. Je souris un peu avant de le laisser tomber à mes pieds.
-Ca va mieux comme ça ?
Je me retiens de faire un pas vers elle, je ne tiens pas à la voir reculer encore plus, je sais qu'elle pourrait prendre la fuite, je n'en ai pas envie, je ne veux pas qu'elle redisparaisse de ma vie, même si je sais que je suis un gros con.
-C'est vrai, je n'ai pas tout compris, mais je sais que l'on pouvait compter l'un sur l'autre. J'ai voulu intégrer la même fac que toi parce que tu étais ce qui comptait le plus pour moi. Jamais je n'aurais plus une amitié aussi forte que la nôtre. Alors, quand tu as été acceptée et que moi, je devais enfin payer le prix de mon impulsivité...j'ai cru...j'ai eu mal, si mal, comme si on m'avait arraché le coeur, si bien que...j'ai cru que je pourrais survivre loin d'ici, loin de toi...pour être honnête...j'avais tort, à 100%, même plus...Claire...je ne pouvais pas vivre sans toi, sans le soutien que tu étais pour moi...mon boulot...m'a empêché de faire ce que je voulais faire...ce que j'aurais dû faire. Pas seulement pour moi, mais pour toi aussi. Plus le temps passait...
Je détourne les yeux, je ne veux pas qu'elle voit le trouble qui manque presque de me submerger, je ne veux pas qu'elle m'imagine encore pire que je ne suis. C'est à peine si je ne renifle pas comme un gosse pris sur le fait.
-Plus le temps passait...plus je me sentais indigne de toi...et plus, il devenait évident que je ne pouvais pas, te laisser si loin de moi...tu sais, tu as raison, quand tu disais que j'étais un lâche. Je n'ai pas eu le courage de venir t'affronter plus tôt, et je ne sais pas quand je l'aurais eu, tant j'avais peur de ce que tu verrais en moi, de cette même chose que tes yeux reflètent ici et maintenant. C'est dur tu sais...tu as toujours eu des yeux magnifiques...et voir la laideur qu'ils reflètent en ce moment me montre ce que je suis à tes yeux.
Au-dessus de moi, le ciel demeure d'un bleu insolent, comme si rien ne pouvait le perturber. Comme j'aurai aimé une petite pluie pour l'effet dramatique, comme pour illustrer ce qui rongeait mon coeur.
-Je suis toujours le même Jayden tu sais...un Jayden cabossé par huit ans de séparation, mais je suis toujours le même...à une différence près, et je sais qu'elle change tout, je suis un pilier inutile, un soutien dont tu n'as plus besoin. C'est la cruelle vérité, mais je l'ai comprise Claire. Je ne suis plus rien pour toi, si ce n'est qu'un souvenir qui te blesse dans le passé et te terrifie dans le présent. Je n'ai pas besoin d'aide Claire, tu sais pourquoi ? Parce qu'aucun médecin, aucun psy ne pourra jamais me rendre ce que j'ai perdu en te perdant. Ce vide, je l'aurai toujours et je devrai vivre avec, en gardant en souvenir le reflet que tu as de moi en ce moment.
Je me retourne sur le parking, observe la route qui s'étend au-delà. C'était une belle journée sur Brisbane, et alors que certains vivaient peut-être la plus belle journée de leur vie, la mienne venait de virer à un cauchemar sans nom...à cause de moi.
Il faisait donc partie de la police ce qui explique le port de cet arme mais ça n'a pas le don de rassurer Claire pour autant. Elle a vu une part de lui qu'elle ne connaissait pas et peu importe ce que son boulot lui a amené à faire, cela ne justifiait en rien le geste qu'il avait eu envers elle dans ce parking désert ou presque. Oui selon Claire, il avait besoin d'aide, on ne se met pas dans des états pareils pour rien, il y a toujours une cause sous jacente. Et elle ne croyait pas du tout au fait que ce soit leur éloignement qui ait fait, il a pu y contribuer mais c'est tout.
- Oui Jayden, tu as besoin d'aide, je le redis ! Je ne dis pas que tu es fou, ce n'est pas ça mais tu as besoin d'extérioriser ça s'est vu avec ce que tu as fait.
Malgré la peur, elle disait ce qu'elle pensait, tant pis. S'il devait à nouveau pointer son arme, elle en paierait les conséquences, de toute façon, ça fait bien longtemps qu'elle ne vit plus mais survit, enfin soit cela n'a rien à voir avec lui donc elle s'abstiendra de lui en faire part. Il n'est plus le meilleur ami à qui elle pouvait tout confier, plus du tout même ... C'est triste mais c'est la réalité des choses actuelles.
- Oui tu me fais peur Jayden.
