Helena fréquentait depuis une semaine ou deux un type nommé James, le genre mauvais garçon rencontré dans un bar, sur qui elle avait de suite flashé. La jeune femme aurait dû rechercher le prince charmant, celui qui était prêt à s’engager et à construire quelque chose de sérieux. Au lieu de cela, elle craquait toujours sur des rebelles, des hommes à part, un peu décalés. James ne faisait pas exception à la règle. Ce soir-là, quand il lui avait proposé de rejoindre une soirée très privée, la brunette avait été ravie : peut-être allait-il lui présenter certains de ses amis. Vers 22H00, quand il était venu la chercher avec sa bagnole pourrie, Helena avait sauté dedans, enchantée. Le jeune homme l’avait détaillé de la tête aux pieds, avec un sourire carnassier, s’arrêtant sur ses cuisses à peine couvertes par sa petite robe noire.
« Sublime bébé ! Prête pour la soirée privée ? »
Il avait rigolé pendant qu’il démarrait la voiture et qu’Helena hochait la tête. La jeune femme devenait cependant de plus en plus perplexe en observant le paysage défiler.
« Pourquoi est-ce qu’on va vers les docks ? »
James avait esquissé un nouveau sourire et s’était contenté de répondre :
« Soirée ultra privée, bébé ! T’inquiète, ça va être chouette. »
Helena avait reporté son attention sur la route, mémorisant le chemin emprunté. Enfin, James avait arrêté la voiture devant un vieil entrepôt au milieu de plein de containers. Il l’avait invité à la suivre à l’intérieur où il avait salué deux potes à lui, en train de sniffer ce qui ressemblait à de la cocaïne ou à de l’héroïne avec une paille. La jeune femme déglutit difficilement. Ce n’était pas la première fois qu’elle sortait avec un mauvais garçon ayant une légère addiction à la drogue. Après tout, elle adorait réparer les gens, et les petits consommateurs de stupéfiants ne faisaient pas exception à la règle. C’était cependant la première fois qu’un de ses copains l’amenait avec lui pour se shooter. Des dizaines de questions fusaient dans l’esprit d’Helena : allait-on lui demander de se droguer ? Comment allait-elle rentrer ? Pouvait-elle encore reculer ? Elle était encore en train de réfléchir quand les garçons l’accueillirent avec le même sourire carnassier que James avait eu auparavant, s’adressant directement à ce dernier.
« Alors c’est elle la poupée ? Pas mal, mais un peu trop couverte ! »
Les trois hommes rigolèrent avant que James n’enlève la veste des épaules d’Helena. Celle-ci frissonna, soudain glacée.
« Allez, enlève ta veste bébé, et viens t’installer. »
Il la tira sur un canapé miteux devant la table basse sur laquelle s’étalait tout l’attirail du drogué : poudre blanche, paille, carte, balance, petits sachets … Et même un revolver. Un putain de revolver ! James aspira un rail avec la paille dans le nez, puis la tendit à Helena.
« A toi ! »
Helena déglutit difficilement. Elle fixa longuement la paille, hésitante.
« - Ecoute James, tu sais, j’ai une journée ultra chargée demain, je dois me lever tôt, alors je pense que je vais rentrer … Tu pourrais me prêter les clés de ta caisse et je te la rendrai demain en allant … - Goûte – cette – drogue ! Tout de suite ! Pour me faire plaisir, bébé ! »
La jeune femme devait gagner du temps, absolument. Et elle devait se sortir de là. Elle sortit brusquement son téléphone de sa poche, comme s’il vibrait et le porta à son oreille.
« Allô ? Allô ? Oui, je t’entends mais pas très bien, attends je me déplace. »
Elle posa la main sur le téléphone et marmonna aux garçons tout en s’éloignant.
« C’est mon frère, je reviens tout de suite. »
Un peu à l’écart dans la grande salle de l’entrepôt, Helena chercha fébrilement dans son répertoire le numéro de Keith, le policier qu’elle avait rencontré une dizaine de jours auparavant. Elle avait besoin d’aide, c’était évident, mais ne voulait pas appeler son frère, comme elle le faisait d’habitude : ces garçons étaient drogués et armés, ils pouvaient peut-être être dangereux. C’était d’un policier dont elle avait besoin. Heureusement, Keith répondit rapidement, malgré l’heure tardive. La jeune femme chuchotait, de peur d’être entendue.
« Keith ? C’est Helena. Je suis désolée mais … j’ai besoin d’aide, je suis … Haaaa ! Bébé, tu m’as fait peur ! Oui j’arrive, mais c’est Dimitri au téléphone, on a des choses de prévues ensemble demain. Tu me laisses discuter 2 minutes avec mon frère et je te rejoins ! »
Elle reprit en chuchotant.
« Je suis dans un entrepôt sur les docks, on a pris l’entrée ouest puis la 3ème à droite et la 1ère à gauche, un grand bâtiment au milieu de containers … Ils veulent que je consomme de la drogue. Ils sont armés. Keith j’ai peur, je sais pas qui appeler. Je vous en prie, venez me chercher. »
Le policier pouvait entendre au loin les hommes qui s’impatientaient et réclamaient la présence d’Helena, qui raccrocha en priant pour que le flic accepte de l’aider.
La semaine était passée à vive allure et nous la terminions comme bien souvent, une pinte de bière à la main, accoudé au comptoir. J’observais les alentours, riant nerveusement de l’attitude qu’Andréa avait avec le serveur dans l’unique but d’obtenir une tournée gratuite, dans mon plus grand désespoir. Nous venions enfin de boucler cette enquête d’enlèvements et de meurtre de femmes à proximité des quais, et nous arrosions notre réussite. Le calme avant la tempête. Nous le savions pertinemment et c’est pour cela que nous profitions de ces quelques moments de répits. J’observais les jeunes femmes qui tentaient de m’attirer sur la piste de danse à leur côté, à coup de déhanchés disgracieux. Je réfutais d’un signe de main, plongeant mon attention dans ma pinte tandis que deux nouveaux verres se posaient sur le comptoir, face à moi. J’observais ma collègue qui s’asseyait, fière d’être arrivée à ses fins tandis que je m’apprêtais à lui faire remarquer que nous prenions tout droit le chemin d’une gueule de bois inévitable quand mon téléphone sonna. Un numéro que je ne connaissais pas. « Excuse-moi… » lui dis-je en laissant mes verres, sortant du bar en me faufilant parmi la foule pour décrocher juste à temps, une fois arrivé sur le trottoir.
« Weddington j’écoute ? » demandais-je en portant l’appareil à mon oreille, mon autre main venant presser mon autre oreille pour me permettre d’entendre la voix qui me paraissait n’être qu’un murmure. « Helena ? » demandais-je pour être certain de comprendre ce qu’elle marmonnait. « Attendez, calmez-vous là… » lui demandais-je pour tenter de faire le tri dans ses propos et les hurlements masculins qui réclamaient sa présence. Elle tentait de se cacher de je-ne-sais-quoi et semblait apeurée. De son petit-ami à priori. J’attendais tranquillement, sortant un bout de papier et m’approchant de l’homme qui s’occupait de la sécurité du bar pour lui demander un stylo pendant ce temps-là, m’apprêtant à lui demander où elle se trouvait. « Helena ? Tout va bien ? Où êtes-vous ? » lui demandais-je fermement, notant ses indications qui me surprenaient par leur précision. « Ne touchez à rien… J’arrive. Je viens vous chercher. Essayez de sortir d’ici une dizaine de minutes, je vous récupère à l’entrée. » lui dis-je en raccrochant, rentrant dans le bar pour retrouver Andréa. Je déposais ma main sur son épaule, approchant ma bouche de son oreille pour lui murmurer. « Je dois y aller. Je suis sur les docks. Helena vient de m’appeler… Je suis désolé, on remet ça plus tard. » lui dis-je en récupérant les clés de ma voiture avant même qu’elle ne puisse faire un quelconque commentaire sur le fait que celle qui m’avait aidé à obtenir les informations nécessaires il y a une dizaine de jours était aujourd’hui en besoin d’aide.
