Soirée open-mic, comme disaient les habitués -et donc, comme Kelly avait pris l’habitude de le dire. Depuis que Kane lui avait montré ce genre d’événements, la brune l’avait ajouté à sa liste de rituels. Elle venait, une fois par mois, seule. Elle commandait toujours la même chose au bar, s’installait à l’une de ses tables de prédilection ; juste assez près de la scène pour voir l’artiste, juste assez loin pour se fondre dans la masse des clients. Et elle écoutait les différents talents défiler pendant une heure ou deux avant de retourner chez elle pratiquer les quelques mélodies qu’elle avait désormais acquis à la guitare. Lee était assidue, sérieuse et pour le moins bornée. Depuis qu’elle avait débuté cet apprentissage, elle n’avait rien lâché. Elle en avait eu mal aux doigts, aux poignets, elle avait parfois perdu patience sur ces fichus accords qui sonnaient toujours faux malgré ses tentatives et toute la force volontaire qu’elle mettait au bout de ses phalanges. Cela paraissait définitivement plus simple lorsque d'autres jouaient, et elle leur enviait leur facilité. Lee, en dehors de l'unique morceau qu'elle savait jouer en chantant, estimait qu'elle avait bien peu de talent pour la chose.

Ce soir-là, les artistes ne se bousculaient pas au portillon. Voilà un bon quart d'heure que la scène était vide et le micro muet. Au fond, cela la titillait. Mais Kelly n'avait pas le courage de sauter le pas. S'exposer ainsi au regard de tous pour chantonner un morceau de manière approximative ? Cela ne valait pas le coup de faire perdre le temps aux braves gens présents. Quelqu'un finirait par prendre le relais. L'australienne avait encore une bonne moitié de son verre de chardonnay à déguster. La solitude ne la dérangeait pas, bien que cela dirait rarement longtemps. On finissait éventuellement par s'inviter à sa table, lui demander ce qu'elle faisait ici seule, s'essayer à la draguer -et répartir la queue entre les jambes. C'était son moment à elle. Le premier de ses nouveaux rituels qui n'impliquait pas qui que ce soit d'autre, de se forcer à dire ou faire ce qu'elle ne voulait ou ne pensait pas. Ses premiers moments d'authenticité. Juste elle, un verre de vin, un peu de musique.

C'était sans compter sur l'apparition qu'elle croisa du regard. Une silhouette familière qui l'interpella, du côté du bar. Kelly fronça les sourcils, curieuse, surprise. Se pouvait-il…? Attrapant son verre, elle quitta sa table et se glissa entre les clients. À deux mètres du comptoir, elle l'aperçut à nouveau, et tout doute fut effacé. “Kane !” elle s'exclama avec un grand sourire. L'homme se retourna, juste à temps pour réceptionner l'embrassade de la brune ; les bras autour de son cou, elle claqua une bise sur une de ses joues. “Mais oui, c’est bien toi. Je reconnaitrais cette tignasse blonde comme les blés entre mille.” Sa main glissa vivement entre les mèches claires de Kane. Elle n'avait jamais caché son admiration -et sa jalousie- face à cette chevelure, elle qui composait comme elle pouvait avec ses spaghettis fins, raides, sans forme. “Je suis si contente de te croiser ici !” C'était surtout inattendu. Lee savait que le pompier avait pris une année sabbatique et s'était exilé à l'autre bout du globe quelques temps. Elle n'avait pas demandé pourquoi, ils n'avaient pas vraiment cette proximité là. Cela ne la regardait pas, en somme, et elle n'avait pas l'intention de rattraper l'occasion manquée de lui tirer les vers du nez. Tout ce qui l'intéressait, c'était que l'expérience lui fut bénéfique et qu'il se portait bien. “Alors, comment était Londres ? Est-ce que tu comptais vraiment revenir sans prévenir ton élève préférée, hm ?” Avec un clin d'oeil complice, elle le taquinait. Kelly ne se vexait pas le moins du monde de ne pas être sur la liste des priorités du jeune homme. Elle s'estimait heureuse, en revanche, d'avoir découvert son retour sur le sol australien.

