No more pain and no more shame and misery You can't take me down You can't break me down
Octobre 2008. S’il y avait une chose dont Livia était persuadée, c’est qu’elle correspondait parfois un peu trop à l’expression trop bonne, trop conne. Non pas qu’elle ne fasse pas preuve de mauvais caractère parfois, mais elle avait une tendance influençable qui la rendait manipulable par des personnes parfois dépourvues de sa sensibilité. Elle voyait le bien en chacun, trop facilement, trop rapidement. Cela faisait à peine quelques mois qu’elle était arrivée en Australie, depuis son Italie natale dans laquelle elle avait grandit dans un cocon. Peu aimant, certes, mais protégé de la dureté de la vie et des déconvenues régulières qui l’accompagnaient. Elle avait pourtant vécu une adolescence normale, entourés d’amis et d’histoires parfois ridicules ayant entrainé des disputes qui ne méritaient même pas leur nom, mais elle n’avait jusque là jamais été trahie – ni même vraiment prise pour une idiote. Ce n’était que maintenant, à vingt-trois ans passés, qu’elle découvrait cette désagréable sensation nichée au creux de son ventre, mélange de colère, d’incompréhension et de manque. Manque d’une explication, surtout, alors que cela faisait désormais trois semaines que Keith n’avait daigné lui donner de nouvelles. Les premiers jours, elle avait envoyé bien trop de messages pour une personne sensée comme elle, puis ses amies lui avaient fait comprendre que se calmer sur le harcèlement serait sûrement une stratégie bien plus efficace. Cela faisait donc près d’une semaine qu’elle avait laissé tomber l’affaire – du moins en apparence, car en fond d’elle, elle bouillait de ne pas comprendre comment elle en était arrivée là. A avoir l’impression de n’avoir été qu’un jouet, qu’un amusement passager qu’on ne daignait même pas informer que la partie était terminée. Elle ne se considérait pourtant pas comme une idiote finie qui se laissait avoir naïvement par les mecs – jusque-là, elle avait plutôt l’impression d’avoir contrôlé ses relations, et d’avoir réussi à s’en détacher sans que cela ne la tiraille des semaines durant. Mais cette fois-là, la disparition soudaine et inexpliquée de Keith lui avait laissé un arrière-goût amer en travers de la gorge, qu’elle n’arrivait pas à faire disparaître malgré sa volonté d’oublier celui qu’elle qualifiait désormais comme un gros con. Dire qu’elle s’en était même inquiétée, et avait été jusqu’à contacter un de leurs amis communs, pour savoir si Keith allait bien – lorsqu’elle avait su que oui, elle avait alors compris qu’il la prenait vraiment pour la dernière des imbéciles et l’évitait volontairement. Elle aurait pu concevoir qu’il n’ait pas le temps de la voir, mais le fait qu’il ne daigne même pas lui donner signe de vie et répondre à ses messages – parfois désespérés – laissait clairement entrevoir qu’il ne lui accordait pas l’importance qu’elle pensait mériter. Ils ne connaissaient pas depuis très longtemps, et Livia aurait été loin de qualifier cette relation comme réellement sérieuse, mais elle était très vite tombée sous le charme du futur policier. Il avait ce petit sourire en coin, cet air déterminé et empli de confiance en lui qui avaient suffi pour qu’elle l’écoute avec attention la première fois qu’il l’avait approchée. Et puis, c’était le premier Australien qu’elle rencontrait, elle qui n’avait toujours fréquenté que des Italiens – cela n’aurait dû avoir aucune incidence, mais avait joué sur le désir de Livia d’apprendre à le connaître davantage. Cela faisait donc quelques semaines qu’ils se voyaient régulièrement, au point qu’elle n’ait pas du tout été préparée à ne plus avoir de ses nouvelles du jour au lendemain – elle pensait que tout se passait bien, pourtant, et qu’ils partageaient de nombreux points communs qui rendaient leurs moments passés ensemble agréables et vrais. Mais elle avait eu tout faux, visiblement.