Je courais en direction de ma voiture, démarrant sur les chapeaux de roues tout en prenant la route des docks, suivant à la lettre les instructions qu’elle m’avait auparavant données. Je stoppais le moteur du véhicule que je venais de garer contre l’un des containers en ayant en visuel l’entrée dont m’avait parlé Helena durant notre appel téléphonique. Neuf minutes précisément. Et j’avais espoir d’apercevoir la silhouette de la jeune femme sortir de cet entrepôt sans que je ne sois obligé d’y aller. Mon regard jonglait entre l’horizon et l’horloge de mon compte tour. Onze minutes. Je ne pouvais pas rester immobile encore ici. J’ouvrais la portière, retirant ma veste pour la laisser sur la banquette arrière avant d’ébouriffer mes cheveux en m’abaissant face à mon rétroviseur. Comme me le disait souvent Andréa, j’avais une bonne tête de flic. Et ce soir, celle-ci pouvait me porter préjudice. Je tentais de rappeler Helena une dernière fois, faisant les cent pas sur le bitume en espérant qu’elle ne décroche enfin. En vain. J’hésitais une fraction de secondes avant d’envoyer l’adresse à l’unité des stupéfiants, puis jetant mon portable dans ma poche arrière, je m’approchais des portes du bâtiment où le bruit s’élevait. Helena m’avait indiqué qu’ils étaient armés, et j’étais bien entendu démuni d’armes. Je décidais donc d’entrer d’un coup d’épaule dans la pièce, voulant miser sur l’effet de surprise que cela allait engendrer. Déboulant littéralement dans la pièce commune, je levais les mains en l’air une liasse de billets tenue fermement dans mon poing, un léger sourire narquois aux lèvres. « Bonsoir ! Paraît-il qu’une super soirée se tient ici ! » dis-je en balayant d’un rapide coup d’œil la pièce. Puis mon regard se posa sur celui d’Helena, ne laissant rien paraître pour éviter de la mettre en danger. « Alors, vous me confirmez que vous êtes à même de me fournir la meilleure de Brisbane ? » demandais-je en pointant du doigt la table où se trouvait la drogue. Un des hommes de main se leva sur le qui-vive, sa main sur la crosse du revolver. Je tendais la main dans sa direction pour tenter de le calmer avant même qu’il ne dérape. « Tout doux… Je ne suis pas armé, je suis juste un de ces abrutis qui a organisé une soirée et qui s’est rendu compte que je n’avais rien à proposer pour mes invités… » lui dis-je en tournant sur moi-même pour confirmer l’absence d’armes. Je me devais de gagner du temps et j’étais généralement plutôt doué à ce petit jeu-là. « A ce que je vois, votre soirée aussi à l’air bonne ! C’est qui cette charmante demoiselle ? » demandais-je en m’approchant d’Helena comme si de rien n’était.
Je me retrouvais stopper face à ce qui me semblait être une brute épaisse, m’empêchant de m’avancer un peu plus de la jeune femme, mon regard s’assombrissant. « Tu laisses ma poupée tranquille toi ok ? On ne te connait pas, ne fait pas comme chez toi ici… Qui me dit que tu n’es pas un flic… » me dit-il alors que je lui souriais pour le narguer. « Sinon quoi ? T’es malade de sous-entendre que je suis un bleu ? J’en ai la tête ? » ripostais-je du tac-o-tac, maintenant mon sourire narquois tout en tapotant sur son torse avant de le contourner et de m’approcher d’Helena, lui demandant d’un regard si tout allait bien pour elle. Ce que je n’avais pas envisagé, c’était le fait que son compagnon d’un soir ne vienne m’attraper l’épaule, pour me faire pivoter, son poing s’approchant à forte allure de mon visage. Comme par pur réflexe, mon avant-bras vint se lever pour contrer son coup, et ma seconde main percuta de plein fouet sa cage thoracique, lui bloquant la respiration. Ses gardes chiens s’approchèrent et je compris à leur regard qu’ils comptaient simplement faire une bouchée de ma petite personne. « Doucement les gars, on ne va pas se battre pour une jeune femme quand même ! » riais-je en écartant les bras. Il me fallait gagner du temps… Et je venais de rendre ces secondes précieuses pour elle comme pour moi. Car en plus de devoir m’en sortir sain et sauf, je devais la sortir de là elle aussi. Et j’espère qu’elle avait une bonne explication à m’apporter.
Helena s’était encore fourrée dans de beaux draps … Si la situation avait été moins dangereuse, elle aurait appelé son frère, comme à son habitude. Dimitri était toujours là pour la sortir des mauvaises passes, et Dieu sait qu’Helena en avait connu. Il y a quelques années, en boîte de nuit, la jeune femme s’était rendu compte qu’on avait mis quelque chose dans son verre, se sentant rapidement bizarre. Elle avait eu le temps et la présence d’esprit d’appeler son frère, s’enfermant dans les toilettes. Quand il était arrivé, elle était déjà inconsciente. Il n’avait jamais rien dit à leurs parents. Il ne lui avait d’ailleurs jamais fait la morale, se comportant comme un véritable chevalier blanc. Mais aujourd’hui, ces types étaient drogués et armés, et Helena n’avait jamais souhaité mettre en danger son frère. Elle devait donc appeler quelqu’un d’autre à son secours. La seule personne capable de faire face à ces gars, c’était Keith, sans aucun doute, ce type à l’allure de cow-boy qu’elle avait rencontré il y a une dizaine de jours dans un cadre professionnel. Helena se débrouilla pour l’appeler, mais n’entendit même pas s’il acceptait ou pas, la présence de la jeune femme étant réclamée par les drogués derrière elle. Elle raccrocha et se rapprocha du petit groupe. Elle devait continuer à gagner du temps. La jeune femme regardait sans cesse l’heure, se demandant si le policier allait débarquer, et si oui, dans combien de temps. Elle se sentit rapidement dépassée. James, son petit-copain, ce crétin, la fit s’asseoir sur le canapé entre lui et son pote, pendant qu’un troisième gars était installé sur chaise, de l’autre côté de la table basse. Les mecs prirent chacun un rail de coke, puis tendirent la paille à Helena.
« Je t’assure que ça va, je suis vraiment crevée par le boulot, si je prends ça, je vais m’endormir ! J’aimerais plutôt profiter de la soirée, avec toi ! »
Helena fit de son mieux pour adresser un sourire charmeur à James et l’embrassa langoureusement. Cela eut pour effet de distraire le jeune homme pendant de précieuses minutes. Mais lorsque le baiser cessa, il revint à la charge.
« T’inquiète, c’est de la bonne. Ca va plus te faire l’effet de cinq tasses de café, j’te jure ! Allez, bébé ! »
James lui tendit la paille avec insistance, son regard se faisant de plus en plus menaçant. Helena prit la paille entre ses doigts, la détaillant comme si elle allait se faire mordre. Elle ferma ensuite les yeux un instant, et se rapprocha de la table basse. Ca y est, elle y était. Elle allait bientôt toucher le fond. Elle espérait simplement qu’elle resterait consciente, pour tenter d’éviter qu’on abuse d’elle … C’est à ce moment précis que Keith fit irruption dans l’entrepôt avec fracas. Helena sursauta en lâchant la paille, partagée entre le soulagement de voir arriver son preux chevalier, et l’inquiétude de le constater seul. Le policier tenait dans sa main une liasse de billets, et tentait d’embrouiller les camés, prétendant vouloir acheter de la drogue. Le regard de Keith s’arrêta sur Helena alors qu’il tentait de s’approcher d’elle.
« A ce que je vois, votre soirée aussi a l’air bonne ! C’est qui cette charmante demoiselle ? »
James se mit immédiatement debout. Tout le monde l’imita. La tension était palpable. James contourna la table basse et arrêta immédiatement Keith.
« Tu laisses ma poupée tranquille toi ok ? On ne te connaît pas, ne fait pas comme chez toi ici … Qui me dit que tu n’es pas un flic … »
Helena faillit défaillir. Keith, quant à lui, se contenta de sourire.
« Sinon quoi ? T’es malade de sous-entendre que je suis un bleu ? J’en ai la tête ? »
Keith tenta une nouvelle approche vers une Helena pétrifiée. James attrapa le policier par l’épaule, et tenta de lui asséner un coup de poing. Mais Keith le sécha immédiatement. Les deux autres mecs se rapprochèrent du flic, menaçants. Keith, lui riait toujours, et ajouta en écartant les bras.