Passage au Canvas le mardi soir qui m’avait drôlement manqué. Je suis venu seul parce que mes potes de soirée open mic sont un cercle complètement différent des autres. On n’a pas de conversation WhatsApp déjà. On se trouve juste au hasard des semaines et là, ça fait dix mois que je ne suis pas venu dans le coin. D’abord à cause d’une période plutôt sombre et ensuite parce que je n’étais juste pas dans le pays. Ca fait beaucoup de bien de revenir entre ces murs. J’ai jeté un coup d’oeil à notre coin habituel et il n’y a que Stacey qui est visiblement en très bonne compagnie. Il a totalement l’air en train de faire du charme à un autre gars. Vu comme ils se regardent, ça a l’air plutôt bien parti leur histoire, alors je me dirige vers le bar pour pas les déranger. Je veux pas couper quoi que ce soit. J’irai plus tard leur faire un petit coucou.  “Kane !” Je me tourne, ravi de savoir que y’a quelqu’un que je connais dans le coin. Kelly. “Mais oui, c’est bien toi. Je reconnaitrais cette tignasse blonde comme les blés entre mille.” Je m’attendais pas à ce qu’elle me touche les cheveux mais je comprends l’attrait. « Le seul et l’unique. » Oulà Kane je crois qu’il vaudrait mieux que tu réfléchisses avant de parler. Ouais là je dis n’importe quoi. Je suis juste très content de la voir et ma spontanéité a pris le dessus. “Je suis si contente de te croiser ici !” « Ca me fait super plaisir de te voir aussi. » Vraiment le sourire sur mes lèvres prouve que je suis sincère. “Alors, comment était Londres ? Est-ce que tu comptais vraiment revenir sans prévenir ton élève préférée, hm ?” Ca me touche qu’elle se souvienne de mes projets. Elle n’a pas eu de leçons supplémentaires car je n’étais pas là. Ca tombe sous le sens qu’elle ait gardé cette information en mémoire.

« C’était trop bien, c’était trop court. J’y retournerai c’est sûr. » Je vais esquiver les raisons de mon retour prématuré. Je ne sais pas non plus si je lui avais dit que je partais un an. Juste une année sabbatique mais on peut faire plusieurs choses différentes pendant tout ce temps là. Peut être que je peux faire genre c’était prévu depuis le début. « Je suis revenu y’a même pas une semaine. Je n’ai pas encore bien repris mes marques et toi comment tu vas? T’as pris possession des lieux. » J’aime bien qu’elle squatte le coin toujours. Je sais très bien qu’elle plaisantait dans sa remarque mais je ne peux pas m’empêcher de me justifier. J’ajoute bien vite alors que le barman me donne son attention, il est libre pour prendre ma commande. « J’allais me prendre une bière tu veux quelque chose ? T’es accompagné ? » J’ai pas trop envie de la déranger si jamais elle a des gens à voir. Elle a quand même l’air d’être très enthousiaste de me revoir et c’est réciproque. Ma deuxième question sous entend que j’aimerai bien continuer de discuter avec elle, parce que je peux très bien lui offrir à boire et elle retourne vaquer à ses occupations et moi aux miennes - inexistantes - je ne sais même pas si je vais chanter ce soir.

Tel le fils prodigue, Kelly accueille Kane avec une accolade chaleureuse. Combien de temps les séparait de la dernière fois qu’ils s’étaient vus ? Oh, le temps avait filé, pour sûr. Et tandis que le jeune homme était parti à la conquête de l’autre bout du monde, la brune, elle, n’avait pas vraiment changé ni accompli quoi que ce soit. La vie poursuivait son cours, elle cherchait toujours une direction, un objectif. Fidèle à elle-même, en sorte, prisonnière de cette stase dans laquelle elle flottait depuis trois ans, égarée dans l’épais brouillard de ses incertitudes. « C’était trop bien, c’était trop court. J’y retournerai c’est sûr. » s’enthousiasmait Kane en lui parlant de Londres. Lee n’y avait jamais été, mais elle espérait le pouvoir un jour. Les étoiles dans les yeux de son ami ne faisaient que renforcer ce souhait. “Et tu nous abandonneras encore six mois ? Nope, hors de question. Je te ferais kidnapper avant que ça n’arrive.” fit-elle mine de s’offusquer, sans en penser un mot. Au contraire, elle était heureuse que Kane n’ait emporté que de bons souvenirs de son voyage. S’il devait repartir, et peut-être ne pas revenir, alors ainsi soit-il. Chaque chose avait sa raison d’être. Kelly, elle, n’avait pas cette bougeotte de globe-trotter qui poussaient certains à sauter dans un avion régulièrement ; elle aimait son chez elle, cette ville qu’elle avait fait sienne. Son ignorance des nombreux autres merveilleux paysages du monde ne la complexait pas. « Je suis revenu y’a même pas une semaine. Je n’ai pas encore bien repris mes marques, et toi comment tu vas? T’as pris possession des lieux. » Elle sourit. En effet, elle était comme un poisson dans l’eau au Canvas désormais. Elle ne l’aurait pas cru avant ce rapprochement avec Kane. C’était un petit bout de tout un autre monde qu’elle avait découvert. “Un peu, c’est vrai. Je viens de manière régulière. C’est mon me time de temps en temps.” admit-elle. Elle s’y plaisait, mais traîner dans l’établissement en compagnie du pompier était une perspective qui la réjouissait tout particulièrement. Alors, lorsqu’il lui offrit un verre, Kelly accepta sans la moindre hésitation. “Je suis venue seule. Et puisque c’est si gentiment proposé, je veux bien un nouveau verre de Chardonnay. Celui-ci ne va plus faire long feu.” Elle indiqua le verre à pied qu’elle tenait délicatement entre ses doigts manucurés. Il n’y avait rien à déguster à proprement parler dans un vin de table de ce genre, la sommelière en buvait comme du petit lait. Forcément, elle ne se contentait pas que d’une seule commande, et une seconde tournée était de mise si Kane l’accompagnait. “Est-ce que tu comptes nous faire l’honneur de chanter un quelque chose ce soir ?” lui demanda-t-elle avec un large sourire, en attendant leur commande au comptoir. La scène était encore vide depuis le passage du dernier artiste. C’était un soir sans pour le micro solitaire au centre de l’estrade.

