"Seems like a good moment to get your shit together"
Victoire reprit conscience dans l’ambulance, elle ouvrit les yeux avec difficulté, les lumières vives au dessus d’elle l’éblouissaient. Elle avait mal mais elle ne savait pas où, il y avait deux personnes penchées sur elle. Elle se rappela de la brune qui était en train de lui demander comment elle se sentait. Elle se rappela d’elle car elle l’avait auscultée sur le trottoir après l’accident. L’accident… Elle avait eu un accident de voiture. Elle avait perdu conscience ou bien ils l’avaient endormie ? Depuis combien de temps était-elle inconsciente ? Ignorant la question de la secouriste, elle essaya de se redresser mais une vive douleur aux cervicales lui arracha une grimace. Elle réalisa également qu’elle avait une sorte de minerve rigide maintenant sa tête en place. La brune lui intima de ne pas bouger et lui demanda si elle se rappelait de ce qu’il s’était passé. Victoire croassa : « J’étais au volant… J’ai eu un accident… »
La même brune lui confirma cette information et ajouta qu’elle avait subi un coup du lapin dû à la violence du choc et que l’airbag l’avait sauvée. Mais qu’elle ne devait pas bouger car tant que des examens ne seraient pas effectués, ils ne pouvaient écarter un risque de paralysie. Le regard de Victoire s’emplit de panique et elle agita les bras et les jambes pour vérifier si elle pouvait les bouger. Elle pouvait, mais une grimace de douleur tordit son visage. La deuxième personne qui était à ses côtés, un homme, la regarda avec un air sévère : « Arrêtez de bouger ou on va devoir vous immobiliser les bras et les jambes. Avez-vous consommé de l’alcool ou d’autres substances avant de prendre le volant ? »
*Très probablement* pensa-t-elle avant même d’y réfléchir. Quel était son dernier souvenir, avant celui d’être allongée sur le bitume avec la secouriste brune ? Être au volant de sa voiture, pleurer avec un pétard au bec en conduisant… Où est-ce qu’elle allait ? Elle rentrait chez elle, oui, elle était passée au magasin pour acheter du whisky… Elle avait ouvert la bouteille dans la voiture… Elle se sentit stupide, elle se sentit coupable. *Est-ce que tu voulais mourir ? Ca allait finir par arriver… Tu aurais pu tuer quelqu’un, bordel !* Se rendant compte qu’elle ne savait pas si elle s’était plantée dans un mur ou contre une autre voiture, elle demanda : « Est-ce que… il y avait d’autres… blessés ? »*Pas de mort, pas de mort, s’il vous plait seigneur, je ne vous demande jamais rien, mais dîtes moi que je n’ai tué personne* Mais la brune la rassura, elle avait foncé dans un réverbère et il n’y avait aucun autre blessé. Elle lui reposa la question sur sa consommation de substances, insistant que c’était important d’être honnête si jamais ils devaient la mettre sous anesthésie et Victoire ferma les yeux honteuse tout en répondant : « Du whisky et du cannabis… Je suis désolée, je mériterai d’y rester… »
Quand elle rouvrit les yeux, elle surprit un regard entendu entre les deux secouristes. Ils devaient penser qu’elle avait des pensées suicidaires. Et après tout, ça lui était arrivé régulièrement tout au long de sa dépression sans fin. Soudain, l’ambulance s’arrêta, ainsi que la sirène. Victoire prit peur subitement, elle réalisa ce qu’il était en train de se passer, elle arrivait à l’hôpital, ils allaient peut-être l’opérer, elle ressortirait peut-être de l’hôpital en fauteuil roulant, elle allait peut-être mourir ? Victoire ne se rendait pas compte de la gravité de son état mais ses angoisses étaient en train de la submerger. Elle s’agita et l’homme commença à l’immobiliser en la plaquant sur la civière, exerçant une pression au niveau de ses bras et lui répétant de ne pas bouger. La porte de l’ambulance s’ouvrit sur la nuit noire et Victoire entra définitivement en panique sentant le poids de l’homme sur elle, tel un écho de ses pires souvenirs. Elle cria à l’encontre de l’homme, se débattant de plus belle : « NE ME TOUCHEZ PAS ! NE ME TOUCHEZ PAS ! »
La douleur la submergea et lui brouilla la vue, elle sentit qu’elle allait retomber dans l’inconscience et supplia la brune d’une voix nébuleuse : « Dîtes lui de me lâcher, ne les laissez pas me toucher, seulement une femme, pas d’homme… » Elle sombrait mais elle sentit la poigne du secouriste se relâcher, la brune se mit à lui parler d’une voix douce sans interruption. Elle lui promit de l’accompagner et de demander à ce qu’elle soit auscultée par des femmes uniquement, elle lui demandait de rester calme, continuait à lui déblatérer des paroles rassurantes tandis que le monde autour se mettait en mouvement. Avait-elle la tête qui tournait à cause du traumatisme crânien ? Etaient-ils en train de la transporter ? Peut-être les deux. Puis elle sentit un picotement dans le bras et sombra totalement dans l’inconscience alors qu’ils venaient de l’endormir avec une injection.
La brune tint parole et fit des pieds et des mains pour que des médecins exclusivement féminines se chargent d’ausculter Victoire. Ils profitèrent de son inconscience pour lui recoudre l’arcade sourcilière et lui faire des radios. Puis ils l’installèrent dans une chambre où devait venir une interne en chirurgie, la seule femme chirurgienne présente cette nuit-là. Victoire commença à émerger avant qu’elle n’arrive, elle se retrouva seule dans une chambre d’hôpital, les mains et pieds attachés au lit pour l’empêcher de se blesser. Sur un écran lumineux des radios étaient exposées, probablement les siennes. Désorientée, Victoire mit quelques secondes à se rappeler ce qu’elle faisait là, et quand les souvenirs lui revinrent, elle paniqua à nouveau. L’avaient-ils opéré ? Etait-elle paralysée ? Elle essaya de bouger ses jambes et sentit les liens qui l’enserraient *Au moins, tu sens tes jambes*
C’est alors qu’une jeune femme entra dans la pièce, une blonde avec une blouse qui s’avança vers elle et sans même penser à la saluer, elle la questionna avec le visage déformé par la peur : « Je… je vais être paralysée ? Je vais pouvoir remarcher un jour ? » Les larmes coulaient sur ses joues, elle avait peur d’avoir finalement réussi à se pourrir définitivement la vie avec son comportement de merde. Elle ne savait pas que la future chirurgienne n’avait même pas pris connaissance de ses radios pour le moment et qu’elle serait incapable de lui répondre dans l’immédiat.
Billie avait passé la journée chez elle puisqu'elle était de garde cette nuit là. Elle ne se fatiguait donc pas puisque si il y avait une urgence, il y avait une chance qu'elle opère et la fatigue faisait légèrement trembler ses mains en plus de baisser sa concentration. Encore, ses mains, elle pouvait les garder stable si elle prenait le temps mais son mental était crucial. Elle pouvait avoir une fracture comme la vie de quelqu'un entre les mains. Elle tenait à son métier et elle voulait faire au mieux, toujours donc c'était important pour la jeune femme de faire attention à sa condition physique et mentale. Elle était donc restée chez elle à regarder des épisodes de sa série du moment, faire un peu de musique, relire ses cours et lire quelques chapitres d'un bouquin et elle prit même le temps de faire une sieste pour être totalement en forme. Son réveil sonna et il était donc l'heure de prendre une douche puis de préparer ses affaires pour se rendre à Pacific Wellness. Elle alla donc dans sa salle de bain et elle se déshabilla avant de se glisser sous l'eau chaude. Une fois sortie, elle se sécha et se prépara pour sa nuit. Elle attacha ses cheveux en une queue de cheval haute, mit ses affaires dans son sac et elle était prête pour aller au boulot. Billie attrapa les clés de sa Mustang et elle se mit en route vers la l'hôpital.