« Doucement les gars, on va pas se battre pour une jeune femme quand même ! »
*Putain de merde*, pensa Helena. Elle devait faire quelque chose, sinon ils allaient démolir la gueule de son chevalier. Elle reprit soudain ses esprits face au danger qu’elle avait fait courir à Keith, et réfléchit en quatrième vitesse. Avec fracas, elle renversa la table basse, faisant tomber toute la drogue. Un nuage de poudre blanche s’éleva dans les airs. Helena se mit à courir en toussant, se dirigeant vers la sortie.
« Cours ! », cria-t-elle à Keith.
Elle comptait bien sur l’effet de surprise, la débilité des camés, pour qu’ils réussissent à s’enfuir. Ils allaient sans doute tenter de récupérer ce qu’ils pouvaient de drogue, par pur réflexe. Mais Helena ne se retourna pas pour vérifier. Elle courut jusqu’à l’extérieur. Là, il vit la voiture de Keith non loin, et continua à courir. Elle jeta un bref coup d’œil à ses côtés, soulagée d’y voir le policier. Elle s’engouffra dans la voiture, et hurla dès que Keith eut fermé sa portière.
« Démarre ! Roule ! »
Sa respiration était saccadée, son cœur battait une vitesse folle. Elle regarda par la fenêtre, mais ne vit personne tenter de les rattraper. Elle s’adossa au fond du siège pour tenter de se calmer, lorsqu’elle réalisa qu’elle était couverte de drogue. Ses mains se mirent à trembler alors qu’elle ne savait si elle devait épousseter ses vêtements ou rester ainsi pour ne pas en mettre partout dans la voiture de Keith.
« Ho mon Dieu. Je suis désolée ! Je … »
Elle se mordilla la lèvre en observant Keith, à deux doigts de fondre en larmes, prête à recevoir l’engueulade de sa vie.
Comment avais-je pu accepter de me retrouver dans cette situation-là, seul, sans armes, sans renfort ? Je ne savais pas, je ne savais plus, et je commençais à me dire que mon empathie aurait ma peau. C’était se jeter dans la gueule du loup pour une personne que je ne connaissais pas finalement. Et en apercevant l’état du hangar, les personnes présentes, et la drogue qui trônait sur la table, je comprenais que tout ressemblait à un guet-apens. Armes, drogues et une inconnue à sortir de là. J’avais cessé de réfléchir à partir du moment où j’avais franchi les portes du hangar. Je n’étais plus qu’un rôle avec un objectif : nous en sortir sain et sauf et sans avoir à consommer.
J’aurais préféré ne pas avoir à en venir aux mains. Pas face à Helena. Pas contre ces hommes qui pourraient vouloir riposter d’une piètre manière, armes aux poings. C’était sans compter sur celui qui semblait être le soi-disant petit ami d’Helena. « Piètre choix » pensais-je en le dévisageant de bas en haut avant de lui assener ma plus belle droite, me tournant vers ses autres comparses dans l’attente du moindre mouvement. Pourtant ce n’était pas le mouvement de l’un de ces abrutis aux gros bras qui me surpris, non. C’était la table que venait de renverser Helena avant de prendre la fuite, me sommant de la suivre. Je n’avais pas d’autres choix, et je masquais mon visage, toussotant en tentant de retrouver la sortie au milieu de ce nuage de poudre. Je suivais à la trace la jeune femme, pensant à ouvrir la voiture quand je l’aperçus à sa hauteur, accélérant tandis que je montais dedans. Je tentais tant bien que mal d’allumer le contact et je démarrais sur les chapeaux de roues, les pneus du véhicule crissant. Je manquais de renverser l’un des hommes de bras au passage, qui venait juste de comprendre que nous étions en train de prendre la fuite par un plan mal manigancé.
Mes mains se serrèrent autour du volant et je passais les rapports sans réellement m’en rendre compte. Je tentais de reprendre mes esprits et mon regard en coin se posa sur Helena qui était remplie de poudre. Ses mains tremblaient et instinctivement, je venais poser l’une des miennes sur cette dernière pour tenter de l’apaiser.
« Ca va aller. C’est terminé. » lui dis-je de façon franche pour que l’idée puisse faire son trajet au creux de son esprit. Elle était désolée et c’était le minimum vu la situation dans laquelle elle s’était fourrée. « Il va falloir que vous m’expliquiez comment une personne comme vous se retrouve dans une situation comme celle-ci… » lui dis-je en prenant le trajet de mon domicile sans lui en laisser réellement le choix. « C’était quoi l’objectif de la soirée ? Enfin je ne sais pas… Mais ça se voyait comme le nez au milieu de la figure que ce type était un abruti Helena ! » Je venais d’hausser la voix, conscient que le moment n’était pas opportun. Garant le véhicule dans l’allée de ma maison, j’étais presque satisfait que personne ne sorte de chez lui à cette heure-ci.
Je coupais le contact, retirant les clés du véhicule avant de me tourner vers cette dernière, le regard désapprobateur. « Vous restez ici, je vais vous chercher un sac pour mettre vos affaires. Vous allez prendre une douche le temps que je vous prépare un thé ou un café… Et vous ne posez pas de questions, j’essaie de vous sortir du pétrin dans lequel vous venez de vous mettre. J’espère que vous ne teniez pas à vos vêtements, ils vont finir à la déchetterie… » lui avouais-je en sortant enfin du véhicule, entrant dans le garage avant de revenir avec un sac à grabat. Je m’approchais de sa portière et l’ouvrit pour lui tendre. « Déshabillez vous ici. Je vais vous chercher de quoi vous couvrir pour traverser la maison. » lui dis-je dans un sourire qui se voulait presque rassurant. Je tentais de gérer au mieux la situation cocasse dans laquelle je venais de me fourrer sans réellement comprendre pourquoi. Et en même temps, l’instinct prenait souvent le dessus dans ce genre de situation. Je revenais avec un peignoir, détournant mon regard de son corps et le lui tendis. " La salle de bain est au fond du couloir, la dernière porte sur votre droite. Vous y trouverez une serviette propre..." lui dis-je en contournant le véhicule pour attraper l'aspirateur sans fil qui me servait à le nettoyer habituellement. " Faites comme chez vous..." Je tentais de la rassurer, commençant à aspirer les traces blanches que j'apercevais sur les tapis de sol.
Je préférais effacer toutes traces de cette soirée qui prenait une tournure inimaginée.
Ils s’en étaient sortis indemnes. Par Dieu sait quel miracle, ils étaient vivants, n’avaient pas été blessés et n’avaient pas non plus été interpellés par la police. Ok, c’était Keith la police, mais les stups auraient pu faire une descente, et ils auraient été très mal. Allez expliquer ce qu’Helena et Keith faisaient là ! Alors qu’ils roulaient, la jeune femme se mit à trembler, et bredouilla de vagues excuses, prête à se faire sonner les cloches. Mais les reproches étaient moins dures que ce à quoi elle s’attendait, ce qui laissait présager une seconde vague.
« Il va falloir que vous m’expliquiez comment une personne comme vous se retrouve dans une situation comme celle-ci … C’était quoi l’objectif de la soirée ? Enfin je ne sais pas … Mais ça se voyait comme le nez au milieu de la figure que ce type était un abruti Helena ! »
La brunette avait l’impression de retomber en enfance et d’être une petite fille qu’on disputait parce qu’elle avait fait une bêtise. Elle fronça les sourcils, bien décidée à ne pas se laisser engueuler ainsi.
« C’est bon, je vous ai dit que j’étais désolée ! Je ne voulais pas vous mettre en danger, et je ne vous remercierai jamais assez. Par contre, je ne vous permettrai pas de juger ! C’est beaucoup plus compliqué que ça, entre James et moi … Enfin c’était … Je sais qu’il est loin d’être parfait, mais moi, je peux l’aider à s’en sortir, je peux … »
Elle s’arrêta brusquement de parler, comme si une idée venait de la heurter.