“Et tu nous abandonneras encore six mois ? Nope, hors de question. Je te ferais kidnapper avant que ça n’arrive.” Le pire c’est que ce sera sûrement encore six mois, alors je ne surenchéri pas à ses mots, je me contente de sourire très largement. Elle me fait plaisir à vouloir me kidnapper. Je suis tellement naïf que je crois qu’elle pense vraiment ces mots là. Je nous imagine déjà à composer nos journées d’ateliers pâtisseries et guitare. Ca donne envie quand on y pense. Des bons gâteaux et de la musique, je pourrais très bien me contenter de ça pour le reste de ma vie. Avec des passages au canvas le mardi soir, parce que quand on commence, visiblement on peut plus s’en passer.  “Un peu, c’est vrai. Je viens de manière régulière. C’est mon me time de temps en temps.” J’ai l’impression d’être un papa fière de sa progéniture. Elle vient ici pour son plaisir et ça me touche d’avoir pu lui faire découvrir un endroit qu’elle finirait par apprécier véritablement.

Elle est seule et je suis déjà en train de commander le verre de vin qu’elle me suggère. Moi je reste à la bière, mon péché mignon. J’en ai bu bien trop en UK. J’ai essayé de toutes les essayer, y’avait du choix. Y’avait aussi beaucoup de coups à boire au bar ou pub du coin. J’ai réussi à aller au bout des possibilités avant mon retour. “Est-ce que tu comptes nous faire l’honneur de chanter un quelque chose ce soir ?” Je retourne la tête vers Kelly après avoir payé nos verres qui sont en train d’être préparés.

« Je sais pas. J’étais pas parti pour mais si y’a pas grand monde qui joue pourquoi pas. » Je fais une petite moue pensive. « Faudra juste que je me décide rapidement sur quoi chanter si jamais… » On sait tous que je prends ça toujours trop au sérieux. Comme si je jouais ma vie. Des fois faut juste que je me contente de la première chanson qui me vient en tête. Et puis nos boissons qui sont là, je donne le sien tout en me décollant du comptoir après avoir dit merci au barman. On se dirige vers une table disponible naturellement, je crois que c’est plutôt Kelly qui a le lead et je ne fais que la suivre. Sûrement la table qu’elle occupait déjà avant. Je renverse un peu de ma bière sur le chemin parce qu’elle était à raz bord. Je m’essuie la main sur mon jeans. Y’a quelqu’un qui commence à jouer à ce moment là sur scène et ça me fait rire que ce soit une reprise de Ed Sheeran. Perfect. La chanson qu'on entend à tous les mariages depuis 2017.

« Des fois j’ai l’impression qu’il est l’unique chanteur sur cette planète tellement tout le monde reprends ses chansons. Ed Sheeran et Coldplay. » Heureusement on est assez loin de la scène pour pas que la personne qui joue ne m’entende. Je crois que je vais mourir s’il fait une deuxième chanson et que c’est effectivement Coldplay. « T’es passée derrière le micro depuis que tu viens ? » C’est tellement plus simple de faire ça quand vient seul, on connait personne. Faut juste en plus avoir la chance qu’il n’y ait pas des personnes qui ouvertement grimaces à notre prestation aux bords de la scène. Ou alors faut fermer les yeux, ça c’est ce que je fais généralement. Je bois un peu de ma bière en regardant Kelly, curieux de voir si elle a foulé sur les planches de la scène ouverte.

Elle ne s’imaginait pas que Kane puisse venir dans ce bar après tout ce temps et ne pas passer derrière le micro pour marquer son grand retour. Kelly pensait qu’il n’hésiterait pas une seule seconde, d’autant que la place était libre et que les amateurs ne se bousculaient pas au portillon. Pourtant le jeune homme avait l’air incertain. « Je sais pas. J’étais pas parti pour mais si y’a pas grand monde qui joue pourquoi pas. Faudra juste que je me décide rapidement sur quoi chanter si jamais… » Loin d’être le même genre de jukebox humain que Kane, Lee n’avait pas le moindre répertoire musical à elle et ne se voyait donc pas suggérer un titre ou deux. La musique, elle avait appris à en aimer les sensations, mais ses goûts continuaient de se résumer par la soupe servie à la radio. “Tu trouveras, j’en suis sûre.” lui assurait-elle avec un sourire franc. Il dégainera l’un de ces groupes qu’elle ne connaissait pas, un titre parfaitement inconnu, il y apposera sa jolie voix et le tour sera joué. Il avait du talent, Kane. C’était simple pour lui.