Sur son chemin, elle vit une dépaneuse récupérer un véhicule qui s'était crashé dans un poteau. Elle était loin de se douter qu'elle allait se retrouver face à la personne qui avait eu cet accident plus tard dans la soirée. Elle se dit, en observant la voiture se faire accorchée, que la personne ne s'était pas raté. Visiblement, il n'y avait pas de victime autre que la personne au volant. C'était une bonne chose même si c'était dommage pour le conducteur, à moins que ce soit une personne irresponsable et encore, méritait-il, ou elle, d'être gravement blessé ? Ça faisait une leçon qu'ils n'oublieraient pas mais tout de même, tout être humain peut faire des erreurs. Elle se reconcentra sur la musique qui passait, s'arrêtant au feu rouge alors qu'elle tapotait son volant du bout de doigts en rythme. Elle repassa la première puis la deuxième avant d'arriver, cinq minutes plus tard, à la clinique. Billie se gara et elle passa son pass pour ouvrir la porte des urgences, accédant plus rapidement à son service de ce côté là et elle prit l'ascenseur.
« Ding », la cabine arriva à son étage et alors qu'elle pensait pouvoir prendre le temps de se poser, surtout qu'elle avait un peu d'avance, elle fut happée par une ambulancière.
-Vous êtes là ! -Mh.. ?
Billie se retourna et elle se retrouva face à face avec la jeune femme, un air interrogateur sur le visage, accentué par son sourcil droit qui était haussé.
-On a une jeune femme qui a eu un accident de voiture mais elle refuse qu'un homme l'ausculte. -Jeune femme... Seize ans ? -La trentaine. -C'est pas mon domaine... fit Billie en secouant doucement la tête. -On sait bien mais ce soir, comme par hasard, vous êtes la seule femme qui est présente en chirurgie. Il faut juste l'ausculté pour voir si y a besoin d'opérer.
Billie soupira doucement en entendant les paroles de la jeune femme. Il fallait évidemment que ça tombe sur elle. Elle n'était pas contre mais le corps d'un enfant et celui d'un adulte, même si ils avaient les même bases, n'étaient quand même pas tout à fait pareil. Et puis, elle n'était pas censé s'occuper de ça à la base mais se restreindre à son service. Cependant, c'était un être humain dans le besoin de soins et avec une demande particulière qu'elle ne pouvait pas juger puisqu'elle ne connaissait pas son passif.
-Très bien... Je vais m'en occuper mais vous vous chargerez d'expliquer ça à mes supérieurs. Je suis en pédiatrie à la base... M'enfin, d'accord. Je vais déposer mes affaires et j'irais voir. C'est quoi son nom ? -Victoire Laclos. -Merci. -Merci à vous, désolé du dérangement. -Mh, non. C'est rien.
Billie se rendit compte qu'elle n'avait peut-être pas été des plus agréables avec cette ambulancière. Elle n'était pas encore totalement remise de sa sieste, surtout qu'elle n'avait pas bu son café. Elle alla donc à son vestiaire et déposa ses affaires, enfilant sa blouse. L'interne prit ensuite le temps de se commander un café à la machine et elle le but sur le chemin de la chambre. Elle avait le nom mais pas le numéro donc elle regarda rapidement la liste, jetant son gobelet au passage et elle alla ensuite à la chambre.
Elle arriva devant le lit et elle prit le calepin pour lire les informations sur la jeune femme. Victoire... L'ambulancière avait eut du mal à dire son prénom et il était certain que ce n'était pas facile à prononcer pour quelqu'un d'anglophone. Billie fronça les sourcils, entendant la question de la jeune femme et pourtant elle l'ignora complètement.
-Comment ça se prononce ? demanda Billie en relevant les yeux sur cette jeune femme, immobilisée. Ah, on a la bougeotte à ce que je vois, dit-elle avec un sourire amical.
Elle tentait juste de détendre un peu l'atmosphère.
-Pour ce qui est de votre état... Faut que je regarde vos radios, dit-elle avec un fin sourire.
L'interne se tourna donc sur les radios et elle observait les séquelles. Elle n'était pas vraiment sûre qu'il soit nécessaire qu'une opération soit effectuée. Un peu de kiné et ça devrait soulager ses douleurs à force tout en remettant le tout en place. C'est pas agréable mais rien de très conséquent à première vue. Elle s'avança vers le lit et elle vint glisser ses doigts sur son cou pour glisser à sa nuque. Elle la palpait doucement, évitant de lui faire mal et de déplacer quelque chose si c'était plus qu'il n'y paraissait sur les radios.
-Il vous est arrivé quoi ? fit-elle pour la distraire un peu et voir si tout se passait bien au niveau cérébral. Vous avez consommé des médicaments, de l'alcool ou d'autres substances ?
Sa question était justifiée pour une prise de médicaments ou autre au cas où la douleur serait trop forte puisqu'elle allait très certainement passer la nuit dans cette chambre.
-C'est une grosse douleur ou une très grosse gêne si j'appuie là.. ? demanda-t-elle en appuyant donc sur la zone qu'elle indiquait. Et tant qu'on y est à part l'arcade et la nuque... Des douleurs ou d'autres gênes ? fit-elle ensuite en se reculant. Elle prit son stylo et vint rapidement glisser le bout sur la plante de ses deux pieds. Mh... C'est bon signe, vous réagissez bien, ajouta Billie en le rangeant, reposant les yeux sur la jeune femme avec un fin sourire chaleureux pour la rassurer un peu et lui montrer qu'il n'y avait pas de raison de paniquer.
