On a eu la réponse il y a quelques jours concernant les admissions, mais au fond j’ai toujours été prêt pour ce genre d’épreuves. La cigarette n’est pas ma seule drogue, et je crois qu’à choisir ente la clope et le footing, je choisirais le footing. Enfin, je dis peut-être ça parce que j’ai un bandeau sur les yeux, un sac à dos rempli de fringues aux pieds, et potentiellement 100 000 dollars en poche si je gagne. J’ai même pas vraiment besoin de cet argent pourtant. Ca motive, c’est certain, mais j’en ai pas grand-chose à foutre du fric. Maeve l’a bien compris, elle qui m’a proposé cette même somme pour que je reste près d’elle depuis la mort de son toutou de Dominic. J’avoue que ça a dû être un choc, ça fait un sacré bout de temps qu’il bosse pour elle. J’aurais peut-être dû rester, je suis certainement en train de tout faire capoter entre nous. On commençait tout juste à se remettre de ces seize années d’altercation, et me voilà parti pour plus d’un mois alors qu’elle m’a clairement demandé de rester. Tant pis, faut que je pense à ma gueule aussi. Focus Greg. On nous a mis debout et j’arrive pas à retenir ma jambe de bouger. J’ai le souffle court et les mains qui tremblent mais je fais de mon mieux pour contenir mon angoisse. T’es filmé Greg, fais pas ta chochotte bordel. Une bonne dizaine de minutes a dû passer depuis qu’on nous a foutu ici, ou alors c’est mon cerveau qui peine à s’accommoder, peut-être que ça fait que 2 minutes. Il commence à y avoir de l’agitation en arrière-plan, et la voix de May vient finalement nous annoncer que c’est bientôt à nous de jouer. Apparemment, on doit rejoindre CHARLEVILLE. C’est quoi cette ville ? Il doit y avoir 3000 habitants à tout casser là-bas. Putain, 745km en cinq jours. Va falloir qu’on se démerde pour s’y rendre. J’espère que mon binôme est sportif, je vais pas supporter d’avoir quelqu’un de lent avec moi. Je l’avais bien explicité d’ailleurs dans le questionnaire, je veux quelqu’un de compétitif et de sportif. Pourvu qu’ils m’aient pas foutu avec Grace. Elle a bien récupéré depuis son AVC, elle arrive à marcher sans doute, mais je suis sûr qu’elle se fatigue vite. Et puis en plus, Grace quoi. Mon ex belle-fille. La même qui me foutait en rogne pour des débats à la con contre les violences policières, alors que je suis flic. Elle cherchait vraiment la merde cette gamine. Ma jambe bouge à nouveau sous l’effet du stress. Svp, svp, svp, pas Grace. « Vous pouvez retirer vos bandeaux. » En deux temps trois mouvements, j’ai retiré mon bandeau et les yeux plissés, j’ai regardé à ma gauche pour voir une jeune femme d’une trentaine d’années. HALLELLUJAH C’EST PAS GRACE. Elle a l’air en forme, assez sportive, parfait. Un coup d’œil sur son sac à ses pieds, ça va : elle a pas l’air d’avoir apporté tout son dressing. Elle fait propre sur elle, mais pas non plus hyper coquète. Bien, je pense qu’on va bien s’entendre. On se sourit mutuellement et elle se présente. Mes bras viennent se croiser sur mon torse comme à chaque fois que je suis pas hyper à l’aise, tandis que ma main vient se nicher sur mon menton nu. Ca me fait bizarre de pas avoir de barbe, mais je sais pas vraiment quand je vais pouvoir me raser alors j’ai anticipé. « Paré pour le départ ? Accroche-toi, parce qu’avec moi, faut s’accrocher. » Rien qu’à son intonation, je peux savoir qu’elle a l’air déterminée. Je lâche un petit rire face à sa remarque avant de lui répondre : « Tant mieux, avec moi aussi, il faut s’accrocher. Enchanté, Greg. » Je regarde autour de moi, on a l’air d’être au Kangaroo Point. Je ne le connais que trop bien cet endroit, c’était notre repaire avec Maeve. C’est un signe, on part d’un endroit que j’affectionne. Je remarque la présence de Grace, elle est avec un mec d’une trentaine d’années. Bon courage à lui. Mon attention se reporte sur ma binôme, et je sors la carte qu’on nous a passée au début. « On est là. » que je dis en pointant Kangaroo Point du doigt. « Tu connais Charleville ou pas ? » Si elle sait où ça se trouve, ce sera un bon début déjà.