Tandis qu’ils emportèrent leurs boissons, une fois servis, la place vacante derrière le micro fut prise par un chanteur que Kelly estimait dans la vingtaine. Un courageux. Le morceau qu’il entama, elle le connaissait. Comme le soulignait Kane, cela faisait partie de ces titres récurrents durant ce genre de soirées. « Des fois j’ai l’impression qu’il est l’unique chanteur sur cette planète tellement tout le monde reprends ses chansons. Ed Sheeran et Coldplay. » La brune haussa les épaules. A voir les demoiselles dans le bar, le regard rivé vers la petite scène, papillonnant des cils en direction de l’artiste amateur et son jeu de guitare efficace, elle songeait qu’il y avait une bonne raison pour que certaines musiques reviennent, encore et encore. “On a beaucoup entendu, hm… comment ça s’appelle déjà…” L’australienne se pinça les lèvres au cours de son intense concentration, fouillant dans sa mémoire. Elle l’avait sur le bout de la langue. Cela lui revint en quelques secondes. “Ah, oui, Taylor Swift.” De là à dire que Lee appréciait les chansons en question, elle n’en savait trop rien.

« T’es passée derrière le micro depuis que tu viens ? » demanda Kane arborant une belle moustache de mousse de bière à son insu. La réponse était sans équivoque ; “Oh non. Non, non. Jamais. Et je n’y compte pas du tout.” La brune secouait vivement la tête en parfaite illustration de son propos. Se jeter dans la gueule du loup, là-bas, sous les projecteurs, ce n’était pas pour elle. “J’ai une voix de crécelle, elle reprit. Je viderais le bar de ses clients et on me ferait payer le manque à gagner. Ma douche est mon temple.” Le regard des autres, leur jugement, la terrifiait. Elle se connaissait assez pour savoir que si l’audience ne validait pas assez sa prestation, alors elle serait capable de complètement laisser tomber la guitare. Elle devait être parfaite dans tout ce qu’elle faisait et n’avait donc pas de temps à perdre avec les disciplines dans lesquelles elle s’avèrerait médiocre. Mieux valait donc qu’elle garde ce jardin secret pour elle seule.

“Tu trouveras, j’en suis sûre.” J’en suis sûr aussi, même si ça finira par des ’j’aurai dû chanter celle là plutôt’ à la fin de la soirée. J’ai toujours envie de chanter tout mais en même temps je me mets des stop quand il s’agit de mes propres chansons. Se mettre à nu à ce point là c’est pas évident. J’essaie. Je me monte la tête depuis mon retour et toutes les possibilités de ce que je peux faire avec ces six mois libres. Sur le papier je m’en sens capable. La vérité est toute autre. Alors comme ceux qui passent sur scène et que je juge pas si silencieusement, je vais me contenter d’une chanson d’un autre. “On a beaucoup entendu, hm… comment ça s’appelle déjà…” Je détourne les yeux de la scène pour donner mon attention à Kelly qui est en pleine reflexion. “Ah, oui, Taylor Swift.” J’hoche la tête.  « Ah ouais elle est partout elle aussi. » Ouais, même combat que pour Ed Sheeran. En plus de tout je l’associe grandement à mon ex fiancée, Wendy. Taylor Swift n’est plus véritablement parmi mes choix de prédilection. Certains souvenirs de ma vie ont eu le don de gâcher beaucoup d’artistes que j’aimais. En plus pour boucler la boucle, c’est une chanson de Taylor Swift en duo avec Ed Sheeran que j’associais le plus à Wendy et moi. Oh douce illusion. Elle n’aura pas été mon endgame. Je ne préfère pas commenter sur la Swifty. Plus intéressant de savoir si Kelly a chanté quelque chose sur scène en mon absence. “Oh non. Non, non. Jamais. Et je n’y compte pas du tout.” Oh ? Je m’attendais véritablement pas à cette réponse. “J’ai une voix de crécelle Je fais tout autant « non » de la tête qu’elle, tout en ayant un sourire doux sur mes lèvres. Je ne veux pas la croire.Je viderais le bar de ses clients et on me ferait payer le manque à gagner. Ma douche est mon temple.” Mais elle insiste et je comprends bien que c’est une véritable peur qu’elle a.