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Toute à sa panique de ne pas savoir ce que l’avenir lui réservait, Victoire avait lâché les questions vitales qui la tourmentaient à la première venue en espérant que ce soit son médecin. Quand la jeune femme répondit à sa question par une autre question, Victoire, interloquée, ne comprit pas tout de suite ce qu’elle lui demandait. Elle bredouilla : « Qu…quoi ? » Puis rapidement, elle comprit qu’elle parlait de son nom, cette question elle l’entendait en permanence dès qu’elle avait affaire à l’administration ou plus généralement, dès qu’elle devait présenter ses papiers d’identité. Elle répondit avec empressement car elle se fichait bien que la jeune femme prononce bien son nom : « Victoire Laclos. Vous pouvez m’appeler Vic. » Entre temps, la jeune femme avait levé les yeux de ses notes pour constater les liens qui immobilisaient Victoire et fit une remarque que Victoire trouva déplacée bien qu’elle fut accompagnée d’un sourire amical. *C’est super drôle, je suis en panique, je suis attachée au lit… J’ai vraiment envie de plaisanter, là tout de suite maintenant* Victoire se renfrogna et demanda : « Vous pouvez me détacher maintenant ? C’est juste l’autre qui a mis ses sales pattes sur moi… Je ne vais plus bouger… »
Mais elle devait d’abord consulter les radios avant de se prononcer sur son état et donc de la libérer de ses entraves. Victoire serra la mâchoire inconsciemment en observant la jeune femme scruter les radios. Son visage ne traduisait rien de très clair quand au pronostic, de plus, même si Victoire ne portait plus l’imposante minerve de l’ambulance, elle n’osait pas tendre le cou pour mieux voir l’expression de la jeune femme. Toujours sans rien dire, la blonde s’approcha du lit et entreprit de palper son cou et sa nuque, un éclair de douleur arracha une grimace à Victoire qui se remit à la questionner : « Vous êtes médecin ou infirmière ? Dîtes-moi… Qu’est-ce que j’ai ? »
La femme lui demanda ce qui lui était arrivé et elle répondit : « Un accident de voiture… Apparemment, j’ai foncé dans un poteau… » puis, elle lui posa la même que celle de l’ambulance : qu’avait-elle consommé ? Victoire sentit à nouveau la honte et la culpabilité la submerger. Elle répondit mal à l’aise : « Ils m’ont déjà posé la question dans l’ambulance… » Victoire soupira, elle n’allait pas y couper alors autant ne pas lutter et elle avoua : « J’avais bu du whisky et fumé du cannabis… Et… J’ai une prescription pour des antidépresseurs, mais je les avais pas encore pris… »*Voilà tu vas être direct cataloguée comme l’alcoolique junkie et suicidaire de service, emballé c’est pesé* Elle se sentit obligée d’ajouter : « J’ai passé une journée de merde… Je sais que ce n’est pas une excuse mais… »
La jeune femme, continuant de l’ausculter, effectua une pression à un endroit stratégique et arracha un grognement de douleur à Victoire qui s’empressa de répondre : « Douleur, douleur ! »*Qu’est-ce que ça veut dire si j’ai mal et pas une gêne ? C’est grave ?* A présent, Victoire avait de plus en plus peur d’entendre le verdict de la jeune femme et elle n’osait même plus lui redemander. Son corps se réveillait peu à peu maintenant que le sédatif ne faisait plus effet et elle avait l’impression d’être une buche, raide et douloureuse. Quand l’interne en chirurgie lui demande si elle avait d’autres douleurs, elle se concentra un instant pour essayer de localiser ses différentes sensations et elle répondit : « J’ai mal à la tête et à l’épaule gauche. Au dos aussi… Mais le dos c’est moins douloureux, j’ai surtout une sensation de raideur extrême… Comme si j’étais en bois… Il faudrait que je bouge pour vérifier… »
La blonde lui chatouilla la plante du pied et la sensation rassura un peu Victoire, d’autant que la future chirurgienne en rajouta en indiquant que c’était bon signe. Il y avait beau avoir quelques signes encourageants, Victoire n’était pas médecin et ce n’était pas avec les quelques séries médicales qu’elle avait regardé du style « Dr House » qu’elle allait interpréter les symptômes. Alors l’angoisse était toujours là, elle s’attendait à tout et comme à son habitude anticipait déjà tous les chemins de vie qui se présentaient devant elle. Si elle finissait paralysée, elle devrait changer d’appartement, elle perdrait son emploi, elle ne serait plus jamais autonome, elle aurait besoin de quelqu’un pour sortir du lit le matin et elle serait affreusement vulnérable. Surtout, elle ne trouverait jamais l’amour, elle était déjà assez compliquée comme ça mais si en plus on ajoutait un fauteuil roulant à l’équation, alors autant rentrer dans les ordres… Il y avait tout un tas de scenarios bien moins catastrophiques, mais elle ne parvenait pas à se concentrer sur ceux-là. *Peu importe ce qui m’arrive maintenant, une opération, de la rééducation, un séjour prolongé à l’hôpital… Peu importe tant que je peux espérer un jour vivre une vie normale… Enfin, une vie normale pour moi… Plus jamais je ne boirai une goutte d’alcool si j’échappe au pire… Je le jure… * Une larme coula sur sa joue.
Regroupant tout son courage, Victoire plongea son regard dans celui de la jeune femme et lui posa indirectement la question sur son futur : « Et maintenant quoi ? »
Billie tentait de minimiser un peu la situation en se montrant calme et détachée, tout en restant concernée par sa patiente. Elle essayait un peu de la couper dans sa panique mais malheureusement, ça ne semblait pas très concluant comme technique avec cette jeune femme. Elle était probablement effrayée et ça se comprenait après un tel accident mais elle ne semblait pas en piteux état. Certes, elle n'était pas au mieux de sa forme, c'était pas difficile à voir mais Billie avait bon espoir que ce ne soit rien. La plupart des personnes qui se réveillent après un tel accident vérifiaient qu'ils sentaient leur corps et vu qu'elle ne lui hurlait pas qu'elle ne sentait plus rien, c'est que ça ne devait pas être très grave même si il y avait possibilité qu'une opération soit nécessaire. Du coup, elle l'écouta prononcé son prénom et Billie haussa un sourcil. Ce n'était visiblement pas le prénom le plus simple à prononcer. Elle se contenterait donc de Vic, comme suggéré, ou mademoiselle Laclos. Elle haussa ensuite les épaules à sa question sur les liens qui entravaient ses mouvements.
-C'est autant pour votre sécurité que pour la nôtre. C'est jamais bon de trop bouger quand le cou est touché, dit-elle, devinant sans même regarder les radios pour son cou puisqu'elle pouvait constater son état et qu'elle ne bougeait presque pas la tête.
Billie se tourna donc vers les radios et en effet, il y avait des séquelles mais elle ne pensait pas qu'une opération soit une solution dans ce cas. Elle allait probablement souffrir quelques jours, peut-être même des semaines mais des anti-douleurs, de l'osteo plutôt que la kiné finalement et du repos devraient rétablir tout ça. Elle allait certainement porter une minerve pour éviter qu'il y ait trop de mouvements mais elle ne voyait vraiment rien de grave. Cependant, malgré tout, elle allait demander à ce qu'on la garde, qu'elle soit surveillée au cas où et qu'un autre médecin, une femme vu les exigences, vienne voir la jeune femme pour être sûre qu'elle donnait le bon diagnostic. Même si Billie bossait énormément et qu'elle révisait tout les jours ses cours et ses cas, elle préférait s'assurer que son manque d'expérience n'entrave pas son diagnostic. Elle se tourna donc vers la jeune femme pour vérifier par palpation.
-Soyez plus gentille ou je vous dis rien du tout, fit Billie en commençant à palper
Billie observait donc les séquelles et c'était bien un coup du lapin. Cependant, elle lui posait des questions pour la suite de sa nuit à l'hôpital. Il fallait que Billie soit sûre de ce qu'elle avait pu prendre ou non. Elle écouta donc la jeune femme avouer qu'elle avait bu et fumer. Billie ne la jugeait pas. Certes, c'était inconscient de conduire après avoir bu ou fumer et encore plus avec les deux combinés mais elle ne connaissait pas cette femme. Elle avait peut-être la vie pas facile après tout.
-Dure soirée, mh ? dit-elle simplement avec un léger sourire compatissant pour affirmer qu'elle ne portait pas de jugement à ce qui avait pu se passer.
Elle n'était sûrement pas en excès de vitesse pour qu'il n'y ait pas d'autres victimes et que son état ne soit pas si grave même si un peu plus et ça aurait pu être pire. Sa question se confirma quand elle annonça qu'elle avait passé une journée de merde. Billie lui offrit juste un léger sourire comme réponse, poursuivant ce qu'elle faisait avant de défaire la pression en l'entendant crier qu'elle avait mal. Elle vérifiait juste si c'était bénin ou si elle se prenait un violent coup du lapin et si il fallait donc approfondir le diagnostic ou en tout cas la garder parfaitement immobile. Elle l'écouta annoncer ses douleurs et l'interne hocha doucement la tête, enfin disposée à se prononcer sur son état.
