Livia songeait depuis quelques temps à participer au jardin communautaire de la ville, mais n’avait pas réellement eu de temps à consacrer à cette initiative jusqu’à ce jour. Elle en avait entendu parler par des amis, et avait donc cédé à l’idée de contribuer, à sa petite échelle, à une structure citoyenne dont elle appréciait les valeurs. Lorsqu’elle vivait encore avec Cameron, ils avaient un jardin de taille moyenne que cette dernière aimait entretenir, mais elle devait avouer qu’elle ne s’était jamais aventurée au-delà des fleurs et des plantes vertes dont elle avait l’habitude. Alors, désormais plantée devant son lopin de terre avec deux pioches en mains et quelques outils à ses pieds, elle n’en menait vraiment pas large. Soucieuse de bien faire, elle en était même arrivée à regarder des vidéos la veille, sur l’art de repiquer des tomates et autres pousses auxquelles elle voulait tenter de s’essayer aujourd’hui. Cela dit, maintenant qu’il était temps de s’y atteler pour de bon, elle hésitait sur la marche à suivre. Elle était parfois trop perfectionniste, et elle le savait parfaitement – mais elle ne pouvait s’en empêcher. Lorsqu’elle avait décidé de faire un détour par Logan City cet après-midi là, il était évident qu’elle avait décidé d’emmener Gabriele avec elle. Il ne comprenait pas bien l’idée de jardiner et de planter des légumes dans un jardin où d’autres personnes étaient présentes, mais la couleur et la variété des pousses avaient suffi à l’occuper jusqu’à maintenant.

Perdue dans ses pensées durant quelques secondes, Livia ne le vit pas s’approcher d’un autre lopin à quelques mètres de là – et ne s’en rendit compte que lorsqu’un jeune homme se racla la gorge près d’elle pour signaler sa présence. « Bonjour Madame, excusez-moi, il semblerait que votre fils ait du mal à se contrôler et qu’il apprécie arracher des pieds de tomates tout juste replantés. Auriez-vous l’amabilité, s’il vous plaît de le cadrer un peu plus histoire qu’il ne crée pas de remue-ménages inutiles. » Si la phrase avait bien commencé et qu’elle comptait lui offrir un sourire pour lui demander si elle pouvait l’aider en quelque chose, la suite lui coupa tout de suite l’envie. Elle avisa Gabi d’un regard courroucé, réalisant en effet qu’il venait de lui échapper quelques instants. En son for intérieur, elle ne pouvait que se sentir coupable, et aurait en d’autres circonstances tâché de s’excuser platement pour le dérangement. Mais la manière dont ce jeune homme – ou adolescent, pour ce qu’elle en savait – lui avait adressé la parole avait eu le don de piquer sa fierté de maman. Son fils faisait régulièrement des bêtises, c’était certain, mais elle n’appréciait pas qu’un inconnu la juge d’une telle manière. « Bonjour, je… » Elle commença, hésitante, puis se ressaisit bien vite, tout en rappelant son fils près d’elle. « Je vais le garder près de moi, il ne recommencera pas. » Elle aurait dû s’excuser, mais elle n’appréciait pas la mine satisfaite du brun, et ne voulait donc pas lui donner raison si facilement. « En revanche je doute qu’il ait créé suffisamment de dégâts pour que puissiez vous permettre de tels commentaires. N’importe quel enfant de son âge touche à tout. Et puis ce ne sont que des plants de tomates, et de ce que je vois vous avez tout récupéré. »