Ce soir-là, elle ressassait cette histoire une fois de plus, tournant en boucle dans sa tête les différentes interrogations auxquelles elle n’avait jamais aucune réponse, car elle ne pouvait y répondre pour lui. Elle s’était bien imaginé des dizaines de scénarios, s’était dit qu’il fallait juste passer à autre chose et ne plus chercher à le contacter – mais elle ne comprenait pas comment les gens pouvaient disparaître du jour au lendemain, sans jamais s’expliquer ou regretter. Tandis qu’elle se préparait pour la énième fois une soupe instantanée, lovée au creux du canapé de son studio, elle se releva lorsqu’un coup frappé à la porte la tira de ses pensées. Sans doute une de ses amies, qui passait voir si elle allait mieux que la veille – bien qu’elle n’en soit pas au point de se laisser aller et de ne plus sortir de chez elle, au contraire, cela se voyait sur ses traits qu’elle était préoccupée et pas vraiment dans son assiette. Lorsqu’elle tira la porte avec élan, elle fut stoppée net en découvrant Keith devant elle. L’expression qui s’afficha sur son visage donna l’impression qu’elle venait de voir un fantôme, comme si elle ne s’attendait vraiment pas à ce qu’il apparaisse devant elle ainsi, sans prévenir. Après tous ces messages et ces jours sans nouvelles, le voir se présenter chez elle était bien la dernière chose qu’elle aurait imaginé. Quelque peu sous le choc, elle écarquilla les yeux, partagée entre l’envie de l’insulter, de lui claquer la porte au nez, ou de l’assaillir de questions sans attendre. « Je suis contente de voir que t’es pas mort. » Contente était un bien grand mot, mais sa voix trahissait un sarcasme qui ne laissait aucun doute. Elle tentait tant bien que mal de ne pas lui lâcher à la figure tout ce qu’elle avait emmagasiné en elle, mais se résolut à l’idée que s’il était là, c’était sans doute qu’il était prêt à s’expliquer. Et des explications, elle en voulait. Alors, presque à contre-cœur, elle s’écarta de l’embrasure pour le laisser entrer, prête à entendre la vérité ou les bobards qu’il lui avait peut-être préparé. Son ressentiment envers lui effleurait la surface, et pourtant, elle ne pouvait s’empêcher de le trouver toujours aussi beau maintenant qu’il était en face d’elle – et elle se haïssait déjà de penser cela alors qu’il ne méritait plus qu’elle ait ce genre de pensées. Déterminée à ne pas le laisser s’en tirer si facilement, ou à jouer de son charme pour l’adoucir, elle prit les devants. « Du coup c’est quoi l’excuse ? Ton téléphone n’avait plus de batterie et ton chien a mangé le chargeur ? Ou alors t’as déjà une copine et t’avais oublié de me le dire ? » Tant de possibilités lui étaient passées par la tête qu’elle ne pouvait humainement les énumérer, mais elle s’était préparée à presque tout – ce qui ne ferait pas forcément moins mal une fois qu’il prononcerait lui-même les mots.
Livia se retint de répondre d’une remarque acerbe aux premiers mots du jeune homme devant elle, qui tentait malgré tout d’afficher un sourire. « Bonsoir Livia… Je te dérange peut-être… » En effet, il la dérangeait, mais c’était davantage parce qu’il ne l’avait justement pas dérangée suffisamment des derniers jours. Passer d’un silence total à une visite à l’improviste avait eu le don de surprendre la brune, qui n’avait pourtant pas pu se retenir de démarrer les hostilités instantanément, ne prenant même pas le temps de réellement le saluer autrement que par un maigre « bonsoir » celui qui était à l’origine de ses contrariétés du moment. Alors qu’elle l’avait laissé entrer pour lui donner une chance de s’expliquer sur sa disparition impromptue, il pris le temps de retirer son blouson avant de se tourner vers elle. Le sourire narquois qu’il affichait ne la faisait pas rire du tout, même si lui avait l’air de s’amuser de ses suppositions justifiant son absence de réponse – qui, maintenant qu’elle les avait entendues à voix haute, étaient peut-être parties trop loin alors qu’elle n’en savait strictement rien. « Ni l’un. Ni l’autre. Et encore moins le dernier. » Un soupir de soulagement quitta la jeune femme, ce qui eut pour effet de la faire redescendre d’un cran et l’empêcher d’enchaîner immédiatement sur l’interrogatoire. Malgré tout, rien ne lui prouvait qu’il était honnête – après tout, le mensonge n’était-il pas la première arme de ceux qui avaient réellement quelque chose à cacher ? Elle avait envie de le croire, mais elle l’avait trop maudit ces derniers jours pour avaler ses paroles sans en douter. « Tu me laisses parler ou tu as encore des idées farfelues à énumérer ? Non parce que le cas échéant, je vais peut être prendre place sur le canapé pour t'écouter ! » Il avait prononcé ces mots sans s’énerver, ce qui eut le mérite de ne pas nourrir la colère de la jeune femme, au contraire – s’il était monté dans les tours aussi vite qu’elle, nul doute qu’elle aurait suivi l’escalade et que l’échange aurait flirté avec les mauvaises limites de la politesse. Alors qu’il s’était approché d’elle, elle l’avait laissé faire, le regard méfiant mais bien incapable de reculer. Sans s’en rendre compte, la brune s’était inconsciemment laissée avoir par cette approche, qui, en réduisant la distance qui les séparait, calmait également les velléités de conflit.