« Ah si c’est pour le bien du bar. Je ne vais pas insister. » Je plaisante même s’il est vrai que ce bar a une place particulière pour moi et je n’ai pas envie de le voir fermer. Je sais ce que c’est d’être terrifié d’une chose et d’avoir les autres qui te soutienne que c’est pas grand chose. Non. C’est bien plus que ça, mais ils ne comprennent pas et je ne sais pas non plus l’expliquer. « Je pense qu’on mérite une tournée gratuite pour épargner la fermeture de l’établissement. » Que je suis lourd d’insister là dessus mais ça me fait rire et je suis très près de mes sous depuis que je n’ai pas de rentrée d’argent de part mon année sabbatique. Je le vis pas bien du tout nope même si j’ai de l’argent. Pas mal d’argent même. C’est psychologique.  « Qu’est ce que j’ai loupé dans le coin depuis… » Je marque une brève pause ne sachant même pas retrouver quand était mon dernier passage ici. « Wow heu… Depuis novembre ? Décembre? Octobre !??? » Plus j’énumère les mois probable plus je me rends compte que c’est sûrement octobre en fait. J’en sais rien du tout. La fin de l’année dernière était chaotique. Je ne saurais même pas dire quand était la dernière fois que j’ai vu Kelly. Comme si 2019 était un flou total. Définitivement une année que je voudrais pouvoir effacer en un claquement de doigt. « Comment est-ce que 2020 te traite ? » Ou comment lui demander des nouvelles d’elle spécifiquement plutôt que du canvas et de leurs soirées open mic du mardi soir. Ca fait quand même plaisir de voir que certaines choses ne changent pas malgré les tempêtes qu’on peut traverser. Bizarrement je bois une plus grande gorgée de mon verre et il risque d’y avoir besoin d’une nouvelle tournée sous peu si je continue à ce rythme là.

Si Kane avait le moindre espoir de faire chanter Kelly sur cette scène, le pauvre jeune homme se mettait le doigt dans l’oeil jusqu’au coude. Elle rendit les raisons de son refus très claires et, heureusement, elle ne rencontra aucune insistance. De toute manière, il n’y avait rien d’amusant à forcer qui que ce soit à faire quelque chose contre son gré. « Je pense qu’on mérite une tournée gratuite pour épargner la fermeture de l’établissement. » lançait le pompier avec légèreté, faisant délicatement rire Lee. A dire vrai, après ce second verre de vin, la brune allait devoir passer à l’eau si elle espérait pouvoir rentrer chez elle sans risquer qu’on lui colle une amende en chemin. “Si je chante pour le manager il deviendra certainement de ton avis.” renchérit-elle. Un concert privé de charité ; une preuve du bien qu’elle faisait à l’établissement en ne se rendant jamais derrière le micro en échange d’une récompense pour ce comportement si responsable. L’idée était séduisante.

Passant à autre chose, bien entendu ce fut l’éternel couplet de toutes retrouvailles après une longue absence qui eut droit à son tour dans la conversation. « Qu’est ce que j’ai loupé dans le coin depuis… Wow heu… Depuis novembre ? Décembre? Octobre !??? » Oui, bien des mois les séparait de la dernière fois qu’ils s’étaient vus. Pourtant, Lee fut surprise d réaliser cet écart ; elle n’avait pas l’impression que Kane s’était exilé aussi longtemps. “Je ne savais pas que le temps passait différemment à l’autre bout du globe, tu m’as l’air d’en avoir perdu toute notion.” le taquinait-elle. Elle le pouvait bien ; là-bas, on ne cessait de se moquer des australiens en prétendant qu’ils vivaient la tête à l’envers. « Comment est-ce que 2020 te traite ? » il demanda finalement. La brune se retrouva à effectuer un inventaire mental des événements depuis le début de l’année. Elle rechignait systématiquement à trop parler d’elle, étaler ses tracas, vanter ses réussites. Elle était réservée et discrète de nature, et préférait peu en dire plutôt que trop. “Oh, je… Il n’y a vraiment pas grand-chose à en dire, pour être honnête. Juste le boulot et…” Les amours ? Le néant. Ses hobbies ? Il s’en fichait sûrement. “Tu sais. La routine.” conclut-elle en haussant les épaules.

Sauf que rien n’avait été routinier dans ce début d’année, elle le réalisait seulement. Jamais Kelly ne prenait véritablement le temps de se pencher sur ses propres sentiments. Et pourtant, en survolant les événements dans sa tête, elle réalisa qu’elle accumulait une certaine fatigue, une usure. “Ca a été un peu éprouvant, en vrai, à cause des incendies…” elle confessa finalement, triturant son verre entre ses doigts. “Chad a été blessé à cause du feu, puis son frère a eu un accident de voiture…” Bien des signaux pointaient sur une vérité qu’elle avait choisi d’ignorer ; la vie était un aller simple qu’elle avait pris pour acquis. Depuis son divorce, Lee s’était plongé la tête dans le sable. Elle laissait le temps filer, passive, sans chercher à se remettre en selle, sans savoir ce qu’elle voulait faire de la suite de son existence. Elle avait juste tout laissé en suspens. “...Eeeeeet je viens de ruiner l’ambiance, je suis vraiment désolée.”