@Simon Adams

Livia se doutait bien que si le jeune homme avait été capable de l’aborder de la manière dont il l’avait fait, il y avait peu de chances qu’il fasse demi-tour en s’excusant – et plutôt qu’il prenne mal le fait qu’elle ose lui répondre. Ce n’était pas son genre, elle n’appréciait pas le conflit et préfèrerait toujours tenter de trouver une solution. Mais si c’était le cas avec ses amis ou ses clients, elle avait bien moins de scrupules face à un inconnu qui avait remis en doute l’éducation de son fils. Et surtout pour cette raison, d’ailleurs. Au fond d’elle, elle était mortifiée que l’on critique son fils, et il y avait de grandes chances pour que cela lui tourne dans la tête un moment et qu’elle s’en veuille vraiment. Cela dit, elle tentait de ne pas le faire paraître, et jouait sur le fait que ce n’était qu’un enfant, après tout. Ce qui était tout à fait vrai – même si elle aurait aimé que son fils ne soit pas du genre à courir de partout, elle ne pouvait pas y faire grand-chose, il y avait un âge pour tout. Le jeune homme en face d’elle n’avait pas l’air bien vieux, alors cela la sidérait d’autant plus qu’il ose se plaindre de cette manière. Les personnes âgées, elle pouvait le comprendre – mais à son âge, pourquoi se formaliser pour si peu ? N’avait-il pas autre chose à faire ? « Car j’étais attentif. Qu’est ce qui se serait passé si personne n’avait été là pour le voir. Dans Jardin communautaire il y a communautaire, c’est à dire que chacun doit prendre ses responsabilités pour que tout se passe bien. » Elle se tut mais ne baissa pas les yeux, sachant pourtant bien qu’il n’avait pas tout à fait tort. Elle était d’ailleurs la première à pester lorsqu’une personne se montrait incivile dans les lieux publics. Mais bon dieu, ce n’était qu’un enfant et une bêtise sans conséquence, il aurait simplement pu lui ramener son fils sans en faire tout un fracas. « Ce que je veux dire, c’est que certes ce n’est pas grave mais aurait pu l’être. Bien que je ne doute pas que vous inculquez une sérieuse éducation à votre fils, nous connaissons fort bien les errances de l’enfance. De fait je pense que de simples excuses serait tout de même convenable. » Elle tiqua, se demandant quelques instants d’où il pouvait bien sortir pour s’exprimer d’une telle manière. Il n’avait clairement pas le phrasé qu’elle entendait la plupart du temps chez les jeunes. Il avait eu beau nuancer ses propos concernant l’éducation de son fils, son petit air supérieur l’insupportait. « A vous entendre, on dirait qu’il a risqué de détruire l’ensemble du jardin, c’est un peu exagéré. Je suis d’accord, il n’aurait pas dû tenter de piquer vos plants, et j’en suis désolée. » Elle se tut mais ne put empêcher de renchérir, pour ne pas lui donner l’impression qu’il pouvait obtenir ce qu’il voulait en se comportant de la sorte. « Mais si un rien vous rend aussi psychorigide, bon courage. Vous allez en passer du temps à donner des leçons à tout le monde. »