@Sienna Hawkes LOVE

Dans quel pétrin s’était-elle fourrée ? Ou plutôt, dans quel pétrin Lou l’avait-elle encore fourrée ? Telles étaient les questions qui tournaient inlassablement dans l’esprit tourmenté de Colleen alors qu’elle se tenait dans un lieu inconnu, entourées de parfaits étrangers et privée de son meilleur allié : la vue. Les yeux bandés, l’Anglaise se tenait droite comme un piquet, la gorge nouée et le cœur cognant furieusement contre sa poitrine. Ah ça, pour sortir de sa zone de confort, c’était réussi ! Se lancer dans une aventure pareille à trente-huit ans, dans un pays qu’elle ne connaissait que depuis dix mois, avec un partenaire dont elle ne connaissait ni le sexe, ni le nom, ni même les motivations… On ne pouvait pas dire qu’elle faisait les choses à moitié ! Sous l’impulsion de sa fille unique, à l’origine de son inscription à Race of Australia, elle avait néanmoins cédé à l’appel de l’aventure et le lendemain de son anniversaire, se tenait prête à en découdre. Elle ne savait pas si le programme télévisé remporterait un succès suffisant pour lui valoir une diffusion en Grande-Bretagne, mais si son ex-époux la voyait à la télévision, il y avait fort à parier qu’il tomberait des nues. Rien dans la vie de la jeune femme ne l’avait préparée à une telle aventure. Elle qui avait été mère au foyer pendant des années, avait sacrifié ses études pour l’éducation de sa fille et mené une vie rangée et dénuée de péripéties palpitantes… Qu’elle puisse se trouver sur le lieu de tournage, prête à traverser le pays d’Ouest en Est en compagnie d’un parfait étranger, était un coup de théâtre qu’absolument personne dans son entourage n’aurait été en mesure de prévoir. Mais c’était sans compter sur l’ambition et la détermination de Lou, bien décidée à offrir à sa mère une aventure hors du commun, une aventure qui la ferait enfin prendre conscience qu’elle valait bien plus que le rôle qu’elle s’était vu attribuer toutes ces années. Colleen était incapable de prédire le dénouement de Race of Australia, mais si elle peinait à croire en ses capacités pour aller loin dans l’aventure, elle savait que sa fille avait raison sur au moins un point : elle représentait l’opportunité rêvée pour tester et dépasser ses limites.

Privée de la vue, Colleen comptait sur ses autres sens pour la guider et était à l’affût du moindre bruit, du moindre mouvement susceptible de lui donner une quelconque indication sur le déroulement du lancement de l’émission. Elle sentait la présence des autres candidats à ses côtés et percevait le bourdonnement des caméras. L’atmosphère était chargée en tension et en anticipation. Pour sa part, Colleen était aussi impatiente de se lancer dans la course que de découvrir la personne qu’il l’accompagnerait. Homme ou femme, en réalité peu lui importait. Certes elle se sentirait plus à l’aise s’il s’agissait d’une femme, mais cela n’excluait pas la possibilité de trouver en un homme le partenaire idéal. La vérité était qu’elle comptait beaucoup sur son binôme pour son aventure. Elle n’avait guère l’âme d’une aventurière et préférait tenir le rôle du suiveur plutôt que du meneur. Cela ne signifiait pas pour autant qu’elle n’avait rien à apporter à la personne avec qui elle serait, loin de là. Elle jouissait d’un tempérament calme, d’un optimisme et d’une discrétion qui certes ne ferait pas d’elle la candidate survoltée du programme, mais qui pouvait tout à fait la mener loin dans l’aventure. Elle n’était pas non plus de nature peureuse, et même si elle ne savait pas encore ce qu’on lui réservait, elle pouvait affirmer qu’elle ne perdrait pas son sang-froid facilement. Tout dépendrait donc de l’équilibre et de la complicité susceptible de se former au sein de son binôme…