“Si je chante pour le manager il deviendra certainement de ton avis.” Je la crois sur parole. On n’ira pas la faire chanter. J’en prends bonnes notes pour les prochaines fois où nous nous retrouverons ici même. Parce que oui, je suis sûr qu’il y en aura d’autres. Elle a l’air de faire parti des habitués à présent. Je me demande si les autres l’ont embêté certains soirs, comme ils nous avaient bien taquiné. Je m’en souviens comme si c’était hier. Ils chantent bien mais y’a une raison pour laquelle je ne les vois que les mardis soirs au Canvas. Quoi qu’il en soit, Kelly n’a pas l’air traumatisé car elle est de retour. Je conclus donc ce monologue intérieur en me disant qu’ils l’ont laissé tranquille. “Je ne savais pas que le temps passait différemment à l’autre bout du globe, tu m’as l’air d’en avoir perdu toute notion.” Elle me fait sourire avec ce commentaire. Oui, j’ai perdu la notion du temps et j’en suis un peu gêné visiblement. Je peux sentir mes joues commencer à me chauffer. Y’a rien de honteux. Je sais, mais pour une raison que j’ignore, mon corps aime bien me montrer vulnérable aux yeux de tous. Alors j’enchaine pour ne pas s’attarder sur mon amnésie partielle. “Oh, je… Il n’y a vraiment pas grand-chose à en dire, pour être honnête. Juste le boulot et… Tu sais. La routine.” J’hoche la tête. Je sais pas trop la routine qu’elle a mais je me souviens qu’elle bosse dans le vin. Je bois une gorgée de mon verre alors qu’elle reprend la parole. “Ca a été un peu éprouvant, en vrai, à cause des incendies…” Punaise ces incendies… Ils m’ont hanté alors que je venais de poser un pied en UK. Comme si l’Australie avait décidé de s’embraser après. Sinon c’est sûr que j’aurai reculé mon départ pour aider mes collègues. Mais c’était trop tard et je l’ai plutôt mal vécu. “Chad a été blessé à cause du feu, puis son frère a eu un accident de voiture…” J’ai eu vent de certaines fatalité mais pas à propos de Chad.

“...Eeeeeet je viens de ruiner l’ambiance, je suis vraiment désolée.”
« Non… C’est rien. Enfin… C’est pas rien les incendies. Ça me dérange pas d’en parler. »

J’aime tellement pas que mes mots puissent être mal interprétés que je me justifie bien trop des fois. « J’étais pas là pendant les incendies… » Vu mon état du moment c’était vraiment la meilleure chose qui pouvait m’arriver. J’étais vraiment pas bien et je suis presque sûr que j’aurai pu y laisser ma vie plus ou moins volontairement. Drama queen. Ça aurait fait de moi un héros peut être ?  « Ca a dû être dur de vivre tout ça directement ici… J’étais à l’autre bout de la planète et c’était déjà pas simple… » J’ai presque envie de nous commander des shots pour palier à ce passage déprimant de la soirée. Mais c’est du passé, maintenant tout va bien non ? « Comment va Chad ? Et son frère ? » Je ne connais pas cette personne mais c’est la famille de Kelly plus ou moins et j’espère que tout s’est bien terminé pour elle. Je sais pas si j’enfonce pas plus le couteau dans la plaie si jamais la finalité est des plus tristes. J’ai envie d’ajouter qu’elle est pas obligé de répondre mais… j’ai vraiment envie d’avoir ces informations là. Je pensais pas à eux mais maintenant que je sais qu’ils ont eu des accidents, je suis inquiet en différé. « On m’a pas donné de détails à la caserne quand j’y suis allé. Je pense que c’est un sujet bien trop sensible pour beaucoup encore. » Encore je me justifie.

Elle se maudissait intérieurement, Kelly, d’avoir mis sur la table un sujet aussi sensible et déprimant que celui des incendies qui avaient ravagé une partie du pays ; cela n’était pas le genre de conversation adéquate pour des retrouvailles avec un ami. Elle ne savait même pas pourquoi elle n’avait pas su garder cette pensée pour elle, se contenter du baratin habituel à propos de son quotidien comme si elle n’avait jamais rien à raconter qui soit digne d’intérêt. Kane était probablement au courant, il avait été pompier dans cette ville et le drame avait fait le tour du monde, comme le feu du poumon de la terre avant eux. « Ca a dû être dur de vivre tout ça directement ici… J’étais à l’autre bout de la planète et c’était déjà pas simple… » répondait-il, assez aimable pour ne pas blâmer Lee d’agiter ce souvenir ni pour l’esquiver. Même s’il n’était pas présent, le jeune homme avait vu son pays brûler ; elle n’imaginait pas le sentiment d’impuissance qu’il avait pu ressentir, à ne voir que les images sur le petit écran de la télévision, ses camarades se battant contre les flammes sans lui. “Comment ils ont réagi, à Londres ?” elle demanda, curieuse. S’étaient-ils ému du sort des forêts, des animaux, des pompiers ? Avaient-ils saisi l’ampleur du désastre depuis l’autre bout du monde ? Ou bien zappaient-ils, dans un soupir las, pour revenir sur leur télé réalité de fin de journée ?