-C'est un coup du lapin, classique après un accident de voiture. Vous allez avoir des nausées et probablement des vomissements, mal aux yeux, des douleurs dans les cervicales, une incapacité à bouger la tête, des fourmillements et des douleurs dans le bras... Enfin, ça va pas être une partie de plaisir mais on va vous mettre une minerve pour éviter que vous bougiez la tête. Des anti-douleurs pour calmer tout ça et vous ferez de l'ostéopathie pour guérir plus vite. Je vais vous détacher mais ne bougez vraiment pas, ça va pas vous aider, dit-elle simplement en s'approchant et défaisant donc ses quatre liens. ]Dites-moi... Vous étiez sur Deakin Street ?
Après tout, peut-être que c'était sa voiture qu'elle avait vu encastrée dans un poteau. Ce serait quand même un drôle de hasard mais la vie était parfois étrange et pleine de surprise. Bon, ça n'allait rien changer à la situation ou à leurs vies mais Billie aurait au moins sa curiosité satisfaite.
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La jeune femme lui refusa de la détacher et cela ne fit rien pour arranger les angoisses de Victoire. Elle n’avait jamais aimé se retrouver impuissante, à la merci de l’autre, surtout depuis qu’elle avait été à sa merci à lui… Elle avait conscience que c’était pour son bien mais elle dut se retenir de se débattre et d’ordonner à la jeune femme de la détacher. En faisant cela, elle ne parviendrait qu’à se décrédibiliser et à se faire mal. Elle se mit alors à inspirer et expirer profondément pour essayer de se calmer, pour ne pas laisser la panique la gagner. Elle avait déjà assez de souci à se faire avec son diagnostic actuel pour ne pas, en plus, finir en camisole de force ou en fauteuil roulant à cause de son impulsivité. Quand Victoire essaya de se rassurer en demandant à la jeune femme si elle était médecin ou infirmière, celle-ci l’envoya bouler. Victoire n’avait pourtant pas eu l’impression d’être désobligeante, probablement un peu insistante, mais elle n’avait rien dit de mal, non ? C’était étrange tout de même que la jeune femme ne se soit pas présentée… Habituellement, quand un médecin rentrait dans une chambre d’hôpital il disait : « Bonjour, je suis Dr House, votre médecin », non ? Enfin, en tous cas dans les séries télévisées c’était le cas…
Victoire était trop angoissée pour se vexer de la réponse de la jeune blonde en blouse. Au moins l’attitude de la jeune femme devint plus compréhensive quand elle évoqua ce qu’elle avait consommé ce soir. Elle lui adressa un sourire compatissant en acceptant son explication, son « excuse ». *Dure soirée, oui… Vous avez même pas idée* pensa-t-elle. Mais elle n’était pas en état de repenser à ça et encore moins d’en parler, ce n’était pas le moment de replonger dans le désespoir qui l’avait saisie cet après-midi. Heureusement, la femme face à elle finit par lui donner des informations sur son état physique et cela suffit à détourner son attention. Elle déroula une liste de symptômes et lui annonça qu’elle aurait pour traitement des séances d’ostéopathie, une minerve et des anti-douleurs. Victoire ressentit un grand soulagement, il n’était pas question une seule seconde qu’elle finisse paralysée ou en fauteuil roulant. Des larmes déferlèrent sur ses joues et elle soupira de soulagement, et dans son esprit, les images de son avenir reprirent des couleurs et de la lumière. Elle brebouilla avec un vrai sourire de reconnaissance à l’encontre de la jeune femme : « Merci, merci... »
Elle était en train de la détacher et ce poids d’être entravée fut levé. Tout en s’efforçant de ne pas bouger la tête, Victoire resserra ses jambes dès que ses pieds furent libres. Elle avait toujours mal mais son sourire de soulagement était toujours sur son visage. La jeune femme lui demanda si elle était sur Deakin Street, Victoire afficha une mine interloquée. *Qu’est-ce que j’aurai foutu sur Deakin Street ? Je rentrai à la maison, non ?* Elle fit un effort pour se rappeler l’accident mais non, elle ne se souvenait pas du moment de l’impact et d’où elle était. Elle répondit avec incertitude : « Euh… Je crois pas… Je ne me souviens pas de l’accident, mais je devais pas être dans ce quartier normalement... Pourquoi ? »
A présent que l’angoisse était levée et qu’elle savait qu’elle ne finirait pas paralysée, Victoire se souvint de ce qu’elle avait promis à un Dieu qu’elle ne priait jamais, en qui elle ne croyait pas vraiment. Mais cette promesse, elle aurait surtout dû se la faire à soi-même. Aurait-elle la volonté d’arrêter de boire ? De jeter la béquille qui jusqu’à présent l’aidait à tenir, à supporter la douleur quotidienne ? Douleur… Douleurs… Elle avait mal physiquement et cela lui donnait déjà envie de boire. Elle saisit le bras de la jeune femme, doucement pour ne pas se faire mal et lui demanda : « Je peux avoir les anti-douleurs maintenant ? » Elle espéra juste qu’ils n’allaient la priver d’anti-douleurs toute la nuit parce qu’elle avait de l’alcool dans le sang. Victoire remarqua un pansement dans le creux de son bras, ils avaient dû lui faire une prise de sang pendant son inconscience et ils allaient avoir toutes les preuves de ce qu’elle s’était ingurgité dans la soirée. *C’est la honte, t’es vraiment une merde et cette fois, tout le monde va le savoir* Pendant un instant, elle s’imagina avec son visage à nouveau sur les couvertures des magazines et le sous-titre « Juliette Pottier conduit saoule et droguée ». Mais elle se rassura aussitôt, elle était incognito maintenant et apparemment personne n’avait cherché à la retrouver pour le moment.
Billie ressentait ce malaise qu'elle avait à être attachée. Personne n'aimait ça mais elle pouvait constater à sa façon de se concentrer sur sa respiration qu'elle n'était vraiment pas bien face à ça. Ca n'allait pas lui faire changer d'avis, c'était pour sa sécurité, que ça lui plaise ou non mais ça l'interpellait quand même. Elle se demandait ce qui avait pu lui arriver pour que quelques sangles l'embêtent à ce point avant que ça percute. Aucun homme... Mal à l'aise quand elle ne peut pas bouger... L'hypothèse première était assez simple à trouver. Cependant, elle n'était pas psychiatre ou psychologue donc, elle n'allait pas en parler mais ça pouvait l'aider à anticiper les réactions de cette fille au prénom bien trop compliqué à prononcer. Par la suite, sa remarque ne fut peut-être pas volontairement désobligeante mais Billie ne l'avait pas pris comme une vraie question mais plutôt comme de l'ironie ou du sarcasme, l'air de dire qu'elle ne semblait pas être médecin au vu de ses capacités. Evidemment, les infirmières valaient tout autant, elles aidaient énormément et travaillaient beaucoup mais c'était plus le niveau d'études et les capacités à soigner qui différaient. Enfin, en soi, elle s'était juste un peu vexée mais ce n'était qu'un malentendu au final.
Billie esquissa simplement un petit sourire en l'entendant la remercier. Elle ne dit rien mais n'en pensait pas moins. Elle n'estimait qu'elle devait être remerciée, elle ne faisait que lui donner son diagnostique. C'était plutôt l'airbag de sa voiture qu'elle devait remercier ou le fait qu'elle n'était pas sur l'autoroute... Enfin, ce genre de choses mais elle n'avait pas envie de rebondir là-dessus. Elle était soulagée et pour le coup, c'est ce qui importait. Son dos devait déjà être tout contracté donc il valait mieux la laisser se détendre plutôt que de se montrer désagréable, surtout que ce n'était pas le genre de l'interne. Elle écouta ensuite sa réponse sur le fait qu'elle puisse être sur Deakin Street. Vu sa tête et son temps de réflexion, sa réponse ne la surpris pas et il y avait tout de même peu de chance qu'elle se retrouve pile avec la personne à qui appartenait la voiture qu'elle avait vu mais ça aurait quand même été une drôle de coïncidence.