@Simon Adams

Lorsqu’il reçut sa remarque d’un rire, Livia eu du mal à savoir s’il se fichait complètement d’elle, ou si elle avait touché un semblant de vérité – et il semblait plutôt s’agir de la seconde option. « Point pour vous, quoiqu’il est probable que je finisse comme cela. » Elle hocha la tête pour confirmer l’idée. « C'est possible, oui. »Au rythme où il allait, et étant donné son jeune âge, c’était en effet fort probable. Qu’il s’apprête à faire fasse à des personnes réellement impolies et désagréables au quotidien s’il se montrait si rigide face à tout comportement quelque peu discutable. D’ici quelques dizaines d’années, un gamin essayant de piquer des plants de tomates ne serait plus que le cadet de ses soucis. « Certes j’exagère les conséquences qu’il y aurait pu avoir. C’est un fait indéniable mais faites tout de même plus attention à votre chérubin. C’est autant pour votre tranquillité que pour sa sûreté que je dis cela. » L’échange était trop mal parti pour que Livia puisse en faire abstraction et se montrer tout à coup agréable envers le jeune homme, mais le fait qu’il ait accepté de nuancer ses propos la calma suffisamment pour qu’elle n’ait pas envie de renchérir dans le conflit. Elle n’aimait pas les joutes verbales juste pour le plaisir d’un semblant de victoire, et c’était uniquement car elle s’était sentie attaquée au plus profond d’elle – sur l’éducation de son fils – qu’elle avait répliqué de la sorte et rechigné à s’excuser. Le fait qu’il mentionne la sûreté de son fils avait eu pour effet de la faire redescendre, car après tout c’était également tout ce qu’elle pouvait bien souhaiter. Pour sa tranquillité à elle en revanche, il faudrait repasser – d’ici quinze ans à peu près. Elle hocha à nouveau pour lui faire comprendre qu’elle était plus ou moins d’accord. « C’est noté. Je le surveille au mieux, mais à cet âge-là ils ont un vrai don pour filer en un clin d’œil… » Elle n’admettait pas réellement que c’était sa faute, mais tentait de mettre de l’eau dans son vin et admettait que ce n’était pas toujours facile de garder les yeux rivés sur son fils à tout moment. « Il faudrait peut-être que je l’attache. » Elle sourit et émit un léger rire caustique en lâchant cette remarque, davantage destinée à elle-même qu’au jeune homme, mais qui aurait peut-être comme conséquence de lui faire comprendre qu’elle ne comptait pas en rajouter dans la critique. « Au fait je suis Simon Adams. » Elle n’aimait pas mentir, et pouvait donc peut-être se passer de préciser qu’elle aurait dû être enchantée de le rencontrer, mais que ce n’était pas totalement le cas. A sa main tendue, elle répondit par la sienne, ne se laissant pourtant pas duper. Ils n’étaient pas partis pour devenir les meilleurs amis du monde, c’était certain, mais la situation ne méritait pas qu’ils continuent à s’embêter mutuellement de la sorte. « Livia Visconti, et mon fils du coup, Gabriele » dit-elle en passant la main sur la tête du petit, qui se cachait à moitié derrière ses jambes. Il semblait comprendre que tout cela était parti de sa bêtise, et ne souhaitait pas qu’on s’attarde sur son cas, à en juger par son regard peiné. « Vous avez l’habitude de jardiner dans cette tenue ? » dit-elle en pointant du doigt les vêtements du brun qui semblaient bien plus adaptés à un après-midi en ville qu’à une session jardinage.