Soudain, une voix féminine brisa le silence pesant et la jeune femme tendit l’oreille, sourcils froncés derrière son bandeau dont l’étreinte laisserait sans doute une trace tenace sur sa peau claire. Les caméras devaient tourner à présent, et sa gorge se noua davantage à l’idée d’être ainsi exposée. Une course mythique. Huit binômes. Objectif Brisbane. Une ou plusieurs éliminations chaque semaine. 100 000 dollars à la clé. Première étape vers Charleville. 745 kilomètres. Cinq jours, cinq dollars par personne et par jour. Un sac à dos comportant le strict minimum. Concentrée, Colleen enregistra consciencieusement les informations les unes après les autres, à la manière d’une étudiante assise au premier rang dans un amphithéâtre et copiant frénétiquement les instructions de son professeur. L’animatrice donna le top départ et l’Anglaise s’empressa de retirer le bandeau qui l’avait aveuglée. Les premières secondes, son regard peina à s’accommoder à la lumière du jour qui l’éblouit instantanément. Elle cligna des yeux plusieurs fois avant de se masser les tempes et de pivoter vers l’homme à ses côtés. Il sourit, lui tendit la main et se présenta. Il s’appelait Jack. Colleen prêta à peine attention aux autres binômes qui, autour d’eux, se rassemblaient et faisaient de rapides présentations, prêts à se lancer le plus rapidement possible sur la route de Charleville. « Colleen » Répondit-elle simplement, ses lèvres esquissant un timide sourire. « Enchantée ». Et elle l’était sincèrement car à première vue, ce Jack n’avait rien d’un sauvage. Son sourire avait même quelque chose de chaleureux. « C’est parti ? ».

@Jack Epstein Here we goooo  

« Alors chers candidats, êtes vous prêts pour l’aventure ? » La réponse était claire et évidente - non. Ezra ne se rappelait même plus pourquoi il s'était dit que ce serait une bonne idée. Il avait vu la pub à la télé ou dans une brochure que l'on reçoit avec les pizzas. Peut-être était-ce même qu'il en avait entendu parler au cours d'une discussion entre deux clients. Noah avait mentionné l'idée d'être un aventurier un matin en mangeant ses céréales ? Il y avait également la possibilité que ce soit un mélange de tout ça, un mix de plein de raisons qui le faisaient se trouver là aujourd'hui. Les yeux bandés et les caméras braquées sur lui. L'attrait de l'argent sans aucun doute était l'une des vraies raisons pour lesquelles il s'était lancé à l'aventure. Ca, et le fait de se faire connaître. Il fallait l'avouer, la période actuelle n'était pas des plus propices pour le garage d'Ezra, et s'il ne trouvait pas de nouvelles façons de faire venir les clients jusque chez lui, son entreprise coulerait surement. Alors l'idée était là, elle était simple. En gagnant en notoriété dans cette émission, il pourrait surement sauver son garage. Et ça, ce n'était pas rien, comme motivation. « Vous pouvez retirer vos bandeaux. » Ezra ne se fit pas prier et l'instant d'après, le soleil venait inonder son regard. Il n'était pas le seul à se tenir debout à attendre comme un idiot - logique, puisqu'il s'agissait d'une course avec plusieurs participants -, mais surtout, à ses côtés se trouvait la personne qui serait son binôme pour le reste de l'aventure. Une jeune femme qui devait au moins faire une tête de moins que lui, mais qui ne tarda pas à prendre la parole. « Euh, bonjour. Je m’appelle Evelyn, enchantée. Mais on m’appelle Eve. Ou EvE comme dans Wall-E. » Elle était plus réactif que lui, alors qu'il tentait toujours de s'ajuster à la lumière ambiante et aux différents appareils autour d'eux. Les plateaux télé, ce n'était pas un domaine qu'il connaissait. Finalement, il vint poser de façon plus permanente son regard sur la demoiselle avant de venir tirer un grand sourire - sincère, mais également parce-que ça faisait bien devant les caméras. « Eve, ok, facile à retenir c'est bien. Ezra de mon côté. Enchanté ! » Il aurait pu être mal à l'aise de rencontrer une personne en ces conditions, mais ce n'était pas le cas. Ezra était quelqu'un de très social et de facilement à l'aise avec des inconnus. Ce qui ne transparaissait pas dans le comportement de sa binôme. « Ravie de faire ta connaissance, mon cher allié pendant quelques semaines. Et puisse le sort nous être favorable. » Il eut un petit rire, quelque peu gêné. « J'espère qu'il le sera oui, j'ai pas envie de finir comme dessert au milieu du désert. » Il n'avait pas compris la référence mais ne s'en aperçut pas d'un poil. Il vint simplement porter sa main en guise de visière, observant désormais le paquetage qu'ils avaient à leurs pieds. « Au moins, on est pas trop chargés, ça nous permettra de pas être ralentis par les sacs. » Il n'était guère bon en endurance ou en orientation, en revanche Ezra faisait partie de ces hommes qui avaient la chance d'être musclé de nature - et porter un sac à dos sur plusieurs jours d'affilés ne lui faisait pas peur. « On y va ? » Il ne savait pas où, mais rester planter là ne leur permettrait pas d'avancer.