Alors, sans se départir de son air de défiance qui montrait bien à quel point il ne réussirait pas à l’amadouer si facilement, elle baissa néanmoins les armes le temps de quelques instants. « Je t’écoute. » « Je suis désolé Livia. Désolé de te décevoir si je t’apprends qu’aucun scénario tordu ne justifiera mes actes… » Au moins, il reconnaissait visiblement que son comportement n’était pas exempte de tout reproche. « Mais avant tout, laisse-moi te faire un repas digne de ce nom… Parce que tu me sembles épuisée et que ces soupes ne te nourrissent pas assez… » Les yeux de la brune se teintèrent de surprise lorsqu’il commença à retirer sa montre en vue de préparer le-dit repas. Livia ne savait pas bien à quel jeu il tentait de jouer, s’il était là pour s’excuser ou simplement pour ré-apparaître dans sa vie comme si de rien n’était. S’il pensait s’en tirer sans explication, il se voilait la face, et elle préférait encore le mettre dehors plutôt qu’il tente de l’embobiner. Une part d’elle aurait bien balayé les dernières semaines pour se laisser aller à nouveau à la simplicité de leur relation, mais cette dernière ne valait pour autant pas la peine qu’elle s’écrase et mette ses ressentiments de côté. La brune ne se voilait pas la face, elle avait bien conscience que la policier n’était pas l’homme de sa vie, et elle ne comptait donc pas tout lui passer et le laisser la traiter comme un vulgaire jouet. Pour autant, elle devait bien avouer que se trouver face à lui permettrait enfin de mettre les choses au clair, et de se décharger des doutes et des déceptions qu’elle portait sur ses épaules depuis trop longtemps. « J’ai déjà mangé, mais sers-toi si tu veux préparer un truc. » En réalité, elle n’aurait pas dit non à un vrai repas, et son estomac était loin d’être rassasié, mais elle n’avait aucune envie de l’acclamer pour son attention, et encore moins de lui donner raison sur ses yeux fatigués. De ce qu’elle voyait, c’était surtout une occasion pour lui de ne pas rentrer dans le vif du sujet tout de suite. « C’est très sympa de vouloir cuisiner mais à quoi tu joues ? » Elle ne pouvait tout simplement pas attendre pour obtenir les explications qu’elle pensait mériter. « Y a une bonne raison au fait que tu m’aies juste ignorée pendant des semaines, du coup ? » Elle qui était parfois du genre à tourner autour du pot pour apaiser les conflits, elle avait clairement sauté les deux pieds dans le plat cette fois. « Je comprends pas ce que tu fais là alors que t’étais même pas capable de répondre à un message. » Et la brune le cherchait du regard, bien décidée à ce qu’il ne se défile pas. A part s’il comptait couper des oignons – là, elle voulait bien le regarder souffrir, ce serait le moindre des maux pour lui.