-Mmh... Et bien, j'imagine qu'un de vos voisins de chambre s'est pris un poteau, à moins qu'il ait été transféré ailleurs. J'ai croisé une voiture qui se faisait remorquer sur Deakin... Je me posais juste la question du coup.
Maintenant qu'elle avait fait son diagnostique, elle n'avait plus qu'à en parler aux infirmières pour qu'elles lui administrent ce qu'il fallait pour ses douleurs. Elle pouvait la laisser s'en aller en soi mais Billie préférait la garder quand même cette nuit. Il valait mieux s'assurer que tout se passait bien. Après tout, il arrivait que des séquelles aient leur effet que lendemain donc il valait mieux prévenir que guérir. Billie qui allait s'en aller fut surprise de sentir sa main attraper son bras. Elle tourna la tête vers la jeune femme et hocha doucement la tête.
-Mhmh, bien sûr. Enfin... Si le taux d'alcool n'est pas trop haut. J'espère pour vous que c'est redescendu depuis, dit-elle simplement avant qu'une infirmière n'entre. -Docteur... J'ai quelque chose à vous dire. -Mh ? Bien, dit-elle perplexe en s'approchant.
Elles sortirent dans le couloir et Billie apprit que finalement, quelqu'un d'autre était impliqué dans cet accident par contre, ce n'était qu'un bras cassé. Douloureux mais peu grave. L'infirmière lui proposa donc de l'annoncer à la jeune femme. Après deux trois minutes, l'interne en chirurgie revint dans la chambre, poussant un léger soupir.
-Hum... Comment dire ça délicatement..? Quelqu'un d'autre a été impliqué dans votre accident. Généralement, je fais pas la morale aux gens, chacun est responsable de ses actes et vous me faites du boulot mais quand ça implique d'autres personnes qui n'ont rien demandé... Je peux comprendre que vous passiez une mauvaise journée ou soirée mais prochaine fois... Prenez un taxi ou défoncez vous la gueule chez vous... dit-elle avant d'hausser les épaules.
Billie n'avait pas été froide en parlant, juste moralisatrice. Elle savait que cet homme n'avait rien de grave et qu'il avait tout autant à se reprocher puisque lui aussi était ivre mais ça, elle ne comptait pas lui dire. Certes, ce n'était pas très sympathique mais ça lui ferait une leçon et peut-être que ça lui éviterait, par peur de tuer quelqu'un la prochaine fois, de boire sous les effets de l'alcool ou de la drogue.
Dernière édition par Billie Lane le Jeu 25 Juin 2020 - 22:13, édité 1 fois
"Seems like a good moment to get your shit together"
Rassurée, enfin, Victoire écouta la jeune femme dont elle ne connaissait toujours ni le nom ni la profession lui dire qu’elle avait vu un accident en arrivant à l’hôpital. Une voiture écrasée contre un poteau, ça ressemblait pourtant à ce qu’on lui avait dit dans l’ambulance ? S’était-elle éloignée tant que ça de son itinéraire initial ? Ou bien y avait-il eu deux accidents similaires en même temps ? A vrai dire, Victoire se moquait bien de savoir si c’était sa voiture à elle que la jeune femme avait vu, cela ne changerait rien à la situation actuelle. Et la situation était plutôt bonne : elle s’était emplafonnée toute seule et n’avait a priori rien de grave, elle avait échappé au pire. Ce qui venait noircir le tableau c’était bien entendu ces douleurs qui semblaient s’amplifier de minutes en minutes, probablement les effets du sédatif administré à son arrivée qui finissaient de s’estomper.
Victoire attrapa le poignet de la jeune femme pour réclamer les antidouleurs. Elle espérait qu’ils allaient l’assommer de morphine, qu’elle ne sente plus son corps endolori et surtout qu’elle ne soit pas en état de penser à ce qui l’avait conduite à agir aussi imprudemment. La jeune femme lui dit qu’elle n’y voyait pas d’inconvénient, si son taux d’alcool dans le sang n’était pas trop élevé. C’était ce que Victoire avait craint, impatiente, elle lui demanda : « Vous avez les résultats de l’analyse de sang ? » Mais Victoire n’obtint pas de réponse car une autre femme passa la tête par la porte et interpella la blonde, une infirmière sans doute. Victoire n’avait aucune idée de quels uniformes correspondaient à quel type de soignant, mais elle venait d’appeler la blonde « docteur », ça confirmait ce que Victoire avait déduit.
La doctoresse s’éclipsa donc de la chambre et Victoire espéra qu’elle reviendrait vite avec assez d’antidouleurs pour terrasser un éléphant. Pendant ces deux minutes où elle resta seule, elle eut tout le loisir de s’imaginer la nuit affreuse qu’elle allait passer si on ne lui administrait rien pour la soulager. Elle en profita pour bouger ses doigts, puis ses mains et enfin ses bras. Elle n’était pas paralysée mais se mouvoir était douloureux, quand elle leva son bras gauche, un éclair de douleur parcourut son épaule, son cou, son crâne et ses cervicales. Elle laissa retomber son bras le long de son corps avec un gémissement étouffé et décida d’arrêter de faire des expériences pour l’heure. Elle se sentait nauséeuse à présent, la jeune médecin l’avait prévenue que cela pouvait faire partie des conséquences du coup du lapin qu’elle avait subi dans l’accident. *Super, c’est parti pour la grande vie… C’est bien fait pour ta gueule de toutes façons, tu mérites d’en chier un peu*
C’est sur cette pensée positive que la doctoresse refit son entrée. Elle commença par lui annoncer qu’elle pourrait partir le lendemain après-midi et qu’elle n’avait rien de grave. Il faudrait simplement qu’elle soit vigilante et qu’elle contacte le service si il y avait une aggravation quelconque. Victoire avait le teint cireux dû aux nausées qui l’avaient prise un peu plus tôt, elle reçut cette nouvelle d’un pâle sourire. Elle ne savait pas si elle était ravie de quitter l’hôpital si vite. Elle allait devoir se retrouver seule chez elle, sans aide et surtout avec son stock de whisky à portée de gosier. Mais de toutes façons, elle n’allait pas occuper un lit d’hôpital si ça n’était pas nécessaire. Elle commençait à réfléchir à qui elle pourrait demander de l’aide : Livia ? Byron ? Elle aurait trop honte qu’ils voient son appartement dans l’état dans lequel elle l’avait laissé…
Puis, la doctoresse reprit la parole pour annoncer à Victoire un fait troublant et qui changeait tout. Elle lui apprit qu’au final si, il y avait une autre personne impliquée dans l’accident. La jeune femme eut des paroles crues, elle ne prenait pas de pincettes. Victoire ne comprenait pas, elle refusa de la croire d’abord : « Mais non, on m’a dit que j’étais rentrée dans un poteau, qu’il n’y avait pas de blessés... C’est pas possible, vous vous trompez… » Elle voulait se défendre, convaincre la doctoresse qu’il devait y avoir une erreur, se convaincre elle-même que ce n’était pas possible. Elle s’agitait dans le lit d’hôpital, essayant de trouver un moyen de se redresser pour s’expliquer. Elle aurait voulu se souvenir du crash pour être sûre de ce qu’elle avançait mais en réalité, elle n’en savait rien. Elle arrêta de gesticuler et se concentra sur ses souvenirs. Son souvenir le plus clair était après l’accident. Elle était allongée sur le bitume, elle avait mal, la secouriste brune était à ses côtés et lui parlait calmement. Derrière elle, dans le fond, elle voyait sa voiture verte cabossée, le nez enfoncé dans le flanc d’une autre voiture.