Spoiler:

Il n’a pas l’air beaucoup plus à l’aise que moi. je décide de réagir de suite parce que je n’aime pas attendre et que je suis un peu trop hyperactive. J’avais déjà des milliers de questions dans ma tête pour qu’on puisse s’accorder. Après c’est sans doute mon esprit de mère qui se met en route. Car j’avais tendance à tout analyser et prévenir le moindre danger. Je ne voudrais pas que le très grand gaillard me fasse un malaise à cause de la chaleur, des termites, des serpents… Non ça c’est ma phobie. Alors, je lève la tête et je souris. De toute, il n’y a que ça à faire. Nous sommes filmés par 45 caméras et je ne connaissais pas les motivations du jeune homme en face de moi mais j’avais besoin de cet argent pour mon fils. Son traitement étant onéreux, je devais pouvoir lui payer des soins. Après la renommée, on parle d’une nana qui travaille seule dans son coin et qui ne parle à personne. Je ne suis pas sociable et ce n’était pas plus mal. « Eve, ok, facile à retenir c'est bien. Ezra de mon côté. Enchanté ! » Je dodeline de la tête avant d’avoir le sourire qui s’élargit. « T’as une joie communicante. J’aime bien. Donc on sera team quoi ? Faut qu’on se trouve un nom de team pour nos futurs fans. » Tu parles. Je vais avoir autant de fans que Juanes a son dernier concert. On parle bien du mec qui a disparu dès qu’il a chanté sur sa chemise en espagnol et qu’on n’a plus revu depuis. Je penche donc la tête sur le côté avant de voir que cela s’agite à côté de nous. Les gens sont très compétitifs dis donc. Ils partent presque en courant. Mais il ne faut pas aller vite, il faut de la stratégie. Et par chance à l’orphelinat, je gagnai toutes les parties de Risk. « J'espère qu'il le sera oui, j'ai pas envie de finir comme dessert au milieu du désert. » J’éclate de rire à sa métaphore. « Aucun risque. La mère qui est en moi ne te laissera jamais mais oh grand jamais finir en dessert. » Je regarde notre équipement. Il est plus observateur que moi. « Nan. C’est bien parce que tu as pu remarquer que je suis née au rayon nain de jardin. Donc si on trouve des fruits murs, ça sera à toi de les cueillir sur l’arbre. » Je sautillerai presque. Est-ce que nous allions croiser des kangourous ? « Allons-y Alonzo. C’est le cri de guerre dans Doctor Who. Cherche pas, je parle trop quand je suis nerveuse. Mais je te suis, Ezra. » Après tout, si les autres étaient comme dans le livre de Suzanne Collins, nous n’étions pas sortis de l’auberge.
Et que le meilleur gagne.

Le premier jour de cette folle aventure au sein de laquelle je m'étais élancé sans vergogne était enfin arrivé. Tout était programmé pour la suite des prochaines semaines, peu importe l'issue de mon rôle dans ce jeu télévisé. Le congé était posé, la famille comme les amis étaient prévenus, la maison était confiée à Oakley qui en prendrait grand soin, comme de mon chat Azrael. Je n'avais qu'à penser à moi et vivre, respirer, dormir, Race of Australia. Mon sang bouillait ardemment dans mon organisme, je trépignais d'impatience à l'idée de goûter de nouveau fougueusement à la compétition. Cela faisait des années que je ne m'étais pas réellement confronté à des adversaires dans le but de remporter un enjeu de taille, mes années en tant que footballeur australien étaient loin derrière moi. Mais aujourd'hui, je découvrirai mon équipe, mon binôme, et l'orientation vers laquelle nous devrions nous précipiter de sorte à passer, je l'espérais pieusement, à la prochaine étape.