Livia haussa les sourcils en voyant Keith s’affairer dans les placards, visiblement bien décidé à lui préparer à manger alors qu’il n’avait en revanche pas été capable de lui donner signe de vie pendant des semaines. La brune pouvait concevoir que tout le monde n’avait pas les mêmes priorités, mais qu’il ne vienne pas lui faire croire qu’il s’inquiétait du contenu de son estomac alors qu’il ne s’était visiblement pas inquiété le moins du monde de ses messages à répétition. « Ce n’est pas un repas ça, Liv. Tout comme les soupes instantanées ou les plats réchauffés… Tu m’étonnes que tu aies cette tête… » Livia ne put retenir un air outré – c’est lui qui venait lui rappeler qu’elle avait une sale tête, en plus, alors qu’il n’y avait pas besoin d’être un génie pour comprendre qu’il faisait partie des raisons qui l’avait mises dans cet état ? « T’es mal placé pour juger de la tête que j’ai. » Et puis qu’est-ce que ça pouvait bien lui foutre qu’elle ait un sale tête, puisque visiblement, jusqu’à ce soir, il ne semblait pas décidé à la revoir ? « Je ne joue pas Livia… Ce n’est pas parce que je t’ai offert un silence-radio en bonne et due forme que je peux accepter de te voir comme ça… » Quelques semaines auparavant, elle aurait pu se laisser avoir par ce genre de paroles et se convaincre qu’en fin de compte, il devait tenir à elle puisqu’il prononçait ce genre de mots. Mais le brun était allé trop loin, et trop de ses connaissances lui avait dit qu’elle ne méritait pas de se faire traiter comme ça pour qu’elle réussisse à le croire sur parole. Des inquiétudes lancées au dernier moment ne valaient rien, et encore moins quand il en était à l’origine, ce que lui-même devait tout de même imaginer.
L’italienne le laissa jeter un œil à ses placards seulement quelques secondes supplémentaires avant de le couper dans son affaire, trop impatiente d’obtenir des explications pour pouvoir attendre qu’il ait fini d’inspecter un appartement où ne remettrait sûrement jamais les pieds – du moins, cela semblait mal parti. Keith finit par abandonner ses recherches pour se tourner vers elle, plutôt que d’éviter sa question, ce qui était déjà un pas qu’elle appréciait, plutôt qu’il fasse l’autruche et prétende qu’ils n’avaient aucune discussion à avoir. « Je ne sais pas si elle te paraîtra bonne à tes yeux… Mais elle existe au mien… » Au point où ils en étaient, Livia s’attendait presque à tout, et surtout à des excuses plus invraisemblables les unes que les autres. « J’ai eu peur… J’ai cru que tu commençais à avoir des sentiments pour moi Livia… » La brune leva un sourcil, à la fois étonnée qu’il se révèle finalement plus honnête qu’elle l’avait espéré, mais aussi surprise qu’il ait pu se faire ce genre d’idée alors qu’elle n’avait pas eu l’impression d’être pressante – du moins, lorsqu’ils se voyaient encore. Par la suite, elle avait peut-être abusé sur le nombre de messages, mais simplement car elle ne supportait pas d’être ignorée et considérait cela comme un des pires manques de respect. « Je me suis dit que si je ne répondais plus, si je disparaissais, cela tempèrerait la chose… Puis on m’a dit que tu avais essayé de prendre de mes nouvelles… Que tu t’inquiétais… J’ai compris alors que je te devais une explication… Mais à voir le laisser-aller que tu as, c'est moi qui aurait dû m'inquiéter pour toi... »