Que pouvait-elle dire d'autre ? Mentir et faire comme si rien ne venait de se passer. Non, elle savait porter un masque quand elle en avait besoin mais là, ce serait de la folie pure de le faire. Son regard se porte sur l'arme qui se retrouve maintenant à même le sol. Elle soupire de tout ça.
- Ce n'est pas ça qui va changer ce qu'il s'est passé ... Et tu le sais aussi bien que moi.
Il essaye de s'expliquer, elle l'écoute tout en restant bien là où elle est et sans avoir l'intention de bouger. Il parlait de choses vraies, dans le passé, ils auraient tout fait l'un pour l'autre. Elle essayait de le comprendre mais ce n'était pas facile, il avait vraiment vriller à certains moments, enfin après son départ si elle comprenait tout.
- Jayden ... Je m'en foutais que tu sois dans la même fac que moi. Je suis une intello, pas toi et alors ? Ca ne faisait pas de toi une personne moins bien ou que sais-je ! Tu étais toi et je t'aimais comme ça, tu étais comme un frère pour moi. J'avais aussi difficile que toi de cette séparation, c'est pourquoi je t'ai fait promettre de ne pas se lâcher. Ce n'était que le temps que de ton côté, tu trouves ta voie. Tu savais que mes portes t'auraient toujours été ouvertes. Et ton boulot de flic, tu aurais pu le faire ici ... C'est toi qui a choisi de partir loin et d'abandonner notre amitié.
Claire n'est pas dupe, elle voit qu'il ne va pas bien du tout. Elle aurait envie de faire un geste mais elle n'y arrive pas, c'est trop tôt, elle est encore sous le coup de l'émotion.
- Ce que je vois vraiment, je vais te le dire. Je vois un homme brisé mais pas que parce qu'il a perdu sa meilleure amie malgré lui mais aussi par la vie, par ce qu'il a enduré pendant ses 8 années. Je ne sais pas par quoi tu es passé certes mais je peux voir que cela t'a marquée d'une façon tel que je ne te reconnais plus. Tu as beau dire que tu es toujours le même, je n'ai rien vu de ce que tu étais avant.
Elle soupire doucement et passe une main nerveusement dans ses cheveux.
- Ce n'est pas ça ... Enfin oui et non. Disons que tu n'as pas été présent à des moments cruciaux et que oui ça compte. De là, à dire que tu es inutile non. Une amitié ça se construit, actuellement, elle n'est peut-être plus mais à toi de me montrer que tu dis vrai, que le Jayden que j'ai connu est encore là quelque part ... Alors peut-être qu'à force on pourra faire renaître une nouvelle amitié.
Si Claire parlait d'une nouvelle amitié, c'est car la blessure qu'il avait laissée était trop profonde pour être cicatrisée. S'il était revenu plus tôt et dans d'autres circonstances, cela aurait pu être différent mais là on ne parlait pas en mois mais en années ... Et dans ces 8 années, beaucoup de choses s'étaient passés aussi bien de son côté que de celui de la blonde. Elle ne lui fermait pas totalement la porte, elle lui laissait une petit ouverture mais elle ne pouvait pas faire plus pour le moment. Il allait déjà falloir qu'elle digère ce qu'il s'était passé et ça allait mettre du temps, déjà rien que pour le voir dans un endroit sans monde autour d'eux.
lors que les paroles de Claire s'écoulaient jusque dans mes oreilles, j'avais l'impression de voir les ruines de dix-huit ans d'amitié qui s'effondraient. J'avais l'horrible certitude que cette amitié, pour laquelle j'avais été prêt à donner ma vie, c'était moi, qui en avait donné le coup de grâce. En voulait montrer ma sincérité, j'avais fait tout le contraire. Mon regard erre, un peu sur elle, un peu sur mon arme, qui gît par terre. Je me penche pour la récupérer, attacher le holster à sa place et passer le pan de ma veste par-dessus pour le cacher. Elle avait eu raison là-dessus, laisser tomber mon arme n'était ni professionnel pour un flic, et encore moins à même d'améliorer la situation. Une fois mon Glock rangé, je me sentais un peu plus flic, un peu moins pitoyable, même si je n'arrivais pas à me débarrasser des larmes qui voulaient poindre au coin de mes yeux. C'est avec un regard profondément triste que je relevai la tête vers ma meilleure amie.
-J'ai fait tellement d'erreurs Claire...tellement de conneries, pris tant de décisions qui m'ont nuit, à moi, et à toi aussi. Je ne sais rien te dire d'autres que ça, que je suis désolé pour tous ces instants qu'on aurait dû vivre à deux. J'étais pris dans quelque chose qui m'a obligé à fermer mon coeur, à couper les ponts alors que je n'en avais pas envie...tu sais, quand je t'ai mis cette arme dans la main, je voulais juste...