Ses yeux s’écarquillèrent alors qu’elle dut se rendre à l’évidence, la doctoresse disait vrai. Elle avait mis en danger la vie de quelqu’un à cause de ses névroses, addictions et de sa propre stupidité. Elle paniqua et s’écria : « Il est mort ? Ne me dîtes pas que j’ai tué quelqu’un ? » Elle ne voyait pas bien le visage de la doctoresse, elle ne savait pas ce qu’elle pensait et ça lui était intenable. Elle devait savoir si elle était devenue une meurtrière. *Tu vas finir en prison et tu vas devoir vivre avec ça sur ta conscience toute ta vie, sale alcoolique* Ignorant ses douleurs, elle s’appuya vivement sur son coude droit pour se redresser et au moment où elle se retrouva en position quasi assise, elle cria de douleur. Un craquement, un pincement ? Quelque chose dans ses cervicales venait de lui provoquer une douleur aigüe qui brouilla sa vision et la fit défaillir. Elle ne perdit conscience que quelques secondes mais ce fut suffisant pour qu’elle s’écroule du lit et atterrisse sur le carrelage.
Elle rouvrit les yeux dans un océan de douleur tant morale que physique. Elle avait l’impression que sa nuque et sa tête avaient été lacérées de coups de lame chauffée à blanc. Elle savait à présent qu’elle avait fait du mal à quelqu’un et elle ne se le pardonnerait jamais. Il était clair qu’elle ne serait pas prête à rentrer chez elle le lendemain au vu de sa tentative ratée pour simplement s’asseoir. Victoire ne voyait pas vraiment ce qui se passait autour d’elle, une brume recouvrait tout son champ de vision et les larmes qui coulaient de ses yeux n’arrangeaient rien. A cet instant précis, elle voulait juste que tout s’arrête : la douleur physique, la douleur morale, cette culpabilité qui semblait vouloir l’écraser toute entière, son malheur permanent, sa vie tout simplement. Elle articula difficilement sans savoir vraiment à qui elle parlait : « Faîtes que ça s’arrête, j’en peux plus… »
Billie n'était pas la mieux placée pour s'occuper des adultes. Elle était largement plus douce avec les enfants, surtout qu'ils avaient tendance à mieux écouter que les plus grands qui se permettaient de gesticuler, de contredire en se pensant plus malin et ce genre de chose. Certes, ce n'était pas le cas avec cette Victoire, peu importe comment cela se prononçait mais il lui était déjà arrivé de s'occuper d'un adulte une seule fois. Elle se baladait quand un gars s'était blessé et chance pour lui, elle était là pour lui donner les premiers soins sauf qu'elle était tombée sur un abruti fini à la pisse, vraiment. Elle l'aurait bien laissé comme ça, sans le soigner mais elle avait fait le serment d'aider toutes personnes blessées et de faire de son mieux pour soulager sa douleur. Il ne le méritait pas mais c'était une question de principe. Il avait eut de la chance puisqu'il aurait pu y perdre une jambe. Enfin soit, elle n'aimait pas spécialement s'occuper des adultes qui étaient souvent bien plus débiles que les enfants qui se montraient assez sage malgré leurs douleurs.
Il était impossible pour la jeune interne de dire à la patiente si elle pouvait recevoir des anti-douleurs. Elle pouvait lui en administrer mais ce serait une faible dose qui n'y changerait pas grand chose sans les résultats. D'ailleurs, à la question de la jeune femme, elle secoua la tête, prête à lui répondre quand une femme entra dans la pièce et la coupa dans son élan. Elle fronça légèrement les sourcils et retrouva donc l'infirmière dans le couloir qui lui expliquait que quelqu'un avait été impliqué dans l'accident bien que ce n'était qu'un bras cassé. Billie pensait que c'était l'occasion de lui faire retenir la leçon. Peut-être pas de la meilleure des manières mais au moins, elle ne reprendrait peut-être plus jamais le volant en étant dans cet état si jamais elle pensait avoir mit la vie de quelqu'un en danger.
Après une rapide discussion, elle demanda les résultats à l'infirmière en même temps de rentrer dans la chambre pour pouvoir lui administrer ou non de la morphine. Billie revint donc et elle reposa les yeux sur cette jeune femme et elle lui annonça que d'après elle, elle pourrait rentrer bien qu'elle était loin de se douter de ce qui allait se passer ensuite. Finalement, son manque de délicatesse allait être positif en quelque sortes puisqu'elle allait pouvoir agir tout de suite. Quelque chose n'allait pas et il ne fallait pas que ça traîne. Donc elle lui annonça ensuite que quelqu'un avait été percuté dans l'accident sans donner aucun détail. En la voyant s'agiter, Billie soupira doucement.
-Arrêtez de bouger comme ça, je ne fais que vous dire ce qu'on m'a rapporter, dit-elle avant de la voir se calmer.
Elle secoua la tête et l'infirmière revint avec les résultats de sa dernière prise de sang. Ils en avaient repris une lorsqu'elle était inconsciente et les résultats n'étaient pas spécialement négatif mais il allait quand même falloir doser. En soi, même sans l'alcool mais elle allait être plus précautionneuse. Billie qui restait sur les résultats pour faire ses petits calculs mentaux sur le dosage de morphine à lui donner, elle entendit les paroles de la jeune femme et elle reposa les yeux sur elle sans avoir le temps de répondre. Elle la vit se redresser et son visage se déforma sous la douleur avant qu'elle perde connaissance. Une douleur si vive, ce n'était pas normal, même pour un coup du lapin. Elle tenta de la rattraper mais elle n'eut pas le temps. Elle avait lâché son calepin mais trop tard, elle était au sol. Billie se pencha donc sur elle et elle glissa ses mains sous son corps pour essayer de la redresser. Elle la porta au mieux qu'elle pouvait pour la réinstaller dans le lit.
-Un bras cassé, c'est tout ce qu'il a... C'était pas la peine de gesticuler comme ça, souffla-t-elle avant de prendre son téléphone. Allô ? Oh, Marcus. Mhmh, ça va mais j'ai besoin de radio et que tu me réserves un bloc au cas où, dit-elle en écoutant ensuite son interlocuteur. Merci et c'est une rousse, la trentaine.
Billie sortit ensuite de la chambre et elle revint avec une fiole et une seringue. Elle aspira quelques millilitres de morphine et l'injecta dans le baxter de la jeune femme. Voyant que sa robe de chambre avait bougé, elle tira doucement dessus pour cacher correctement son corps. Personne n'avait à le voir, surtout qu'elle allait être avec un homme.
-Bon, vu votre problème avec les hommes, je vais demander à une infirmière de vous accompagner jusqu'au service radio. C'est un homme qui s'en occupe mais c'est elle qui vous placera comme ça, il n'y aura pas de contact. Et calmez-vous par rapport à l'accident. Il a vraiment rien de grave l'autre gugus et il était dans le même état que vous. Vous n'êtes pas plus responsable que lui dans cet accident, fit-elle avec un léger sourire. Au fait, je suis le docteur Lane si jamais vous voulez me revoir plus tard. Là, je vais retourner à mon service, je reviendrais une fois qu'on aura vos nouveaux résultats.