Livia restait silencieuse, essayant de composer ses idées pour faire comprendre au brun qu’il s’était fourvoyé, et que si elle appréciait le voir et considérait que leur relation était supposée être exclusive, elle n’était pourtant pas dans l’état d’esprit de s’engager sérieusement. « Je suis désolé Livia… Ce n’est peut-être pas ce à quoi tu t’attendais… » La jeune femme le regarda s’approcher, les yeux plongés dans les siens, et le laissa attraper sa main sans réagir. Mauvaise idée. « Je ne suis pas fait pour une relation Livia. Tu mérites mieux… » Les derniers mots firent réagir la brune qui lâcha un rire caustique. « Tu mérites mieux, quelle excuse de merde quand même, t’as pas plus original ? » Lorsque la main du jeune homme remonta le long de son bras pour venir effleurer son menton, Livia baissa les yeux quelques secondes, partager en l’idée de le laisser continuer à effleurer sa peau qui frissonnait à son contact, ou à la repousser dans un geste brusque qu’il méritait pourtant. « Je n’ai pas compris pourquoi tu t’étais entêtée à m’écrire… Je les ai lu tes messages… Et ne pas y répondre fût compliqué… Pourtant je l’ai fait pour toi… Mais tu aurais peut-être préférée que je te dise que mon portable s’était noyé dans une bouche d’égout, que le chien que je n’ai pas été décédé, ou alors que j’avais craqué pour une autre femme rencontrée dans un bar ? » C’en était trop, et l’italienne se recula d’un pas pour couper le contact entre eux, signe qu’elle n’avalait pas ses jolies paroles aussi simplement qu’il l’espérait peut-être. Contre toute sa bonne volonté, il avait réussi à l’apaiser, et si elle s’adressait désormais à lui d’une voix dénuée de colère, il n’en restait pas moins qu’elle n’oubliait pas qu’il s’était mal comportée avec elle et que son corps tendu reflétait sa réserve. « Arrête de dire que t’as fait ça pour moi, j’ai pas besoin d’être protégée, juste d’être respectée. » Ce qu’il n’avait pas fait, et il aurait du mal à prétendre le contraire, à moins d’être un manipulateur de première. « Tout ce que je voulais, c’était savoir à quoi m'en tenir, et m’ignorer c’était juste la pire chose à faire. Je voulais juste comprendre pourquoi t'avais disparu du jour au lendemain, je pensais que ça se passait bien entre nous. » Livia refit un pas vers lui, finalement tentée par le jeu qu’il venait d’initier entre eux, mais dont elle ne comptait pas profiter en tant que spectatrice seulement – s’il comptait sur ses belles paroles et ses gestes tendres pour l’amadouer, elle savait faire la même chose, même si elle apparaissait moins sûre d’elle qu’il ne l’était. « Je pense que tu t’es fait des idées, je comptais pas t’épouser tu sais. Mais t’inquiète pas, l’info est très claire maintenant, j’attends plus rien de toi. Parce qu’on est d’accord sur un point, je mérite mieux. » Sur ces mots, elle se pencha dangereusement vers ses lèvres, puis s’écarta au dernier moment pour attraper une boite de thé dans le placard au-dessus de lui. « Après… On peut toujours… se voir pour profiter de la vie ? » A nouveau, elle arqua un sourcil surpris. Décidément, il avait encore le don de la surprendre même quand elle ne pensait plus cela possible. « C’était pas ce qu’on faisait ? » Dans son vocabulaire à elle, profiter de la vie ne signifiait pas seulement que partager un lit, même si visiblement il l’entendait plutôt de cette manière. « Ou alors ce que tu préférerais, ça serait juste m’appeler quand t’as personne d’autre pour t’occuper ? » La proposition était tentante, mais elle se respectait un peu trop pour ne tomber aussi bas, surtout après le coup qu’il venait de lui faire.