« Comment va Chad ? Et son frère ? » Plus de peur que de mal, dans un cas comme dans l’autre. Son ex-mari n’avait pas été sérieusement blessé, et Amos, lui, s’en était sorti avec un bras cassé -ce qu’elle appelait un moindre mal. “Ils vont bien, merci.” fit-elle avec un sourire sans se permettre d’entrer dans tous ces assommants détails. “Chad s’est particulièrement fait mousser à l’hôpital pendant qu’on s’occupait de lui.” Kelly ne lui avait pas fait le plaisir de se montrer aussi attentionnée et clémente avec lui. Leur confrontation au Saint-Vincent n’avait rien arrangé à leur situation, et ils ne s’étaient pas revus depuis. Elle s’y habituait, à son absence, à l’effacer de sa vie. Il était presque aisé de lui en vouloir, de le détester, alors qu’elle s’était toujours promis de ne pas entacher leur histoire de ce genre d’amertume -avant qu’il admette avoir menti et tenté de lui faire porter le chapeau de ce choix. Qu’elles étaient sottes, les infirmières qui s'égosillaient de soigner un pompier. « On m’a pas donné de détails à la caserne quand j’y suis allé. Je pense que c’est un sujet bien trop sensible pour beaucoup encore. » reprit Kane. Kelly, elle, leur avait déposé une flopée de brownies mais avait gardé ses distances depuis. Depuis que les choses avaient tourné au vinaigre avec son ex-mari, elle n’avait plus de raison de se rendre à la caserne. Elle avait restreint les contacts avec les autres épouses de pompier également. “Ils ont perdu des collègues, je crois que le temps ne suffira pas à passer à autre chose cette fois.” Bien que la mort était une éventualité à laquelle ils étaient préparés, personne ne pouvait faire du deuil une simple habitude. Lee esquissa un léger sourire, un brin triste. Puis son regard se posa sur la scène où le chanteur précédant abandonnait la guitare sous quelques applaudissements distraits. Elle ne l’avait même pas vraiment entendu chanter -ce qui signifiait qu’il n’était sûrement pas si bon. “Le micro s’est libéré, c’est ta chance.” dit-elle à Kane, clôturant ainsi le sujet des incendies.

“Comment ils ont réagi, à Londres ?”
« Ca a fait les gros titres. Beaucoup ont collecté de l’argent pour aider. »

J’ai fait des dons aussi de mon côté. Je prenais des nouvelles de mes amis qui vivent dans les environs touchés par les feux. Je savais pas quoi faire, alors j’ai écrit des chansons avec des potes que je me suis fait au cours d’une soirée via d’autres potes. Gardant un oeil sur ce qu’il se passait down under au fil des mois. Jusqu’à ce que ça soit plus qu’un triste souvenir. “Ils vont bien, merci.” Une bonne nouvelle au milieu de tous ces sombres souvenirs. Je suis content de savoir qu’il n’y a pas eu de fatalité dans la famille de Kelly. Là oui ça aurait réellement plomber l’ambiance. J’aurai peut être réussi à la consoler mais c’est pas sûr du tout. Peut être en chanson. Peut être. “Chad s’est particulièrement fait mousser à l’hôpital pendant qu’on s’occupait de lui.” L’uniforme ça aide. Tous les jours je remercie d’avoir au moins ça. Parce que visiblement, j’ai pas grand chose d’autre dans ma vie. Ah si. Ma voiture, et mes cheveux. “Ils ont perdu des collègues, je crois que le temps ne suffira pas à passer à autre chose cette fois.” J’ai eu vent de certains noms, mais il y en a eu plus encore. Je ne les connaissais pas vraiment, mais on se croisait de temps en temps et ça me rend triste de savoir qu’ils ne seront plus là la prochaine fois que je reprendrais du service. Je repasse la phrase de Kelly dans ma tête et ça me fou un coup la façon dont elle a dit ça. On dit toujours que le temps aide pour tout mais pas cette fois. Ca me rend encore plus triste. Peut être qu’ils seraient pas mort si j’avais été là ? Faut vraiment que j’arrête avec les si, ça m’aide pas. Ses paroles me laissent pensif et j’essaie de trouver quelque chose à dire pour relancer la conversation. “Le micro s’est libéré, c’est ta chance.” Ma tête se lève d’un coup vers la scène que j’avais totalement oublié.