« Ho mon Dieu ! Il connait mon adresse ! Il sait où j’habite ! »
Elle était à nouveau affolée et se remit à trembler, ôtant ses chaussures en secouant ses pieds et ramenant ses derniers sous elle, dans le siège de la voiture. Le véhicule se gara dans l’allée de la maison de Keith, et le policier enchaîna les ordres. Comme il l’avait demandé, elle ne posa aucune question, et se contenta d’obéir.
« Déshabillez-vous ici. Je vais vous chercher de quoi vous couvrir pour traverser la maison. »
Helena attendit qu’il revienne avec un peignoir pour sortir de la voiture. Elle enleva tous ses vêtements pendant que Keith regardait ailleurs et les mit dans le sac qu’il lui avait remis précédemment. Il lui indiqua la salle-de-bains et commença à passer l’aspirateur pour effacer toutes les traces de cette soirée. La jeune femme obéit à nouveau. Elle rejoignit la salle d’eau comme un robot, sans oser se laisser guider par sa curiosité et parcourir la maison. Elle ôta finalement le peignoir et se glissa dans la douche, laissant l’eau chaude laver les séquelles de cette soirée. Si la poudre blanche s’évacuait facilement, sa honte et ses remords, eux, étaient toujours présents. La jeune femme se dit deux shampooings, mais elle se sentit à peine mieux lorsqu’elle quitta la salle-de-bains, vêtue uniquement du peignoir de Keith, beaucoup trop grand pour elle. Elle se demanda s’il avait fini de nettoyer la voiture, et se dirigea vers le garage. Elle en profita cependant, cette fois-ci, pour observer la maison du policier, sobrement décorée. La jeune femme était quelque peu gênée de pénétrer ainsi dans son intimité, sans y avoir été invitée, et n’avait pas l’impression d’être à sa place. Elle retrouva finalement Keith dans la maison.
« Je suis désolée. Désolée de vous avoir attiré là-dedans. Désolée de vous avoir mis en danger. Je ne savais pas qui appeler … »
Elle hésita un instant, jouant distraitement avec les manches du peignoir.
« Est-ce que je pourrais rester ici cette nuit ? James sait où je vis, j’ai peur qu’il débarque … J’irai passer quelques temps chez mon frère demain. »
Mes mains étaient serrées contre le volant, mon regard fixés sur la route qui défilait à vive allure. J’avais répondu présent, laissant libre court à ma loyauté qui était sans failles… Et surtout parce que je lui devais une fière chandelle. J’estimais qu’on était quitte et pourtant je ne pouvais m’empêcher de m’inquiéter pour la demoiselle qui semblait elle-même ne pas être rassurée. Elle était en train de trembler, signe de contre-coup, je le savais pour avoir vu de nombreuses victimes être dans cet état-là. Il lui faudrait du temps, mais je ne comptais pas lui épargner le sermon que j’étais en train de lui préparer. Parce qu’après tout, même si nous nous connaissions peu, j’avais senti qu’Helena n’était pas une femme mauvaise. Et que je ne comprendrais jamais pourquoi les gens étaient attirés par le côté illégal. Je soupirais en l’entendant tenter de protester, mon regard se braquant vers elle, juste pour la fusiller.
« Vous pensez réellement être en position pour protester ? Ce n’est pas une question de jugement, c’est que j’aurais très bien pu vous retrouver morte en me rendant dans ce hangar ce soir ! Que ce soit compliqué ou non, Helena, cela ne vous empêche pas de respecter la loi et d’éviter de vous mettre en danger. Que cherchez vous à oublier pour ne pas vouloir ouvrir les yeux ? Vous pensez réellement que vous êtes ici pour sauver autrui au détriment de vous ? »
Je lui demandais calmement, haussant un sourcil quand elle se stoppa. Elle avait raison, mais je ne pensais pas qu’il viendrait à son domicile. Il était peut-être un dealer, mais il restait fûté… Je posais ma main sur la sienne, me voulant rassurant.
« Je verrais ce qu’il est possible de faire au niveau des patrouilles… Au pire des cas, je ferais moi-même un détour par votre quartier. Mais rassurez-vous, on trouvera une solution… »
Je tentais de calmer ses tremblements avant de lui demander de rester là, allant lui chercher un peignoir, voulant au plus vite nettoyer toutes ces traces. J’étais en train d’aspirer ma voiture, ne laissant rien au hasard. Je soupirais, conscient que je prenais d’énormes risques sans m’en être rendu compte. J’étais totalement absorbé par la fin de mon nettoyage que je ne relevais le regard dans sa direction que lorsqu’elle s’approcha de l’encadrement de la porte. Je lui souriais légèrement, m’apercevant que le peignoir était trop grand pour elle. J’haussais les épaules, coupant l’aspirateur tandis que je le rangeais en même temps.
« La douche fût bonne ? Vous vous sentez mieux ? » lui demandais-je en fermant les portières, retirant mon blouson avant d’éteindre la lumière. « Ne vous excusez pas… Vous avez eu le bon réflexe… Même si j’aurais préféré vous revoir dans d’autres circonstances… » avouais-je en lui indiquant l’intérieur de ma maison. « J’ai des affaires qui traînent… Enfin un tee-shirt… Qui devrait vous faire une robe si je ne m’abuse… » riais-je avant d’acquiescer. « On s’arrangera… Mais oui, vous allez pouvoir dormir ici… Vous me laissez juste le temps de prendre une douche à mon tour ? Faites comme chez vous, servez vous dans le frigo si vous avez faim… Ne vous gênez pas… » lui dis-je toujours avec délicatesse, me rendant à mon tour dans la salle de bain.
Je laissais tomber mes affaires, me glissant à mon tour sous la douche, prenant le temps de profiter de l’eau chaude qui coulait sur mon torse. Je ne voulais pas la faire attendre trop longtemps et décidais d’accélérer la douche, sortant rapidement, vêtue simplement d’un short et à la recherche d’un haut à mettre. J’arrivais dans le salon, m’approchant de nouveau de la jeune femme, mon haut étendu sur mon épaule avant que je ne le mette et je lui tendais trois hauts, un léger sourire aux lèvres.
« Vous serez plus à l’aise qu’en peignoir… Vous avez profité du moment pour vous restaurer ? » lui demandais-je en décidant enfin d’enfiler mon haut, me dirigeant vers mon réfrigérateur pour attraper une bière qui traînait, penchant la tête derrière la porte de l’électroménager. « Vous en voulez une ? Ou vous avez eu votre dose de mésaventure pour la soirée, une tisane et au lit ? » riais-je légèrement. « Je vous laisserais dormir dans mon lit, je dormirais sur le canapé… Les draps sont propres et il est confortable… Après si vous n'avez pas sommeil encore, on peut mettre un film si vous n'avez pas envie de parler...» riais-je en refermant la porte du frigo. Je voulais surtout tenter de la détendre et de lui faire penser à autre chose. Je finirais probablement ma leçon de morale demain matin.
Helena se crispait au fur et à mesure de la leçon de morale qu’elle subissait. D’ailleurs, elle ne comprenait pas. Que Keith s’emporte parce qu’elle l’avait mis en danger : évidemment, c’était mérité. Mais qu’il juge sa relation et ses choix … Son affolement se transforma rapidement en colère.
« Et vous, vous pensez réellement être en position pour juger ? Parce que c’est ce que vous faites, là ! Sans rien savoir, ni de lui, ni de moi. James est un crétin, alors oui, c’était un mauvais choix. Oui, il m’a entraîné dans cette soirée dangereuse, mais je ne savais pas ! Je ne savais pas où on allait ! Je ne savais pas qu’il y aurait de la drogue et des armes ! Il était si … »
Elle soupira, hésitant un instant.
« Quand je l’ai rencontré, il semblait perdu, brisé. Et moi … »
La brunette haussa les épaules.
« Je suis une optimiste. Et je pense que les gens ont le droit à une seconde chance. C’est à ça que j’aspire pour les mineurs que nous aidons à l’association. C’est parfois à ça que ressemble ma vie sentimentale. Je voulais juste l’aider à aller mieux … »
Le trajet en voiture prit fin, et Keith se transforma en flic, prenant la situation en mains et donnant des ordres qu’il n’appartenait pas à Helena de discuter. Après une bonne douche, décidée par Keith, la jeune femme le retrouva dans la maison, vêtue d’un peignoir beaucoup trop grand pour elle.