Je suis DÉSOLÉE x1000 pour mon retard monstrueux. J'ai eu une grosse période de vide mais je suis de nouveau motivée, donc si tu veux poursuivre ce rp c'est avec plaisir, mais si tu veux l'archiver je comprendrais tout à fait
Si Livia avait eu la chance jusque-là de ne jamais être abandonnée à son sort par quelqu’un, les excuses de Keith sonnaient tout sauf originales. Tu mérites mieux, combien de fois l’avait-elle entendu via des histoires que ses amies avaient pu la raconter, et qui sonnaient toujours aussi ridicules que tristes ? « Je n’ai pas mieux en stock quand c’est ce que je pense. Je ne vais pas te sortir des mots juste pour tes beaux yeux, Livia. Tu me demandes d’être honnête, c’est ce que je fais. » L’italienne s’empêcha de le couper, sentant qu’il était peut-être sur le point de lui livrer enfin la raison pour laquelle il avait décidé de faire le mort du jour au lendemain. Peu importe l’excuse, puisque cela ne semblait pas vraiment être lié à un problème personnel mais plutôt à une réelle volonté de la part du brun, elle comptait bien le laisser finir pour savoir quoi lui reprocher exactement. Il pourrait bien se justifier de la manière qu’il voulait, il resterait tout de même fautif aux yeux de Livia, pour qui ce genre de comportement était un clair manque de respect - mais après tout, ses mots auraient peut-être le don d’apaiser sa colère, au moins. Alors, les bras croisés et le dos posé sur le comptoir de la cuisine, elle le laissa déballer ses jolis mots qu’elle avait entendu maintes et maintes fois encore, et qui avaient su la charmer, fut un temps. Aujourd’hui encore, il réussissait à calmer la colère qui grondait en elle, à lui faire réaliser que cette histoire était bien plus ridicule qu’elle n’y paraissait - et que contre toute attente, il n’était peut-être pas le dernier des salauds puisqu’il avait fini par pointer le bout de son nez pour s’expliquer. Il avait fui, lâchement, pour des raisons injustifiées selon elle - jamais elle n’avait réellement envisagé quelque chose de réellement sérieux entre eux. Cependant, il était revenu, et lui avait donné la possibilité de mieux comprendre, et rien que pour ça, la brune ne pouvait le renvoyer d’où il venait avec davantage de reproches. « A croire que j’ai confondu tes attendus. » « Oui. » Elle hocha la tête sans attendre, bien décidée à ce que cette soirée dissipe les derniers malentendus entre eux, et qu’ils puissent enfin mutuellement ne pas regretter quoi que ce soit. Car peu importe la tristesse ou l’agacement qui avaient pu s’emparer d’elle, l’italienne se sentait déjà bien plus légère de pouvoir mettre des mots sur ce qui venait de lui arriver - et c’était exactement cela qui lui permettrait d’enfin passer à autre chose, sans se poser mille et une questions sur le pourquoi du comment.
« Ça se passait bien Livia. J’étais bien avec toi… Mais l’engagement me fait peur et je me suis comporté comme un abruti. » « Oui. » Si elle avait pu, elle aurait presque été amusée de se trouver là, juge d’un comportement qu’elle avait tant de fois haï mais qu’elle pouvait ce soir réellement pointer du doigt. « Alors j’ai fui. Je n’ai pas assumé. A croire que de nous deux, la plus mature fût toi. Je ne suis pas là pour te demander de tirer un trait sur moi mais pour mettre les choses au clair… Car en soi, je ne sais pas si je suis prêt à t’oublier. J’aimais bien nos moments passés… Et même si j’ai fui, le fait de revenir vers toi est bien une preuve que tu as su te faire une place dans mon entourage… » Une nouvelle fois, elle fut tentée de continuer à ponctuer les tirades du brun par ses paroles monosyllabiques, mais se perdit dans ses yeux à l’écoute de sa dernière phrase. Difficile de dire à quel point il pouvait être sincère ou simplement vouloir se débarrasser d’un poids en lui disant ce qu’elle voulait entendre. Difficile également de décider quoi faire de cet aveu, le balayer d’un regard rancunier ou se laisser prendre au jeu. Ne sachant plus réellement comment réagir, elle se tut cette fois, en profitant pour laisser planer le doute en s’approchant de Keith avant de s’en détourner tout aussi rapidement, déviant son attention sur la boîte à thés qu’elle déposa sur le comptoir. « C’est petit Livia… » ‘Je ne vois pas de quoi tu parles’, fut-elle tentée de lui répondre, ce à quoi elle préféra un léger sourire tandis qu’elle comprenait peu à peu où le brun voulait en venir avec son argumentaire. Le pire, c’est qu’elle se revoyait presque tomber dans le panneau - il s’était suffisamment excusé pour qu’elle accepte ses compliments, son envie de la revoir, quand bien même elle pensait naïvement que leur relation était déjà telle qu’il semblait la vouloir désormais. « J’avais besoin de mettre des mots… Ne plus laisser de place aux suppositions. » « Hm hm. » Encore des belles paroles bien enrobées qui visaient à la brosser dans le sens du poil - elle n’était pas dupe, et pourtant terriblement tentée de le laisser lui en dire plus. Son ego prit pourtant le dessus, refusant d’être un objet à la disposition du policier, bon à jeter et à récupérer à sa guise. « C’est donc ça l’image que tu as de moi ? Un homme qui sort son carnet d’adresse pour passer du bon temps et qui change de contact quand l’envie lui chante ? Je me suis peut-être comporté comme un con, mais j’ai quand même une éthique… » « Honnêtement, je n’en sais rien. » Sur l’image, le carnet d’adresses, ou même l’éthique. Force était de constater qu’elle ne le connaissait finalement que peu. Quant à se comporter comme un con, elle avait un avis sur la question - mais l’avait déjà formulé, alors il était inutile de remuer encore plus le couteau dans la plaie.