@Simon Adams

La tension retombait enfin, et Livia se permettait d’abaisser sa garde maintenant qu’elle réalisait qu’ils étaient tous deux partis du mauvais pied. Leurs échanges avaient dès le départ prit des allures de confrontation, et elle concédait que si le brun ne l’avait pas abordé de la manière la plus sympathique possible, elle s’était braquée un peu trop rapidement – alors qu’elle était tout de même un peu en faute. « Je ne peux que vous croire, cela galope vite malgré des petites jambes. » Elle sourit à son tour, répondant timidement à la tentative de pacification lancée par le jeune homme. Cette désescalade aurait au moins le mérite d’éviter que cet échange ne tourne dans la tête de Livia toute la journée – ce qui avait tendance à arriver lorsqu’une discussion lui avait déplu et s’était mal terminée. Elle était du genre à ressasser et se poser bien trop de questions pour parfois trop peu de choses. Ainsi, elle poussa la discussion encore plus loin, pour signifier qu’elle préférait oublier leur altercation et passer à autre chose. Alors qu’elle se permettait de lui faire une remarque sur sa tenue, il lâcha un rire qui lui donnait quelque peu raison. « Non ce n’est clairement pas une tenue destinée à cet usage ordinairement. A l’origine je n’avais pas vraiment prévu de venir ici. L’on m’a un peu forcé la main pour que je vienne donner un coup de main. » Livia hocha la tête et une moue apparut sur son visage, pour confirmer le fait que cela se voyait clairement qu’il n’avait pas très envie d’être ici. S’il jardinait vraiment pour le plaisir, il n’aurait peut-être pas pris le temps de s’offusquer du comportement d’un enfant de trois ans et aurait eu bien d’autres choses dont s’occuper – à moins d’être particulièrement attaché à ses plants de tomates. « Je vois que vous êtes bien mieux équipée que moi. Je présume que vous êtes une habituée du jardinage non ? Vous venez souvent ici ? » Dire qu’elle était mieux équipée, c’était un euphémisme – elle était équipée, point, là où lui ne l’était clairement pas. Cela dit, cela ne faisait pas d’elle une jardinière émérite, rien qu’à voir la truelle qu’elle tenait dans la main et qui était encore propre de toute terre, signe qu’elle n’avait pas encore bien décidé ce qu’elle devait en faire. « Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis une habituée, mais j’aime bien ça. » Elle avait préféré se défiler, ne se sentant pas suffisamment confiante pour oser prétendre qu’elle savait vraiment de quoi elle parlait. Il n’était plus temps de tenter de se montrer supérieure au brun, l’orage entre les deux étant passé. « Je ne vous retiens pas plus longtemps alors, si vous devez aider quelqu’un. » Livia savait se montrer polie, et c’était ce qui l’avait poussée à continuer la conversation après qu’il se soit présenté – mais elle savait également quand ne pas tenir la jambe de son interlocuteur trop longtemps. « Bon jardinage, et vous n’aurez plus à vous inquiéter pour les plants de tomates. » Histoire d’enfoncer le clou et avouer encore une fois qu’elle s’en voulait un peu – ou beaucoup, même si elle ne le faisait pas paraître. Saluant Simon, elle se retourna vers son propre lopin de terre, pas bien plus avancée qu’elle ne l’était quelques secondes auparavant.

@Simon Adams

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Un gosse et des tomates

 @Livia Visconti & @Simon Adams

« Pour faire un jardin, il faut un morceau de terre et l'éternité.»

Finalement le conflit n’aurait pas lieu, et la désescalade de la guerre froide semblait aboutir. La conclusion serait positive par rapport au départ, c’était toujours cela de gagner. ll n’y avait pas vraiment tant de choses d’autres à dire. Simon fait un effort pour que cela se termine rapidement de toute façon et de manière correcte et cette Livia en fait de même. Apparement les deux partageait le non-goût des conflits futiles. Une chance pour le brun qui avait dérapé en premier, bien qu’il maintiendrait que ce gosse ne sait pas se tenir. Oui il continuerait à penser cela par pure facilité, mais c’était son choix et à vrai dire il oublierait normalement bien rapidement cette histoire. Bien trop légère pour vraiment le marquer d’autant plus qu’elle n’avait ni créer d’amitié nin d’animosité. Une simple rencontre aléatoire comme il n’en existe des centaines. Finalement c’est un peu comme s’ils avaient été dans la rue et qu’ils s’étaient percutés sans le vouloir. Il allait jusqu’à échanger une banalité avec elle par simple respect. Dans le fond, il n’en avait pas vraiment quelque chose à faire, au contraire. Un échange sans suite cela serait. « Je n’irai pas jusqu’à dire que je suis une habituée, mais j’aime bien ça. » Une demie-réponse, certainement n’avait-elle pas envie de trop en dire. Il paraissait évident qu’elle avait une certaine expérience, plus que Simon. Mais il ne creuserait pas plus, sans mauvais jeu de mots. « Je ne vous retiens pas plus longtemps alors, si vous devez aider quelqu’un. »  Ces propos montrent qu’elle a envie de mettre un terme à la discussion, tant mieux.  « En effet, et il va commencer à croire que je l’ai abandonné.»  « Bon jardinage, et vous n’aurez plus à vous inquiéter pour les plants de tomates. » « Je vous fais confiance pour cela. Bon jardinage à vous et passez une bonne fin de journée ».
 

(c) DΛNDELION

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