Mon cœur tambourinait contre ma poitrine, mes yeux étaient grands ouverts sous le bandeau voilant ma vue de tout ce qui pouvait bien se tramer autour. Puis, la voix de celle que je devinais endosser le rôle d'animatrice de l'émission retentit, présentant l'événement. A mesure de ses paroles, mon entrain comme mon impatience gagnaient promptement en intensité. Les informations rapidement énoncées par la femme faisaient leur chemin dans ma tête, je m'efforçais de les retenir aussi bien que possible, l'excitation telle que j'en peinais à me concentrer totalement. Je n'avais qu'une hâte : me jeter dans la gueule du loup avec mon partenaire et enlever ce bandeau afin de le découvrir. « Vous pouvez retirer vos bandeaux. » Ni une ni deux, mes doigts saisissent le tissu et l'arrache sans cérémonie de mon portrait, le nœud ne résistant assurément pas à cette passion. Mes émeraudes parcourent vivement l'environnement, je rends son salut à Love, puis remarque mon sac à dos que j'attrape pour enfiler de suite. “Salut. Grace, contente de te rencontrer. Prêt pour le grand saut ?”

Un franc sourire étire mes lippes. Grace. Cette aventure se teintait de nuances providentielles. Moi qui recherchait désespérément tant de réponses en me lançant dans ce périple, voilà que ma partenaire était prénommée telle la meilleure des augures. “Isy. Ravi de te rencontrer aussi.” Isy and Grace for an Easy Race, ils s'associaient déjà très bien, non ? “On lève le camp ? J’suis sûre qu’on pourra copier les bonnes idées des autres si on les suit d’assez près.” Son large sourire taquin me séduit déjà. Je remarque certes son déséquilibre et sa main droite repliée, mais ces potentiels inconvénients pour les téléspectateurs n'ont aucune valeur à mes yeux quand son bandeau est arboré tel un bandana de guerrière et cette étincelle malicieuse et audacieuse pétille insatiablement au creux de ses noisettes. “C'est parti !” J'annonce, enthousiaste. Je déplie la carte reposant dans mon sac à dos tout en emboîtant le pas de la brune, saisissant rapidement toutes les informations qui pourraient être utiles et les stops à parcourir avant d'atteindre Charleville. “J'te propose qu'on aille vers cette voie pour faire du stop.” La rue qui se rendait vers la bonne direction tout en étant assez fréquentée afin d'augmenter les chances de tomber sur de bons samaritains qui nous feraient réduire la distance entre Brisbane et notre premier lieu de destination.

Un collègue aux cheveux longs. « Enchanté Kane, je m’appelle Liam. » Liam donc. Je sais pas si je vais oser lui demander de quoi par rapport à sa routine capillaire. Il a l’air d’être un manly man, je ne veux pas risquer de le froisser. C’est le tout début de l’aventure, ça serait dommage de partir du mauvais pied. Je n’ai aucune idée de qui il est mais il a une bonne tête, il a l’air sympathique. J’espère que c’est aussi vrai que je l’imagine. Ce serait cool que ce jeu soit un bon souvenir. Si on s’entend bien on peut vraiment aller loin je pense. « Plus prêt que jamais, je suis certain qu’on va réussir à aller loin. » Un large sourire se forme sur mes lèvres en l’entendant. Comme s’il avait lu dans mes pensées. Je prends ça comme un bon signe. Il a l’air d’être aussi motivé que moi. C’est pas un jeunot, je prends ça comme un avantage aussi, même si après un coup d’oeil aux autres gens autour, personne n’a l’air trop jeune. Le casting a l’air assez équilibré, y’a pas de vieillard non plus.

« C’est le bon esprit j’aime beaucoup ! » Le jeu commence véritablement déjà car des gens filent et du coup je prends mon sac qui était posé par terre. « Et c’est parti. » Je lui fais signe de la tête pour qu’on file à notre tour. On va pas commencer à se faire distancer. Faut juste trouver le bon spot pour commencer à faire du stop. « On devrait marcher un peu plus loin. Si y’a trop d’équipes au même endroit ça va pas être à notre avantage je pense. » Je sais pas du tout si c’est une bonne idée mais c’est l’idée que j’ai en tout cas. Ne pas tous s’agglutiner au même endroit. Les voitures ne pourront pas toutes s’arrêter non plus, faut penser à ça, la place. Ca aura l’air moins bizarre si y’a que nous au bord de la route à faire du stop et pas une brochette.