« Et après tu me demandes de te respecter ? » « Ça n'a rien à voir. Après ce que tu as fait, avoue que c’est difficile de savoir vraiment ce que tu recherches, et pourquoi tu te comportes comme ça. » « Tu sais très bien que ce n’est pas ce que je voulais dire… J’ai l’impression que nous allons rentrer dans un dialogue de sourd… Nous deux campés sur nos positions… Et qu’est-ce que l’on fait maintenant ? On tire un trait, nos chemins se séparent et je resterais ta pire histoire à raconter à tous ceux que tu rencontreras à partir de maintenant ? » « Je ne sais pas. »
Elle ne savait plus grand chose, l’italienne, si ce n’était que quelques paroles de la part du brun et un sourire de côté suffisaient encore à lui faire perdre la tête plus qu’elle ne l’aurait espéré. Cependant, l’idée de pouvoir flagger Keith comme sa pire histoire à raconter était tentante - et elle ne manquerait pas d’y songer, lorsque l’occasion se présenterait. Avec une ou deux modifications, histoire d’accentuer le potentiel dramatique. « Ce n’est pas ce dont j’ai envie… » Lui savait peut-être ce dont il avait envie, ou du moins il donnait particulièrement bien le change, mais elle était plus tiraillée que jamais entre son ego meurtri et son cœur dont les pulsations s’accéléraient à chaque centimètre qui se réduisait entre le corps de Keith et le sien. Il l’avait traité comme une moins que rien, elle était passée pour une folle auprès de lui et probablement la moitié de ses amis - mais cela l’empêchait-elle vraiment de se laisser aller ? Avait-elle réellement quelque chose à se reprocher, si elle savait cette fois dans quoi elle s’engageait - rien du tout, en réalité, ou du moins une relation dans laquelle elle ne comptait cette fois plus s’accrocher le moins du monde. Ni ce soir, ni demain, ni tous les autres jours où il ne lui donnerait sûrement plus de nouvelles. Car malgré tous ses beaux discours, elle doutait encore de la moitié de ses mots, mais cela ne l’empêcha pas de se rapprocher de lui, petit à petit, son regard voguant entre les yeux du brun et la boîte à thé, tandis qu’elle se mordait la lèvre. La décision était aussi complexe qu’elle était en réalité tout bonnement simple - la raison ou la passion. Et contre toute attente, ce fut la seconde qui franchi la barrière de ses lèvres. « Moi non plus. » Et d’un pas supplémentaire, elle désagrégea la distance qui s’était installée entre eux. « Tu restera quand même ma pire histoire à raconter. » Et son sourire amusé vint se fondre sur les lèvres du brun.