« Oui, merci. »
Elle était gênée. Elle avait la désagréable sensation d’être une enfant qui vient de faire une bêtise et qu’on ne punit pas de suite. Elle savait que la conversation avec Keith, et qu’il y aurait un second round. Elle devrait essayer de se détendre en attendant. Son hôte lui proposa d’investir son frigo pendant qu’il serait sous la douche, et s’éclipsa. Mais Helena ne mit ce temps à profit que pour déambuler entre la cuisine et le salon, observant les meubles et quelques objets de décoration, n’osant toucher à rien. C’était très étrange de pénétrer ainsi dans l’intimité du policier, et elle était d’autant plus gêné qu’il n’était pas à ses côtés pour la faire visiter. Elle avait l’impression d’être une voyeuriste qui fouinait à la recherche d’informations. Heureusement, Keith revint rapidement, portant seulement un short. Pendant un bref instant, Helena ouvrit la bouche en l’observant, la refermant instantanément en rougissant et en regardant ailleurs. Le policier se couvrit finalement et lui tendit des T-shirt.
« Merci. Non, je vous avoue ne pas avoir très faim … Par contre oui, je veux bien une bière ! C’est le minimum pour me remettre de mes émotions ! »
Elle rit à la remarque de Keith, ne lui révélant pas être à la fois morte de fatigue et surexcitée par l’adrénaline. Elle secoua ensuite la tête pendant qu’il lui proposait son lit, indiquant qu’il dormirait sur le canapé.
« Non, c’est stupide. C’est chez vous, je ne vais pas vous piquer votre lit ! Le canapé sera parfait. Et du coup on peut même aller le rester de suite ! »
Helena se rendit compte du double-sens de sa phrase, rougit et se reprit.
« Je veux dire, je suis partante pour un film, si vous voulez, ou parler. Mais pas dormir, pas maintenant. J’en serais incapable. Je vais vite enfiler un haut que vous m’avez donné et je reviens. »
La jeune femme s’éclipsa dans la salle de bain et passa un T-shirt du policier, aussi noir que ses cheveux qui descendaient en cascade sur ses épaules. Keith avait raison, on n’était pas si loin de la robe, le vêtement lui arrivant en haut des cuisses. Helena rejoignit son hôte dans le salon, s’installa sur le canapé et replia ses jambes sous elle. Elle but quelques gorgées de bière et plongea son regard bleuté dans celui de Keith.
« C’est maintenant que vous poursuivez votre sermon, ou vous m’épargnez jusqu’à demain ? »
Elle changea rapidement de sujet.
« D’ailleurs, un flic, ça regarde quoi comme type de films ? Vous aimez les films d’action dans lesquels ça tire dans tous les sens ? Ou bien vous préférez les comédies romantiques ? Je vous vois bien pleurer sur ce canapé en regardant l’héroïne se faire briser le cœur ! »
Helena était taquine, et une lueur d’amusement dansait dans son regard.
Une fois encore, nous en venions à hausser le ton. Une fois encore nos idées ne se croisaient pas. Je ne comprenais pas comment une femme pouvait se mettre en danger de la sorte. J’avais croisé des femmes battues, j’avais aussi été appelé bien trop de fois sur ce genre d’homicides. C’était peut-être mon expérience qui parlait mais j’étais presque désespéré de ne pas la voir en prendre conscience. Je n’avais pas répondu à ses questions qui me semblaient purement rhétoriques. Parce que je savais également qu’elle n’était pas prête à entendre ce que j’avais à lui dire. J’avais serré mes mains sur le volant et j’avais simplement attendu qu’elle ne finisse de tenter de m’expliquer l’inexplicable à mes yeux. Vouloir sauver l’insauvable, à coup d’optimiste et de seconde chance ? C’était ce que j’appelais de l’utopie. Ou de la folie en l’occurrence. C’était également cette même folie qui m’avait conduit dans ce qui aurait pu être un véritable guet-apens. J’avais gardé mon silence jusqu’à ce que le moteur fut coupé et que mes consignes – qui ne laissaient pas de place à l’improvisation – lui furent données et appliquées. J’aurais voulu me montrer peut-être un peu plus empathique à son égard, peut-être même que j’aurais dû la laisser s’exprimer sans intervenir. Mais c’était trop fort pour moi. Et même si je tentais de la rassurer aussi bien que je le pouvais, je préférais partir à mon tour me doucher, espérant que l’eau chaude aurait raison de ma colère sous-jacente.
J’étais revenu de courtes minutes plus tard, comme s’il était important pour moi d’avoir un œil sur la jeune femme. Pas par crainte qu’elle ne puisse abimer quoi que ce soit chez moi, mais surtout par peur qu’elle ne prenne la fuite ou qu’elle s’effondre en silence. C’était mon côté émotionnel qui prenait le dessus. Après la colère, la tristesse. Je passais même à côté de sa bouche entrouverte et de ce regard détourné à la vue de mon corps dévêtu. J’avais juste oublié que je n’étais pas seul chez moi ce soir-là. J’acquiesçais légèrement à son acceptation, me rendant vers le frigo, sortant deux bières, puis machinalement deux verres.
« Vous savez, l’alcool n’est pas le meilleur moyen pour vous remettre de vos émotions… Mais vous me ferez le plaisir de grignoter un petit quelque chose à côté… »
Je servais les bières comme si j’avais toujours fait cela, et je lui apportais l’un des verres avant de m’installer à mon tour donnant la bière à la jeune femme.
« Ce qui est stupide ici, c’est que vous n’ayez pas encore compris que vous n’auriez pas de gain de cause ce soir. Et au pire des cas, j’irais vous coucher quand vous aurez fini par céder à l’appel de Morphée… »
Je l’observais partir en direction de la salle de bain, profitant de ce moment d’accalmie pour boire une longue gorgée de bière, allumant la télé tout en zappant frénétiquement, sans faire réellement attention à ce qui se déroulait sous mes yeux. Je cessais ce changement intempestif sur une chaine musicale, et tourna la tête en direction d’Helena qui venait de revenir, lui laissant une légère place sur le canapé, tournant la tête dans sa direction, un léger rictus en coin.
« Est-ce que c’est vrai… »
Mais je me retrouvais coupé dans mon élan, la jeune femme changeant rapidement de sujets. Je ne pus m’empêcher de rire – même si cela pouvait être pris pour un geste déplacé – par cette envie même d’éviter la fin de cette discussion que nous avions commencé dans mon véhicule. Je déposais ma bière, pivotant mon torse dans sa direction avant de croiser les bras contre ce dernier.
« Vraiment ? Vous avez trop peur de ce que je vais vous dire pour vouloir savoir ce que je regarde ? » lui demandais-je sur un ton de voix un peu plus tranchant. « Vous n’y échapperez pas Helena, et peut-être qu’il serait plus judicieux d’y passer maintenant et de profiter de la suite de votre soirée. » lui fis-je remarquer en coupant le son de la télévision le temps que je puisse m’exprimer. Je ne voulais pas qu’elle soit déconcentrée par d’autres éléments.
« Alors, dans un premier temps, sachez que vous n’êtes pas Mère Thérésa… vous ne pouvez pas sauver tout ceux qui vous semblent perdus sans prendre le risque de vous perdre vous-même d’accord ? Que je sois ou non en position de juger, ce sont vos choix. Mais vous avez décidé de m’appeler quand vous étiez en difficultés, donc maintenant il va falloir assumer cette conversation. Je n’ai rien à savoir de lui… Mais j’ai le droit d’estimer que vous méritez mieux que ce genre de type… La voilà votre seconde chance, en passant votre soirée ici sur ce canapé. Celle de ne pas reproduire dans votre futur ce genre d’imbécilités sans nom… Parce que lui, aller mieux, il s’en contrefout… Ce qu’il veut c’est de la drogue, du sexe et de l’argent… »
Je m’arrêtais quelques instants pour la laisser encaisser ces paroles et pris mon verre pour le porter à mes lèvres, me stoppant avant de boire. « Je vous laisse vous-même décider ce que vous pouviez lui apporter réellement maintenant que vous avez ces éléments en votre possession… » Je buvais une longue gorgée, remettant le son de la musique en marche avant de reposer mon verre sur la table.