Deux choses dans ma tête. Est-ce que y’a personne qui veut prendre le micro plus que moi ? Toujours personne là. Qu’est ce que je chante ? Ca se trouve ça. Je fais une moue pensive.  « Okay… » Je me lève sans réfléchir plus longtemps à la première de mes questions, et me focalisant sur la deuxième. Une flopée de chansons déprimante à souhait me viennent en tête et je ne sais pas si c’est une bonne idée de partir là dessus. C’est thérapeutique. C’est ce qu’on dit… C’est vrai. Je jette un coup d’oeil à Kelly qui me regard avec de grands sourires d’encouragements. Ca m’aide. Je me décide sur une chanson de Paramore. Hard Times. Je prends la guitare qui est à disposition sur la scène. Je l’accorde et je me lance sans aucune introduction parce que je sais que je vais dire n’importe quoi, que personne va m’écouter de toute façon. Au moins la musique ça va les bercer… Moi ça me fait du bien en tout cas. J’espère que ça sera le cas pour certains autres dans l’audience. Pour Kelly qui a vécu des moments pas simple aussi avec Chad blessé. Comme à mon habitude, je joue les yeux fermés tout le long et je mets quelques secondes à la fin avant de me sortir de ma bulle. Je fais un sourire aux quelques paires d’yeux qui sont sur moi.

Je me lève pour retourner à ma table. Je me sens pas de chanter une de plus. Celle là était très bien. C’est rare que je sois satisfait de mes choix, alors je ne pousse pas plus loin. « Merci. » Que je dis à Kelly une fois m’être assis de nouveau avec elle. Merci de m’avoir pousser à y aller maintenant. Ca m’a véritablement fait du bien. Ca faisait longtemps que je n’avais pas chanté ici. J’avais oublié combien j’aimais ça. « Tu reviens mardi prochain ? » Parce que j’aime sa compagnie et savoir qu’elle sera là me donnera encore plus envie de revenir. Que des bonnes ici en ces mardis soirs. Ca fait du bien.

Spoiler:

Elle n’avait pas réalisé à quel point les mois passés n’avaient pas été cléments avec elle, pas avant d’énumérer les récents événements à Kane. Lee avait ce don de regarder dans l’autre direction que celle de ses problèmes, de tous les glisser sous le tapis comme des boules de poussière en sifflotant comme si de rien n’était. Elle arrangeait ses cheveux, lissait sa robe, additionnant les petites habitudes, pour ne pas dire les tics qui entretenaient l’éternelle façade qu’elle arborait. Il y avait une fatigue en elle, une usure, elle en avait conscience désormais. Elle l’avait toujours su en réalité, mais le taire et l’ignorer était un réflexe si bien ancré. Elle avait besoin de changement, de se chercher, de se trouver. Et de réunir le courage de s’en donner les moyens. Accepter que les choses n’allaient pas aussi bien qu’elle voulait le prétendre était un premier pas dans une direction qu’elle savait être la bonne. Regarder dans les yeux l’impact des révélations de Chad sur elle, son accident, son inquiétude pour Amos, sa part de culpabilité par rapport à sa filleule, sa jalousie vis-à-vis de sa cousine, ses vains espoirs concernant son voisin ; ce n’était rien de facile, mais comme on le lui avait dit, il n’y avait qu’elle pour faire ce travail. Ses pensées vagabondaient et refaisaient le film de ces derniers mois, sur le rythme de la chanson choisie soigneusement par Kane. Lee souriait, battait du pied, tapotait le bout de ses doigts sur la table. Même sa tête dodelinait délicatement. Elle appréciait le paradoxe de la mélodie entêtante sur ces mots emprunts de dépit, il y avait étrangement de l’espoir dans la manière que ceux-ci avaient de décrire la sensation de toucher le fond, de ne pas trouver d’issue et de se fatiguer à la tâche. Elle sentait l’optimisme de la chanson, ce rappel que les choses, même les pires, étaient temporaires, juste un mauvais moment à passer. Elle était solide, Kelly, plus qu’elle ne le réalisait elle-même, mais ce soir-là cette musique regonfla son coeur du courage de continuer à chercher sa propre voie. Kane s’arrêta là sous quelques applaudissements -dont les siens. Lee l'accueillit à la table avec un large sourire, revigorée. “Tu as vraiment une jolie voix.” fit-elle, même si elle le lui avait déjà répété plusieurs fois. Elle prit une gorgée de bière, notant au passage qu’elle arrivait à la fin de son verre. « Tu reviens mardi prochain ? » demanda le jeune homme, ce qui sonnait comme une invitation pour elle. “Bien sûr, elle assura. Et le mardi d’après, et le suivant…” Comme cela était le cas depuis quelques temps. Et si Kane souhaitait se joindre à son rituel, elle l’acceptait avec plaisir dans ses pérégrinations, autour d’un verre ou deux, et d’une chanson.