« De toute façon quoi que je te dise, tu n’y croiras pas, c’est ça ? » Ils en étaient là, et pourtant, cette absence de certitude n’empêcha pas Livia de céder à l’appel des lèvres du brun qui s’approchaient dangereusement des siennes. Alors qu’il venait passer ses bras autour de sa taille, elle se laissa porter par le moment et n’émit pas la moindre opposition lorsqu’elle vint la soulever sur le comptoir avant de se rapprocher à nouveau pour ne plus la lâcher. Durant quelques instants, elle oublia toute la rancœur et la colère qu’elle pouvait ressentir envers lui pour se fondre dans les souvenirs agréables qu’ils avaient partagé et partageraient peut-être encore, si son égo parvenait à laisser couler tous les reproches qui s’étaient accumulés. A en juger par leurs baisers passionnés et leurs mains qui glissaient sur leur peau comme pour raviver des braises encore bien présentes, tous deux n’avaient cure de ce semblant de dispute qui ne faisait pas le poids face à l’appel de leurs corps respectifs. « Pire histoire ? Ce n’est pas ce que tu me disais au réveil… Tant que tu ne racontes que ça… Je peux assumer d’être l’idiot numéro un de la ville. » L’italienne leva un sourcil tout en affichant une moue tout autant narquoise qu’amusée. « Ton ego va bien au moins, c’est rassurant à voir. » A croire qu’il n’était pas si perturbé que ça par les remarques pourtant critiques qu’elle venait de lui balancer, alors qu’il se penchait à nouveau vers elle sans qu’elle ne s’y oppose nullement. Elle laissa les mains du brun courir sur sa taille pour venir se nicher au creux de ses reins, convaincue qu’aucun mot ne saurait désormais briser l’entente implicite qui existait entre eux, envers et contre tout.
Pourtant, Livia se surpris à ressentir le brun s’éloigner un instant, restant dans l’expectative tandis qu’un goût amer de manque s’installait sur ses lèvres. « Je ne suis pas sûr que ce soit la meilleure des idées… Réparer un conflit en couchant ensemble… Après, tu vas finir par croire que je ne t’ai accosté que pour ça… » La surprise vint prendre place sur le visage de l’italienne, qui ne savait plus comment interpréter ce nouveau retournement de situation. Voilà qu’ils devaient s’expliquer encore davantage, alors même qu’ils étaient dans les bras l’un de l’autre quelques instants plus tôt ? « J’ai jamais dit ça. » Et elle ne l’avait jamais pensé non plus - car si elle reprochait certaines choses à Keith, cela n’en avait jamais fait partie. « Je devrais y aller non ? » Ses yeux dérivèrent vers la porte qu’il pointait du doigt, comme si elle essayait encore de comprendre s’il s’agissait d’une blague, et où il voulait réellement en venir. « Hein ? » La brune, si déterminée lorsque la jeune homme avait franchi sa porte, se retrouvait désormais en manque de mots alors qu’elle était prise de court par une situation dont elle n’arrivait pas à saisir l’issue. « Puis tu oses sous-entendre que j’ai un carnet d’adresse long comme le bras pour trouver de quoi m’occuper, et tu voudrais recoucher avec moi ? » « Je... » En effet, le comportement même de la brune n’était pas guidé par une logique transcendante, mais avait-il besoin de trouver une justification à tout plutôt que de se laisser porter par un moment qui était bien plus agréable avant qu’il ne vienne tout briser à nouveau ? « Tu as peut-être besoin de temps pour réfléchir à ce que je t’ai dit non ? On aura qu’à en reparler quand tu seras prête… » Livia se décolla du comptoir, toujours mutique, alors que Keith récupérait son blouson avant de s’approcher à nouveau d’elle pour déposer un simple baiser sur le coin de ses lèvres. « Mais, je croyais que c’était clair ? » Visiblement pas assez pour empêcher le brun d’ouvrir la porte, comme si sa décision ne souffrait d’aucun doute. « Je comprends pas... » Lorsqu’il lui adressa un énième signe avant de refermer la porte derrière lui, l’italienne ne put s’empêcher de porter ses mains à son visage comme pour tenter de visualiser où les choses avaient dérapé. Elle était allée loin, lui avait renvoyé au visage tout ce qu’elle avait rêvé de lui dire ces dernières semaines, mais le fait qu’ils s’abandonnent l’un à l’autre ne signifiait-il pas que tout était oublié, pour ce soir du moins ? Était-ce un problème d’ego, de manque d’envie, de… ? La jeune femme était plus perdue que jamais, tandis qu’un agacement sourd commençait à lui nouer l’estomac à nouveau - Dieu qu’elle aurait aimé que Keith soit moins charmant qu’il était horripilant.