@Liam Taylor

Ce n'était pas l'argent qui avait motivé Kelly à se présenter au casting de l'émission. Certes le salaire hebdomadaire était généreux et le pactole enviable. Cependant, c’était l’aventure qui avait titillé sa curiosité, sa conscience, comme un écho à son envie d’autre chose et sa quête intérieure qui avaient commencé à bouillir en elle. Cette émission, c’était tout ce qu’elle n’était pas. Lee n’avait jamais voyagé sans rien et cela ne l’avait jamais attirée -elle tenait bien trop à son confort. L’inconnu et l’incertain l’avaient toujours terrifiée, elle qui appréciait que les événements se déroulent selon un plan précis et qui rythmait ses journées selon les mêmes rituels depuis des années. Le travail d‘équipe ne la rebutait pas, mais elle persistait à compter sur elle-même avant toute chose. En somme, si une candidate n’avait pas sa place dans cette sélection, Kelly était toute indiquée. Elle avait nullement l’intention de faire honneur à ce préjugé.

Le jour J, sur place, l’appréhension était palpable. Avec ce bandeau sur les yeux, la brune se félicita d’avoir opté pour un mascara tenace. Ses lèvres roses se pinçaient nerveusement. La découverte de son binôme était certainement ce qui l’effrayait le plus, dans un premier temps ; elle n’était pas une femme facile, Kelly, elle était exigeante, elle avait ses principes -discutables d’après certains. Elle savait exactement ce qu’elle ne voulait pas de la part d’un compagnon de route. Ce qu’elle était prête à tolérer, en revanche, était une autre paire de manches.

Le signal donné, Lee dénoua le tissu derrière son crâne avec des mains plus moites qu’elle ne l’aurait cru. Elle découvrit un jeune homme, brun, d’allure relativement sportive. “Hey. Moi c’est Kelly.” qu’elle se présenta succinctement. Les autres équipes autour d’eux s’activaient déjà comme une colonie de fourmis, elle en conclut qu’ils feraient connaissance sur la route ; ils n’avaient visiblement pas le temps de s’éterniser. Loan proposa sans attendre d’aller faire du stop au bord de la route. Kelly, elle, d’un naturel calme et réfléchit, préféra jeter un coup d’oeil à la carte avant de courir partout comme un poulet sans tête. “J’ai une idée.” fit-elle. D’un signe de tête, elle intima à son binôme de la suivre afin de s’éloigner du groupe. Nul doute que des petits malins se contenteraient de copier leur itinéraire, et Lee refusait d’être le Google Maps des fainéants.

La compétition est lancée.

Je découvre ma partenaire pour le reste de l'aventure. Rien ne pourrait me retirer mon sourire même pas le stress que je ressentais quelques minutes auparavant. Les présentations sont rapides, Kelly semble déterminée et c'est quelque chose qui me plaît. Au premier abord, elle n'est pas le genre de femme qui doit se laisser aborder facilement, elle semble un peu froide et distante, mais quelque chose dans son regard me fait comprendre que l'on pourrait bien s'entendre. Une intuition comme ça.

De suite, on entend les autres binômes se mettre à formuler une centaine d'idées à la seconde. Cela fuse dans tous les sens, on se croirait dans un poulailler, à celui qui fera le plus de bruit en tentant de courir dans la bonne direction. Je me laisse totalement entraîner par l'énergie ambiante, mais mon binôme me ramène bien vite sur terre en sortant une carte. Elle prend le temps de l'analyser, elle semble bien mieux s'y connaître que moi et je dois dire que cela me rassure. On devrait ne pas trop se perdre. Je l'espère en tout cas. Je ne suis pas venu pour gagner absolument, mais mon esprit de compétition n'est jamais bien loin. Alors quand Kelly me lance un regard convaincu, je comprends que l'on est réellement entré dans le jeu. « J'ai une idée. » Tel un enfant, je hoche la tête prêt à entendre tout ce qu'elle me dira. « Je te suis. »

Et avant qu'elle ne m'entraîne à l'écart du groupe, mon regard tombe sur Martin et sa coéquipière. Même de loin, je perçois qu'elle est déjà si différente de lui. Un instant, je me demande comment va se dérouler son aventure. Et comme s'il avait senti mon regard insistant Martin relève la tête. Je lui adresse mon plus grand sourire avant de lui tourner le dos pour suivre Kelly un peu plus loin. S'éloigner pour mettre en place notre stratégie me semble, déjà, être un très bon point de départ.