Billie sortit de la chambre et elle demanda à une infirmière qui était libre de l'accompagner, expliquant la situation. Elle accepta de s'en occuper et elle emmena donc Victoire en radiographie et c'était bien un homme qui s'en occupait. L'infirmière s'occupa des placements sous les indications de l'homme qui, lui, faisait les radios. Après un bon gros trois-quart d'heure, Billie fut rappelée pour vérifier les résultats. Elle revint donc dans la chambre, quittant à nouveau son service. Heureusement, cette nuit c'était calme de son côté. L'interne vérifia les radios et elle poussa un long soupir avant de rappeler son collègue.
-Prépare le bloc C pour une chirurgie des cervicales. Merci... dit-elle avant de se tourner vers la patiente. Bon... C'est pas plus mal que vous ayez bougé parce que ça se serait déclenché plus tard ou ça aurait eu d'autres séquelles si ça s'était reformé comme ça. Une de vos cervicales est écrasée et bloquée par conséquent et ça... Ostéo ou non, ça ne changera rien. L'opération va être fatigante, éprouvante même mais une fois faite, vous serez remise sur pied en rien de temps, dit-elle avec une voix douce, posant sa main sur son bras pour lui offrir un peu de chaleur humaine et tentant donc de se montrer rassurante. Tout va bien se passer, d'accord ? Ne vous inquiétez pas. J'ai conscience que c'est plus facile à dire qu'à faire mais vous n'avez tué personne et si tout se passe bien, vous ne devriez avoir aucune séquelle. Juste une cicatrice mais entre vos jambes et une petite cicatrice, j'imagine que le choix est vite fait... Mh ? ajouta la jeune femme avec ce doux sourire. Avant qu'on aille au bloc, vous vous sentez comment ? La morphine vous a un peu aidé ?
"Seems like a good moment to get your shit together"
Victoire sentit son corps se soulever du sol, elle n’avait jamais eu aussi mal de sa vie et un grognement de douleur lui échappa alors que la blonde la replaçait dans le lit. Elle venait de lui dire que l’autre conducteur avait seulement un bras cassé. Victoire ressentit un soulagement mais qui laissa vite place à l’inquiétude, si l’autre conducteur n’était pas dans état grave, qu’en était-il d’elle ? Elle venait de faire une chute et elle avait l’impression que son dos, sa nuque et sa tête se faisaient lacérer par une lame chauffée à blanc. Victoire vit la silhouette de la femme s’éloigner et disparaître, elle n’avait pas vraiment entendu ce que celle-ci avait dit après lui avoir annoncé que l’autre conducteur avait seulement une fracture. Elle n’eut pas le temps de s’inquiéter davantage de son départ, qu’elle était à nouveau là. Elle avait quelque chose dans les mains, mais la vue de Victoire était quelque peu altérée par la douleur qu’elle ressentait et les larmes qui emplissaient ses yeux.
La blonde toucha au matériel à côté du lit de Victoire, est-ce qu’elle allait enfin lui donner un antidouleur ? La jeune femme parlait, elle lui assura qu’elle serait manipulée uniquement par une infirmière mais qu’elle devait refaire des radios. Victoire essayait de se concentrer sur ses paroles mais il lui était difficile de les assimiler. La jeune femme lui dit que l’autre conducteur était dans le même état qu’elle, elle ne comprit pas qu’elle voulait dire qu’il conduisait en état d’ivresse également. *S’il a un bras cassé, on n’est pas dans le même état, non ?* pensa-t-elle à demi-consciente. Elle entendit seulement le nom de la blonde : Docteur Lane. « Enchantée... » prononça-t-elle d’une voix pâteuse.
Une infirmière vint et lui demanda si la morphine faisait effet. Victoire comprit pourquoi elle se sentait engourdie, ralentie tant cérébralement que physiquement. La douleur était peut-être un peu assourdie mais elle était toujours puissante. L’infirmière tout en faisant rouler le lit dans les couloirs lui promit que les effets allaient s’amplifier, qu’elle souffrirait bientôt beaucoup moins. Elles attendirent très peu pour accéder au service de radiologie mais ces dix minutes suffirent à ce que l’anti-douleur fasse pleinement effet, la douleur vive et aiguë s’était transformée en une petite douleur, une gêne, un engourdissement. Le cerveau embrumé, Victoire se laissa transférer sur la table métallique pour la radio, puis à nouveau sur le lit qui se déplaçait. Elle entendait l’infirmière comme un écho lointain, elle regardait les murs des couloirs de l’hôpital défiler devant ses yeux avec détachement. Elle patienta dans un couloir puis l’infirmière se remit à la conduire dans le dédale de l’hôpital. Quand elles arrivèrent dans une chambre et que l’infirmière afficha les nouveaux clichés radio au mur, Victoire qui avait l’impression d’avoir la bouche pleine de coton articula : « Madame, j’ai quoi ? C’est grave ? » Mais la jeune femme se contenta de lui dire que Docteur Lane allait arriver très bientôt.
Effectivement la blonde ne tarda pas plus de dix minutes, elle se dirigea directement vers les clichés du dos de Victoire et poussa un long soupir qui effraya la française. Elle avait beau être à moitié dans les vapes et être débarrassée pour l’heure de ses douleurs, elle se doutait que son état n’était peut-être plus si bénin. Elle entendit « chirurgie des cervicales » et cela ne la rassura pas. Elle n’avait jamais été opérée, si l’on omettait les dents de sagesses, et une opération des cervicales avait de quoi faire peur. Mais Dr Lane se tourna vers elle et la rassura, cette opération elle aurait dû la subir quoiqu’il arrive et valait mieux maintenant que plus tard. Elle lui avoua que l’opération serait délicate mais qu’elle s’en remettrait sans problème. Sa voix douce et sa main sur le bras de Victoire apaisèrent quelque peu les angoisses de Victoire, mais elle ne put s’empêcher de demander : « Mais euh… Vous allez m’opérer maintenant ? Il n’y a pas de risques que l’opération tourne mal ? »
Elle savait que le risque zéro n’existait pas et qu’un médecin n’allait pas lui assurer qu’il n’y avait aucun risque de complication, alors pourquoi posait-elle cette question ? Pour nourrir ses angoisses encore davantage ? Ou bien tout simplement car elle voulait connaître tous les détails de ce qui allait lui arriver ? Peut-être pour prier encore ce Dieu auquel elle ne pensait jamais, celui auquel elle ne croyait pas vraiment mais qui maintenant paraissait être son seul recours ? Mais la doctoresse réussit à la rassurer en lui disant que qu’elle n’avait pas à s’inquiéter, qu’elle n’avait tué personne et que si tout se déroulait comme prévu, l’opération serait un succès. Bien sûr que la cicatrice était une conséquence qu’elle acceptait sans même y penser, surtout si, comme le disait la blonde, l’opération était ce qui allait lui éviter la paralysie de ses jambes.