« Et non, je ne suis pas très films pour répondre à votre question… Mais quitte à choisir, en effet, je préfère l’action à tout le reste… Mais pour vous ce soir, je peux accepter un film à l’eau de rose, où l’héroïne tentera de sauver un cœur perdu car elle sera optimiste… Peut-être que là, cela finira bien… Et j’ai des mouchoirs d’avance pour votre cœur d’artichaut… »
Je riais légèrement, voulant tout de même la dérider. Car je ne voulais pas qu’elle se morfonde, mais qu’elle ait simplement conscience de ce qui venait de se passer. Car j’avais pu répondre à son appel, mais qui sait ce qui aurait pu se passer le cas échéant ? Rien que l’idée me plaisait guère.
De retour de la salle-de-bains, Keith servit deux bières et ils s’installèrent au salon, Helena repliant sous elle ses jambes nues. Le policier fut fidèle à lui-même, protecteur et donneur de leçons, lui demandant d’accompagner le verre d’alcool. Helena se retint de lever les yeux au ciel et ne dit rien : pour l’instant, elle n’avait pas faim, et pas envie de manger. Mais les points de frictions étaient tels qu’elle opta pour le silence, préférant choisir pour ce soir d’autres batailles. Celle sur la répartition des lits au moment du coucher en serait-elle une ? Keith semblait borné, mais la brunette aussi pouvait l’être. Elle prit un air offusqué, mais était en réalité amusée par tant d’obstination.
« Me déplacer pendant mon sommeil ? Vous n’oseriez pas ! Imaginez si vous me réveillez ! Non, je resterai ici, et vous dans votre chambre, et demain, je disparaîtrai, comme un lointain souvenir qui s’efface progressivement. »
Elle lui adressa un sourire triste et reporta son attention sur la chaîne musicale qu’il avait mis en fond sonore. Cela ne l’intéressait guère. Elle n’eut cependant pas longtemps à regarder, puisque le sermon de Keith ne se fit pas attendre. Le policier se lança dans un monologue que la brunette se garda bien d’interrompre. Il remit ensuite le son de la télévision qu’il avait coupé, semblant mettre un terme à la conversation. Mais Helena n’en avait pas fini. Elle l’observa un bref instant, avala tout son verre de bière et prit la télécommande pour éteindre à son tour le son. C’était à elle de parler, et elle voulait qu’il écoute. Sa voix était douce, presque résignée.
« Je sais … Je sais que je ne pourrai pas sauver tout le monde. Est-ce pour autant une raison pour ne pas essayer ? »
Elle plongea son regard bleuté dans celui de Keith.
« Avec James, c’est un échec cuisant, et ça aurait pu être dangereux. Encore une fois, je ne pouvais pas le savoir. Et je suis désolée de vous avoir entrainé là-dedans. Mais ce n’est pas le cas de tous. Les enfants dont je m’occupe, à l’association, ont également besoin de cette seconde chance. Qu’est-ce qui me permettrait de juger que telle personne ne mérite pas qu’on l’aide ? De quel droit je ferais ce choix ? Si je peux aider, je le ferai toujours. »
Elle sourit légèrement et se pencha vers le policier, posant sa main sur le cœur de ce dernier, à travers son T-shirt.
« Vous aussi, vous m’avez aidé. Vous m’offrez en effet cette seconde chance. Je ne peux pas croire que ce soit uniquement votre petit côté cowboy qui vous a poussé à intervenir … Vous vouliez m’aider. »
Helena retira sa main, rougissant légèrement, et sourit.
« Merci. Et désolée de vous avoir mis en danger. »
Si elle était sincère, elle ne se rendait pour l’instant pas compte de ce qui aurait pu se passer, sans doute boostée par l’adrénaline qui coulait encore dans ses veines. La jeune femme remit le son de la télé et tendit son verre vide à Keith.
« Je peux avoir autre chose ? Du plus fort ? »
Son regard était empli d’espoir, presque enfantin. Elle leva ensuite les yeux au ciel en rigolant aux remarques du policier sur le film à choisir.
« Je crois que je me passerai bien en effet d’un film avec des flingues ou de la drogue. Je suis vaccinée pour la soirée. Mais si vous préférez aller vous coucher, allez-y. Je ne veux pas vous forcer à veiller ou à regarder un film qui ne serait pas assez masculin pour votre côté cowboy ! »
Elle rit avant de poursuivre.
« Je vais regarder encore un peu la télé et j’essaierai de dormir ensuite. Ça va aller, vous pouvez y aller. »
Elle n'avait pas envie qu'il parte et la laisse seule, mais elle voulait se montrer forte.
J’aurais pu croire que j’étais en train de passer une soirée détente avec une amie comme si de rien ne s’était passé, nous deux assis dans le canapé, une bière à la main. Alors oui, je n’avais vu qu’une fois la jeune femme dans le cadre d’une enquête et l’apercevoir dans l’un de mes tee-shirts sur mon canapé aurait pu me paraitre étrange. Pourtant je ne dérogeais pas à la règle de leçon de morale et je tentais d’imposer ma façon de voir la suite des évènements. Et à voir l’air faussement offusqué pris par Helena, je me suis demandé le temps d’un court instant si je n’étais pas en train de revivre un moment que j’avais déjà vécu.
« L’espoir fait vivre… » tranchais-je dans un soupir à la fin de son monologue en espérant qu’elle prenne conscience que cela ne se produirait pas. « Vous finirez par céder, de fatigue… Ou bien vous finirez par dormir avec moi… Au moins je serais sûr que vous aurez fermé l’œil de la nuit ! » admettais-je en m’appuyant sur cette excuse pour lui faire accepter ce deal qui était celui qui me semblait le plus adapté à nos deux forts caractères… Et celui qui me dérangeait le moins, je devais l’admettre. Après tout, ce n’était pas forcément pour me déplaire que d’imaginer une nuit avec une jeune femme aussi jolie dans mes bras. Je divaguais, et fort heureusement que mon idée de la sermonner revenait à la charge, pour laquelle je ne me fis pas prier. Même si elle semblait admettre que j’avais raison, qu’elle acceptait ses torts… Mais… Voilà qu’elle voulait se justifier. J’avais envie de laisser un soupir s’échapper puis je me contentais d’accrocher mon regard au bleu du sien, l’écoutant attentivement tandis que je venais chercher – par pure déformation professionnelle – la petite analyse comportementale qui pourrait me faire mettre le doigt sur une faille qu’elle n’admettrait probablement pas.
Je l’écoutais attentivement, mon regard glissant en direction de cette main qu’elle venait de poser contre mon torse, mon souffle s’arrêtant. J’eus même l’impression de rater un battement de cœur, puis un second, reprenant contenance que lorsqu’elle retira sa main. J’en arrivais même au point de me demander si j’avais bien tout compris dans les informations qu’elle avait pu me donner, ou si j’étais resté bloqué sur ce geste qui m’avait décontenancé. Je restais même un court instant silencieux, le regard posé dans le sien, me mordant la lèvre inférieure avant de me relever et de fuir son regard à elle. « Entre aider toujours et s’oublier, et aider sans se mettre en danger, il y a deux mondes Helena… Et si je suis venu ce soir, c’est parce que vous m’avez demandé de l’aide… je ne serais pas venu de mon plein gré… Ne comparez pas deux choses qui ne le sont pas… Vous m’appelez, je viens, c’est le service que je vous devais suite à notre première rencontre. Nous sommes quittes dorénavant. » conclus-je en partant vers le placard qui renfermait mes bouteilles d’alcool. « J’ai du whisky ou de la vodka… Mais vous n’allez pas vous souler ici quand même ? Quoi que je devrais pouvoir réussir à vous soulever pour vous coucher... » lui demandais-je en ramenant les deux bouteilles pour lui mettre à sa disposition, lui laissant faire le choix. Je déposais un verre face à elle, restant avec ma bière avant de me rasseoir à ses côtés.