Discrètement, d'un revers de la main qu'il veut naturel, il essuie quelque chose dans son oeil, il veut cacher le chagrin des fragments de son coeur qui s'effritent.
-Je voulais juste te montrer que...toi...Claire Michaelson...que tu sois serveuse dans un McDo, que tu sois ingénieure ou la première femme à mettre le pied sur Mars, tu étais, et tu es, quoique tu puisses en penser...ma meilleure amie...sans la moindre hésitation, je placerai ma vie entre tes mains, parce que j'ai toujours une confiance absolue en toi, malgré la distance entre nous. Je, j'entends ce que tu dis, mais s'il te plait...ne dit pas...ne dit pas que...
Oh punaise, que c'était dur de ne pas fondre en larmes comme un gosse. Pourquoi Claire avait-elle cet effet sur moi ?
-Ne me dit pas que tout...que tout est fini, que ces dix-huit ans ont disparu comme ça...tu n'as plus confiance en moi, tu as peur de moi...Claire, jamais je ne pourrais te faire mal, tu le sais non ? Je t'ai...
Je rattrape de justesse la fin du dernier mot, une syllabe en plus et j'avouais quelque chose d'énorme. Pourquoi fallait-il que je continue sans cesse de flirter avec la catastrophe ?
-Si tu as l'impression que je ne suis plus le même, c'est parce que j'ai peur Claire. Jusqu'à ces quelques derniers mois, je pensais pouvoir me mentir, pouvoir faire semblant que tout irait bien...et maintenant, j'ai la trouille comme je n'ai jamais eu...la trouille de te perdre, de perdre la personne la plus importante à mes yeux. Tu comprends Claire ? J'ai peut-être aligné mille et une conneries ces huit dernières années, j'ai fait des choix hasardeux mais une seule chose est restée, au milieu de mon coeur, un pilier sur lequel le temps n'a pas eu d'emprise...et c'est toi. Ne pars pas, Claire, je t'en supplie...ne...ne dit pas tout ça...s'il te plait.
Cette fois, j'ose faire un pas vers elle, même deux, j'espère qu'elle ne reculera pas, mais cet endroit est un enfer, et en enfer, on ne sait jamais ce qu'il peut se passer.
-Tu te souviens de ça ?
De ma poche arrière, je sors mon vieil ami, un vieux MP3 noir délavé, lui qui contenait toutes les chansons que nous écoutions ensemble quand nous étions adolescents.
-Je n'ai jamais pu m'en séparer. Nous passions des heures à écouter de la musique à deux, dans le parc de Toowoomba, tu t'en rappelles ? Ce sont pour moi des souvenirs merveilleux. J'aimerais pouvoir te le donner, pour que tu réécoutes certains de ces morceaux, mais quelque chose me dit que tu n'en voudras pas...j'aurais tout fait pour toi Claire, aller au bout du monde, construire un empire, te ramener la lune, parce qu'il n'y avait rien de plus beau que nous deux. Encore aujourd'hui, je ferais tout ce que tu voudrais...il te suffirait de me le demander pour que je m'y mette...je tiens trop à toi pour que ça se termine comme ça. Je ne peux pas rebâtir quelque chose sur ces dix-huit années comme si elles n'avaient jamais existé.
A peu de choses près, j'ai abattu toutes mes cartes. Je n'ai pas avoué l'histoire du cartel, parce que ces trois ans de violence n'ont pas leur place dans le coeur meurtri de Claire. Je lui ai fait vraiment mal et avec maladresse, j'aimerai pouvoir sauver la situation. Souvent, j'ai su maîtriser les paramètres imprévisibles de mes missions, mais là, quand cela concerne Claire, je fais preuve d'une maladresse adolescente, enchaînant les choix hasardeux alors que je me débats avec une situation qui ne me paraît que pouvoir empirer. Elena Marquez avait raté le coeur lorsqu'elle avait tenté de m'abattre, et sans utiliser d'armes, Claire venait quand à elle de m'atteindre en plein milieu de la cible. J'avais mal, si mal au milieu de la poitrine, à ce même endroit où ado, j'avais senti la jalousie grandir en même temps que l'affection que je ressentais pour la jolie blonde de ma vie. Il ne me restait qu'une dernière chose à faire, une dernière main tendue, qu'elle accepterait ou non, mais qui signifierait beaucoup quelque soit sa décision.
-Est-ce que je peux te serrer dans mes bras ? Comme on le faisait il y a huit ans ?
J'écarte un peu les bras mais ne bouge pas, je veux que ce soit elle qui fasse le pas si elle le souhaite. J'ai déjà fait assez de mal comme ça pour oser courir le risque de la forcer à nouveau.