Pour l’esprit de Vic embrumé par la morphine, cela faisait beaucoup d’informations et beaucoup d’émotions. Elle réalisait qu’elle aurait pu perdre l’usage de ses jambes, qu’elle allait probablement perdre l’usage de ses jambes si un chirurgien ne venait pas charcuter ses cervicales. Et cela la terrorisait autant que ça la calmait, cette opération serait sa deuxième chance et il fallait qu’elle y aille sereine. Elle expira profondément comme si elle allait apprendre à méditer en quelques minutes et répondit à la médecin qui lui demandait comment elle se sentait : « Embrumée, anxieuse… La morphine aide, la douleur est en sourdine... » Sans faire de mouvement si ce n’était de la main, Victoire saisit la main de la doctoresse et la serra. Elle planta son regard plein de larmes dans celui de la Dr Lane et lui dit : « Ma vie jusqu’à présent c’était de la merde… Vous me donnez une deuxième chance, docteur, je vous promet que je ne la gâcherai pas... »
Billie ne pouvait pas la laisser dans un tel état donc elle lui administra assez rapidement une dose de morphine. Elle prit le soin que ça ne soit pas trop mauvais avec l'alcool mais ce n'était quand même jamais mieux que clean. Une fois le produit administré, il devrait rapidement faire effet. Billie la rassura ensuite sur la suite des événements, ayant juste un petit sourire lorsqu'elle répondit à sa brève présentation. Evidemment, lorsqu'elle parlait du même état, c'était au niveau de l'alcool ingurgité alors qu'ils étaient tout les deux au volant mais Billie n'avait peut-être pas été assez précise dans ses propos.
Lorsque Victoire fut envoyée faire les radios, Billie était retournée dans son service pour vérifier que tout s'y passait bien et heureusement, rien à signaler. C'était une nuit calme du côté de son service et heureusement vu que pour le coup, elle courrait partout. Billie avait fait le serment d'aider toutes personnes dans le besoin médical et c'était donc ce qu'elle faisait. Ce n'était pas évident, surtout qu'elle n'était qu'une interne. Certes, elle pouvait opérer mais ça n'empêchait pas que là, elle avait la vie de cette fille entre les mains. Du moins, celle de sa mobilité. Elle ne pouvait pas se rater sur ce coup là. Finalement, on l'informa que la jeune femme était revenue des radios donc Billie retourna la voir, traversant à nouveau l'hôpital.
Une fois dans la chambre, elle ne perdit pas de temps, regardant les radios et ce n'était pas très bon. L'opération était nécessaire sinon elle perdrait l'usage de ses jambes. C'était ce que Billie redoutait mais il fallait qu'elle s'en charge et le plus vite serait le mieux. Elle devait se montrer diplomate pour ne pas effrayer la jeune femme. Elle prit donc le soin de lui expliquer ce qu'elle devait faire et avec douceur, la rassurant par moment tout en étant quand même honnête.
-Plus vite on s'en occupera, mieux ce sera, affirma Billie avec un sourire. Chaque opération comporte un risque mais je ferais de mon mieux, je vous le promets. Ca se passera bien, d'accord ? dit-elle avec un fin sourire.
L'interne essayait de la rassurer au mieux. Ca ne servait à rien qu'elle la fasse paniquer. Il n'y avait pas de raison. C'était une grosse opération parce qu'elle allait devoir la manipulée avec délicatesse mais ce n'était pas la plus compliquée pour autant. Heureusement que ce n'était pas le cerveau qui était touché même si c'était évident. Ca aurait été bien plus flagrant que les cervicales. Billie ne perdit donc pas plus de temps et elle l'emmena au bloc opératoire pour s'occuper d'elle. Elle emmena une infirmière avec elle pour l'assister et une fois au bloc,Billie se lava les mains, enfilant ensuite un masque puis des gants. Elle fut surprise de sentir sa main prendre la sienne. Elle posa les yeux sur la femme qu'elle allait opérer et elle eut un léger sourire.
-Je suis sûre que vous ne répéterez pas les même erreurs, dit-elle avec douceur. On va vous endormir, d'accord ? Tout va bien se passer, on va s'occuper de vous au mieux, dit-elle en venant poser le masque qui diffusait le gaz. Respirez doucement, comptez jusqu'à dix...
Billie la laissa s'endormir avant qu'elle ne soit retournée pour qu'elle puisse ouvrir sa nuque et commencer le travail. C'était stressant pour l'interne mais elle prit quelques secondes pour respirer, reprenant son calme. Elle ne pouvait pas trembler durant l'opération. Ce serait quand même très stupide de rater pour un tremblement. Son esprit calme et concentré, elle commença à ouvrir la jeune femme et à utiliser le matériel nécessaire pour manipuler l'intérieur de sa nuque. Elle y allait doucement, prenant le soin de bien tout faire correctement tandis que ses signes vitaux se portaient bien. Après un long moment, elle referma la jeune femme, désinfectant bien sa plaie. Elle lui plaça une minerve pour l'empêcher de bouger la tête et Victoire fut ramenée dans la salle de réveil le temps que l'anesthésiant ne fasse plus effet.
"Seems like a good moment to get your shit together"
La doctoresse réagit tout en douceur aux dernière paroles de Victoire, elle la rassura et lui appliqua le masque qui lui administrerait l’anesthésie. Vic eut à peine le temps de compter jusqu’à 4 qu’elle sombra profondément dans l’inconscience. Elle n’eut même pas le temps de stresser, elle s’endormit en pensant à l’alcool, l’alcool qu’elle se jurait de ne plus jamais boire.
Plusieurs heures plus tard, Victoire commença à se réveiller en ayant l’impression qu’elle venait juste de s’assoupir. Elle commença d’abord par entendre des voix, deux personnes discutaient des meubles que l’une d’entre elles avait achetés à Ikea. Le poids de l’anesthésie générale l’écrasait encore, elle tenta d’ouvrir les yeux sans succès, elle tenta de parler et elle ne fit qu’un bruit de bouche mouillé. Mais cela suffit à alerter les infirmiers qui parlaient ameublement. Ils vinrent l’ausculter, lui parler, alors qu’elle émergeait très lentement du brouillard épais dans lequel elle était plongée.
Elle sentit que son lit était déplacé, elle réussit à entrouvrir les yeux pour voir la salle de réveil qu’elle était en train de quitter. On l’emmena jusqu’à une chambre et Victoire constata que le jour était levé. Une infirmière resta à ses côtés pour lui poser quelques questions auxquelles elle répondit comme si elle avait eu du coton dans la bouche. Peu à peu elle avait de plus en plus de sensations dans son corps, la douleur s’éveilla d’abord doucement puis brusquement. On lui donna des anti-douleurs à avaler en attendant que l’anesthésie ait complètement disparu et qu’on puisse lui donner quelque chose de plus fort.
Vic se rappelait par bribes de ce qu’avait dit l’infirmière. L’opération s’était bien passée. Elle était passée à quelques millimètres d’être paralysée. Elle allait rester une dizaine de jours à l’hôpital pour le suivi post-opératoire et pour le début de sa rééducation. Elle aurait des douleurs pendant probablement plusieurs mois. Les positions assise et debout seront difficiles à tenir longtemps au début. Elle allait devoir être alitée la majorité du temps pour éviter les douleurs. *Alléchant comme programme… Le contexte parfait pour se sevrer de ses addictions (Non.)* Mais,elle n’aurait aucune séquelle à terme, alors il n’y avait pas de quoi se plaindre.
Elle se retrouva alors seule dans la chambre, seule avec ses douleurs, seule avec ses pensées. Et ce n’étaient pas les douleurs qui lui faisaient le plus peur. Elle aurait voulu que sa mère soit là, mais sa mère ne serait plus jamais à ses côtés. Et il n’y avait personne d’autre qu’elle veuille à ses côtés à un moment pareil. L’infirmière lui avait demandé la veille s’il fallait prévenir quelqu’un mais non. Elle était célibataire, sans enfants, orpheline pour autant qu’elle en savait et elle n’avait pas de vrais amis. Elle n’avait personne, ses addictions et ses traumatismes lui tenaient compagnie. Et ce constat l’emplit de chagrin, oui, il fallait que cela change.