« Vous n’avez vraiment pas de chance Helena, je n’avais pas prévu de me coucher initialement… Alors mettez ce que vous souhaitez, parlez si vous en avez envie, videz les deux bouteilles si c’est ce qu’il vous faut, mais tant que vous ne serez pas couchée dans ce lit qui vous attend, je resterais éveillé que cela vous plaise ou non… » lui dis-je en buvant une longue gorgée de ma bière. « Par chance, vous êtes tombée sur plus têtu que vous… » rajoutais-je dans un clin d’œil. « Quant à mon côté cowboy, il vous remercie de s’inquiéter pour lui… Comment pourrais-je vous mettre hors de vous si je ne l’avais plus… » me moquais-je gentiment en venant la pousser délicatement de mon épaule pour tenter de la faire sourire. « Ne bougez pas… » dis-je soudainement en me levant, partant au fond du couloir quelques instants – peut-être longs – avant de revenir avec un plaid, venant le déposer sur les jambes de la jeune femme. « Paraitrait-il que vous les femmes, adoraient ce genre d’objets… » dis-je dans un soupir faussement désespéré. « Ce sera plus sympathique pour regarder encore un peu la télé… » lui dis-je dans un clin d’œil avant de me réinstaller confortablement, m’étirant de tout mon long pour lui faire comprendre que je ne bougerais pas d’un iota tant qu’elle ne l’aurait pas fait. Cela aurait été mal élevé de faire cela.
Helena était affirmative : elle ne laisserait pas Keith prendre le canapé. Il était chez lui, il était pour elle normal qu’il puisse bénéficier de son confort. Mais le policier ne l’entendait pas de cette oreille, lui proposant de dormir avec elle. Merde ! Etait-ce une réelle proposition ? Si c’en était une, elle dirait oui sans hésiter. Mais peut-être essayait-il simplement de ruser. Après tout, il semblait bien borné. Helena rougit, restant sans doute trop longtemps silencieuse.
« Vous et moi … ? Je … je ne suis pas sûre de fermer l’œil de la nuit. »
Le double sens de ses paroles la frappa soudain, alors qu’elle rougissait de plus belle.
« Mince ! Je veux dire, après la soirée agitée qu’on a vécue … »
Pour tenter de calmer son embarras, elle finit sa bière, sans doute bien trop vite. S’ensuivit une discussion sur les secondes chances qu’Helena accordait, et la jeune femme ne put s’empêcher de pointer les similitudes entre son comportement et celui de Keith, qui l’avait sauvé ce soir. Elle le remercia sincèrement, ôtant la main qu’elle avait posé sur le cœur du policier. Mais ce dernier se releva, fuyant le contact, et niant les ressemblances. Ses paroles blessèrent la jeune femme.
« Nous sommes quittes ?! Vous ne m’avez donc aidé que parce que vous aviez l’impression de me devoir quelque chose ?! Et si je vous avais appelé et que vous aviez considéré ne rien me devoir ? Vous m’auriez laissé là-bas ? »
Helena était choquée et en colère. Alors que le policier posa deux bouteilles d’alcool devant elle, la jeune femme se saisit de la vodka et s’en servit une grosse quantité qu’elle but immédiatement. Elle observa ensuite Keith qui, une nouvelle fois, lui fit un sermon.
« Et qui va m’en empêcher ? Vous et vos leçons de morale ? »
Le jeune homme était têtu, encore plus qu’elle, il avait raison. Il lui garantit qu’il n’irait pas se coucher tant qu’elle ne dormirait pas. Elle soupira et prit la télécommande alors qu’il s’absentait. Il revint avec un plaid, faisant esquisser à la jeune femme un léger sourire alors qu’il le déposait sur ses jambes nues. Mais elle était toujours fâchée et lança une comédie romantique, rien que pour agacer le policier. Alors que le film démarrait, elle se retourna vers le brun.
« Je parie que vous finirez par vous endormir avant moi ! Ici-même ! Et je vous … traînerai sans ménagement jusqu’à votre lit ! »
Elle lui aurait bien tiré la langue pour appuyer son propos, mais se contenta de hausser les sourcils, un air amusé sur le visage.
La discussion me semblait sans fin. Nous étions réellement en train de batailler pour savoir qui dormirait dans un lit alors que la solution radicale me semblait être celle qui mettrait tout le monde d’accord. Du moins c’est ce que je pensais avant de l’admettre à voix haute et de voir la jeune femme rougir et ne pas répondre. J’aurais eu envie de passer une main face à son visage pour la faire réagir. Ce ne fût heureusement pas nécessaire, alors qu’elle semblait s’enfoncer un peu plus dans la gêne occasionnée par cette idée. « Ne pas fermer l’œil de la nuit ? » répétais-je pour être simplement sûr de bien comprendre ce qu’elle sous-entendait avant de rire légèrement. « Rassurez-vous, je ne ronfle pas… » admettais-je en haussant les épaules en guise de réponse. « Justement, la soirée a été bien agitée votre nuit devrait être calme… » lui dis-je dans un léger rictus alors qu’elle venait de descendre d’une traite sa bière, m’obligeant à rire de plus belles. « Les toilettes sont face à la chambre si jamais votre corps décide que le taux d’alcool de la soirée est trop élevé ! » ironisais-je pour essayer de changer le ton de la soirée. En vain. J’avais cette fâcheuse tendance à vouloir sermonner cette jeune femme. Allez savoir pourquoi sa sécurité m’importait depuis notre rencontre. Je décidais de l’écouter, de ne pas relever chacun de ses mots, de ses interrogations sur les raisons de mes gestes et je me contentais d’hausser les épaules pour lui faire comprendre que le doute était aussi présent chez moi. Je préférais fuir cette pression une fraction de seconde en allant chercher de quoi la couvrir et je revins dans la pièce, m’installant à côté d’elle tout en détaillant l’écran qui se trouvait face à nous. « Vraiment ? Vous n’avez rien trouvé de mieux dans toute la liste de films ? » lui demandais-je en espérant qu’elle se marrait et qu’elle changerait le tout suite à ma remarque. Elle n’en fit rien, m’arrachant un long soupir, venant me masser les tempes avant de m’installer à mon tour confortablement. « C’est ce que vous pensez Helena… » lui dis-je avec un sourire en coin, la défiant du regard tout en venant me blottir contre elle pour récupérer un bout de plaid. « Vous allez devoir partager cette couverture, car je ne compte pas bouger d’ici, et vous ne réussirez pas à me bouger non plus… » dis-je en venant récupérer un bout de plaid, mon bras se glissant derrière ses épaules tandis que mon regard n’osait plus se poser dans le sien, concentré sur le film qui défilait. « Je peux vous raconter la fin du film, comme cela vous ne serez pas déçue de ne pas le voir et vous allez pouvoir vous coucher plus tôt non ? » lui demandais-je subitement, tandis que mon regard tournait légèrement dans sa direction, se posant directement sur ses lèvres. Je déglutissais, me reconcentrant sur le film, tandis que mes doigts parcouraient le long de ses épaules avec délicatesse. « Tous les films à l’eau de rose sont tournés de la même façon, quel intérêt vous y trouvez à regarder ça ? » lui demandais-je soudainement pour tenter de me changer les idées naissantes. Pourtant je sentais ma peau s’électrifiait contre la sienne, et je savais pertinemment que l’idée qui venait de m’effleurer l’esprit n’était probablement pas la meilleure des idées que j’avais eu ce soir. Et pourtant, elle se faisait plus intense. Tellement que je décidais de me lever. « Vous avez gagné. » admettais-je presque déçu. « Je vous laisse le canapé si vous y tenez tant. Mais je peux aussi vous proposer un bout de lit, nous sommes assez grand pour non ? C’est vous qui déciderez, je ne voudrais pas vous contredire et prendre le risque de voir ma table retournée… » Je lui souriais délicatement, haussant les épaules avant de venir embrasser sa joue avec tendresse, frôlant ses lèvres sans m’en rendre compte. « Bonne nuit Helena. » conclus-je en prenant la direction de ma chambre. Le choix ne m’appartenait plus et j’en étais presque heureux.
La conversation devenait particulièrement embarrassante. Les sous-entendus de Keith étaient de plus en plus clairs, et la maladresse d’Helena, de plus en plus gênante. Le jeune homme s’éloigna un instant, sans doute pour échapper aux foudres de la brunette, qui avait déversé sa colère contre lui. Ce n’était pas très juste, alors qu’il l’avait sauvé, mais il pouvait être si exaspérant. Elle en avait assez de ses serments, assez qu’il dise qu’il était venu parce qu’il lui devait quelque chose … Elle était furieuse, et blessée. Keith revint quelques instants plus tard avec un plaid dont il couvrit une Helena qui commençait à ressentir les effets de l’alcool qu’elle avait bu, beaucoup trop vite. Son hôte s’installa contre elle, passant son bras derrière ses épaules. Helena tourna le visage vers lui, perturbée, tentant de capter son regard pour saisir ses intentions. Mais il semblait obstinément concentré sur le film, alors qu’il le critiquait ouvertement. Il se tourna finalement vers elle, laissant ses doigts effleurer les épaules d’Helena qui frissonna à ce contact. Il parlait, mais elle n’écoutait, concentrée sur les picotements qui partaient de ses épaules pour gagner tout son corps, alors que son cœur battait un peu plus vite. Pourtant, Keith se leva soudainement, alors qu’Helena fronçait les sourcils. Elle était perdue, ne sachant que faire de ce retournement de situation, alors qu’il lui annonçait qu’il allait se coucher. Il se pencha pour l’embrasser sur la joue, frôlant ses lèvres. Pendant un instant, Helena faillit le retenir et l’attirer à elle, mais il s’écarta brusquement et quitta la pièce.
Après le départ de Keith, la brunette éteignit rapidement la télévision. Elle n’avait pas envie de regarder un film stupide. Ne pourrait de toute façon pas se concentrer sur les images qui défilaient. Elle était hésitante, tentant d’interpréter les signes de son hôte. Elle se leva subitement, bien décidé à le rejoindre avant qu’il ne s’endorme. Elle laissa le plaid au salon et parcourut la maison à la recherche de la chambre, dans son T-shirt beaucoup trop grand pour elle. Elle toqua doucement à la porte entrouverte, la poussant délicatement pour vérifier que Keith ne dormait pas.
« On pourrait ptet … gagner tous les deux ? »
La jeune femme se glissa sous les drapes, à côté de Keith, laissant ses doigts courir le long de sa mâchoire.
« Je veux pas rester seule. »
Elle avait fait un pas énorme en venant rejoindre Keith dans son lit. S’il voulait la même chose qu’elle, elle le laisserait combler les derniers centimètres qui les séparaient.
Fuir. Voilà la seule chose pour laquelle j’étais bon ce soir, dans cette situation. J’avais l’impression que cette soirée riche en rebondissements ne me laisserait aucun répit. Comme si elle durait bien plus de temps qu’en réalité. Était-ce cette présence féminine confortablement installée sur mon canapé qui me rendait si impatient ? Ou la tension que je sentais naître entre nous deux me faisait perdre pieds. Je décidais que les sermons étaient terminés pour ce soir. Parce que j’avais confiance en la capacité d’Helena de se remettre en question. Et surtout parce que je n’avais d’yeux que pour son regard qu’elle posait sur moi. Je m’étais surpris à la détailler, à laisser un peu plus longtemps que prévu mon regard sur ses lèvres. Et rien que pour cela, il était temps que je fuis. Pour éviter de déraper. J’admettais ma défaite de ce soir. Après tout, je ne pouvais pas gagner à tous les coups. Même si j’avais intimé certains gestes à son attention. Que je tentais de rester captiver par ce film à l’eau de rose dégoulinant d’un trop plein de guimauves que je ne supportais plus. A moins que ce ne soit les frissons que je venais de ressentir sur le corps d’Helena. J’étais à deux doigts de déraper. Et il fallait que je parte.
J’avais quitté la pièce, espérant intimement qu’elle ne décide pas de passer la nuit seule sur ce canapé. J’étais en train de tourner sous les draps, le regard fixé sur le plafond, un bras confortablement calé derrière ma nuque. Je tentais de reprendre mes esprits, et de trouver le sommeil en paix. Pourtant je me redressais en entendant des bruits provenant du salon, dans le doute que les pas de la jeune femme ne l’emmènent jusqu’au seuil de la porte de ma chambre. Je m’apprêtais à lui répondre quand elle poussa d’elle-même la porte précédemment fermée.
« Je déteste perdre… » murmurais-je en la laissant s’installer à mes côtés, me tournant dans sa direction, fermant les yeux en sentant ses doigts parcourir mon visage. Je souriais légèrement, mes bras venant attraper sa taille pour la rapprocher de moi. Naturellement mon index vint se poser sur ses lèvres. « Je suis là. » lui dis-je simplement en rouvrant les yeux, l’admirant dans un sourire tandis que je venais clore mes paroles d’un baiser délicat, ma main caressant sa joue. Je prolongeais le baiser, ma seconde main parcourant son corps du bout des doigts, comme pour l’appréhender et retenir chaque parcelle de son corps. « Tu es peut-être fatiguée… » dis-je simplement en me reculant, gardant un bras autour d’elle comme pour la rassurer du mieux que je le pouvais, tandis que je reprenais la contemplation de mon plafond, ma respiration se voulant plus rapide que précédemment. « Je peux attendre que tu t’endormes si tu veux… » dis-je dans un sourire en coin, mes lèvres venant se poser longuement sur son front. J’étais étrangement à l’aise dans cette situation que je n’avais jusqu’à lors pas imaginé. Je venais masser sa nuque, tentant de m’endormir par la même occasion, alors que je sentais mon cœur battre à tout rompre. « C’est bon tu as gagné ? » lui demandais-je de façon rhétorique, tournant une fois de plus mon regard dans sa direction. J’étais définitivement incapable de m’endormir maintenant.
Cette soirée prenait une tournure étrange. En se préparant à sortir, Helena ne pensait pas qu’elle se retrouverait sur le canapé de Keith, à moitié nue, vêtue uniquement d’un T-shirt du policier, bien trop grand pour elle. La jeune femme ne pensait pas que son petit-ami tenterait de lui faire consommer de la drogue et l’emmènerait dans un entrepôt où les attendraient des hommes armés. Mais pour être tout à fait honnête, à ce moment précis, les heures précédentes semblaient s’effacer. Helena n’avait sans aucun doute pas pris conscience de la gravité de la situation, de ce qui aurait pu se passer. Et elle n’était à l’heure actuelle pas capable d’analyser la soirée. D’ailleurs, elle ne le voulait pas. Les sermons de Keith l’avaient agacé, mais même ça, elle avait réussi à l’oublier quand les doigts du policier s’étaient promenés sur sa peau nue, déclenchant des frissons dans son corps tout en entier. Mais Keith s’était levé et avait quitté le salon pour rejoindre sa chambre, laissant Helena seule et pantelante.
La jeune femme avait hésité à rejoindre le policier dans sa chambre, mais son désir avait finalement guidé ses pieds jusqu’au lit de Keith. Elle s’était glissée entre les draps, alors que le jeune homme l’avait attiré à lui en l’agrippant par la taille. Il l’avait embrassé doucement, tendrement, alors que c’était la passion qui se diffusait dans le corps tout entier d’Helena.
« Tu es peut-être fatiguée … Je peux attente que tu t’endormes si tu veux … »
La jeune femme avait secoué la tête alors que Keith la surprenait encore en déposant un tendre baiser sur son front.
« Je n’ai pas sommeil … »
Le policier, qui fixait le plafond en tentant de s’endormir, se tourna à nouveau vers Helena.
« C’est bon, tu as gagné. »
La brunette sourit en se rapprochant à nouveau de Keith. Son cœur battait à tout rompre, alors que la passion l’envahissait à nouveau. La journée avait été longue, et pourtant la jeune femme avait l’impression de déborder d’énergie. Toute idée de s’endormir l’avait quitté depuis longtemps, alors qu’elle caressait les jambes de Keith avec son pied, remontant petit à petit de plus en plus haut. Elle l’observait en se mordillant la lèvre, une étincelle d’amusement dansant dans son regard.
« Je vais très bien, Keith, et je ne suis pas en sucre. »
Et pas certaine qu’il comprendrait le sous-entendu, pourtant super clair, elle se redressa un peu pour être au-dessus de Keith et l’embrassa passionnément, lui démontrant tout le désir qui l’animait.